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DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE Prise en charge des tumeurs neuroendocrines de lintestin grêle Management of neuroendocrine tumours of the small bowel T. Walter · J. Forestier · C. Lombard-Bohas © Springer-Verlag France 2014 Résumé La prise en charge dune tumeur neuroendocrine bien différenciée de lintestin grêle doit être double : contrôler le syndrome sécrétoire sil est présent (syndrome carcinoïde associant flushs et diarrhée, en présence de lésions secondai- res hépatiques le plus souvent) et proposer un traitement anti- tumoral. Le contrôle de ce syndrome sécrétoire, prioritaire dans la hiérarchie thérapeutique, passe par la prescription danalogues de la somatostatine. L exérèse de la tumeur pri- mitive est le seul traitement curatif des formes localisées et Les cinq points essentiels La prise en charge des TNE repose sur un diagnostic histologique relu dans le cadre du réseau TENpath et discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire spécialisée du réseau RENATEN. Le traitement dun syndrome carcinoïde (flush et diarrhée) est la priorité et repose sur les analogues de la somatostatine. L exérèse de la TNE primitive doit toujours être discutée, même en cas de maladie métastatique, afin de traiter ou prévenir une complication aigue (ischémie du grêle, syndrome occlusif). Les traitements anti-tumoraux peuvent être locaux (chirurgie, radiofréquence, embolisation hépatique) ou systémiques (analo- gue de la somatostatine, interféron, thérapie ciblée, chimiothé- rapie ou radiothérapie interne vectorisée). De nombreux essais thérapeutiques sont ouverts en France et sont à privilégier. Les cinq références essentielles Rindi (2010) WHO classification [4]. Il sagit de la dernière clas- sification OMS, dimpact pronostique majeure, et utilisée comme base de réflexion dans le choix des traitements systémiques des TNE métastatiques non résécables. Rinke (2009) [21]. Il sagit de la première étude de phase III confirmant leffet anti-tumoral dun analogue de la somatostatine dans les TNE de lintestin grêle. Dahan (2009) Endocr Relat Cancer [24]. Cette étude Française de phase III a montré que linterféron gardait une place dans le trai- tement anti-tumorale des TNE de lintestin grêle et que ces tumeurs sont peu chimiosensibles. Pavel (2011) [34]. Il sagit de la première étude de phase III mon- trant un intérêt (modéré) de lévérolimus dans les TNE de lintes- tin grêle. Elias (2010) [14]. Cette étude montre de manière très pragma- tique que le nombre de métastases hépatiques est largement sous-estimé par lensemble des moyens dinvestigation actuelle- ment disponibles, ce qui explique le large pourcentage de récidive après chirurgie hépatique pour les TNE. Ce que dit lEBM Une chirurgie de la tumeur primitive est utile à chaque fois quelle est faisable. Les analogues de la somatostatine sont la base du traitement avec une activité anti-sécrétoire et une activité anti-tumorale propre maintenant bien démontrée. L embolisation des métastases hépatiques est le traitement de référence lorsquune résection chirurgicale ou une radiofréquence hépatique ne sont pas recommandées. La radiothérapie interne vectorisée est probablement le traitement systémique le plus prometteur, mais sa place doit être validée par des études prospectives. L intérêt des thérapies ciblées (évérolimus, bévacizumab) devrait se confirmer dans les années à venir. T. Walter (*) · J. Forestier · C. Lombard-Bohas Unité doncologie digestive, Hôpital Edouard Herriot, 69437 Lyon cedex 03, France e-mail : [email protected] T. Walter Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon, 69372 Lyon cedex 08 Colon Rectum (2014) 8:10-18 DOI 10.1007/s11725-014-0508-4

Prise en charge des tumeurs neuroendocrines de l’intestin grêle; Management of neuroendocrine tumours of the small bowel;

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Page 1: Prise en charge des tumeurs neuroendocrines de l’intestin grêle; Management of neuroendocrine tumours of the small bowel;

DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE

Prise en charge des tumeurs neuroendocrines de l’intestin grêle

Management of neuroendocrine tumours of the small bowel

T. Walter · J. Forestier · C. Lombard-Bohas

© Springer-Verlag France 2014

Résumé La prise en charge d’une tumeur neuroendocrinebien différenciée de l’intestin grêle doit être double : contrôlerle syndrome sécrétoire s’il est présent (syndrome carcinoïdeassociant flushs et diarrhée, en présence de lésions secondai-res hépatiques le plus souvent) et proposer un traitement anti-tumoral. Le contrôle de ce syndrome sécrétoire, prioritairedans la hiérarchie thérapeutique, passe par la prescriptiond’analogues de la somatostatine. L’exérèse de la tumeur pri-mitive est le seul traitement curatif des formes localisées et

Les cinq points essentiels

La prise en charge des TNE repose sur un diagnostic histologique

relu dans le cadre du réseau TENpath et discuté en réunion de

concertation pluridisciplinaire spécialisée du réseau RENATEN.

Le traitement d’un syndrome carcinoïde (flush et diarrhée) est la

priorité et repose sur les analogues de la somatostatine.

