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Motivations U.I.M.M. Pn°07268092048 (10.2.14) I – Sur les exceptions de nullité A – Sur les conclusions in limine litis aux fins d'annulation de l'ordonnance de renvoi déposées par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC 1 – Sur le moyen tiré de la violation du principe de la présomption d'innocence Le magistrat instructeur en se référant aux arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation des 8 décembre 1971 et 10 janvier 1984 n'a fait application d'aucune présomption de culpabilité mais a défini, ce qui pour lui, constituait l'acte de détournement ; il a ainsi parfaitement respecté les dispositions de l'article 184 du Code de Procédure Pénale en indiquant la qualification légale des faits imputés à la personne mise en examen, les motifs pour lesquels il existe contre elle des charges suffisantes et les éléments à charge et à décharge concernant la personne mise en examen. L'ensemble de ces points (qualification légale, motifs, concernant les charges suffisantes, éléments à charge et à décharge) fait ensuite l'objet d'un débat contradictoire devant la juridiction correctionnelle. En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité. 2 – Sur le moyen tiré de l'application rétroactive de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 Contrairement à ce qui est soutenu par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, le magistrat instructeur n'a pas ordonné le renvoi de ce dernier devant le Tribunal correctionnel en se fondant, que ce soit dans les motifs ou le dispositif de son ordonnance, sur la loi sus-visée de telle sorte qu'il convient de rejeter ce moyen de nullité. B – Sur les conclusions in limine litis aux fins d'annulation de l'ordonnance de renvoi déposées par l'U.I.M.M. 1 – Sur le moyen tiré du défaut de réponse par le magistrat instructeur aux observations du 3 août 2011 En expliquant en particulier aux pages 46 et 53 de l'ordonnance de renvoi les motifs pour lesquels il estime que le versement de rémunérations ou de compléments de rémunération en espèces est constitutif du délit de travail dissimulé, le magistrat instructeur a implicitement et nécessairement répondu aux observations écrites de Maître REINHART agissant au nom de l'U.I.M.M. en date du 3 août 2011, observations qui sont d'ailleurs visées à la page 3 de l'ordonnance de renvoi. En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité. 2 – Sur le moyen tiré de la prescription de l'action publique La circonstance, à la supposer établie, que le magistrat instructeur ait décidé de renvoyer devant la juridiction correctionnelle une personne mise en examen du chef d'une infraction prescrite au sens des dispositions de l'article 8 du Code de Procédure Pénale, n'entache pas de nullité l'ordonnance de renvoi mais impose seulement à la juridiction de jugement de constater l'extinction de l'action publique en application de l'article 6 du Code de Procédure Pénale. En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité. C – Sur les conclusions aux fins de nullité de l'ordonnance de renvoi déposées par Alain NOQUÉ, Aymeric DUROY de SUDUIRAUT et Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE Contrairement à ce qui est soutenu par ces trois prévenus, la lecture des motifs et du dispositif de l'ordonnance de renvoi leur permet d'être informés d'une manière détaillée et précise des faits qui leur sont reprochés et de leur qualification juridique. Il est en effet précisé en quoi les compléments de rémunération versés en espèces sont constitutifs du délit d'abus de confiance (cf. en particulier page 46 de l'ordonnance de renvoi) et en quoi la perception de ces compléments de rémunération versés en espèces par ces trois personnes mises en examen est constitutive de recel d'abus de confiance (cf. en particulier pages 50 et 51 de l'ordonnance de renvoi). En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité.

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Motivations U.I.M.M. Pn°07268092048 (10.2.14) I – Sur les exceptions de nullité A – Sur les conclusions in limine litis aux fins d'annulation de l'ordonnance de renvoi déposées par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC 1 – Sur le moyen tiré de la violation du principe de la présomption d'innocence Le magistrat instructeur en se référant aux arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation des 8 décembre 1971 et 10 janvier 1984 n'a fait application d'aucune présomption de culpabilité mais a défini, ce qui pour lui, constituait l'acte de détournement ; il a ainsi parfaitement respecté les dispositions de l'article 184 du Code de Procédure Pénale en indiquant la qualification légale des faits imputés à la personne mise en examen, les motifs pour lesquels il existe contre elle des charges suffisantes et les éléments à charge et à décharge concernant la personne mise en examen. L'ensemble de ces points (qualification légale, motifs, concernant les charges suffisantes, éléments à charge et à décharge) fait ensuite l'objet d'un débat contradictoire devant la juridiction correctionnelle. En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité. 2 – Sur le moyen tiré de l'application rétroactive de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 Contrairement à ce qui est soutenu par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, le magistrat instructeur n'a pas ordonné le renvoi de ce dernier devant le Tribunal correctionnel en se fondant, que ce soit dans les motifs ou le dispositif de son ordonnance, sur la loi sus-visée de telle sorte qu'il convient de rejeter ce moyen de nullité. B – Sur les conclusions in limine litis aux fins d'annulation de l'ordonnance de renvoi déposées par l'U.I.M.M. 1 – Sur le moyen tiré du défaut de réponse par le magistrat instructeur aux observations du 3 août 2011 En expliquant en particulier aux pages 46 et 53 de l'ordonnance de renvoi les motifs pour lesquels il estime que le versement de rémunérations ou de compléments de rémunération en espèces est constitutif du délit de travail dissimulé, le magistrat instructeur a implicitement et nécessairement répondu aux observations écrites de Maître REINHART agissant au nom de l'U.I.M.M. en date du 3 août 2011, observations qui sont d'ailleurs visées à la page 3 de l'ordonnance de renvoi. En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité. 2 – Sur le moyen tiré de la prescription de l'action publique La circonstance, à la supposer établie, que le magistrat instructeur ait décidé de renvoyer devant la juridiction correctionnelle une personne mise en examen du chef d'une infraction prescrite au sens des dispositions de l'article 8 du Code de Procédure Pénale, n'entache pas de nullité l'ordonnance de renvoi mais impose seulement à la juridiction de jugement de constater l'extinction de l'action publique en application de l'article 6 du Code de Procédure Pénale. En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité. C – Sur les conclusions aux fins de nullité de l'ordonnance de renvoi déposées par Alain NOQUÉ, Aymeric DUROY de SUDUIRAUT et Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE Contrairement à ce qui est soutenu par ces trois prévenus, la lecture des motifs et du dispositif de l'ordonnance de renvoi leur permet d'être informés d'une manière détaillée et précise des faits qui leur sont reprochés et de leur qualification juridique. Il est en effet précisé en quoi les compléments de rémunération versés en espèces sont constitutifs du délit d'abus de confiance (cf. en particulier page 46 de l'ordonnance de renvoi) et en quoi la perception de ces compléments de rémunération versés en espèces par ces trois personnes mises en examen est constitutive de recel d'abus de confiance (cf. en particulier pages 50 et 51 de l'ordonnance de renvoi). En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité.

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II – Sur la prescription de l'action publique Les faits d'abus de confiance visés par la prévention sont matériellement constitués par des décaissements en espèces effectués sur des comptes bancaires entre le 1er janvier 2000 et le 30 novembre 2007. En matière d'abus de confiance, le point de départ de la prescription triennale doit être retardé jusqu'au jour où les faits délictueux ont pu être constatés dans les conditions permettant l'exercice de l'action publique. En l'espèce, même si durant toute la période de prévention, les dirigeants des établissements bancaires teneurs des comptes, certains dirigeants et certains salariés de l'U.I.M.M. ont eu connaissance de ces décaissements d'espèces, il est également établi que ces retraits d'espèces étaient "discrets", "confidentiels", connus d'un cercle restreint "d'initiés", qu'ils n'étaient pas officiellement portés à la connaissance du bureau, du conseil ou de l'assemblée générale de l'U.I.M.M., pas plus qu'à celle du conseil de surveillance de l'E.P.I.M., de l'expert-comptable, du trésorier, de telle sorte que les autorités de poursuite n'ont été indéniablement en mesure de connaître ces faits que lorsque la cellule TRACFIN, elle-même tenue d'une obligation de dénonciation en application de l'article 40 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale, a acquis la connaissance du caractère possiblement délictueux de ces décaissements en espèces. La cellule TRACFIN a été destinataire de la déclaration de soupçons de la B.N.P. le 3 juin 2004 ; les investigations de la cellule TRACFIN permettant de soupçonner le caractère délictueux des faits se sont achevées lorsqu'a été rédigé le premier projet de saisine du Parquet le 24 novembre 2004 (cf. scellé n°2 TRACFIN). Il en résulte que le point de départ de la prescription doit être retardé jusqu'à cette date du 24 novembre 2004. Le premier acte interruptif de prescription, le soit-transmis du parquet du 26 septembre 2007, est intervenu avant l'expiration du délai de 3 ans, de telle sorte que les faits d'abus de confiance poursuivis ne sont pas prescrits. Les faits de travail dissimulé et de recel d'abus de confiance étant connexes aux faits d'abus de confiance, il convient également de considérer qu'ils ne sont pas prescrits. III – Sur le fond A - Présentation de l'Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie (U.I.M.M.) L'Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie est une union patronale formée entre les chambres syndicales adhérentes conformément aux articles L411-21 à L411-29 du Code du travail ; elle est adhérente du M.E.D.E.F. Sa création le 9 mars 1901 s'inscrit dans le cadre de la loi du 21 mars 1884, dite loi Waldeck-Rousseau, sur la création des syndicats professionnels. Elle a notamment pour objet au vu de l'article 2 de ses statuts en vigueur au moment des faits : « a) d'étudier toutes les questions sociales, juridiques et fiscales, d'intérêt général pour les industries et activités représentées par les Chambres syndicales adhérentes, et de suivre l'application des mesures qui s'y réfèrent; b) de déterminer au sujet de ces questions, la ligne de conduite que doivent suivre toutes les Chambres syndicales adhérentes dans les conditions posées par les présents statuts; c) de participer à l'administration et à la gestion des organisations sociales à la création desquelles elle aura contribué, de leur accorder son patronage si elles deviennent autonomes, et d'en suivre en ce cas la gestion en vue d'en maintenir la conformité avec l'objet pour lequel elles ont été constituées et avec l'esprit qui en a inspiré la création; d) de représenter les Chambres syndicales adhérentes toutes les fois qu'une action collective doit être exercée en ces matières. » 1 - La direction (article 3 et 13 des statuts) L'U.I.M.M. est représentée par un bureau et un conseil représentant l'ensemble des industries métallurgiques et minières. Les membres du conseil, élus pour 4 ans par l'assemblée générale où siègent les représentants des chambres syndicales adhérentes et les représentants des fédérations professionnelles, désignent les membres du bureau comprenant 10 à 20 membres.

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Le bureau comprend parmi ces membres le président de l'U.I.M.M. désigné par le conseil, pour 3 ans, renouvelables une fois et exceptionnellement une deuxième fois pour 1 an. Le trésorier et le secrétaire sont désignés pour 4 ans par le bureau. Le bureau peut également nommer un vice-président qui peut être délégué général. La direction générale de l'U.I.M.M. ainsi que la représentation de celle-ci en justice, auprès des administrations publiques et dans tous les actes de la vie civile, est assurée par le président, ou sous son autorité et par délégation par le vice-président délégué général s'il a été nommé un vice-président délégué général ; s'il n'en a pas été nommé un, le bureau nomme un délégué général sur proposition du président. Le vice-président délégué général ou le délégué général est notamment chargé des attributions suivantes : - préparer les questions à soumettre aux délibérations du conseil et du bureau, et faire exécuter les décisions prises ; - diriger le travail des services, signer leur correspondance et établir tous comptes de gestion ; - passer, dans la limite de ses attributions, tous contrats et procéder à toutes opérations rentrant dans l'objet de l'Union ; - faire tous actes conservatoires, et généralement faire le nécessaire pour assurer le fonctionnement régulier de l'Union et la réalisation de son objet ; - exercer toutes attributions et accomplir toutes missions qui peuvent lui être confiées par le président de l'Union. Pour mener à bien ses missions, le délégué général a la faculté de proposer au bureau la désignation d'un délégué général adjoint dont les attributions ne sont pas définies par les statuts. Il est également assisté d'un secrétaire général désigné par le bureau, sur proposition du président, auquel il peut déléguer certaines de ses attributions. Il résulte des déclarations des anciens présidents, Arnaud LEENHARDT (1984-1999) et Daniel DEWAVRIN (18 mars 1999-15 mars 2006), que le rôle du vice-président délégué général est dans la pratique prépondérant. Arnaud LEENHARDT indiquait le 19 juin 2008 au magistrat instructeur (D488) : « … Depuis le début, tout était organisé autour du vice-président délégué général qui avait tous les pouvoirs. Du reste on ne parle pas des pouvoirs du ou des présidents dans les statuts mais de ceux du délégué général... Le président est là pour réunir le bureau de l'U.I.M.M. qui est composé de ses pairs, les présidents des sociétés comme Peugeot, Renault, Areva maintenant, et diverses chambres syndicales de province, aussi pour animer ce bureau et définir avec lui les grandes orientations de la politique sociale pour notre fédération et recueillir de leur part s'ils sont satisfaits des services de l'U.I.M.M. ; c'est un rôle d'animation orienté sur la stratégie sociale, mais en aucun cas de direction de l'U.I.M.M. qui est délégué au vice-président. » Entendu comme témoin, cité par l'U.I.M.M., à l'audience du 9 octobre 2013, Arnaud LEENHARDT confirmait ces déclarations en indiquant : « Les pouvoirs du président n'existaient pas, c'était les pouvoirs du vice-président délégué général. Il y avait un tel accord entre les deux. » Daniel DEWAVRIN indiquait le 26 juin 2008 au magistrat instructeur (D518) : « ... le vice président délégué général avait les plus larges responsabilités. Cela tenait à la volonté des anciens qui voulaient consolider le pouvoir sur quelqu'un qui pouvait assumer la durée. En effet, le président était très souvent encore opérationnel par ailleurs... et donc avait très peu de temps disponible à consacrer à l'U.I.M.M... Dans les faits, le délégué général assumait ses responsabilités et faisait tourner la maison. On attendait du président qu'il maintienne un contact avec les grands adhérents puisqu'en général il était choisi lui-même parmi les grands adhérents et il était concerné directement par l'élaboration de la politique sociale de l'Union, qui elle-même était exposée au bureau et évidemment au conseil. » Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a été délégué général à partir de mars 1994, puis vice président directeur général de fin 1995 à 2006 ; il a cumulé ensuite les fonctions de président et de délégué général du 16 mars 2006 au 15 novembre 2007. Sur les raisons du cumul des fonctions de délégué général et de président par lui-même, ce qui était une première dans l'histoire de l'U.I.M.M., Denis GAUTIER-SAUVAGNAC fournissait les explications suivantes au cours de l'enquête : « Probablement parce que fin 2005, début 2006, les instances de l'UIMM (le Bureau qui a donné son assentiment et le Conseil qui m'a élu), ont considéré que j'avais peut-être et l'autorité et la compétence nécessaires pour assurer ces deux fonctions alors même qu'il ne s'était pas présenté d'autres candidats. A la suite de mon élection et comme je l'avais

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indiqué dans mes interventions devant les instances de l'UIMM, j'ai travaillé avec les vice-présidents de l'UIMM sur un projet 2006-2010 destiné à adapter l'organisation, la structure et le fonctionnement de l'UIMM qui n'avaient pas beaucoup changé depuis 50 ans, à une nouvelle ère, celle du 21ème siècle. » Bernard ADAM, directeur administratif et financier de février 1985 à décembre 2005, indiquait à ce sujet devant les services de police (D114) : « Si vous regardez les statuts de l'UIMM qui sont assez compliqués, vous pouvez constater que lorsque le Délégué général set Vice-Président il a en fait les pleins pouvoirs, le Président ayant une fonction plus représentative. [...] Concernant Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC depuis quelques mois il était Président et Délégué Général , c'était la première fois dans l'histoire de l'UIMM que cela ce passait ainsi, il avait donc les pleins pouvoirs. » Alain NOQUÉ, directeur des relations extérieures depuis fin 1999-début 2000, indiquait pour sa part le 3 avril 2008 au magistrat instructeur (D350) : « ... Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC est un homme extrêmement courtois, un négociateur particulièrement avisé, mais c'est aussi un inspecteur général des finances qui vous fait comprendre qu'il y a dans la maison une hiérarchie qu'il faut respecter. Donc moi je ne me voyais pas lui poser la moindre question. » Daniel DEWAVRIN, président de l'U.I.M.M. de mars 1999 à 2006, indiquait le 26 juin 2008 au magistrat instructeur (D518) que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC concentrait entre ses mains pratiquement tous les pouvoirs à tel point qu'il s'était offusqué : « une fois ou l'autre que des gens venant demander quelque chose à l'UIMM, que ce soit un appui ou un service, allaient le voir sans même songer à m'en parler... mais mes rapports avec Denis GAUTIER-SAUVAGNAC étaient naturellement très convenables et à part certains domaines tout à fait de son jardin secret, il me tenait au courant de la plupart des choses, en particulier de ses relations avec le MEDEF. » 2 – Les comptes de l'U.I.M.M. Selon l'article 10 des statuts, les comptes de l'Union, arrêtés par le bureau, sont présentés par le trésorier à l'assemblée générale. Les ressources de l'U.I.M.M. sont constituées des cotisations annuelles versées par les chambres syndicales dont le montant est arrêté par l'assemblée générale. La cotisation est composée d'un droit fixe et d'une contribution assise sur le montant total des appointements, salaires et rétributions payés par l'adhérent au cours de l'année précédente. En ce qui concerne l'affectation de ces ressources, la législation en vigueur (articles L411-10 à L411-15 du Code du travail) autorise l'U.I.M.M. à : « - acquérir sans autorisation à titre gratuit ou onéreux des biens meubles ou immeubles, - affecter une partie de ses ressources à la création d'H.L.M. ou à l'acquisition de terrains pour jardins ouvriers, - créer, administrer ou subventionner les œuvres professionnelles telles que : institutions professionnelles de prévoyance, laboratoires, champ d'expérience, œuvres d'éducation, scientifique, agricole ou sociale, cours et publications intéressants la profession, - constituer entre leurs membres des caisses spéciales de secours mutuels et de retraites. » La loi du 21 mars 1884, dite loi Waldeck-Rousseau, n'impose pas la tenue d'une comptabilité. Bernard ADAM expliquait le 15 novembre 2007 aux services de police (D114/5) : « Quand je suis arrivé en 1985, il n'y avait pas de comptabilité , seulement une comptabilité de ménagère c'est à dire une comptabilisation CREDIT/DEBIT, c'est tout. De plus ce domaine était la chasse gardée du Vice-Président Délégué Général Monsieur GUILLEN et de sa chef comptable Melle DUCOURET. J'ai réussi cependant à faire comprendre à Monsieur GUILLEN qu'il était préférable d'établir des comptes et de se rapprocher d'une tenue de comptabilité générale proche du plan comptable général , il m'a chargé de mettre en oeuvre ce chantier.

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J'ai donné les instructions nécessaires à l'établissement de cette comptabilité à Melle DUCOURET, et tous les 4 mois elle m'établissait une situation intermédiaire sur laquelle je pouvais lui demander des explications. » À son arrivée à l'U.I.M.M., Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait confié le contrôle des comptes annuels de l'U.I.M.M. au cabinet d'expertise comptable Orfigesco, puis au cabinet Expaci à compter de 2000. L'enquête (cf. en particulier l'audition de Paul LOZNER, expert-comptable, le 20 novembre 2007 D127) a établi que les comptes contrôlés excluaient les comptes litigieux (comptes sur lesquels étaient créditées les contributions à l'E.P.I.M., comptes dits spéciaux à partir desquels ont été opérés les décaissements en espèces visés par la prévention et comptes de placement rattachés à ces comptes). Contrairement à l'article 10 des statuts, les comptes de l'U.I.M.M. n'étaient pas arrêtés par le bureau. Ils étaient établis par le service comptable, arrêtés par le directeur administratif et financier, après un éventuel arbitrage de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, puis contrôlés (dans la limite sus-indiquée) par l'expert-comptable, avant d'être portés à la connaissance du trésorier. Par ailleurs, après l'approbation par l'assemblée générale des comptes annuels, la comptabilité et les pièces comptables étaient détruites. Les participants à l'assemblée générale se prononçaient sur les comptes annuels sans que ceux-ci ne soient mis préalablement à leur disposition. Ils se prononçaient donc sur la base d'une présentation orale faite par le trésorier. Entendu le 14 juin 2008 par le magistrat instructeur en tant que témoin assisté (D429), Philippe de LADOUCETTE expliquait avoir été trésorier de l'U.I.M.M. de 2004 à 2006 ; il avait présenté les comptes à l'assemblée générale le 17 mars 2005 et le 16 mars 2006. Il indiquait : « Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'a demandé un jour d'être le trésorier de l'UIMM parce que le trésorier qui était en charge de cette fonction avant moi était très âgé, et je ne me souviens pas très bien si Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'a dit qu'il était très malade ou décédé. Toujours est-il que je ne l'ai, à ma connaissance, jamais rencontré. En ce qui concernait la mission j'ai posé la question à mon interlocuteur qui m'a dit qu'il s'agissait de présenter à l'assemblée générale annuelle les comptes qui étaient préparés par les services de l'UIMM. En d'autres termes, de lire une note qui avait été préparée par lesdits services. Pour répondre plus précisément à votre question, ceci n'impliquait en aucune manière une présence à l'UIMM autre que celle de participer au bureau mensuel qui se réunissait si je ne m'abuse, le troisième vendredi de chaque mois de 11h à midi. Cela ne dépassait du reste jamais une heure. C'était ma seule participation aux activités de l'UIMM. [...] J'aimerais ajouter que ma présence une heure par mois au bureau de l'UIMM n'avait pas trait à mes fonctions de trésorier mais au fait que j'appartenais au bureau, et ce depuis 1996 où j'y étais en tant que Président Directeur Général de Charbonnages de France, où j'avais pris la suite de mon prédécesseur, le Président Directeur Général des Charbonnages a toujours été membre du bureau de l'UIMM. [...] Au moment où je l'ai été, j'avais le sentiment que la fonction de trésorier servait à quelque chose, en terme d'affichage, puisqu'il fallait que quelqu'un, le trésorier, présente la synthèse des comptes à l'assemblée générale. Mais c'était effectivement la seule raison d'être. Au demeurant je ne sais pas comment les choses se sont passées dans les années qui ont précédé, car si le trésorier précédent était malade, je ne sais pas s'il est venu, et donc je ne sais pas comment les choses se sont présentées parce que personnellement je ne suis jamais allé aux assemblées générales avant celle de 2005. J'étais très peu impliqué dans la vie de l'UIMM. » Lorsqu'il avait été entendu le 20 février 2008 par les services de police, Philippe de LADOUCETTE (D356) avait expliqué qu'il avait une entrevue de 35 minutes environ avec le directeur administratif et financier, Bernard ADAM au cours de laquelle il lui présentait la situation comptable et le contenu de la présentation qu'il aurait à faire ; il s'agissait d'une synthèse. Il ne rencontrait pas l'expert-comptable. Il n'avait jamais apporté de modification au rapport qui lui était soumis. Jean-Pierre FINE indiquait aux services de police : « Je ne pourrais vous renseigner que pour l'exercice 2006. Donc au 31/12/2006, le total des charges de l'UIMM se sont

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élevées à 25,5 M€ environ pour des porduits d'un montant total identique. Les charges sont essentiellement constituées de charges de personnel, au nombre d'une cinquantaine: 9,3 M€, les charges de fonctionnement: 9 M€ dont notamment 6 M€ de travaux d'édition et les charges exceptionnelles: 5 M€ dont les cotisations reversées au MEDEF. Quant aux produits, ils se composent des cotisations pour 14,7 M€ en provenance des CST et des CSP mais aussi de cotisation en provenance directe d'entreprises (une quinzaine de très grosses entreprises telles que Peugeot PSA), 4,9 M€ d'autres produits d'exploitation dont 3,2M€ qui seraient des transferts d'exploitation en provenance de l'EPIM. » Il ne savait pas quelle était la compensation comptable de ces transferts en provenance de l'EPIM ; il n'avait pas posé la question à Dominique RENAUD. S'agissant de l'actif de l'U.I.M.M., il disait : « Hors EPIM , au 31/12/2006, et selon le bilan, j'évalue l'actif net à 74,9 M€ réparti ainsi pour les grandes masses: - immobilisations corporelles: 5,6 M€ - immobilisations financières: 16,7 M€ - Créances: 6,8 M€ - Valeurs mobilières de placement: 44,8 M€ » B – Présentation de l'Entraide Professionnelle des Industries des Métaux (E.P.I.M.) Usant de la faculté prévue par l'article L 411-15 du Code du travail de constituer des caisses spéciales de secours mutuels et de retraites, les conseils et le bureau commun de l'U.I.M.M., lors de leurs assemblées du 18 février 1972, ont décidé une action d'entraide professionnelle ayant en particulier pour but : « d'apporter l'appui moral et matériel de l'ensemble de la profession aux entreprises qui subissent un conflit collectif du travail ; cette action prend notamment la forme d'aides pécuniaires susceptibles d'être accordées... en cas de conflit mettant en jeu les intérêts collectifs de la profession, aux entreprises qui subissent une grève ou sont contraintes, par suite d'une grève... de prendre une mesure d'arrêt total ou partiel de leur activité. » L'E.P.I.M. est donc un fonds de solidarité auquel les entreprises de la métallurgie peuvent adhérer librement, mis en place et géré par l'U.I.M.M., et qui ne jouit pas de la personnalité juridique. Pour diriger l'action de l'E.P.I.M., il est créé un comité de surveillance dont le règlement intérieur, la composition et les membres sont déterminés par le bureau de l'U.I.M.M. ; ce comité a en particulier pour mission de décider, après concertation avec la chambre syndicale territorialement compétente, l'attribution d'aides aux entreprises ainsi que d'assurer la surveillance de la gestion des fonds nécessaires. Le secrétariat du comité est assuré par l'U.I.M.M. Le secrétaire a en particulier pour tâche de préparer l'ordre du jour des réunions, de soumettre au comité les dossiers de demandes d'aide, de rédiger les procès-verbaux des réunions du comité de surveillance. Le taux de la cotisation annuelle des entreprises a varié de 2 pour mille en 1972 à 0,4 pour mille à compter de 2001, de la masse salariale brute. Le nombre d'entreprises cotisantes est allé en diminuant passant de 1793 en 1972 à 175 en 2006. Le contrôle des opérations de soutien, la contribution syndicale d'entraide ainsi que les aides octroyées font l'objet d'une comptabilité particulière dont la surveillance est assurée par le comité de surveillance. L'enquête démontrera que l'action du comité de surveillance se limitait à un visa annuel des comptes : montant des cotisations et des aides versées présenté par le secrétaire. Cela résulte en particulier des déclarations de Bernard LEROY, secrétaire général de l'U.I.M.M. de 1982 à 1995 (D465), de celles de Pierre GUILLEN, le prédécesseur de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC au poste de vice-président délégué général (D131), de celles de certains membres du bureau (Jean-Luc BECHAT, D715). Denis GAUTIER-SAUVAGNAC le reconnaîtra au cours de ses auditions devant les services de police et devant le magistrat instructeur. Le paiement de la cotisation peut se faire soit par virement sur le compte de la B.R.E.D. Vincennes n°10107002280065091024560 ou par chèque à l'ordre de l'U.I.M.M. sans indication de compte.

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Le montant total des cotisations versées par les adhérents sur la période de 1972 à 2006 s'élève à 309 672 535 euros. Le montant total des aides versées aux entreprises durant la même période s'élève à 143 781 533 euros. Entendu le 19 novembre 2007 (D123) par les services de police; François CEYRAC, président de l'U.I.M.M. de 1969 à 1973, et donc au moment de la création de l'E.P.I.M., indiquait que les aides versées aux entreprises adhérentes à l'E.P.I.M., victimes de conflits sociaux, l'ont souvent été en espèces car il ne devait pas y avoir de traces pour des raisons de discrétion : « En effet tant les entreprises adhérentes que les entreprises victimes de conflits sociaux et aidées pour la circonstance ne souhaiteraient pas que cette entraide puisse être portée sur la place publique pour des raisons diverses et notamment stratégiques. Mais ces aides pouvaient être versées par chèque, j'imagine. » Sous réserve d'une disponibilité suffisante de trésorerie, les entreprises adhérentes ont autorisé le comité de surveillance à procéder à des placements financiers. Selon une balance des comptes au 31 décembre 2006, l'actif de l'E.P.I.M. s'élève à 301 517 740 euros en placements financiers (valeur d'achat des titres qui le composent). Selon Baudoin de BRIE, conseiller de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC pour la gestion de ces fonds, cette valeur sur le marché était en réalité d'environ 600 millions d'euros (D304). Cette valeur d'achat, comparée au solde entre le montant des contributions et des aides versées depuis l'origine de l'E.P.I.M., 166 millions d'euros environ, montre que les placements réalisés ont été fructueux. L'enquête démontrera que la comptabilité de l'E.P.I.M. a toujours été tenue par le service comptable de l'U.I.M.M., sous la responsabilité de la chef comptable ; ce service a été dirigé par Suzanne DUCOURET de janvier 1977 à décembre 2000, puis à partir de cette date par Dominique RENAUD. La tenue de la comptabilité de l'E.P.I.M. était l'affaire exclusive du service comptable dont a été écartée son autorité de tutelle, le directeur administratif et financier (Bernard ADAM de février 1985 à janvier 2006, puis Jean-Pierre FINE). Jean-Pierre FINE indiquait le 7 novembre 2007 aux enquêteurs (D91) que la comptabilité de l'E.P.I.M. ne rentrait pas dans ses attributions (enregistrement des cotisations, aides versées aux entreprises, gestion de la trésorerie disponible). Il n'était pas au courant des flux financiers des comptes U.I.M.M./E.P.I.M. et des flux des comptes U.I.M.M. vers lesquels des virements étaient opérés pour permettre des retraits d'espèces. Il n'avait pas vu dans la comptabilité qui lui était présentée ces comptes U.I.M.M. Dans la pratique, les comptes de l'E.P.I.M. étaient approuvés avec ceux de l'U.I.M.M. au cours de son assemblée générale annuelle. Ainsi le trésorier de l'U.I.M.M., de 2004 à 2006, Philippe de LADOUCETTE indiquait que : « La gestion du fonds d'entraide des métaux telle qu'elle m'a été communiquée par son conseil de surveillance n'appelle pas d'observation particulière de ma part. La cotisation du fonds d'entraide pour l'année 2005 ou 2006 est maintenue à 0,4 pour mille des salaires. » Philippe de LADOUCETTE indiquait le 20 février 2008 aux services de police (D356) que cette rédaction relevait des services de l'U.I.M.M. Cela lui convenait ; il n'avait eu à répondre à aucune question. C – Le signalement initial et les premières constatations policières Le 18 septembre 2007, le directeur adjoint de T.R.A.C.F.I.N. (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins), dans un courrier ayant pour objet "informations portant sur des faits susceptibles de constituer des infractions pénales", révélait au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de PARIS un ensemble de retraits d'espèces pour un montant total de 5 647 917 euros opérés du 1er janvier 2000 au 30 avril 2007 sur le compte 00819 000 101 49604 ouvert à la B.N.P. Paribas au nom de l'U.I.M.M. (D251). Le directeur adjoint concluait : « Les retraits d'espèces effectués sur le compte de l'U.I.M.M. semblent pour le moins anormaux concernant le

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fonctionnement d'un compte bancaire d'une organisation syndicale. En effet, il apparaît pour le moins surprenant que de tels mouvements de fonds ne soient pas effectués au moyen de règlements classiques, par chèques ou virements, concernant une fédération professionnelle d'une telle importance. Il convient dès lors de douter de la justification économique de telles opérations qui pourraient caractériser, sous réserve d'investigations complémentaires, un délit d'abus de confiance. » Par courrier du 4 octobre 2007, le directeur de T.R.A.C.F.I.N. (D262) signalait au Parquet d'autres retraits d'espèces pour un montant total de 4 357 985 euros opérés du 14 septembre 2001 au 11 juillet 2007 sur un autre compte ouvert à la B.N.P. Paribas, agence des Champs Elysées, au nom de l'U.I.M.M. sous le numéro 00 804 000 10329687. Le 11 octobre 2007, la banque Martin Maurel signalait directement au Parquet de PARIS des faits semblables opérés à partir des comptes ouverts dans ses livres au nom de l'U.I.M.M. sans fournir de précision sur le nombre de comptes, les sommes décaissées et la période (D264). L'enquête était confiée par le Parquet de PARIS à la Brigade Financière par soit-transmis des 26 septembre 2007 (D251), 8 octobre 2007 (D262) et 15 octobre 2007 (D263). Une information était ouverte le 4 décembre 2007 (D273) ; la Brigade Financière était chargée de l'enquête dans le cadre d'une commission rogatoire délivrée par le magistrat instructeur. Les enquêteurs retraçaient le circuit des retraits d'espèces de la manière suivante : Les contributions des entreprises adhérentes à l'E.P.I.M. étaient versées sur un unique compte bancaire ouvert à la B.R.E.D. au nom de l'U.I.M.M. Ce compte a été débité par virements ou par chèques au profit de 4 autres comptes bancaires ouverts au nom de l'U.I.M.M., dits comptes spéciaux : les deux comptes B.N.P. relevés par T.R.A.C.F.I.N. et deux comptes ouverts à la banque Martin Maurel. Par des chèques à l'ordre de "nous-mêmes" co-signés par Dominique RENAUD et par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, et présentés au guichet, des retraits d'espèces ont été effectués sur ces quatre comptes pour un montant total de 17 043 437 euros pour la période de prévention (D1111/5). Les policiers ont observé d'autres décaissements en espèces selon un mode opératoire identique à partir de trois autres comptes bancaires ouverts à la B.N.P. Paribas pour un montant total de 1 901 254 euros (D1111/7) ; deux de ces comptes étaient alimentés par des fonds provenant du compte B.R.E.D. sus-indiqué. Au total, des décaissements d'espèces pour un montant de 18 944 691 euros ont donc été constatés. Les perquisitions effectuées le 3 octobre 2007 au siège de l'U.I.M.M. (D19) et le 12 octobre 2007 dans un coffre bancaire de l'association A.D.A.S.E. (Association de Documentation et d'Assistance aux Entreprises, D44) ont permis de saisir les sommes de 398 900 euros et 2 000 000 d'euros en espèces ; c'est la somme de 116 546 691 euros qui est retenue dans le dispositif de l'ordonnance de renvoi à l'encontre de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. La somme de 2 398 900 euros a en effet été restituée à l'U.I.M.M. par ordonnance du 17 juillet 2008 (D555). S'agissant de la somme de 2 000 000 d'euros retrouvée dans un coffre bancaire de l'association A.D.A.S.E., association satellite de l'U.I.M.M., il résulte des déclarations de Bernard ADAM, directeur administratif et financier de l'U.I.M.M. de 1985 à décembre 2005, et directeur de l'A.D.A.S.E. depuis septembre 2005, que ce coffre, loué en novembre 2005, était en fait réservé à l'usage de l'U.I.M.M. (D114). Il est intéressant de noter s'agissant des sommes retrouvées en espèces dans les trois coffres forts situés dans une petite pièce attenante au bureau de la comptabilité que les sommes d'argent se trouvaient pour certaines d'entre elles dans des enveloppes supportant l'inscription "caisse noire" ou "petite caisse noire" (D19). D – L'enquête et le signalement T.R.A.C.F.I.N. Le 13 décembre 2007 les enquêteurs saisissaient dans les locaux de la cellule T.R.A.C.F.I.N. les documents relatifs aux signalements T.R.A.C.F.I.N. (D290). Les enquêteurs procédaient à divers auditions pour comprendre le délai entre la date de la déclaration de soupçon de la B.N.P. Paribas le 26 mai 2004 et la date de révélation au Parquet par T.R.A.C.F.I.N. le 18 septembre 2007.

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Ils entendaient : � Philippe VIREY, enquêteur ayant eu en charge le dossier U.I.M.M. (audition du 13 décembre 2007) : Il avait, au vu de la déclaration de soupçons émanant de la B.N.P. et des relevés de comptes communiqués pour la période janvier 2000-30 avril 2004, exercé le droit de communication prévu par le Code monétaire et financier, pour obtenir les copies des chèques concernant divers retraits effectués au guichet de la B.N.P. ; la B.N.P. n'avait pas été en mesure de les communiquer tous. Il avait "fait un ficoba" et pu constater que l'U.I.M.M. détenait de nombreux comptes dans plusieurs banques dont certaines à faible clientèle. Compte tenu de la proximité existante entre ce type de banque et sa clientèle, il avait jugé qu'un droit de communication adressé à ces établissements pouvait éventuellement compromettre la confidentialité de l'enquête. Il avait donc été décidé avec sa hiérarchie, Jean-Marc MAURY, ancien secrétaire général adjoint, Christian LE BLANC, directeur des enquêtes, et Jean-Claude CALLEDE, chef de la division sud, son supérieur hiérarchique direct, de n'enquêter que sur la B.N.P. Cette décision avait dû être prise en septembre-octobre 2004. Il avait fait une nouvelle demande à la B.N.P. afin de savoir s'il existait d'autres comptes à partir desquels des décaissements d'espèces pouvaient être effectués. Il lui avait répondu par la négative. Il avait entamé une nouvelle phase de recherches en effectuant le 27 octobre 2004 un droit de communication sur les comptes personnels de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC (B.R.E.D. et Crédit Agricole de la Manche). Il avait reçu les relevés et n'avait constaté aucun versement d'espèces pouvant correspondre aux retraits effectués sur les comptes de l'U.I.M.M. Tout au début de l'enquête, il avait également rencontré Messieurs DINGREVILLE et GREEN du service conformité de la B.N.P. Ils avaient insisté sur la personnalité de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Il avait rédigé une première note fin 2004 reprenant les opérations suspectes sur le compte qui était déclaré ; il avait listé les flux et les montants depuis 2000 ainsi que les explications du directeur financier de l'U.I.M.M. et qui figuraient dans la déclaration de soupçon. Il avait communiqué cette note à son chef de division qui avait dû la transmettre au secrétaire général adjoint, Jean-Marc MAURY. Il ignorait ce qu'il était advenu de cette note. Il n'avait pas conservé de copie papier de cette note car la procédure en cas de transmission au Parquet fait que l'enquêteur a un retour de sa note accompagnée d'une fiche de transmission intitulée "chemise de transmission pour signature". Il peut arriver que des modifications ou précisions soient apportées sur cette note. Une fois cette note complétée et/ou modifiée, elle refait le même parcours jusqu'à transmission. Il n'avait pas eu retour de cette note, ni d'information la concernant. Sa hiérarchie lui avait demandé de conserver le dossier "en cours d'enquête", ce qui voulait dire qu'il devait continuer à être travaillé ; il avait continué à collecter des copies de chèques de retraits et des compléments d'informations auprès de la B.N.P. Il avait également essayé de savoir comment le compte était alimenté en demandant à la B.N.P. des renseignements complémentaires concernant l'alimentation du compte en demandant des copies de virements. Il n'avait rien trouvé d'anormal. Il avait donc actualisé les flux. Courant avril 2007, Jean-Claude CALLEDE et Christian LE BLANC lui avaient demandé de réactualiser sa note initiale, ce qu'il avait fait en adressant un nouveau droit de communication à la B.N.P. afin d'obtenir les relevés du compte en cause à compter du 9 mars 2006 et les copies des chèques de retrait. Il avait obtenu la réponse le 30 mai 2007 et complété sa note. Il l'avait transmise le jour même à son chef de division. Les policiers constataient que la signature de Philippe VIREY sur cette note apparaissait à la date du 30 mai 2007, celle du chef de division Jean-Claude CALLEDE à la date du 14 juin 2007, celle du directeur des enquêtes Christian LE BLANC à la date du 15 juin 2007, celle de Monsieur ROBERT, le magistrat détaché à T.R.A.C.F.I.N. à la date du 13 septembre 2007 et celle de Monsieur DEFINS, secrétaire général adjoint, à la date du 14 septembre 2007.

