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37 pratique thérapeutique Actualités pharmaceutiques n° 504 Mars 2011 Pour combattre un trouble anxieux généralisé, le pharmacien d’officine dispose d’un certain nombre de thérapeutiques, spécifiques à chaque symptôme. En cas d’attaque de panique, l’arsenal thérapeutique est réduit, mais il existe. Étiologie de ces troubles et liste des traitements associés. L es troubles anxieux regroupent les troubles anxieux généralisés, se manifestant différemment selon les personnes, et les crises aiguës d’anxiété ou attaques de panique. Ces troubles doivent être pris très au sérieux car ils entraînent des symptômes qui peuvent, pour certains, s’avérer mortels comme la crise cardiaque. Le trouble anxieux généralisé Le trouble anxieux généralisé est une patho- logie fréquente qui touche 1 à 6 % de la population générale avec un sex-ratio de deux en faveur des femmes. Définition Le trouble anxieux généralisé se définit par la présence d’une anxiété exces- sive, permanente, des ruminations et appréhensions concernant plusieurs domaines de la vie sociale, affective ou professionnelle. Classiquement, les sujets souffrant d’une anxiété généralisée s’inquiètent constamment, et de manière exagérée, pour leur situation profession- nelle, médicale, financière… L’anxiété est sans objet spécifiquement déterminé, accompagnée d’un sentiment de tension interne, de nervosité et d’une hypervigilance. Peuvent également être retrouvés une asthénie, des troubles du sommeil et la sensation d’être « à bout ». Le trouble, ainsi défini, est installé depuis plus de 6 mois. Prise en charge La prise en charge du trouble anxieux généralisé fait appel à plusieurs traitements. Des traitements de fond : inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (IRS), inhibiteur de la recapture de la séro- tonine et de la noradrénaline (IRSNa). Des anxiolytiques : benzodiazépines, buspirone, prégabaline. Des traitements psychothérapeutiques. Bon usage des médicaments Les antidépresseurs représentent la base du traitement de fond du trouble anxieux généralisé. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la nora- drénaline sont les deux classes médicamen- teuses privilégiées. Quatre molécules ont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication. Ce sont l’escitalopram et la paroxétine pour les IRS, la venlafaxine et la duloxétine pour les IRSNa. L’escitalopram et la paroxétine ont un délai d’action de 2 à 4 semaines. Ils sont globalement bien tolérés avec néanmoins possibilité de survenue de problèmes gastro-intestinaux en début de traitement, de troubles sexuels (éjaculation précoce) et de céphalée frontale. La venlafaxine et la duloxétine (IRSNa) ont un délai d’action de 1 à 3 semaines. Les effets indésirables les plus fréquents sont des retentissements digestifs, une fatigue et des troubles du sommeil. En cas d’inefficacité ou d’efficacité insuf- fisante des antidépresseurs, la posologie peut être augmentée, de manière progres- sive en fonction de la tolérance, toutes les semaines pour les IRS et toutes les deux semaines pour les IRSNa jusqu’à la posologie minimale efficace. La buspirone est un agoniste 5-HT1a efficace au bout de 10 jours de traite- ments en moyenne. Elle est, la plupart du temps, correctement tolérée bien que quelques troubles digestifs et sensations vertigineuses puissent apparaître. Les benzodiazépines constituent un traitement d’appoint du trouble anxieux généralisé en raison d’un risque de surconsommation et de dépendance. Ainsi, la durée totale de prescription est de 12 semaines, bien que leur prise ne doive pas excéder 2 à 3 semaines. L’initiation est progressive afin d’évaluer l’efficacité et la tolérance du traitement. Son arrêt se fait également de manière progressive en réduisant en moyenne les doses d’un quart toutes les semaines. La prégabiline est, à la base, un anti- épileptique proche de la gabapentine. Il s’agit d’un agoniste gabaergique dont l’efficacité est en général immédiate et avec lequel aucune dépendance n’est à redouter. Les effets indésirables rapportés sont des étourdissements, une somnolence et des troubles digestifs bénins. La durée minimale d’un traitement est de 6 mois (classiquement de 6 à 12 mois). La posologie doit ensuite être diminuée de manière progressive afin d’éviter tout syndrome de sevrage (benzodiazépines) et de rechute. Classiquement, il est proposé une réduction mensuelle de 25 % mais ceci doit être évalué au cas par cas. L’efficacité des antidépresseurs peut être évaluée après 2 à 3 semaines de traitement, puis réévaluée toutes les 4-6 semaines une fois la posologie minimale trouvée. Évolution de la maladie L’évolution peut être diverse : chroni- cisation, avec retentissement social et professionnel important, dépression ou Prise en charge des troubles anxieux généralisés et aigus © Fotolia.com/Berchtesgaden Conseils au patient anxieux Avoir une activité physique quotidienne.