L’exérèse de la TNE primitive doit toujours être discutée, même

en cas de maladie métastatique, afin de traiter ou prévenir une

complication aigue (ischémie du grêle, syndrome occlusif).

Les traitements anti-tumoraux peuvent être locaux (chirurgie,

radiofréquence, embolisation hépatique) ou systémiques (analo-

gue de la somatostatine, interféron, thérapie ciblée, chimiothé-

rapie ou radiothérapie interne vectorisée).

De nombreux essais thérapeutiques sont ouverts en France et sont

à privilégier.

Les cinq références essentielles

Rindi (2010) WHO classification [4]. Il s’agit de la dernière clas-

sification OMS, d’impact pronostique majeure, et utilisée comme

base de réflexion dans le choix des traitements systémiques des

TNE métastatiques non résécables.

Rinke (2009) [21]. Il s’agit de la première étude de phase III

confirmant l’effet anti-tumoral d’un analogue de la somatostatine

dans les TNE de l’intestin grêle.

Dahan (2009) Endocr Relat Cancer [24]. Cette étude Française de

phase III a montré que l’interféron gardait une place dans le trai-

tement anti-tumorale des TNE de l’intestin grêle et que ces

tumeurs sont peu chimiosensibles.

Pavel (2011) [34]. Il s’agit de la première étude de phase III mon-

trant un intérêt (modéré) de l’évérolimus dans les TNE de l’intes-

tin grêle.

Elias (2010) [14]. Cette étude montre de manière très pragma-

tique que le nombre de métastases hépatiques est largement

sous-estimé par l’ensemble des moyens d’investigation actuelle-

ment disponibles, ce qui explique le large pourcentage de récidive

après chirurgie hépatique pour les TNE.

Ce que dit l’EBM

Une chirurgie de la tumeur primitive est utile à chaque fois

qu’elle est faisable.

Les analogues de la somatostatine sont la base du traitement avec

une activité anti-sécrétoire et une activité anti-tumorale propre

maintenant bien démontrée.

L’embolisation des métastases hépatiques est le traitement de

référence lorsqu’une résection chirurgicale ou une radiofréquence

hépatique ne sont pas recommandées.

La radiothérapie interne vectorisée est probablement le traitement

systémique le plus prometteur, mais sa place doit être validée par

des études prospectives.

L’intérêt des thérapies ciblées (évérolimus, bévacizumab…)

devrait se confirmer dans les années à venir.

T. Walter (*) · J. Forestier · C. Lombard-BohasUnité d’oncologie digestive, Hôpital Edouard Herriot,69437 Lyon cedex 03, Francee-mail : [email protected]

T. WalterCentre de Recherche en Cancérologie de Lyon,69372 Lyon cedex 08

Colon Rectum (2014) 8:10-18DOI 10.1007/s11725-014-0508-4

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devra être discutée même en présence de métastases à dis-tance notamment devant une mésentérite rétractile, une souf-france ischémique d’une anse grêle ou un syndrome sub-occlusif, afin de traiter ou d’éviter une complication localeaiguë. Dans un second temps, seront évoquées, dans le cadred’une concertation pluridisciplinaire, les différentes possibili-tés thérapeutiques antitumorales des formes métastatiques. Larésection chirurgicale complète des lésions intrahépatiquespeut être proposée après une phase initiale d’observationd’autant plus longue que le geste chirurgical implique unerésection hépatique majeure. En cas de métastases non chirur-gicales, l’embolisation des lésions hépatiques reste l’optionthérapeutique de choix. En présence de lésions diffuses nonévolutives, la simple surveillance ou un analogue de la soma-tostatine sont proposés en première intention. Un traitementpar interféron, chimiothérapie, ou radiothérapie métaboliquene sera proposé que devant des lésions documentées progres-sives ou devant un syndrome sécrétoire non contrôlé. Enfin, ilfaut souligner l’intérêt majeur d’inclure ces patients porteursde pathologie rare dans des essais thérapeutiques prospectifsactuellement ouverts en France (Telestar, Evacel, Sunland,Netter-1).

Mots clés Tumeur neuroendocrine · Carcinoïde · Intestingrêle · Somatostatine · Embolisation

Abstract For neuroendocrine tumour of the small boweltreatment’s goals are to control the secretory syndrome andto cure the tumour. Carcinoid syndrome is usually due tometastatic spread to the liver. Control of this syndrome withsomatostatin analogs is a priority. Even if there is metastaticspread, surgical treatment of the primitive tumour should bediscussed in cases of retractile mesenteritis, small bowelischemia or subocclusive syndrome in order to avoid anyacute local complication. Surgical treatment of intrahepaticlesions is an option only if a complete resection of all lesionsseems possible, and, if liver resection has to be large, anobservation period is advisable. Embolisation is the bestoption if liver metastases are not resectable, with no extra-hepatic lesions. Diffuse and non-evolving lesions shouldsimply be monitored or treated with somatostatin analogs.Interferon, chemotherapy, peptide receptor radionuclide the-rapy should be proposed only in cases of demonstrated pro-gressing lesions or uncontrolled carcinoid syndrome.Finally, it has to be emphasized that it is of the utmost impor-tance to enrol those patients with very rare disease in pros-pective clinical trials currently open in France (Telestar, Eva-cel, Sunland, Netter-1).