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� François WERNER (D293, audition du 20 décembre 2007) : Il avait été nommé secrétaire général de T.R.A.C.F.I.N. le 14 juillet 2006 avant d'être nommé directeur le 8 décembre 2006 ; ce changement de dénomination était dû à un changement de rattachement de tutelle de la cellule T.R.A.C.F.I.N. ; rien n'avait été modifié à ses fonctions et à ses attributions ; son prédécesseur était François MONGIN. Il expliquait que la déclaration de soupçon faite par la B.N.P Paribas le 26 mai 2004 résultait du point 1 2ème alinéa 1 de l'article L562-2 du Code monétaire et financier en vigueur depuis le loi du 15 mai 2001 qui peut conduire un organisme financier à faire une déclaration de soupçon quand l'identité du bénéficiaire reste douteuse ; selon lui les modifications législatives de février et mars 2004 n'étaient pas les motifs de cette déclaration de soupçon ; il ignorait pourquoi le déclarant ne s'était pas manifesté avant 2004. Le traitement réservé à ce dossier tel que décrit par Philippe VIREY était tout à fait dans la norme. Il précisait que malgré les obligations légales de discrétion faites aux organismes financiers, il arrivait souvent que T.R.A.C.F.I.N., pour préserver la discrétion de l'enquête, limite ses investigations comme dans le cas d'espèce. Il expliquait que d'après ce que lui avait expliqué le représentant de la B.N.P., Monsieur QUINTARD, s'il avait été indiqué à Philippe VIREY qu'il n'existait pas d'autre compte U.I.M.M. à la B.N.P. sur lequel avaient été effectués d'importants retraits d'espèces alors qu'en octobre 2007 la B.N.P. adressait un complément d'information sur un second compte, c'était parce que le second compte provenait de la banque Paribas avant la fusion avec la B.N.P. ; le rapprochement entre les deux comptes n'avait été fait que plus tard. S'agissant de la décision de révélation au Parquet, il disait que l'esprit et la lettre du Code monétaire et financier, notamment de son article L562-4, ne prévoient pas que le service T.R.A.C.F.I.N. reçoive des instructions de sa tutelle, le ministre de l'économie. Dans le cas présent, quand il avait pris ses fonctions à l'été 2006, il avait pris connaissance de l'ensemble des dossiers et fait une première information en octobre 2006 sur les dossiers sensibles, dont celui de l'U.I.M.M. au directeur de cabinet du ministre des finances, Monsieur GRAPINET : « Je lui ai indiqué que le dossier est en cours et que je souhaite m'entourer de toutes les garanties juridiques avant une éventuelle transmission au parquet. Le 26 mars 2007, je reviens vers M. GRAPINET pour lui faire part de mon intention future de transmettre le dossier au parquet de Paris. Puis le 11 septembre 2007, j'indique au nouveau directeur de cabinet, M. RICHARD, que le dossier sera transmis sous une semaine. Au cours de ces trois entretiens, mon interlocuteur ne m'a donné aucune instruction. Il a simplement pris note de mes déclarations. Et d'ailleurs je n'ai sollicité aucune instruction. » Il précisait quelles avaient été ses réflexions à sa prise de fonction : « Au vu de la loi WALDECK-ROUSSEAU de 1884, quelle est la liberté d'un syndicat sur l'usage des fonds qu'il peut percevoir à ce titre dans la mesure où il n'a pas une obligation de tenue de la comptabilité ? - Quelle est la définition d'un bénéficiaire d'une opération au sens de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier ? Est-ce le bénéficiaire simple, en l'occurrence Mme Dominique RENAUD, ou le bénéficiaire économique, inconnu a priori à ce jour ? La sensibilité évidente de ce dossier exigeait des précautions juridiques maximales. L'absence de réponse formelle à ces deux questions m'ont conduit à prendre la décision d'une révélation au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris. » Il ajoutait : « Lorsqu'une affaire est mise à l'enquête à Tracfin, elle fait l'objet d'une appréciation de son degré d'urgence. Les affaires présentant un risque de sécurité ou de disparition des fonds ou du titulaire des fonds font l'objet d'une enquête minimale et rapide. Les autres se prêtent à un traitement plus approfondi et le cas échéant plus long. Ainsi 36 % des enquêtes de Tracfin durent plus d'une année. Au cas particulier, j'ai constaté que Tracfin ne progressait pas sur la trace des bénéficiaires des fonds et ai préféré remettre en l'état ce dossier au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris. » � François MONGIN (D381, audition du 2 avril 2008) :

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Il avait été nommé directeur général des douanes le 12 septembre 2002 et secrétaire général de T.R.A.C.F.I.N. le 26 septembre 2002. Il indiquait ne pas avoir été informé, à l'époque (septembre-octobre 2004) de la décision prise de limiter les investigations concernant l'U.I.M.M. à la seule B.N.P. Paribas. Il laissait son adjoint et les collaborateurs de son adjoint gérer le porte-feuille d'enquêtes. Le seul document écrit qui lui avait été présenté était le projet de transmission judiciaire de fin 2004 ; entre temps son adjoint l'avait informé, sans plus de détails, de la désignation d'un enquêteur, d'investigations en cours et de retraits d'espèces. Il ignorait pourquoi la B.N.P. avait répondu à Philippe VIREY qu'il n'y avait pas d'autre compte concerné par les retraits d'espèces pour ensuite en octobre 2007 indiquer qu'un second compte était concerné. Il ignorait si les responsables de la B.N.P. Paribas avaient été interrogés sur le caractère tardif de leur déclaration de soupçon en 2004 alors que les retraits d'espèces avaient débuté au moins à compter de 2000. Il n'avait pas lui-même pris contact avec les responsables de la cellule anti-blanchiment de la B.N.P. car ce n'était pas dans les usages ; c'était du ressort des services d'enquête. S'agissant de la suite réservée à la première note rédigée fin 2004 par Philippe VIREY, il expliquait : « Le secrétaire général adjoint, M. MAURY m'a signalé que des mouvements d'espèces atypiques concernant l'UIMM étaient remontés au service et m'a annoncé qu'il souhaitait regarder le dossier de plus près. rencontrer l'enquêteur et m'a fait part de son souhait de venir m'en entretenir. Nous nous sommes donc vus sur ce sujet dans mon bureau en février 2005. Nous étions embarrassés car c'était la première fois que nous étions confrontés à une situation de ce type. En effet, TRACFIN était jusqu'alors confronté à des suspicions d'infractions relevant du code monétaire et financier ou des saisines judiciaires assises sur l'article 40 du code de procédure pénale, laissant supposer des infractions généralement plus caractérisées. Dans le cas présent, le retrait non dissimulé d'espèces dans des volumes importants était un sujet d'interrogation, a fortiori s'agissant de la part d'une importante union patronale. Fort de cette interrogation, j'ai sollicité le cabinet du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, fin février 2005. Je suis donc allé voir le directeur de cabinet de l'époque, Gilles GRAPINET, lui ai soumis le projet de transmission judiciaire et lui ai demandé un avis. Ce à quoi il m'a répondu qu'il souhaitait regarder le dossier, c'est à dire le projet de saisine judiciaire que je lui ai laissé et il m'a été répondu quelques mois plus tard, de mémoire en mai 2005, que la transmission en l'état ne lui paraissait pas souhaitable. Ces échanges entre M. MAURY et moi-même, M. GRAPINET et moi-même étaient oraux. » Gilles GRAPINET ne lui avait pas donné d'explications motivant cet avis ; lui-même ne lui en avait pas demandé ; il pensait que Gilles GRAPINET était tout aussi embarrassé que lui pour apprécier la nature de ces retraits. Philippe VIREY avait donc continué ses investigations. Il admettait qu'entre fin 2004 et son départ de Tracfin à la mi-2006, l'enquête n'avait pas foncièrement avancé. Si la décision de révélation au Parquet n'avait pas été prise, c'était sans doute du fait d'une mauvaise appréciation de la nature du dossier très inhabituelle pour Tracfin, dont la politique usuelle consistait à enrichir le plus possible les éléments ressortant des déclarations de soupçon qui lui étaient transmises. Les enquêteurs entendaient le 30 mai 2008, Gilles GRAPINET. Il avait été directeur de cabinet du ministre de l'économie et des finances de novembre 2004 à mai 2007 (Hervé GAYMARD jusque fin février 2005, puis Thierry BRETON jusqu'en mai 2007). Il expliquait ainsi comment il fallait comprendre l'article L 562-4 du Code monétaire et financier aux termes duquel Tracfin est placé sous l'autorité du ministre chargé de l'économie : « Le ministre et le ministère sont responsables de l'organisation matérielle et juridique de Tracfin, de pourvoir aux nominations qui lui permettent de fonctionner et de préparer la rédaction puis la défense des textes réglementaires ou législatifs qui le concerne. De façon plus générale, le ministre est responsable de veiller au bon fonctionnement de ce service. C'est notamment dans le cadre de cette mission qu'il avait été décidé de réfléchir puis de mettre en œuvre une réforme importante du positionnement des moyens et du fonctionnement de Tracfin en 2005 et 2006, à partir de l'analyse que faisait le directeur général des douanes, M. François MONGIN, des limites du dispositif de l'époque. En revanche, le fonctionnement au quotidien du service et notamment les décisions qu'il est amené à prendre sur ses dossiers relèvent de

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sa seule autorité, conformément au texte sus-mentionné. Le ministre et ses collaborateurs ne sont destinataires, en général que des statistiques concernant le résultat de l'activité du service et ponctuellement de l'issue, souvent après plusieurs années des enquêtes judiciaires après saisine du parquet. Dans la pratique et sous ma direction, cela s'est mené conformément à ces principes. » Personnellement, il n'avait eu à connaître que d'une seule information sur l'existence d'une enquête ouverte au sein de Tracfin, considérée comme sensible par le service, celle relative au signalement bancaire concernant l'U.I.M.M., à l'initiative de François MONGIN. En aucun cas, il n'avait demandé à être informé des affaires dites "sensibles". Il n'était pas tout à fait d'accord avec les déclarations de François MONGIN puisqu'il indiquait : « François MONGIN a demandé à me rencontrer en février 2005 pour évoquer différents sujets et notamment la réforme des Douanes et exceptionnellement un dossier relatif à l'activité de Tracfin. Nous nous sommes rencontrés fin février 2005 dans des circonstances très particulières qui étaient celles des jours précédents la démission de M. Hervé GAYMARD où l'activité médiatique et politique qui mobilisait le cabinet était ininterrompue. Durant cette réunion, il m'a fait part des éléments qui avaient été transmis par BNP PARIBAS à Tracfin quelques mois plus tôt et m'a également fait part du caractère très inhabituel de ce dossier, pour lui, compte tenu de divers éléments : Tout d'abord, il s'agissait d'une union patronale, acteur majeur du dialogue social alors que d'habitude Tracfin a affaire à des personnes morales ou des personnes physiques ne présentant évidemment pas ce niveau de notoriété, ensuite la caractère très atypique du dossier puisqu'il ne s'agissait pas dépôts d'argent liquide mais de retraits et que l'origine des ressources de l'UIMM n'était nullement en cause parce qu'elle est financée par les cotisations de ses membres. Troisièmement, il était clair que ce dossier n'avait rien à voir avec les sujets habituels de Tracfin sur le terrorisme ou le trafic de stupéfiant. Enfin, et de manière aussi très inhabituelle, la banque avait interrogé un des représentants de l'UIMM qui avait fourni diverses motivations et que les retraits en cause avaient continué. Ceci semblait montrer que l'UIMM n'avait pas d'inquiétude sur la normalité de ces opérations. Tout ceci conduisait F. MONGIN à s'interroger sur ce dossier et il avait souhaité partager ses interrogations avec moi. Durant la discussion autour de ces éléments, F. MONGIN et moi-même avions par ailleurs constaté qu'il y avait très peu d'informations dans le dossier et nous nous étions interrogés, par exemple, sur le point de savoir si ces montants représentaient un pourcentage important du budget de l'UIMM, s'il y avait un commissaire aux comptes, si les comptes de l'UIMM faisaient l'objet d'une approbation e/ou d'un dépôt etc... et il n'y avait pas de réponse à toutes ces interrogations dans le dossier. Pour moi, il était donc venu m'informer de l'existence de ce dossier qu'il considérait comme sensible et complexe et me faire part de ses interrogations sur le point de savoir si le dossier était transmissible en l'état. Nous en étions restés là, en raison du poids extrême du contexte dû à l'affaire GAYMARD qui battait son plein à l'époque. Nous étions simplement convenus d'en reparler quand le contexte serait plus calme et il m'a laissé son projet de transmission judiciaire. Dans les jours suivants, Hervé GAYMARD a été contraint à la démission et un nouveau ministre a été nommé : Thierry BRETON. Quelques mois plus tard, F. MONGIN m'a rappelé en me disant que nous n'avions pas eu l'occasion de reparler de ce dossier à cause de l'installation du nouveau ministre. Je lui ai demandé s'il y avait du nouveau sur les différents éléments qui étaient restés sans réponse lors de notre première discussion, ce à quoi il m'a répondu par la négative et que la surveillance se poursuivait. Je lui ai donc retourné le dossier sans donner d'instruction puisque les investigations devaient se poursuivre et qu'au demeurant, je n'avais aucune instruction à donner sur ce dossier. » Il avait alors informé le ministre de l'existence d'une enquête en cours sur l'U.I.M.M. : « Il m'a demandé s'il était susceptible de devoir prendre une décision sur ce dossier un jour ou l'autre, à l'issue de la poursuite de l'enquête de Tracfin et de ses éventuelles conclusions. Je lui ai répondu que non en lui précisant les règles et le monde de fonctionnement de Tracfin... qui aboutissent à laisser la responsabilité de la transmission au service, sans l'intervention du ministre. En revanche, je lui ai dit que nous serions probablement prévenus de l'éventuelle transmission que ferait le service. » Il se souvenait avoir rencontré François WERNER, en octobre 2006 et mars 2007, pour discuter de la bonne mise en place de la réforme de Tracfin. François WERNER lui avait simplement indiqué à propos de l'U.I.M.M. que l'enquête se poursuivait et avait progressé. François WERNER n'avait pas à solliciter d'instruction du cabinet qui n'avait jamais géré ou piloté ce dossier. E – L'enquête auprès des établissements bancaires 1 – La B.N.P. Paribas � Patrice BLAZKOWSKI, en charge à la B.N.P. des comptes U.I.M.M. à la B.N.P. Saint Lazare Haussmann de 2000 à 2002, puis des comptes U.I.M.M. à la B.N.P. Champs Élysées en 2003 pendant 6 mois, indiquait le 8 novembre 2007 aux enquêteurs (D93) avoir eu des contacts avec Suzanne DUCOURET et par la suite avec Dominique RENAUD.

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Il avait été en contact une fois, en 2001 ou 2002, avec Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, dans les locaux de l'U.I.M.M., dans le cadre des "civilités classiques" effectuées auprès des principaux clients, soit une visite annuelle ou tous les deux ans. Bruno MATHIEU l'accompagnait, ce que ce dernier contestera. Après de multiples considérations générales, le fonctionnement des comptes et notamment les retraits d'espèces avaient été abordés : « Il est ressorti de la réponse de M.GAUTIER-SAUVAGNAC à nos questions sur ce que nous appelons dans notre jargon des "opérations remarquables", soit les retraits d'espèces, soyons clair, qu'il ne jugeait pas opportun de s'expliquer là-dessus et d'ailleurs sous prétexte d'un emploi du temps très chargé, il a alors mis fin à notre entretien avec célérité. » Les enquêteurs lui indiquaient que durant la période au cours de laquelle il avait été chargé d'affaires pour les comptes U.I.M.M. B.N.P. Saint Lazare Haussmann, le montant des espèces retirées était d'un montant de 3 567 622 euros, il disait : « En premier lieu, le montant total que vous m'indiquez pour cette période ne m'étonne pas en regard du montant et de la périodicité des retraits. Concernant mes diligences, il est évident que ma hiérarchie connaissait déjà l'existence de ces opérations car ces opérations existaient avant mon arrivée, et faisaient l'objet de formulaire de consignation au titre des opérations remarquables en espèces, transmises au responsable administratif , à charge pour lui de transmettre au dessus ces informations ou pas. je n'ai pas eu de consignes particulières quant à l'obtention du motif et de la destination des retraits, je vous ai d'ailleurs fait mention de la seule fois où la question a été posée et la réponse que l'on a eue. [...] Effectivement des informations lors de la passation de pouvoir avec mon prédécesseur ont dû m'être données, j'ai forcément été prévenu mais je n'ai pas souvenir d'instructions particulières hormis le respect des instructions en vigueur au sein de notre établissement concernant les retraits d'espèces. Ces instructions ne m'étaient d'ailleurs pas adressées personnellement en tant que chargé d'affaires, car elles incombaient essentiellement au responsable au guichet, il s'agissait de procéder à la vérification de l'habilitation des personnes amenées à effectuer les retraits, de la signature sur le chèque en contrepartie, et de la consignation de ces retraits sur les formulaires adéquats. » Au niveau du mode opératoire, il expliquait : « Melle DUCOURET ou Mme RENAUD contactait par téléphone la responsable du guichet 48 H avant pour que celle-ci puisse procéder à la commande de fonds correspondante. le jour prévu, Melle DUCOURET ou Mme RENAUD informait par téléphone la responsable de son heure de passage afin de ne pas avoir de délai d'attente pour des raisons de sécurité évidentes. De ce que je sais , les espèces étaient données à Melle DUCOURET ou à Mme RENAUD, lesquelles remettaient en contrepartie un chèque à l'ordre de Nous même. [...] De manière classique la procédure pour ces retraits d'espèces au guichet de l'agence qui détient le compte, est celle là: en espèces contre chèque à l'ordre de Nous même. Pour la remise des espèces proprement dite, je pense que l'on a dû leur proposer de se faire livrer directement par la société de transport de fonds, mais l'UIMM a refusé de donner suite à cette proposition pour des raisons de discrétion. » La remise de coupures de 100 euros correspondait à une demande de l'U.I.M.M. ; il en ignorait le motif. � Miguel de SAN MATEO, en charge à la B.N.P. des deux comptes U.I.M.M. à la B.N.P. Paribas agence Champs Élysées d'octobre 2000 à février 2002, période pendant laquelle ces deux comptes ont été débités au total de la somme de 353 315 euros en espèces, indiquait le 8 novembre 2007 aux enquêteurs (D94) qu'il avait tenté de demander des explications à Dominique RENAUD qui lui avait parlé de financement des œuvres sociales de l'U.I.M.M. Malgré plusieurs demandes, il n'avait jamais pu rencontrer les instances dirigeantes de l'U.I.M.M. La question d'un signalement à Tracfin ne s'était pas posée pour la période le concernant ; les montants ne les avaient pas alertés au vu de la taille du client ; à l'époque Tracfin impliquait pour eux d'être vigilant sur les entrées et non sur les

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sorties. C'était en 2004 que la législation s'était durcie et qu'il avait été demandé au secteur bancaire de se préoccuper non seulement de la provenance mais également de la destination des fonds. Au niveau du mode opératoire, il expliquait : « Je recevais par télécopie une demande écrite de madame RENAUD de mise à disposition d'espèces précisant le jour et l'heure approximative de passage. Cette demande provenait entre deux jours et une semaine avant le passage en agence. Soit le compte était créditeur et permettait l'opération soit il fallait au préalable vendre des titres pour avoir la montant d'espèces demandé. Après la réalisation de cette opération, le cas échéant, je contactais le guichet c'est à dire l'agence, pour l'informer du passage du client. Je n'ai jamais participé à l'opération de retrait au guichet, qui se déroulait dans la salle des coffres pour des raisons de sécurité et de confidentialité. Madame RENAUD remettait un chèque UIMM à l'ordre de "nous-même" et le caissier devait vérifier la présence des signatures autorisées. Je ne sais pas s'il était remis à madame RENAUD un ticket de caisse, c'est à dire un bordereau de retrait mentionnant l'opération. [...] L'usage d'un chèque à l'ordre de nous-même était la seule solution pour que la pièce comptable de caisse comporte les signatures autorisées et nécessaires au retrait. Le chèque était ainsi préparé par avance à l'UIMM. » Si les espèces remises ne comportaient que des coupures de 100 euros, c'était le choix de l'U.I.M.M. � Alain BEGUE, le successeur de Miguel de SAN MATEO, était entendu le 12 novembre 2007 par les services de police (D103). Il avait été, à la B.N.P. Paribas, le chargé d'affaires de l'U.I.M.M. pour les 2 comptes ouverts à l'agence Champs Élysées à partir de 2002 et pour les 2 comptes ouverts à l'agence Saint Lazare Haussmann à partir de 2003. Sa seule interlocutrice était Dominique RENAUD. Le montant total des retraits d'espèces effectués sur les 4 comptes en cause s'élevait à 7 435 000 euros pour la période où il était chargé d'affaires. Sa hiérarchie directe était avisée de tous les retraits par mail : « Ma hiérarchie directe était avisée de tous les retraits par mail. En mai 2004, mon directeur, monsieur Pierre CALOGERO m'a demandé de l'accompagner au sein de l'UIMM afin d'aborder la question des retraits d'espèces. Nous avons rencontré monsieur Bernard Adam à qui nous avons demandé des explications sur ces retraits. Il nous a fait une réponse en quatre points : "c'est notre argent ; on fait fait ce qu'on veut avec notre argent ; nos comptes sont certifiés par des commissaires aux comptes ; l'argent est destiné aux oeuvres sociales". J'ai fait un compte-rendu de cet entretien qui a été adressé à la direction pour être par la suite transmis à notre service de déontologie. Je n'ai pas eu ni retour ni instruction particulière et les retraits se sont poursuivis. Auparavant, il m'était arrivé de demander des explications sur ces retraits à madame RENAUD, ce à quoi elle répondait que cela ne me regardait pas. » Il ne savait pas pourquoi la B.N.P. avait attendu 2004 pour signaler le fonctionnement particulier de ces comptes U.I.M.M. à Tracfin. Ses prédécesseurs, Messieurs BLAZKOWSKI et de SAN MATEO l'avaient avisé de ces retraits d'espèces. De la même façon, il en avait avisé son successeur, Philippe CHAPPE. Au niveau du mode opératoire, il expliquait : « Madame RENAUD prenait attache téléphonique avec moi ou en mon absence avec mon assistante ou directement avec le responsable de caisse de l'agence Saint Lazare Haussmann. Elle m'informait de la somme qu'elle venait retirer et du jour où elle allait passer. Elle prenait contact par la suite avec le responsable de caisse pour la mise au point des détails du retrait, c'est à dire l'horaire de passage. Je n'ai jamais assisté à ces opérations de retrait d'espèces. Elle descendait aux coffres et remettait au caissier un chèque UIMM à l'ordre de nous-même. Il s'agissait là d'une

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procédure normale. A compter de 2007 de mémoire, conformément aux instructions de notre direction valables pour tous les clients, madame RENAUD nous adressait une demande de retraits d'espèces par télécopie. » Il n'avait pas souvenir du montant des coupures mais elles correspondaient à la demande du client. � Henri QUINTARD, responsable du groupe sécurité financière au sein de la B.N.P. Paribas , était entendu le 13 novembre 2007 par les services de police (D107). Il expliquait que ce groupe de sécurité financière était chargé de la lutte contre le blanchiment, la corruption, le financement du terrorisme et du respect des embargos financiers. Dans le service sécurité financière, il y a une cellule anti-blanchiment (C.A.B.). Dans le cas de l'U.I.M.M., cette cellule avait été alertée pour la première fois en décembre 2003 à l'occasion d'un retrait de fonds. Le 2 février 2004, l'agence Saint Lazare avait envoyé à la C.A.B. la proposition de déclaration de soupçon. Il précisait, au vu du dossier en sa possession, la chronologie des informations obtenues par la B.N.P. de la part de l'U.I.M.M. sur les retraits d'espèces : « En 1995, Monsieur MATHIEU qui était directeur du groupe d'agences a rencontré M. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et l'a interrogé sur les retraits effectués à partir de certains comptes. A cette époque là, la réponse de Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a été la suivante : ces fonds ont servi à rembourser en liquide des frais de collaborateurs participant à des opérations de formation, serviraient de compléments de revenus à de vieux serviteurs de la Metallurgie, et représenteraient des versements en liquide par l'UIMM à des organismes ayant pour finalité de servir l'intérêt général. Il s'agit donc à notre connaissance des déclarations de Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et non celles de Monsieur ADAM. En 1998, Monsieur MATHIEU à une nouvelle fois rencontré Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, et d'après le compte rendu d'Aout 1998 ce dernier aurait confirmé que les différentes instances de l'UIMM étaient parfaitement au fait des retraits d'espèces effectués et de la destination qui leur était réservée. A la suite de cet entretien une lettre de reconnaissance de ces opérations a été adressée à Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC, avec son accord ,par la BNP. Ce courrier est en date du 09/09/1998. Le 27 janvier 2004, Monsieur CALOGERO successeur de Monsieur MATHIEU , a rencontré Monsieur ADAM et abordé avec lui le sujet des retraits d'espèces. Le 5 Février 2004 la cellule anti-blanchiment a reçu la déclaration de soupçon. » Si Pierre CALOGERO avait jugé utile de faire une déclaration de soupçon auprès de la C.A.B., c'était parce que c'était parfaitement cohérent avec l'évolution de la loi et de la jurisprudence dans ce domaine. Henri QUINTARD précisait : « Lorsque nous avons appris qu'une enquête préliminaire était engagée, nous avons avons effectué un nouveau point concernant l'UIMM et constaté que les comptes situés dans l'agence CHAMPS ELYSEES avaient omis dans notre déclaration initiale, c'est pour cela que nous avons transmis une déclaration complémentaire le 2 Octobre 2007. » � Bruno MATHIEU était entendu le 9 avril 2008 par les services de police (D394). Il confirmait avoir rencontré , à propos des retraits d'espèces, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC le 4 octobre 1995 et le 20 juillet 1998 ; il confirmait les déclarations d'Henri QUINTARD sur le contenu de ces entretiens. Il n'avait jamais rencontré Denis GAUTIER-SAUVAGNAC en 2001 ou 2002, contrairement aux déclarations de Patrice BLAZKOWSKI, car il avait alors quitté la B.N.P. Les enquêteurs examinaient les documents conservés à la B.N.P., à savoir les comptes rendus d'entretien des 4 octobre 1995 et 20 juillet 1998 entre Bruno MATHIEU de la B.N.P. et Denis GAUTIER-SAUVAGNAC (D124). Ils notaient : « � Compte rendu du 04/10/1995

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Trois principaux points sont abordés dans ce document ; un bref histori-que relatif à l'UIMM, les principales activités de l'UIMM (formation professionnelle et droit social) et la clarification de relations bancaires eu égard aux volumes d'espèces retirées aux guichets. Selon le rédacteur, les retraits d'espèces "à nos quichets avoisinent tout au long de l'année les 20 MF par prélèvements réguliers de F.300 000 à F 500 000. Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC a été interrogé sur la destination de ces fonds et apporté la réponse suivante: 1. La première (destination) pour un montant de 3 à4 MF pour rembourser en liquide les frais des collaborateurs participant à des actions de formation dans le cadre de symposiums, stages, réunions....etc. 2. La deuxième servirait de complément de revenus à de vieux serviteurs de la metallurgie.Ils seraient assez nombreux et pourraient représenter des montants pouvant aller jusqu'à F 50 000 par personne et représenteraient un volume de capitaux de l'ordre d'un million. 3. ces retraits représenteraient des cotisations de l'UIMM que celle-ci verserait en liquide à des organismes ayant pour finalité de servir l'intérêt général :associations scolaires, universitaires, grandes écoles, associations familiales, syndicats,etc... Selon Monsieur MATHIEU, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC aurait précisé que l'UIMM ne recevrait que des fonds parfaitement identifiables , et que les sommes engagées ne concerneraient que des associations ou organismes ayant une activité en France, excluant par la même tout transfert de capitaux vers l'étranger. Ainsi à la lecture de ce document, il appert que les propos tenus par Monsieur ADAM dès sa première audition sont exacts, à savoir que c'est bien Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qui a exposé à son interlocuteur de la BNP les trois destinations des fonds retirés en espèces aux guichets de cette banque et ce dès 1995, et non en 2004 comme cela a été écrit par TRACFIN. Visiblement dès 1995 Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC a été interpellé sur la destination des espèces ainsi retirées, ses réponses ou en tout cas les propos rapportés en tant que tels par Monsieur MATHIEU, sont notables dans la mesure où il reflètent une certaine opacité quant à l'utilisation qui a pu être faites de fonds provenant de l'UIMM. � Compte rendu du 20/07/1998 Ce compte-rendu concerne un entretien qui a eu lieu à la même date entre Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC et Messieurs MATHIEU (Directeur du Groupe) et LABRO (Directeur d'agence). Quatre points sont évoqués dans ce document : � Présentation de l'UIMM � Relations bancaires � Opérations particulières � Transferts de compte. Nous ne reviendrons sur le premier point qui avait déjà été évoqué dans le premier compte rendu de 1995 et dont les données sont identiques. Concernant les relations bancaires , on peut noter le désir des représentants du Groupe BNP d'élargir leurs relations avec l'UIMM, mais avoir été confrontés à la dicrétion de Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC sur le sujet. Concernant les opérations particulières le Rédacteur du compte rendu Jean-François LABRO rappelle le "caractère particulier des opérations de caisse" et le fait que cela a déjà été évoqué le 04/10/1995. Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC aurait confirmé à ces deux interlocuteurs que les différentes instances de l'UIMM étaient parfaitement au fait des retraits d'espèces effectués aux guichets et de la destination qui est réservée à ces fonds. Messieurs LABRO et MATHIEU aurait alors proposé à M.GAUTIER-SAUVAGNAC de matérialiser cette reconnaissance des opérations traitées en s'adressant au Président de l'UIMM. Concernant des transferts de comptes, ces transferts de comptes ont été proposés par les représentants de la BNP dans le cadre du regroupement des comptes commerciaux de l'agence Saiint Augustin sur le Pole entreprises et institutionnel de Saint Lazare Haussmann, visiblement Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC a donné son accord à ses transferts. � Courrier en date du 09/09/1998 adressé à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC par la BNP Dans ce document Monsieur MATHIEU reprend les obligations du groupe BNP relatives aux opérations de retraits d'espèces. Il est donc mentionné que ce courrier fait suite à l'entretien ayant eu lieu le 20/07/1998 au cours duquel avaient été évoquées les opérations enregistrées au débit du compte N°17020140 (agence Saint AUGUSTIN) Le rédacteur du courrier Monsieur MATHIEU écrit: "les dispositions législatives et règlementaires récentes nous imposent de vous interroger sur les opérations de retraits d'espèces passées au débit de votre compte sur lesquelles nous

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avons attiré votre attention.........................nous avons bien noté que vous aviez une parfaite connaissance de ces retraits ainsi que de leur finalité et que par ailleurs vous vous étiez assuré de leur régularité auprès de vos Conseils". Ainsi une nouvelle fois les représentants de la banque BNP se sont assurés auprès de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC de la parfaite connaissance par ce dernier de la destination des fonds prélevés en espèces. La législation en vigueur à l'époque ne nécessitant pas de démarches supplémentaires. » Les enquêteurs notaient également un compte-rendu d'entretien avec Bernard ADAM : « � Compte-rendu en date du 27/01/2004 Dans ce compte-rendu d'un entretien auquel a participé Monsieur Beernard ADAM est une nouvelle fois évoqué (mais plus brièvement) le sujet des retraits d'espèces. Monsieur BEGUE, écrit avoir informé Monsieur ADAM que compte tenu des règles de déontologie en vigueur à ce moment là, il est procédé à une déclaration des retraits auprès des services spécialisés du groupe, et de rajouter que Monsieur ADAM ne semble pas inquiet sur le sujet. » 2 – La banque Martin Maurel Bernard HUART était entendu le 9 novembre 2007 par les services de police (D97). Il avait été jusqu'au 30 septembre 2007 directeur de la banque Martin Maurel. Il avait eu à connaître des comptes U.I.M.M. de 1994 à septembre 2007. Il avait dû voir Dominique RENAUD deux fois entre 2000 et 2007 ; il n'avait jamais rencontré Suzanne DUCOURET. À propos des deux comptes ouverts par l'U.I.M.M., il disait : « On peut dire que l'un des comptes fonctionnait plus classiquement que l'autre, c'est à dire qu'il présentait des mouvements variés et nombreux tant au crédit qu'au débit , il s'agit du compte N° 0038000189 C , même s'il présente de façon irrégulière des retraits d'espèces en sommes rondes.j'ignore le montant que ces retraits peuvent représenter. Vous m'informez que les retraits d'espèces sur ce compte représentent un total de 1.069.785 € au cours de la période 200-2004. Concernant le compte N° 0038000017 Q, il avait un fonctionnement plus atypique en ce sens que les opérations enregistrées sont de deux catégories, des virements au crédit et des retraits d'espèces au débit. Vous m'informez que ces retraits sur ce compte au cours de la période 2000-2007 ont représenté la somme totale de 5.579.692 € , j'ignorais ce chiffre mais je savais que les retraits étaient très importants. » Il indiquait que le guichetier avait été interpellé par les montants de ces retraits ; il en avait informé son responsable administratif qui avait répercuté l'information à son niveau : « Je peux dater de mémoire ces événements à 2002 ou 2003 en raison de l'évolution de la législation sur le blanchiment. Il faut préciser que nous disposions d'un outil d'information et de communication au sein de la Banque à savoir une messagerie interne qui permettait au guichettier ou à son responsable administratif d'informer concomitament les différents échelons de la hiérarchie. Je me souviens avoir parlé de ces retraits avec Monsieur HENRI qui à l'époque était le Conseiller du Président Monsieur MAUREL Bernard. Notre service Inspection a été saisi du dossier et après examen de la situation a effectué des recommandations que nous avons suivies: il s'agissait de créer un dossier sur l'UIMM et le fonctionnement de ses comptes, ce dossier comportait divers renseignements tant juridiques que financiers sur l'UIMM. » Invité à expliquer l'absence de révélation à Tracfin par le service inspection, il disait : « Tout d'abord nous avons pris en compte l'honorabilité de ce syndicat et de ses dirigeants et ensuite nous n'avions pas de doutes quant à l'origine des fonds ainsi retirés, puisqu'ils provenaient de comptes de l'UIMM ouverts dans une grande banque française; la BNP principalement. Je sais qu'en 2003 un ou plusieurs courriers ont été adressés par la banque à Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC alors vice-président délégué général de l'UIMM, afin de l'informer des dilligences effectuées par la banque. A ma connaissance Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC a effectué une réponse orale soit au cours d'un rendez-vous avec Monsieur HENRI soit par téléphone dont la teneur principale était que les dirigeants de l'UIMM suivaient de près la gestion de ce compte.

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Je sais que Patrice HENRI a adressé un courrier à Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC dans lequel il prenait acte de ce que les dirigeants de l'UIMM suivaient ce dossier. » Il précisait : « A l'occasion d'un contrôle de la Commission Bancaire au cours de l'année 2005 , nous avons interrogé la commission sur le dossier UIMM et lui avons donné des pièces réunies dans le cadre du dossier que nous avions constitué.Les conclusions de la Commission Bancaire nous ont conforté dans le fait que nous n'avions pas a effectuer de révélation auprès de TRACFIN. Nous avons cependant toujours maintenu la surveillance sur les comptes de l'UIMM. » Au niveau du mode opératoire, il expliquait : « Je crois savoir que cela se passait ainsi : Le Guichettier de l'agence de l'Avenue HOCHE recevait un appel de l'UIMM (j'ignore qui appelait ) annonçant un retrait d'espèces 24 ou 48 heures à l'avance. Compte tenu des montants retirés nous devions nous approvisionner en espèces pour satisfaire cette demande, c'est le guichettier qui s'occupait de faire rapatrier les fonds. D'après mes souvenirs les sommes retirées ont varié au fils des ans , entre 50 000 € et 200 000 € . D'après mes informations c'est Madame RENAUD qui se présentait à l'agence, elle remettait un chèque libellé à "Nous même" et en contrepartie on lui remettait les espèces. J'ignore sous qu'elle forme les espèces lui étaient remises, je ne sais pas s'il s'agissait de petites ou de grosses coupures. Je pense que pour des raisons de sécurité, la remise s'effectuait à l'abri des regards, dans un bureau. C'est le guichettier de l'agence qui procédait à cette remise, j'ignore si Madame RENAUD remettait un document en sus du chèque permettant le retrait. » F – Les déclarations recueillies sur la pratique des retraits d'espèces et sur les bénéficiaires de ces espèces Les investigations réalisés tant dans le cadre de l'enquête préliminaire que dans le cadre de l'instruction permettront très facilement de chiffrer le montant des espèces décaissées pour la période de prévention. Les enquêteurs chercheront à établir quelle a été l'utilisation de ces espèces. Il ne sera ici étudié que les utilisations retenues par l'ordonnance de renvoi comme frauduleuses, d'une part le paiement de rémunérations et de compléments de rémunérations à des salariés de l'U.I.M.M., faits constitutifs selon le magistrat instructeur du délit de travail dissimulé, et d'autre part des versements à des tiers sans justifier ni de la cause, ni des bénéficiaires de ces versements. S'agissant du paiement des rémunérations et de compléments de rémunération à des salariés de l'U.I.M.M., le magistrat instructeur estime (p. 46 de l'ordonnance de renvoi) que cette pratique de paiement de rémunérations et de compléments de rémunération en espèces est constitutive d'abus de confiance : « ... cette pratique ayant pour objet comme pour effet de minorer le montant des déclarations fiscales et sociales établies tant par l'organisme employeur, en l'espèce l'U.I.M.M., que par les bénéficiaires de ces rémunérations occultes, s'analyse comme du travail dissimulé au sens des articles 8824-1 et suivants du Code du travail. Les sommes utilisées pour financer le paiement de ces rémunérations et compléments de rémunération ayant servi à la commission d'une infraction pénale ont été détournées de leur objet initial à savoir la mise en œuvre de l'objet de l'U.I.M.M. dans le cadre de la réglementation en vigueur, de telle sorte que le délit d'abus de confiance se trouve à ce titre caractérisé. » Jean-Pierre FINE, directeur administratif et financier de l'U.I.M.M. depuis janvier 2006, indiquait le 7 novembre 2007 aux enquêteurs (D91) : « M. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'a effectivement informé début janvier 2007 qu'il mettait fin à une pratique que j'ignorais jusqu'alors et qui consistait à verser en espèces aux cadres des "primes de cabinet", selon son expression. A cette fin, il m'a fourni la liste des cadres dont certains bénéficiaient d'augmentations plus importantes que d'autres et pouvant aller jusqu'à 40 %. J'en ai déduit que les bénéficiaires de ces augmentations étaient ceux dont M. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'avaient dit être par le passé bénéficiaires de ces "primes de cabinet". J'ai pensé qu'il était sain de mettre fin à ces pratiques. » Ré-entendu le 3 juin 2008 par les enquêteurs (D447), Jean-Pierre FINE expliquait avoir procédé le 3 décembre 2007 à une D.A.D.S. rectificative pour les années 2002 à 2006 auprès de la C.N.A.V. (dans la limite de la prescription pour

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travail illégal, à savoir 5 années antérieures à l'année où les régularisations sont effectuées). Denis GAUTIER-SAUVAGNAC lui avait fourni les indications nécessaires sur les noms des bénéficiaires et les montants versés en espèces. Il avait demandé confirmation aux principaux intéressés et notamment à ceux encore en activité. Les services de police dressaient un tableau avec les données figurant sur cette D.A.D.S. rectificative (D444), tableau repris aux pages 22 et 23 de l'ordonnance de renvoi. Des personnes non poursuivies figurent sur la D.A.D.S. rectificative établie le 3 décembre 2007 par Jean-Pierre FINE ont été entendues. ● Jacqueline REVERAULT, assistante de direction de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC à l'U.I.M.M. depuis 1993, fournissait le 28 novembre 2007 les explications suivantes aux services de police (D202) : Elle avait toujours touché une enveloppe chaque année depuis son arrivée en 1993 contenant entre 1 500 et 2 000 euros en espèces. Depuis au moins 2002, la somme était précisément de 2 000 euros "comme un petit treizième mois, non imposable". Denis GAUTIER-SAUVAGNAC lui remettait cette enveloppe en décembre avant Noël. La dernière fois, c'était en décembre 2006. Elle ignorait la provenance de ces espèces. ● Geneviève MARTY veuve SEEUWS (audition du 12 novembre 2008 par les services de police D645). Elle avait été directeur du service sécurité sociale et régimes de retraites complémentaires à l'U.I.M.M. de mars 1957 jusqu'à sa retraite le 1er juillet 1987. Son dernier salaire était de l'ordre de 30 000 F en juin 1987 sur 12 mois. Elle reconnaissait avoir perçu de 2002 à 2006 la somme de 11 600 euros par an de l'U.I.M.M. en espèces : « En effet, conformément à ce qui avait été promis lors de mon arrivée à l'UIMMet stipulé dans un contrat signé en 1971 par Emile BOURSIER, l'UIMM s'était engagée à compléter à concurrence de 60 % de mon dernier salaire les pensions et allocations que je pourrais recevoir tant de l'Etat, que de la sécurité sociale et des régimes complémentaires. C'est le type même de la "retraite chapeau" qui était en vigueur dans les branches sidérurgie et chimie. Quand il s'est agi de mettre en pratique ce contrat en juillet 1987, on m'a d'abord proposé un complément de retraite en espèces que j'ai refusé. Finalement et après négociation, une partie de ce complément a été versé par virement et une autre en espèces. Ce qui a abouti à un virement mensuel et à une remise en espèces, tous les mois, deux mois ou trimestre. Cela a abouti à un virement mensuel qui, en juillet 2007, s'élevait à 1 021 € et à une remise d'espèces qui, à la même date, s'élevait à 2 900 € par trimestre. Je précise que ces sommes ont été régulièrement revalorisées depuis 1987, en fonction de l'augmentation du point du régime des cadres. Depuis juillet 2007, je ne perçois plus de complément en espèces, sans explications aucune de la part de l'UIMM quant au sort de ce complément de retraite. » Une enveloppe était mise à sa disposition tous les mois et elle passait à l'U.I.M.M. selon une périodicité variable. Ces enveloppes lui étaient remises par Suzanne DUCOURET puis par Dominique RENAUD. Aucun reçu n'était signé. Elle ne s'était jamais interrogée sur l'origine de ces espèces. Elle n'avait pas déclaré ces sommes à l'administration fiscale ; en revanche suite à la D.A.D.S. rectificative faite par l'U.I.M.M. le 3 décembre 2007, elle avait fait une déclaration additive de revenus aux services fiscaux lesquels lui avaient adressé de nouveaux avis d'impôts sur les revenus pour les années 2005 et 2006, sans majoration. ● Christiane WEIGEL épouse LOT (audition du 30 octobre 2008 par les services de police D643) Elle était entrée à l'U.I.M.M. le 1er février 1958, comme assistante du président ; le 1er octobre 1972, elle avait rejoint le secrétariat général ; elle avait gravi les échelons jusqu'à devenir directrice des services du secrétariat général ; elle était partie officiellement à la retraite le 1er juillet 2003, en très mauvais termes avec Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et Bernard ADAM. Son dernier salaire en juin 2003 était de 5 4141 euros nets par mois.

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S'agissant du contenu de la D.A.D.S. additive du 3 décembre 2007 selon laquelle elle aurait perçu 13 720 euros en 2002 et 2003 en espèces, elle indiquait n'avoir perçu cette somme qu'en 2002, pas en 2003 : « En juillet 1985, M. Pierre GUILLEN m'a demandé de faire une étude à rendre en septembre. C'est ce que je fis, pendant le mois d'août, sur la totalité de mes congés. En septembre, Pierre GUILLEN m'a remis 20 000 FF en espèces pour me récompenser. Travaillant toujours plus, et la grille des salaires étant ce qu'elle était à l'UIMM, et ne voulant ou ne pouvant pas, me disait-on, m'augmenter, Pierre GUILLEN m'a proposé une enveloppe versée par trimestre, de l'ordre de 4 500 FF. […] J'avais demandé à Pierre GUILLEN que ces sommes me soient versées officiellement, sur ma fiche de paye. Je protestais auprès de lui en disant que c'était un système mafieux et que cela ne pouvait qu'induire une perte de points pour la retraite. Mais il m'a répondu que "c'était comme ça, on a toujours fait comme ça, c'est une tradition". Et beaucoup de salariés de l'UIMM touchaient des espèces. Pierre GUILLEN avait tenté de me rassurer en me disant qu'à la retraite, on fera ce qu'il faudra, qu'on s'arrangera, que l'on trouvera un système pour compenser le préjudice mais sans plus de précisions. Fin 2002, quand mon départ a été décidé, j'ai appelé Pierre GUILLEN pour lui parler des conditions de mon départ. Il m'a dit alors que je devais obtenir ce qu'il avait obtenu, à savoir : une indemnité compensatoire et une rente de l'Union en précisant qu'il y avait eu un arrangement entre CEYRAC et BOURSIER stipulant que tous deux toucheraient à vie 400 000 FF/an. Il m'a dit qu'il avait demandé la même chose mais que Arnaud LEENHARDT, président de l'UIMM à l'époque, avait refusé en disant "je ne mange pas de ce pain là". Et il m'a dit qu'il avait finalement obtenu une rente viagère constituée à la compagnie AXA à laquelle l'UIMM a souscrit, pour lui-même et, a-t-il précisé, pour Bernard LEROY. Quand Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a pris les fonctions de délégué général, je me suis entretenue à plusieurs reprises avec lui de ce sujet en lui disant que je trouvais le système d'enveloppes insatisfaisant car je subirais un important préjudicie pour la retraite. Il m'a à peu près répondu la même chose que Pierre GUILLEN, à savoir que l'on s'arrangera, tout en me faisant remarquer que d'autres personnes n'étaient point gênées, notamment par rapport au problème de la retraite. A l'approche de ma mise à la retraite, j'ai tenté de négocier une rente que le groupe Malakoff m'aurait versé mais l'UIMM a refusé. En compensation, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'a proposé une rente de 1 000 € par mois que M. Bernard ADAM voulait qu'elle me soit versée en espèces. J'ai refusé vigoureusement et j'ai exigé un virement bancaire. De ce fait et depuis le 1er juillet 2003, l'UIMM vire sur mon compte bancaire une somme de 1 000 €/mois et continue encore à le faire, à ce jour. Cette rente est très peu valorisée. Ces virements n'étaient accompagnés d'aucun justificatif jusqu'à ce que je reçoive en avril 2008 de l'UIMM un bordereau m'indiquant que j'allais recevoir un virement de 1 000 €. Ce bordereau est resté unique à ce jour car je n'en ai pas reçu depuis alors que les virements continuent. Je déclare à l'administration fiscale, au titre de l'IRPP, ces 12 000 € annuels. Cependant, et à partir de 1985, je percevais tous les trimestres une enveloppe d'espèces d'environ 13 720 €/an, en 2002. Je précise que de mon temps, Emile BOURSIER qui avait confiance en moi m'avait fait l'aveu que tous les membres de la direction percevaient des gratifications, en espèces. […] Une enveloppe était mise à ma disposition tous les trimestres au service de la comptabilité. Elles m'étaient remises par Suzanne DUCOURET puis par Dominique RENAUD. Aucun reçu n'était signé. […] Ces remises d'espèces ont cessé fin 2002 en raison de mon départ effectif et physique de l'UIMM dès le 1er janvier 2003. Je tiens à dire que j'ai été otage et victime de ce système de remises d'espèces que j'ai réprouvé et combattu. J'ai vigoureusement protesté devant Pierre GUILLEN et Denis GAUTIER-SAUVAGNAC en faisant valoir le préjudice énorme que cela me causerait à la retraite. J'ai donc dû subir ce système imposé dans un lien de subordination et de sujétions très fortes. » Elle ne s'était pas interrogée sur l'origine de ces fonds. Elle n'avait pas déclaré ces espèces à l'administration fiscale ; Pierre GUILLEN lui avait dit de surtout, ne pas les déclarer car l'Union ne déclarait pas. ● Annie HIRTZ veuve BENHAMOU (déclarations du 28 octobre 2008 devant les services de police D641)

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Elle avait commencé à travailler à l'U.I.M.M. en septembre 1950 au service documentation, devenu dans les années 1960-1970 le service des affaires sociales, européennes et internationales : « Mon travail consistait à répondre aux questions les plus variées de nos adhérents (chambres syndicales régionales et surtout les grandes entreprises), notamment dans le domaine du droit social étranger, des négociations et des conventions collectives, des structures syndicales à l'étranger, de l'emploi, de la sécurité sociale, etc... Et pour cela nous recevions beaucoup de documentation qu'il fallait lire, nous avions beaucoup de contacts avec nos homologues étrangers et avec le BIT à Genève. Je participais donc à beaucoup de réunions en France et à l'étranger autour de ces thèmes. Par ailleurs je participais à la rédaction du bulletin social international de l'UIMM. Etant docteur en droit et par suite de la thèse que j'avais soutenue, j'avais été chargée de deux brochures pour la "Documentation Française", une sur le thème, "Les syndicats aux Etats Unis" et l'autre sur "Les Syndicats suédois". J'ai pris ma retraite fin juin 1995 avec le rang de directeur que j'occupais depuis 1965 environ. » Elle avait un salaire de cadre, somme toute honorable. S'agissant du contenu de la D.A.D.S. additive de décembre 2007 selon laquelle elle aurait perçu en espèces en 2002 et 2003 la somme de 9 150 euros, elle disait : « Quand j'ai pris ma retraite en 1995, le CNPF m'a proposé, compte tenu de mes connaissances en la matière, de faire partie de la délégation patronale à la conférence internationale de l'OIT (Organisation Internationale du Travail) qui se tient tous les ans environ 3 semaines, à Genève. J'ai accepté et ai fait partie de cette délégation jusqu'en 2004. Les frais de déplacement, d'hébergement et de restauration étaient pris en charge par le gouvernement français. Ce travail était purement bénévole bien que cela exigeait bien du travail en amont et en aval puisque je faisais un compte rendu écrit qui me prenait trois bonnes semaines supplémentaires. Parallèlement, j'ai continué à m'occuper, mais plus modérément, à la rédaction du bulletin social international, compte tenu de mes compétences en langues. A l'époque, je ne sais plus si la proposition m'a été faite par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC ou par Pierre GUILLEN, il m'a été proposé une somme de 5 000 F/mois en espèces pour m'indemniser de ce travail mais aussi un peu du travail annuel pour le compte de l'OIT. Quoiqu'il en soit, je n'ai pas sollicité une somme d'argent ; j'ai reçu une proposition que j'ai acceptée. […] Pour moi, il s'agissait d'une compensation d'un travail bénévole et je n'ai pas pensé aux considérations fiscales ou sociales. […] Au passage à l'euro en 2002, Bernard ADAM a transformé ces 5000 F/mois en 762,50 euros/mois, soit 9 150 € par an. […] Ces espèces m'étaient remises tous les trimestres. Personne ne me prévenait. A l'occasion d'une visite à l'UIMM, je passais une fois par trimestre au bureau de la comptabilité où une enveloppe m'attendait. Elle m'était remise par Mme Suzanne DUCOURET puis par Mme Dominique RENAUD. […] Ces remises d'espèces ont cessé fin 2003, à ma demande, au décès de mon mari et au changement de mon mode de vie. » Elle n'avait jamais signé de reçu. Elle ne savait rien de l'origine de ces espèces. Elle n'avait pas déclaré ces sommes à l'administration fiscale. ● Marie-Thérèse KAYSER Entendue le 28 octobre 2008 par les services de police (D640), elle indiquait avoir travaillé de janvier 2004 à mars 2008 comme femme de ménage à l'U.I.M.M. ; elle percevait 570 euros net par mois environ pour 2 ou 3 heures par jour du lundi au vendredi.

