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Anouar Abdel-Malek Problèmes de l'édification nationale dans les pays du Proche- Orient arabe In: Tiers-Monde. 1965, tome 6 n°21. pp. 205-229. Citer ce document / Cite this document : Abdel-Malek Anouar. Problèmes de l'édification nationale dans les pays du Proche-Orient arabe. In: Tiers-Monde. 1965, tome 6 n°21. pp. 205-229. doi : 10.3406/tiers.1965.2064 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1965_num_6_21_2064

Problèmes de l'édification nationale dans les pays du Proche-Orient arabe

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Anouar Abdel-Malek

Problèmes de l'édification nationale dans les pays du Proche-Orient arabeIn: Tiers-Monde. 1965, tome 6 n°21. pp. 205-229.

Citer ce document / Cite this document :

Abdel-Malek Anouar. Problèmes de l'édification nationale dans les pays du Proche-Orient arabe. In: Tiers-Monde. 1965, tome 6n°21. pp. 205-229.

doi : 10.3406/tiers.1965.2064

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1965_num_6_21_2064

DOCUMENTATION

PROBLÈMES DE L'ÉDIFICATION NATIONALE

DANS LES PAYS DU PROCHE-ORIENT ARABE

par Anouar Abdel-Malek (i)

Depuis quelques années — et plus précisément, depuis 1956 — un nombre croissant de publications (livres, thèses et périodiques) se préoccupent du monde arabe, et plus particulièrement des pays du Proche-Orient arabe. La période charnière paraît être celle des années 1948-1956 : de la guerre de Palestine à Sue2, en passant par la révolution égyptienne de 1952.

Il nous a semblé utile de situer un certain nombre de ces publications — en langues arabe, française et anglaise — se rapportant à ce qui apparaît comme devant constituer l'essentiel de l'œuvre entreprise au lendemain de la libération politique, à savoir le processus d'édification nationale, ou processus nationalitaire (2), actuellement en plein développement, et dont le but est de promouvoir la renaissance nationale et le progrès social des peuples de ces pays.

I. Le Proche-Orient arabe : généralités

On connaît les travaux du Pr Jacques Berque (3) et du général Pierre Rondot sur les problèmes d'ensemble. Les Arabes d'hier à demain demeure, à ce jour, la plus intéressante tentative de prospection entreprise en Occident.

(1) Chargé de recherches au C.N.R.S. (2) Sur cette notion, cf. notre Hgypte, société militaire, Paris, 1962, p. 9; également Y Intro

duction à la pensée arabe contemporaine, qui précède Y Anthologie de la littérature arabe contemporaine, vol. II : Les essais, sous presse, aux Editions du Seuil.

(5) Les Arabes d'hier à demain, 285 p., 2 index, Le Seuil, Paris, i960, puis Le Maghreb entre deux guerres, Le Seuil, Paris, 1962. Dans sa préface au premier livre, l'auteur, professeur au Collège de France, dit ses raisons de distinguer Arabes et Maghrébins (p. 7-8).

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The Arab world to day, de Morroe Berger, moins chatoyant, fournit une contre-image de ce secteur, vu d'Amérique (i). L'ouvrage de P. Rondot trouve sa contrepartie américaine dans The Middle East in world affairs de George Lenczowski (2); cet ouvrage, dans la tradition de la science politique américaine, fournit une narration des principaux événements politiques destinée à permettre aux États-Unis, « qui n'ont pas de passé colonial au Moyen- Orient », à « mettre en place un nouveau style de rapports entre l'Occident et le Moyen-Orient où la réconciliation entre les aspirations nationales locales et les intérêts vitaux de l'Occident ne serait pas une tâche impossible » (p. 680). Nous sommes loin, on le voit, d'aborder ici les problèmes sociologiques objet de cette étude. De plus, G. Lenczowski ignore totalement toutes les publications en langue arabe, comme en témoigne sa bibliographie (p. 688-709), s'exposant ainsi aux plus graves reproches.

Il n'en est pas de même pour les Actes du Colloque sur la Sociologie musulmane (Bruxelles 11-14 septembre 1961) (3). Les plus éminents spécialistes de l'Islam et des études arabes d'Europe et d'Amérique — à l'exclusion de tout chercheur autochtone — y ont confronté leurs thèses : études théoriques d'ensemble (celles de G. E. von Grunebaum, Robert Brunschwig, Jacques Berque, C. A. O. Van Nieuwenhuijze, Armand Abel), problématique de certains problèmes particulièrement importants (Bernard Lewis, Maxime Rodinson, Sir Hamilton Gibb, Louis Gardet, Jean Lecerf, W. Cantwell Smith), ainsi que plusieurs contributions d'un caractère plus détaillé (Charles Pellat, Richard Walzer, Francesco Gabrieli). S'il est malaisé, dans le cadre de cette étude, d'analyser le riche contenu de ce volume, il reste à signaler que le problème général auquel les meilleurs savants non autochtones de ce domaine ont conscience de faire face est celui de l'adaptation de l'orientalisme traditionnel à la résurgence impétueuse des peuples et des nations du monde arabe et, plus généralement, islamique, à une époque qui est celle des sociétés industrielles, des grandes luttes de libération nationale, de la dialectique entre les idéologies et du socialisme. C'est dire combien sa lecture attentive est indispensable pour quiconque souhaite aller au-delà des apparences; on gardera à l'esprit ce que les participants eux-mêmes n'ont cessé de souligner, à savoir le caractère non national de l'ensemble, qui, précisément, aborde la renaissance nationale de l'extérieur.

Sur les documents principaux qui marquent les étapes successives de cette

(1) Doubleday & C°, Inc., New York, 1962; rééd. in Anchor books, N.Y., 1964, p. 463, bibl., ind.

(2) 3e éd., p. 723, carte, tableaux synoptiques, bibl., ind., Cornell University Press, Ithaca, N.Y., 1962.

(3) P. 466, coll. « Correspondance d'Orient », n° 5, Centre pour l'Etude des problèmes du monde musulman contemporain, Bruxelles, 1962.

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DOCUMENTATION

renaissance, nous possédons désormais un précieux instrument de travail, The Arab States and the Arab League, a documentary record (i) du Pr Muhammad Khalil, de V American University, Beyrouth. Le premier volume comprend douze parties, comme suit : Iraq (p. 1-40) ; Jordanie (p. 41-76); Fédération arabe irako-jordanienne (p. 77-92); Liban (p. 93-138); Libye (p. 139-214); Maroc (p. 215-232); Arabie Saoudite (p. 233-248); Soudan (p. 249-362); Tunisie (p. 363-456); République arabe unie, Egypte (p. 457-520); Syrie (p. 521-600); R.A.U. (p. 601-640); États arabes unis (p. 641-656); enfin, partis politiques (p. 659-697).

Le deuxième volume, consacré aux « affaires internationales », est divisé en dix parties : unité arabe, projets divers (p. 1-50); Ligue des États arabes (p. 51-96); traités et accords conclus sous les auspices de la Ligue (p. 97-142); résolutions de la Ligue (p. 143-182); différends inter-arabes (p. 183-292); les États arabes et les autres États, la toile de fond (p. 290-308); le problème de la défense et de la sécurité (p. 309-350); les relations spéciales (p. 351-892), notamment la Palestine (p. 483-656); le neutralisme positif (p. 893-1000).

Il convient de saluer ce travail monumental; grâce à lui, les chercheurs arabes et étrangers se trouvent dotés d'un compendium précis et systématique qui permet de situer les problèmes d'évolution institutionnelle dans le monde arabe jusqu'en 1962.

Signalons également le répertoire établi par le secrétariat de l'Unesco, Africanistes spécialistes en sciences sociales (2). Le chercheur en quête d'informations bio-bibliographiques sur le monde arabe y trouvera une ample moisson, difficile à réunir, et jusqu'ici, dispersée. En effet, une proportion importante des 2 072 notices individuelles retenues par l'Unesco provient d'un petit nombre d'institutions spécialisées; l'Egypte y figure en bonne place, par les soins de Mme Aziza Rashad. Signalons que ce répertoire est destiné à être mis à jour périodiquement, grâce à un fichier spécial de la « Maison des Sciences de l'Homme », de l'École pratique des Hautes Études, à Paris.

Il en est de même pour Willard A. Beling, dont le petit livre, Pan-Arabism and labor (3), qui puise aux sources, est un modèle de précision. Son principal mérite consiste à situer l'histoire du mouvement ouvrier arabe dans le cadre général du mouvement national, ce qui l'amène à étudier « la philosophie de la Confédération des Syndicats Ouvriers Arabes » (p. 22-33), les rapports entre le « neutralisme positif et le mouvement ouvrier arabe » (p. 72-84), et, surtout ceux entre le « communisme et le mouvement ouvrier pan-arabe » (p. 85-95). Nous avons là le meilleur travail de défrichement effectué jusqu'à

(1) Vol. I, pp. xxxviii-705; vol. II, pp. XXXV111-1019, ind., Khayats, Beyrouth, 1962. (2) Ecole Pratique des Hautes Etudes, Unesco, p. 375, 2 ind., Paris, 1963. (3) P. 127 in Harvard Middle Eastern monograph series, n° IV, Center for Middle Eastern

Studies of Harvard University, Harvard U.P., Cambridge, Mass. i960.