Keywords Neuroendocrine tumours · Carcinoid · Smallbowel · Somatostatin · Embolisation

Introduction

Les tumeurs neuroendocrines (TNE) de l’intestin grêle, le plussouvent localisées dans l’iléon terminal, représentent 23-28%des TNE digestives. Leur incidence est de 0,3-0,8/100000 habitants/an [1]. Leur prévalence est en hausse, du faitd’une meilleure connaissance de ces tumeurs et du nombrecroissant d’imageries réalisées [1]. Contrairement aux TNEduodéno-pancréatiques, il n’existe pas de prédisposition géné-tique connue aux TNE iléales. Cependant une dizaine defamilles Françaises avec plusieurs cas de TNE du grêle a étéidentifiée et une étude nationale est en cours (cohorte destumeurs carcinoïdes (iléales) familiales, www.tnefamiliales.fr). Les TNE iléales sont multiples dans 30% des cas et sontnon fonctionnelles, c’est-à-dire sans syndrome carcinoïdeclinique lié à une production tumorale de sérotonine, dans90% des cas. Cette mise au point est consacrée aux traite-ments des TNE iléales bien différenciées et reprend large-ment le Thésaurus National de Cancérologie Digestive(TNCD) récemment mise à jour (20/11/2013) (www.tncd.org).

Le mode de découverte est variable [2] : souvent fortuit(découverte d’un nodule hypervasculaire du grêle, massemésentérique ou métastases hépatiques) ; plus rarement pardes signes de souffrance du grêle (épisodes subocclusifs, isché-mie mésentérique), une hépatomégalie, ou un syndrome carci-noïde (présent dans 10%des cas au diagnostic). Lesmétastasesganglionnaires (40%), hépatiques (50%) et péritonéales sontfréquentes au diagnostic. La survie à 5 ans est de l’ordre de70% en l’absence de métastases hépatiques contre 50% en pré-sence de métastases hépatiques. Du fait de la relative raretéde ces tumeurs, il est recommandé de faire relire le matérielanatomo-pathologique par le réseau d’anatomopathologistesexperts TENpath (www.tenpath.org) et de discuter les dossiersde malades atteints de TNE en RCP régionale dans le cadredu réseau national spécifique aux TNE, RENATEN (www.renaten.org), soutenu par l’INCa. Enfin, l’objectif thérapeu-tique principal doit être défini pour chaque malade : guérison,augmentation de la survie, amélioration de la qualité de vie…La stratégie thérapeutique dépend de l’existence d’un syn-drome carcinoïde, de l’extension métastatique et de l’évoluti-vité tumorale. Le contrôle des manifestations cliniques secon-daires à l’hypersécrétion de sérotonine (et des médiateursassociés) est la première étape de la prise en charge thérapeu-tique (Fig. 1). Secondairement, le bilan d’extension et la notiond’évolutivité permettront de définir l’intérêt de l’exérèse chirur-gicale des lésions et de proposer une stratégie thérapeutiqueantitumorale optimale, dans le cadre d’une RCP RENATEN.

Diagnostic et bilan d’extension

Le bilan biologique de la maladie comporte les dosages de lachromogranine A, et les 5HIAA urinaires. La chromogranine

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A sérique est le meilleur marqueur biologique dans les TNE.Cependant, la sensibilité de son dosage pour le diagnosticde TNE n’est bonne que pour les tumeurs déjà évoluées etd’autres causes d’élévation de la chromogranine A sont trèsfréquentes : insuffisance rénale et toutes les situationsd’hypergastrinémie (inhibiteur de la pompe à protons (IPP),gastrite atrophique fundique) [3]. Pour les TNE de l’intestingrêle et du côlon droit, le dosage des 5HIAA urinaires de 24 hsur 1 à 2 jours avec régime approprié pauvre en tryptophanepeut être utile pour affirmer la présence d’un syndrome carci-noïde devant un patient avec diarrhée motrice. Le dosage des5HIAA urinaires est inutile dans les autres situations. Ledosage de la sérotonine ne doit plus être fait (faux positifs).

En cas de suspicion de TNE du grêle (mésentérite rétrac-tile ou métastases hépatique avec sérotonine + ou CDX2 +en IHC), la détection des petites tumeurs iléales est le méritede l’iléoscopie, de l’entéro-scanner ou entéro–IRM, et de lavidéo-capsule après exclusion d’une sténose (risque d’incar-cération de la capsule). Pour le bilan d’extension, un TDMthoraco-abdomino-pelvien avec un temps artériel puis portalsera réalisé car, les tumeurs bien différenciées étant très vas-

cularisées, elles sont bien visibles au temps artériel tardif etrisquent de ne plus l’être aux temps ultérieurs. L’IRM estplus sensible que la TDM pour la détection des métastaseshépatiques et doit être réalisée en cas de lésions hépatiquesparaissant résécables. Elle doit comporter des séquences dediffusion. Une scintigraphie des récepteurs de la somatosta-tine (Octréoscan®) est utile en cas de lésion de plus de 1cm.En cas de TNE du grêle, le TEP-F-Dopa est plus sensible(disponibilité limitée et coût élevé) que l’octréoscan®. Lascintigraphie 68-GA DOTATOC si disponible, peut être pro-posée en cas d’octréoscan® négatif. Le diagnostic est dansun premier temps présomptif, basé sur les données biolo-giques, radiologiques et d’imagerie nucléaire, mais il ne peutêtre affirmé que par l’analyse histologique. Une échographiecardiaque cherchera également devant tout syndrome carci-noïde une cardiopathie carcinoïde et notamment une atteintetricuspidienne.