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Elle avait connu l'U.I.M.M. par Madame MARTINEZ, elle-même gardienne d'immeuble dans le quartier de l'U.I.M.M. Elle s'est présentée d'elle-même et avait été reçue par le chef cuisinier, Bernard PAYRAUD qui lui avait proposé un emploi de femme de ménage à temps partiel. Elle faisait le ménage dans la salle à manger et dans ce qui était appelé "le club" à l'U.I.M.M. On lui avait dit qu'elle aurait 570 euros net par mois environ. À l'issue de son premier mois de travail, elle avait trouvé une enveloppe à son nom sur une tablette de la salle à manger où elle officiait. Celle-ci contenait des espèces qui correspondaient à la rétribution de son travail. Elle reconnaissait avoir perçu entre 2004 et 2006 la somme figurant sur la D.A.D.S. additive de décembre 2007, à savoir 20 100 euros, en espèces. Elle n'avait pas déclaré ces sommes en temps utile à l'administration fiscale : « En revanche, fin 2007, l'UIMM m'a fait parvenir un contrat de travail en double exemplaire, signé unilatéralement par l'UIMM, relatif à ma période de travail. Dans le courrier d'accompagnement, j'étais invitée à signer les deux exemplaires et à faire retour de l'un d'eux par courrier. C'est ce que j'ai fait. Dans ce même courrier, j'étais invitée à faire à l'administration fiscale une déclaration rectificative de mes revenus au titre des années fiscales 2005 et 2006; C'est ce que j'ai également fait. Je précise qu'à compter de fin 2007, octobre me semble-t-il, j'ai été payée par chèque ou par virement, je ne sais plus, et que, en parallèle, j'ai reçu par courrier, à mon domicile, une fiche de paye. » ● Entendu le 26 mars 2009 par les services de police, Jean-Baptiste PEYRAUD (D801) expliquait : « De mémoire, c'est par l'intermédiaire de l'ancienne secrétaire de M. Bernard ADAM que Mme Marie-Thérèse KAISER a approché l'UIMM. En janvier 2004, cette secrétaire, Mme QUEROI, m'a présentée Mme Marie-Thérèse KAISER en me disant qu'elle assurerait désormais l'entretien du "Club" et de la salle attenante réservée à la direction. J'ai pris cette annonce comme une décision actée. […] Jusqu'alors, le nettoyage du "Club" et de la salle à manger de direction était assuré par une personne qui ne donnait pas satisfaction et j'en avais fait part à Mme QUEROI, d'où ce changement. » Il supposait que la direction administrative avait décidé de l'embauche de Marie-Thérèse KAYSER. Il avait pris acte de la décision par l'annonce de Yvonne QUEROI. Prenant connaissance des déclarations de Marie-Thérèse KAYSER, il maintenait les siennes ; il n'avait pas reçu en entretien Marie-Thérèse KAYSER ; il n'avait pas pris la décision de l'embaucher, n'avait pas décidé du montant de son salaire et du mode de sa rémunération ; il s'était contenté de lui indiquer ce qu'il attendait d'elle. Il ajoutait : « Le secrétariat de M. Bernard ADAM, en la personne de Mme LIZEUL, qui a pris la suite de Mme QUEROI partie en retraite, me remettait une fois par mois une enveloppe au nom de Mme Marie-Thérèse KAISER ou me l'a faisait parvenir, sans autre précision mais avec l'instruction de la lui remettre. Je la remettais donc sur une étagère dans la salle à manger de direction. Je n'ai jamais ouvert ces enveloppes, je ne sais pas ce qu'elles contenaient. » ● Entendue le 15 avril 2009 par les services de police, Yvonne QUEROI (D803), secrétaire au service administratif en charge du personnel de 1984 à juillet 1999, service dirigé par Bernard ADAM à partir de 1989, expliquait que Jean-Baptiste PEYRAUD devait se tromper de date ; elle n'avait pas connu Marie-Thérèse KAYSER puisqu'elle était partie à la retraite en 1999. De manière générale, elle indiquait que les dames qui assuraient le ménage du "Club" et de la salle attenante réservée à la direction étaient recrutées par Bernard ADAM. Elles se faisaient connaître par le bouche à oreille. Elle allait les chercher à l'accueil, les conduisait dans le bureau de Bernard ADAM et assistait à l'entretien d'embauche. Ces personnes étaient payées en espèces : « Quand il était temps de les payer, en fin de mois ou de semaine, sous la dictée de Bernard ADAM, je rédigeais une fiche

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sur laquelle figuraient le nom et la somme que je tenais de Bernard ADAM. Ce dernier signait cette fiche et j'allais au service comptable dirigée à l'époque par Mme Suzanne DUCOURET. Devant moi, cette dernière préparait une enveloppe dans laquelle elle remettait la somme indiquée sur la fiche en espèces. Elle inscrivait le nom de la personne sur l'enveloppe, la cachetait et me la remettait. Je remettais alors cette enveloppe à Bernard ADAM ou parfois directement à M. Bernard PAYRAUD. Ce même procédé prévalait pour les personnes venant en renfort très ponctuel pour la plonge. » ● Entendue le 20 mai 2009 par les services de police, Michèle LIZEUL (D816) expliquait : « J'ai le souvenir qu'à compter de 2004, M. Bernard ADAM m'a demandé d'établir une note mensuelle pour le règlement de Mme Marie-Thérèse KAISER. Selon moi, c'est M. Bernard ADAM qui a procédé à son recrutement mais j'en ignore les conditions. Elle a été recrutée pour le nettoyage du "club" et de la salle à manger de la direction, en remplacement d'une autre personne, mais j'ignore les raisons de ce remplacement. Je ne l'ai pas présentée à M. Bernard PAYRAUD et il ne m'avait jamais fait part de son insatisfaction de la personne en charge du nettoyage du club de la salle à manger de direction. […] Sur les instructions de Bernard ADAM, puis à l'arrivée de son successeur Jean-Pierre FINE en janvier 2006, j'établissais sur une feuille blanche à l'entête du service du personnel, à l'attention du service de la comptabilité, le nom de Mme Marie-Thérèse KAISER, le mois concerné, la prestation réalisée et un montant, de l'ordre de 600 € environ. Je faisais signer cette note à Bernard ADAM puis par Jean-Pierre FINE et je la faisais parvenir par le courrier interne au service comptabilité. Et après, je n'avais plus de nouvelles. Je devine quelle était la suite : Une enveloppe contenant la somme indiquée sur la note était constituée d'espèces et transmise à M. Bernard PAYRAUD pour remise à Mme Marie-Thérèse KAISER. »

✶ ✶ ✶ ● Pierre CHARTRON avait été mis en examen et renvoyé devant ce Tribunal ; il est décédé. Il avait indiqué le 11 septembre 2008 au magistrat instructeur (D558) être salarié de l'U.I.M.M. depuis 1992 : « J'ai été recruté par Monsieur Pierre GUILLEN en qualité d'adjoint au directeur des ressources humaines et de la compétitivité. Après le départ de Monsieur Pierre DEBEINE, mon directeur, l'intitulé de ma fonction a un peu changé, mais mes fonctions sont restées sensiblement les mêmes. Celles ci sont de trois types: études statistiques internes et re-traitement des statistiques sociales externes . Traitement des sujets ayant trait aux qualifications, compétences, rémunérations et plus généralement aux ressources humaines. Et troisièmement aide dans la mise en oeuvre d'outils ou de méthodes dans les ressources humaines auprès de nos structures territoriales ou directement des sociétés adhérentes, notamment des P.M.I. » Il avait reconnu avoir perçu 10 000 euros en espèces chaque année de 2002 à 2006. Ces sommes lui étaient versées en espèces et ne faisaient pas partie de son salaire officiel parce que lors de son embauche, dans la négociation de salaire, on lui avait décomposé sa rémunération, une partie en salaire versée mensuellement, et une partie sous forme de prime de cabinet versée en espèces exonérée de charges. On lui avait dit que la grille de rémunération était comme ça et que c'était une pratique, d'ailleurs habituelle, compte tenu de ses frais de représentation ou de cabinet qui pouvaient être liés à la fonction. Il n'avait pas du tout eu le sentiment d'effectuer une partie de son travail "au noir". Les espèces lui étaient versées par Suzanne DUCOURET, puis par sa remplaçante, Dominique RENAUD. Il ne savait pas pourquoi en 2006, ces versements en espèces avaient cessé. Lors de son arrivée, on lui avait dit que ce serait intégré à un moment donné, dans la rémunération. Pour lui, c'était de l'argent de l'U.I.M.M. Il ne connaissait pas l'E.P.I.M.

✶ ✶ ✶ S'agissant du paiement de rémunérations et de compléments de rémunération en espèces, les faits sont qualifiés de travail dissimulé par le magistrat instructeur à l'encontre de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, de Bernard ADAM et de la personne morale U.I.M.M., de complicité de travail dissimulé à l'encontre de Dominique RENAUD.

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Sont renvoyés devant le Tribunal, du chef de recel d'abus de confiance, certains bénéficiaires des compléments de rémunération versés en espèces : Bernard ADAM, Alain NOQUÉ, Dominique de la LANDE de CALAN, Aymeric DUROY de SUDUIRAUT, Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE et Jacques GAGLIARDI. Le Ministère Public avait dans son réquisitoire écrit du 25 avril 2012, requis non lieu au profit des bénéficiaires des compléments de rémunération en espèces (p. 49 du réquisitoire définitif D1292). Le magistrat instructeur ne partage pas cette analyse du Parquet (cf. ordonnance de renvoi p. 50 et 51).

✶ ✶ ✶ Le magistrat instructeur et les enquêteurs ont cherché à déterminer qui était au courant de cette pratique de décaissements en espèces et qui connaissait les bénéficiaires de ces espèces. Sur ces points, il sera d'abord donné connaissance des déclarations des personnes qui ne sont pas poursuivies dans le cadre de ce dossier. ● Ainsi Suzanne DUCOURET, prédécesseur de Dominique RENAUD, chef comptable à l'U.I.M.M. de 1977 à fin 2000, entendue les 29 et 30 octobre 2007 par les services de police (D71, D76) fournissait les explications suivantes : Son supérieur hiérarchique était le délégué général, soit Emile BOURSIER, puis Pierre GUILLEN, puis Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Elle recevait également des instructions du directeur administratif, Bernard ADAM, instructions qui avaient forcément reçu l'aval du délégué général. Elle ne rendait compte de ses travaux ou missions qu'au délégué général. Elle ne recevait aucune instruction du président ou du trésorier ; elle ne voyait ce dernier qu'une fois l'an, avant la présentation des comptes à l'assemblée générale ; elle avait très rarement eu affaire au secrétaire général. Tous les comptes de l'U.I.M.M. et ceux de l'E.P.I.M. fonctionnaient sous la double signature du délégué général ou secrétaire général d'un côté, de la chef comptable ou son adjointe de l'autre. Elle était au courant de la pratique des retraits d'espèces puisque c'est elle qui allait à la banque, toujours accompagnée du chauffeur du délégué général : « Quand j'ai pris mes fonctions de Chef comptable en 1977, ces pratiques existaient déjà. Elles n'étaient d'ailleurs pas un secret pour les membres du service comptable. Tout membre entrant au service comptable était fatalement mis au courant. Je crois savoir ou je pense que ces pratiques ont commencé en réaction aux événements de 1968. En effet, vu la tournure des événements et les craintes qu'ils suscitaient, la direction avait décidé de faire des réserves en espèces. Pour quelles raisons ? probablement parce qu'elle craignait la fermeture des banques ou un manque de liquidité. Sans me souvenir des montants, je pense que les montants retirés à l'époque représentaient une somme importante. Je rappelle qu'à cette époque, je n'étais ni la chef comptable ni l'adjointe. Je suppose qu'après les événements, ces espèces ont dû rester dans les coffres du service de la comptabilité. Je ne pense pas que ces espèces ont été re créditées sur les comptes bancaires d'où elles venaient. J'ignore ce que sont devenues les espèces. Par la suite, et en réaction à 1968, a été créée l'EPIM en 1972. A une date que je ne peux déterminer, les comptes de l'EPIM ont alimenté ceux de l'UIMM, à la demande du Délégué général. Il était demandé à la Chef comptable de procéder à des virements du compte chèque de l'EPIM pour alimenter ceux de l'UIMM pour permettre des retraits d'espèces qui étaient demandés par le Délégué général. Cependant, entre 1968 et la date où le compte de l'EPIM a commencé à alimenter les comptes de l'UIMM pour les retraits d'espèces, ces derniers avaient lieu sur les comptes mêmes de l'UIMM... C'est la Chef comptable qui décidait seule des virements à opérer du compte de l'EPIM vers celui de l'UIMM en fonction de leurs soldes respectifs, pour les besoins de ces retraits d'espèces. En fait, c'est elle qui était la gestionnaire des flux financiers entre les divers comptes de l'UIMM et de l'EPIM, pour les besoins de ces retraits en espèces, la direction ne voulant pas entrer dans cette gestion. » Elle décrivait ainsi le processus des retraits d'espèces : « Je recevais un ordre, toujours oralement, de la part du Délégué général une ou deux semaines avant la remise souhaitée des fonds. Quand cette demande intervenait en période d'encaissement des cotisations de l'EPIM, la trésorerie était généralement suffisante pour se faire. A défaut, il m'invitait à me mettre en relation avec le gestionnaire du portefeuille de l'EPIM pour une vente de titres afin d'alimenter le compte EPIM. Et c'est ce que la Chef comptable faisait.

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[…] C'est eux qui procédaient aux achats et ventes de titres. En revanche, c'était au service comptable d'établir un état mensuel de la situation du portefeuille EPIM mais présenté par le gestionnaire du portefeuille au Délégué général et une fois par an au trésorier. Généralement et en moyenne, les investissements qu'ils faisaient étaient plutôt judicieux. Cependant, et à ma connaissance, ils n'avaient pas une totale latitude dans leurs placements car ils pouvaient percevoir des instructions de la part soit du président soit du Délégué général. Une fois la provision sur le ou les comptes assurée, le service comptable établissait un ou plusieurs chèques qui étaient portés au Délégué général pour la seconde signature. Une fois le ou les chèques doublement signés, je prenais attache par téléphone avec l'hôtesse d'accueil au rez-de-chaussée qui faisait le nécessaire auprès de la secrétaire du Délégué général pour qu'un chauffeur soit mis à ma disposition pour aller retirer les fonds en banque. Après avoir commandé les espèces à la banque, je m'y rendais avec le chauffeur qui, à ma connaissance, ignorait totalement l'objet de cette course. Je m'y rendais toujours avec le même sac à main qui était dédié à cela. Je revenais au siège de l'UIMM avec les espèces, toujours des billets de 500 FF et une fois de retour dans les locaux du service comptable, je procédais soit seule ou avec mon adjointe au recomptage des billets que nous re confectionnions par liasse de 20 billets (10 000 FF) pour reconstituer des "pavés" de 50 000 FF. Il arrivait que ce recomptage et cette re confection se fassent sous les yeux des autres membres du service comptable et parfois même par des visiteurs impromptus. Pour éviter ce dernier écueil, nous avions pris l'habitude de nous enfermer à clé. Mais il me semble que cette dernière précaution attirait l'attention. Je pense que le manque de précaution du départ a pu éveiller quelques soupçons chez ces témoins. Cependant, je n'ai jamais eu de retour et, à ma connaissance, un quelconque bruit autour de ces espèces n'a jamais couru. En réalité, ces quelques témoins n'avaient pas une vue d'ensemble de ces opérations et pouvaient très bien penser qu'ils avaient trait à nos besoins d'espèces pour les remboursements de frais professionnels. Je précise aussi que, avant mon accession aux fonctions de Chef-comptable en 1977, les non-cadres de l'UIMM étaient payés en espèces. Cela représentait environ une centaine de personnes. Les liasses de billets re conditionnés étaient ensuite placées dans les coffres-forts du service comptable. Je m'arrangeais toujours pour que l'argent demandé soit prêt quelques jours avant la date que le Délégué général m'avait fixée. Puis la pratique était quelque peu différente suivant le Délégué général. : M. Pierre GUILLEN se déplaçait presque toujours au service comptable, toujours très tôt le matin, vers 8 h 30 quand tout le personnel n'était pas arrivé, et je lui remettais les fonds demandés qui étaient placées dans une enveloppe kraft. Avec M. Emile BOURSIER, celui-ci me passait un coup de fil et me faisait comprendre par une phrase qui lui était propre : "Je suis là" qu'il fallait que je leur apporte les fonds demandés. Avec M. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, sa secrétaire m'appelait et me disait : "M. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC vous attend". Je ne me souviens plus du nom de sa secrétaire. Dans les deux cas, je leur apportais les fonds dans une enveloppe kraft. Les sommes demandées variaient de 50 000 FF à 1 000 000 FF. Cependant, je dois dire que ce dernier montant était tout à fait exceptionnel. En revanche, je ne me souviens pas de la régularité de ces demandes et je n'y ai jamais prêté très attention. A y réfléchir, je ne crois pas que la secrétaire de M Emile BOURSIER ou celle de M. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC savait pourquoi ils me faisaient demander. En effet ce pouvait être pour un tout autre motif (chèques à signer), bien que mes visites ne concernaient souvent que ces remises d'espèces. Ces remises d'enveloppes n'avaient jamais de témoin. J'avais pris le réflexe de fermer la porte de son bureau une fois que j'y avais pénétré. » Ces demandes n'étaient formulées que par le seul délégué général, toujours verbalement. Quand elle remettait les fonds en espèces, elle établissait un reçu qu'elle faisait signer au réceptionnaire. Ces reçus étaient conservés jusqu'à l'approbation des comptes à la prochaine assemblée générale. Dès que l'approbation des comptes était acquise, le service comptable avait l'ordre de détruire toutes les pièces comptables de l'U.I.M.M. Elle ignorait la destination de ces espèces. En dehors des personnes auxquelles elle remettait les enveloppes et des personnes du service comptable, elle ne savait pas qui était au courant de ces retraits d'espèces. Une partie des espèces servait à payer des compléments de salaires ; les bénéficiaires, des cadres, étaient désignés par le délégué général. Suzanne DUCOURET précisait que parfois les banques avaient proposé une livraison des espèces au siège de l'U.I.M.M. mais la direction avait toujours refusé très probablement par souci de discrétion. Les chargés de clientèle ne l'avaient jamais interrogée sur ces retraits d'espèces : « Je crois qu'ils avaient fini par s'y habituer, un peu comme moi. Je crois qu'ils avaient plus la crainte d'une agression

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que moi d'ailleurs, car effectivement je me présentais seule devant le caissier principal. D'ailleurs les remises de fonds se faisaient toujours dans la salle des coffres et jamais au guichet pour des raisons de discrétion et de sécurité. De mon côté j'avais fini par m'y habituer et cela était d'ailleurs souhaitable : il valait mieux être naturelle. Une quelconque nervosité de ma part n'était pas souhaitable. […] A ma connaissance, le Délégué général ou un quelconque membre de la direction n'avait aucun contact avec les banques pour l'organisation de ces retraits d'espèces. Mais il arrivait que les représentants de la banque demandent et obtiennent un rendez-vous. Je me rappelle d'un rendez-vous obtenu auprès de M. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, peut-être la BNP. J'en ignore la teneur. » Suzanne DUCOURET expliquait encore que le trésorier faisait un compte rendu succinct de la situation de l'E.P.I.M. à l'assemblée générale de l'U.I.M.M. comme il en faisait un sur les comptes de l'U.I.M.M. : « Je crois qu'il évoquait la situation de l'EPIM par une phrase rituelle : "Les comptes de l'EPIM et de l'UIMM n'appellent pas de commentaires particuliers de ma part". Etant moi-même parfois présente à ces assemblées générales, comme simple spectatrice, je peux vous dire que ça grognait parfois au prononcé de cette phrase. Je pense que les participants souhaitaient plus de détails. Mais paradoxalement, je n'en ai jamais entendu un poser une quelconque question. Et au sortir de la salle, j'entendais quelques réflexions de participants un peu frustrés. Je crois qu'il s'agissait de nouveaux représentants de chambres régionales syndicales qui étaient les seuls votants à l'assemblée générale. Les anciens en avaient certainement pris leur parti sinon il y aurait eu une "fronde" depuis bien longtemps. Or personne n'a jamais rien dit officiellement et les comptes ont toujours été approuvés. » Les participants à ces assemblées générales n'étaient pas préalablement destinataires de la situation comptable de l'U.I.M.M. et de l'E.P.I.M. Ils se prononçaient sur une simple présentation orale. Sur l'enregistrement comptable, elle disait : « Ainsi, quand un virement était opéré d'un compte de l'EPIM vers celui de l'UIMM, celui-ci apparaissait en compte "banque" de la classe 5. Quand j'opérais un retrait d'espèces, je mouvementais ce compte et celui de la caisse, de la classe 5 ainsi qu'un compte d'attente, compte 49. Quand je remettais des espèces au Délégué général, je mouvementais en compte caisse et d'autant le compte d'attente car, effectivement, je ne connaissais pas la destination de ces fonds. » En fin d'année, elle devait solder le compte d'attente et passer une écriture de crédit dans le compte de produits exceptionnels par le libellé "cotisation exceptionnelle" et l'inscrire en report à nouveau en début d'année suivante. Le service comptable n'avait pas reçu d'instruction particulière pour l'enregistrement de ces mouvements. ● Entendu le 22 novembre 2007 par les services de police, Pierre GUILLEN, vice-président délégué général au sein de l'U.I.M.M. de 1985 jusqu'au 31 décembre 1994, expliquait (D131) à propos de l'E.P.I.M. : « Je connaissais parfaitement ce fond, il s'agissait de la caisse anti-grève, elle était également connue des syndicats et des gouvernements. Son fonctionnement était simple, les entreprises cotisaient en fonction de leur masse salariale. Lorsqu'un conflit avait eu lieu, et qu'une entreprise demandait une indemnisation , le Comité chargé d'étudier ces demandes d'indemnisations étudiait le dossier et décidait d'accorder ou pas une indemnité. » À propos du comité de surveillance de l'E.P.I.M., il indiquait : « J'y suis entrée en 1976 ou 1977 alors que j'occupais les fonctions de secrétaire Général de l'UIMM. Ce comité était présidé à l'époque par le Président de l'UIMM ,il y avait également le vice président délégué général, le directeur du service qui s'occupait de la gestion des conflits et moi même. Ce comité décidait du taux d'appel des cotisations, et rendait compte au Bureau .C'est à dire qu'il donnait quelques chiffres à savoir les fonds récoltés et le volume des indemnités distribuées. Tout cela est tombé en deshérance en 1983, cela s'est effiloché , les sociétés ont moins cotisé, et il y a eu moins de conflits sociaux. J'ai continué à faire partie de ce comité, mais il se réunissait beaucoup moins souvent, au lieu de se réunir tous les mois, il devait se réunir deux fois par an. »

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À propos des retraits d'espèces sur des comptes de l'U.I.M.M. alimentés par les fonds recueillis au titre de l'E.P.I.M., il indiquait que ces retraits avaient toujours existé. Il les avait appelés "dépenses de rayonnement" ; c'est ce qu'il avait dit à son successeur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC lorsqu'il lui avait "passé les clés de la maison". Ces fonds servaient à faire en sorte que l'U.I.M.M. ait une bonne image de marque. Ces fonds allaient en direction de toutes les organisations qui pouvaient faire l'opinion (bureaux d'études, journalistes, sociologues). Il ne souhaitait pas préciser : « Je ne vous dirai rien de plus sur ce sujet, si ce n'est que ces fonds ne sont jamais allés à destination de politiques, car cela n'aurait servi à rien. jusqu'en 1989 c'est mon prédécesseur qui s'occupait de cela, puis je m'en suis occupé. » Il confirmait les déclarations de Suzanne DUCOURET ; il lui disait : "je vais vous signer un chèque et vous prendrez l'argent que vous garderez dans le coffre de l'U.I.M.M.". Il ne s'était jamais occupé de la gestion des fonds de réserve de l'U.I.M.M. À propos de la destination de ces espèces, il disait que lorsque des gens en avaient besoin, il donnait des instructions à Suzanne DUCOURET pour qu'elle donne l'argent nécessaire. Les futurs bénéficiaires téléphonaient, demandaient un rendez-vous ; il comprenait qu'il fallait préparer une enveloppe. Il avait toujours connu la pratique des versements de compléments de salaires en espèces, comme dans les cabinets ministériels. Il avait informé son remplaçant, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC de cette pratique : « Je l'ai informé effectivement de certaines pratiques , je lui ai communiqué les noms de certaines personnes, avec mon avis les concernant.Il était loin d'être idiot, il a compris ce dont il s'agissait. » ● François CEYRAC, président de l'U.I.M.M. de 1969 à 1973, après en avoir été secrétaire général adjoint (1945-1952), puis délégué général adjoint (1952-1968), était entendu le 19 novembre 2007 par les services de police (D123). Il déclarait : « Quand une entreprise adhérente à l'EPIM connaissait un conflit social, elle soumettait une demande au gestionnaire lequel accordait une aide ou non, la réformait ou non dans son montant. A ma connaissance, il n'a jamais été fait un autre usage des fonds de l'EPIM que celui que je viens de vous énoncer. En revanche, je ne pourrai vous certifier qu'une partie des fonds n'a pas servi à autre chose. Si tel a été le cas, cela n'a pas été porté à ma connaissance et je m'y serais opposé formellement. Je n'étais pas gestionnaire des fonds. J'ai lu récemment dans la presse qu'une partie des fonds recueillis par l'EPIM aurait servi à payer des syndicalistes. Cela ma paraît aberrant et même inadmissible. Cela aurait faussé toute la justesse et la sincérité des rapports patronat/syndicats. » Il avait le 6 octobre 2007 écrit à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC une lettre de soutien produite par ce dernier (D1273/4) dans laquelle il avait écrit le contraire : « Mon Cher Denis, Je voudrais vous témoigner de ma sympathie et de ma solidarité dans ces pénibles circonstances. Je suis bien placé pour savoir que les actions que l'on vous reproche, consistant à verser des aides en espèces à divers partenaires de la vie sociale, sont dans la continuité historique de l'UIMM dans sa mission de rechercher le dialogue social. Je voudrais aussi vous assurer de la totale confiance que j'ai dans la lucidité et dans l'intégrité avec lesquelles vous gérez les responsabilités qui vous sont confiées. De tout cœur, je souhaite la réussite de votre action.

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Vous êtes dans le droit fil de l'UIMM et je suis fier de vous. Fidèlement et affectueusement. » ● Arnaud LEENHARDT, ancien président de l'U.I.M.M. a déclaré le 19 juin 2008 au magistrat instructeur (D488) : « ... j'ai appris les montants dans la presse, mais je savais qu'il y avait effectivement quelques prélèvements, sans en connaître le détail ni les destinataires. Mais je le savais d'une période qui a précédé Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. » Il en avait toujours entendu parler à l'U.I.M.M. et au C.N.P.F. À la question de savoir qui était au courant de ces pratiques au sein de l'U.I.M.M., il répondait : « réellement, je ne sais pas très bien qui pouvait en avoir en entendu parler, les présidents en entendaient parler, mais ces pratiques n'étaient pas débattues au sein des conseils. » C'est Pierre GUILLEN qui lui en avait parlé. Personne d'autre ne lui en avait parlé. Lui-même avait engagé Denis GAUTIER-SAUVAGNAC : « L'affaire dont vous me parlez était assez classique pour que moi-même je n'en ai pas parlé lors de son embauche. C'est Pierre GUILLEN qui a passé la suite à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC en lui cédant ses fonctions. » Quand il avait embauché Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, il ne lui avait pas dit que parmi les missions, il y aurait celle-là. Il ne contestait pas avoir confirmé ces pratiques à Daniel DEWAVRIN parce que "c'était des choses dont on se disait qu'il fallait peut-être un jour y mettre un terme". Il pensait que des personnalités au M.E.D.E.F. étaient au courant : « à travers une conversation que j'ai entendue de la part de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, qui rapportait un entretien qu'il avait eu avec Laurence PARISOT, j'ai compris qu'elle était au courant. C'est tout ce que je sais, car les années 2000-2007 je ne les ai pas vécues, je n'étais plus au MEDEF. » Il ne savait pas qui étaient les destinataires des espèces. Il ne pensait pas que ce puisse être des partis politiques, mais beaucoup plus vraisemblablement des syndicats car les lois concernant les partis politiques interdisaient ce genre d'opérations. Il ne pensait pas qu'il puisse y avoir de syndicats privilégiés. Ça ne l'étonnerait pas que tous les syndicats représentatifs connus aient pu en être les bénéficiaires mais il ne pouvait pas l'affirmer. Il n'avait aucune idée de la raison pour laquelle Denis GAUTIER-SAUVAGNAC ne le disait pas tout simplement. Ce n'était pas choquant d'imaginer ou de dire que le patronat puisse remettre des fonds à des syndicats pour les aider à vivre : « L'État remet de l'argent aux syndicats pour les faire vivre, à travers des tas d'organisations, par exemple la formation des administrateurs, les différentes caisses sociales ou autres. » À la question : « comme on peut le penser au vu des éléments ci dessus évoqués les syndicats ont bénéficié des espèces retirées par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, à qui au sein de ces syndicats il revenait de droit de récupérer ces sommes ? », il répondait : « aucune idée. Mais l'argent, j'ai compris par la suite qu'on venait le chercher chez lui.. » À la question : « Denis GAUTIER-SAUVAGNAC disait que ces versements servaient à fluidifier les relations sociales. Qu'en dites vous ?

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», il répondait : « j'ai lu ça dans la presse. Je ne sais pas très bien ce que c'est de "fluidifier".. » À la question : « lors de son audition, Monsieur DE CALAN a indiqué que lui même, à la demande de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, portait chaque année des enveloppes pour une somme aux alentours de 30 000 euros, qu'il remettait à certains syndicats étudiants. Qu'en dites vous ? », il répondait : « je n'étais pas au courant. » À la question : « Monsieur GAGLIARDI a déclaré dans une de ses auditions: "comme j'étais parfois dans la confidence du délégué général Pierre GUILLEN, il est arrivé qu'il me laisse entendre que la politique de l'Union suivait les traces de nos prédécesseurs et notamment du comité des Forges né dans les années 1880, c'est-à-dire à aider les syndicats de la métallurgie à exister. Il s'agissait d'une politique générale qui n'était pas nouvelle et qui consistait à financer leurs activités: payer leurs permanents, tenir un congrès à Paris, loger et nourrir les délégués syndicaux quand ils venaient à Paris, etc... etc... Je ne pense pas que l'UIMM payait les factures et les salaires de ces permanents, j'en suis même convaincu. Ces aides prenaient la forme de remises en espèces, je le suppose. Pierre GUILLEN ne m'a jamais précisé les montants qu'il remettait directement ou indirectement aux syndicats des salariés de la métallurgie, ni comment, à qui, selon quelle régularité. Je suppose que tous les syndicats en bénéficiaient de ces aides, y compris la CGT, je ne l'exclue pas." Denis GAUTIER-SAUVAGNAC nous a déclaré que ces derniers temps, il y avait entre cinq et dix allocataires. Pensez vous que la CGT puisse en faire partie? », il répondait : « Je le pense. Sans en avoir du tout la certitude. » À la question : « lors d'une autre de ses auditions, Monsieur GAGLIARDI a répondu lorsqu'on lui demande s'il a des déclarations à faire sur les bénéficiaires des fonds remis en espèces: "une chose me frappe, c'est la faiblesse des réactions des organisations syndicales y compris celle de Bernard THIBAUD de la CGT. Nous avons entendu quelques cris plaintifs de leurs dirigeants, rien de plus. Quant au MEDEF, il n'y a guère de raison qu'il n'est pas continué à bénéficier des mêmes faveurs de l'Union comme auparavant le CNPF. J'imagine que la contribution financière non officielle de l'Union au MEDEF a pâti de l'élection de Madame Laurence PARISOT en juillet 2005, laquelle n'avait pas les faveurs de l'UIMM, comme vous le savez". Que dites vous des déclarations de Monsieur GAGLIARDI qui nous indique que le MEDEF était un des allocataires de l'Union? », il répondait : « le CNPF a été un des allocataires de l'UIMM, mais pas le MEDEF. En effet le MEDEF a été créé je pense, en 1996-1997 et à partir de cette date il n'y a plus eu de fonds versés en espèces, au CNPF devenu MEDEF, tout simplement parce que le nouveau président du MEDEF (ex CNPF) a compris un peu plus tôt que l'UIMM, qu'il fallait cesser ces pratiques. » Il ajoutait que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC lui avait dit qu'il comptait prendre des mesures pour arrêter et ne pas transmettre à son successeur cette charge qu'il ne connaissait pas au départ et qu'il pensait devoir éviter à son successeur. À la question : « il y avait donc cette volonté de mettre un terme, qui s'opposait à une tradition, et peut-être à un besoin de survie des bénéficiaires s'il on estime qu'il s'agissait des syndicats qui voient leurs ressources diminuer, faute de cotisants entre autres. Aviez vous évoqué avec Denis GAUTIER-SAUVAGNAC quelles solutions de remplacement plus légales et plus morales aux vues de l'évolution de la société, pouvaient être mises en place ? »,

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il répondait : « nous avions abordé ce genre de questions. J'ai réalisé par la suite qu'une partie des sommes prélevées avait été mise dans une banque pour terminer l'opération, et il avait l'espoir qu'après la loi sur le financement des partis politiques, une loi pourrait intervenir pour un financement concernant les syndicats. » À la question : « lorsque Denis GAUTIER-SAUVAGNAC parle de huit à dix allocataires, s'agit-il, si l'on parle de syndicats, uniquement des syndicats représentatifs ? », il répondait : « c'est ceux avec lesquels il avait le plus de relations. » Il pensait qu'il s'agissait des syndicats qui étaient dans l'U.N.E.D.I.C., la C.F.D.T. surtout, F.O., la C.G.C. Cité comme témoin par l'U.I.M.M., Arnaud LEENHARDT était entendu au cours de l'audience du 9 octobre 2013. Il modifiait ses précédentes déclarations en indiquant avoir été au courant, au cours de réunions concernant l'E.P.I.M., du montant annuel des retraits d'espèces ; en francs, c'était à peu près l'équivalent d'1 million par an. Il modifiait également ses précédentes déclarations sur ceux qui étaient au courant de cette pratique de ces retraits d'espèces : il y avait les membres du conseil de surveillance de l'E.P.I.M., les anciens présidents et vice-présidents délégués généraux. Il affirmait devant le Tribunal qu'il en était question au bureau, pas au conseil parce que ça devait rester discret, pour qu'il n'y ait pas de jalousie entre les uns et les autres. De même, il était beaucoup plus affirmatif que devant le magistrat instructeur, à propos des bénéficiaires : « On savait que c'était orienté vers des organisations syndicales. » Il savait que c'était à peu près à parts égales entre les 5 syndicats représentatifs. C'était ce que lui avait dit Pierre GUILLEN ; il n'avait pas vérifié ; il lui faisait confiance. Cela lui paraissait légal. Cela ne lui avait pas paru anormal que l'U.I.M.M. alimente les syndicats pour les renforcer. Il disait également avoir entendu parler, lorsqu'il était président, des syndicats étudiants comme bénéficiaires. Il avait dit devant le magistrat instructeur le contraire. Il avait également entendu parler des compléments de salaires en espèces, appelés primes de cabinet. Il confirmait ses déclarations recueillies par le magistrat instructeur selon lesquelles le C.N.P.F. avait également bénéficié de ces espèces. Treize membres du bureau ont également été entendus soit par le magistrat instructeur, soit par les services de police, sur ce qu'ils connaissaient de cette pratique de décaissements en espèces ; il résulte de ces auditions qu'aucun ne les connaissait avant la révélation des faits par la presse fin septembre 2007. ● Jean-Paul BECHAT, membre du bureau depuis novembre 2001, P.D.G. du groupe S.N.E.C.M.A. de 1996 à 2001, puis président du directoire de Safran jusqu'en septembre 2007, indiquait le 16 avril 2009 au magistrat instructeur (D715) avoir tout ignoré de cette pratique de ces décaissements d'espèces et de leur utilisation : « j'ai découvert cette situation en lisant le Figaro du 26 septembre, avec décalage puisque j'étais dans un avion qui revenait de Shangaï. Arrivé en France j'ai appelé Denis GAUTIER-SAUVAGNAC pour lui demander de quoi il retournait; il m'a indiqué qu'il allait réunir un bureau extraordinaire pour nous donner plus d'informations, et la question à laquelle j'ai voulu tout de suite avoir une réponse a été la suivante: "mais bien sur, c'est de l'argent propre? C'est l'argent de nos cotisations?" à quoi Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'a répondu: "oui c'est de l'argent propre, mais ce n'est pas l'argent des cotisations, c'est l'argent d'une caisse de solidarité, je vous expliquerai". Cette explication a eu lieu lors du bureau extraordinaire qui a été finalement réuni après un laps de temps important, puisque notre conversation était le 28 septembre et le bureau a été réuni le 12 octobre. C'est là que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a expliqué

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l'origine des fonds, et l'usage des fonds. C'est également dans ce bureau que certains d'entre nous ont découvert à leur très très très grande surprise, qu'on parlait d'une réserve de l'ordre de 600 millions d'euros. Toutes les associations bien gérées ont des fonds de réserve. En tant qu'ancien président de GIFAS, je connais les fonds que nous avons dans notre fédération. La différence évidemment c'est que nos réserves sont publiques et auditées par les commissaires aux comptes et se chiffrent en petites dizaines de millions d'euros et non en centaines. » Il ne se rappelait plus exactement les mots employés par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC au cours de ce bureau extraordinaire sur l'usage des fonds. C'était très cohérent avec son propos officiel, c'est-à-dire fluidifier les relations sociales. Il précisait : « je peux vous assurer qu'il y avait dans le bureau, trois populations: évidemment tous les présidents, anciens présidents et présidents d'honneur de l'UIMM, Messieurs DEWAVRIN, LEHNARDT, CEYRAC etc... qui obligatoirement dans leurs anciennes fonctions de président, ne pouvaient avoir ignoré l'existence de ces fonds et de leur usage, il y avait une population de membres qui comme moi, ignoraient même l'existence de l'EPIM, pour en citer quelques uns, je citerai Christian STREIFF, président de PSA, qui était à coté de moi au bureau, Anne LAUVERGEON, et d'autres bien sur. Mais il y a peut-être une troisième population dans cette quinzaine de membres du bureau, qui au long de très nombreuses années de militantisme dans les chambres patronales, avaient peut-être une connaissance disons grise du dispositif. C'est peut-être à eux que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC pensait en affirmant génériquement "mais tout le monde était au courant". » Il ne pouvait affirmer qui faisait partie de cette troisième population. Il ajoutait : « Une majorité du bureau désapprouvait l'usage qui était fait des fonds de l'EPIM. Que ça soit dans les distributions extérieures ou que cela soit dans les distributions internes type primes de cabinet. Une autre partie du bureau, essentiellement autour du noyau des anciens présidents, défendait Denis GAUTIER-SAUVAGNAC pour son action globale en faveur des entreprises, et là nous étions tous d'accord, mais également pour ses pratiques d'usage des fonds de l'EPIM au nom de "la Loi de 1884 nous autorise à le faire" "on l'a toujours fait et Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a été recruté pour continuer à le faire, donc il n'est pas coupable". Je ne trahis pas mes collègues puisque certains ont fait des déclarations solennelles dans la presse pour affirmer cela. [...] Une large majorité du bureau qui considérait que quelque soit l'histoire, quelles que soient les bonnes intentions; quelle que soit l'honnêteté de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC – à ma connaissance les enquêtes de police ont démontré qu'il n'avait pas puisé l'argent pour lui – la majorité du bureau désapprouvait ce type de pratique. Je faisais partie de cette majorité. » ● Christian STREIFF, membre du bureau depuis février 2007, ancien dirigeant de Saint Gobain, d'Airbus et de P.S.A., indiquait le 27 avril 2009 au magistrat instructeur (D723) ne pas avoir eu connaissance, avant la révélation des faits par la presse, de ces retraits d'espèces. Il en pensait "beaucoup de choses négatives" et s'il avait su quoi que ce soit, il aurait contribué à faire arrêter cela. Lorsque Denis GAUTIER-SAUVAGNAC indiquait avoir remis des espèces à divers organismes intervenant dans la vie sociale du pays, cela le faisait penser, pour sa part, aux partis politiques et aux syndicats. Cela lui paraissait invraisemblable que la plupart des membres du bureau aient été au courant des bénéficiaires : « Il faut voir le fonctionnement du Bureau. J'ai assisté au total à une dizaine de fonctionnement du bureau où ce qui se passait, c'était en une heure de temps, le tour des questions sociales les plus délicates qui se posaient entre les divers intervenants: Gouvernement, Députés...Nous ce que nous faisions c'était de mettre au point, de corriger, la position du l'UIMM sur ces sujets de politique générale. Le Bureau n'a jamais été – du moins en ma présence – pris à parti concernant la gestion de l'UIMM. » ● Anne LAUVERGEON, membre du bureau depuis avril 2004, dirigeante d'Areva, indiquait le 29 avril 2009 au magistrat instructeur (D760) ne pas avoir été informée, avant les révélations par la presse en septembre 2007, de la pratique des retraits d'espèces ; elle avait été profondément stupéfaite. Elle n'avait pas d'idée personnelle spécifique sur ce que pouvaient être les organismes divers intervenants dans la vie sociale du pays désignés par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC comme bénéficiaires d'une partie de ces fonds. Elle précisait qu'au moment de cette révélation, il y avait eu un bureau exceptionnel au cours duquel Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait reconnu l'existence de fonds versés :

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« Certaines personnes du bureau étaient visiblement au courant. D'autres personnes étaient aussi stupéfaites que moi, comme Monsieur STREIFF, Monsieur BECHAT, Monsieur BERNARD et d'autres. D'après mes souvenirs, les personnes présentes au bureau depuis de très nombreuses années avaient l'air d'être au courant de ce genre de pratiques. » ● Joël KARECKI, membre du bureau depuis janvier 2007, dirigeant de Philips France, déclarait le 30 avril 2009 au magistrat instructeur, n'avoir eu aucune connaissance de ces pratiques de retraits d'espèces révélées en septembre 2007 par la presse ; il en était de même de ces deux prédécesseurs chez Philips, Messieurs LE CORVEC et MAUDUIT. Il avait été surpris comme tout le monde. Il n'avait aucune idée de qui étaient les organismes divers intervenant dans la vie sociale du pays désignés par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC comme bénéficiaire d'une partie des fonds en espèces. À propos du contenu d'une écoute téléphonique au cours de laquelle Denis GAUTIER-SAUVAGNAC dit que la plupart des membres du bureau savaient à qui "il donnait des sous", il disait : « Ce n'était déjà pas mon cas et ça me surprend un peu compte tenu de la manière dont a réagi la majorité des membres du bureau lorsqu'ils ont appris cela. » ● Jean-Marie PAIMBEUF, membre du bureau depuis mai 2007, indiquait le 30 avril 2009 au magistrat instructeur (D762) ne pas avoir eu connaissance des pratiques de décaissements d'espèces avant les révélations, dans la presse en septembre 2007 : « Je n'avais pas connaissance de ces pratiques, et quand j'en ai eu connaissance avec d'autres membres du bureau, la position que j'ai partagée a été de cesser ces pratiques et de modifier l'organisation, le fonctionnement de l'UIMM pour qu'il en soit ainsi. » Il n'avait aucune idée de qui pouvaient être ces organismes divers intervenant dans la vie sociale du pays évoqués par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC comme bénéficiaires d'une partie de ces fonds en espèces. Il ajoutait : « Ce que je peux dire c'est qu'il y a clairement eu au sein du bureau, en quelques sorte deux populations: les membres qui étaient au bureau depuis très longtemps par les responsabilités qu'ils avaient assumées antérieurement, que je ne saurais décrire précisément mais qui étaient soit prédécesseurs du Président ou du délégué, et qui dans ce cadre devaient connaître effectivement le processus en cause, et puis il y avait d'autres membres qui étaient au Bureau d'une manière plus récente au titre de leurs responsabilités industrielles, et qui manifestement n'étaient pas au courant de ce processus. » ● Yvon JACOB indiquait le 5 mai 2009 au magistrat instructeur (D765) n'avoir eu aucune connaissance des pratiques de retraits d'espèces révélées par la presse en septembre 2007 : « ... J'ai fait des déclarations à l'époque pour dire que ces décaissements qui ont apparemment eu lieu, ne pouvaient être faits que dans l'intérêt social de l'Union. Autrement dit, l'intérêt personnel de Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a toujours été pour moi hors de cause. » Il n'avait pas d'idée de qui étaient les organismes divers intervenant dans la vie sociale du pays cités par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC comme bénéficiaires d'une partie des fonds en espèces. À propos du contenu de l'écoute téléphonique dans laquelle Denis GAUTIER-SAUVAGNAC indique que la plupart des membres du bureau savaient à qui il "donnait des sous", il disait : « Ce que je peux dire, c'est que je n'ai jamais entendu de sa bouche, ni d'aucun permanent de l'UIMM, une affirmation de cette nature. » ● Etienne BERNARD, membre du bureau depuis 2004, indiquait le 28 avril 2009 au magistrat instructeur (D759) qu'avant la révélation des faits par la presse fin septembre 2007, il n'avait aucune connaissance de la pratique des retraits d'espèces. Il n'avait aucune idée de qui étaient les organismes divers intervenant dans la vie sociale du pays désignés par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC comme bénéficiaires d'une partie des fonds en espèces.