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présent dans ce domaine. Depuis i960, cependant, les choses ont bougé : le conflit entre le nationalisme et le communisme au sein des forces en action dans le monde arabe a évolué, et l'adoption du socialisme comme philosophie sociale, encore mal définie, en Egypte, en Syrie, en Iraq, puis, dans le Maghreb, en Algérie et en Tunisie ne pouvait manquer de faire sentir ses effets dans le mouvement ouvrier des pays arabes. Cependant, ce réaménagement est à peine entrepris, sauf en Algérie. Une certaine confusion résulte du titre même du livre : « panarabisme » évoque les souvenirs de l'histoire politique européenne dans ses périodes les plus polémiques (« pangermanisme », etc.); il s'agit, en réalité, du « mouvement d'unité arabe », qu'on peut aussi dénommer « arabisme », « nationalitarisme arabe ». Il s'agit de regrouper les pays et les peuples du monde arabe, non de partir d'une plate-forme arabe pour conquérir et annexer. La nuance n'est pas secondaire; elle méritait d'être signalée.

Plusieurs ouvrages traitent du pétrole (1). Nous n'en parlerons pas ici, la question étant du ressort des spécialistes. Tous, pourtant, affirment, avec plus ou moins de nuances, la nécessité, désormais inéluctable, après les récentes décisions algériennes, d'intégrer les ressources pétrolières à l'économie nationale des pays producteurs.

L'intervention de l'armée dans les domaines de la politique, de l'économie et des réformes sociales fait l'objet de deux ouvrages américains d'un intérêt inégal. The military in the Middle East, problems in society and government, publié sous la direction de S. N. Fisher (2), contient trois communications sur les pays arabes (Iraq, par Majid Khadduri; Syrie, par G. H. Torrey; Egypte, par G. Kirk), deux autres sur la Turquie et Israël, ainsi que trois études d'ensemble. Les études sur les trois pays arabes apportent de bons résumés, pour l'Iraq et la Syrie, et pratiquement, pour l'Egypte, un compte rendu détaillé du livre plus ancien de P. J. Vatikiotis, The Egyptian army in politics. M. Khadduri met justement l'accent sur le besoin de construire un État moderne en Iraq; G. H. Torrey ne mentionne pas ses références; celles de G. Kirk, enfin, se cantonnent aux travaux en langues européennes. La préface de D. A. Rus-

(1) Les plus importants sont : Nicolas Sarkis, Le pétrole et les économies arabes, p. 279, carte, appendices, bibl., Libr. gén. de Droit et de Jurisprudence, Paris, 1963; Wayne A. Lee- man, The price of Middle East oil, p. 296, bibl., ind., Corbell U.P., 1962 : Charles W. Hamilton, Americans and oil in the Middle East, p. 305, ind., Gulf Publishing C°, Houston, Texas, 1963; Stephen H. Longrigg, Oil in the Middle East, its discovery and development, ze éd., xni + 401 p., Oxford U.P., London, 1961; Charles Issawi et Mohammed Yeganeh, The Economics of Middle Eastern Oil, xvi + 230 p., bibl., tabl., ind., F.A. Praeger, Inc., New York, 1962; Harold Lubell, Middle East oil crises and Western Europe's energy supplies, p. 233, appendices, bibl., ind., The Johns Hopkins Press, Baltimore, Maryland, 1962; Fourth Arab Petroleum Congress, p. 159, Lebanese & Arab Documentations Office, Beyrouth, 1963.

(2) Publication n° 1 of the Graduate Institute for World Affairs of Ohio State University, p. 138, ind., Ohio State U.P., Columbus, 1963.

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tow abonde en généralisations, principalement à partir des expériences turque et égyptienne : il apparaît que l'auteur n'envisage que le vacuum du pouvoir politique, alors que l'essentiel est bien la capacité de tels ou tels groupes ou classes sociales de promouvoir la refonte sociologique des pays arabes en direction de la modernité, au lendemain de l'indépendance. J. C. Campbell, dans sa conclusion, souligne que l'ensemble des travaux réunis dans ce livre a pour but d'informer la politique américaine (p. 112-114); on ne saurait indiquer plus clairement les limites de la valeur scientifique de cet ouvrage.

Avec le livre de M. Janowitz, The military in the political development of new nations (1), qui déborde largement le cadre arabe de notre étude, nous abordons le niveau de la théorisation. Deux thèses frappent par leur actualité dans le Proche-Orient arabe. Les voici : « On a l'habitude de penser que les militaires dans les nouvelles nations (2) sont d'orientation technocratique et se préoccupent de modernisation; mais les militaires sont également attachés à (la notion ď) autorité légitime ainsi qu'aux traditions historiques et nationales. En analysant leur idéologie et leur comportement politiques, on ne saurait passer sous silence l'impact du néo-traditionnalisme sur les militaires » (p. 26). Puis : « Le processus d'intervention militaire n'est pas irréversible; mais si le changement politique doit attendre que l'oligarchie militaire s'écroule, alors le résultat de cet état de choses ne saurait conduire à un processus de modernisation ordonné et humain » (p. 106).

Il n'était pas inutile que le professeur de sociologie à l'Université de Chicago attire l'attention de la science politique américaine sur le contexte de civilisation d'une part, et sur la nécessité de réactiver la vie politique de l'autre, rejoignant ainsi les conclusions des chercheurs et sociologues arabes (3).

On peut s'étonner que l'ouvrage collectif, Transformations sociales et développement économique (4), publié récemment par l'Unesco, et présenté par Jean Meynaud, pour instructif qu'il soit, ne serait-ce que par l'éventail des secteurs couverts, n'ait cru devoir retenir qu'un seul article sur le monde arabe, celui de Cecil Houráni sur « L'expérience effectuée à Jéricho par la société arabe pour le développement économique et social ». Le sous-continent indien, à lui seul, se voit consacrer six études. L'étude descriptive de C. Houráni (p. 218-223) porte sur une expérience d'installation d'un petit nombre de réfugiés palestiniens dans la partie méridionale de la vallée du Jourdain

(1) P. 134, app., ind., The University of Chicago Press, Chicago, 111., 1964. (2) Ce terme sert à désigner, en Occident, les nouveaux Etats nationaux indépendants

d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, dont certains (Chine, Egypte, Perse, etc.)> sont les plus vieilles nations-Etats qu'ait connu l'histoire du monde.

(3) Le public de langue française a désormais à sa disposition le travail utile du Pr W. Cant- well Smith, U Islam dans le monde moderne, p. 3 89, préf. et trad, de A. Guimbretière, Payot, Paris, 1962.

(4) Extraits du Bulletin international des Sciences sociales, p. 231, bibl., Unesco, Paris, 1962.

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à l'extrémité nord de la mer Morte, grâce à l'initiative de Musa ' Alami. Souhaitons que le Bulletin international des Sciences sociales consacre plus d'attention aux problèmes sociaux du monde arabe : le Haut-Barrage et ses conséquences sociologiques sur la Nubie; l'implantation pétrolière et ses répercussions sur le milieu bédouin; les projets d'unité économique dans leurs rapports avec la montée démographique — voilà, parmi tant d'autres, des thèmes majeurs qui méritent l'étude. Comme le constate J. Meynaud, dans sa préface, « le paradoxe consiste dans le fait que c'est dans les pays les plus mal préparés à assumer cette charge (médiocrité des statistiques démographiques et économiques ; faiblesse et souvent inexistence des relevés géologiques) que la planification est la plus urgente » (p. 20). Raison de plus pour déplorer l'absence de tout ce qui se rapporte à ce thème pour le monde arabe.

Cette lacune est comblée, sur les plans de la recherche concrète et de la théorisation, par l'important ouvrage du sociologue soudanais Mohieddin Çâber, Al-taghayyor al-hadârî n>a tanmiyat al-mougtama* (1). Le point de départ est, ici, le travail de recherches effectué sous la direction de l'auteur au Centre d'Éducation de Base pour les pays arabes de Sirs al-Layyân, en Egypte. Il va servir à définir le « changement culturel » (la modification en matière de culture), qui est autre que le changement sociologique (p. 71-79), notamment parce qu'il fait intervenir l'inventivité créatrice; ce changement sera ensuite étudié concrètement dans les pays arabes et dans certains pays d'Asie et d'Amérique latine. M. Çâber s'attaque ensuite à la dialectique du développement culturel : « Très souvent, on s'en fait une conception unilatérale, les sociétés développées devant transmettre aux sociétés sous-développées leurs archétypes technologiques modernes, soit sous la forme d'une domination imposée de l'extérieur, comme ce fut le cas longtemps durant, soit sous celle de l'aide, comme c'est le cas actuellement (...). Mais, il est une autre image, à savoir la réalité des pays en voie de développement eux-mêmes. Cette réalité, notamment au niveau national, montre clairement que le problème qui consiste à obtenir la chose acceptée s'accompagne du problème de l'acceptation en tant que telle. C'est que les cultures nationales sont actuellement souveraines dans les sociétés en voie de développement qui sont devenues des sociétés dotées d'une souveraineté politique légale, que ces cultures représentent un type intermédiaire entre les cultures locales et mondiales, et qu'elles s'avancent maintenant jusqu'au bout du chemin, une fois que le changement s'est étendu à plusieurs de leurs dimensions, afin d'absorber la culture technologique, car c'est cette dernière qui fortifie leur existence et développe leur être propre en tant que nationalité et en tant qu'État » (p. 166).

(1) Cultural change and community development (trad, de l'auteur), p. 434, bibl., photos, Sirs-el-Layyan, Egypte 1962.