L’analyse anatomopathologique de la tumeur doit êtreobtenue (biopsie, chirurgie) avant tout traitement médicalantitumoral sans retarder le traitement symptomatique.La classification actuelle est celle de l’OMS 2010 [4]

Fig. 1 Traitement des TNE iléales métastatiques (G1, G2), et non résécables

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(Tableau 1) qui utilise les grades G1 à G3 proposés initia-lement par l’ENETS en 2006 [5]. Les TNE iléales sont leplus souvent des TNE G1, et parfois des TNE G2. Les carci-nomes neuroendocrines peu différenciés G3 de l’intestingrêle sont exceptionnels (deux cas dans la cohorte nationaleFFCD actuellement en cours) ; leur pronostic est sombre(survie médiane de 7-10 mois) ; ils ne sont pas associés àun syndrome carcinoïde et leur traitement repose sur unechimiothérapie systémique de type platine-étoposide à débu-ter en urgence. Un compte-rendu anatomo-pathologiquetype, minimal, validé par TENpath, doit comporter (www.tncd.org) : la localisation anatomique, le type de prélève-ment, les caractères macroscopiques (nombre et taille destumeurs visibles), les arguments diagnostiques (tumeur bienou peu différenciée ; immunohistochimie réalisée avec lachromogranine A et synaptophysine), le grade histologique(G1, G2 ou G3) comprenant l’index mitotique et l’indexKi67 indiqués en valeur absolue, la classification OMS2010, l’extension de la tumeur, les marges, le stade TNM(Tableau 2) et le nombre de ganglions métastatiques/exami-nés. Les deux classifications TNM (celle de l’ENETS (Euro-pean NEuroendocrine Tumor Society) [5], et celle proposéepar l’UICC publiée en 2009 [6]) sont identiques pour lesTNE iléales bien différenciées.

Les facteurs pronostiques les plus souvent retrouvés, et àprendre en considération pour définir la stratégie thérapeu-tique, sont l’âge des patients, la classification TNM, la pré-sence de métastases osseuses, la classification OMS 2010, legrade histologique, le volume métastatique, des 5HIAA uri-naires très élevés, et la présence d’un cœur carcinoïde.

Traitement du syndrome carcinoïde

Le traitement des symptômes liés aux sécrétions tumorales estprioritaire. La prescription d’analogues de la somatostatine,octréotide ou lanréotide, permet une réponse symptomatiquerapide, en particulier de la diarrhée et des flushs dans 60-90%des cas et une diminution des marqueurs tumoraux biolo-

giques dans 70% des cas [7]. La seule restriction à l’initiationde ces analogues est l’existence d’une tumeur sub-occlusiveou d’une souffrance ischémique du grêle secondaire à unemésentérite rétractile souvent sévère. Une attitude chirurgi-cale immédiate doit alors être privilégiée sur la tumeur primi-tive et les adénopathies satellites. Les analogues sont alorsprescrits en pré-opératoire immédiat afin de prévenir une crisecarcinoïdienne aigue à l’induction anesthésique [8]. Dans tousles autres cas, la prescription d’analogues de la somatostatineest la première étape de prise en charge des patients. Unetachyphylaxie est observée avec les analogues dans un délaimédian de 9 mois, nécessitant alors le recours aux traitementsanti-tumoraux au premier rang desquels se place l’embolisa-tion ou d’autres traitements anti-sécrétoires.

Parmi les nouveaux analogues de la somatostatine, lepasiréotide (SOM230), qui présente une affinité 30 à 40 foissupérieure sur les récepteurs sst1, sst3 et sst5 et une affinitésimilaire pour le récepteur sst2, semble avoir une meilleureactivité antitumorale, mais son intérêt à visée anti-sécrétoire,n’a pas été confirmé dans un essai de phase III versus octréo-tide haute dose [9]. Il se développe également des analoguesde la somatostatine en forme orale, comme l’octréoline [10].Le télotristat, qui agit au niveau de la production de la séro-tonine, est en cours d’évaluation pour contrôler les syndro-mes carcinoïdes résistants aux analogues de la somatosta-tine. Une phase III (TELESTAR) est actuellement ouverteen France, randomisant en double aveugle le télostristat etun placébo dans cette indication. L’objectif principal est demontrer la supériorité du télotristat pour diminuer le nombremoyen de selles à 12 semaines de traitement.