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Il ne savait pas qu'il y avait distribution d'argent liquide, il ne connaissait pas le montant des réserves de l'U.I.M.M. Il était absolument ignorant de toute cette histoire là. Il ne savait pas non plus qu'il y avait du personnel payé en liquide dans la maison. ● André ROBERT-DEHAULT, membre du bureau depuis 2002, indiquait le 17 avril 2009 aux services de police (D804) qu'avant la révélation des faits par la presse fin septembre 2007, il n'avait pas connaissance des décaissements d'espèces : « ... J'ai été très, très surpris de découvrir cela, comme tout le monde, par la presse. Comme tout le monde, je me suis posé des questions mais sans avoir de réponse et je trouve ces pratiques complètement déplacées et d'un autre temps. Ces pratiques ne doivent plus avoir cours, de notre temps. » À propos des organismes participant à la vie sociale du pays désignés par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC comme bénéficiaires d'une partie des fonds en espèces, il comprenait que ces organismes pourraient être des syndicats de salariés ou des partis politiques ; ce n'était qu'une interprétation de sa part. Il précisait qu'on ne parlait jamais d'argent au bureau. ● Laurent BERNARD, membre du bureau depuis 2005 ou 2006, indiquait le 20 avril 2009 aux services de police (D805) ne pas avoir eu connaissance des pratiques de retraits d'espèces avant la révélation des faits par la presse fin septembre 2007 : « Dès le début, et notamment dans les Bureaux tenus en octobre 2007, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a expliqué le fonctionnement de l'EPIM, a dit que de l'argent était sorti à destination de divers organismes participant à la vie sociale de notre pays et qu'il ne donnerait aucun nom, à nous comme à d'autres et que, jusqu'au bout, il resterait silencieux. Je n'avais et n'ai eu aucune information précise me permettant d'étayer toute hypothèse de ma part. » Il n'avait aucune information sur les destinataires des fonds en espèces. ● Thierry GAGNEZ, ancien membre du bureau (avril 2000 – février 2008), ancien vice-président de l'U.I.M.M. lorsque Denis GAUTIER-SAUVAGNAC était devenu président délégué général, déclarait le 21 avril 2009 aux services de police (D808) n'avoir pas eu connaissance de ces pratiques de décaissements en espèces avant les révélations de la presse fin septembre 2007 : « C'est une chose qui n'était jamais évoquée... J'ai interprété comme tout le monde que l'UIMM avait participé à la vie sociale du pays. » ● Yves RAMBAUD, membre du bureau de 1995 à 2008, vice-président de l'U.I.M.M. lorsque Denis GAUTIER-SAUVAGNAC était devenu président délégué général, indiquait le 29 avril 2009 aux services de police (D811) qu'avant la révélation des faits par la presse fin septembre 2007, il n'avait absolument pas connaissance de la pratique des retraits d'espèces. À propos des destinataires des fonds désignés par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC comme des organismes divers intervenant dans la vie sociale du pays, il disait : « J'ai compris que je ne comprenais pas et que l'on ne voulait pas me faire comprendre. » ● Jean-Paul MAUDUY, membre du bureau de 2004 à 2007, indiquait le 18 ami 2009 aux services de police (D814) n'avoir, avant la révélation des faits par la presse fin septembre 2007, jamais eu connaissance de la pratique des retraits d'espèces ; il n'en avait jamais entendu parler auparavant, ni au conseil, ni au bureau de l'U.I.M.M., ni en dehors. ● Robert MAHLER, membre du bureau de 2003 à 2008, indiquait le 19 mai 2009 aux services de police (D815) qu'avant la révélation des faits par la presse fin septembre 2007, il n'avait pas connaissance de ces pratiques de décaissements en espèces. Il ne connaissait aucun des bénéficiaires.

✶ ✶ ✶ Les services de police et le magistrat instructeur ont également procédé à l'audition des anciens dirigeants du C.N.P.F. et du M.E.D.E.F. sur ce qu'ils savaient de cette pratique de décaissements en espèces. ● Yvon GATTAZ, président du C.N.P.F. de 1981 à 1986, déclarait le 21 novembre 2007 aux services de police (D129) n'avoir jamais rien su de cette pratique :

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« Si ces retraits d'espèces existaient à l'époque où j'étais président du CNPF, tout le monde au sein du CNPF ignorait ces retraits. Je ne sais pas quel a pu être l'usage de ces espèces... Je n'ai jamais dit que je savais ou que j'avais constaté matériellement que les fédérations patronales finançaient les syndicats. Il s'agit d'une histoire qui a toujours été entendue sans que personne ne puisse en apporter la preuve, une sorte de légende orale, qui se transmet de génération en génération. Je tiens à rappeler pour finir que j'ai été elu Président du CNPF en 1981 sur un programme qui reposait sur plusieurs notions comme notamment la sincérité des comptes sociaux et fiscaux. De fait, je n'ai jamais été mis au courant de manoeuvres illégales et d'un système de retraits d'espèces au sein de l'UIMM. » Ré-entendu le 2 juillet 2008 par le magistrat instructeur (D539), Yvon GATTAZ modifiait ses précédentes déclarations en indiquant que c'était un secret de polichinelle que les syndicats étaient financés grâce à la loi Waldeck-Rousseau de 1884 "qui a été faite pour ça" : « C'était la rumeur publique, pas particulièrement au CNPF. Tout le monde se posait la question de savoir comment les syndicats pouvaient être financés alors que la cotisation des adhérents représente une partie faible de leur budget. Cette Loi, car il s'agit bien d'une Loi, a été faite pour ça, elle le dit explicitement . On peut s'étonner en 2008 et même en 2007 quand on en a parlé, qu'une Loi de 1884 qui permettait de distribuer de l'argent sans comptabilité, n'ait pas été abrogée en 123 ans. S'il y a un mystère, il n'est que là me semble-t-il. » Il ne savait pas précisément que l'U.I.M.M. redistribuait des sommes aux syndicats, mais "dans l'air, tout le monde savait que des associations de 1884 avaient la faculté de le faire". Il n'avait aucune idée de l'identité des allocataires de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Il ne savait absolument pas si les syndicats représentatifs tels que la C.F.D.T., F.O., C.G.C. et C.G.T. avaient bénéficié de fonds de l'U.I.M.M., "mais il est probable que les syndicats n'ont pu survivre que grâce à la loi de 1884". À son époque, le C.NP.F. ne recevait pas de fonds en espèces de l'U.I.M.M., contrairement à ce qu'avait déclaré Arnaud LEENHARDT. Il pensait qu'il en était de même à l'époque de ses successeurs. ● François PERIGOT, président du C.N.P.F. de 1986 à 1994, indiquait le 20 janvier 2009 au magistrat instructeur, n'avoir pas été au courant des pratiques des retraits d'espèces révélées par la presse fin septembre 2007. Il précisait : « il y avait en France, comme dans beaucoup de pays, une problématique de "financement de partis politiques" et j'ai tout fait en tant que président du CNPF pour que les entreprises suivent scrupuleusement l'évolution de la législation. » Il n'était absolument pas au courant de versements occultes de l'U.I.M.M. au C.N.P.F. tels que décrits par Arnaud LEENHARDT. Il était surpris par les déclarations de Jacques GAGLIARDI sur ce même sujet ; si ce genre de pratiques existaient, il les ignorait totalement : « Si un membre du CNPF-MEDEF avait participé à de telles pratiques, il se serait mis en totale infraction par rapport à la déontologie et au système comptable, financier etc... Et au fonctionnement normal de l'institution. » Il pensait que le financement occulte des syndicats était totalement contraire à l'éthique, dans tous les sens : éthique syndicale, éthique patronale. Cela lui paraissait contraire à la déontologie des syndicats. Il pensait que la transparence devait être une règle absolue non pas simplement dans les entreprises, mais dans toutes les institutions qui participent à la vie économique et politique de la nation. Pour lui, l'expression "fluidifier les relations sociales" ne signifiait rien. ● Jean-Guy GANDOIS, président du C.N.P.F. de décembre 1994 à décembre 1997, indiquait le 17 décembre 2008 au magistrat instructeur (D609) n'avoir jamais été au courant de ces retraits d'espèces. Certaines rumeurs avaient couru à ce

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sujet mais il n'avait jamais eu de faits précis. Il ignorait que l'U.I.M.M. redistribuait des fonds aux syndicats. Il n'avait pas entendu parler de l'identité des allocataires de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Il ne croyait pas qu'il soit possible qu'au niveau du sommet des syndicats (C.F.D.T., F.O., C.G.C. et C.F.D.T.) des sommes aient été versées par l'U.I.M.M. : « J'ai entretenu moi même alors que j'étais patron du CNPF ou au cours de ma carrière, des relations avec les grands leaders de ces organisations, notamment Nicole NOTTA, Marc BLONDEL et Louis VIANET. Ce que je connais de ces personnes rend peu probable pour moi qu'ils aient participé à ce genre d'opérations. » Au niveau des responsables de ces mêmes syndicats pour la métallurgie, ça ne lui paraissait pas impossible mais il n'avait aucune preuve : « je veux dire qu'à cette époque, les relations pouvaient être assez tendues et que certaines questions débattues étaient vitales pour les syndicats. Je pense notamment à la direction de la Caisse d'Assurance Maladie qui était entre les mains de FO depuis de nombreuses années et qui est passée sous ma présidence entre les mains de la CFDT. Ce n'était pas tellement une question d'argent, mais c'était une question de pouvoir. Il est évident que l'importance des caisses maladies en France permet au syndicat qui la dirige, de disposer de beaucoup de nominations possibles à des postes et à beaucoup d'influence. Donc il ne me parait pas impossible, mais je n'en sais rien, que lorsqu'il y a des campagnes électorales pour ce genre de pouvoir, il puisse y avoir des besoins d'argent pour financer ces campagnes. » Il n'approuvait pas ce qui semblait avoir été fait à l'U.I.M.M. mais respectait le silence de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC sur les bénéficiaires. Il ne pensait pas, bien qu'il n'ait aucune information particulière à ce sujet, que les libéralités faites par l'U.I.M.M. se limitent aux seuls syndicats. Il pensait qu'il y avait d'autres attributaires possibles, et notamment dans le domaine politique : « je vais vous dire une chose. L'UIMM semble avoir voté en ma faveur lors de mon élection à la présidence du CNPF, mais cela n'a pas empêché que pendant ma présidence, j'ai eu plusieurs conflits graves avec l'UIMM. Le premier s'est manifesté – je crois – en juillet 1995 au sujet de la réforme de l'organisation et de la formation professionnelle. J'avais souhaité améliorer la transparence des systèmes de formation en France et également clarifier le rôle des fédérations professionnelles, métallurgie, bâtiment etc... Et le rôle des territoires, c'est-à-dire des régions. J'ai donc établi un nouveau texte sur lequel j'ai eu l'accord des organisations syndicales. Ce texte a du être approuvé par le Parlement et l'approbation ne s'est pas faite à cause d'amendements dont il a été clair qu'ils étaient préparés par l'UIMM, même si certains députés les ont présentés. Donc le lobbying politique de l'UIMM était réel et puissant. Ceci ne veut pas dire que ce lobbying se soit accompagné de dons financiers, mais c'est une possibilité. » Il était très surpris des déclarations d'Arnaud LEENHARDT sur les fonds versés par l'U.I.M.M. au C.N.P.F. : « Tout ce que je peux vous dire, c'est que le Président du CNPF n'a jamais été informé de cela. » ● Ernest-Antoine SEILLIERE de LABORDE, président du C.N.P.F. de décembre 1997 (devenu M.E.D.E.F. en octobre 1998) à 2005, indiquait le 3 novembre 2008 au magistrat instructeur (D601) ne pas avoir été au courant de la pratique des retraits d'espèces avant les révélations de la presse fin septembre 2007. Il n'avait pour lui jamais été question d'un financement du C.N.P.F. ou du M.E.D.E.F. par l'U.I.M.M. autrement que par les cotisations officielles. Il était en désaccord avec les propos d'Arnaud LEENHARDT et de Jacques GAGLIARDI. Il n'avait pas connaissance d'un financement des syndicats représentatifs de la métallurgie tels F.O., C.F.D.T., C.G.C., C.G.T., C.F.T.C., par l'U.I.M.M. Pour lui les termes de "fluidifier les relations sociales" étaient de "la langue de bois d'inspecteur des finances". ● Entendue le 7 mai 2008 par les services de police (D440), Laurence PARISOT, présidente du M.E.D.E.F. depuis le 5 juillet 2005, indiquait avoir appris ces pratiques de retraits d'espèces le 25 septembre 2007 au soir par un coup de téléphone du directeur de la rédaction du Figaro qui lui annonçait l'essentiel du contenu de l'article qui devait paraître le lendemain.

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Elle avait été choquée, en état de sidération : « J'appelle mes plus proches collaborateurs et je tiens au Medef une réunion de crise, le soir même. Je réunis le directeur général du Medef, la directrice générale adjointe, la secrétaire générale, mon chef de cabinet et le chef du service de presse. M'adressant plus particulièrement à la secrétaire générale, Mme Anne VALACHS, et au directeur général, M. Jacques CREYSSEL, je demande si tout est clair au Medef, même si je n'avais pas de doute auparavant. J'obtiens de leur part une réponse tout à fait affirmative. [...] J'ai posé la question. Personne n'était au courant. Nous étions choqués. » Elle n'avait aucune idée des destinataires de ces espèces. ● Le magistrat instructeur entendait également le 14 octobre 2009, Bernard CALVET, membre du conseil exécutif du M.E.D.E.F. de 1990 à 1997. Il n'avait jamais entendu parler d'un financement occulte du C.N.P.F. par l'U.I.M.M. Il n'avait jamais entendu parler des retraits d'espèces avant de lire la presse fin septembre 2007. L'expression "fluidifier les relations sociales" lui paraissait très floue. Il n'avait pas connaissance d'un soutien matériel apporté à certains syndicats ouvriers par l'U.I.M.M.

✶ ✶ ✶ Aux termes de l'information, une autre utilisation des espèces retirées des comptes U.I.M.M. alimentés par des fonds provenant du compte Bred/Epim a consisté à effectuer des versements à Anne CUILLE, secrétaire générale de la C.G.P.M.E. Ainsi le 16 avril 2008 était adressé à la Brigade Financière un courrier anonyme dénonçant des pratiques frauduleuses au sein de la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (C.G.P.M.E.) en lien avec l'U.I.M.M. (D410). Le 19 janvier 2010, le magistrat instructeur recevait un courrier anonyme ainsi rédigé (D944) : « De février 2000 à juin 2002, monsieur Gautier-Sauvagnac versait chaque mois 1500 euros à monsieur Jacques FREIDEL pour exécuter ces ordres ; De Septembre 2001 à octobre 2004, la même somme était versée chaque mois en liquide à Anne CUILLE Secrétaire générale ; Puis à partir de novembre 2004, Jean Eudes DUMESNIL DUBUISSON, nouveau Secrétaire général a perçu la même somme de la Fédération Nationale du Bâtiment ; Martine GOURIOU Assistante de tous les secrétaires généraux depuis Lucien REBUFFEL pourra donner des précisions sur ces toutes ces pratiques et bien d'autres. Elle a toujours rédigé les faux de toute nature et fait disparaître des documents compromettants non sans en avoir gardé copie. » Entendu le 25 août 2010 par les services de police, Anne CUILLE, ex-secrétaire générale de la C.G.P.M.E. reconnaissait avoir perçu des espèces de la part de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC dans les circonstances suivantes (D945) : Enarque, directrice générale de la société nouvelle d'exploitation de la Tour d'Eiffel (S.N.D.E.) depuis 1999, elle avait été démise de ses fonctions en 2001 par le maire de PARIS ; elle avait abordé Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, ami de l'une de ses amies dans un restaurant pour lui exposer sa situation ; il lui avait demandé d'entrer en contact avec le président de la C.G.P.M.E., Jacques FREIDEL, ce qu'elle avait fait ; elle avait été recrutée comme secrétaire générale jusqu'à son départ à la retraite à l'été 2004 ; son salaire mensuel net était alors de l'ordre de 7 400 euros net. Dans le cadre de ses fonctions, elle rencontrait régulièrement Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Elle avait effectivement des espèces de sa part : « Me concernant, cela est en partie exact. En effet, il existait un différentiel entre mon salaire à la SNTE et celui que voulait ou pouvait me verser la CGPME tel qu'il ressortait de mon premier entretien avec Jacques FREIDEL, à savoir 43 000 FF net pas mois sur 12 mois. Il existait une différence de l'ordre de 35 000 FF net par mois. J'en ai fait part à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qui m'a proposé de le combler en partie, avec une somme de plus ou moins 10 000 FF/mois en espèces. La nécessité de revenus m'a fait accepter cette proposition, ayant été évincée sans préavis ni indemnisation de la SNTE. J'ajoute qu'étant veuve, je n'avais pas d'autres ressources que mes propres revenus. Je précise que Denis

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GAUTIER-SAUVAGNAC m'avait dit que Jacques FREIDEL ne serait pas mis au courant de cet arrangement. Ces remises d'espèces se faisaient de la main à la main à l'occasion de nos rencontres périodiques. » Ces revenus en espèces ne faisaient pas l'objet de déclarations à l'administration fiscale. Cela avait duré de la fin 2001 jusqu'à son départ de la C.G.P.M.E. à l'été 2004. Elle ignorait l'origine de ces espèces. Elle ne se sentait pas un rouage de la vie sociale. Entendu le 5 janvier 2011 par les services de police (D1105), Jean-François ROUBAUD, président la C.G.P.M.E. de février 2000 à fin juin 2002 contestait avoir perçu des espèces de la part de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC ; il ignorait qu'il en était autrement par Anne CUILLE.

✶ ✶ ✶ Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a été entendu par les services de police : - le 3 octobre 2007 (D23) ; - du 27 au 29 novembre 2007, dans le cadre d'une mesure de garde-à-vue (D213 & suiv.) ; - à 6 reprises par le magistrat instructeur entre le 15 janvier 2008 et le 27 avril 2011 (D280, D403, D427, D591, D955, D1243). Devant les services de police, en novembre 2007, il indiquait avoir été diplômé en 1963 de l'Institut d'Études Politiques de PARIS, section service public. Il avait été reçu à l'E.N.A. en décembre 1963 ; il en était sorti le 1er juin 1967 comme Inspecteur Adjoint des Finances. Il relatait ainsi son parcours professionnel : « A ma sortie de l'ENA, j'ai été affecté à l'Inspection des Finances jusqu'au 1er janvier 1971, date à laquelle j'ai été attaché à la Direction du Trésor. En 1972, j'ai été nommé attaché financier à la représentation permanente de la France auprès de la commission européenne à Bruxelles. En 1973, je suis devenu conseiller économique et financier du président nouvellement nommé de la commission européenne, M. François Xavier ORTOLI. Puis j'ai été nommé chef adjoint puis chef de cabinet jusqu'en 1978; En 1978, je suis nommé secrétaire général adjoint du secrétariat général pour la coordination interministérielle des questions économiques européennes (SGCI). En 1979, j'entre à l'Union Laitière Normande, comme directeur général délégué, avant d'en devenir le directeur général en 1981. En 1986, je suis au cabinet de M. François GUILLAUME, ministre de l'agriculture comme directeur de cabinet. En 1988, je suis embauché à la Caisse Nationale de Crédit Agricole (CNCA). En 1989, je rejoins à nouveau l'Inspection des Finances. Je suis nommé Inspecteur Général des Finances le 1er janvier 1990 et j'intègre la banque d'affaire britannique KLEINWORT BENSON. Le 15 septembre 1993 j'entre à l'UIMM pour succéder à Pierre GUILLEN sur le départ. Je suis en effet nommé Délégué général en mars 1994, puis Vice-président Délégué général fin 1995. Je suis élu président tout en conservant mes fonctions de délégué général en mars 2006 » Sur ses attributions au sein de l'U.I.M.M., il disait avoir rempli les mêmes fonctions de mars 1994 à novembre 2007 que ce soit comme délégué général ou vice-président délégué général : « Comme président, il y a cependant une fonction de représentation qui va au-delà de la seule fonction de délégué général ou de vice-président délégué général. Mes attributions en tant que délégué général ou vice-président délégué général, étaient de trois ordres : La première : diriger les services de l'UIMM dont les cadres sont quasi-essentiellement juridiques. La deuxième : négocier ou assumer la responsabilité de la négociation collective pour le compte des entreprises de cette branche. La troisième : assurer une tâche de représentation extérieure auprès des pouvoirs publics et participer aux assemblées générales des chambres syndicales territoriales de la métallurgie. J'intervenais chaque année, en moyenne, devant les adhérents de 20 ou 25 chambres syndicales territoriales. ... Ces fonctions n'ont pas beaucoup évolué par rapport à celles de mes prédécesseurs. En tant que président, j'ai été amené à présider l'assemblée générale, le conseil et le bureau. En outre, au lieu d'être membre du conseil exécutif du MEDEF comme personnalité qualifiée nommée par le président, j'ai été membre de droit du conseil exécutif en tant que président de l'UIMM. » S'agissant des changements dans l'organisation ou le fonctionnement de l'U.I.M.M. qu'il avait initiés depuis 1994, il indiquait : « Il n'y a pas eu beaucoup de changement dans l'organisation. Sur le plan national, les effectifs ont été plutôt stabilisés, sans changements fondamentaux dans l'organisation des services. Sur le plan territorial, pas de grands changements non

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plus ; quelques chambres territoriales se rapprochant néanmoins entre elles. J'ai surtout institué un comité de coordination qui, le premier lundi de chaque mois, réunit tous les directeurs et où chacun s'exprime sur ses préoccupations du moment. C'est évidemment une façon de bien suivre les dossiers de la maison et pour chacun d'eux, la possibilité d'être informé sur les actions du voisin dans le monde du droit du travail, extraordinairement compartimenté d'un secteur à l'autre. Il faut bien savoir, en effet, que l'UIMM est depuis des décennies, le premier "cabinet" de conseil en droit du travail, en droit social et en développement de la formation professionnelle en France. C'est l'objet essentiel de son activité qui consiste à promouvoir l'environnement social le plus favorable au développement des entreprises industrielles, spécialement évidemment celles de la métallurgie, et donc de favoriser l'emploi dans notre pays. Ce sont ces tâches qui m'accaparaient 10 à 12 heures par jour depuis 14 ans. En prolongement de cette action, à partir de 2006, j'ai élaboré ce plan de réorganisation et de nouveaux développements de l'action de l'UIMM prévu ce plan. Par ailleurs, et en ce qui concerne les salaires, j'ai gelé dans leur montant de l'époque les compléments de rémunération en espèces que j'ai trouvés en prenant mes fonctions en 1994. Il y en avait 13 ou 14 à l'époque lesquels s'étageaient, pour la quasi totalité d'entre eux, entre 2 000 et 15 000 € par an. Ensuite, chaque fois qu'un bénéficiaire de ces compléments de rémunération quittait l'Union, son remplaçant,, dans la quasi totalité des cas, n'a bénéficié d'aucun complément de rémunération en espèce. Dans ces conditions, il restait 6 ou 7 personnes en 2006 dont les compléments de salaire ont été supprimés au 1er janvier 2007. En outre, j'ai procédé régulièrement à la remise en cause de certaines modalités de fonctionnement telles que les remboursements de frais en espèces ou les achats nécessaires au restaurant d'entreprise de telle sorte que les mouvements en espèces correspondants ont été progressivement supprimés. Ce résultat a dû être atteint en 2003 ou 2004. » Il ajoutait que ses contacts avec les fédérations syndicales de la métallurgie étaient assez fréquents, soit à l'occasion de la négociation d'accords collectifs de la métallurgie qui pouvaient durer plusieurs mois, soit à l'occasion de la préparation de ces accords, c'est-à-dire de la consultation des organisations syndicales de la métallurgie sur leur propre manière d'approcher la négociation à venir. Il rencontrait également les fédérations syndicales de la métallurgie pour des échanges de vues plus généraux, notamment à la suite de courriers qu'elles pouvaient lui adresser. Il participait également à certaines de leurs propres activités en tant qu'invité, comme orateur ou non, à l'une ou l'autre de leurs manifestations. Ces rencontres pouvaient avoir lieu aussi bien à l'U.I.M.M. qu'à leur siège ou ailleurs. Il ajoutait : « S'agissant des confédérations, les responsabilités interprofessionnelles que j'assume depuis septembre 1994, date à laquelle j'ai été élu président de l'UNEDIC comme représentant du CNPF, m'ont également amené à rencontrer régulièrement les dirigeants des confédérations syndicales ou leurs adjoints. Ainsi, je voyais donc régulièrement un très grand nombre de responsables syndicaux. Il en était de même quand j'ai été amené à conduire la délégation patronale dans des négociations interprofessionnelles (exemples : les conventions d'assurance chômage, l'accord sur l'emploi des seniors ou le début de la négociation sur la modernisation du marché du travail dont j'ai abandonné la présidence récemment). On retrouvait là les éléments de préparation de la négociation, d'abord au sein de la délégation patronale avec les représentants des autres fédérations professionnelles (banque, chimie, assurance...) et ceux de la CGPME et l'UPA, puis avec les 5 syndicats que je rencontrais individuellement avant le lancement effectif de chacune de ces négociations, qui, comme dans le cas des négociations de branche, devaient aboutir à des compromis acceptables. » Au cours de son interrogatoire de première comparution du 15 janvier 2008 (D280), il confirmait ses déclarations sur son parcours professionnel en ajoutant des appréciations personnelles : « Ce qu'il faut que vous sachiez, c'est que j'arrive au bout de ma vie professionnelle. J'ai eu plutôt de la chance dans ma vie professionnelle, jusqu'à ces derniers mois. J'ai d'abord passé 16 ans dans la fonction publique où je suis rentré par conviction, avec un peu de chance (les concours) et où j'ai été très heureux aux Finances à Bruxelles et au Cabinet de l'Agriculture. J'y servais des causes, la cause européenne, et la cause de l'agriculture française. Ensuite j'ai passé dix ans en entreprise privée, six dans un groupe agro-alimentaire et il y avait aussi une cause, 20 000 producteurs de lait qui en vivaient, et 7000 salariés qui en vivaient aussi, et 4 ans dans la filiale française d'une banque britannique. Là je me sentais moins à l'aise, car je ne sentais pas une cause à promouvoir ou à défendre, et donc c'est avec joie qu'il y a 15 ans je suis entré à l'U.I.M.M. J'y ai retrouvé une cause que l'on peut résumer ainsi: promouvoir l'environnement social le plus favorable à l'activité des entreprises dans le respect des hommes et des femmes qui y travaillent. C'est après mon arrivée que j'ai découvert ce système de retraits et de versements en espèces qui existait depuis des décennies, qui était en principe couvert par la Loi de 1884 et dont surtout personne ne contestait et ne conteste encore aujourd'hui que cela faisait partie des missions de l'UIMM que je devais accepter en prenant mes fonctions, et qui répondait à la pratique de l'objet social depuis l'origine c'est-à-dire depuis 1901. Mon erreur c'est peut-être de m'être coulé dans le moule, à l'abri de la Loi de 1884 dans le contexte de cette mission

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générale de l'U.I.M.M., et d'avoir tardé à corriger le système, qui ne me plaisait pas (je rappelle que je n'avais rien inventé) et que j'ai réduit progressivement. Mon excuse s'il y en a une, c'est que j'ai beaucoup, beaucoup travaillé, de l'ordre de 10 à 12 heures par jour depuis 15 ans, et je crois qu'on peut constater qu'aujourd'hui on me remplace ou on envisage de me remplacer par trois personnes, voire davantage. Là où il y avait un Président Délégué Général, Président ou Vice Président de l'UNEDIC, négociateur du MEDEF pour les relations du travail etc.. Il va y avoir maintenant un Président, un Délégué Général, un Président de l'UNEDIC et deux ou trous négociateurs sociaux pour le MEDEF. Cette sur-occupation, très critiquée d'ailleurs par ma famille, m'a probablement empêché d'être plus attentif à des questions de gestion, nonobstant les réformes qui ont été entreprises. Je termine en vous disant que je suis blessé par les événements de cette fin de carrière, que je suis le septième délégué général depuis 1901 et celui sur lequel la critique se porte pour des questions identiques, mais bien entendu j'assume mes responsabilités et je m'efforcerai de répondre le mieux possible à vos questions. » Il ajoutait : « l'U.I.M.M. jusqu'à présent est organisé en quelque sorte, comme une institution avec président et directeur général. Le président préside et le directeur général assure la gestion sous l'autorité du président. Pendant 18 mois j'ai été à la fois, ce qui est tout à fait exceptionnel président et délégué général, de mars 2006 à novembre 2007. J'ai remis mon mandat de président en novembre 2007 et je reste délégué général en attendant ma retraite dans le courant de l'année 2008. J'aurais 65 ans en mai 2008. Vous me demandez pour quelle raison je ne suis plus président depuis novembre 2007, tout simplement parce qu'il a fallu donner une tête au moment où éclatait l'affaire, et que j'ai assumé mes responsabilités. Il fallait bien qu'il y ait un délégué général pour continuer à faire tourner la maison en attendant l'issue d'un recrutement en cours. » Entendu par les services de police sur cette pratique des retraits d'espèces, il indiquait au cours de sa première audition du 30 octobre 2007 (D23) que ces retraits avaient été effectués de manière non occulte et dans le contexte d'une action continue de l'U.I.M.M. qui a toujours joué un rôle de régulation sociale. Ces retraits étaient effectués par une collaboratrice de l'U.I.M.M., avec des chèques qui portaient sa signature et la sienne : "il n'y avait donc rien d'occulte". Matériellement, sa collaboratrice, Dominique RENAUD, se rendait à la banque, sur ses seules instructions ; à sa connaissance, elle n'avait reçu aucune autre instruction de quelque responsable de l'U.I.M.M. À son retour de la banque, elle remettait ces espèces au coffre de l'U.I.M.M. dans le service comptabilité au second étage. Il demandait en moyenne 150 000 euros chaque trimestre à Dominique RENAUD. Il donnait un reçu à Dominique RENAUD lorsqu'elle lui apportait les fonds ; le but était de dégager la responsabilité de Dominique RENAUD. Il attribuait ces fonds dans le cadre de cette régulation de la vie économique et sociale. Il avait toujours remis ces fonds, l'intégralité de ces fonds, à des personnes physiques, des individus. Il n'avait pas conservé de moyens d'en justifier parce que "cela ne se fait pas". Il avait oublié qui étaient ces personnes. Ce n'était pas une pratique qu'il avait mise en place. Entendu au cours de ses auditions en garde-à-vue (D213 & suiv.) sur sa connaissance de cette pratique, il indiquait que lorsqu'il était arrivé délégué général de l'U.I.M.M. en 1994, il ignorait tout de ces opérations qu'il avait découvertes à l'occasion de la première visite qu'il avait reçu de la part d'un des bénéficiaires. Pierre GUILLEN, avisé par lui de cette visite, lui avait donné les orientations qu'il estimait nécessaires sur le sujet : apporter des concours financiers à un certain nombre d'organismes qui participent à la vie sociale. Il préférait ne pas dire qui était ce visiteur. Il confirmait au cours de son interrogatoire du 16 avril 2008 devant le magistrat instructeur n'avoir été informé qu'en 1994, à son arrivée en tant que délégué général à l'U.I.M.M. des usages en vigueur depuis des décennies. Il n'avait reçu aucune consigne d'Arnaud LEENHARDT ; il avait appris que ces opérations s'inscrivaient dans la tradition historique de l'U.I.M.M. depuis toujours, en en parlant avec les uns et les autres. Il n'avait pas d'autres éléments à

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apporter sur ce point. De toute manière, beaucoup de gens dans les milieux des organisations professionnelles, tant patronales que des salariés, étaient au courant de l'existence de ces versements en espèces. À la question : « Matériellement, ne fallait-il pas cependant avoir quelques explications sur le fait que les retraits d'espèces se faisaient pour l'essentiel à partir de 2 comptes bancaires BNP et de 2 comptes bancaires Martin Maurel, lesquels étaient alimentés par des opérations au débit d'un compte bancaire ouvert à la BRED, sur lequel étaient versées les contributions des sociétés adhérentes à l'EPIM ? », il répondait : « Il n'était pas nécessaire que j'obtienne des explications concrètes sur la procédure bancaire puis comptable retenue par le service comptable parce que j'avais seulement besoin de demander à Melle DUCOURET puis à Mme Dominique RENAUD les sommes dont je pouvais avoir besoin. Je n'ai pas eu besoin d'approfondir le circuit des fonds, le processus était bien rôdé et de longue date. En effet, ces pratiques remontaient très loin dans le temps, probablement dès l'origine de l'UIMM. D'après le magazine "Marianne" de cette semaine, il semble qu'une caisse de ce type existait dès les débuts de l'UIMM en 1901. » Il ne disposait pas d'autres sources pour confirmer ou infirmer cette information. Il voulait mettre fin à ces retraits d'espèces alors même qu'il considérait qu'ils étaient non occultes et conformes aux libertés que lui laissait la loi Waldeck-Rousseau de 1884, car : « … même si le caractère légal de ces retraits d'espèces ne pouvait pas être mis en cause, distribuer des billets même pour la bonne cause, n'était pas vraiment dans ma ligne de conduite. Je n'aimais pas beaucoup ça. J'ai été étonné du système en arrivant. J'ai ménagé les transitions et j'ai souhaité y mettre fin à partir de 2006, au moment où j'ai fini de régler le problème des compléments de salaires en espèces. » Il avait attendu si longtemps pour ménager les transitions. À la question : « Vu le caractère non occulte de ces retraits, pourquoi a-t-on retrouvé la somme de 2 millions € en espèces dans un coffre loué au nom de l'ADASE ? », il répondait : « J'ai demandé à Mme RENAUD de constituer une provision d'espèces de l'ordre de 2 millions d'euros à partir de fin 2006 début 2007 et ce jusqu'en septembre 2007, en vue de cesser les retraits à partir de cette date. Ainsi, je comptais mettre à profit les 18 derniers mois de mon mandat pour indiquer aux bénéficiaires habituels la fin de ces versements par une dernière remise. Mon éventuel successeur n'aurait donc pas eu à traiter de ces questions et si j'avais été moi-même réélu, la question aurait été réglée. » Denis GAUTIER-SAUVAGNAC était entendu sur la procédure utilisée pour ces retraits d'espèces. Dans le cadre d'une mesure de garde-à-vue, il expliquait aux policiers : « Je demandais à Melle Suzanne DUCOURET puis à Mme Dominique RENAUD les sommes dont j'avais besoin. Pour alimenter à cet effet la caisse, elle me faisait signer des chèques qui comportaient la double signature (la mienne et la leur). Une fois ces espèces retirées, elles étaient entreposées dans les coffres du service comptable de l'UIMM. En ce qui concerne, la remise des fonds en mes mains, je demandais à la chef comptable, généralement à l'occasion de la séance de signature des chèques. ordinaires ou des ordres de virements du vendredi matin, de m'apporter ultérieurement ou le vendredi suivant les montants dont j'avais besoin. Il a pu arriver aussi que je lui téléphone ou que je la fasse appeler par mon assistante, Mme Jacqueline REVEREAULT, pour qu'elle vienne me voir et que je lui indique les montants dont j'avais besoin. » Les enveloppes n'avaient pas attiré l'attention de son assistante ou d'autres salariés de l'U.I.M.M. : « Les déplacements de mesdames RENAUD et DUCOURET étaient habituels. Ces remises d'enveloppes se faisaient la porte de mon bureau le plus souvent fermée. Il n'y a jamais eu de témoin de ces remises. Je remettais immédiatement ces enveloppes dans le coffre de mon bureau puis je m'asseyais derrière mon bureau ou à la table de travail et je signais le

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reçu des espèces préalablement établi par elle puis les chèques ordinaires et les ordres de virement qu'elle me présentait. […] Je pense que la procédure du reçu existait avant 1994. En tout cas, en ce qui me concerne, je tenais beaucoup à la signature de ces reçus pour décharger mlle DUCOURET puis mme RENAUD de toute responsabilité. » Il ne se souvenait pas de la proposition de la B.N.P. de faire livrer directement ces espèces par des transporteurs de fonds. Il aurait probablement décliné cette proposition pour des raisons de discrétion. Les espèces ne comportaient que des coupures de 500 FF, puis de 100 euros à la demande des bénéficiaires. Il n'avait pas donné d'instruction à Dominique RENAUD sur la nécessaire discrétion entourant les retraits d'espèces : « Je ne m'en suis jamais préoccupé. Toutefois il m'est arrivé de l'interroger ne serait-ce que sur la discrétion des guichetiers. Elles utilisaient parfois les services de mon chauffeur lequel utilisait parfois aussi cette expression : Telle horaire de déplacement est un peu juste car je dois "faire une banque avec Mme Dominique RENAUD ou Melle Suzanne DUCOURET. Mais je ne crois pas qu'il savait ce que Mme Dominique RENAUD allait y faire. » Suzanne DUCOURET et Dominique RENAUD n'avaient jamais rapporté plus de 200 000 euros. Elles ne connaissaient pas la destination des fonds. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC était également entendu sur le caractère ou non connu de cette pratique. Devant les services de police, au cours de ses auditions en garde-à-vue, il expliquait que les comptes de l'E.P.I.M. étaient établis par le service comptable, sous l'autorité de Suzanne DUCOURET, puis de Dominique RENAUD, les chefs comptables successives, lesquelles dépendaient hiérarchiquement des directeurs administratifs et financiers, lesquels dépendaient de lui hiérarchiquement. Il y avait un secrétaire du comité de l'E.P.I.M. qui gérait les demandes d'aides des entreprises , Olivier DRAGUE, décédé en juin ou juillet 2007, et remplacé par Christiane CHARBONNIER. Les dossiers instruits par eux étaient en principe soumis à son approbation. À la question : « Il semblerait d'après les témoignages recueillis que l'action du Conseil de surveillance, ayant pour vocation de surveiller la gestion, le contrôle des opérations de soutien, la contribution, se limite à un visa annuel des comptes portant sur le montant des cotisations et des aides versées, est-ce exact ? », il répondait : « C'est exact. » En effet, le conseil de surveillance qui se réunissait en début d'année avait pris l'habitude de procéder ainsi : le secrétaire indiquait le nombre d'adhérents, les cotisations encaissées dans l'année et le nombre des indemnisations. Les membres du conseil de surveillance ne posaient pas d'autres questions. Le conseil de surveillance était composé des présidents d'honneur, du directeur général, du directeur général adjoint, des anciens membres du bureau, probablement considérés comme des sages, et du secrétaire. Le président en titre de l'U.I.M.M. n'y participait pas. La question d'informer les membres du conseil de surveillance, à défaut de questions de leur part, ne se posait pas. Le conseil de surveillance n'avait pas à connaître des décaissements en espèces et des placements financiers. Il n'avait, en effet, jamais vu procéder autrement, y compris en 1994 lorsqu'il avait participé à son premier conseil de surveillance. À la question : « Pensez-vous que de telles dissimulations crédibilisaient les conclusions auxquelles ce Conseil de surveillance pouvaient parvenir et ainsi éclairer un observateur extérieur ? », il répondait : « Il n'y avait pas d'observateur extérieur à éclairer. Et le Conseil de surveillance en fixant le montant de la cotisation annuelle s'assurait qu'elle était suffisante pour répondre aux besoins de l'EPIM. »

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À la question : « Quelles informations recevaient les entreprises adhérentes à l'EPIM de la gestion des fonds versés ? », il répondait : « Les adhérents, à ma connaissance, n'ont pas demandé d'informations particulières. Ils savaient que chaque fois qu'un besoin d'indemnisation apparaissait chez eux ou chez leur collègue de la branche, celui-ci était satisfait. » Il faisait remarquer que personne ne l'avait jamais interpellé sur des informations concernant la gestion de ces fonds, en particulier en assemblées générales de l'U.I.M.M. au cours de laquelle les comptes de l'U.I.M.M. et de l'E.P.I.M. étaient approuvés. Depuis toujours, à sa connaissance, les participants aux assemblées générales ordinaires annuelles ne se prononçaient que sur la base d'une présentation orale des comptes faites par le trésorier. Concernant la gestion de l'E.P.I.M., cette présentation se terminait toujours par la même formule, à savoir que cette gestion "telle qu'elle m'a été communiquée par son conseil de surveillance n'appelle pas d'observation particulière de ma part". À la question de savoir si Bernard ADAM et Jean-Pierre FINE, directeurs administratifs et financiers, n'avaient pas été informés de l'existence des comptes spéciaux à partir desquels étaient opérés les décaissements d'espèces, il répondait : « La tradition voulait que le suivi des comptes de l'EPIM et de l'évolution de leurs montants soit assuré par un comité financier réunissant le délégué général et le ou les anciens présidents. La situation était comme cela en 1994 et elle est restée en l'état. » Cela ne lui était pas paru nécessaire de changer cet état de fait ; les fonds étaient d'ailleurs très bien gérés. À la question de savoir pourquoi l'expert-comptable extérieur n'était pas informé de l'existence de ces comptes (compte sur lequel étaient créditées les contributions E.P.I.M., comptes de placements, comptes spéciaux à partir desquels étaient effectués les retraits en espèces), il répondait : « A mon arrivée au sein de l'UIMM, même si nous n'avions pas l'obligation d'établir des comptes et d'avoir un commissaire aux comptes (cf. la loi de 1884), je me suis préoccupé d'un éclairage extérieur sur les comptes de l'UIMM proprement dits. pour ce faire, j'ai demandé au cabinet d'expertise comptable qui suivait les comptes de l'ADASE de regarder les comptes de l'UIMM. Je m'en suis expliqué auprès du directeur administratif et financier, M. ADAM et de la chef comptable, Melle DUCOURET, afin de ne pas les heurter. » À la question : « Néanmoins, dans la mesure où l'EPIM n'avait aucune personnalité juridique et qu'elle était donc dans le giron de l'UIMM, pour quelle raison ne pas avoir laissé ce même expert-comptable "regarder" les comptes de l'EPIM ? », il répondait : « Historiquement les comptes de l'EPIM et l'EPIM devaient être traités avec discrétion. […] Parce que c'était l'usage. » Entendu sur la destruction des pièces comptables après l'approbation des comptes annuels par l'assemblée générale, il disait que c'était un usage très ancien sur lequel il s'était interrogé en arrivant et qu'il avait maintenu. Il avait probablement pensé que les opérations faites au titre de l'U.I.M.M./E.P.I.M., les retraits en espèces, compte tenu de la loi de 1884, ne devaient pas être conservées. Il en avait conclu qu'effectivement, il fallait continuer de détruire les pièces comptables. Cette destruction était en effet pratiquée depuis toujours et l'intervention, à sa demande d'un expert-comptable, ne l'avait pas conduit à changer cette pratique. S'agissant des trésoriers, il avait eu à travailler avec Monsieur SIROT, décédé, Philippe de LADOUCETTE et Daniel DEWAVRIN. Il pensait que le trésorier était au courant des décaissements en espèces à partir des 4 comptes spéciaux et de l'origine de