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Et de noter l'importance déterminante du « changement culturel qui atteint le pouvoir au sein de la société (...), notamment dans les sociétés en voie de développement où les progrès technologiques ont donné une force colossale au pouvoir moderne » (p. 168). C'est dire combien le problème du développement est, par-dessus tout, un problème politique, la récupération du pouvoir de décision par les États nouvellement (et réellement) indépendants étant seule en mesure de leur permettre de choisir, d'une manière critique, les apports des cultures technologiquement plus avancées et de les répercuter, à leur tour, sur les sociétés locales, à prédominance agraire (p. 1 17-120) (1).

L'un des thèmes principaux de ce livre est ce que l'auteur appelle « l'illusion culturelle », celle qui se développe en trois étapes au sein des sociétés en voie de développement : soumission aux archétypes des sociétés conquérantes; adoption volontaire de ces archétypes; puis, « l'étape de l'âge d'or, ou du retour au passé, l'étape de l'orgueil national des sociétés en voie de développement, celle même que nous vivons ». Double illusion : celle des sociétés qui montent, « car la culture actuelle n'est guère la culture ancienne, encore que certaines de ses caractéristiques et de ses traits demeurent en l'état ; alors que la culture actuelle acquiert des valeurs nouvelles à la lumière de la structure culturelle en tant que tout »; celle des sociétés jadis dominantes, « qui tentent de maintenir les sociétés en voie de développement à distance », alors que « leur propre culture comporte en elle-même (le principe de) son autodiffusion » (p. 310-317). Il est difficile de s'étendre ici, en détail, sur le contenu de ce livre, l'un des plus importants, sur le plan mondial, parmi ceux qui traitent des problèmes inter-culturels à l'ère de la décolonisation, et, à coup sûr, le plus solide travail paru dans le monde arabe sur ces questions. Il nous semble nécessaire d'indiquer cependant que le problème du devenir de la spécificité nationale, ainsi posé par l'auteur, demeure ouvert.

Le pain avec la dignité, tel est le titre, et le thème, du livre récent de l'économiste libanais Youssef Abdallah Çâyegh, Al-khobt^ max аЧ-karâmah, al- mou'htawâ al-iqtiçâdî al-ijtimâ'î Iťl-mafhoum al-qawmî al- Arabî (2). Le développement des économies arabes est envisagé comme une plate-forme, la seule qui permette d'atteindre l'unité arabe, et, partant, de promouvoir la renaissance nationale arabe. A quelles conditions le développement économique doit-il répondre afin de se transformer de « concept purement technique en cadre sociologique général » ? L'auteur en dénombre quatre : « 1) II faut que l'atmosphère politico-sociale soit à même de fournir les idées, la connaissance, les attitudes et les institutions nécessaires à l'activité économique que

(1) Tel est le thème général de notre Egypte... On consultera utilement, par l'auteur de cette étude, l'Anthologie de la littérature arabe contemporaine, vol. II : Les essais, déjà signalée.

(2) Le pain avec la liberté, le contenu économique et sociologique du concept national arabe, p. 172, Dâr al-Talî'ah, Beyrouth, 1961.

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l'on souhaite améliorer; 2) II faut que la plus grande part du progrès matériel réalisé soit le fruit de l'effort de la communauté, non celui d'un secteur avancé qu'entourerait une société retardataire et primitive, telle une île dans la mer; 3) II faut que le développement du revenu ne s'accompagne pas de l'approfondissement du fossé qui sépare les revenus élevés des revenus les plus bas (...); 4) II faut que la transformation technologique et organisationnelle continue, afin de permettre au revenu national de continuer à élever le taux de croissance, ou, tout au moins, à le stabiliser au cas où ce taux aurait atteint un point très élevé » (p. 25). Au terme de l'analyse, l'auteur aborde la nécessité du socialisme. Les cinq principes qu'H énumère sont ceux d'une social- démocratie qui serait arabe; toutefois, l'auteur se départit du ton généralement mesuré qui est le sien pour partir en guerre contre les « socialistes doctrinaires », et insister sur les limitations à imposer au secteur public « afin d'apaiser le secteur privé» (p. 160-172).

Il est intéressant de suivre, simultanément, la réflexion d'un excellent observateur non arabe du Moyen-Orient, Gabriel Baer, professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem, dont le dernier ouvrage, Population and society in the Arab Bast (1), vient de paraître en édition anglaise. Plusieurs chapitres, qui puisent leur information des sources locales et de celles diffusées par les Nations Unies et leurs agences spécialisées, traitent successivement de la démographie, des femmes et de la famille, des communautés religieuses et ethniques, enfin de la structure écologique. L'information ainsi ordonnée est utile et précise, encore qu'elle aurait mérité d'être mise à jour des données les plus récentes.

Pour l'auteur, le trait commun fondamental de la société arabe dans son ensemble est « sa nature transitoire au cours d'une période de changement fondamental ». Il note, justement, l'ébranlement des structures traditionnelles, dans chacun des secteurs étudiés : « le résultat le plus frappant et le plus important est l'apparition de sentiments nationaux, basés sur des liens territoriaux ou linguistiques »; mais « également, un certain degré de conscience économique et de classe, qui est devenu une réalité ». Cependant, « la civilisation occidentale qui s'infiltre n'a pas trouvé son instrument naturel de médiation, à savoir une classe moyenne étendue qui possède une certaine richesse, de l'éducation et de l'initiative. Il en est résulté que l'on trouve parfois clairement des archétypes anciens et nouveaux combinés, et que, parfois, il nous semble voir un vacuum là où les moules anciens ont été brisés sans que rien de nouveau n'ait été constitué à leur place ». Ici, l'accent est mis plus sur les contradictions de la période de transition que sur les réalisations, c'est-à-dire l'édi-

(1) P. xn-275, trad, de l'hébreu par Hanna Szôke, cartes, bibl., ind., Routledge & Kegan Paul, Ltd., London, 1964.

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fication d'États nationaux indépendants dotés d'une politique sociale cohérente, notamment en Egypte, en Algérie, en Tunisie. Dès lors, pour l'auteur, « l'un des problèmes fondamentaux de la société arabe est celui de l'allégeance, à une secte, un pays ou à la nation arabe » (p. 240-242). Le temps des sectes n'est plus, comme l'indique, ici et là, G. Baer, et le concept de nation à double palier (égyptienne et arabe; irakienne et arabe; algérienne et arabe); etc., concrètement à l'œuvre depuis 1958, encore qu'insuffisamment élaboré (1), apparaît comme capable de résoudre rationnellement et pratiquement le problème de l'allégeance.

La volumineuse Introduction to the modem economic history of the Middle East par Z. Y. Hershlag (2) promet beaucoup : l'étude de cette économie jusqu'à la première guerre mondiale (p. 7-156), suivie par celle des « changements économiques et sociaux intervenus dans la période de l'entre-deux-guerres mondiales» (p. 157-264), sert de prélude à des thèses qui, pour l'auteur, doivent servir de point de départ à un deuxième volume, plus critique qu'historique.

Au contraire de G. A. Baer, l'auteur ignore totalement les sources locales, à moins qu'elles ne soient en langues européennes — ce qui est bien rare. Il en est réduit, dès lors, à une compilation des bons travaux occidentaux qui, eux, se sont fondés, le plus souvent, sur une étude directe des sources. C'est dire d'emblée les Hmites que s'impose Z. Y. Hershlag. L'auteur se replie sur des thèmes d'apparence philosophique, qui masquent, en réalité, une typologie ethniste des peuples arabes et islamiques. Ainsi, si le « Moyen-Orient, malgré des contacts intermittents avec la civilisation occidentale continue de voir persister des institutions religieuses, sociales et économiques totalement étrangères à l'esprit occidental », la raison en est que ces institutions « personnifient le caractère féodal spécifique de cette partie du monde » (p. 2). Serait-elle condamnée à ne connaître, ni le capitalisme, ni le socialisme ? Et l'Occident serait-il « spécifiquement » capitaliste ?

Et, en échantillon d'application de cette méthodologie, l'auteur aborde l'échec de l'œuvre entreprise par Mo'hammad-' AH en Egypte, dans la première moitié du xixe siècle : pour lui, « il y eut alors un affrontement entre les changements techniques et économiques qu'U avait introduits et la structure sociale et politique du pays; il en résulta la défaite des réformes, encore que le coup de grâce ait été administré par des forces extérieures » (p. 3). C'est ignorer que l'État autarcique et militaire créé par Mo'hammad-'Alî avait déchaîné contre lui, au premier chef, les puissances européennes, soucieuses d'écraser un si puissant successeur potentiel du Sultan. L'affrontement violent et persistant, jusqu'à l'écrasement du vice-roi d'Egypte en 1840, fut celui

(1) Cf. notre Introduction à la pensée arabe contemporaine, déjà citée. (2) P. xiv-419, app., bibl., tabl. synopt., cartes, ind., E. J. Brill, Leiden 1964.

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entre une première renaissance égyptienne et le colonialisme. L'éviction de Mo'hammad-' Alî s'accompagna, on le sait, du démantèlement de l'industrie égyptienne, de l'abolition du monopole industriel et commercial détenu par l'État, de l'implantation des capitaux européens en Egypte, qui, étranglée par la Dette, réduite au contrôle financier des puissances, se souleva, en 1882, avec l'armée conduite par A'hmad 'Arabî, et fut occupée militairement par l'Angleterre.