Parmi les autres molécules, l’interféron alpha (administréà des doses allant de 1,5 à 3 M UI trois fois par semaine) a uneffet antisécrétoire indiscutable avec 60 % de réponse sur lesyndrome carcinoïde. L’évérolimus a un effet antisécrétoireet proglycémiant démontré dans les insulinomes, mais ilpourrait également avoir une activité contre le syndromecarcinoïde.

Enfin, généralement après une longue évolution de lamaladie, l’atteinte cardiaque valvulaire tricuspidienne peut

Tableau 1 Classification anatomo-pathologique OMS 2010 des TNE digestives [4].

Morphologie Index mitotique pour 10 CFG * Ki-67 (%) **

Tumeur neuro-endocrine G1 Bien différenciée < 2 mitoses ≤ 2 %

Tumeur neuro-endocrine G2 Bien différenciée 2 -20 mitoses 3-20 %

Carcinome neuro-endocrine G3 Peu différencié, petites

ou grandes cellules

> 20 mitoses > 20 %

*10 CFG (champs à fort grandissement) = 2 mm2. 40 champs sont évalués dans les zones de plus haute densité mitotique ; la valeur

est ramenée à une valeur moyenne pour 10 champs représentant 2 mm2 ; ** anticorps MiB1 ; % sur 500 à 2000 cellules tumorales

dans les zones de plus haute densité de cellules marquées.

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en elle-même engager le pronostic vital des patients. Uneprise en charge spécialisée cardiologique s’impose alorsavec à terme l’indication potentielle de remplacement valvu-laire qui permettra d’impacter positivement sur l’espérancede vie des patients et en accroîtra considérablement laqualité.

Traitement chirurgical de la tumeur primitive

Le contrôle optimal du syndrome carcinoïde et de ses consé-quences doit être obtenu avant la chirurgie. L’anesthésiste doitêtre prévenu d’éventuels traitements indispensables pendantla période péri-opératoire. Les analogues de la somatostatineLP avec des bolus supplémentaires ne semblent pas suffisantsen péri-opératoire d’une chirurgie chez les patients ayant uneTNE iléale et l’administration de somatostatine (ou octréo-tide) en intraveineux à la seringue électrique à hautes dosesest recommandée [8].

Le traitement des formes non métastatiques repose surune chirurgie d’exérèse. Même en cas de maladie métasta-tique, l’exérèse de la tumeur primitive reste préconisée, afind’éviter des complications locorégionales. Cette chirurgiecomportera une exploration de toute la cavité abdominaleet de l’ensemble du grêle (multiplicité des tumeurs dans legrêle dans 20-30% des cas), un curage ganglionnaire jus-qu’à la racine du mésentère dans la région rétropancréa-tique et une cholécystectomie prophylactique dans la pers-pective d’embolisations artérielles futures des métastaseshépatiques. Il faut discuter une reprise chirurgicale si lapremière intervention chirurgicale n’a pas été faite dans debonnes conditions, notamment dans un contexte d’urgence,pour faire un curage ganglionnaire complet, après des explo-rations pré-thérapeutiques à la recherche de métastases oud’autres tumeurs du grêle laissées en place. Il a ainsi étérécemment démontré qu’un faible nombre de ganglionsréséqués (< 8) était associé à une moins bonne survie glo-bale [11]. Quel que soit le stade (I-III), il n’y a pas d’indi-

cation à un traitement adjuvant dans les TNE bien différen-ciées iléales.

Après une chirurgie R0, il faut proposer une surveillancedans les 3-6 mois, avec une imagerie conventionnelle(TDM ou IRM) et un Octréoscan® si positif initialement,puis une imagerie tous les 6-12 mois pendant 5 ans, puis tousles 12-24 mois (www.tncd.org). Ce suivi proposé, notam-ment les intervalles, doit être modulé selon les facteurs pro-nostiques identifiés. Les métastases pouvant survenir trèstardivement, le malade doit être informé de la nécessitéd’une surveillance prolongée. Il faut prendre en considéra-tion les risques induits par l’irradiation des TDM répétéeschez les malades atteints de tumeurs bénignes ou faiblementévolutives, dont le suivi peut être très prolongé (> 10 ans).Une technique d’imagerie sans irradiation est préférablepour la surveillance des patients, notamment l’IRM. Dansles situations à très faible risque de récidive, l’échographieest une alternative peu coûteuse. L’intérêt d’un Octréoscan®

régulier, s’il était initialement positif, n’est pas prouvé, maiscela est recommandé par l’ENETS tous les 1-2 ans dans lestumeurs bien différenciées. L’Octréoscan® sera par contreproposé en cas de doute sur l’apparition de lésions à l’ima-gerie conventionnelle.

Localisations rares des TNE de l’intestingrêle (non détaillées)

Les TNE duodénales et ampullaires représentent environ5-8 % des TED. Leur présentation est très différentes desTNE iléales et se rapproche des TNE pancréatiques : possi-bles tumeurs fonctionnelles de type gastrinome avec un syn-drome de Zollinger Ellison et non un syndrome carcinoïde ;association possible à des syndromes génétiques (NEM1pour les gastrinomes duodénaux, maladie de Recklinghau-sen pour les somatostatinomes de l’ampoule de Vater). Lediagnostic des TNE duodénales repose sur l’endoscopieavec la réalisation de biopsies multiples, associé au biland’extension en profondeur par l’écho-endoscopie. Un traite-ment endoscopique des lésions uT1N0 peut parfois être pro-posé dans des centres experts. Le traitement des formes plusavancées est similaire aux TNE pancréatiques.