Prise en charge des troubles anxieux généralisés et aigus

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37 pratique

thérapeutique

Actualités pharmaceutiques n° 504 Mars 2011

Pour combattre un trouble

anxieux généralisé,

le pharmacien d’officine

dispose d’un certain nombre

de thérapeutiques, spécifiques

à chaque symptôme. En cas

d’attaque de panique, l’arsenal

thérapeutique est réduit, mais il

existe. Étiologie de ces troubles

et liste des traitements associés.

Les troubles anxieux regroupent les troubles anxieux généralisés, se manifestant différemment selon les

personnes, et les crises aiguës d’anxiété ou attaques de panique. Ces troubles doivent être pris très au sérieux car ils entraînent des symptômes qui peuvent, pour certains, s’avérer mortels comme la crise cardiaque.

Le trouble anxieux généraliséLe trouble anxieux généralisé est une patho-logie fréquente qui touche 1 à 6 % de la population générale avec un sex-ratio de deux en faveur des femmes.

Définition

Le trouble anxieux généralisé se définit par la présence d’une anxiété exces-sive, permanente, des ruminations et appréhensions concernant plusieurs domaines de la vie sociale, affective ou professionnelle. Classiquement, les sujets souffrant d’une anxiété généralisée s’inquiètent constamment, et de manière exagérée, pour leur situation profession-nelle, médicale, financière… L’anxiété est sans objet spécifiquement déterminé, accompagnée d’un sentiment de tension interne, de nervosité et d’une hypervigilance. Peuvent également être retrouvés une asthénie, des troubles du sommeil et la sensation d’être « à bout ». Le trouble, ainsi défini, est installé depuis plus de 6 mois.

Prise en charge

La prise en charge du trouble anxieux général isé fait appel à plusieurs traitements. Des traitements de fond : inhibiteur

sélectif de la recapture de la sérotonine (IRS), inhibiteur de la recapture de la séro-tonine et de la noradrénaline (IRSNa). Des anxiolytiques : benzodiazépines,

buspirone, prégabaline. Des traitements psychothérapeutiques.

Bon usage des médicaments

Les antidépresseurs représentent la base du traitement de fond du trouble anxieux généralisé. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la nora-drénaline sont les deux classes médicamen-teuses privilégiées. Quatre molécules ont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication. Ce sont l’escitalopram et la paroxétine pour les IRS, la venlafaxine et la dulo xétine pour les IRSNa. L’escitalopram et la paroxétine ont un délai d’action de 2 à 4 semaines. Ils sont globalement bien tolérés avec néanmoins possibilité de survenue de problèmes gastro-intestinaux en début de traitement, de troubles sexuels (éjaculation précoce) et de céphalée frontale.La venlafaxine et la duloxétine (IRSNa) ont un délai d’action de 1 à 3 semaines. Les effets indésirables les plus fréquents sont des retentissements digestifs, une fatigue et des troubles du sommeil.En cas d’inefficacité ou d’efficacité insuf-fisante des antidépresseurs, la posologie peut être augmentée, de manière progres-sive en fonction de la tolérance, toutes les semaines pour les IRS et toutes les deux semaines pour les IRSNa jusqu’à la posologie minimale efficace. La buspirone est un agoniste 5-HT1a

efficace au bout de 10 jours de traite-ments en moyenne. Elle est, la plupart du temps, correctement tolérée bien que quelques troubles digestifs et sensations vertigineuses puissent apparaître.

Les benzodiazépines constituent un traitement d’appoint du trouble anxieux généralisé en raison d’un risque de surcon som ma tion et de dépendance. Ainsi, la durée totale de prescription est de 12 semaines, bien que leur prise ne doive pas excéder 2 à 3 semaines. L’initiation est progressive afin d’évaluer l’efficacité et la tolérance du traitement. Son arrêt se fait également de manière progressive en réduisant en moyenne les doses d’un quart toutes les semaines. La prégabiline est, à la base, un anti-

épileptique proche de la gabapentine. Il s’agit d’un agoniste gabaergique dont l’efficacité est en général immédiate et avec lequel aucune dépendance n’est à redouter. Les effets indésirables rapportés sont des étourdissements, une somnolence et des troubles digestifs bénins. La durée minimale d’un traitement est

de 6 mois (classiquement de 6 à 12 mois). La posologie doit ensuite être diminuée de manière progressive afin d’éviter tout syndro me de sevrage (benzodiazépines) et de rechute. Classiquement, il est proposé une réduction mensuelle de 25 % mais ceci doit être évalué au cas par cas.L’efficacité des antidépresseurs peut être évaluée après 2 à 3 semaines de traitement, puis réévaluée toutes les 4-6 semaines une fois la posologie minimale trouvée.