Il est évidemment difficile de passer ici en revue toutes les analyses de Z. Y. Hershlag. En éclairant sa thèse philosophique de départ par la critique d'un cas concret d'application, nous avons cru possible de faire la lumière sur l'ensemble; cependant, une critique détaillée mériterait d'en être donnée. Signalons, enfin, que l'auteur a réuni une documentation utile en annexe (p. 277-386) dont le lecteur non spécialiste lui saura gré. Quatre ans auparavant, Kurt Grunwald et Joachim O. Ronall nous avaient déjà donné une description plus techniciste du secteur industriel dans leur Industrialisation in the Middle East (1).

II. L'Egypte

La transition du cadre arabe au cadre national des différents pays du monde arabe se fait sans grandes difficultés, semble-t-il, sur le plan scientifique, dès lors que l'objectif de l'unité arabe, loin de provoquer les contestations ni les confusions des années difficiles (1958-1961), apparaît à tous comme le cadre général de la renaissance et du progrès des peuples arabes.

Un manuel collectif d'universitaires égyptiens, Diras s ât fť l-mougtama* al- Arabî (2), paru précisément vers la fin de cette phase que nous disions, sous la direction du Pr Sa'ïd fAbd al-Fattâ'h 'Ashoûr, étudie successivement « L'idée de nationalité » (Mo'hammad Anîs, Safîd al-Bâz al-'Arînî, 'Hassan A'hmad Ma'hmoûd, Al-Sayyed Ragab Harrâz, 'Hassan A'hmad Ma'hmoûd), « La société arabe contemporaine après la révolution de juillet 1952 » (cAbd al-'Azîz Kâmel, 'Abd al-Malek 'Aûdah, Moustafâ al-Khashâb, Mo'hammad Labîb Shouqaîr, Rif rat al-Ma'hgoûb), enfin « La part des Arabes dans le progrès de la science et de la culture » (S. A. ' Ashoûr).

L'essentiel du livre est constitué par la série d'études dont se compose la deuxième partie (p. 185-456). A.-M. 'Audâh met l'accent sur la révolution sociale qui forme le contenu profond de la révolution nationale : par-delà

(1) P. xxn-394, tabl., bibl., ind., Council for Middle Eastern Affairs Press, New York, i960.

(2) "Etudes sur la société arabe, par un collège de professeurs aux Facultés des Lettres et d'Economie et de Sciences politiques de l'Université du Caire, p. 511, Dâr al-Nahdah al- 'Arabiyyah, Le Caire, 1961.

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l'indépendance — qui est déracinement en profondeur des racines de l'impérialisme — il s'agit de « transformer l'économie de la stagnation en économie du mouvement »; c'est là une action politique, non économique, puisqu'il s'agit avant tout de « démanteler les classes, les organismes et les institutions créées par l'impérialisme, celles mêmes qui ont collaboré avec lui et qui ont joui de l'influence politico-économique sous son égide, étant donné qu'elles n'appartiennent pas à la vague révolutionnaire nationale et qu'elles n'expriment ni les objectifs ni les besoins des classes populaires révolutionnaires » (p. 224-254). En bon sociologue, M. Al-Khashâb observe que l'objectif du régime est de « faire régner de meilleurs critères en matière de justice distributive » (p. 264) ; nous sommes, il est vrai, avant les grandes nationalisations de l'été 1961, et le problème du mode de propriété des moyens de production n'est pas encore clairement posé. L'étude conjointe des PrB M. L. Shou- qaîr, actuellement ministre de la Planification, et R. Al-Mah'goûb distingue deux groupes de pays arabes, sur le plan de « la spécialisation en matière de production » : les pays agricoles (Egypte, Syrie, Soudan, Jordanie, Libye) et les pays détenteurs de pétrole (Arabie Saoudite, Koweït, Qatar, Bahrein), l'Iraq occupant une position intermédiaire entre les deux groupes (p. 300-305). Ils dénoncent, justement la tendance à la consommation excessive, due au demonstration effect (p. 308) (1), et concluent, eux aussi, à la nature politique du problème du sous-développement : « Être sous la domination économique signifie qu'une économie nationale donnée est régie, dans son activité et dans son évolution, par des décisions qui émanent d'une économie nationale autre, en raison de ce que cette dernière comporte de potentialités pour dominer la première » (p. 309).

Nous abordons derechef de plain-pied la révolution égyptienne et ses répercussions sur le plan sociologique. Trois livres récents s'y attaquent; mais, si les problèmes étudiés sont les mêmes, la problématique, l'éclairage philosophique et les conclusions sont différents.

Egypt in revolution, an economic analysis^ de l'économiste libanais Charles Issawi, constitue la troisième tentative de rendre compte de l'infrastructure égyptienne faite par l'auteur depuis 1947 (2). Plusieurs chapitres sont des mises à jour des deux ouvrages précédents (notamment, les chap. I, II, III, V à XII). Ce qui nous retiendra, ici, est l'apport de l'auteur sur les développements depuis 1952. En 1951, l'Egypte, selon l'auteur, était marquée par trois caractéristiques : économie agraire; économie libérale, avec d'impor-

(1) Cf. notre « Nasserisra and socialism », The Socialist Register 1964, cd. par Ralph Mili- band et John Saviixe, The Merlin Press, London, 1964, p. 38-55.

(2) P. xiv-343, tabl., append., ЫЫ., ind., R.I.I.A., Oxford U.P., London, 1964. Les deux versions précédentes étaient : Egypt, and economic and social analysis, London, 1947; puis, Egypt at mid-century, New York and London, 1954.

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tantes implantations étrangères ; enfin, existence d'une « société civile au sein de laquelle l'armée jouait un rôle très mineur et qui jouissait d'une proportion considérable de liberté politique et économique ». Puis, « en 1962, l'image est très différente. L'Egypte est devenue un État socialiste totalitaire, avec cette différence importante, à savoir qu'elle ne dispose pas d'une organisation de parti s'étendant aux niveaux les plus bas de l'activité politique, économique et sociale » (p. 46-47, n. 1). C. Issawi relève que « la période 1952-62 a été celle d'un progrès économique et social rapide dans le monde entier (...), et l'on notera que le taux de croissance per capita, depuis 1952, a été au-dessous de la moyenne mondiale » (p. 47, n. 3). Nous aurions aimé connaître les chiffres comparatifs, et les méthodes d'évaluation critique de ces chiffres. Il semble que, pour l'auteur, la raison de ce retard soit d'ordre idéologique : il se réjouit de l'absence de parti politique, « qui rend plus malaisé pour le gouvernement de réaliser ses plans, mais aussi qui fait la vie plus facile aux Égyptiens qu'aux citoyens des autres États totalitaires » (p. 47, n. 1); le « socialisme arabe » serait basé sur un « anti-capitalisme fondé dans la conviction que le bénéfice privé est immoral et ne pourrait être qu'au détriment de l'intérêt public, ainsi que sur une foi touchante selon laquelle la planification socialiste est une gymnastique susceptible de promouvoir, infailliblement, simultanément et sans peine le pouvoir national, un développement économique rapide et le bien-être social » (p. 49). Quelles que soient les convictions de l'auteur, il semble ignorer que la conversion, toute pragmatique, du régime égyptien vers le dirigisme a été provoquée par le refus du secteur privé de financer le programme de développement économique et social à long terme et par les tentatives des groupes politiques de la bourgeoisie égyptienne d'user de leur influence au sein des organismes économiques et politiques pour briser l'élan vers une société de type nouveau, après Suez (1).

Il y a d'excellentes pages — dans les chapitres nouveaux, répétons-le — sur la bureaucratie (p. 74-75). On est surpris d'entendre C. Issawi, qui a longtemps vécu au sein de Y intelligentsia cairote, affirmer que « le pays n'avait rien produit, entre les deux guerres, comme pensée sérieuse sur les problèmes sociaux et économiques » (p. 93) : pourtant, les travaux de cAlî al-Gereitlî, de Mirrît Boutros Ghalî, de f Abbâs 'Ammâr, de ' Abd al-Razzâq al-Çanhoûrî, de Salâmah Moûssâ, de Çob'hî Wa'hîdah, pour ne citer que quelques-uns, tous ayant publié leurs œuvres principales avant 1952, sont là, et ils pèsent infiniment plus dans la pensée égyptienne de notre génération que les œuvres d'écrivains européanisés, pourtant citées par C. Issawi avec éloge (p. 93-94). Puis, immédiatement après, une bonne description des nouveaux cadres de la vie sociale (p. 94-96). La conclusion est la suivante : grâce à la révolution

(1) Cf. notre Egypte..., p. 59-168.

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égyptienne, « la région (Moyen-Orient) est aujourd'hui plus proche qu'elle ne l'a jamais été du communisme »; les puissances occidentales doivent unifier leurs politiques, immédiatement, car « au Moyen-Orient, comme partout ailleurs, l'Occident se bat pour son existence même » (p. 310-314). Les peuples de cette région font de même.