Les TNE du jéjunum sont rarissimes. La présentation desTNE du jéjunum proximale s’apparentent aux TNE duodé-nales et les formes distales aux TNE iléales. Il existe possi-blement un sous-groupe de TNE entre les deux qui ont descaractéristiques propres (entre 10-50 cm de l’angle de Treitz ;de grande taille au diagnostic ; souvent de grade 2 ; nonassociées à un syndrome fonctionnel et ne présentant habi-tuellement pas d’expression hormonale détectable) [12].

Les TNE développées dans un diverticule de Meckel ontle même pronostic que les TNE iléales, souvent pT3N+ etsouvent métastatiques au diagnostic [13]. Elles sont donc

Tableau 2 Classification T du TNM des TNE iléale selon

l’UICC [6].

TX Tumeur non évaluable

T0 Pas de tumeur identifiable

T1 T envahit muqueuse ou sous-muqueuse et T≤1 cm

T2 T envahit musculeuse ou T>1 cm

T3 T envahit pancréas ou rétropéritoine (duodénum,

ampoule)

T envahit sous-séreuse (iléon, jéjunum)

T4 T envahit péritoine ou organes adjacents

T : tumeur.

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très différentes des TNE appendiculaires et une chirurgiecarcinologique doit être réalisée comme les TNE iléales(voir après).

Traitement antitumoral des formes localementavancées ou métastatiques

Traitement chirurgical

La chirurgie des métastases hépatiques, synchrones oumétachrones, peut être proposée à visée carcinologique ouplus rarement de cyto-réduction tumorale (en cas de syn-drome sécrétoire réfractaire), chez des malades en bon étatgénéral, sans métastases extra-hépatiques, après résectioncomplète de la tumeur primitive, et sans insuffisance valvu-laire non corrigée. D’autant plus que la chirurgie hépatiqueenvisagée est lourde, il faut un temps d’évaluation de lacroissance tumorale. Il faut garder en tête que les examenspré (TDM, IRM hépatique, octréoscan) et peropératoires(vision et palpation du chirurgien, échographie peropéra-toire) ne détectent qu’environ 50% des métastases hépati-ques [14]. Par conséquent, il faut penser à l’épargne du tissuhépatique puisque le risque de récidive hépatique est trèsélevé. La radiofréquence est une technique efficace sur leslésions <3cm, qui peut être réalisée en percutané ou en per-opératoire, associée à une chirurgie de résection [15].

La transplantation hépatique peut être proposée chez despatients très sélectionnés en cas de métastases hépatiquesdiffuses non ou très faiblement évolutives, à Ki67 faible(seuil non déterminé formellement < 5%), non résécables,en l’absence de métastases extra-hépatiques, si le sujet estjeune, sans hépatomégalie et si la tumeur primitive a étéréséquée dans un premier temps [16].

La résection de la carcinose péritonéale est bénéfique sicelle-ci est minime à modérée [17]. Dans 60% des cas, lacarcinose péritonéale s’accompagne de métastases hépati-ques qu’il faut aussi traiter. L’ajout d’une chimio-hyperthermie intrapéritonéale n’a pas fait la preuve de sonefficacité à ce jour (www.tncd.org).

Embolisation (TAE : Trans Arterial Embolization)

Les métastases hépatiques des TNE sont hypervasculairesavec une vascularisation artérielle élective et sont doncd’excellentes candidates à une embolisation artérielle hépa-tique. La TAE est efficace dans le contrôle des symptômescarcinoïdes (60 à 80%) et donne un taux de réponse objectifde l’ordre de 50%, d’une durée de plus de 12 mois [18,19].Les TAE sont contre-indiquées en cas de thrombose porte,d’insuffisance hépatocellulaire, d’ictère cholestatique majeur,d’anastomose bilio-digestive ou de prothèse biliaire en raisond’un risque d’abcédation hépatique. L’administration d’ana-

logues de la somatostatine est nécessaire juste avant le gesteet durant les premiers jours pour éviter une crise carcinoï-dienne lors de la nécrose des nodules tumoraux. L’adjonc-tion d’un composé cytotoxique (doxorubicine ou streptozo-tocine) lors du geste d’embolisation sur le modèle deshépatocarcinomes n’a pas démontré son intérêt par rapportà une embolisation simple dans ce type tumoral peu chimio-sensible [20]. Par ailleurs, l’arrivée des particules chargées(avec de l’irinotécan ou de la doxorubicine) pourrait accroî-tre la nécrose tumorale, mais semble plus toxique pour lesTNE iléales. La radioembolisation avec des microsphèreschargées d’Yttrium-90 reste peu accessible en France, decoût élevé, mais pourrait concurrencer la TAE en termesd’efficacité et surtout de tolérance. Des études randomi-sées comparant ces techniques sont nécessaires. L’indicationpréférentielle de la TAE reste la persistance d’un syndromesécrétoire ou une progression tumorale hépatique malgré untraitement par analogue de la somatostatine. Une TAE peutêtre envisagé même en cas de métastases extra-hépatiques sila masse tumorale hépatique est prédominante. Après uneTAE, il existe un rebond de l’angiogenèse et l’apport del’évérolimus après une embolisation pour des métastaseshépatiques de TNE du tube digestif, est actuellement évaluédans un essai de phase II Français (EVACEL).