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ces espèces ; il ne pouvait être affirmatif. Il ne croyait pas en avoir parlé avec Monsieur SIROT et Philippe de LADOUCETTE. Il n'en avait pas parlé avec Daniel DEWAVRIN à l'occasion des comptes mais les présidents successifs savaient dans leur principe que ces décaissements existaient dans le cadre du rôle historique de l'U.I.M.M. Il s'était dit, à propos de ces décaissements en espèces, qu'il y avait lieu, dans l'intérêt de l'Union de continuer à décaisser et à distribuer. Daniel DEWAVRIN était au courant dans les grandes lignes. Lui-même, en tant que délégué général, n'avait donné aucune instruction particulière au service comptable, notamment à leurs chefs, sur la tenue de la comptabilité de l'E.P.I.M. Il n'avait pas eu à en donner. À son arrivée, en 1994, la comptabilité de l'E.P.I.M. était déjà distincte ; il n'avait donné aucune instruction visant à modifier ce qui existait. Ce n'était pas sa préoccupation principale. Les chefs comptables ne lui avaient pas donné d'information particulière à ce sujet. Il ne s'était pas enquis de savoir comment les décaissements en espèces et les remises d'espèces à des tiers pouvaient être enregistrées comptablement. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC admettait que contrairement à l'article 10 des statuts, les comptes de l'U.I.M.M. n'étaient pas arrêtés par le bureau de l'Union : « Je ne l'ai pas vu faire en 1993 pour les comptes 1994 qui n'étaient pas de ma gestion. Et cela n'a pas été fait non plus les années suivantes. Le bureau se consacrait en effet à fixer les orientations de politique sociale de l'UIMM. Et aucune question sur le comptes n'a été posée au bureau depuis septembre 1993, daté de ma première participation à une réunion du bureau. » Il n'avait pas changé cette pratique pour se conformer aux statuts parce que personne ne lui avait jamais demandé. Interrogé le 16 avril 2008 sur ces mêmes faits par le magistrat instructeur, il confirmait que la comptabilité de l'E.P.I.M. était tenue par le service comptable de l'U.I.M.M. ; ces fonds faisaient l'objet d'un examen mensuel par le comité financier composé du président, de son ou ses prédécesseur(s) et du délégué général ou du vice-président délégué général. Ce comité financier avait essentiellement pour rôle de se préoccuper de l'évolution des fonds et de leur placement. Les comptes de l'E.P.I.M. étaient établis par le service comptable et le comité financier en prenait acte et se préoccupait essentiellement des allocations d'actifs. Le comité financier avait tous les mois les montants correspondants avec leur évolution. Entendu le 6 février 2008 par les services de police (D304), Baudoin de BRIE, président directeur général de la société Sovival, au service de l'U.I.M.M. dans le cadre d'une mission de conseil qui lui a été confiée en décembre 2002, indiquait que ces contacts au sein de l'U.I.M.M. avaient essentiellement lieu avec Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qu'il voyait 2 fois par mois environ : « C'était avec lui qu'il était décidé, entre autres, du changement de telle ou telle société de gestion (3 ou 4 par an). Je voyais concrètement Mme Dominique RENAUD pour la confection des courriers nécessaires aux changements de gérant ou de la notice et remis à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC pour signature. De plus, tous les mois, sauf ceux d'été, je rencontrais au sein du "Comité financier EPIM" Daniel DEWAVRIN, es qualité de président de l'UIMM, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC es qualité de vice président délégué général et Arnaud LEEHNARDT, es qualité de président d'honneur de l'UIMM. Personne d'autre qu'eux n'y participaient. Je leur faisais un exposé de la situation économique et de la situation des marchés, puis nous examinions le comportement des fonds. Le comité arbitrait et décidait en fonction des résultats de la gestion des sociétés de gestion. Je n'avais pas de voix délibérante. » Denis GAUTIER-SAUVAGNAC expliquait que le conseil de surveillance se réunissait une fois par an. Il était essentiellement composé d'anciens présidents ou d'anciens administrateurs de l'U.I.M.M., c'était à peu près 4 à 6 personnes :

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« traditionnellement le dernier président du conseil de surveillance de l'EPIM. Il était assisté d'anciens présidents de l'UIMM, d'anciens administrateurs d' l'UIMM, du délégué général ou vice-président délégué général, du délégué général adjoint et du chef de service concerné, lequel rendait compte de l'activité de l'EPIM au cours de l'année écoulée. Ce comité se tenait quasi systématiquement en janvier de chaque année et proposait au bureau de l'UIMM qui suivait, le taux de cotisation pour l'année en cours. C'est ainsi que le bureau de l'UIMM était saisi chaque année de la fixation du taux de cotisation. Il en était également rendu compte au conseil, aux chambres syndicales territoriales par le biais d'une lettre annuelle, et à l'assemblée générale de l'UIMM. Ces dernières années il y avait Monsieur DEWAVRIN, Monsieur LEENHARDT, il y a eu Monsieur CANTENOT me semble-t-il, il y avait depuis l'origine – me semble-t-il aussi – Monsieur BATAILLON DEBES, il y avait moi même et Monsieur DE CALAN et comme chef de service concerné, Monsieur DRAGUE jusqu'en 2006 date de son décès, et depuis 2006 Madame CAHRBONNIER qui lui avait succédé. [...] Sa principale préoccupation était de fixer le taux des cotisations en fonction de l'évolution de conflictualité et donc des risques de décaissements éventuels. C'est ainsi qu'année après année le taux des cotisations, compte tenu de l'importance des réserves progressivement constituées, n'a pas cessé de baisser, passant de 2 pour 1000 en 1972 à l'origine, à 0,4 pour 1000 soit cinq fois moins. » Le comité de surveillance n'avait pas à connaître des décaissements en espèces et des placements financiers : « J'imagine qu'il avait à en connaître en début de période, et que le suivi des placements financiers a été progressivement délégué au comité financier que j'ai indiqué. En tout cas c'était comme ça en 1994 quand je suis arrivé. Je n'ai rien inventé dans ce domaine. En ce qui concerne les prélèvements d'espèces, ils ne pouvaient être considérés par le conseil de surveillance comme rentrant dans la gestion des fonds de l'EPIM. Je crois pouvoir dire qu'un certain nombre de membres de ce conseil connaissait du fait de l'histoire, le principe de ces décaissements et qu'ils considéraient qu'il s'agissait là de la conduite et de la politique de l'UIMM et non d'une action spécifique relevant de l'EPIM. » Denis GAUTIER-SAUVAGNAC produisait en toute fin d'instruction le 20 juillet 2012, un courrier qui lui aurait été adressé le 28 mai 2012 par Monsieur BATAILLON-DEBES (D1295/3), ainsi rédigé : « Mon cher Président, Les journaux m'apprennent que le Parquet demande votre renvoi en correctionnelle pour abus de confiance. Je suis stupéfait que ce motif soit retenu. J'ai été membre du Comité de surveillance (comité de gestion) de l'EPIM de 1972 à 2007 après avoir été membre du Comité de l'UIMM de 1971 à 1982. Je peux témoigner que, comme vos prédécesseurs, vous rendiez compte chaque année, au mois de Janvier, des activités de l'EPIM pour l'année précédente. D'abord, vous nous communiquiez les recettes de l'année, et les dépenses au titre de l'indemnisation des entreprises. Les tableaux que vous nous présentiez à cette occasion rappelaient également les chiffres des années précédentes. A la suite de cette communication nous nous donniez des informations sur l'utilisation des fonds en espèces au cours de l'année. Je me souviens que nous vous demandions peu de détails, compte tenu du caractère discret que devaient avoir ces opérations, mais les informations, que vous nous donniez, comme vos prédécesseurs sur l'usage de ces fonds, nous satisfaisaient pleinement. Cet échange nous permettait ainsi d'avoir tout à fait confiance quant à la bonne utilisation de ces espèces. J'ajoute que ces opérations faisaient partie des notions habituelles de l'UIMM depuis toujours. Mon ancienneté me permet d'attester. Après cette réunion, il appartenait au bureau de l'UIMM, le même jour, ou peut-être dans la même semaine, de fixer sur votre proposition le montant de la cotisation. Et, l'assemblée générale de l'Union, à laquelle j'ai longtemps participé, votait le quitus financier. » Il n'était pas fait appel à un expert-comptable extérieur pour le contrôle des comptes de l'E.P.I.M. parce que l'existence de l'E.P.I.M. "ne doit pas être secrète mais discrète". S'agissant des informations reçues par les entreprises adhérentes à l'E.P.I.M. sur la gestion des fonds versés, il indiquait : « Les entreprises adhérentes à l'EPIM recevaient tous les ans une lettre du président rappelant l'intérêt de l'EPIM et mentionnant le taux de cotisation. Il était loisible à tout adhérent de poser des questions, et je précise que la réduction progressive du taux de cotisation, montrait implicitement une progression des réserves constituées au titre de l'EPIM. Il n'y avait d'ailleurs pas de raison particulière pour qu'une entreprise cotisante veuille s'enquérir dans le détail des réserves qu'avait constitué l'UIMM dans le cadre de la fonction baptisée EPIM, sauf à vouloir par ce biais vérifier la

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capacité de l'UIMM à couvrir le risque social des entreprises cotisantes qui constituaient, je le répète, la seule obligation résultant de ces cotisations. » S'agissant de l'information des trésoriers sur les décaissements d'espèces opérés sur les quatre comptes identifiés, il disait que selon les cas, les trésoriers successifs pouvaient être plus ou moins au courant des grandes lignes d'un système qui existe depuis 50 ou 100 ans. C'était le cas de Daniel DEWAVRIN. Il ignorait si Philippe de LADOUCETTE était au courant ou non des grandes lignes du système. À la question : « trouvez vous normal que les trésoriers de l'UIMM ne soient pas mis plus au courant de ces pratiques, et qu'ils n'aient pas eu un rôle plus actif dans ce système ? », il répondait : « j'ai trouvé cette situation en arrivant en 1994 au poste de délégué général. Je rappelle que l'UIMM relevait de la Loi de 1884 et qu'elle n'avait donc pas d'obligations comptables. » À la question : « lors des opérations de perquisition, a été saisi le 6 novembre 2007 dans le bureau commun de votre assistante, un compte rendu établi le 19 octobre 2007 du conseil de l'UIMM en date du 18 octobre 2007, dans lequel vous indiquez au sujet de l'utilisation des fonds de l'EPIM, qu'une partie de ces fonds a également été affectée au financement d'organismes divers intervenant dans la vie sociale de notre pays, avec retraits de fonds en espèces. Est ce que les membres du conseil étaient – avant que cette affaire soit révélée – au courant de ces retraits d'espèces ? », il répondait : « certains d'entre eux oui, d'autres non. » Il ne savait pas lesquels étaient au courant. Interrogé sur la découverte de 2 millions d'euros en espèces dans un coffre ouvert au nom de l'association Adase, il disait qu'il n'y avait pas de volonté de cacher : « Bien au contraire. D'ailleurs c'est Madame RENUAD qui a indiqué le montant dez fonds et où ils se trouvaient. Ces fonds avaient un seul objectif: préparer la sortie du système d'ici fin mars 2009. J'avais demandé qu'on mette ainsi de l'argent de côté de manière à pouvoir dire à nos interlocuteurs habituels: "on vous donnait 100, voilà 200 et c'est fini" de manière à ce qu'en mars 2009il n'y ait plus eu de retrait de fonds depuis septembre 2007 et qu'il soit ainsi mis un terme définitif au système. Mars 2009 correspondait à la fin de mon premier mandat de président de l'UIMM. Cette action de sortie progressive du système a été engagée dès 1994 quand j'ai commencé par geler un certain nombre de dépenses ainsi effectuées. Selon mes informations, les retraits en espèces étaient bien supérieurs dans les années précédant ma prise de fonction, en 1994. » À la question : « ne pensez vous pas que le fait d'avoir pris soin d'écarter et de tenir dans l'ignorance Monsieur ADAM, directeur financier de l'UIMM et Monsieur FINE, secrétaire général de l'UIMM de l'existence des comptes de placement de fonds de l'EPIM et des comptes spéciaux à partir desquels étaient opérés les décaissements d'espèces, présente un caractère occulte? », il répondait : « non. » À la question : « ne pensez vous pas que le fait d'avoir fait appel à un comptable extérieur pour contrôler les comptes de l'UIMM en lui épargnant par ailleurs le souci d'examiner ces comptes spéciaux desquels les retraits étaient opérés, mais également le compte bancaire crédité des contributions EPIM ainsi que les nombreux autres comptes de placement UIMM/EPIM, présente un caractère occulte ? »,

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il répondait : « non. Je tiens à dire que c'est une initiative de ma part d'avoir demandé à un expert comptable de regarder une bonne partie des comptes de l'UIMM, et non pas du tout un alibi. » À la question : « comment qualifiez vous le fait d'effectuer des retraits en espèces à l'insu de tous les autres collaborateurs de l'UIMM sur des comptes spéciaux concernant de l'argent provenant de l'EPIM sans que personne ne sache où cet argent confié à l'UIMM a été distribué par vos soins à des personnes non identifiées alors que l'EPIM a été créée dans un but bien précis, avec une procédure officielle bien précise ? », il répondait : « Encore une fois l'argent de l'EPIM appartient à l'UIMM et ce que mon prédécesseur a appelé des dépenses de rayonnement relevait de la délégation générale dans le cadre des missions de l'UIMM. » À la question : « ne pensez vous pas que compte tenu de tous ces éléments, de votre silence, que les faits qui vous sont reprochés constituent le détournement prévu par l'abus de confiance ? », il répondait : « certainement pas. Je crois en effet qu'on ne peut pas parler de détournement, et donc d'abus de confiance, s'agissant d'une part des fonds appartenant à l'UIMM – donc pas de détournement – et d'autre part de pratiques historiques correspondant aux missions de l'UIMM qui joue depuis plus de 100 ans un rôle essentiel dans la vie de notre pays, donc pas d'abus de confiance. » À la question : « ne pensez vous pas que ce soit gênant que vous seul et votre chef comptable étiez au courant de ces retraits, que vous seul connaissiez les allocataires, et que tous les autres membres de l'UIMM interrogés nous disent ne rien connaître de tout cela ? », il répondait : « en ce qui concerne la comptable, je tiens à préciser une fois de plus, qu'elle n'a aji que selon les instructions du délégué général, comme cela s'est toujours pratiqué, et qu'elle n'a donc pas à subir les conséquences de l'exécution des instructions qu'elle recevait. En ce qui concerne ma "solitude" je la trouve bien excessive si l'on considère que – sauf à entrer dans les détails – il s'agit d'un secret de polichinelle pour des pratiques qui existaient depuis des décennies et auxquelles j'étais en train moi même, de mettre fin. J'ajoute donc que ce qui se pratique depuis si longtemps, n'a pas pu être méconnu d'un grand nombre de personnes, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'UIMM. Cependant, je suis le premier à reconnaître que ces pratiques, même dans le cadre de la Loi de 1884, et des missions générales de l'UIMM, datent. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'avais engagé depuis des mois, voire des années, un processus d'extinction du système. J'ajoute pour conclure sur ce point que je me pose depuis plusieurs mois maintenant une question lancinante: comment suis-je entré dans la pratique de ce système en 1994, et pourquoi j'ai mis du temps à mettre au point sa suppression. La réponse me semble-t-il, vient du fait qu'en 1994 en prenant mes fonction, je me suis en quelque sorte coulé dans un moule, et qu'il m'a fallu ensuite ménager les transitions avant de pouvoir procéder à un abandon définitif du système qui était en cours. » Denis GAUTIER-SAUVAGNAC était également entendu par les services de police sur ses relations avec les banques. Il se souvenait avoir rencontré Bruno MATHIEU de la B.N.P. en 1998 ; il était accompagné du nouveau directeur d'agence qui s'inquiétait des retraits d'espèces. Il avait dû lui répondre que cet argent était utilisé dans le cadre des missions de l'U.I.M.M. ; il avait peut-être évoqué des œuvres sociales. Il ne croyait pas avoir répondu que ces retraits servaient à rembourser en liquide des frais de collaborateurs participant à des opérations de formation, à compléter les revenus des vieux serviteurs de la métallurgie, et à des versements à des organismes ayant pour finalité de servir l'intérêt général.

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À la suite de cette entrevue, la B.N.P. lui avait envoyé un courrier indiquant qu'elle prenait acte de ces réponses : « il semblait donc que la BNP n'était pas inquiète de ces réponses, ce courrier précisait par ailleurs qu'en aucun cas sa propre responsabilité de banque n'était engagée. C'est d'ailleurs le seul contact que j'ai eu avec la BNP en 14 ans avant la médiatisation de cette affaire. » À la question : « Avez-vous souvenance en 1998 d'avoir répondu au même interlocuteur que les différentes instances de l'UIMM étaient parfaitement au fait des retraits d'espèces effectués et de la destination qui leur était réservée, comme le donne à penser le compte-rendu du 20 juillet 1998 que Nous vous montrons sous scellé n° CINQUANTE HUIT ? », il répondait : « J'ai indiqué à cet interlocuteur ce que je vous ai dit précédemment. Je n'ai pas le souvenir d'avoir confirmer précisément que "les différentes instances de l'UIMM sont parfaitement au fait des retraits d'espèces effectués à nos guichets et de la destination qui est réservée à ces fonds". D'ailleurs dans le courrier de la BNP qu'elle m'a adressé en 1998, il est fait mention de "Conseils". Je m'étonne du terme employé : "Conseils" alors qu'il y a longtemps qu'il n'y avait plus qu'un seul Conseil à l'UIMM » Il contestait les déclarations de Patrice BLAZKOWSKI sur la date et le fond de l'entretien. À la question : « Vous étant indiqué que la banque Martin MAUREL a écrit le 11.10.2007 un courrier à M. le Procureur de la République de Paris afin de préciser ses diligences sur les retraits d'espèces observés sur les comptes de l'UIMM ouverts en leurs livres, en indiquant notamment que le fonctionnement du compte était connu des instances de l'UIMM, comment expliquez-vous que les deux banques concernées par les retraits d'espèces aient pu toutes deux mettre en avant le fait que les instances de l'UIMM étaient au fait de l'existence de ces retraits d'espèces ? Auraient-elles toutes deux mal interprété vos propos ? Cela ne signifie-t-il pas plutôt que quelqu'un de l'UIMM leur en avait parlé ? », il répondait : « Je laisse à la BNP et à la banque Martin Maurel la responsabilité de leurs tournures de phrases ou de la manière dont elles ont interprété mes propos, il n'en reste pas moins que je maintiens ce que je vous ai précédemment déclaré sur ce sujet. » À la question : « Quelles instances ou quels membres étaient finalement au courant de ces retraits d'espèces ? », il répondait : « Ces retraits s'effectuaient dans le cadre d'une tradition historique de l'UIMM, dont de nombreux membres du Bureau ou du Conseil étaient au courant même si, au fil du temps, leur nombre a pu diminué. » Interrogé le 27 avril 2011 par le magistrat instructeur sur ses relations avec les banques, il ne contestait pas le contenu du rapport de Bruno MATHIEU de la B.N.P. en date du 4 octobre 1995. Il n'était pas sûr de cette date mais avait vu Bruno MATHIEU au moins en 1998 et il ne remettait pas en cause la consignation de ses propos : « Ces retraits représentaient des cotisations de l'UIMM que celle-ci verserait en liquides à des organismes ayant pour finalité de servir l'intérêt général: associations scolaires, universitaires, grandes écoles, associations familiales, syndicats, etc. » Il ne se souvenait pas de l'entretien avec Patrice BLAZKOWSKI ; il ajoutait : « d'abord, je ne me souviens pas de cet entretien . Ensuite, je mets au défi qui que ce soit de démontrer un manquement à la courtoisie dans ma façon de recevoir quelqu'un . Enfin, je ne vois pas pourquoi je n'aurais pas dit en 2001-2002 ce que j'avais déjà dit en 1995 ou 1998. » Denis GAUTIER-SAUVAGNAC était également entendu sur les bénéficiaires des fonds décaissés en espèces.

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Devant les services de police (D224), Denis GAUTIER-SAUVAGNAC affirmait le 28 novembre 2007 (5ème audition en garde-à-vue) que les sommes retirées en espèces n'avaient jamais servi à des compléments de salaire à l'exception d'une prime de 2 ou 3 000 euros versée chaque année à son assistante et à celle de Dominique de la LANDE de CALAN, respectivement Jacqueline REVERAULT et Mlle MOUGINS. Ces sommes avaient servi à lui payer ses frais de représentation et eux de Dominique de la LANDE de CALAN (15 000 euros et 10 000 euros par an). Interrogé au cours de son interrogatoire de première comparution sur la destination des espèces décaissées des comptes dits spéciaux et des autres comptes (17 043 437 euros et 1 901 254 euros) étant rappelé que la somme de 2 398 900 euros a été retrouvée, il disait que sur les 16 544 691 euros retenus par le magistrat instructeur, "on pouvait faire trois paquets", le premier correspondant à des compléments de rémunération qui représentaient peut-être, puisque cela avait évolué durant la période, 150 000 à 180 000 euros par an, soit sur 7 ans environ 1 000 000 d'euros. Lorsqu'il était arrivé en 1994, il y en avait une vingtaine ; il les avait supprimés progressivement, il en restait une dizaine en 2006 et au 31 décembre de cette année 2006, ils avaient été complètement supprimés. S'agissant des compléments de salaire versés en espèces à Alain NOQUÉ, Bernard ADAM, Olivier DRAGUE, Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE, Pierre CHARTRON, Dominique de la LANDE de CALAN, et ne figurant pas sur leurs bulletins de salaire, il disait que ces versements existaient de fait avant son arrivée. Il les avait trouvés en 1994 quand il était devenu délégué général. Il les avait d'abord gelés, c'est-à-dire que la personne qui avait 5 000 euros par an en 1994, et qui est toujours là en 2006, avait toujours 5 000 euros. En outre, en règle générale, chaque fois que l'une des personnes intéressées quittait le syndicat ou partait en retraite son successeur, s'il y en avait un, n'avait plus de versements en espèces. Il avait donc fait "le ménage" effectivement en ménageant les transitions. Il devait rester moins de dix bénéficiaires en 2006, contre le double environ en 1994 ; il les avait donc supprimés à ce moment là. Il ajoutait : « Je voudrais à cette occasion que l'on se demande quelle est l'organisation syndicale d'employeurs, de salariés, ou agricole où ces compléments n'ont jamais été pratiqués pour des collaborateurs méritants. Je voudrais être bien sur, toujours à cette occasion, qu'aucune organisation de ce type ne le pratique plus, et je voudrais rappeler que jusqu'en 2001 l'Etat distribuait en espèces tous les mois des millions d'euros aux membres du Gouvernement et à leurs plus proches collaborateurs de cabinet. » Interrogé le 16 avril 2008 (D403), il précisait que les trésoriers de l'U.I.M.M. n'étaient pas eu courant des primes ou compléments de salaires versés en espèces. Il y avait eu aussi des compléments de retraite versés en espèces. Au cours de son interrogatoire du 29 mai 2008 (D427), il indiquait que les compléments de salaire en espèces étaient accordés à une dizaine de directeurs ou d'anciens salariés dont les noms figurent dans le dossier. Le montant allait de 2 000 euros par an à 12 000 ou 15 000 euros, à une ou deux exceptions près où on pouvait aller jusqu'à 20 000 euros par an. Tous ces compléments de salaire avaient été supprimés en 2006, cinq ans seulement après que l'État ait mis fin à son propre système de rémunération en espèces de ses principaux collaborateurs. Lui-même ne touchait pas de complément de salaire mais seulement une indemnité de frais de représentation de 15 000 euros par an. Dominique de la LANDE de CALAN bénéficiait pour sa part d'une indemnité de frais de représentation de 10 000 euros par an. C'était Dominique RENAUD qui remettait aux cadres les compléments de salaire en espèces. L'argent était retiré des comptes de l'U.I.M.M. Il ajoutait : « J'aimerais si vous permettez, démystifier au moins pour partie, cette affaire des compléments de salaire. Dans une entreprise dans laquelle j'ai travaillé autrefois, il y avait des compléments de salaire en espèces. Je les ai supprimés le jour où j'ai pris la direction de cette entreprise. Quand je suis arrivé à l'UIMM en 1994 je suis entré de ce point de vue, dans un monde différent de celui de l'entreprise. Nous n'avions pas de relations commerciales, de relations d'affaire pour l'essentiel avec des clients ou des fournisseurs comme dans une entreprise, mais nous étions en relation constante avec les organisations syndicales d'une part, et le gouvernement, Premier Ministre, Ministres compétents dans la sphère sociale, membres de cabinets ministériels. Les uns et les autres bénéficiaient de tout temps, soit de primes de cabinet pour ce qui est des Ministres et de leurs collaborateurs, soit de compléments en espèces pour certains personnels des organisations syndicales. Je n'ai donc pas eu la même réaction qu'en entreprise quelques années auparavant, mais tout de même, j'ai immédiatement gelé les montants en cause, qui étaient les mêmes en 1994 et en 2006, et je les ai pour

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l'essentiel supprimés au fur et à mesure des départs en retraite et des remplacements. Je crois qu'il faut avoir en tête la situation à cette époque, pour bien apprécier ce qu'étaient ces compléments de salaire, que l'Etat lui-même n'a supprimé qu'à la fin de l'année 2001. » Au cours de son interrogatoire du 14 octobre 2008 (D591), interrogé sur un extrait du livre de François CHEREQUE intitulé "Si on me recherche..." (D573), dans lequel on peut lire : « ... Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a présidé l'UNEDIC, la Caisse de l'assurance chômage à plusieurs reprises... Donc, tous ces gens n'ont versé qu'une partie des cotisations sociales que tout un chacun paye sur la totalité de son salaire. Voilà des gens qui gèrent des systèmes sociaux et qui se dispensent de payer l'intégralité de leurs propres cotisations! Ils ont donc tout simplement spolié les caisses qu'ils avaient la charge de présider. On est là dans un système hautement immoral. », il disait : « J'ajoute que lorsqu'il évoque l'absence de cotisations sociales sur ces compléments , il serait intéressant de savoir si tous les militants syndicaux qui bénéficient comme leurs collègues des primes de la fonction publique, paient des cotisations sociales sur ces primes. La vérité est qu'ils n'en payent aucune, ce qui pose le problème bien connu de leur intégration ou non dans la retraite des fonctionnaires. » Le magistrat instructeur note à la page 54 de son ordonnance de renvoi que plusieurs années après sa prise de fonction il avait lui-même proposé à certains cadres de l'U.I.M.M. de bénéficier de versements en espèces et n'avait donc pas, contrairement à ses déclarations, instauré au moment de sa prise de fonction en qualité de directeur général de "gel" de ces versements. Il rappelle à ce sujet les déclarations d'Alain NOQUÉ et d'Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE. Entendu dans le cadre de l'enquête préliminaire, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait indiqué le 3 octobre 2007 (D23) qu'une partie des fonds retirés en espèces étaient attribués dans le contexte d'une action continue de l'U.I.M.M. qui a toujours joué un rôle dans la régulation sociale ; il avait remis ces fonds à des personnes physiques, à des individus dans le cadre de cette régulation de la vie économique et sociale. Il n'avait pas conservé les moyens permettant de justifier cette explication "parce que cela ne se fait pas". Il avait oublié qui était ces personnes. Ce n'était pas une pratique qu'il avait mis en place. Entendu le 28 novembre 2007 par les services de police dans le cadre d'une mesure de garde-à-vue, toujours dans le cadre de cette enquête préliminaire, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC (D224) indiquait que ces sommes ont permis d'apporter des concours financiers à divers organismes qui participent à notre vie sociale, conformément à une tradition historique de l'U.I.M.M. et dans le cadre de ses missions. Il n'avait rien inventé ; le système existait avant lui. Il l'avait prolongé en s'efforçant de réduire les montants et en prenant les dispositions pour y mettre un terme. Interrogé sur ces missions et sur la partie des statuts justifiant ces versements, il répondait : « Un haut responsable de notre vie économique et sociale a déclaré au moment où l'affaire a éclaté "tout le monde sait que l'UIMM est depuis toujours le grand régulateur de la vie sociale". La mission de l'UIMM est en effet, entre autres, de participer à la régulation de la vie sociale. » Ces sommes participant à la régulation de la vie sociale étaient remises uniquement par lui, à l'exception d'une somme de 30 000 euros que Dominique de CALAN remettait chaque année à des organismes en liaison avec la vie universitaire compte tenu des liens particuliers qu'il entretenait depuis longtemps avec ces milieux sur la base de son action, pour le développement de la formation professionnelle, élément clé de la mission de l'U.I.M.M. Il préférait ne pas indiquer aux services de police les noms qui lui avaient été communiqués par son prédécesseur, Pierre GUILLEN. Il n'avait jamais eu de liste et il avait procédé comme son prédécesseur à des remises de fonds aux représentants des organismes participant à la vie sociale du pays, représentants qui ont pu changer avec le temps. Lorsque les policiers lui demandaient quels organismes participaient à la vie sociale du pays, il répondait :

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« Plusieurs organismes peuvent répondre à cette définition. » Il ne s'agissait certainement pas de partis politiques, certainement pas d'hommes politiques. À la question : « Sont-ce des syndicats ? », il répondait : « Je vous laisse le soin d'interpréter la notion d'organisme participant à la vie sociale de notre pays. » À la question : « Sont-ce des syndicalistes ? », il répondait : « Même réponse. » Les fonds étaient toujours remis sans témoin, entre quatre yeux, soit dans son bureau, soit le plus souvent à l'extérieur des bureaux de l'U.I.M.M., peut-être une fois dans les locaux de ces organismes. Les bénéficiaires le sollicitaient, il n'était jamais allé au devant ; la périodicité était variable, trimestrielle ou annuelle. Il expliquait qu'au moins deux raisons le motivaient à ne pas indiquer aux policiers les destinataires des fonds : « La première : Ces fonds ont été remis de personne à personne, sans témoin. Je peux donc vous donner tel ou tel nom de personne physique représentant des personnes morales destinataires mais la plupart de ces personnes auront toute latitude pour nier avoir reçu de l'argent. Au mieux, cela ne sert donc à rien de vous dire les noms des destinataires, au pire, si certains reconnaissent en avoir reçus, cela reviendra à livrer en pâture les noms des uns et pas ceux des autres. La deuxième raison est que ces remises de fonds, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, font partie de la mission historique de l'UIMM, et il ne serait pas bon du point de vue de l'intérêt général que l'on assiste à un grand déballage mettant en cause tel ou tel organisme sans pour autant apporter quoique ce soit à notre vie sociale. [...] En effet si je donne des indications sur les représentants de tous les organismes bénéficiaires, ceux qui nieront et à l'encontre desquels on ne pourrait rien prouver ne seront pas dans la même situation que celle de ceux qui acquiesceront. Et ce sont bien mes déclarations qui auront créé ces discriminations. Sur le deuxième point, je crois en effet, qu'il n'est pas de l'intérêt de notre pays de mettre sur la place publique des éléments qui, au minimum, ont eu historiquement leur justification même si le changement d'époque doit conduire à revoir ces pratiques anciennes. » Il ajoutait qu'il n'y avait eu à aucun moment corruption ou tentative de corruption ou achat de signature syndicale sur les accords collectifs de la métallurgie. Au cours de son interrogatoire de première comparution du 15 janvier 2008 (D280), Denis GAUTIER-SAUVAGNAC expliquait que sur les 16 544 691 euros décaissés en espèces et non retrouvés, pour la période 2000 – 2007, on pouvait faire "trois paquets" : - le premier, à hauteur d'environ 1 000 000 d'euros sur 7 ans, correspondant à des compléments de rémunération versés en espèces ; - le second, à hauteur de 1 700 000 à 2 000 000 d'euros, correspondant à des dépenses de caisse, soit par remboursement en espèces de frais de mission, soit par dépenses de caisse par exemple pour le paiement de l'approvisionnement de la cantine ; - le troisième correspondant à ce qu'il avait déclaré à la Brigade Financière : « dans la tradition de l'UIMM et comme on le faisait depuis des décennies, l'UIMM a apporté son concours financier à des organismes qui participent à notre vie sociale. » À la question de savoir quels étaient ces organismes et quels étaient les noms des personnes auxquelles il avait remis ces sommes, il répondait :

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« le nom des personnes est lié à celui des organismes, car les destinataires étaient des personnes morales. Naturellement il y avait un intermédiaire physique. Je peux difficilement vous dire les noms des personnes qui entraîneraient évidemment tout de suite la connaissance des organismes et ceci pour plusieurs raisons. La première c'est que ces versements, comme vivement recommandés par mes prédécesseur, étaient toujours faits de personne à personne, entre quatre yeux, donc la personne qui reçoit pourra toujours nier. En supposant que je puisse vous donner quelques noms, certaines de ces personnes nieront et d'autres accepteront de reconnaître qu'ils ont reçu des fonds de l'U.I.M.M. et à ce moment là j'aurais désigné les seconds et les premiers pourront continuer à nier. Il y a une troisième raison c'est que ces versements ont été faits à des gens très honorables, liés à des organismes qui font donc partie de notre vie sociale et que je ne crois pas, très sincèrement, qu'il soit de l'intérêt général de procéder à un grand déballage qui ne serait pas utile à notre pays. Ce point est très important pour moi, je ne veux pas être le responsable de ce grand déballage. » À la question : « dois je en conclure qu'il s'agit d'organismes très sensibles ? », il répondait : « je ne sais pas si sensible est le mot. Ce qui est sensible, c'est la paix sociale dans notre pays.. » Ré-interrogé le 16 avril 2008 (D403), il indiquait ne pas avoir changé d'avis sur son refus de dire à qui exactement l'argent avait été distribué. Cette mission de participer à la régulation de la vie sociale, l'U.I.M.M. la tenait de son origine, de son histoire, de ses pratiques de toujours et de ses statuts lorsqu'il est indiqué qu'elle doit traiter de toute question d'intérêt économique, social. S'agissant des fonds remis par Dominique de CALAN (30 000 euros chaque année) à des organismes en liaison avec la vie universitaire, il disait ne pas être en état de répondre sur l'identification de bénéficiaires après que le magistrat instructeur lui ait indiqué que la presse s'était fait écho de syndicats universitaires de droite. Il fournissait les mêmes explications que pour les autres bénéficiaires d'espèces. À la question : « S'agit-il de l'UNI entre autres ? », il répondait : « Même réponse. » Il affirmait que les partis politiques n'étaient pas concernés par ces versements. Le juge lui demandait : « il est apparu dans le cadre de la procédure, que vous étiez très impliqué en matière de lobbying parlementaire. Peut on imaginer que cet argent ait pu servir à convaincre des récalcitrants dans ce contexte ? », il répondait : « non. » À la question : « est ce que les syndicats sont des organismes qui participent à la vie sociale de notre pays de la manière dont vous l'entendez ? », il répondait : « on peut l'interpréter de cette façon, mais ce n'est pas systématique, et je n'ai jamais mentionné une organisation syndicale comme destinataire. » Le juge lui donnait connaissance des déclarations de Jacques GAGLIARDI, ex-conseiller du délégué général de l'U.I.M.M., recueillies le 26 février 2008 par les services de police (D362) :

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« Comme j'étais parfois dans la confidence du délégué général, Pierre GUILLEN, il lui est arrivé qu'il me laisse entendre que la politique de l'Union suivait les traces de nos prédécesseurs et notamment du Comité des Forges né dans les années 1880, c'est à dire aider les syndicats de la métallurgie à exister. Il s'agissait d'une politique générale qui n'était pas nouvelle et qui consistait à financer leurs activités : payer leurs permanents, tenir un congrès à Paris, loger et nourrir les délégués syndicaux quand ils viennent à Paris etc... Je ne pense pas que l'UIMM payait les factures ou les salaires de ces permanents, j'en suis même convaincu. Ces aides prenaient la forme de remises d'espèces, je le suppose. Pierre GUILLEN ne m'a jamais précisé les montants qu'il remettait directement ou indirectement aux syndicats de salariés de la Métallurgie, ni comment, à qui, et selon quelle régularité. Je suppose que tous les syndicats bénéficiaient de ces aides, y compris la CGT, je ne l'exclue pas. Je suis persuadé que ces sommes n'avaient d'autre but que d'aider les syndicats à exister car ils étaient nécessaires au dialogue social. Il n'a jamais été question d'achat de signature ou de corruption. » Il disait qu'il laissait à Jacques GAGILARDI la responsabilité de ses déclarations. Il n'avait jamais versé d'argent à des syndicalistes à titre personnel pour les amener à prendre des positions favorables aux intérêts du patronat de la métallurgie dans le cadre de négociations. Ces derniers temps, il y avait entre 5 et 10 allocataires. Jamais il ne les appelait pour la remise d'argent. Il ne pouvait pas être plus précis sur la procédure. Il ne pouvait pas répondre à la question de savoir si s'il s'agissait de gens médiatiquement connus. Il ne voulait pas indiquer le destinataire des fonds car il était dans une certaine mesure un dépositaire de confiance et qu'il ne se sentait pas le droit de trahir cette confiance. À la question : « vous avez déclaré que ces remises de fonds font partie de la mission historique de l'UIMM et qu'il ne serait pas bon, du point de vue de l'intérêt général, que l'on assiste à un grand déballage mettant en cause tel ou tel organisme sans pour autant apporter quoi que ce soit à notre vie sociale. Ne pensez vous pas quand vous faites ces déclarations, être en décalage avec l'opinion publique française qui ne cesse de solliciter de connaître la vérité dans cette affaire et semble être scandalisée par votre attitude compte tenu notamment de la révélation de votre prime de départ par rapport aux difficultés financières que rencontre aujourd'hui le français moyen ? », il répondait : « je crois qu'il y a là deux sujets différents. Le premier relève d'une conception de l'intérêt général et du respect que j'ai pour les destinataires qui, quelque soient leurs opinions, étaient attachés à leur cause. Le deuxième point ne me semble pas avoir de lien avec le premier, d'autant que les indemnités dont il est question, ont été évoquées dans la presse très largement, selon leur montant brut, en oubliant complétement qu'il y a lieu de faire un abattement d'un peu moins de 60 % pour les cotisations sociales et les impôts.. » Compte tenu de ses interlocuteurs, il n'imaginait pas une seconde que cet argent ait pu être versé sur des comptes prévus à cet effet dans des pays bénéficiant d'une législation très favorable à ce genre d'opérations occultes. À nouveau interrogé le 29 mai 2008 sur les destinataires des fonds retirés en espèces, il maintenait ses précédentes déclarations (D427). Le magistrat instructeur lui donnait connaissance des déclarations de Pierre GUILLEN selon lesquelles cet argent servait aux dépenses de rayonnement, c'est-à-dire que cet argent servait à faire en sorte que l'U.I.M.M. ait une bonne image de marque, que les fonds allaient en direction de toutes les organisations qui pouvaient faire l'opinion : bureaux d'études, journalistes, sociologues (D131, déclarations recueillies le 22 novembre 2007 par les services de police). Il laissait à son prédécesseur la responsabilité de ses déclarations. Lui-même n'avait jamais donné 1 centime en espèces à un bureau d'études, un journaliste ou un sociologue. Si les 16 544 591 euros n'avaient pas été versés sous forme de chèques, c'était pour des raisons de discrétion. Le destinataire aurait été gêné, pour des raisons de pu affichage. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC était à nouveau interrogé le 14 octobre 2008 (D591).

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Il ne voulait toujours pas donner les noms des allocataires, des organismes participant à la vie sociale du pays ayant bénéficié des espèces. Pierre GUILLEN lui avait oralement et progressivement fourni la liste des allocataires et les montants des sommes qui leur était habituellement versées. Il y avait 8 à 10 personnes qu'il avait rencontrées entre avril 1994 et avril 1995. Il n'avait rien inventé ; les bénéficiaires de ses distributions étaient ceux-là même que Pierre GUILLEN avait déclaré avoir gratifié. Le magistrat instructeur lui indiquait que Jacques GAGLIARDI, conseiller de Pierre GUILLEN, avait dit quels pouvaient être les bénéficiaires des gratifications de Pierre GUILLEN, à savoir la C.G.T., le C.N.P.F. ; il avait laissé entendre que ça pouvait être la C.F.D.T. et surtout F.O. Il lui indiquait que Jacques GAGLIARDI lui avait indiqué le 16 juillet 2008 (D551) que Pierre GUILLEN lui avait dit que la remise de sommes en liquide à la C.G.T. était une première, que la C.G.T. avait obtenu quelques centaines de milliers de francs tous les ans ; Jacques GAGLIARDI avait également indiqué que le C.N.P.F. était allocataire de l'U.I.M.M. mais qu'avec l'arrivée d'Ernest Antoine SELLIERE à la tête du M.E.D.E.F., cela avait cessé. Il ne pouvait que laisser à Jacques GAGLIARDI la responsabilité de ses propos : « même s'il y n'y a rien d'étonnant compte tenu de l'histoire de l'UIMM. Il y a du reste un ouvrage qui est sorti dans les années 1980, qui évoque ce genre de concours financier, je ne sais plus le nom mais on doit pouvoir le trouver facilement. Je précise que les propos de Monsieur GAGLIARDI ne m'étonnent pas pour la période correspondant à l'activité de mes prédécesseurs. Pour ma propre période de gestion, j'en reste aux déclarations que j'ai faites antérieurement. » Il ne rencontrait jamais les bénéficiaires pendant les négociations. Le magistrat instructeur lui donnait connaissance des déclarations de Louis VIANNET, ancien secrétaire général de la C.G.T. aux médias (D572/4) : « bon, tout le monde sait...personne ne sait comment, personne ne sait combien, mais tout le monde sait que FO Métallurgie a touché de l'argent...le patronat de la métallurgie s'est donné les moyens d'entretenir une organisation comme FO, parce que cela lui rendait service. » Il disait : « Je laisse à Monsieur VIANNET la responsabilité de ses déclarations. » Interrogé le 13 septembre 2010 (D955), il indiquait rester dans le même état d'esprit. Il n'était pas un délateur ; il avait déjà indiqué les raisons pour lesquelles il ne souhaitait pas apporter de précisions sur les bénéficiaires en espèces. Il évoquait à nouveau la notion de régulation sociale et pas celle de fluidifier les relations sociales, expression qu'il n'avait jamais employée et que d'autres avaient mise dans sa bouche. Le magistrat instructeur lui donnait connaissance des déclarations de Philippe DARMAYAN en date du 16 octobre 2008 (D600, déclarations recueillies par le magistrat instructeur, Philippe DARMAYAN étant cadre supérieur chez Arcelor-Mital et président de la Fédération Française de l'Acier) selon lesquelles en tant que praticien de la négociation sociale sur le terrain depuis 25 ans, il estimait qu'on n'avait pas besoin de ce genre de pratiques pour avoir de bonnes relations sociales. Il disait : « ... On a pas besoin de la généraliser mais sur le plan national, la "régulation sociale" est un élément qui facilite un dialogue régulier sans aucune compromission, dans le respect de l'autre et de sa complète autonomie. » Il disait encore à propos des dirigeants du C.N.P.F., puis du M.E.D.E.F. que Ernest Antoine SELLIERE n'avait à sa connaissance jamais reçu aucun centime en espèces de la part de l'U.I.M.M. Quant à Monsieur GANDOIS, en poste avant qu'il soit lui-même responsable de l'U.I.M.M., "ça l'étonnerait énormément". De même, à sa connaissance, ces personnes n'avaient pas reçu d'indemnités du C.N.P.F. qui avaient pour origine l'U.I.M.M., "là encore, ça l'étonnerait énormément".