Deux auteurs égyptiens nous proposent, à leur tour, une interprétation de la révolution de 1952. Loutfî el-Khôlî, essayiste politique, rédacteur de la « page de l'opinion » du grand quotidien Al-Ahrâmy vient de réunir en volume une série d'articles, Dirâssât fî'l-wâqe* al-Miçrî al-mou* âcer (1). Trois grands chapitres : « Les lois des quatre jours glorieux » (juillet 1961); « La Charte nationale »; « Le problème de la démocratie et de l'Union socialiste arabe »; enfin, un important appendice documentaire (p. 131-270). La thèse principale de ce recueil, représentatif de la gauche nassérienne, est celle de la « dualité de nature de la nouvelle révolution nationale », qui vise tout à la fois « la libération politique de l'asservissement impérialiste, la libération économique et la libération des liens du retard chronique simultanément ». L'auteur en déduit la nécessité du parti unique : « Si « l'alliance des forces nationales du peuple » est faite de plusieurs classes, chacune d'entre elles a des intérêts et des objectifs qui se heurtent nécessairement (...). Or, si la révolution nationale dualiste ne nie pas la nécessité de la lutte des classes dans le domaine de la révolution sociale, elle exige simultanément l'unité nationale en tant que bouclier protecteur dans sa guerre directe et indirecte contre l'impérialisme. Dès lors, la plupart des révolutions nationales dualistes cherchent à résoudre ce problème en mobilisant les forces de l'alliance nationale au sein d'une organisation politique démocratique unique » (p. 102-107). Le bref historique du parlementarisme égyptien, de 1795 à 1952, qui fait suite à ces pages, culmine dans l'Union socialiste arabe (p. 108-130). On retiendra que l'auteur affirme résolument le caractère socialiste des lois de l'été et de l'automne 1961 (p. 7-40), alors qu'une grande partie de la gauche marxiste y voit un capitalisme d'État, forme intermédiaire entre l'économie libérale et le socialisme.

Avec UÉgypfe nassérienne (2) de Hassan Riad, nous sommes, d'emblée, sur un tout autre terrain. L'auteur, économiste de carrière, est, au surplus, partisan des thèses chinoises, ce en quoi, remarquons-le, il exprime une tendance nouvelle au sein de la gauche égyptienne, dont la ligne générale est celle du marxisme national, dans toutes ses variantes.

Les trois premiers chapitres — « La stratification dans les campagnes »; « La société urbaine et le revenu non agricole »; « Les structures de la bourgeoisie urbaine (1882-1963) » (p. 9-193) — constituent une histoire critique

(1) Etudes sur la réalité égyptienne contemporaine, p. 272, app., Dâr al-Talî'ah, Beyrouth, 1964. (2) P. 251, Editions de Minuit Paris 1964.

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de la bourgeoisie égyptienne à la lumière d'une information économique sérieuse et de la méthodologie marxiste, histoire qui nous semble remarquable sur le plan de l'information; on aurait souhaité que l'auteur prenne la peine d'étudier d'une manière critique les travaux de l'école marxiste égyptienne, notamment ceux de Çâdeq Sa'ad, Ibrahim 'Amer, Shohdî 'Attiah al-Shafé'î, Fawzî Girgis, qu'il se contente de mentionner en note; son analyse aurait gagné à se situer historiquement dans la lignée qu'il dit être la sienne.

Dans le chapitre IV, « L'évolution économique de 1880 à i960 et les perspectives d'avenir », l'auteur étudie le revenu national : И critique justement l'absence de critères conceptuels au ministère de la Planification (p. 142), l'affaiblissement des classes moyennes (p. 149 et 162), la crise de l'enseignement primaire et le chômage des intellectuels (p. 156). Sa conclusion est sévère : « II semble que le régime puisse réaliser, avec l'aide extérieure obtenue, des investissements de l'ordre de 200 millions par an (environ 17 à 18 % du produit national brut), qui, compte tenu d'un coefficient en capital global de l'ordre de 4,5 à 5, peuvent assurer une croissance du revenu de 3,5 à 4 % par an. La croissance démographique étant de 2,5 % par an, cela permettrait de doubler le revenu par tête en cinquante ou soixante-dix ans. On est loin de l'objectif officiel du Plan actuel : doubler le revenu national en dix ans, c'est-à- dire doubler le revenu par tête en quinze ans » (p. 190-191).

D'un bout à l'autre de ce travail, H. Riad dénonce l'incapacité théorique et pratique des marxistes égyptiens, qui n'ont pas su voir, dit-il, que « l'histoire contemporaine de l'Egypte est marquée par la montée de la petite bourgeoisie, dont certains groupes, qui en sont issus, sont devenus classe dirigeante depuis le coup d'État militaire de 1952, et se sont transformés peu à peu en une nouvelle bourgeoisie, d'un type nouveau, une bourgeoisie d'État, qui a remplacé l'ancienne classe dirigeante, l'aristocratie bourgeoise » (p. 8). « L'analyse des marxistes égyptiens a sous-estimé le rôle de la petite bourgeoisie. Elle s'est condamnée ainsi à ne pas comprendre la vraie signification du nassé- risme » (p. 236, puis p. 238).

Pour H. Riad, il s'agit d'un « étatisme pharaonique immobiliste » (p. 231); celui-ci vient se durcir de « la dure froideur du juriste sunnite », contrairement à l'Iraq (est-il plus révolutionnaire, de 191 9 à 1964?) où le « chiite oppose toujours l'amour des hommes » (p. 235). « La révolution nationaliste dirigée par la petite bourgeoisie débouche sur la constitution d'une nouvelle bourgeoisie, bureaucratique, d'État, non sur une « évolution vers le socialisme » (...). Cette incapacité congénitale rejettera tôt ou tard la bourgeoisie d'État dans le camp de l'impérialisme dont elle continuera à dépendre économiquement, même si pendant quelque temps l'exploitation d'une situation internationale lui a permis de s'en affranchir partiellement grâce à l'aide des pays de l'Est. Incapable de résoudre le préalable de l'accumulation du capital, la bourgeoisie

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d'État ne peut, à long terme, que devenir l'appendice dans le Tiers Monde de la bourgeoisie impérialiste et remplacer les anciennes classes dirigeantes locales qu'elle a détrônées, d'une manière plus ou moins radicale, dans leur rôle d'intermédiaire, d'agent local de l'impérialisme » (p. 240). La solution ? « L'expérience chinoise montre que (...) la grande, la seule richesse des pays surpeuplés, comme l'Egypte, c'est précisément leur surpeuplement (...). Il faudrait pouvoir faire exécuter à ces hommes inemployés des travaux de mise en valeur et d'équipement, sans pour autant trop augmenter le niveau de leur consommation actuelle » (p. 192). N'est-ce point, précisément, l'œuvre amorcée par le Haut Barrage d'Assouan ?

En réalité, H. Riad, en faisant le procès du dogmatisme qui aurait, selon lui, marqué toute une génération du marxisme égyptien, de 1939 à 1964, nous donne tout à la fois un travail fort utile sur le plan économique, et hautement contestable sur le plan politique et historique. Le régime qui, à Suez, a brisé l'hégémonie coloniale se voit ainsi condamné à devenir l'appendice de l'impérialisme, pour ne pas avoir suivi les traces de la Chine. Ce qui manque à ce livre important c'est la connaissance de la réalité égyptienne vécue, au jour le jour, pendant cette génération de luttes et de renaissance dont H. Riad décrie et les dirigeants, et l'aile gauche.

Le moindre mérite de ce travail, si discutable, n'est pas d'avoir fortement posé le problème démographique. Plusieurs travaux s'y attaquent, par divers biais. Mme Hikmat Abou Zeid, qui détient le portefeuille des Affaires sociales au sein du gouvernement de la R.A.U., étudie l'expérience de la province de la Libération — moudiriyyet al-Ta'hrîr — dans Al-takayyof al-igtimâ4 fî'l-rtf al-Miçrî (1). L'enquête, menée d'après la méthodologie des social survey d'outre- Atlantique, conduit l'auteur, du temps où elle enseignait à l'Université 'Ain- Shams, à identifier le « principe démocratique » à la campagne avec « le respect de la propriété privée, en tant que droit sacré intouchable » (p. 239). Et le socialisme ? L'auteur passe sous silence le phénomène de la lutte des classes à la campagne; elle parle de « manifestations contradictoires, telles que la compétition, la lutte entre différents objectifs, buts et valeurs que se proposent des communautés et des individus » (p. 241). Enfin, elle condense la philosophie du travaH social dont elle a la charge dans les campagnes d'Egypte, depuis 1 964, en ces termes : « Une société qui repose sur des bases religieuses, comme notre société arabe, se trouve devant le problème de devoir tenter la réconciliation entre les (différents) principes qui lui viennent (de l'extérieur). Il faut qu'il y ait un trait d'union entre la science et la religion; il convient, dès lors, que les religions soient interprétées d'une manière qui

(1) Le modelage sociologique dans la campagne égyptienne, p. 283, Ш., app., tabl., Maktabat al-Anglô al-Miçriyyah, Le Caire, s.d. , c. 1962.

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permette les découvertes et les inventions, en sorte que la religion cesse d'être un obstacle au progrès social et que l'individu cesse de se trouver déchiré entre une foi qui repose sur l'affectivité et une réalité qui se fonde sur l'objectivité et la logique » (p. 243-244). Tel est bien l'enseignement social de Sheikh Mo'hammad 'Abdouh.