Analogues de la somatostatine à visée antitumorale

En dehors du traitement antisécrétoire, les analogues de lasomatostatine ont un pouvoir anti-tumoral modéré mais réel.Ils n’ont pas encore d’Autorisation de Mise sur le Marchédans cette indication en France. Les taux de réponse objectivesont faibles, de l’ordre de 5%. En revanche, ils permettentd’obtenir une stabilisation de la maladie dans 35 à 70% descas, pendant une période médiane de 10-25 mois [7]. L’étudePROMID est la première étude de phase III randomisée, pros-pective, en double aveugle, démontrant un allongement dutemps jusqu’à progression (6 mois versus 14,3 mois) sousoctréotide 30 mg LP, en cas de TNE de l’intestin grêle(et colon droit), notamment parmi les patients ayant unvolume métastatique hépatique inférieur à 10% [21]. L’étudeCLARINET a confirmé ces résultats sur 73 TNE du grêleavec un allongement de la survie sans progression sous soma-tuline Autogel 120 mg (HR=0,35, p=0,0091, PFS=21,1 moisvs >2 ans) [22]. Cependant 95% des TNE étaient non progres-sives à l’initiation du traitement dans cette dernière étude et lestatut progressif n’était pas connu dans l’étude PROMID.Par conséquent, et du fait du coût de ces médicaments et del’absence de gain sur la survie globale, la question du meilleurmoment pour débuter un analogue reste entière en comparai-son à une surveillance simple puisque ces tumeurs peuventrester stables pendant de nombreuses années, en l’absencede tout traitement anti-tumoral. Le TNCD propose ainsi lesdeux options (Fig. 1), surveillance ou analogues à dose

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antitumorale (lanréotide Autogel 120 mg ou octréotide LP30 mg/28 jours), en cas de métastases non progressives etnon symptomatiques, avec envahissement hépatique < 25-50%, absence de métastases osseuses, et de grade faible(www.tncd.org).

Interféron

Alors que les réponses tumorales objectives sont rares(8-11%) avec l’interféron alpha, une stabilisation tumoraleest observée dans 60-75% des cas, pour une durée médianede 13-25 mois [7, 23]. Dans un essai de phase III, l’interfé-ron a apporté un avantage non significatif en terme de surviesans progression vs 5FU-streptozotocine (14,1 mois vs5,5 mois) sachant que l’étude était sous dimensionnée [24].En ce qui concerne les associations avec l’interféron, uneétude de phase III randomisée n’a pas retrouvé de supérioritéde l’association interféron et analogues comparativementà chaque traitement en monothérapie [24,25], par contrel’interféron présente une toxicité accrue. Les associationsinterféron-chimiothérapie n’apportent aucun bénéfice et ontune toxicité souvent rédhibitoire. Au total, l’interféron alphaa tout son intérêt chez les patients progressifs sur le plansécrétoire ou tumoral, sous analogues ou après embolisation.La meilleure tolérance de l’interféron pegylé (pas d’AMM)permettrait d’accroître la compliance au traitement [26].

Chimiothérapie

Contrairement aux TNE pancréatiques beaucoup plus chi-miosensibles, la chimiothérapie n’est pas un traitement stan-dard des TNE iléales et sa prescription doit être clairementdiscutée [27]. Cette chimio-résistance pourrait être expliquéepar l’absence de perte expression de MGMT dans les TNEiléales en comparaison aux TNE pancréatiques [28]. L’indi-cation d’une chimiothérapie systémique ne se discute quechez les patients ayant une maladie métastatique non résé-cable et progressive après échec des analogues et des embo-lisations hépatiques. Un traitement à base d’alkylant (temo-zolomide) pourrait être proposé dans l’avenir uniquementdans les rares cas de TNE iléales avec une perte d’expres-sion de MGMT [29]. L’association flurouracile/streptozoto-cine, longtemps proposée comme un standard, donne destaux de réponse objective autour de 10% avec des duréesmédianes de réponse de 6 mois. La toxicité potentielle tar-dive notamment rénale de la streptozotocine, les précautionsd’administration de cette molécule et la médiocrité des résul-tats obtenus doivent faire abandonner cette association dansles TNE du grêle. De nouvelles drogues comme l’oxalipla-tine, le témozolomide ont une certaine activité avec un meil-leur profil de tolérance [27].