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Il était inimaginable que des fonds soient remis à des partenaires sociaux dans la perspective d'une négociation : « Nous ne l'aurions pas proposé. Ils ne l'auraient pas accepté. » S'agissant d'Anne CUILLE, il reconnaissait le versement d'espèces : « Ici encore, il faut évoquer le contexte particulier de la CGPME à cette période . Je vous ai dit que nous étions très proches des dirigeants de la CGPME . Ainsi, à la fin des années 1990, Monsieur REBUFEL, dirigeant charismatique de la CGPME depuis 8 ou 10 ans, a approché l'UIMM en indiquant qu'il ne ferait pas d'autre mandat et qu'il fallait lui chercher un successeur dans le délai d'un an ou deux . Quelques mois plus tard, Monsieur REBUFEL a réapproché l'UIMM en lui demandant d'aider la CGPME à lui trouver un successeur dans les plus brefs délais, car il avait des raisons personnelles et familiales d'en terminer au plus vite avec son mandat . Dans l'urgence, Monsieur FREDEL, Président de l'UIMM de l'Indre et Loire et patron d'une P.M.E., a été candidat . Il a été élu mais il a été assez rapidement contesté malgré ses qualités de chef d'entreprise . À peu près au même moment, c'est-à-dire à la fin de l'été 2001, le secrétaire général de la CGPME a pris sa retraite . Ici encore, il a fallu dans l'urgence, trouver quelqu'un qui gère au quotidien avec compétence, pour éviter l'implosion de la CGPME . C'est dans ces conditions que Madame CUILLE a été recrutée . Monsieur FREDEL hésitait, compte tenu des charges salariales que ses demandes pouvaient représenter pour la CGPME . L'UIMM a réglé le problème pour quelques temps, le complément qui lui était versé ayant été supprimé au moment où elle a perçu d'autres ressources . » Au cours de son sixième et dernier interrogatoire du 27 avril 2011, à la question : « êtes vous décidé à nous révéler, - et c'est la dernière fois que je vous pose la question – à qui avez vous remis ces 17 043 437 euros en espèces ? », il répondait : « c'est vrai que je ne vous ai jamais donné le nom ni des organisations qui ont été bénéficiaires de ces fonds, ni de leurs représentants qui recevaient ces fonds . Mais je crois que dans un dossier de près de 1500 pages, sans que j'ai donné formellement des noms, la destination de ces fonds est finalement assez claire. » À la question : « voulez vous dire par là que les noms des bénéficiaires figurent au dossier ? », il répondait : « les noms peut-être, mais en tout cas l'orientation générale de ces fonds . À propos de votre dernière question, je vous remets un extrait d'un ouvrage d'Emmanuel TODD, sociologue connu, qui mentionne que l'affaire de l'UIMM consiste en une "révélation tardive de pratiques que tout le monde connaissait depuis un demi-siècle" . Vous m'informez que vous allez annexer cet article à la suite du présent procès-verbal de ce jour . » À l'injonction : « dites nous donc où sont passé les 17 millions d'euros dont vous êtes le seul apparemment à connaître la destination . », il répondait : « le seul, sûrement pas . Des centaines de personnes à Paris connaissent la destination de ces fonds dont Monsieur GATTAZ a déclaré je crois, que c'était un "secret de Polichinelle" . On peut toujours soupçonner que quelqu'un qui manie des espèces en garde pour lui-même . Votre enquête a été particulièrement fouillée, détaillé, et il en ressort clairement qu'aucun avantage patrimonial non expliqué ne me concerne, pas plus qu'un membre de ma famille . Par ailleurs je vous rappelle que j'ai du emprunter un peu plus de 300 000 euros à l'UIMM pour compléter l'achat de mon appartement. » Il était d'accord pour dire que les retraits d'espèces ont toujours existé au sein de l'U.I.M.M. comme l'avait indiqué Pierre GUILLEN en disant qu'il s'agissait de financer des dépenses de rayonnement (D131), comme l'avait également indiqué Dominique de CALAN ("de notoriété publique, ce système remonte à loin mais je suis dans l'impossibilité de situer dans le temps l'installation de cette pratique") ; il précisait avoir lu quelque part que la pratique remontait au moins à 1907. Il lui était également rappelé qu'il ressortait de la procédure que ces retraits d'espèces semblaient avoir toujours servi (outre les quelques compléments de salaires) à subventionner les syndicats :

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« Monsieur GAGLIARDI a déclaré à cet égard : "Comme j'étais parfois dans la confidence du délégué général, Pierre GUILLEN, il lui est arrivé qu'il me laisse entendre que la politique de l'Union suivait les traces de nos prédécesseurs et notamment du Comité des Forges né dans les années 1980, c'est-à-dire les syndicats de la métallurgie à exister. (...) . Ces aides prenaient la forme de remises d'espèces, je le suppose.(..)" (D.362) Monsieur LEENHARDT a quant à lui indiqué : "J'ignore qui étaient les destinataires des espèces autant du temps de Pierre GUILLEN que du temps de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC . Je ne pense pas que ça puisse être les partis politiques mais beaucoup plus vraisemblablement des syndicats car je pense que les lois concernant les partis politiques, interdisaient ce genre d'opérations . Quant aux syndicats, je ne pense pas qu'il y ait des syndicats privilégiés". (D488) Monsieur Bernard ADAM a déclaré : "Concernant les fonds provenant de l'EPIM, à mon avis, tout le monde sait que cela sert à améliorer les relations entre organisations professionnelles et syndicales. (... ) Vous avez des organisations syndicales et professionnelles qui ont peu de moyens, aussi je pense qu'elles ont pu bénéficier d'une partie de l'argent prélevé sur l'EPIM". (D 52) » Il disait : « Je pense que les personnalités citées sont des hommes d'expérience et que je ne peux que leur laisser la responsabilité de leurs déclarations. » S'agissant des destinataires précis, il lui était rappelé les déclarations de Daniel DEWAVRIN et de Jacques GAGLIARDI : « Monsieur DEWAVRIN a déclaré : "Je ne sais pas s'il s'agissait de syndicats de salariés. Je pense simplement qu'il devait s'agir d'entités relevant de la Loi de 1884" (D 393) et Monsieur GAGLIARDI a indiqué : "Quant au MEDEF, il n y a guère de raison qu'il n'ait pas continué à bénéficier des mêmes faveurs de l'union, comme auparavant le C.N.P.F." (D458) » Il disait : « Les propos de Monsieur DEWAVRIN sont là encore des propos d'un homme d'expérience ; quant aux propos concernant le C.N.P.F. et le M.E.D.E.F., nous avons beaucoup donné au C.N.P.F. et au M.E.D.E.F., mais toujours par chèque, sous mon mandat, depuis 1994. Je n'ai jamais donné un centime en espèces. » S'agissant des déclarations de Dominique de la LANDE de CALAN (D.665) : « Je vous confirme que tous ceux à qui j'ai pu servir d'intermédiaire me semblent bien être dans la liste qui m'est présentée aujourd'hui. » (liste : U.N.I., U.N.E.F., U.N.E.F.-I.D., F.A.G.E., T.D.E., C.E.), il disait que Dominique de la LANDE de CALAN était l'intermédiaire de l'U.I.M.M. auprès des organisations universitaires et son propos est sûrement juste. S'agissant des raisons pour lesquelles les fonds étaient versés aux syndicats, à savoir pour les aider car ils avaient peu de moyens, il lui était donné connaissance des déclarations de Bernard ADAM et de Dominique de la LANDE de CALAN : « Monsieur ADAM a déclaré : "Je pense que ce que voulait dire Monsieur Denis GAUTIER SAUVAGNAC (nécessité de fluidifier les relations sociales en distribuant de l'argent en espèces, NDR) c'était aider les organisations professionnelles. Tout le monde le sait qu'il y a quand même un manque de moyens et on voit dans les journaux, on parle de représentativité, quelles soient patronales ou syndicales. Et il y a même beaucoup d'organisations de ce type qui ont peu d'adhérents, donc peu de moyens" (D347 page 4). Monsieur de la LANDE de CALAN a pour sa part indiqué : "Je crois que la France est un pays qui souffre de la faiblesse des corps intermédiaires, ce qui freine la diversité nécessaire à notre économie, et j'ai la conviction que si on veut moins d'Etat, il faut plus de partenaires sociaux et qu'il est donc nécessaire d'avoir notamment des syndicalistes et un secteur associatif plus fort. Or, il n'existe pas, ou peu, de formations, en dehors de la C.G.T. à ma connaissance, qui forment ses militants à la négociation, à la communication, aux relations publiques, que sais-je . Il est donc nécessaire d'aider ces corps intermédiaires. Nous ne pourrons avoir un droit social diversifié correspondant aux réalités de chaque métier qu'avec des conventions collectives librement négociées, et pour cela, il faut des partenaires crédibles, puissants et formés . Je n'exclus pas que les espèces versés par D.G.S aient pu l'être pour des syndicats et des associations." (D 414) [...] Monsieur GAGLIARDI a précisé : "Je suis persuadé que ces sommes n'avaient d'autre but que d'aider les syndicats

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existants car ils étaient nécessaires au dialogue social . Il n'a jamais été question d'achat des signatures ou de corruption." (D362) » Il disait : « Il est évident que les organisations syndicales ont peu de moyens en France . Les études montrent que leurs cotisations représentent environ de 15 à 60 % de leurs ressources. Il est exact aussi que la tendance depuis les années 2000 est au développement de la négociation collective pour que le droit du Travail soit élaboré au plus près de la réalité des entreprises et de leur branche professionnelle . Les concours de toute nature qui ont pu être apportés par l'UIMM à des organisations syndicales, dans le cadre de sa politique ancienne de dialogue social et de l'évolution plus récente que je viens de décrire avaient pour but de favoriser des relations contractuelles équilibrées . En effet, sans interlocuteurs sociaux – y compris syndicaux – il n'y a pas de politique contractuelle . Or nous sommes un pays où le droit du travail, à l'inverse de ce qui se passe dans le reste de l'Europe, est pour l'essentiel issu de la Loi et du règlement, alors que le patronat comme les syndicats, souhaitent de plus en plus privilégier la politique contractuelle. » S'agissant des personnes informées de cette procédure, il lui était rappelé les déclarations de Monsieur GATTAZ, président du C.N.P.F. de 1981 à 1986 : « Je l'ai dit en octobre 2007, quand j'ai appris l'affaire, que c'était, je crois avoir dit, "un secret de polichinelle" que les syndicats étaient financés grâce à la Loi Waldeck-Rousseau de 1884 qui a été faite pour ça. C'était la rumeur publique, pas particulièrement au CNPF., tout le monde se posait la question de savoir comment les syndicats pouvaient être financés, alors que la cotisation des adhérents représente une partie faible de leur budget . Cette Loi, car il s'agit bien d'une Loi, a été faite pour ça, elle le dit explicitement." » (D539), de Jacques GAGLIARDI : « Personnellement, je savais qu'il y avait des retraits en espèces destinés aux syndicats. (D928) », et de Dominique de la LANDE de CALAN : « Il est de notoriété publique que l'UIMM participait à la fluidité sociale de notre pays. » (D.54/3) Il disait qu'il ne pouvait que reprendre sur ce point les déclarations de Monsieur GATTAZ quand il évoque un secret de polichinelle, et l'extrait du livre du sociologue TODD. Il confirmait avoir rencontré Monsieur MATHIEU de la B.N.P. sans pouvoir préciser la date, 1995 ou 1998. Il ne contestait pas lui avoir dit, comme consigné par Monsieur MATHIEU, que ces retraits représenteraient des cotisations de l'U.I.M.M. que celle-ci verserait en liquide à des organismes ayant pour finalité de servir l'intérêt général : associations scolaires, universitaires, grandes écoles, associations familiales, syndicats, etc... À la question : « vous nous avez indiqué tout à l'heure que les noms des bénéficiaires figuraient au dossier d'instruction . Toute cette audition tend à indiquer que ces bénéficiaires font partie d'organisations syndicales . Pouvez vous aller plus loin et nous indiquer les noms de ces personnes ? », il répondait : « je ne crois pas m'être exprimé formellement de cette façon là, mais il me semble que beaucoup d'éléments du dossier et diverses déclarations, donnent une idée de la destination des fonds . » À la question : « pouvez vous nous donner les noms de ces bénéficiaires ? », il répondait : « j'ai déjà répondu sur ce point . Comme dépositaire de confiance, je ne crois pas pouvoir aller plus loin . »

✶ ✶ ✶ Au cours des audiences des 8 et 9 octobre 2013, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC confirmait ses précédentes déclarations sur la destruction des pièces comptables après chaque assemblée générale ayant approuvé les comptes. Il

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n'avait jamais donné d'instruction en ce sens, ça se faisait comme ça, comme une tradition qui venait de très loin. Comme ils n'avaient pas d'obligation de tenir une comptabilité, il avait laissé faire ; il n'avait pas donné de contre-ordre. C'était également "comme ça depuis toujours" que, contrairement à ce que prévoyaient les statuts, le bureau n'arrête pas les comptes. À propos du conseil de surveillance de l'E.P.I.M., il indiquait qu'il s'était effectivement beaucoup réuni dans les années 1970, il s'était ensuite de moins en moins souvent réuni puisqu'à son arrivée, il se réunissait une seule fois par an, le premier vendredi de janvier à 9 heures. Il prenait connaissance des recettes et des dépenses de l'année précédente, voyait où en étaient les réserves et fixait le taux de cotisation. Effectivement la gestion des fonds n'était pas abordée ; on ne parlait pas beaucoup des placements. Ensuite le bureau, qui se réunissait à 11 heures, confirmait le taux de cotisation. Il précisait qu'il y avait en plus de ce conseil de surveillance, un comité de gestion qui se réunissait une fois par mois ; il était composé de cinq personnes. Entre 2000 et 2004, il comprenait Messieurs BATAILLON-DEBES, LEENHARDT, DEWAVRIN et lui-même. En 2008, il comprenait deux présidents d'honneur, Frédéric SAINT-GEOURS, Baudoin de BRIE et lui-même. Tout le monde ne venait pas chaque fois, il n'y avait parfois que deux ou trois personnes. Il affirmait que le montant des prélèvements en espèce apparaissait au moment du comité de gestion ; il donnait les grandes masses de leur utilisation : « Il m'est arrivé d'indiquer que nous avions un certain nombre de bénéficiaires. » Il insistait sur le fait que les fonds nécessaires à l'indemnisation par l'E.P.I.M. étaient toujours suffisants. S'agissant du fait que l'expert-comptable n'avait pas accès à l'ensemble des comptes de l'U.I.M.M., il disait "Je crains de ne pas y avoir pensé" en ajoutant que le compte accueillant les cotisations de l'E.P.I.M. avait toujours été traité à part avec discrétion. Il indiquait encore que c'était lui qui avait dit à Dominique RENAUD de parler à la police du coffre ouvert au nom de l'A.D.A.S.E. dans lequel avait été saisie la somme de 2 millions d'euros en espèces : « Dès que l'enquête a été ouverte, j'ai voulu qu'on ne cache rien. » À l'audience du 9 octobre 2013, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC confirmait ses précédentes déclarations sur son itinéraire professionnel, sur sa volonté de mettre fin à la pratique des retraits d'espèces et des remises de fonds en espèces à des bénéficiaires, raison pour laquelle il avait constitué une réserve : « Mon idée était d'arrêter les retraits d'espèces en 2008 et de donner par exemple 120 à celui qui percevait 100 en disant, c'est la dernière fois. » Il confirmait avoir été informé de cette pratique par Pierre GUILLEN avant la première visite d'un bénéficiaire. Il lui avait dit qu'il allait bientôt recevoir la visite d'un "habitué", ce qui s'était effectivement passé puisque cette personne était arrivée en lui disant "c'est vous maintenant que l'on vient voir pour la chose". Il s'était interrogé dès mars 1994 sur cette pratique ; pour lui, il n'était pas possible d'arrêter sur le champ cette tradition de l'U.I.M.M. Sur les rémunérations ou compléments de rémunération, il les assimilait à des primes de cabinet qu'il avait connues dans les cabinets ministériels par lesquels il était passé. Pierre GUILLEN lui avait dit que ça faisait partie des tolérances fiscales et sociales dans le cadre de la loi de 1884. En 1994, cette pratique à l'U.I.M.M. ne l'avait pas choqué. À la question de savoir pourquoi avoir agi avec discrétion si ces pratiques étaient conformes à la loi de 1884 et aux statuts de l'U.I.M.M., il répondait que la comptabilité de l'E.P.I.M. était particulière et avait toujours été tenue comme ça. Il ne savait pas si cette discrétion était si large que ça mais il s'agissait de ne pas jeter la suspicion sur la vie sociale. Il faisait remarquer que même si les treize membres du bureau avaient indiqué ne pas connaître ces pratiques, certains

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avaient précisé que d'autres savaient. Il faisait observer que même si le montant global des espèces était important, il ne représentait que 10 % des intérêts de leurs réserves. Il insistait sur son action pour mettre fin à ce qu'il appelait les primes de cabinet ; il les avait gelées et quand un bénéficiaire partait en retraite, son successeur n'en bénéficiait plus. Stopper plus net aurait bouleversé l'équilibre social de l'organisation, la hiérarchie salariale. Il y avait 20 bénéficiaires en 1994 ; il y en avait 6 en 2006 lorsqu'il avait pris, d'autorité, la décision de les supprimer. S'agissant de la distribution d'espèces, en dehors des rémunérations ou compléments de rémunération, il s'était posé la question de la continuation. Il avait compris que c'était inhérent au rôle de l'U.I.M.M. et qu'on ne pouvait pas revenir dessus du jour au lendemain. Il s'agissait du rôle de régulation sociale de l'U.I.M.M. On ne pouvait parler de corruption ou d'achat de signatures, de collusion avec un syndicat. C'était discret mais pas occulte puisqu'on le faisait depuis toujours. Il s'était dit qu'on pouvait continuer. S'il ne voulait pas donner les noms des bénéficiaires, c'était pour ne pas impliquer les acteurs de la vie sociale, pour ne pas en briser l'équilibre, pour ne pas verser à la vindicte de l'opinion publique des personnes physiques. Il se sentait dépositaire de la confiance de ces personnes et ne voulait pas trahir cette confiance. Il confirmait ses précédentes déclarations sur le versement d'espèces à Anne CUILLE Il précisait qu'il avait indiqué à cette dernière, lorsqu'elle avait été convoquée par les services de police, de dire la vérité à la police. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC indiquait encore ne pas avoir fait l'objet d'un redressement fiscal suite à la communication de ce dossier par le magistrat instructeur à l'administration fiscale. Il convient de noter qu'interrogé à ce sujet par courrier du magistrat instructeur du 14 décembre 2009 (D908 & D911), le chef des services fiscaux n'avait pas fourni de réponse écrite. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC produisait un courrier émanant de l'Union des Industries et Métiers de la Métallurgie Rhodanienne du 15 juillet 2013 ainsi rédigé : « Cher Président, A l'approche de moments qui seront difficiles pour vous, en dépit du courage que vous manifestez dans l'épreuve depuis 6 ans, j'ai pensé que vous seriez heureux de connaître la position actée par les instances de l'UIMM lors des réunions de Juillet dernier. Le Président Saint-Geours a fait devant notre Conseil, le 11 Juillet, une déclaration dont je vous rapporte ci-dessous les termes quasi-exacts : "Même si certaines déclarations de 2007-2008 peuvent prêter à confusion quant à la connaissance des retraits en espèces, il est clair que: - il entrait à l'époque des faits, comme dans le passé, dans les missions de l'UIMM, de tout faire pour faciliter les relations sociales. - les retraits qui permettaient les remises d'espèces n'étaient pas secrets puisqu'ils étaient effectués par chèques. Il n'y avait pas de dissimulation. - le Délégué général était mandaté pour agir, avec la délégation la plus large de nos instances, qui n'entraient pas pour autant dans le détail des opérations. - notre Délégué général a donc agi dans le cadre de sa mission et il n'y avait aucune raison de nous porter partie civile. Pour nous, il n'y a pas d'abus de confiance. - la destruction des pièces comptables étaient une tradition historique, sous l'empire de la loi de 1884, pour maintenir l'action des syndicats à l'abri de toutes pressions." Et le Président Saint-Geours a conclu en ces termes : "En résumé, le délégué général n'a pas abusé de ses pouvoirs : il les tenait du Conseil et du Bureau qui lui avait donné une délégation."

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Le Conseil a approuvé cette prise de position à l'unanimité. Cette position du Conseil devrait, je l'espère de tout cœur, vous donner du moral pour le Procès. » L'avocat de l'U.I.M.M. produisait ensuite le relevé des décisions du conseil de l'U.I.M.M. en date du 11 juillet 2013 dans lequel on peut lire : « Point 8 – Préparation de la défense de la personne morale UIMM renvoyée devant le tribunal correctionnel pour des faits de travail dissimulé Le Président Saint-Geours informe les participants que le procès concernant l'affaire UIMM se déroulera sur près de trois semaines en octobre, devant le tribunal correctionnel de Paris. L'UIMM en tant que personne morale est poursuivie pour travail dissimulé. Au-delà de ce point particulier, la personne morale pourrait être amenée à prendre position devant le tribunal correctionnel, si cela lui était demandé, sur le sujet de l'abus de confiance. Il est convenu, à l'unanimité des membres présents, que la personne morale, dans la continuité de la position qu'elle a toujours exprimée, pourra déclarer, si nécessaire, qu'il était dans les attributions du Délégué général de contribuer à organiser la vie sociale par tous les moyens légaux, y compris des retraits d'espèces. S'agissant des destinataires précis de ces fonds, il appartenait au Délégué général de faire un usage de ces fonds conforme à la mission de l'UIMM, ce qui a, faute de preuves contraires, toujours été le cas. Après consultation des avocats de l'UIMM et échange avec le Conseil, il est proposé que le Secrétaire général de l'UIMM, Jean-Pierre Fine, représente la personne morale. En septembre, une Assemblée Générale confirmera ce choix. Le Président de l'UIMM informe les participants qu'un argumentaire leur sera remis afin de se préparer à répondre aux éventuelles questions de leur environnement et en particulier de leurs adhérents. » À l'audience du 14 octobre 2013, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC indiquait à propos des bénéficiaires des fonds en espèces : « Je reconnais que je n'ai pas été assez clair. Je confirme les déclarations de Monsieur LEENHARDT. Ce sont bien les syndicats qui ont été les bénéficiaires, c'est l'appui que l'UIMM apportait aux syndicats de salariés ou du patronat... » Il ne pouvait pas aller plus loin en fournissant les noms de personnes physiques ; ce serait trahir leur confiance, il était "coincé". Ces personnes étaient mandatées par leur syndicat, donc les sommes allaient bien aux syndicats. Il n'avait jamais remis de fonds à des partis politiques. Sous son mandat, les bénéficiaires n'avaient été que des syndicats ou des organisations professionnelles. Son prédécesseur lui avait transmis la répartition, les montants ; il s'y était plus ou moins tenu. C'était en quelque sorte un abonnement, donc ça n'avait rien à voir avec leur complaisance.

✶ ✶ ✶ Dominique de la LANDE de CALAN était entendu le 16 octobre 2007 par les services de police (D54). Il indiquait exercer depuis 1995 ou 1996 la fonction salariée de délégué général adjoint au sein de l'U.I.M.M. pour un salaire de 15 000 euros net. Il était entré à l'U.I.M.M. en 1987 où il avait exercé auparavant les fonctions de directeur de la formation puis de secrétaire général adjoint. D'un point de vue exécutif, opérationnel, il assumait le rôle n°2 aux côtés de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Il s'occupait de tout ce qui était formation professionnelle et de l'animation d'un réseau constitué par les 84 chambres syndicales territoriales et la centaine d'organismes de formation ; il préparait les négociations paritaires et toute activité de préparation des amendements ; il animait les équipes en l'absence de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Il représentait l'U.I.M.M. à l'extérieur dans les relations avec le M.E.D.E.F., la C.G.P.M.E. et les pouvoirs publics. Il était au courant des retraits d'espèces effectués sur les comptes bancaires de l'U.I.M.M. ; le principe lui était connu mais

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pas les montants et les modalités ; les employés du service comptable étaient au courant tout en ignorant la destination des fonds. Depuis son arrivée à l'U.I.M.M. en 1987, il avait toujours touché pour sa part un complément de salaire en espèces remis par Suzanne DUCOURET puis par Dominique RENAUD. De 1995 à 2006, il avait touché de l'ordre de 10 000 euros en complément de salaire. Depuis 2007, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait décidé de mettre fin, avec son accord, à ce versement d'espèces au titre de complément de salaire. Dominique de la LANDE de CALAN était ré-entendu les 13 et 14 février 2008 par les services de police dans le cadre d'une mesure de garde-à-vue (D316 et suiv.). Il précisait ainsi la raison de ces versements d'espèces qu'il qualifiait alors de "prime de cabinet" : « J'ai été embauché comme directeur de la formation en 1987, après avoir été recruté par MM. Bernard LEROY, secrétaire général, et Pierre GUILLEN, vice-président délégué général. Je ne me rappelle plus de mon salaire d'embauche. A l'époque, j'étaits directeur délégué chez USINOR SACILOR, devenu ARCELOR, devenu MITTAL, quand j'ai été "chassé" pour l'UIMM. Comme j'indiquais que le poste qui m'était proposé présentait une rémunération nettement inférieure à celle que je percevais, M. LEROY m'a expliqué qu'il ne pouvait pas satisfaire mes prétentions salariales mais que je pouvais bénéficier d'une "prime de cabinet" de l'ordre de 15 000 FF/mois en espèces, en m'expliquant qu'il s'agissait d'une pratique courante à l'Union et autorisée par la loi de 1884. J'ai donc accepté car cela permettait de compenser l'écart. » Il confirmait ses précédentes déclarations sur la pratique des retraits d'espèces, domaine réservé du délégué général ; il n'avait aucune connaissance exacte des modalités pratiques de ces retraits d'espèces. Il s'agissait pour lui de fonds de l'U.I.M.M. Il résumait ainsi ce qu'il avait perçu à titre de compléments de salaires : « A mon embauche en 1987, mon complément de salaire était de l'ordre de 15 000 FF par mois en espèces, soit 180 000 FF annuels ou encore 27 440 €/an. A partir de 1995, en tant que délégué général adjoint, j'ai bénéficié d'une prime forfaitaire de représentation qui, en 2007, s'élevait à 10 000 € par an, à laquelle s'ajoute un complément de salaire en espèces s'élevant à 17 000 € depuis 2002. EN 2007, le complément de salaire en espèces a été supprimé, mais réintégré partiellement dasn le salaire. Les frais forfaitaires de représentation ont été supprimés en 2008. » S'agissant de l'origine des fonds, pour lui, c'était des fonds de l'U.I.M.M. Pas un euro ne lui avait été versé sans l'accord du président et du vice-président délégué général qui lui signifiaient conjointement, en général en janvier, le montant de ses ressources annuelles. Quant Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a été nommé président délégué général, le président d'honneur, Daniel DEWAVRIN, a conservé cette responsabilité avec Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Il n'avait pas déclaré année après année ces compléments de salaire à l'administration fiscale. Le 20 janvier 2008, par lettre recommandée avec accusé de réception, il avait déclaré à l'administration fiscale au titre des années 2005 et 2006 une majoration de 27 000 euros par an, conformément à la décision de l'U.I.M.M. d'effectuer des D.A.D.S. rectificatives pour les années 2002 à 2006, estimant avec l'administration sociale, que ces compléments de salaire et les frais de représentation devaient être assujettis aux charges sociales. C'était une décision du bureau ou du président, probablement à la suite d'une volonté de transparence et du fait que l'opinion publique considérait les "primes de cabinet" comme non conformes aux textes en vigueur. Il n'avait fait une déclaration rectificative à l'administration fiscale que pour les années 2005 et 2006 parce que les fiscalistes de l'U.I.M.M. avaient estimé que les D.A.D.S. devaient être rectifiées sur cinq ans mais qu'en revanche, le fiscal ne devait l'être que sur 3 ans, à savoir 2005, 2006 et 2007. Ses frais de représentation pour 2007 seront intégrés à sa future déclaration. Mis en examen le 14 février 2008 (D326), il s'expliquait au cours d'un interrogatoire du 14 mai 2008 (D414). Il indiquait être diplômé de l'Institut de droit rural et d'économie agricole. Il avait une maîtrise d'économétrie, était

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diplômé de l'I.G.C. et avait différents diplômes universitaires en mathématique de la décision et en sociométrie. Sur ses fonctions au sein de l'U.I.M.M., il confirmait ses précédentes déclarations. Il précisait avoir été mis en dispense d'activité à compter du 1er juin 2008 en raison de sa mise en examen ; l'U.I.M.M. avait estimé que la médiatisation de cette affaire empêchait une bonne réalisation de ses responsabilités. Il avait donc signé un accord de dispense d'activité jusqu'à sa retraite, le jour de ses 65 ans, le 6 mai 2012. En ce qui concerne les compléments de salaire, il confirmait avoir bénéficié de 27 440 euros par an de 1987 à 2002, puis à partir de 2002, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait voulu ramener ce complément de salaire en primes de cabinet et progressivement les supprimer ; donc ça avait été réduit à partir de 2002 et supprimé en 2007. En revanche, à partir de 2002, il recevait 10 000 euros de frais de représentation et de réception forfaitaires. À la question : « ne pensez vous pas que si Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a remanié en 2002 ce complément de salaire en le laissant pour partie sous l'appellation de prime de cabinet, et en créant pour l'autre partie une prime de représentation, c'est qu'il avait pleinement conscience de violer la Loi en donnant de l'argent en espèces à ses collaborateurs sans que cela ne figure sur une fiche de salaire? », il répondait : « Je ne le crois pas. En revanche, je partage votre point de vue sur le fait que ceci devenait désuet puisque y compris le gouvernement et les syndicats pour leurs propres collaborateurs, ont diminué voire supprimé progressivement à cette date là, ce système qui était pratiqué par tout le monde: les cabinets, les organisations syndicales..., et je faisais partie de ceux qui en accord avec Denis GAUTIER-SAUVAGNAC souhaitaient que ça s'arrête. Je dois dire que pour ce qui me concerne, et en dehors de la fiscalité, j'étais déjà plafonné au niveau des cotisations et de la quasi totalité des cotisations sociales que j'acquittais et que l'UIMM acquittait pour moi dans le cadre de mes autres mandats et même de mon salaire à l'UIMM qui avoisinait les 300 000 euros annuels. » À la question : « pourquoi ne pas avoir cessé purement et simplement cette pratique en 2002, puisque telle était la volonté de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC ainsi que la votre et qu'également le cabinet ministériel et d'autres instances fonctionnant ainsi l'ont fait? », il répondait : « Je ne crois qu'ils l'aient fait brutalement, ils l'ont tous fait progressivement pour ne pas faire apparaître des hausses de salaire de 10, 15, 20%. D'ailleurs à ma connaissance, beaucoup d'organisations continuent cette pratique. Lorsque quelqu'un qui est détaché de la fonction publique il perd ses primes, je crois savoir que des compensations existent. Ceci était l'histoire a montré que nous aurions mieux fait de supprimer cela en 2002. J'aimerais ajouter que l'UIMM a régularisé toutes ses cotisations sociales, de mémoire les cinq dernières années, et j'ai régularisé les trois derniers exercices fiscaux près de ma Trésorerie du 4ème ardt, y compris les 10 000 euros de frais de représentation. » Au cours de son audition du 16 octobre 2007 par les services de police (D54), Dominique de la LANDE de CALAN indiquait à propos des retraits d'espèces : « Il est de notoriété publique que l'UIMM participait à la fluidité sociale de notre pays. » Ce système remontait à loin, sans qu'il puisse dater l'installation de cette pratique. Il ajoutait que la réalisation de cette fluidité sociale restait du domaine réservé de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. À la question : « À quoi ou à qui étaient destinés ces fonds ? », il répondait : « Je n'ai pas de réponse à cette question. »

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Il en avait une idée mais ne savait pas le détail. À la question : « Qui était au courant de l'existence de ces retraits ? », il répondait : « Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, les anciens présidents, comme ils l'ont eux-même reconnus dans les journaux, et moi étions au courant. Pour ma part, je ne connaissais ni les montants, ni les modalités, seul le principe m'était connu. Évidemment les employés au service comptable étaient au courant tout en ignorant la destination des fonds. » Il ignorait les montants exacts des retraits d'espèces mais le montant global dépassant les 17 millions d'euros, ramené à 2 millions par an, ne lui apparaissait pas exorbitant. Ce système de retraits avait été mis en place avant l'arrivée de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qui était le seul à connaître la destination précise de ces fonds. En effet, « la régulation sociale nécessite la confidentialité dans l'esprit de la loi de 1884... Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a agi dans le plein esprit de la loi de 1884... il n'a rien commis d'illégal. » Ré-entendu le 13 février 2008 dans le cadre d'une mesure de garde-à-vue (D316), il indiquait à propos de cette pratique des retraits d'espèces, domaine réservé du délégué général, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC : « A ma connaissance, cela a toujours été le cas à l'UIMM et ce avant sa nomination. Je ne connais pas l'origine de cette pratique. En revanche, moi cela m'arrangeait bien car, m'occupant de la formation professionnelle, cela permettait de séparer la gestion de l'UIMM sous la responsabilité du délégué général de celle de la formation professionnelle qui, elle, était sous ma responsabilité et soumise à comptabilité certifiée par un commissaire aux comptes et, en ce qui concerne l'OPCAIM, soumise au contrôle public. C'était ainsi que, bien qu'ayant la signature sur les comptes de l'UIMM pour des raisons de sécurité, je n'ai, de mémoire, signé qu'un seul chèque en 14 ans, pour payer en temps et en heure des charges sociales, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC n'étant pas joignable. [...] Personne ne m'a informé officiellement de quoi que ce soit, ni transmis de consigne. Ce que je savais, c'est que mon chauffeur, Patrick CIRON, accompagnait de temps en temps Mme RENAUD et peut être auparavant Mme DUCOURET, à la banque. Je ne pense pas qu'il savait la raison de ces courses. Il était sollicité par Bernard ADAM, je pense, ou par l'administration de l'UIMM quand il n'était pas occupé par mes propres déplacements. Je n'avais aucune connaissance exacte des modalités pratique de ces retraits d'espèces. Quant au cercle des initiés, je pense qu'il était composé, outre Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et la chef comptable, bien sûr, des membres du bureau. Je n'imagine pas que les membres du bureau n'aient pas pu être au courant de l'existence de retraits en espèces même si ce sujet n'a jamais été abordé au sein de cette instance, en ma présence en tous les cas. [...] Pour moi, il s'agissait de fonds de l'UIMM. Ce n'est que par les journaux et la médiatisation de l'affaire UIMM en 2007 que j'ai connu d'une part le montant des réserves de l'Union et d'autre part des sommes versées en espèces à des tiers. » À propos de la "notoriété publique" de ces retraits d'espèces, il disait que : « Cette pratique était "imaginée" par une partie du personnel de l'UIMM sans que je puisse la cerner, de tous les milieux patronaux dont certains avaient des pratiques comparables, disait-on, et du microcosme social, c'est-à-dire ceux qui s'occupent du dialogue social à PARIS. » À propos du terme "régulation sociale", il expliquait : « La France s'est construite après la guerre, dans un contexte de luttes de classes dont il reste des symptômes, et tout ce qui permet le rapprochement de l'entreprise de nos concitoyens va dans le bon sens. » Ce climat de lutte des classes est nocif à l'économie de marché. Les entreprises étant soumises à une concurrence

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mondiale, cette opposition est contraire à l'intérêt même de notre pays. À ce titre, il est un des rares à avoir une vie sociale souvent politisée. Ce rapprochement prenait la forme du dialogue et de l'aide aux différentes structures s'occupant des sujets économiques et sociaux. À la question de savoir s'il s'agissait d'une aide financière, il répondait que si c'était le cas, cela ne choquerait pas car la mission de l'U.I.M.M. est bien l'apaisement du climat social dans les entreprises et dans le pays. Les organismes participant à la régulation de la vie sociale sont les associations, les partenaires sociaux, les intellectuels, les médias, les pouvoirs publics. À la question de savoir pourquoi tout avait été mis en œuvre pour qu'il n'y ait pas de traçabilité de l'origine des fonds, non occulte, jusqu'aux bénéficiaires, il répondait que dans le climat général de lutte des classes, les réformistes auraient été mis au banc de la société et de leur mouvance si on avait su que le patronat aidait ces organismes souhaitant cette évolution. Cela évitait en plus le risque d'être accusé de contrepartie. À la question : « Le caractère occulte de ces versements n'alimente-t-il pas, au contraire, la suspicion ? », il répondait : « ... ils ne sont pas occultes mais confidentiels et d'autre part, n'étant pas connus, les bénéficiaires ne sont tenus à aucune contrepartie... même dans leur inconscient. » Ces versements, pour la régulation sociale, étaient effectués en espèces, non par chèque ou par virement, pour des raisons de confidentialité. Si ces versements cessaient, il espérait que le pays était assez mûr pour poursuivre ces aides qui seront alors publiques, "l'avenir nous le dira". Pour lui, il n'y avait pas d'abus de confiance car on était en plein dans l'objet social de l'U.I.M.M., la régulation sociale. Il ne s'était pas entretenu avec le président ou le délégué général sur l'absence de débat sur cette pratique au niveau du conseil ou du bureau, ou de l'assemblée générale : « Je n'ai jamais posé la question. Aurais-je dû ? Je n'en sais rien. Comme je vous l'ai dit, la séparation complète des responsabilités financières au sien de l'UIMM, d'une part, et au sein des activités de formation, d'autre part, me paraissait saine et cohérente, parce que, paradoxalement, les fonds de formation professionnelle sont souvent plus suspectés que d'autres et je me suis attaché à les rendre totalement transparents comme l'a souligné, d'ailleurs, la Cour des comptes – la totalité de ces fonds dépassant 1 milliard d'euros par an, le réseau formation UIMM employant près de 3 500 collaborateurs. » Sur les bénéficiaires de ces espèces, il ne savait pas à qui, nommément, elles avaient été remises ; s'il le savait, il ne pouvait pas le dire car il ne pouvait le prouver et cela ne servirait l'intérêt de personne. C'était de la responsabilité de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, "c'est à lui de décider". Il ne savait pas qui étaient les organismes que ces bénéficiaires représentaient car Denis GAUTIER-SAUVAGNAC les voyaient en tête à tête. Il n'avait jamais posé de question sur ce sujet. À la question : « Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, lors de sa 5ème déposition le 28 novembre 2007, a déclaré qu'il vous confiait chaque année 30 000 € en espèces que vous remettiez ensuite à "des organismes en liaison avec la vie universitaire compte tenu des liens particuliers que vous entretenez depuis longtemps avec ce milieu sur la base de votre action pour le développement de la formation professionnelle, élément clé de la mission de l'UIMM". Est-ce exact ? Dans l'affirmative, quels sont ces organismes ? Quels sont les liens particuliers qu'il évoque? Depuis quand ces remises ont-elles lieu ? Des reçus sont-ils établis entre Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et vous même puis entre vous-même et les bénéficiaires? Dans cette hypothèse, que sont-ils devenus ? », il répondait :

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« Oui, c'est exact. A sa nomination comme délégué général en 1995, il m'a demandé si je pouvais servir d'intermédiaire avec quelques milieux universitaires. Avant cette date, ces contacts avaient lieu avec Pierre GUILLEN qui avait été lui aussi directeur de la formation et qui rencontrait régulièrement et naturellement les responsables universitaires, qu'ils soient étudiants, enseignants ou administratifs. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, ne connaissant pas du tout ces milieux, m'a demandé si je pouvais remettre à des personnes qu'il me désignait ces sommes et ce, dans un soucis de confidentialité, car on aurait pu trouver bizarre que ces représentants d'organismes universitaires rencontrent Denis GAUTIER-SAUVAGNAC alors que mes mandats dans l'enseignement supérieur et secondaire rendaient ces rencontres toutes naturelles. Aucun reçu n'a été établi par quiconque, à ma connaissance. J'ai accepté car je comprenais cette exigence de confidentialité compte tenu de la suspicion des milieux universitaires vis à vis du partonat. Les personnes que me désignait Denis GAUTIER-SAUVAGNAC étaient des personnes physiques responsables d'organismes divers du milieu universitaire. » La raison de ces remises d'espèces lui paraissait évidente, le rapprochement école-entreprise. L'argent n'était pas le seul moyen d'aider à ce rapprochement : « Ce que j'ai fait de mieux pour ce rapprochement, c'est, avec l'UIMM, l'invention puis le développement de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur en convaincant les pouvoirs publics de faire voter une loi en 1987 puis en persuadant des lycées, des IUT, des CFA et enfin des écoles d'ingénieurs de créer des sections en apprentissage. Nous y avons consacré plusieurs centaines de millions d'euros. » Les remises d'espèces avaient lieu à l'occasion de ses rencontres naturelles avec ce milieu (conseil d'administration, réunions, colloques...), sans témoin. Elles n'étaient connus que de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, de lui-même et des intéressés. Moins de 10 organismes dans le milieu universitaire bénéficiaient de ces remises qui s'effectuaient entre décembre et mi-février auprès des représentants nationaux de ces organismes. Il ne refusait pas de fournir leurs noms mais se l'interdisait pour des raisons morales. Il n'avait plus fait de remise d'espèces depuis février 2007. Les bénéficiaires habituels ne l'avaient pas sollicité et Denis GAUTIER-SAUVAGNAC ne lui avait pas, à ce jour, donné de consigne. À la question : « Ces remises d'espèces résultaient-elles d'un besoin exprimé par leurs bénéficiaires ou bien d'un geste de la part de l'UIMM ? Dans cette dernière hypothèse, quelle en était la signification ? L'UIMM en attendait-elle un "retour" sous une forme ou une autre ? », il répondait : « Je ne sais pas. Je pense que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a dû poursuivre une pratique existante. Il n'espérait aucun "retour" autre que le rapprochement université-entreprise auquel l'UIMM attache une importance particulière.. » À la question : « N'était-il pas préférable que l'UIMM aide ou finance ces organismes dans un cadre transparent tant pour elle-même que pour eux ? En quoi une aide en espèces se justifiait-elle ? », il répondait : « Tout d'abord l'UIMM intervient à l'université de façon transparente lorsque cela est possible : stand dans un colloque, participation à une manifestation etc... Pour le reste, il n'est pas toujours facile, pour certaines organisations, d'exister dans certaines universités. » Il indiquait que la répartition des 30 000 euros annuels était réalisée par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, seul, sans qu'il lui demande son avis. Ces sommes étaient réparties dans des enveloppes sur lesquelles étaient portées des indications lui permettant de les distinguer et de les donner au bon destinataire. Il connaissait le total car Denis GAUTIER-SAUVAGNAC le lui indiquait. Il ajoutait :

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« Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait plusieurs fois abordé son souhait de mettre fin à toutes les opérations en espèces. Il avait commencé d'ailleurs dès 2006 pour finir en 2007 concernant les primes de cabinet, à l'exception des frais forfaitaires me concernant. Il m'avait dit qu'il souhaitait mettre fin au soutien à la "régulation sociale" au plus tard à la fin de son mandat en cours. » En effet, ils avaient pris conscience, sans doute trop tard, que les idées changeaient, que la loi de 1884 ne perdurerait sans doute pas et que le monde d'aujourd'hui suggère d'autres moyens pour défendre les intérêts de nos mandants. Interrogé le 14 mai 2008 par le magistrat instructeur (D414), Dominique de la LANDE de CALAN expliquait au sujet de ces retraits d'espèces qu'il avait l'impression de l'avoir toujours su depuis qu'il était à l'U.I.M.M., sur le principe, pas sur les montants et sans avoir bénéficié d'une information particulière. Il ne se souvenait plus qui lui en avait parlé. Il avait dû demander un jour une explication sur la loi de 1884 et l'absence de comptabilité. Il était de notoriété publique que le patronat faisait une grosse partie de ses dépenses en espèces. À propos du terme "fluidification sociale de notre pays", il expliquait : « je crois que la France est un pays qui souffre de la faiblesse des corps intermédiaires, ce qui freine la diversité nécessaire à notre économie, et j'ai la conviction que si on veut moins d'Etat il faut plus de partenaires sociaux, et qu'il est donc nécessaire d'avoir notamment des syndicalistes et un secteur associatif fort. Or il n'existe pas ou peu de formations en dehors de la CGT à ma connaissance, qui forment ses militants à la négociation, à la communication, aux relations publiques, que sais-je. Il est donc nécessaire d'aider ces corps intermédiaires. Nous ne pourrons avoir un droit social diversifié, correspondant aux réalités de chaque métier, qu'avec des conventions collectives librement négociées, et pour cela il faut des partenaires crédibles, puissants et formés. » À la question : « si je traduis ce que vous venez de nous dire, on peut penser que la destination des espèces versées par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC était pour les syndicats et pour certaines associations. Êtes vous d'accord? », il répondait : « il n'y a que lui qui peut vous le dire, mais je n'exclue pas vos hypothèses. » À la question : « est ce que la fluidification sociale accompagnée de versements en espèces nécessite une sélection des syndicats et des associations avec leur proximité politique ou est ce que ces versements se faisaient sans distinguo? », il répondait : « à ma connaissance, en dehors des extrêmes, toute association favorisant l'émergence de l'économie de marché pouvait demander à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qui lui donnait ou pas je n'en sais rien, des aides ou des subventions. Qu'il y ait eu après la guerre une volonté anti communiste c'est possible, mais en tout cas pas depuis que je suis à l'UIMM. » Il ne voyait pas pourquoi la C.G.T. serait exclue des bénéficiaires. Par rapport à ce qu'il avait dit sur les organismes participant à la régulation de la vie sociale, il était possible que les associations, les partenaires sociaux, les intellectuels, les médias aient bénéficié des sommes en cause. Il développait de quelle manière, selon lui, le fait pour ces organismes de recevoir de l'argent pouvait les aider dans leur rôle de régulateurs sociaux : « je vais vous prendre un exemple d'intellectuel. Si on veut faire bouger les choses, comme les cumuls emploi-retraite, qui a été un de mes combats, qu'est ce qu'il faut ? Il faut modifier la Loi, modifier les accords collectifs, modifier une foule de décrets. Et pour donner aux politiques le courage de le faire, il faut apporter à la fois de l'analyse juridique, de la comparaison, et donc organiser un colloque européen sur l'affaire, et puis élaborer de la doctrine; faire sortir un livre sur ce sujet et aider un intellectuel à le publier à compte d'auteur fait partie de la régulation sociale et le fait de le publier à compte d'auteur est plus efficace que si c'était une publication patronnale. Voilà une petite fable sur ce qui est possible et profondément utile. » Pour les médias, il disait : « Par exemple j'avais acheté – ça ne s'est pas fait en liquide mais par chèque – quatre pages dans le Monde quand on