Dans Land reform in relation to social development — Egypt (1), l'auteur, Saad M. Gadalla, disciple de Sayyed Maré'î, ministre de la Réforme agraire, montre l'inspiration américaine du type de réforme agraire adoptée en 1952 par les « Officiers libres » (p. 9-1 1) (2). Il étudie dans sa thèse tour à tour « La situation avant la réforme agraire », « La loi sur la réforme agraire de 1952 », « L'effet de la réforme agraire sur les communautés rurales » (p. 46-73), puis sur les « famiHes rurales » (p. 74-85). Chemin faisant, il montre bien que l'Egypte de 195 1 possédait « deux des trois conditions préalables à la révolution telles que définies par Lénine » (p. 3 5). Dans son dernier chapitre sur « Les perspectives de développement social », l'auteur se montre justement prudent : « La distribution des terres a affecté 6 % seulement des terres arabes et 3,5 % seulement du total des salariés agricoles. » II s'agit, avant tout, d'un problème politique : « La réforme agraire en Egypte signifie plus qu'un simple changement de structure agraire. Il s'agit là d'un point tournant dans l'histoire nationale, d'une cristallisation de la détermination de rompre irrévocablement avec le passé »; c'est que « l'abolition de la puissante concentration de richesse terrienne et l'éviction des seigneurs fonciers de leur position politique dominante doivent tendre à développer la démocratie dans l'Egypte rurale » (p. 96-98). Pourtant, tous les bons observateurs, et la presse égyptienne elle-même, abondent en sens contraire : la situation demeure stagnante, malgré le tournant pris, en raison du poids de la nouvelle classe dirigeante bureaucratique et de l'absence de toute organisation politique efficace de masse.

Avec A history of landownership in modem Egypt 1800-1950 de Gabriel Baer (3), nous sommes en présence d'un travail qui fera date dans l'étude de la société égyptienne. L'information, rigoureuse fait état de la majeure partie des sources égyptiennes; aucun esthétisme, pas de littérature; ni paternalisme, ni exotisme. Deux premiers chapitres retracent l'histoire de la naissance du capitalisme agraire en Egypte (p. 1-70). Elles sont suivies d'une analyse de la situation au xxe siècle en trois volets : distribution générale de la terre (p. 71-146); les terres waqfs (4) (p. 147-185); les domaines de l'État et le secteur

(1) Univ. of Missouri Studies, vol. XXXIX, pp. xiv-141, carte, app., tabl., bibl., ind. University of Missouri Press, Columbia, 1962.

(2) Cf. Ibrahim 'Amer, Al-ard wa'I-fallâ'h, al-mas'alah al-%irâ4yyah fi Mifr (La terre et le paysan, la question agraire en 'Egypte), p. 262, app., bibl., ind., Le Caire, 1958.

(3) P. xiii-255, tabl., app., bibl., ind., cartes, R.I.I.A., Oxford U.P., London, 1962. (4) Biens de mainmorte en droit musulman.

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public (p. 186-200). Mais peut-être le chapitre le plus révélateur est-il celui qui étudie certains « Points de vue sur la réforme agraire avant la révolution militaire » (p. 201-219), où l'on peut suivre, d'une manière précise, la lutte entre les principales tendances politiques égyptiennes en matière de politique agraire avant le 23 juillet 1952 : la réforme agraire apparaît ainsi, avant tout, comme un acte politique, ce que tous les analystes marxistes avaient fortement souligné dans leurs travaux (1). Enfin, les annexes du livre en font un excellent ouvrage de base, indispensable désormais pour quiconque s'intéresse à l'Egypte contemporaine.

Sur le terrain, plusieurs spécialistes viennent de nous livrer le fruit de leurs travaux. Le nombre en est élevé; et c'est pourquoi Д nous a fallu choisir. Le Pr ' Alî 'Abd el-Rassoûl nous donne un historique utile du régime bancaire égyptien dans Al-bounoûk al-tougâriyyab fi Miçr (2). Sa perspective est celle d'un économiste de formation libérale; et il est d'autant plus intéressant de le voir montrer le pourquoi de la nationalisation des banques, qui refusaient de jouer le jeu de l'industrialisation à long terme (p. 328-363). Dans la même optique, lMmà'hât ft iqtiçâdinâ al-mou*âçer du Pr Mo'hammad Mazloûm 'Hamdî (3) étudie la politique économique du nouveau régime dans les domaines de l'agriculture (p. 136-176), de l'industrie (p. 177-223), de la finance et du commerce (p. 224-266). Beaucoup de données, souvent noyées dans des dissertations apologétiques; visiblement, l'auteur, dérouté par le tournant de 1961, tente de s'en accommoder.

L'histoire de l'évolution économique de l'Egypte contemporaine — tel est le sujet choisi par le Pr 'Hussein Khallâf, actuellement ministre des Relations culturelles extérieures, dans Al-tagàîd fî'I-iqtiçâd al-Miçrî al-haâîth (4). L'auteur met en perspective les travaux et les données ayant trait à cette évolution dans les domaines de la population (p. 13-89) — priorité qui ne laisse pas d'être significative — de l'agriculture (p. 90-1 3 3), de l'industrie (p. 1 34-264), des transports, de la finance, de l'assurance, du commerce (p. 265-368). La partie la plus intéressante du livre est celle qui étudie le progrès de l'économie égyptienne (p. 381-429). Le « secteur public » ne serait que le prolongement contemporain de l'étatisme inauguré par Mo'hammad-' Alî (p. 393);

(1) Notamment : Ibrahim 'Amer, op. cit.; Shohdî 'Attiah al-Shafé'i, Tatawwor al-barakab al-wataniyyab al-Miçriyyah 1882-1956 (L'évolution du mouvement national égyptien de 1882 à 1956), Le Caire, 1957; Fawzî Girgis, Dirâssât fî târîkh Miçr al-siyâssî тоищри 7-' 'açr al-Mamloûki (Etudes sur l'histoire politique de Г Egypte depuis l'époque des Mamelouks), Le Caire, 1958; la collection du journal Al-Massâ' de 1956 à mars 1959; notre Egypte...; Hassan Riad, op. cit.

(2) Les banques commerciales en Egypte, p. 382, ЫЫ., Mou'assasat al-Matboû'ât al-'Hadî- thah, Le Caire, 1961.

(3) Aperçus sur notre économie contemporaine, p. 270, Dâr al-Ma'âref, Le Caire, 1963. (4) Le renouveau dans l'économie égyptienne moderne, p. 468, publ. de la Société égyptienne

d'Etudes historiques, Dâr I'hyâ al-Koutoub al-'Arabiyyah, Le Caire, 1962.

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il a été provoqué par l'incurie de l'entreprise privée (p. 400403). H. Khallâf montre bien les effets de distorsion sociologique provoquée par la monoculture du coton et l'imitation aveugle des économies européennes (p. 416-419). Là aussi, le point tournant est de nature politique, à savoir la révolution nationale de 191 9 et, surtout, de 1952. Et si le capitalisme égyptien a été différent dn capitalisme occidental (p. 436-441), l'extension du « secteur public » n'est pas encore le socialisme (p. 455-464).

Le même sujet est traité par le Pr L. A. Freidmann dans Kapitalistitchkoe Ka^uitie Egypta 1882-1939 (1). Après une introduction, qui traite de Г « exportation du capital et de l'exploitation coloniale de l'Egypte de 1882 à 1913 » (p. 5-24), l'auteur divise son étude en quatre parties : « Situation agraire entre les deux guerres » (p. 25-146); « Développement industriel de l'Egypte » (p. 147-214) ; « Quelques particularités de la formation de la grande bourgeoisie en Egypte » (p. 215-284); enfin, « La classe ouvrière en Egypte » (p. 285-363). Il nous est difficile de rendre compte d'un tel travail d'une manière indirecte : l'étude des notes bibliographiques indique un dépouillement systématique de la majeure partie des sources directes et des travaux égyptiens et étrangers. Souhaitons qu'une traduction en langues française ou anglaise permette à un large public d'en aborder la lecture.

Partout, tout au long de ces analyses, le problème démographique court comme un trait rouge. C'est pourquoi il était particulièrement bien venu au Pr fAlî al-Gereitlî, l'un des meilleurs économistes égyptiens contemporains, historien de l'industrialisation et directeur de la Banque d'Alexandrie, après avoir connu les responsabilités ministérielles, de s'attaquer de front à ce domaine dans son récent Al-soukkân n>a4-mawâred al-iqtiçâdiyyah ft Miçr (2). L'auteur nous donne tout d'abord une histoire de la population en Egypte à l'époque moderne (p. 7-52), modèle d'érudition et de clarté. Une deuxième partie étudie les rapports théoriques et pratiques entre la démographie et l'économie (p. 54-103). Il en dégage une véritable politique démographique : l'industrialisation à outrance et la conquête de nouvelles terres arables, même dans le cas, hypothétique, d'une immigration égyptienne, doivent s'accompagner, inéluctablement, du contrôle des naissances (p. 107-186). On a dit de ce livre qu'il péchait par son pessimisme. Il nous semble, tout au contraire, d'un courage exemplaire; et l'on ne saurait sous-estimer l'influence qu'il n'a pas manqué d'exercer sur les récentes mesures législatives et administratives prises par le gouvernement de la R. A.U. en matière de limitation des naissances.

(1) Le développement du capitalisme en Egypte (1882-1939), Editions de l'Académie de Moscou, Université d'Etat de Moscou V. Lomonosov, Institut des Langues orientales, p. 365, Moscou, 1963.

(2) La population et les ressources économiques en Egypte, p. 212, tabl., bibl., publ. de la Société égyptienne d'Economie politique de statistique et de législation, Matba' et Miçr, Le Caire, 1962.