Les thérapies moléculaires ciblées

Les TNE n’échappent pas à l’essor actuel des thérapiesciblées. L’hypervascularisation constitutionnelle de cestumeurs a d’emblée fait porter les espoirs des cliniciens surles antiangiogéniques purs, de type bévacizumab. Une pre-mière étude de phase II a comparé, chez 44 patients atteintsde tumeurs carcinoïdes métastatiques ou non résécables, untraitement par bevacizumab en monothérapie (15 mg/kg/3 semaines) à de l’interféron pégylé (0,5 μg/kg/semaine)[30]. Le taux de survie sans progression après 18 semainesde traitement était de 95% dans le groupe de patients rece-vant le bevacizumab contre 67% dans le bras interféronpégylé avec une diminution significative des constantes deperfusion tumorale dans le bras bévacizumab. Reste à savoirquel est le meilleur partenaire du bévacizumab. De très bonsrésultats ont été obtenus dans l’essai de phase II BETTERréalisé chez des malades naïfs de traitement cytotoxique,ayant une TNE du tube digestif en progression, traitéspar l’association capécitabine-bévacizumab. La survie sansprogression était d’environ 23 mois et les taux de réponsesimportants (réponse partielle 18%, stabilisation 69%) [31].Les inhibiteurs multikinases sont aussi testés dans cette indi-cation. Kulke a rapporté une étude de phase II menée chez39 patients atteints d’une tumeur carcinoïde, traités par suni-tinib (inhibiteur VEGFR-1, -2, -3, PDGFR, c-KIT et Flt-3) ;très peu de réponses partielles sont rapportées (2%) maiscomme souvent dans le domaine des thérapies ciblées, letaux de stabilisation était important (93%) [32]. Une étudede phase II randomisée en double aveugle (SUNLAND) estactuellement en cours pour évaluer si l’association sunitinib-lanréotide prolonge la survie sans progression (vs placebo-lanréotide), chez des patients avec une TNE iléale (et colondroit) progressive, avancée et/ou métastatique.

Enfin les inhibiteurs oraux de mTOR, notamment l’éve-rolimus, ont montré dans une phase II un taux de réponseobjective de 13% et des stabilisations chez 59% des patients,au prix d’effets secondaires très modérés [33]. Cependant,l’association évérolimus-octréotide entrainait une augmenta-tion de la survie sans progression n’atteignant pas la signifi-cativité dans l’étude de phase III RADIANT-2, en comparai-son au placébo-octréotide (16,4 vs 11,3 mois, HR=0,77,p=0,026), et n’a pas d’AMM dans cette indication [34].Bien que le bénéfice de l’évérolimus soit plus modéré quedans les TNE pancréatiques, il est proposé dans les réunionsRENATEN, au cas par cas dans les TNE iléales.

La radiothérapie vectorisée interne

La radiothérapie vectorisée interne avec un analogue radio-actif de la somatostatine semble très prometteuse en cas deTNE iléale avec une fixation à l’Octréoscan® grade 3-4[27]. Les premières études ont été réalisées en utilisant

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l’Octréoscan® thérapeutique (utilisant l’indium) et permet-tent d’obtenir une réponse symptomatique et/ou hormonaledans 60-80 % des cas, mais les réponses tumorales objecti-ves sont rares (5-8%) et ne se maintiennent généralement pasdans le temps. L’Octréother® (90Y-Tyr3-DOTAOctréotide) aune affinité 2 fois supérieure à celle de l’Octréoscan®. Desréponses tumorales partielles sont décrites chez 20-35 % despatients en échec des autres stratégies thérapeutiques. Le177Lutétium-DOTA-Tyr-Octréotate semble plus intéressant :il a une meilleure efficacité (réponse partielle de 33-40 %) etune meilleure tolérance rénale que l’Octréother®. La placedes radiopeptides dans la stratégie thérapeutique des TNEiléales reste cependant à définir. L’Ytrium 90 ou le Lutetium177 ne sont pas encore disponibles en France hors essaiscliniques, seul l’indium est accessible en ATU. Une étudemulticentrique de phase III (NETTER-1), a récemment étéouverte en France, randomisant le 177Lu-DOTA0-Tyr3-Octreotate vs l’octréotide LP 60 mg chez des patients ayantune TNE iléale (et côlon droit), inopérable, progressive, àrécepteurs positifs à la somatostatine.

Conclusion

En conclusion, l’exérèse de la tumeur primitive doit toujoursêtre envisagée. Il n’y a pas d’indication à un traitement adju-vant hors essais cliniques. Le traitement des formes méta-statiques comporte deux volets (Fig. 1) : la prise en charged’un syndrome carcinoïde qui reste prioritaire et le traite-ment antitumoral. Devant des maladies métastatiques nonrésécables, non évolutives et non symptomatiques avec unenvahissement hépatique < 25-50%, une simple surveillanceou un analogue de la somatostatine à dose anti-tumorale sontproposés. Devant une maladie évolutive non chirurgicaleprincipalement hépatique, le traitement de choix est l’embo-lisation hépatique. L’interféron, la radiothérapie vectoriséeinterne, la chimiothérapie ou l’évérolimus peuvent être pro-posées en fonction des sites métastatiques atteints, de lapente évolutive de la maladie et de la disponibilité des trai-tements. A chaque étape de la maladie, l’inclusion dans lesessais thérapeutiques doit être privilégiée. Enfin, il ne fautpas omettre de réévaluer régulièrement les possibilités derésection chirurgicale.

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