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avait mis en place les ingénieurs par la voie de l'apprentissage. L'évolution sociale de notre pays est une maïeutique entre tous ces ingrédients: décideurs, syndicats etc, etc... je crois que c'est ce qui nous différencie des pays anglo saxons: le lobbying faisant partie de la régulation sociale il n'y a pas besoin de l'inventer. » Pour les besoins des syndicats, cela relevait de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC ; comme il l'a dit à plusieurs reprises, il était sollicité par certains : « Le problème des syndicalistes français, c'est une donnée historique, c'est que le poids du public est beaucoup plus fort que celui du privé. Il y a une sous représentation constatée au sein des syndicats, des hommes et des femmes qui ont une expérience au sein du privé. Cela est du aussi à des raisons statutaires qui facilitent une forme de sur représentation et dont une meilleure connaissance des problèmes du public par rapport à ceux du privé. D'où parfois leur incompréhension des problèmes de mondialisation qui eux même ne touchent par ailleurs pas la totalité du privé, et on revient à la nécessaire diversité et des corps intermédiaires forts. » À la question : « comment Denis GAUTIER-SAUVAGNAC pouvait il aider face à ce problème? », il répondait : « comme je vous l'ai dit je ne suis pas à la place de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, mais on peut supposer qu'il a toujours aidé tout ce qui contribuait à la prise en compte de l'économie de marché dans notre pays. » À la question : « y avait il un contrôle de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC sur l'utilisation de l'argent qu'il donnait par exemple aux syndicats? », il répondait : « d'abord je n'ai pas dit qu'il donnait aux syndicats, et en supposant qu'il le fasse, il jugeait les résultats en tant qu'expert qu'il était et qu'il est de la situation sociale de notre pays. » À la question : « je vous posais cette question car les bénéficiaires pouvaient utiliser cet argent comme bon leur semblait, par exemple pour "payer les cigares", qu'en dites vous? », il répondait : « je ne sais pas. Les bénéficiaires étant eux même soumis à la Loi de 1884 et n'ayant pas de comptabilité, nous aurons du mal à trouver la trace de vos cigares. » À la question : « pouvez vous nous dire si certains parlementaires, ou leur assistant comme il est dit dans le dossier, dans le cadre d'un lobbying, ont pu être approchés par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et bénéficier de ces subventions? », il répondait : « j'étais le principal lobbyeur de l'UIMM en matière d'emploi, de formation, d'éducation et de retraite pour l'UIMM. j'étais donc en contact avec les ministres, les députés sénateurs et tous leurs collaborateurs à l'assemblée nationale, et surtout permanents des groupes parlementaires qui comme vous le savez ont une énorme influence dans la préparation des Lois. À ma connaissance, aucun d'entre eux n'a touché le moindre centime, et en tout cas je n'ai jamais utilisé ce moyen dans ma politique d'influence. Je préférais les dossiers er l'appui des syndicats de ma branche quand j'avais réussi à les convaincre. Dans ce travail, j'ai constaté à nouveau le manque de compétence de tous ces collaborateurs sur l'économie de marché. Cette conviction avait été renforcée par mon mandat de conseiller régional de Bretagne où j'avais été sidéré de l'insuffisante prise en compte de l'économie par les collègues de la majorité régionale de l'époque. J'avais donc suggéré que le MEDEF et l'UIMM obtiennent de la Loi l'autorisation de mettre à disposition des parlementaires, des salariés de l'UIMM pour leur apporter cette connaissance. Cette pratique est considérée comme suspecte aujourd'hui. J'espère qu'un gouvernement aura le courage d'autoriser cette forme de lobbying qui bien entendu nécessité un minimum d'encadrement réglementaire. Ma proposition n'a pas été retenue, et je dois dire que les dernières élections

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ont encore montré que les hommes et les femmes d'entreprises sont malheureusement toujours aussi mal représentés au Parlement que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée Nationale. » Sur les remises des espèces par lui-même à certains organismes universitaires, il confirmait ses précédentes déclarations : « L'UIMM a toujours à ma connaissance, souhaité une évolution des liens entre l'université et le monde de l'entreprise; C'était une de mes missions principales et mes prédécesseurs, Pierre GUILLEN et Emile BOURSIER avaient établi des contacts avec l'ensemble des représentants étudiants et personnel universitaire. L'un et l'autre ayant des responsabilités dans différentes instances de notre pays pour ce secteur. Lorsque Denis GAUTIER-SAUVAGNAC est arrivé, lui n'avait aucun contact universitaire, et c'est moi qui les assumait en ayant succédé progressivement à Pierre GUILLEN entre 1987 et 1994. C'est ainsi que je suis devenu vice-président du haut comité Education Economie du conseil supérieur de l'éducation etc... Pour continuer à aider ces milieux, il fallait maintenir une discrétion totale, ne serait ce que pour la sécurité de certains, puisque quelques monopoles universitaires farouchement anti patronnaux maintenaient leur présence , souvent par la menace. Il a fallu des années pour voir l'émergence de syndicats d'étudiants plus mesurés, et aujourd'hui je me félicité du pluralisme qui existe. Chacun a aujourd'hui les moyens qu'il n'avait pas hier pour se présenter aux élections etc... Contrairement à ce que j'ai pu lire dans la presse, il ne s'agit pas d'un syndicat dit de droite. J'étais donc le facteur le plus discret, car je rencontrais ces personnes dans l'exercice de mes mandats, tout à fait naturellement, notamment au Conseil Supérieur de l'Enseignement et de la Recherche, ou toutes les parties sont représentées. Je remettais donc aux personnes que me désignait Denis GAUTIER-SAUVAGNAC les aides sus citées. Quant à vous donner leur nom, c'est à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC d'en prendre la responsabilité. Comme je l'ai dit aux policiers, ils étaient moins de dix car il n'y a pas plus de dix syndicats d'étudiants et d'enseignants représentatifs; Et en vous disant que je les rencontrais au CNSER vous pouvez faire la liste vous même si vous le souhaitez. C'était toujours en décembre ou en janvier, c'est-à-dire au milieu de l'année universitaire. Vous conviendrez que ces sommes sont bien modestes, mais remplacer une photocopieuse, remettre en ordre un local saccagé, sont des choses qui m'apparaissent bien utiles. Il appartiendra à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC de vous en dire plus s'il le souhaite. Pour ma part, je pense que cette mission rentre bien dans le cadre des attributions de l'UIMM, et je me félicite de la Loi sur l'autonomie des Universités, et je pense que l'UIMM y a contribué. » À la question : « vous avez parlé de moins d'une dizaine de bénéficiaires. 30 000 euros divisés par 10 ça fait 3000 euros. Cela correspondait il à peu près à l'aide pour chacun des bénéficiaires? », il répondait : « Je n'en sais rien, mais je constate que 3000 à 5000 euros qui correspondent aux sommes auxquelles vous faites allusion, ne sont pas du tout négligeables pour une association universitaire. » À la question : « effectivement à la cote D328/1 figure l'article du JDD dont le journaliste parle d'un syndicat de droite. Pour ce qui vous concerne, vous faites allusion à des associations ou syndicats qui ne seraient pas anti patronnaux, peut-on éliminer les associations ou syndicats universitaires de gauche? », il répondait : « je n'éliminerai personne sauf bien entendu, les extrêmes, et dans les milieux universitaires on m'a toujours reproché plutôt mes amitiés à gauche qu'à droite bien que mes engagements personnels soient différents. J'ai toujours été un pragmatique et j'ai toujours travaillé avec tous ceux qui étaient ouverts quelques sois leur tendance politique. Je pourrais citer des hommes avec qui nous avons fait un travail remarquable, un à droite et deux à gauche: Dominique ANTOINE, l'actuel conseiller de l'Elysée, le Professeur DESCOMPS qui a été longtemps le directeur de l'Enseignement supérieur notamment sous Jack LANG et Christian FORESTIER; directeur de Cabinet de Monsieur LANG. Je précise pour qu'il n'y ait pas d'amalgame que ces trois là n'ont jamais rien touché, et c'est notamment acec eux que l'on a fait toutes les lois sur l'apprentissage dans l'Enseignement Supérieur, le fameux BAC professionnel en trois ans qui mobilise actuellement les étudiants, le LMD etc... l'UIMM n'a aucun tropisme avec les universitaires de droite. » À la question : « l'UNEF et l'UNI pourraient par exemple faire partie des bénéficiaires. Qu'en dites vous? »,

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il répondait : « pourquoi l'UNEFID? Pourquoi pas les FAGE? » Matériellement il leur remettait des enveloppes. À la question : « avez vous uniquement repris le flambeau de la remise d'argent à des organismes sociaux qui en bénéficiaient ou avez vous eu personnellement à en remettre à de nouveaux bénéficiaires? », il répondait : « je ne sais pas. C'est Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qui désignait les bénéficiaires. » À la question : « comment abordiez vous le bénéficiaire concrètement? », il répondait : « pour répondre à votre question, c'était des gens qui étaient déjà au courant, et qui attendaient la lettre du facteur. » À la question : « Denis GAUTIER-SAUVAGNAC vous remettait il les enveloppes en même temps, le même jour? », il répondait : « de mémoire oui, de même qu'il m'arrivait de lui rendre en dépôt dans son coffre, si je n'avais pas rencontré en temps utile le bénéficiaire. » Dominique de la LANDE de CALAN était à nouveau interrogé le 11 février 2009 (D665). Il confirmait ses précédentes déclarations : avoir remis chaque année 30 000 euros en espèces, confiés par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, à des organismes en lien avec la vie universitaire. À la question : « lorsque nous procédons à l'examen des feuilles d'émargement aux réunions du C.N.E.S.E.R (D639/2 à D639/20) on constate que les organisations et syndicats régulièrement représentés, sont: l'UNI, l'UNEF, l'UNEF-ID, la FAGE, le PDE et le CÉ. Lors de votre dernière audition vous m'avez indiqué que les syndicats allocataires étaient moins de dix, que vous les rencontriez au C.N.E.S.E.R et que je pouvais moi même en faire la liste, si je le souhaitais. Pouvez vous me confirmer que les syndicats allocataires sont: - l'Union Nationale Inter-universitaire (U.N.I), sise 34, rue Emile Landrin 92100 BOULOGNE BILLANCOURT. - l'Union Nationale des Etudiants de France (U.N.E.F.) sise 112 boulevard de la Villette 75019 PARIS. - l'Union Nationale des Etudiants de France Indépendante et Démocratique (U.N.E.F.-I.D.). - la Fédération des Associations Générales Etudiantes (F.A.G.E.) sise 5 rue Frédéric Lemaitre 75020 PARIS. - la Promotion et Défense des Etudiants (P.D.E.) sise 4 avenue Ruysdael 75008 PARIS. - la Confédération Etudiante (CÉ) sise 43 bis rue d'Hautpoul 75019 PARIS. ou certains d'entre eux seulement? », il répondait : « je vous confirme que tous ceux à qui j'ai pu servir d'intermédiaire me semblent bien être dans la liste qui m'est présentée aujourd'hui. Quant à les désigner personnellement, il ne m'appartient pas de prendre cette responsabilité. Ce serait à Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC de le faire s'il le souhaite. » Il ne voulait pas dire si tous ces syndicats ou associations avaient été allocataires, ou si c'était seulement certains d'entre eux, ou si cette liste n'était pas complète : "c'est à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC de le faire s'il souhaite le faire".

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S'agissant des personnes physiques auxquelles il remettait l'argent, il serait préférable de le demander à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. À la question : « cela fait maintenant un an et demi que cette affaire a vu le jour par la mise en oeuvre d'une enquête préliminaire en septembre 2007. Êtes vous disposé à nous idre si réellement vous savez quelle a été la destination de la somme de 16 544 591 euros, que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a remise à des tiers et qu'il a appelés "des organismes participant à la vie sociale de notre pays"? », il répondait : « Monsieur le juge, vous m'avez posé cette question à plusieurs reprises, et en mon âme et conscience, dans le souci de l'intérêt général, je ne peux que reprendre que les déclarations que j'ai faites lors de mes précédents interrogatoires. » À propos des déclarations de Jacques GAGLIARDI sur les bénéficiaires des remises d'espèces, la C.G.T., le C.N.P.F., la C.F.D.T., F.O., il disait : "ça lui appartient mais l'éclectisme dont il parle ne me choque pas". Sur les déclarations de Jacques GAGLIARDI concernant la C.G.T. bénéficiaire, depuis l'arrivée de Pierre GUILLEN, de quelques centaines de milliers de francs tous les ans, il indiquait : « Si c'était le cas, on voit mal l'UIMM "achetant" la CGT et donc on ne peut sans doute pas reprocher à Pierre GUILLEN, ni à son successeur, le moindre achat de signature comme d'aucuns ont voulu le reprocher. Car en 20 ans de négociations à l'UIMM, la CGT n'a signé qu'une fois sur 25 ou 30 accords, et comme par hasard, l'accord sur la formation professionnelle qui comme le souhaitait la Loi, réservait un financement pour les organisations syndicales signataires, à un taux prévu par les textes. » À la question : « pourquoi dans ce cas là verser de l'argent en espèces à la CGT si c'était le cas? », il répondait : « je n'en sais rien, mais si je réfléchis je pourrais comprendre Pierre GUILLEN et Denis GAUTIER-SAUVAGNAC car compte tenu de la confidentialité en cours, vous voyez dans les médias la publication d'un chèque UIMM au profit de la CGT. » À la question : « que pouvait faire la CGT de cet argent, en chèques ou en espèces – si c'était le cas - ? », il répondait : « il faut leur poser la question. Mais on retombera là ou ailleurs, sur la loi de 1884 que les gouvernements n'ont pas souhaité jusqu'à présent, voir modifiée. » S'agissant du C.N.P.F., il disait que des bruits circulaient dans les milieux patronaux ; il n'en savait pas plus. Arnaud LEENHARDT était certainement beaucoup mieux au courant que lui de cette affaire, et connaissant l'homme, il respectait complètement ses déclarations.

✶ ✶ ✶ À l'audience du 14 octobre 2013, Dominique de la LANDE de CALAN confirmait ses précédentes déclarations sur son parcours professionnel, sur ses compléments de salaire. À ce propos, il disait s'être posé la question à l'entrée ; on lui avait dit que c'était normal ; ensuite il ne s'était plus préoccupé de la question. Il avait été d'accord avec la décision de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC de supprimer ces versements en espèces. Il maintenait ses précédentes déclarations sur ce qu'il savait de la pratique des retraits d'espèces et des bénéficiaires ; il en

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avait eu connaissance à l'époque de Pierre GUILLEN qui lui avait laissé carte blanche par rapport à la vie universitaire. Ensuite, il lui arrivait de dire à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qu'il fallait moduler pour telle ou telle raison entre les récipiendaires. Il ne souhaitait pas préciser à quel syndicat étudiant ou à quelle association d'étudiants, ou à quelle personne physique les représentant, il avait remis des espèces car il ne voulait mettre personne sur "le banc des accusés". Les fonds n'étaient pas distribués à ceux qui partageaient l'opinion de l'U.I.M.M., l'intérêt était de pouvoir parler.

✶ ✶ ✶ Entendue les 3 et 12 octobre 2007 par les services de police (D20, D43), Dominique RENAUD indiquait avoir été engagée comme aide comptable par l'U.I.M.M. en 1976 ; elle avait été nommée chef du service comptable en 2000 en remplacement de Suzanne DUCOURET. Elle percevait environ 4 400 euros nets mensuels. Son supérieur hiérarchique était depuis le 1er janvier 2006 Jean-Pierre FINE, qui avait remplacé Bernard ADAM. Elle indiquait au cours de sa première audition : « A partir du moment ou j'ai été nommée Chef du Service comptable, et que j'ai eu la signature sur les comptes bancaires de l'UIMM, j'ai effectivement signé des chèques afin de retirer des espèces sur un compte de l'UIMM ouvert à la BNP, je ne connais pas le numéro de ce compte, mais tous les renseignements sont à mon bureau. Je suis systématiquement signataire de ces chèques et le co-signataire est toujours monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC. C'est également moi qui vais dans l'agence bancaire récupérer les fonds , Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC ne s'y est jamais rendu. Un chauffeur est mis à ma disposition mais ignore le motif de mon déplacement dans l'agence bancaire. Je vais toujours dans la même agence qui est située 73 boulevard HAUSSMANN à PARIS. En général je téléphone au chargé de clientèle gérant le compte ou à son assistante, une semaine avant le retrait et je l'informe verbalement du montant du retrait et du jour ou je vais passer. Depuis plusieurs années le chargé de clientèle était M.BEGUE, il est parti à la retraite il y a quelques mois, il a été remplacé par M.CHAPPE. Mes instructions sont toujours verbales, je n'adresse pas de courrier ou de fax au chargé de clientèle. Lorsque j'ai retiré les fonds, je reviens de l'UIMM, et je les mets dans le coffre Qui se trouve au service comptable.Je place juste l'argent dans le coffre, il n'y a pas de document qui accompagne cette remise d'espèces. [...] Je reçois mes instructions de Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC , il me dit qu'il a besoin de liquide, je fais en sorte que cela soit fait dans les jours suivants.Je sais que le montant est toujours le même à savoir 200.000 euros. Je rédige le chèque je le signe et le porte à la signature de Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC. » Elle ignorait si d'autres personnes étaient informées de ces retraits ; son seul interlocuteur était Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. À sa connaissance, les personnes extérieures au service comptable n'étaient pas au courant de cette pratique. Elle pensait que les directeurs financiers successifs, Bernard ADAM et Jean-Pierre FINE, n'étaient pas informés de ces retraits d'espèces. Entendue ultérieurement les 27, 28 et 29 novembre 2007 dans le cadre d'une mesure de garde-à-vue (D235 et suiv.), elle indiquait que Bernard ADAM et Jean-Pierre FINE n'avaient jamais eu connaissance des comptes relatifs à l'E.P.I.M. et des comptes dits spéciaux (D244/3). Ce domaine était réservé au délégué général, c'est-à-dire à Pierre GUILLEN puis à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC n'avait pas eu besoin de lui donner de consignes relatives à cette confidentialité. Lorsque Paul LOZNER, expert-comptable, était intervenu pour la première fois, Suzanne DUCOURET avait été assez vexée ; elle ne lui avait pas présenté les comptes E.P.I.M., ni les comptes spéciaux ; aussi lorsqu'elle avait pris sa succession, elle avait continué à procéder de la même façon. Elle n'avait aucune idée de l'utilisation faite de ces espèces ; son rôle était de co-signer le chèque et d'aller chercher les fonds à la banque : « Je n'ai jamais été informée de la destination de ces espèces et je ne voulais pas le savoir, même après 30 années passées à l'U.I.M.M. »

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Elle ajoutait le 28 novembre 2007, en garde-à-vue, que même si elle avait posé des questions, on ne lui aurait pas donné de réponse. La seule chose que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC lui avait dite, c'était que c'était pour les "relations sociales" ; elle n'avait jamais fait de commentaire et il n'avait jamais précisé : « Lorsque je lui apportais l'argent, il a pu me dire cela de façon sarcastique ; je suis sûre qu'il n'aimait pas ces opérations et il employait le terme relations sociales ou bonnes œuvres pour faire bonne figure. » Lorsque Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait besoin d'accéder à ces fonds, il lui demandait de lui apporter telle ou telle somme ; il était le seul à faire ces démarches. Les sommes provenaient des cotisations de l'E.P.I.M. ; elle se chargeait de procéder aux virements du compte Bred de l'E.P.I.M. vers les autres comptes de l'U.I.M.M. à la B.N.P. sur lesquels elle effectuait les retraits d'espèces. Elle chiffrait le montant total des espèces retirées chaque année à environ 1,2 millions d'euros. Les pièces comptables étaient détruites tous les ans à l'issue de l'assemblée générale d'approbation des comptes. Elle dira au cours de son interrogatoire du 2 octobre 2008 (D582) que lorsqu'elle était arrivée en 1976, on détruisait déjà la comptabilité et les souches des chéquiers. Au cours de son audition recueillie le 28 novembre 2007 alors qu'elle était en garde-à-vue (D244), elle disait qu'elle détruisait toutes les données chiffrées concernant l'E.P.I.M. (dans son ordinateur et support papier) ; elle avait toujours connu cette consigne : tout ce qui est relatif à la comptabilité de l'U.I.M.M. doit être détruit annuellement. On peut à cet égard rappeler que lorsque les policiers avaient procédé le 3 octobre 2007 à une perquisition dans les locaux de l'U.I.M.M. (D19), ils avaient constaté que les talons des chèques avaient été déchirés. Elle indiquait encore que lorsque Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait pris ses fonctions de président en mars 2006, il lui avait dit qu'il souhaitait mettre fin à cette pratique car cela ne lui convenait pas mais qu'avant cela il devait constituer une réserve. Il ne lui avait pas expliqué très précisément les raisons de sa gêne mais il ressortait de son attitude que cette pratique lui était déplaisante ; il le lui avait dit ; elle était parfaitement informée du fait que cette pratique de retraits d'espèces lui posait problème. Elle dira ensuite que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC souhaitait arrêter cette pratique de retraits d'espèces depuis son arrivée à l'U.I.M.M. en 1995. Avant sa prise de fonctions de chef du service comptable, elle avait, dès son embauche en 1976, pu constater cette pratique de retraits d'espèces selon le même procédé. Après avoir déclaré au cours de sa première audition du 3 octobre 2007 qu'il n'y avait pas de document qui accompagnait la remise d'espèces alors que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait affirmé au cours de son audition du 3 octobre 2007 qu'il signait des reçus en échange des espèces qu'elle lui remettait, elle déclarait au cours de sa seconde audition du 12 octobre 2007 : « Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC a dit la vérité. Chaque fois que je lui remettais des espèces, j'établissais un reçu sur un morceau de papier supportant le montant et la date qu'il me signait . Je conservais ces reçus pendant une année et à l'issue de l'assemblée générale annuelle de l'UIMM, je les détruisais. Cette pratique de destruction systématique des pièces et documents financiers et comptables a toujours existé, à ma connaissance, et je n'ai fait que m'y conformer. Lorsque vous m'avez initialement posé la question concernant l'existence de ces reçus, j'ai paniqué et je vous ai dit qu'ils n'existaient pas. » Si les reçus de l'année en cours n'avaient pas été retrouvés lors de la perquisition dans les locaux de l'U.I.M.M. le 3 octobre 2007, c'est parce que lorsque l'affaire avait été révélée dans la presse, elle avait pris la décision sans en référer à quiconque de détruire ces reçus. Ré-entendue le 28 novembre 2007 en garde-à-vue (D245), elle disait avoir toujours entendu comme consigne de détruire les reçus en cas de manifestation qui pourrait se dérouler dans les locaux de l'U.I.M.M. ou en cas de risque judiciaire. Personne ne lui avait donné d'instruction. Elle avait toujours entendu dire cela. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC n'était même pas au courant qu'elle avait procédé à la destruction de ces pièces.

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Elle avait appris par la presse fin septembre 2007 qu'une enquête était ouverte sur l'U.I.M.M. et les retraits d'espèces ; elle avait donc décidé de détruire immédiatement ces reçus. Au cours d'un interrogatoire ultérieur le 2 octobre 2008, elle disait que cette "consigne", elle l'avait reçue en discutant avec Suzanne DUCOURET : « C'est très vieux ça. C'était au début, j'ai toujours entendu dire ça, je ne peux pas vous dire si c'était en 1978 ou 1980. » Elle confirmait l'ensemble de ses déclarations au cours de son interrogatoire de première comparution du 17 janvier 2008 (D283) : « Comme vous savez, je suis arrivée en 1976 à l'U.I.M.M. Au moment où je suis arrivée, je tenais la caisse et je savais donc qu'il y avait des sorties d'argent. Dans la caisse j'enregistrais l'entrée des espèces, et il y avait une personne qui enregistrait les dépenses. Ça a toujours fonctionné comme ça. J'ai donc été habituée à ça, et au moment où j'ai pris mon poste de chef comptable, en 2001 je savais du reste comment cela se passait car il m'était arrivé, avant que je prenne ce poste, de remplacer Madame DUCOURET pour aller chercher l'argent à la banque. Au moment où je suis passée chef de service, je connaissais la procédure qui consistait à préparer les chèques que je faisais signer à Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC mais je me servais de l'ensemble des chèques signés dans le mois pour faire une seule opération de retrait afin de ne pas y aller plusieurs fois, pour des raisons de sécurité. Les dernières années, j'allais chercher une fois par mois environ, 200 000 euros. Je co-signais le chèque avec Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC au recto et au verso du chèque. À mon retour de la banque, je déposais cet argent dans le coffre qui se trouvait dans une pièce où il y a des coffres, attenante à notre bureau. Je voyais Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC toutes les semaines pour les règlements fournisseurs et à ce moment là il me disait: "la semaine prochaine il me faudra telle somme en espèces" et généralement j'y allais la semaine d'après, au moment où il signait les règlements fournisseurs. Il évitait de me faire déplacer trop souvent. » Elle insistait sur le fait qu'elle avait spontanément indiqué aux policiers la présence de 2 millions d'euros dans un coffre à la B.N.P. qui n'était pas au nom de l'U.I.M.M. Elle ajoutait : « J'ignore totalement ce que devenaient ces sommes, et je n'ai surtout jamais voulu savoir, et je ne me suis jamais permis de me le demander. » Au cours d'un interrogatoire en date du 5 juin 2008 (D431), elle dira à propos de la destination des espèces : « Je ne me suis jamais posé la question. Je précise que lorsque je suis rentrée en 1976 à l'U.I.M.M., j'ai tout de suite compris qu'il ne fallait pas poser de question. » Elle n'avait pas eu le sentiment que lorsque des événements sociaux importants se déroulaient, cela correspondait aux dates où on lui demandait de l'argent : « ... car moi, je ne me demandais pas où ça allait, et à aucun moment, je n'ai fait de rapprochement de ce type. » À aucun moment, Pierre GUILLEN ou Denis GAUTIER-SAUVAGNAC n'avait laissé filtrer le nom d'un bénéficiaire. Pour elle, seul le service comptable et Denis GAUTIER-SAUVAGNAC étaient au courant. Au service comptable, il y avait Véronique VITTORI et Madame WANAVERBECQ. Elles savaient qu'elle allait chercher de l'argent mais elle ne s'en occupait pas du tout. Quand elle était passée chef de service, elle s'était efforcée à rendre la procédure beaucoup plus discrète. Avant, tout le monde était plus ou moins au courant au sein du service comptable, dans la mesure où tout le monde faisait un acte : « moi même je remplaçais Madame DUCOURET lorsqu'elle était en vacances, une collègue remplissait le chèque, une autre faisait la caisse. Lorsque j'ai été nommée, je faisais tout pour ce qui concerne les retraits, mes collègues n'intervenaient plus dans ce domaine. » Entendue le 16 octobre 2007 par les services de police, Véronique VITTORI (D51) indiquait que quelques mois après son arrivée à l'U.I.M.M. (1980), elle avait découvert cette pratique de retraits d'espèces dont était chargée Madame DUCOURET. Elle ne pouvait rien dire à ce sujet ; il lui arrivait seulement d'entendre des conversations téléphoniques lorsque

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Dominique RENAUD commandait des espèces à la banque ; les comptes sur lesquels étaient prélevées les espèces étaient du domaine exclusif de Dominique RENAUD. Elle ne savait rien de la destination de ces espèces et n'avait jamais posé de questions à ce sujet. Dominique RENAUD se rappelait qu'une fois à la B.N.P., Alain BEGUE lui avait plus ou moins parlé de ces retraits d'espèces ; il lui avait demandé où ça allait. Elle lui avait dit que ce n'était pas à elle qu'il fallait s'adresser mais à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Selon elle, Alain BEGUE lui avait dit cela plus ou moins en plaisantant. Au cours d'un interrogatoire ultérieur le 2 octobre 2008 (D582), elle disait que le silence régnait à l'U.I.M.M. "et ça continue toujours, je puis vous rassurer ; tout est complètement cloisonné". Interrogé au cours de son interrogatoire de première comparution sur la destruction des reçus relatifs aux remises d'espèces, elle expliquait à nouveau que ces reçus concernant l'année 2007 étaient dans le tiroir de son bureau. Elle avait fait ça spontanément, de sa propre initiative, sans prévenir Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Chaque année, après l'assemblée générale, ces documents étaient détruits et elle avait décidé de le faire maintenant. Elle n'avait pas commis ces faits pour entraver l'action de la police. Sur ces documents, il n'y avait rien, il y avait juste le montant, " c'est plus moi à qui ça a pu manquer par la suite". Par exemple, si Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait contesté pour 2007 avoir reçu l'argent, elle n'aurait plus eu de preuve pour le contrecarrer. Il faisait ces reçus dans le but de décharger les comptables. Personne de la direction ne lui avait jamais dit qu'en cas de problème, il faudrait déchirer ces documents, "c'est seulement entre nous à la comptabilité qu'on disait que s'il y avait un problème, on détruirait". Elle indiquait également, devant les services de police, que des salariés de l'U.I.M.M. avaient par le passé perçu des compléments de salaires en espèces ; cette pratique s'était arrêtée au 1er janvier 2007 sous l'impulsion de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Cette pratique concernait environ 6 ou 7 personnes en activité à l'U.I.M.M. ainsi que certains retraités de l'U.I.M.M. Concernant les retraités, cela s'était arrêté depuis longtemps. Il existait une liste des personnes bénéficiaires : « Cette liste était en ma possession, comme elle l'a été en celle de Madame DUCOURET, en somme uniquement entre les mains de la Chef Comptable. Tous les trois mois, je retirais du coffre de la comptabilité la somme inscrite sur cette liste et je apportais aux bénéficiaires la somme d'argent à laquelle ils avaient droit, dans leurs bureaux à l'UIMM. Pour les retraités, ils venaient à l'UIMM pour prendre possession de leur argent tous les trimestres. Les montants étaient variables suivants les bénéficiaires. [...] Seuls Messieurs Bernard ADAM et GAUTIER-SAUVAGNAC et moi-même étions au courant du contenu de cette liste. A ma connaissance, Monsieur FINE n'était pas au courant de cette liste et de ses remises d'espèces et, à l'époque, l'information n'a jamais filtré. Messieurs GAUTIER-SAUVAGNAC et ADAM seront en mesure de vous communiquer les noms des bénéficiaires de ces compléments de salaire ainsi que les montants distribués, la liste papier ayant été détruite en Janvier 2007, à mon initiative comme tous les autres documents comptables. » Interrogée sur ce sujet le 17 janvier 2008 au cours de son interrogatoire de première comparution, elle confirmait ses précédentes déclarations. Le magistrat instructeur lui demandait : « Un certain nombre de salariés de l'UIMM, et notamment des cadres, percevaient un complément de salaire en espèces pouvant aller jusqu'à 2000 euros par mois. Parmi les bénéficiaires il y avait Monsieur Alain NOQUE, Monsieur Bernard ADAM, Monsieur Olivier DRAGUE, aujourd'hui décédé, Monsieur DE NAVACELLE, Monsieur CHARTRON, Monsieur DUROY et Monsieur DE LALANDE DE CALAN etc... Pouvez vous me dire pour quelle raison ces versements étaient réalisés en espèces et ne figuraient pas sur les bulletins de salaire des bénéficiaires, dans la mesure où je pense que vu la position de l'UIMM on n'ignorait pas la législation du travail? »,

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elle répondait : « quand j'ai pris le poste en 2001 je savais qu'il y avait des compléments de salaire, qu'il y avait une liste et qu'il fallait préparer les plis au trimestre, s'agissant d'enveloppes contenant des espèces avec telle somme correspondant à un tel ou un tel dans la mesure où chacun n'avait pas la même somme. Certains retraités bénéficiaient également d'enveloppes. Fin 2006 il a été mis un terme à cette pratique, à la demande de Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Je dois dire que les sommes allouées à chacune de ces personnes n'ont pas évolué depuis 2001. J'avais la liste des bénéficiaires dans mon tiroir, et tous les trois mois je faisais une enveloppe pour chacun, je mettais juste l'argent et j'allais leur porter dans leur bureau sauf concernant les retraités qui venaient directement les chercher à mon bureau. » Madame FAIVRE, qui appartenait à un autre service et qui était chargée d'établir les fiches de paye de l'U.I.M.M., n'était pas au courant de ces pratiques. Elle précisait au cours de son interrogatoire du 5 juin 2008 (D431) que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait arrêté les primes sous toutes leurs formes à son arrivée et dès lors, seuls ceux qui en bénéficiaient déjà à son arrivée ont continué à en percevoir; mais toutes les personnes qui ont ensuite été nommées à l'U.I.M.M. n'en ont pas bénéficié. Au cours de son interrogatoire du 2 octobre 2008 (D582), le magistrat instructeur lui donnait connaissance de la liste des noms figurant sur la déclaration additive de salaires établie le 3 décembre 2007 par Jean-Pierre FINE. Elle indiquait remettre des espèces à toutes les personnes y figurant, sauf à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et Jacqueline REVERAULT. Elle pensait que c'était Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qui remettait l'argent à Jacqueline REVERAULT. Au cours de son interrogatoire du 14 septembre 2010 (D957), elle confirmait ce qu'elle avait dit au cours de son interrogatoire de première comparution sur les compléments de salaire dont bénéficiaient certains cadres. La liste était toujours la même, il n'y avait pas de mise à jour, ça n'avait pas bougé. Bernard ADAM n'avait pas de rôle par rapport à cette liste. Son interlocuteur était Denis GAUTIER-SAUVAGNAC mais elle n'en parlait pas avec lui puisqu'il lui avait dit en 2001 que ça ne bougerait plus. Elle confirmait également ce qu'elle avait dit au cours de son interrogatoire du 2 octobre 2008 sur les personnes auxquelles elle remettait des espèces à titre de complément de rémunération. Pour Marie-Thérèse KAYSER, elle remettait les sommes à Michèle LIZEUL. Cette dernière faisait un papier en échange. Elle avait elle-même rentrée Marie-Thérèse KAYSER dans sa liste car elle avait vu que ça revenait tous les mois. Pour elle, il n'y avait pas de note signée de Bernard ADAM. Elle avait détruit les justificatifs remis par Michèle LIZEUL avant que la police n'arrive. Elle était confrontée le 2 décembre 2010 avec Bernard ADAM, Jean-Pierre FINE et Michèle LIZEUL (D997) et n'apportait pas de nouvelles précisions.

✶ ✶ ✶ À l'audience du 14 octobre 2013, Dominique RENAUD maintenait l'essentiel de ses précédentes déclarations. Elle reconnaissait à nouveau la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Elle avait toujours entendu dire que les comptes de l'E.P.I.M. étaient tenus à part, de manière discrète. Elle n'avait jamais posé de questions sur la destination des espèces qu'elle remettait à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Cela ne l'intéressait pas. Elle avait bien vu que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC n'aimait pas ce système là ; il avait un air agacé quand on abordait ces questions ; il avait "hérité de ça, ça ne lui plaisait pas forcément". Elle avait détruit les reçus après la révélation des faits dans la presse car elle ne voulait pas qu'ils tombent dans les mains de tiers. Si les services de police étaient intervenus plus rapidement, elle n'aurait pas pensé à détruire les reçus.

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Le souci de discrétion était également à l'origine du refus de livraison d'espèces à l'U.I.M.M. À propos des rémunérations ou compléments de rémunération en espèces, elle disait que la personne qui s'occupait des payes n'était pas au courant.

✶ ✶ ✶ Entendu le 16 octobre 2007 par les services de police , Bernard ADAM indiquait avoir occupé les fonctions de directeur administratif au sein de l'U.I.M.M. à compter de février 1985 ; il avait été engagé par le prédécesseur de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, Pierre GUILLEN. Au moment de l'arrivée de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, il était devenu directeur administratif et financier. Il avait occupé ces fonctions jusqu'à décembre 2005, date de son départ à la retraite ; il avait été remplacé par Jean-Pierre FINE. Il percevait dans le cadre de ses fonctions une rémunération d'environ 8 900 euros mensuels nets, outre l'usage d'un appartement, 15 bis rue de Matignon à PARIS 8ème, et la mise à disposition d'un téléphone portable. Lorsqu'il avait pris ses fonctions à l'U.I.M.M., il avait quitté son poste de secrétaire général au Groupement des Industries Sidérurgiques et Minières (Gesim), il avait perdu une indemnité qui lui était à l'époque versée en espèces. Il avait demandé au secrétaire général de l'U.I.M.M. de maintenir sa rémunération. Il avait souhaité que cette indemnité ne lui soit plus versée en espèces mais soit incluse dans son salaire ; il lui avait été répondu que cela n'était pas possible; Il avait donc accepté afin de ne pas perdre d'argent. Cette indemnité lui avait été accordée, elle était d'un montant d'environ 2 500 euros par trimestre. Ils étaient environ 5 ou 6 personnes à la percevoir. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait souhaité mettre fin à cette pratique, chose qu'il avait faite, lui semblait-il, fin 2006. Il pensait que le fondement de cet avantage en espèces s'expliquait par le souhait de limiter les écarts apparents de salaires des directeurs de l'U.I.M.M. par rapport à ceux d'autres professions et organismes professionnels ; à l'époque, ils étaient moins bien rémunérés que dans le secteur marchand. À sa connaissance, cette rémunération avait toujours existé ; il était incapable de dire par qui elle avait été mise en place, il pensait que cela remontait à une époque très ancienne. Il précisait qu'il savait qu'il y avait des retraits de fonds opérés en espèces sur certains comptes bancaires de l'U.I.M.M. Il savait que cette pratique existait mais "cela n'intervenait en rien dans ses fonctions" : « C'est pour cela que je n'aimais pas le titre de directeur financier, car tout ce qui concernait l'EPIM échappait à mon contrôle. L'EPIM comme vous le savez est un fond de solidarité géré par l'UIMM, qui aurait pu à mon sens avoir une personnalité juridique. Mais ce n'était pas le cas , ce fond faisant seulement l'objet d'un contrôle mensuel par le Comité de Surveillance. Je ne faisais pas partie de ce Comité qui je crois est composé des Présidents d'honneur et de Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC. Je savaisdonc que les fonds retirés en espèces ne provenaient pas des fonds propres de l'UIMM, mais des cotisations de l'EPIM. [...] Je savais que c'était le signataire du chèque de retrait à savoir Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC qui était également le décideur quant aux retraits à opérer. Madame RENAUD intervenant quant à elle comme simple coursier. Ce procédé était connu et su de l'UIMM. » Il se souvenait avoir rencontré Bruno MATHIEU de la B.N.P. ; ce dernier lui avait dit qu'il y avait d'importantes sorties en espèces et voulait savoir si le vice-président délégué disposait d'un pouvoir pour ce faire puisqu'à l'époque c'était Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qui procédait à ces opérations. Il l'avait renvoyé sur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Mis en examen le 2 avril 2008 (D347), Bernard ADAM s'expliquait au cours de son interrogatoire de première comparution. Il confirmait son parcours au sein de l'U.I.M.M. : « J'ai été engagé comme directeur des services administratifs, le 1er février 1985. Je suis resté à cette fonction tout le

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temps, jusqu'à mon départ à la retraite le 31 décembre 2005. Quand Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC est arrivé aux alentours des années 1992/1994, il a décidé de modifier un peu l'organigramme. À cette époque là il y avait un vice président délégué général, un secrétaire général et moi même en ma qualité de directeur administratif je dépendais du secrétaire général. Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a modifié l'organigramme de la manière suivante: il y avait un délégué général, un délégué général adjoint, et je suis resté directeur administratif avec les mêmes fonctions sauf que là Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'a expliqué que pour l'image de l'UIMMil convenait que soit ajoutée à mon titre, la mention de financier, et mon service est devenu ADMINISTRATION et FINANCE, étant bien entendu que je n'ai pas eu de signature sur les différents comptes de l'UIMM. » Lorsqu'il était directeur administratif et financier à l'U.I.M.M., son salaire était de l'ordre de 11 000 à 12 000 euros. Il touchait également des indemnités trimestrielles d'un montant environ de 2 500 euros ; ces 2 500 euros lui étaient versés trimestriellement par la chef comptable, en espèces. Il expliquait ainsi que cet argent lui soit versé en espèces et ne figure donc pas sur son bulletin de salaire : « C'est très simple. Lorsque j'ai été engagé par l'UIMM, j'avais de par mes précédentes fonctions de secrétaire général, une indemnité de fonction, frais de déplacements etc.. et lorsqu'à l'UIMM j'ai parlé de cette indemnité, le secrétaire général de l'époque, Monsieur Bernard LE ROY m'a dit que de toute façon il ne pouvait pas verser cette somme et je lui avais demandé de l'inclure dans mon salaire, et là Monsieur LE ROY m'a répondu: "je vous la donne. Nous avons des pratiques pour certains directeurs. Nous versons une indemnité en espèces". La raison qu'il m'a donnée c'est qu'au niveau de la hiérarchie des salaires, s'il m'incluait cette prime dans mon salaire, cela créerait une distorsion dans la hiérarchie grade/salaire. Naturellement j'ai accepté. Quand Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC est arrivé il s'est aperçu forcément qu'il y avait ces indemnités versées. Je crois que Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC a fait des déclarations à ce sujet. Ce que je peux vous dire là dessus, c'est que je n'ai été au courant que de primes concernant ma situation personnelle. Pour le reste, seul Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC était au courant. Quand il a pris les rênes de la maison, et que nous regardions ensemble les appointements des directeurs de la maison, la chef comptable me remettait un état nominatif afin de connaître, au moment où nous souhaitions augmenter les salaires des directeurs, quel était le montant des primes qui leur étaient allouées en espèces. Je pense que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a pris les rênes de la maison en 1994. Concernant les chefs comptables, il y a eu Madame DUCOURE, puis Madame RENAULT quelques années après. Quand Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a découvert ces primes, honnêtement cela ne lui plaisait pas. Il a pris une première décision, c'était de geler leur montant puisqu'avant elles étaient indexées sur le salaire. Inutile de vous dire qu'elle fût la réaction des directeurs. Et tous les ans, je demandais à Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC de bien vouloir inclure les primes dans les appointements des directeurs, car ceux ci perdaient leurs appointements, perdaient leurs points de retraite. J'ai été étonné parce qu'en 2005, il m'a dit: "vous faites le nécessaire". C'était d'inclure les primes dans les salaires. Ce qui a été fait le 1er janvier 2006. » Entendu le 10 juin 2008 par les services de police, Bernard LEROY, ex-secrétaire général de l'U.I.M.M., de 1982 à 1995, confirmait l'essentiel des déclarations de Bernard ADAM (D465) : il s'agissait, par le versement de primes en espèces, de compenser une rémunération brute moins importante que celle qu'il percevait dans son emploi précédent. Bernard ADAM précisait que ces primes trimestrielles n'avaient pas perduré après son départ à la retraite. S'agissant de l'origine des fonds ayant servi à payer ces primes, il croyait que c'était une affaire de trésorerie "vous dire que ça provenait de l'E.P.I.M. ou de l'U.I.M.M. compte d'exploitation, ça je ne pourrais pas vous le dire". Bernard ADAM était à nouveau interrogé le 23 mars 2010 (D932). Il admettait, au vu de la déclaration additive de salaires adressée à la C.N.A.V. le 3 décembre 2007 par Jean-Pierre FINE, que cette déclaration avait régularisé la situation juste après l'enquête préliminaire de la Brigade Financière. Il pensait que le montant le concernant figurant sur cette déclaration, à savoir 50 000 euros, était exact. Ces sommes étaient prélevées sur le compte d'exploitation de l'U.I.M.M. jusqu'à 2002, mais après 2002, c'était sur les comptes spéciaux : « ... ils appelaient ça des comptes particuliers, mais je ne suis pas au courant de comment ils ont été alimentés. » Il réfutait le terme de caisse noire.