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III. Iraq, Syrie, Liban, Jordanie, Libye, Arabie Saoudite, Yemen

Jusqu'à la révolution du 14 juillet 1958, l'Iraq se trouvait pour ainsi dire sur la frange des études sociologiques. On s'occupait alors d'étudier la lutte contre l'Angleterre, puissance occupante, les rivalités entre Bagdad et Le Caire, le pétrole. Depuis, les problèmes sociologiques du développement se trouvent posés.

L'ouvrage de base, en matière économique, demeure celui du Pr f Abd al-Ra'hmân al-Jalîlî, Mou'hâdardt fî iqtiçâdiyyât al-4raq (1), qui fait le point jusqu'en 1955, et conclut par un plaidoyer convaincant pour l'unité économique et politique du monde arabe (p. 247-255). Dans L'Irak d'aujourd'hui (2) du colonel Bernard Vernier, le lecteur français trouvera une mise au point sur « le problème du développement » et les solutions apportées par le régime défunt du général Qassem (p. 365-446); l'auteur conclut à l'urgence qu'il y a, pour les Iraquiens, à maîtriser « cette technique supérieure à l'objet humain qu'est l'administration ».

Toujours en langue française, mais, cette fois, de Bruxelles, Joyce Blau nous donne une introduction intéressante à l'un des problèmes les plus graves qui se posent à l'Iraq, dans Le problème kurde, essai sociologique et historique (3); l'auteur analyse et résume tous les travaux occidentaux sur cette question; on aurait souhaité un dépouillement des sources kurdes, arabes et soviétiques.

Le travail de A.-R. al-Jalîlî trouve un utile complément dans celui du Dr Kheireddine Haseeb, The National income of Iraq 1953-1961 (4). L'auteur, actuellement gouverneur de la Central Bank of Iraq, après avoir été directeur général de la Fédération des Industries, fait usage de tous les matériaux directs se trouvant en Iraq, ainsi, bien entendu, que des travaux et des sources étrangers. D'où cette thèse, qui étudie successivement, après la méthodologie (p. 3-32), l'agriculture, l'industrie et les mines (p. 79-105), la construction, l'électricité et l'eau, les transports et l'entreposage, le commerce, la banque et l'assurance, la propriété immobilière, l'administration publique et la défense, les services d'infrastructure, les redevances versées aux différents pays, enfin la distribution régionale du revenu national en 1956.

L'essentiel du livre porte sur la période qui précède la révolution de 1958. L'auteur souhaite montrer que les investissements du Development Board,

(1) Conférences sur l'économie de l'Iraq, p. 265, tabl., publ. de l'Institut des Hautes Etudes arabes de la Ligue des Etats arabes, Le Caire, 1955.

(2) P. 494, app., cartes, bibl., ind., coll. « Sciences politiques », Armand Colin, Paris, 1964. (3) P. 80, ann., bibl., carte, coll. « Le monde musulman contemporain, n° 4 », Centre

pour l'Etude des Problèmes du Monde musulman contemporain, Bruxelles, 1963. (4) P. xiv-184, tabl., R.I.I.A., Oxford, U.P., London, 1964.

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avant 1958, orientaient, somme toute, les revenus de pétrole « dans la bonne direction » (p. 1). Après la révolution, « qui n'était pas sans posséder des idéaux économiques », le travail continue, qui, pour K. Haseeb, est surtout de « développer le secteur agricole de l'économie ». L'objectif aura été de fournir des données sur le revenu national, « sans tenter de fournir une analyse économique des résultats obtenus » (p. 2). Dès lors, le dépistage des lacunes, fort nombreuses, dans l'équipement statistique de l'Iraq, débouche sur un constat positiviste. Nous avons là une base de départ pour l'étude de l'économie iraquienne, dans la perspective de la révolution de 1958 : mais ce travail reste à faire.

De l'Institut de Formation en vue du Développement, de Beyrouth, nous tenons une étude d'ensemble, 1л Liban face à son développement (1). L'équipe formée par le R. P. Lebret, directeur de l'I.R.F.E.D. de Paris, étudie tout d'abord « le Liban tel qu'il est », sur les plans géographiques et économiques (p. 9-206); c'est là, désormais, un travail de base, indispensable à tout spécialiste. La deuxième partie étudie, « L'économie libanaise telle qu'elle se présente » (p. 207-296); elle permet un « diagnostic global », qui met le doigt sur les principales caractéristiques d'une économie qui déconcerte : « La double structure économique avec une prédominance des opérations commerciales, telle qu'elle existe actuellement, présente une particulière fragilité dans le long terme »; l'attitude générale, « dangereusement grave pour l'avenir », qui affirme : « Nous ne voulons, nous Libanais, que des opérations à profit immédiat; mais puisque l'Occident a besoin de nous pour des raisons politiques, il est normal qu'il supporte, partiellement, le poids de nos infrastructures, et qu'iï consente, lui, à des investissements à très faibles profits; « l'individualisme rend difficile la formation d'associations pourtant utiles »; « le Liban se trouve très déphasé, non seulement par rapport aux pays développés mais aussi par rapport à un grand nombre de pays sous-développés ». Les auteurs de ce rapport comprennent bien que le développement n'est pas une affaire purement économique : « Le Liban ne peut subsister que si ses élites et ses masses se sentent solidaires dans l'acceptation et dans l'exercice d'une fonction régionale et mondiale qui dépasse l'économique mais qui doit aussi le comprendre. » II critique, plus injustement, nous semble-t-il, l'inefficacité des coopératives, syndicats et même des partis politiques qui « n'arrivent pas à provoquer, ici, de groupes stables, car ils sont privés d'idéologie constructive ». Les auteurs dénoncent, justement, l'attachement à « un libéralisme absolu comme plus aucun pays n'en connaît désormais » (p. 288-295), et réclament, dans leur conclusion « l'instauration d'une discipline de la liberté »,

(1) Présentation condensée de la première étude I.R.F.E.D., 1960-1961, p. 366, cartes et graphiques, coll. « Etudes et documents », Institut de Formation en vue du Développement, Beyrouth, 1963.

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l'intervention de l'État désormais « inévitable pour coordonner les efforts en vue du développement » (p. 299-340).

Il est frappant de voir cette étude critique, d'un niveau élevé, faire le procès de la vie sociale libanaise au nom de celui, intenté par l'histoire européenne récente, au libéralisme européen, cadre de référence évident des auteurs. A aucun moment, les objectifs régionaux ne sont dits arabes. Pourtant, les dures luttes de 1958 n'ont guère eu d'autre contenu. La souveraineté économique du Liban est abordée par le biais économique. Le problème du développement libanais, bien défriché dans ce travail, demeure celui de l'intégration au mouvement de renaissance arabe, dans le respect de l'autonomie de chaque pays, mais avec une nette vision des besoins et des lignes de force de l'ensemble. Beyrouth, ne l'oublions pas, est, après Le Caire, la deuxième capitale culturelle du monde arabe.

Deux monographies traitent du problème agraire. La première est celle de Bernard Orgels, Contribution à l'étude des problèmes agricoles de la Syrie (1). « Les conditions physiques et humaines » sont tout d'abord inventoriées (p. 7-62), après quoi l'auteur étudie dix-neuf cas particuliers choisis dans les différentes régions du pays (p. 63-98). Malgré le fait que « l'agriculture seule ne pourra suffire à occuper la masse rurale (...) la Syrie apparaît, malgré tout, comme privilégiée (car) elle n'est pas « envahie par elle-même » » (p. 101-102). Un post-scriptum qui se réjouit de la rupture de la R.A.U. en octobre 1961, déclare cependant qu' « il serait dommage que les réformes d'ordre social annoncées par le gouvernement de Nasser soient compromises par les événements » (p. 103).

La deuxième étude, plus fouillée, celle de A.-M. Goichon sur Ueauy problème vital de la région du Jourdain (2), constitue le plus solide dossier, à ce jour, sur un « drame dont l'enjeu est la vie ou la mort de centaines de milliers d'hommes » (p. 3), les fellahs arabes de Palestine et de Jordanie. L'auteur, spécialiste d'Avicenne, préoccupée depuis plusieurs années des problèmes sociaux dans le monde arabe, après avoir étudié les données géographiques et économiques, dresse un tableau très précis des « plans régionaux », ceux du sionisme (p. 21-46), puis « internationaux » (p. 47-92), notamment du plan Johnston (p. 72-92), pour déboucher sur les plans nationaux, arabes et israéliens (p. 93-114). Le livre, qui s'arrête en janvier 1964, ne conclut pas : c'est là un problème politique national, et il faut savoir gré à Mme Goichon, d'avoir si sûrement informé le public d'Occident des données dont l'élabora-

(1) P. 107, tabl., coll. « Correspondance d'Orient », n° 4, Centre pour l'Etude..., Bruxelles, 1962.

(2) P. 128, ann., carte, coll. « Correspondance d'Orient », n° 7, Centre pour l'Etude..., Bruxelles, 1964.

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tion en termes politiques est du domaine souverain des peuples et des États directement intéressés.