Évolution de la maladie

L’évolution peut être diverse : chroni-cisation, avec retentissement social et professionnel important, dépression ou

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consommation de substances psycho-actives générant une dépendance.

La crise d’angoisse aiguë et les attaques de paniqueLes attaques de panique se définissent comme une période bien délimitée de crainte ou de malaise intense comportant plusieurs symptômes. Des symptômes psychiques : peur,

angoisse voire terreur ; parfois déperson-nalisation (la personne se sent détachée d’elle-même) ou déréalisation (irréalité du monde environnant) ; pensées catastrophi-ques (peur de faire une crise cardiaque, de devenir fou, de mourir). Des symptômes physiques pouvant

toucher tous les systèmes : sphères respi-ra toi re, digestive et cardiaque (troubles du rythme). Des symptômes généraux comme

des sueurs, des bouffées de chaleur, une augmentation de la pression artérielle, des paresthésies, des vertiges, des secousses musculaires... Des symptômes comportementaux

tels que la fuite, l’agitation, l’inhibition ou la sidération.Les attaques de panique peuvent surve-nir n’importe où et dans n’importe quelle situation.

Étiologies

Les étiologies sont diverses. Toxiques :

– consommation d’alcool ;– consommation de cannabis (+++) ;– consommation de cocaïne ;

– médicaments, les plus fréquemment impliqués étant les anticholinergiques, les dérivés nitrés, les hormones thyroïdiennes, les corticoïdes, la théophylline, également le sevrage en alcool ou en benzodiazépines. Somatiques :

– cardiovasculaire (infarctus du myocarde, angor, troubles du rythme, hypertension artérielle) ;– pulmonaire à type d’embolie pulmo-naire (+++), d’asthme ;– neurologiques (épilepsie temporale, migraine, vertiges, accident ischémique transitoire) ;– endocriniennes (problèmes thyroïdiens). Psychiatriques :

– phobies spécifiques (claustrophobie, agoraphobie +++) ;– état dépressif majeur ;– psychoses schizophréniques, bouffée délirante aiguë ;– angoisse devant une situation extrême (décès, agression) ;– trouble panique (+++).

Évolution

Le début de l’attaque est brutal, les symp-tômes augmentent rapidement, en une dizaine de minutes, tandis que la résolu-tion est lente. La durée de l’épisode, qui peut aller de quelques minutes à quelques heures, est en moyenne de 20 à 30 minu-tes. Il persiste ensuite une grande fatigue et/ou une émotivité exacerbée.

Signes de gravité

Les signes de gravité de l’attaque de pani-que sont somatiques ou psychiatriques.

Un risque de raptus suicidaire ou d’hétéro-agressivité, une sidération anxieuse, la répétition des crises ou une pathologie psychiatrique associée (schizophrénie, addiction) imposent une hospitalisation en milieu psychiatrique.

Prise en charge

Sans préjuger d’une éventuelle cause organique, il est nécessaire de faire comprendre au patient l’origine psycholo-gique de ses troubles somatiques (tachy-cardie, sueur, douleurs …). Par ailleurs, il faut tenter de défocaliser son attention des menaces ressenties. Il doit être allongé, les épaules, les bras, les mains et les jam-bes détendus. Il convient de lui faire adop-ter une respiration lente et abdominale, de façon à éviter l’hypercapnie.Les médicaments (benzodiazépines) intervien-nent ensuite : diazépam (5 à 10 mg per os) ou alprazolam (0,25 à 0,50 mg per os).

ConclusionLes troubles anxieux généralisés et les crises de panique sont des pathologies qui ne doivent pas être sous-estimées. Le pharmacien d’officine doit en connaître les symptômes et maîtriser la conduite à tenir pour bien orienter le patient. �

François Pillon

Pharmacien, Dijon (21)

[email protected]

Le trouble panique associe :

L’agoraphobie peut l’accompagner.

un train ou une voiture.

Le trouble panique

Les situations extrêmes

situation proche ou identique.