Sur l'État arabe charnière entre le Proche-Orient et le Maghreb — la Libye — Modem Libya, a study on political development du Pr Majid Khadduri (i), qui vient compléter, sur le plan de l'histoire politique, le rapport de la B.I.R.D., The Economic development of Libya (2), fournit la trame de l'histoire politique récente de ce pays, où « une nation-État existait uniquement sous la forme d'une structure constitutionnelle quand l'indépendance fut proclamée, il y a une dizaine d'années » (p. 333). U Arabie Saoudite de Fernand J. Tomiche (3) nous fait également assister à la formation d'une nation et d'un État, dans la période la plus récente, encore que ce petit livre, fort utile, donne un bon tableau géographique et historique (p. 5-71, puis 90-106). « Sous les tentes noires des nomades, le transistor, facteur d'évolution le plus récent, remplace les conteurs de jadis »; il s'ensuit que la question se pose de savoir si « l'archaïque organisation du royaume Saoudite résistera au vent révolutionnaire qui souffle à la fois du Caire et de Sanaa ». Au surplus, ce pays, dont « la richesse en pétrole ne doit pas faire oublier l'indigence en eau » est dans un état de « faiblesse réelle et de dépendance économique vis-à-vis des États-Unis » (p. 124-126). Les forces intérieures d'évolution sont insuffisamment dégagées par l'auteur, qui souligne cependant à juste titre l'impact du mouvement national arabe environnant.

Ce n'est certes pas du Koweït que souffle le vent de l'histoire. Plutôt, pour cette région, de la révolution républicaine au Yémen. Deux ouvrages récents en traitent. Pour Harold Ingrams, auteur de The Yemen, imams, rulers and revolutions (4), « l'état normal du Yémen tout au long de l'histoire a été le chaos » (p. 4). Une description romancée de l'histoire yéménite (p. 7-45), suivie d'une relation des rapports anglo-yéménites, toujours de la même veine (p. 46-89), sont suivies par un chapitre où l'auteur déplore l'irruption du nationalisme arabe (p. 90-103), après quoi « le conflit des idées apporte la confusion au Yémen » (p. 104-116), condamné, selon l'auteur, à la division et au chaos (p. 150)...

Avec la thèse de Mohamed Saïd al-'Attâr, directeur général de la Banque yéménite pour la Reconstruction et le Développement, nous tenons, enfin, le premier travail scientifique qui s'attaque de plein fouet à ce qu'est le Yémen d'aujourd'hui. Le sous-développement économique et social du Yémen, perspectives de la révolution jéménite (5) se présente, à la fois comme un inventaire détaillé

(1) P. ix-404, carte, app., ind., The Johns Hopkins Press, Baltimore, Maryland, 1963. (2) Baltimore, i960. (3) P. 128, bibl., coll. « Que sais-je ? », n° 1025, Presses Universitaires de France, Paris,

1962. (4) P. xii-164, carte, ill., ind., John Murray, London, 1963. (5) Editions nationales algériennes « Tiers Monde », pp. 358, tabl., cartes, ЫЫ., Alger,

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de la société yéménite, qui fait l'objet de la première partie (p. 21-234), et comme une tentative d'interprétation, neuve et originale, des raisons historiques qui font que de l'Arabie heureuse de jadis, « Д ne reste plus au Yémen que le nom ».

Si « le décalage constaté dans les pays sous-développés a pour cause principale le développement du capitalisme dans certains pays d'Europe et d'Amérique », « ce fait n'explique pas tout le phénomène du sous-développement et notamment dans les pays qui se trouvèrent isolés et ne subirent pas de domination directe, tels que le Yémen, le Tibet, l'Afghanistan » (p. 239). La spécificité du sous-développement du Yémen, selon M. S. Al-Attâr, réside dans la conjonction de quatre facteurs, qu'il étudie en détail : le « régime politico- économique des castes et le conservatisme traditionnel »; Г « isolement du Yémen et la rupture des courants d'échange »; les « effets indirects du colonialisme »; enfin, Г « absence relative des problèmes dus à l'alimentation : richesse du sol et émigration » (p. 241-246). D'avoir été isolé des grandes luttes de l'époque coloniale — mais non impérialiste, comme le montre la deuxième partie, et l'actualité — et d'avoir simultanément trouvé en soi des ressources matérielles suffisantes pour maintenir en équilibre un système archaïque — tel a été l'histoire, et le drame, du Yémen.

Plus que de la politique préconisée par l'auteur pour relever son pays — politique dont il est l'un des exécutants les plus efficaces (p. 250-336) — l'apport méthodologique essentiel de ce livre qui, désormais, fera date dans son domaine, est celui où l'auteur, rejoignant ainsi la vision du monde proposée par plusieurs penseurs socialistes, notamment en Egypte, préconise un « empirisme orienté » : « Cela ne signifie pas, dit-il, que l'on doit rejeter les doctrines élaborées dans les pays européens; (... mais) il ne faudrait pas hésiter à formuler d'autres concepts adéquats qui correspondraient à l'évolution historique et aux conditions concrètes de nos pays. » C'est que « l'ordre de priorité n'est pas le même dans nos pays que dans celui dans les pays où les doctrines du socialisme ont été élaborées (...). La lutte anti-impérialiste, la nécessité de mobiliser les nationaux pour le développement du pays, l'indépendance économique vis-à-vis de l'extérieur, sont, pour nous, des impératifs fondamentaux » (p. 337-9).

Les risques, l'auteur les mesure, qui connaît les deux versants du problème. Mais, à schématiser, on court au désastre. Schématiser, c'est-à-dire appliquer les méthodes, les schemes et la tactique du socialisme occidental. Du terrain national lui-même, mais aussi de l'ensemble afro-asiatique, où la Chine joue un rôle déterminant, l'analyse et l'action seront progressivement mis en œuvre, par les forces nationales elles-mêmes, à la lumière de la méthode marxiste.

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* * *

Au terme de ce premier bilan, des travaux les plus significatifs au cours des années récentes se rapportant à l'œuvre d'édification nationalitaire entreprise dans l'un des deux grands secteurs du monde arabe sous étude — le Proche-Orient — est-il possible de dégager un certain nombre de remarques en guise de conclusion provisoire ?

1. Sur le plan formel et méthodologique, tout d'abord : les meilleurs spécialistes étrangers de l'époque contemporaine travaillent, le plus souvent, à partir des sources directes. De l'autre versant, leurs collègues arabes suivent de près l'évolution de la sociologie comparatiste d'Europe et d'Amérique, les travaux des pays socialistes étant généralement connus par l'état qu'en donnent les publications occidentales, pour des raisons linguistiques.

Cette première constatation signifie que nous entrons rapidement dans la phase de déclin de l'exotisme en matière de sciences sociales. Il convient d'y voir le fruit de l'effort véritablement gigantesque entrepris, dans les « trois continents oubliés », pour promouvoir la renaissance nationale, au lendemain de l'indépendance.

Mais, il y a plus. Pour la première fois, un véritable dialogue — qui ne saurait être qu'une dialectique — a des chances de s'instaurer entre les différents partenaires, à partir d'une information qui tend à se faire commune, encore que le décalage soit sensible entre l'accès aux sources des chercheurs autochtones et des spécialistes étrangers. Une dialectique, disions-nous, puisque les besoins nationaux, les intérêts d'État et la lutte idéologique jouent un rôle de premier plan dans la renaissance du monde arabe, comme partout ailleurs en Asie, en Afrique, en Amérique latine.

2. Sur le plan du contenu — thématique et problématique — il nous est apparu que nous sommes en présence d'une évolution sensible. Elle porte, cette fois, sur le concept même de développement.

Certes, plusieurs auteurs continuent de concevoir ce processus en termes technicistes : le primat sera accordé à l'introduction des techniques des sociétés industrielles avancées (« occidentales », « européennes », etc.), à l'alignement de l'infrastructure socio-économique, mais aussi des modes de pensée, de la vision du monde, sur « l'autre », jadis occupant, aujourd'hui critère de référence.

Il est frappant, cependant, de voir que les tenants même de cette conception — dans les études arabes — soulignent tous, plus ou moins fortement, le contexte sociologique, le cadre de civilisation. On dira qu'il s'agit là d'un alignement sur l'allure générale de la sociologie contemporaine.

Est-ce bien tout ? Il ne le semble pas. En effet, la majorité des travaux analysés ici commencent à reconnaître à cette sociologie de la civilisation une sorte de primat, à refuser toute réduction au palier techniciste, à sentir

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et à exprimer la conviction selon laquelle ce qui est en jeu, dans le processus même du développement, c'est la re-naissance d'ensembles humains, c'est-à- dire des nations jadis décadentes, la promotion des groupes sociaux les plus durement atteints par la faim, l'analphabétisme, la maladie, c'est-à-dire les classes travailleuses dans les campagnes comme dans les villes. Or, pour remodeler le terroir, l'homme et l'histoire, ne faut-il pas tenter d'en déceler la spécificité propre — qui est tout autre chose qu'une quelconque typologie ethniste — afin de découvrir, non seulement le style national propre, mais également des sources originales susceptibles de susciter une authentique renaissance ?

Le travail commence à peine, qui s'annonce fertile en découvertes, âpre comme l'est tout défrichement, dans cette « réflexion philosophique » sur « l'humanisme du développement », que M. René Maheu, directeur général de l'U.N.E.S.C.O. vient de proposer à l'attention des savants de toutes les nations (i).

Pour notre part, nous nous sommes essayés, ici, bien modestement, à mettre en situation, à établir des rapports, à promouvoir — par l'information critique — une étude sociologique comparatiste et authentique de ce qu'est véritablement l'œuvre de renaissance dans le monde arabe, et plus particulièrement, dans le Proche-Orient. En la soumettant à l'attention de tous ceux qui s'y intéressent, qu'il nous soit permis d'espérer qu'elle servira à mieux éclairer la situation, et le reflet de cette situation dans les esprits.

C.N.R.S., Paris, octobre 1964.

(1) Projet de programme et de budget pour 1965 et 1966.

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