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« Par contre lorsque je dis "fonds spéciaux", je suppose qu'ils émanaient du fond d'entraide dénommé l'E.P.I.M. » À nouveau interrogé le 25 novembre 2010 (D959), il admettait que les compléments de salaire versés aux cadres (dont ceux qui lui étaient versés) venaient de l'E.P.I.M., de fonds qui n'étaient pas dans la comptabilité de l'U.I.M.M. mais sur des comptes à part qui s'appelaient à l'époque les comptes particuliers, c'est-à-dire les comptes qui ne sont pas dans les comptes de l'U.I.M.M. L'argent ne pouvait provenir que des adhérents de la caisse d'entraide, également adhérents à l'U.I.M.M. À nouveau interrogé le 26 avril 2011 (D1238), il indiquait connaître l'existence des comptes dits comptes spéciaux bien qu'il n'ait jamais eu à les utiliser. Il en déduisait que seule l'E.P.I.M. pouvait les alimenter puisque l'U.I.M.M. ne l'a jamais fait sur ses fonds propres. Il savait, en qualité de secrétaire général, que les espèces retirées de ces comptes avaient en particulier servi à payer des compléments de salaire à lui-même et à d'autres cadres. Interrogé le 23 mars 2010 par le magistrat instructeur sur le cas de Marie-Thérèse KAYSER (D932), il disait que Madame RAMIREZ, concierge dans le quartier, cherchait à se faire remplacer comme femme de ménage au club ; elle avait présenté Marie-Thérèse KAYSER soit à Jean-Bernard PEYRAUD ou à Yvonne QUEROI, son ancienne assistante, pour faire ce travail de femme de ménage. Elle était payée directement par la comptabilité, en espèces. Il ne contestait pas le processus décrit par Jean-Bernard PEYRAUD. Il contestait les déclarations de Michèle LIZEUL selon lesquelles il avait lui-même recruté Marie-Thérèse KAYSER. S'agissant de la note mensuelle pour son règlement, il ne s'en souvenait pas : « Il est possible qu'elle m'ait fait signer une note sans que je la lise. Je précise qu'avec Yvonne QUEROI, ça fonctionnait déjà ainsi, et je n'avais pas besoin de signer une note. Il est vrai que le personnel de ce niveau est complètement perdu et traumatisé lorsqu'il se trouve face à la Brigade Financière. » Il ne se souvenait pas du processus décrit par Michèle LIZEUL mais admettait que c'était possible. Il pensait que les espèces utilisées pour constituer les enveloppes destinées à rémunérer Marie-Thérèse KAYSER venaient de l'E.P.I.M. : « j'avais dit à Madame RENAUD : "tous ces problèmes, je n'en veux plus dans les comptes de l'UIMM . À l'époque Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait voulu faire un audit sur les comptes propres de l'UIMM, et si le commissaire aux comptes avait vu ça, il aurait protesté. » Il ne contestait pas les déclarations d'Annie HIRTZ selon lesquelles au moment du passage à l'euro en 2000, "Bernard ADAM avait transformé ses 5 000 francs par moi en 762,50 euros par mois, soit 9 150 euros par an". En fin d'année, la comptabilité lui donnait un listing et avec ce listing, il préparait les augmentations des cadres avec Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Il fallait bien qu'il sache ce que les gens avaient comme complément de salaire. Il ajoutait : « Avec Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC on s'était fixé un objectif, qu'à partir du 1er janvier 2009, on ne devrait plus avoir aucun paiement en espèces . C'est très difficile quand vous gérez du personnel, d'arrêter tout brutalement et de tout mettre en conformité, et ce dès le premier jour où j'ai été recruté . Les directeurs venaient me voir chaque année pour qu'on arrête le paiement du complément de salaire en espèces, et pour que ce soit intégré à leur salaire. DENYS GAUTIER-SAUVAGNAC, pour différentes raisons, a pris la décision de geler la progression des enveloppes en espèces . J'étais contre ce choix. J'aurais souhaité qu'il intègre cette partie dans le salaire, et j'ajoute que le fait qu'il gèle les compléments avait pour conséquence que je subisse les contestations des directeurs . Et en 2005, il m'a dit "vous faites comme vous voulez". » À nouveau interrogé le 25 novembre 2010 (D959), il maintenait ses déclarations à propos de Marie-Thérèse KAYSER : « Je dois dire que quand je suis arrivé la rémunération de la femme de ménage du club était réalisée en espèces . Avant Madame KAYSER il y avait une autre personne qui s'appelait HERNANDEZ ou FERNANDEZ et Madame KAYSER a été engagée par Madame LIZEUL, et à partir de ce moment là il y a eu une procédure en comptabilité . Je dois dire qu'elle a été rajoutée sur la liste des rémunérations en espèces, qui on l'a vu, assuraient les compléments de salaire. »

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Le magistrat instructeur lui donnait à nouveau connaissance du processus décrit par Michèle LIZEUL pour payer Marie-Thérèse KAYSER ; il maintenait qu'il ne se souvenait pas avoir signé une feuille blanche analysée par Michèle LIZEUL comme une note. À la question : « qui concrètement a pris la décision de rémunérer "au noir" Madame KAISER? », il répondait : « il n'y avait pas de décision à prendre, c'était une pratique. » À la question : « qui appliquait la pratique ? », il répondait : « à mon avis, c'est la comptabilité, mais le service du personnel devait dire on a embauché Madame "DURANT" à la place de Madame "DUPES" . Au service du personnel c'était d'abord Madame QUERCY puis Madame LIZEUL. » Ces versements n'apparaissaient pas dans la comptabilité de l'U.I.M.M., c'était sur des comptes à part, les comptes particuliers. Ces fonds venaient de l'E.P.I.M., comme ceux ayant servi à verser des compléments de salaire aux cadres. Il expliquait : « tout d'abord, concernant les compléments de salaire, ce n'était pas de mon domaine . C'était du domaine du Vice Président Délégué Général . Moi j'ai été mis au courant de ça parce que j'en ai été bénéficiaire quand j'ai été engagé . J'ai expliqué que j'avais une forfait de frais de déplacement quand j'étais secrétaire général, qu'on a pas voulu intégrer à mes appointements . Après j'ai découvert les personnes qui bénéficiaient de ça, parce que tous les ans, en fin d'année, Mademoiselle DUCOURET me donnait une liste avec les personnes qui percevaient les compléments . Moi j'avais besoin de cette liste, parce qu'en fin d'année nous regardions les salaires des cadres avec le vice-président délégué général, et il fallait bien pour l'harmonisation, qu'on connaisse exactement ce que chacun touchait . Pour le reste, notamment la femme de ménage et d'autres cas, c'était au fond une tradition. À mon arrivée j'en ai supprimé une partie, et après on a continué à en supprimer sur les instructions de DENYS GAUTIER SAUVAGNAC . Pour le reste je n'ai rien dit et ça s'est fait tout seul . J'aimerais indiquer que la suppression des reliquats en espèces, devait avoir lieu le 1er janvier 2006 et non pas 2009 comme je l'avais dit puisque le plan a commencé de 2006 à 2010 . » Bernard ADAM était confronté le 2 décembre 2010 avec Dominique RENAUD, Jean-Pierre FINE et Michèle LIZEUL (D997). Michèle LIZEUL maintenait ses précédentes déclarations; Elle précisait que la note dont elle avait parlé était une feuille blanche à en-tête "service du personnel", elle indiquait chaque mois la somme à verser : "veuillez verser tant d'euros à Madame KAYSER" ; cette note était adressée à la compta. En bas de la note, il était indiqué "le directeur administratif et financier". Au début Bernard ADAM signait, après elle signait "pour ordre". Bernard ADAM lui avait présenté l'embauche de Marie-Thérèse KAYSER en lui disant qu'elle remplaçait la personne précédente et que chaque mois, il fallait préparer le règlement. Bernard ADAM indiquait alors : « je suis à peu près d'accord dans l'ensemble, si ce n'est quelques points de détails à savoir, comme je l'avais dit dans certaines de mes auditions, je ne me souvenais pas que je signais des notes concernant ce poste, mais je vous ai dit que dès l'instant où Madame LIZEUL l'avait déclaré, je n'avais pas de raison de le contester . D'après ce que j'avais cru comprendre, c'est que je signais des notes au mois le mois . Je ne me souviens pas avoir signé ce grand papier, mais je ne le conteste pas . Ce dont je me souviens parfaitement bien, c'est qu'il fallait quelqu'un pour remplacer Madame HERNANDEZ ou FERNANDEZ, et c'était le rôle de Madame LIZEUL d'engager la personne puisqu'il fallait remplacer le poste . C'est ce qu'a effectué Madame LIZEUL dans les mêmes conditions que la précédente . Par contre, là où je ne suis pas tout à fait d'accord avec Madame LIZEUL, moi je n'ai pas vu Madame KAISER. » Michèle LIZEUL s'occupait du personnel selon ses instructions.

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Michèle LIZEUL affirmait que ce n'était pas elle qui avait engagé Marie-Thérèse KAYSER, c'était Bernard ADAM qui était son supérieur hiérarchique. Ce dernier disait alors que Michèle LIZEUL avait recruté Marie-Thérèse KAYSER selon ses instructions : « Lorsqu'elle m'a dit qu'il y avait une dame qui partait au Portugal, je lui ai dit d'engager son remplaçant selon les conditions du poste . D'ailleurs je crois que c'est Madame HERNANDEZ ou FERNANDEZ qui a présenté la candidature de Madame KAISER et je crois que c'est le chef cuisinier, Monsieur PAYRAUD qui l'a reçue en premier. »

✶ ✶ ✶ À l'audience du 14 octobre 2013, Bernard ADAM confirmait l'essentiel de ses précédentes déclarations. Il précisait qu'il n'avait pas à avoir connaissance du compte B.R.E.D. sur lequel étaient versées les cotisations des adhérents de l'E.P.I.M. Il connaissait l'existence des comptes qu'il appelait particuliers, sans savoir dans quels établissements bancaires ils étaient ouverts ; il connaissait le principe des comptes de placement. Le fonctionnement de tous ces comptes ne relevait pas de son domaine de compétence. Il ne savait pas qu'il y avait des retraits d'espèces. Lorsque Pierre GUILLEN l'avait engagé ; il lui avait dit "ne vous mêlez pas de ça", à propos de ces comptes de l'U.I.M.M. rattachés à l'E.P.I.M. Il pensait que cette pratique des retraits d'espèces était connue des présidents de l'U.I.M.M., de certains membres du bureau, de certains représentants des chambres syndicales. Il pensait que les syndicats représentatifs avaient perçu des aides de l'U.I.M.M. en espèces ; il le savait par des personnes physiques ; cette pratique datait du Comité des Forges. Il n'avait pas eu de confidence au niveau des partis politiques. Bernard ADAM assumait sa responsabilité s'agissant de l'embauche de Marie-Thérèse KAYSER puisqu'il avait dit à son assistante "faites la procédure habituelle" ; "c'est entièrement de ma faute et ridicule de ma part" . Il admettait que Marie-Thérèse KAYSER avait subi un préjudice.

✶ ✶ ✶ Jacques GAGLIARDI a été entendu le 26 février 2008 par les services de police (D362). Il expliquait quel avait été son parcours au sein de l'U.I.M.M. : « Je suis entré dans l'Association de la Sidérurgie Lorraine en octobre 1966 en tant que chef du service de presse. J'y suis resté jusqu'en 1978, date à laquelle j'ai intégré l'UIMM en tant que directeur des études et des relations extérieures. En 1984 ou 1986, tout en conservant ces fonctions, je suis également devenu conseiller du délégué général et j'ai pris ma retraite en 1995. A l'UIMM, j'avais une double activité : - Analyse politique et économique, dont je tirais des notes que j'adressais au délégué général et un bulletin mensuel dit "bulletin d'humeur" qui était destiné aux adhérents. - Relations extérieures : Je rencontrais des hommes politiques, plus rarement des syndicalistes, des économistes, des chefs d'entreprise et des journalistes. Ces rencontres me permettaient de nourrir mes notes. J'assistais aussi aux négociations paritaires avec les syndicats, mais sans prendre la parole qui revenait au délégué général et au secrétaire général de l'UIMM. Je rendais compte et travaillais essentiellement avec le délégué général. Je n'ai eu affaire qu'à Emile BOURSIER et à Pierre GUILLEN. J'ai pris ma retraite au moment où Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a pris ses fonctions de délégué général et je n'ai donc pas eu affaire à lui en tant que tel. Mon activité de conseil auprès du délégué général n'a rien changé à la nature de mes fonctions. Il s'agissait plus d'un titre que d'autre chose. » Il confirmait les déclarations de Suzanne DUCOURET selon lesquelles elle lui avait à quelques reprises, remis des enveloppes contenant des espèces, fonds pouvant aller de quelques dizaines à quelques centaines de milliers de francs, sur les instructions de Pierre GUILLEN alors délégué général de l'U.I.M.M. Il recevait une prime en espèces à la veille

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de Noël et tous les trimestres une prime beaucoup plus petite. Au total, en fin de carrière, cela devait représenter 50 000 francs environ par an. À son départ à la retraite, il avait perçu une prime en espèces de 500 000 francs remise par Pierre GUILLEN lui-même. Il précisait : « Quand je suis rentré à l'UIMM, Pierre GUILLEN en était le secrétaire général adjoint, soit le n° TROIS, et avait l'ambition d'en devenir le n° UN. Un an après mon entrée à l'UIMM, Pierre GUILLEN m'a proposé en fin d'année 1979, une enveloppe d'espèces en m'indiquant qu'il était de tradition pour les directeurs de percevoir de tels émoluments. Mais il m'a indiqué que je pouvais choisir que cette somme me soit versée officiellement sur ma fiche de paye. J'ai préféré la première solution pour des raisons fiscales, comme tout le monde, je suppose. Cette prime annuelle a été pérennisée et s'est ajoutée plus tard une prime trimestrielle. » Il ne déclarait pas ces compléments de salaire à l'administration fiscale. Il avait cessé, après sa retraite, de percevoir une prime en espèces. Il ne signait pas de reçu lorsque Suzanne DUCOURET lui remettait ses compléments de salaire en espèces. Jacques GAGLIARDI était à nouveau entendu le 5 juin 2008 par les enquêteurs dans le cadre d'une mesure de garde-à-vue (D453 & suiv.). Il indiquait être diplômé de l'Institut des Sciences Politiques de PARIS, licencié en droit et avoir obtenu un doctorat en sciences économiques. Prenant connaissance des indications le concernant figurant sur la D.A.D.S. additive établie le 7 décembre 2007 par Jean-Pierre FINE, il reconnaissait avoir perçu en 2002 et 2003 la somme de 18 300 euros en espèces. C'était un complément de retraite, perçu, selon les bonnes habitudes de la maison, en espèces. De 1996 à 2001, il avait également perçu des enveloppes d'espèces de la part de l'U.I.M.M., pour un montant de 100 000 francs environ par an : « Je savais que cette somme était à ma disposition, que je disposais d'une sorte de crédit. Et au gré de mes besoins d'espèces, je me rendais à l'UIMM pour percevoir une partie de cette somme. Je m'y rendais environ 3 fois par an. Je m'y rendais à l'improviste et la comptable, Mme Suzanne DUCOURET puis Mme Dominique RENAUD, me remettait une enveloppe. Je me rappelle que Mme Suzanne DUCOURET tenait une fiche à mon nom sur laquelle figurait un décompte. Je n'ai pas le souvenir que Mme Dominique RENAUD tenait un décompte, en tout cas devant moi. Cet argent ne m'a jamais été remis par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. [...] J'ai bénéficié de cette faveur au même titre que d'autres, probablement. Cela reste une supposition et, par conséquent, j'en ignore les noms. Je n'avais rien demandé à ma mise à la retraite en 1995 et, si j'ai bonne mémoire, Pierre GUILLEN m'avait dit un truc dans ce genre : "Jacques, pour que vous gardiez un bon souvenir de la maison, vous pourrez percevoir jusqu'à vos 70 ans un petit complément de retraite auprès de Mme Suzanne DUCOURET, 100 000 FF par an, et j'en informerai Denis GAUTIER-SAUVAGNAC". » Il avait eu 70 ans en 2001, cela avait dû s'arrêter fin 2001 : « Il est possible que je sois allé percevoir en 2002 et 2003 des soldes que je n'avais pas perçus les années précédentes. » Cet argent avait été dépensé en dépenses courantes. Il ignorait l'origine des espèces remises. Il n'avait pas déclaré ces sommes à l'administration fiscale. Mis en examen le 18 juin 2008 (D487), Jacques GAGLIARDI était interrogé le 16 juillet 2008 (D551). Il confirmait que Suzanne DUCOURET lui avait remis des enveloppes contenant des espèces correspondant à ses émoluments non déclarés. Il confirmait que Pierre GUILLEN lui avait accordé de percevoir jusqu'à 70 ans, c'est-à-dire jusqu'en 2001, 100 000 francs par an en espèces qu'il récupérait auprès de Suzanne DUCOURET qui tenait une fiche à son nom et qui faisait un décompte. Ce qu'il avait touché en 2002 et 2003 devait correspondre à un reliquat de ce qui lui était alloué jusqu'en 2001.

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Ré-interrogé le 11 mars 2010 (D928), il indiquait ne pas avoir reçu d'indemnité de la part de l'U.I.M.M. depuis 2002 ; il avait eu 70 ans en 2001 et il était convenu avec l'U.I.M.M. qu'il recevrait en espèces un petit complément de retraite jusqu'à ses 70 ans, étant précisé qu'il avait pris sa retraite à 63 ans. Jacques GAGLIARDI fournissait également des explications sur les bénéficiaires des espèces. Devant les services de police au cours de son audition du 26 février 2008 (D362), il indiquait : « Pierre GUILLEN ne m'a jamais précisé les montants qu'il remettait directement ou indirectement aux syndicats de salariés de la Métallurgie, ni comment, à qui, et selon quelle régularité. Je suppose que tous les syndicats bénéficiaient de ces aides, y compris la CGT, je ne l'exclue pas. » Au cours de son audition du 5 juin 2008 en garde-à-vue (D458), il indiquait : « Une chose me frappe, c'est la faiblesse des réactions des organisations syndicales y compris celles de Bernard THIBAULT de la CGT. Nous avons entendu quelques cris plaintifs de leurs dirigeants, rien de plus. Quant au MEDEF, il n'y a guère de raison qu'il n'ait pas continué à bénéficier des mêmes faveurs de l'Union, comme auparavant le CNPF. J'imagine que la contribution financière non officielle de l'Union au MEDEF a pâti de l'élection de Mme Laurence PARISOT en juillet 2005 laquelle n'avait pas les faveurs de l'UIMM, comme vous le savez. » Il confirmait ses déclarations le 16 juillet 2008 devant le magistrat instructeur (D551) en indiquant que Pierre GUILLEN lui avait indiqué donner des sommes en liquide à des syndicats : « Il m'en avait parlé du reste à propos de la CGT parce que c'était une première car à ma connaissance et à la sienne aussi, la CGT ne recevait pas d'argent de l'UIMM avant lui. Concernant la CGT il m'avait dit qu'il leur donnait quelques centaines de milliers de francs tous les ans. » Il confirmait les déclarations d'Arnaud LEENHARDT sur le fait que le C.N.P.F.. avait été l'un des allocataires de l'U.I.M.M. : « j'ai omis de vous parler du CNPF lequel, à ma connaissance, avait parallèlement aux sidérurgistes une action politique. Le CNPF comptait un service des études législatives qui en réalité avait une toute autre activité à ma connaissance toujours et sans garantie je dirais que un représentant du CNPF (que je ne nommerai pas) venait régulièrement s'alimenter en munitions auprès de Monsieur GUILLEN. [...] Cette personne repartait avec sous le bras, un paquet d'une dimension d'une boîte de chaussures, je ne savais pas ce qu'il y avait dedans. » Il supposait que ce paquet ne contenait pas des petites coupures. À la question : « Monsieur LEENHARD a également déclaré alors que je lui indiquais que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait au moment des faits, à peu près huit à dix allocataires, que ces allocataires, s'il s'agissait des syndicats, pouvaient être ceux avec lesquels Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait le plus de relations; Et il a indiqué que ceux avec lesquels il avait le plus de relation, c'était les syndicats qui étaient dans l'UNEDIC, à savoir la CFDT, surtout FO et la CGT. Pouvez vous me dire si ces trois syndicats étaient les allocataires de Monsieur Pierre GUILLEN? », il répondait : « vraisemblablement. Il m'en a peut-être parlé de façon épisodique. Il faut savoir que ces syndicats cohabitent avec les dirigeants patronaux dans un certain nombre d'institutions paritaires comme l'UNEDIC, au Conseil économique et social. »

✶ ✶ ✶ À l'audience du 15 octobre 2013, Jacques GAGLIARDI modifiait ses déclarations à propos des sommes perçues en espèces de l'U.I.M.M. : « Lorsque j'ai été interrogé par la police, et devant le juge d'instruction, j'étais un peu dans le brouillard ; depuis j'ai remis ma mémoire en ordre. »

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Il reconnaissait avoir en 2002 et 2003 perçu les sommes figurant dans la D.A.D.S. rectificative de décembre 2007. Il précisait s'être entendu, au moment de son départ à la retraite en 1995, avec Pierre GUILLEN. Ce dernier lui avait octroyé une somme de 500 000 francs, mise à sa disposition ; en parallèle, il bénéficiait de 100 000 francs par an. S'agissant des bénéficiaires des espèces à l'époque de Pierre GUILLEN, il disait avoir vu quelques grands noms du syndicalisme français entrer et sortir du bureau de ce dernier ; après il lui demandait ce qu'ils venaient faire.

✶ ✶ ✶ Les policiers découvraient le 16 octobre 2007 au domicile de Daniel DEWAVRIN, du 5 avenue Franklin Roosevelt à PARIS 8ème, dans un coffre-fort, la somme de 3 000 euros, 30 billets de 100 euros, à propos de laquelle il disait (D481) : « Cet argent, venant d'une somme globale de 5 000 euros, m'a été remis à ma demande par Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC dans son bureau à l'UIMM, sans doute sur les fonds de cet organisme, fin septembre 2007, en prévision d'un voyage que je devais faire en CROATIE, à charge pour moi de le rendre dans les meilleurs délais. » Entendu le 16 octobre 2007 par les services de police, il disait (D55) qu'aucun reçu ou reconnaissance de dette n'avait été établi : « J'ai demandé à GAUTIER SAUVAGNAC juste avant un voyage à l'étranger de m'avancer du liquide ce qui m'évitait de passer à la banque. Il était convenu que je le rendrai dès mon retour. Il ne s'agissait pas d'un départ précipité mais d'un voyage organisé, et je n'avais pas pensé à passer à la banque. Quand je suis rentré de voyage, il existait une certaine agitation au sein de l'UIMM, et je n'ai pas trouvé opportun de régulariser tout de suite. » Le policier lui posait la question : « Compte tenu de la préparation de ce voyage et des revenus que laissent imaginer vos relevés de compte, l'octroi de cette avance ne semble t-il pas peu conventionnel? », il répondait : « La réalité est souvent incongrue. » Ré-entendu par les services de police le 9 avril 2008 dans le cadre d'une mesure de garde-à-vue, il indiquait que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, au moment de la remise de cette somme de 5 000 euros, lui avait dit qu'elle provenait de la prime "forfait frais de représentation" qui lui est allouée annuellement ; il avait considéré que cet argent lui appartenait. À la question : « Comment n'avez-vous pas trouvé d'autre solution que de demander un vendredi pour un départ le lendemain ou le surlendemain, de l'argent à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC un petit peu en "catastrophe" ? », il répondait : « Il se trouve que le vendredi, avant veille de mon départ, je me suis aperçu que j'avais omis de passer à ma banque pour prélever une somme significative dont je pensais pouvoir avoir l'usage lors de mon voyage en Croatie. Comme ma journée était bloquée à l'UIMM, j'ai fait part à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC de ce fait et il m'a proposé de me dépanner. » À la question : « L'emploi du temps d'un retraité est-il si rempli que cela pour ne pas trouver le temps d'un rendez-vous avec son agence bancaire afin d'effectuer un retrait d'espèces de 5 000 € qu'un distributeur automatique ne permet peut-être pas ? », il répondait : « J'avais oublié de le faire. » À la question : « Votre épouse ne pouvait-elle pas procéder elle-même à ce retrait en vos lieu et place, ou sur son compte personnel ? »,

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il répondait : « Sans doute, mais j'avais prévu de le faire moi-même. » À la question : « Pouvez-vous Nous expliquer pourquoi vous avez demandé 5 000 € pour, au final et a priori, n'en utiliser que 2 000 € ? Avez-vous écourté votre séjour ? Aviez-vous vu trop "large" ? », il répondait : « J'avais prévu d'avoir de l'argent liquide parce que quand nous allions à terre, dans la mesure où il s'agissait d'une croisière, il peut y avoir de multiples occasions d'effectuer divers achats et les commerçants font parfois des rabais en cas de paiement en liquide. Je n'ai trouvé à faire des achats qu'à hauteur de 2 000 € sur les 5 000 € empruntés. » Il avait remboursé Denis GAUTIER-SAUVAGNAC en espèces, après la perquisition du 16 octobre 2007 ; il lui avait remis la somme de 5 000 euros, en tête à tête, dans son bureau dès le retrait en banque effectué. Les policiers constataient l'existence d'un retrait de la somme de 8 000 euros le 18 octobre 2007. Au cours de son interrogatoire du 26 juin 2008, Daniel DEWAVRIN indiquait au magistrat instructeur (D518) : « je devais partir pour ce voyage qui était une croisière de 8 jours dans l'Adriatique au cours de laquelle il était prévu qu'on fasse des excursions à terre. Je voulais amener certaines sommes d'argent pour les achats éventuels lors de ces excursions. Je me suis aperçu le vendredi précédent mon départ que je n'avais pas été à la banque pour prélever une certaine somme. Le vendredi quand je m'en suis aperçu, je me suis trouvé bloqué par des rendez-vous à l'UIMM toute la journée. En sortant du déjeuner j'ai fait part de mon agacement de n'avoir pu aller à la banque, à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qui s'est proposé de me dépanner, ce qu'il a fait en mettant à ma disposition 5000 euros. Je n'en ai dépensé qu'une partie et le reste était dans mon coffre où j'avais d'ailleurs un peu oublié qu'il était. C'est comme ça que les enquêteurs auxquels j'ai spontanément et tout de suite ouvert mon coffre, ont trouvé une enveloppe juste devant eux. Ils m'ont demandé d'où elle venait, je leur ai expliqué ce que je viens de vous dire . À la fin de la matinée où les enquêteurs étaient restés avec moi, nous sommes tous allés ensemble dans mon bureau de l'UIMM où, à leur demande, j'ai appelé par téléphone Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Quand celui ci est arrivé, avant toute chose je lui ai demandé de confirmer qu'il m'avait bien avancé de l'argent. Il a tout de suite dit qu'il m'avait avancé 5000 euros. Ce qui à mon avis confirme clairement ce que je viens de vous dire, puisque je n'avais pas pu le voir entre temps. J'ai remboursé cette somme quelques jours après. » Denis GAUTIER-SAUVAGNAC lui avait dit que cet argent provenait de son allocation forfaitaire pour frais. Entendu le 28 novembre 2007 dans le cadre d'une mesure de garde-à-vue (6ème audition D225), Denis GAUTIER-SAUVAGNAC confirmait les déclarations de Daniel DEWAVRIN. Cette somme ne provenait pas de la caisse de l'U.I.M.M. mais du solde de ses frais de représentation forfaitaires qui se trouvaient ce jour là dans le coffre de son bureau. Daniel DEWAVRIN l'avait depuis remboursé en espèces. À la question : « Quelle preuve existe-il que ces sommes provenaient bien de votre solde de frais de représentation forfaitaires et pas de fonds de l'EPIM remis par Mme Dominique RENAUD, dans la mesure où aucune reconnaissance de dette n'a été établie entre vous et Daniel DEWAVRIN ni entre l'UIMM et Daniel DEWAVRIN ? », il répondait : « Il se trouve que sur les 15 000 € de frais de représentation forfaitaires annuels, il m'en restait 5 000 € début septembre et que je n'ai pas estimé nécessaire de faire un contrat en bonne et due forme avec Daniel DEWAVRIN. Je suis surpris que l'on me demande une preuve. » Ré-interrogé le 29 mai 2008 (D427), il confirmait ses précédentes déclarations : « c'est parfaitement exact. Je vais vous expliquer tout cela. Nous étions le vendredi 21 septembre 2007. Il y a eu un déjeuner à l'UIMM auquel participait notamment, Monsieur DEWAVRIN. Dans le courant de l'après-midi, il est venu me demander dans mon bureau, si je n'avais pas des espèces car il partait pendant le week-end en Croatie je crois, et qu'il voulait avoir de l'argent liquide avec lui. Il se trouve que sur les 15 000 euros de frais forfaitaires de représentation qui

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m'étaient attribués chaque année au début de l'année, il me restait dans mon coffre à ce moment là, 5000 euros, qui était donc de l'argent que je considérais comme m'appartenant, puisque ça faisait partie de l'indemnité. Monsieur DEWAVRIN partait une huitaine de jours, je n'avais pas de représentation spéciale pendant cette période, et je lui ai donc prêté ces 5000 euros qui m'appartenaient, qui n'étaient plus à l'UIMM. Je pense qu'il a dû dépenser 2000 euros, il restait 3000 euros dans son coffre. Quelques jours après, Monsieur DEWAVRIN m'a remis les 5000 euros en espèces pour me rembourser. » Au cours de son dernier interrogatoire du 27 avril 2011 (D1243), il disait : « L'affaire des 5 000 euros que je lui ai prêtés est limpide. Il s'agissait d'un prêt à très court terme financé sur ce qu'il me restait des frais de représentation et remboursé quelques semaines plus tard. » Daniel DEWAVRIN indiquait aux services de police le 16 octobre 2007 avoir eu connaissance des retraits d'espèces (D55) : « J'en avais connaissance. J'en ai eu connaissance quand j'ai pris mes fonctions de président en 1999. C'est, je pense, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, le Vice-président délégué-général, qui, à l'époque, m'en a informé. Cela m'a été confirmé par mon prédécesseur, à savoir M. Arnaud LEENHARDT qui a été en poste de 1992 à 1999. Le prédécesseur de M. GAUTIER SAUVAGNAC aux fonctions de délégué général était M. Pierre GUILLEN. En 1999, il m'a été dit que cette pratique remontait à un temps très ancien, mais on ne m'avait pas informé des volumes en jeu. Ceux-ci pouvaient évoluer d'année en année. » À propos du "cercle des initiés", il indiquait : « Ceux qui savaient de façon très précise étaient très peu nombreux au-delà des anciens présidents et délégués généraux. Parmi les gens en activité aujourd'hui, je ne vois personne. Moi-même pendant mes fonctions, je n'en ai parlé à personne. » Il n'avait pas pensé ou tenté de mettre fin à ces pratiques qui découlaient normalement des missions de l'U.I.M.M. Il avait confiance en Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et pensait qu'il utilisait cette possibilité à bon escient dans le cadre des missions de l'U.I.M.M. Sur la destination des espèces, il disait : « Je crois qu'il faut le demander à Monsieur GAUTIER SAUVAGNAC... Il en faisait un usage pour la régulation sociale. » Il ne pouvait pas être plus explicite. Ré-entendu le 9 avril 2008 par les services de police dans le cadre d'une mesure de garde-à-vue (D390 & suiv.), il confirmait ses précédentes déclarations sur le "cercle des initiés" en précisant que Dominique RENAUD et Suzanne DUCOURET étaient également au courant de ces retraits d'espèces. Il précisait également ce que lui avait dit Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et Arnaud LEENHARDT : « Ils m'ont dit que l'UIMM utilisait certaines ressources, en accord avec sa mission, pour favoriser la bonne exécution de cette dernière. Cela ne m'a pas réellement surpris car, ayant été dans les années 70 et 80 trésorier du GIM, j'ai pu voir à cette époque qu'il y avait un poste "relations sociales" qui assurait des opérations que je peux penser être de même nature. Je crois savoir que le GIM a cessé ces pratiques dans les années 90, avec le président Raoul COLLET, décédé à ce jour comme ses prédécesseurs. J'ai dit par la suite à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC que les temps ayant changé, il serait souhaitable que l'UIMM en fasse de même. [...] Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'a effectivement indiqué que c'était des mouvements en espèces et que c'était, au terme de la loi de 1884, parfaitement légal. Dès 2001-2002, je lui ai quand même conseillé de réduire puis d'arrêter ces pratiques car, au delà de ladite loi, il y avait une évolution de la société. Arnaud LEENHARDT m'a simplement confirmé les pratiques. Ce dernier partageait mon sentiment qu'il fallait arrêter. » Il ne connaissait pas les montants en jeu. Il avait pris conscience des volumes en jeu à compter de septembre 2007 quand l'affaire était apparue. Il ne savait pas si des personnes ou des institutions extérieures à l'U.I.M.M. étaient au courant de ces retraits et

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distributions d'espèces, à part les destinataires. Il ajoutait s'agissant de la connaissance qu'avait le M.E.D.E.F. de ces pratiques : « ... avant les vacances d'été, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'avait rapporté ainsi qu'à une autre personne avoir eu tout récemment une conversation avec Laurence PARISOT de laquelle il ressortait clairement qu'elle était au courant de ces pratiques. Plus précisément : Alors qu'elle interrogeait quelques jours auparavant Denis GAUTIER-SAUVAGNAC sur la poursuite de ces pratiques, il lui avait souri et elle avait conclu en disant : "Je vois que vous continuez". Je ne vois pas pourquoi Denis GAUTIER-SAUVAGNAC aurait inventé cette conversation plusieurs mois avant que l'affaire n'éclate dans la presse. » L'autre personne qui était avec lui était Arnaud LEENHARDT. Il ajoutait sur les instructions ou conseils donnés à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC sur ces retraits d'espèces : « Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je lui ai conseillé de réduire aussi rapidement que possible ces pratiques puis de les arrêter mais, en tout état de cause, de respecter le cadre de la loi de 1884. Je n'ai formulé aucun autre conseil ni formulé d'autre observation. Il en était d'accord et m'a dit qu'il fallait du temps pour tout arrêter; Je pense qu'il était en train de le faire quand l'affaire a éclaté. Depuis mon premier conseil, il m'est arrivé de lui en reparler et il m'a dit que c'était en cours. [...] Si j'avais porté l'affaire devant le Bureau, en encore plus devant le Conseil, cela revenait inévitablement à la rendre publique. J'ai pensé agir dans l'intérêt de l'UIMM en choisissant une autre voie, moins brutale, qui semblait d'ailleurs être empruntée par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. » Il ne connaissait pas les bénéficiaires. Il ne savait pas s'il s'agissait de syndicats de salariés. Il pensait qu'il devait s'agir d'entité relevant de la loi de 1884. Il ne pensait pas qu'il s'agissait de parlementaires dans le cadre du lobbying avéré de l'U.I.M.M. Il n'avait aucune raison de penser qu'il s'agissait de partis politiques. À sa connaissance, il ne s'agissait pas d'organisations participant à la vie universitaire. Interrogé le 26 juin 2008 par le magistrat instructeur (D518), il maintenait ses précédentes déclarations sur l'information qu'il avait eue en 1999 sur les retraits d'espèces. Il ne savait pas quelles étaient les sommes et la fréquence des retraits. Il n'avait pas interrogé Denis GAUTIER-SAUVAGNAC à ce propos : « Denis GAUTIER-SAUVAGNAC soutenait que c'était de sa responsabilité opérationnelle. J'étais au courant du principe, puisqu'il me l'avait dit, et il a toujours dit qu'il préférait être seul à maîtriser ce problème, comme dans le cas des compléments de salaire, je lui ai très ai vivement suggéré de mettre fin à ces pratiques. Il en est convenu et il m'a dit qu'il était en train de le faire. » À la question : « Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a indiqué que ces retraits avaient pour but de "fluidifier les relations sociales" et que c'était une pratique depuis très longtemps. Comment vous entendez le terme de "fluidifier les relations sociales" ? », il répondait : « je crois que comme l'a dit Denis GAUTIER-SAUVAGNAC ces pratiques existaient depuis très très longtemps, peut-être même avant l'UIMM, sur ce qu'on entend exactement par l'expression de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, je ne saurais pas exactement donner une définition. » À la question : « qui, au sein de l'UIMM, était au courant de ces retraits en espèces, selon vous? », il répondait :

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« je pense que la comptable savait. J'ai cru comprendre par la presse que ces retraits venaient d'un chèque signé par les deux. Peut être que le chauffeur qui allait à la banque, avait une idée ou s'était fait une idée. Par ailleurs je ne vois personne dont je puisse dire qu'il était forcément au courant. » Il avait la conviction que Madame PARISOT était au courant car Denis GAUTIER-SAUVAGNAC le lui avait dit dans le cours de l'été 2007 ; il confirmait sur ce point ce qu'il avait dit aux services de police. Il ajoutait : « Plus généralement, ça me paraîtrait incroyable qu'Ernest-Antoine SELLIERE, qui était d'autant plus au courant de ces pratiques, qu'il les avait arrêtées lui même au MEDEF et qui donc savait très bien ce qu'il en était à l'UIMM, n'en ait pas parlé à Laurence PARISOT Lors de la transmission des pouvoirs. Lors de la conversation sur j'ai eue avec Denis GAUTIER-SAUVAGNAC était présent mon prédécesseur, Monsieur Arnaud LEENHARD qui devrait pouvoir vous confirmer ces propos. Dès lors que Arnaud LEENHARD confirme bien ce que j'ai entendu et que je n'ai pas été l'objet d'hallucinations, ma conviction que Laurence PARISOT ait été au courant plusieurs mois avant la révélation des faits est totale. » Il ne pouvait dire si le C.N.P.F. avait été un des allocataires de l'U.I.M.M. Il ignorait le nombre des allocataires. Il n'avait pas une idée de qui ils étaient. Ça l'étonnerait beaucoup que ce soient, au moins depuis les lois sur le financement des partis politiques, des partis politiques. Il n'avait aucune raison de penser que ce soient des hommes politiques pris individuellement. Il n'avait pas d'opinion particulière sur le point de savoir s'il s'agissait de syndicats. Il ne croyait pas que ce soient des syndicalistes de haut niveau afin de les amener à être plus conciliants. Il n'était pas au courant s'agissant des syndicats étudiants. À la question : « Monsieur GAGLIARDI a déclaré dans une de ses auditions : "comme j'étais parfois dans la confidence du délégué général Pierre GUILLEN, il est arrivé qu'il me laisse entendre que la politique de l'Union suivait les traces de nos prédécesseurs et notamment du comité des Forges né dans les années 1880, c'est-à-dire à aider les syndicats de la métallurgie à exister. Il s'agissait d'une politique générale qui n'était pas nouvelle et qui consistait à financer leurs activités: payer leurs permanents, tenir un congrès à Paris, loger et nourrir les délégués syndicaux quand ils venaient à Paris, etc... etc... Je ne pense pas que l'UIMM payait les factures et les salaires de ces permanents, j'en suis même convaincu. Ces aides prenaient la forme de remises en espèces, je le suppose. Pierre GUILLEN ne m'a jamais précisé les montants qu'il remettait directement ou indirectement aux syndicats des salariés de la métallurgie, ni comment, à qui, selon quelle régularité. Je suppose que tous les syndicats en bénéficiaient de ces aides, y compris la CGT, je ne l'exclue pas." Denis GAUTIER-SAUVAGNAC nous a déclaré que ces derniers temps, il y avait entre cinq et dix allocataires. Pensez vous que la CGT puisse en faire partie? », il répondait : « je ne sais pas. » À la question : « lors d'une autre de ses auditions, Monsieur GAGLIARDI a répondu lorsqu'on lui demande s'il a des déclarations à faire sur les bénéficiaires des fonds remis en espèces: "une chose me frappe, c'est la faiblesse des réactions des organisations syndicales y compris celle de Bernard THIBAUD de la CGT. Nous avons entendu quelques cris plaintifs de leurs dirigeants, rien de plus. Quant au MEDEF, il n'y a guère de raison qu'il n'est pas continué à bénéficier des mêmes faveurs de l'Union comme auparavant le CNPF. J'imagine que la contribution financière non officielle de l'Union au MEDEF a pâti de l'élection de Madame Laurence PARISOT en juillet 2005, laquelle n'avait pas les faveurs de l'UIMM, comme vous le savez". Que dites vous des déclarations de Monsieur GAGLIARDI qui nous indique que le MEDEF était un des allocataires de l'Union? »,

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il répondait : « il est probable que le CNPF a été un allocataire. On m'a dit que le MEDEF avait supprimé ces pratiques dès son instauration. Donc l'élection de Madame PARISOT n'a eu aucun effet sur cela. La suppression du lien entre l'UIMM et le CNPF était antérieure à l'élection de Madame PARISOT, à ma connaissance. » Sur les sous-entendus d'Arnaud LEENHARDT selon lesquels les bénéficiaires seraient des syndicats que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC rencontrait dans le cadre de l'U.N.E.D.I.C., la C.F.D.T., surtout F.O. et la C.G.C., il disait : « est ce que Arnaud LEENHARD a des renseignements particuliers pour savoir que les bénéficiaires seraient des syndicats, je ne pense pas, et en tout état de cause, il ne m'en a jamais parlé. Quant à la deuxième question, l'allié naturel de l'UIMM a longtemps été FO. Quand je dis allié, c'est le partenaire avec lequel elle dialoguait le mieux. Ceci a changé en 1995 à tel point que c'est la CFDT qui a repris le poste de leader syndical à l'UNEDIC. Ceci est donc vrai au niveau national. Quant au niveau des branches, l'UIMM s'est toujours appuyée sur les petits syndicats puisque, les décisions se prenant en nombre, ces trois là pouvaient donner une majorité au détriment des deux grands. Ceci est en train de changer puisque de plus en plus on s'oriente vers des décisions à la majorité représentative. Je ne suis pas au courant de ce financement des syndicats. » Interrogé le 26 juin 2008 à propos des compléments de rémunération versés en espèces, Daniel DEWAVRIN, président de l'U.I.M.M. de 1999 à 2006 indiquait : « Je n'étais pas au courant dans le détail. J'avais été mis au courant au moment de mon arrivée ou un peu après, que ces pratiques existaient. Je les avais d'ailleurs vues exercées quand j'avais été au GIM, quinze ans plus tôt. Je crois qu'il y avait une analogie avec les primes de cabinet qui étaient d'usage dans les cabinets ministériels. J'ai dit à l'époque à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qu'il était très souhaitable de régulariser tout cela. Il m'a dit qu'il avait l'intention de le faire, que c'était en cours. » À la question : « en tant que président, vous n'aviez pas la possibilité d'enjoindre à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC de faire cesser cela? », il répondait : « la seule voie que j'aurais pu utiliser, eut été de porter l'affaire devant le bureau qui aurait forcément tranché de tout litige entre le président et le délégué général. S'il y avait une chose que personne ne voulait, c'était de porter un différend devant la place publique car si on en avait informé le bureau, l'affaire aurait été rendue publique. Au demeurant, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'a dit être d'accord avec moi sur l'opportunité de faire cesser ces pratiques, et je crois d'ailleurs qu'il l'a fait, peut être pas aussi rapidement que je l'aurais souhaité. »

✶ ✶ ✶ À l'audience du 15 octobre 2013, Daniel DEWAVRIN maintenait ses précédentes déclarations selon lesquelles la somme de 5 000 euros prêtée par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC provenait des frais de représentation de ce dernier, donc de ses fonds personnels. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC le confirmait : "c'était évidemment de l'argent qui m'appartenait". Sur les 15 000 euros de frais de représentation qui lui étaient alloués annuellement, il lui restait 5 000 euros dans le coffre de son bureau ; il les avait prêtés à Daniel DEWAVRIN qui devait les lui rendre à son retour de voyage. S'agissant des bénéficiaires des espèces, Daniel DEWAVRIN était plus affirmatif qu'au cours de l'instruction. Il affirmait que certains membres du bureau, qui avaient indiqué au cours de leurs auditions, ignorer la pratique de ces retraits d'espèces, ne disaient pas la vérité. Il ajoutait : « Ce qui est sûr, c'est qu'on en a pas parlé au bureau sous ma présidence. Les plus anciens avaient tendant à le savoir beaucoup plus. Il n'en était pas question au bureau parce qu'on ne tenait pas à ce que ça fuite dans la presse... En parler au bureau, à 14 personnes, aurait forcément entraîné des fuites. » L'U.I.M.M. utilisait cet argent dans le cadre de sa mission, pour favoriser le dialogue social. Lui-même ne connaissait pas bien les montants retirés chaque année en espèces ; Denis GAUTIER-SAUVAGNAC disait qu'il était en train de faire baisser ces montants, qu'il allait faire cesser cette pratique.

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Il savait que le C.N.P.F. avait perçu des sommes. Pierre GUILLEN et Denis GAUTIER-SAUVAGNAC lui avaient dit que les syndicats représentatifs étaient des bénéficiaires. Il était certain que les politiques n'avaient pas été destinataires de ces fonds, sans pouvoir expliquer pourquoi il avait cette certitude, si ce n'est que la loi l'interdisait. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC était l'héritier d'une tradition, il avait totalement confiance en lui, il avait la conviction qu'il était honnête et ne s'était pas enrichi ; il avait "fait cela car c'était son devoir" ; il lui avait dit "ne pas aimer ça". S'il avait eu un doute sur le bien fondé de ces pratiques, il avait la possibilité de provoquer le départ de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Personne, devant lui, ne s'était jamais élevé contre ces pratiques. Il se serait opposé à toute distribution de ces espèces à d'autres que les syndicats représentatifs, à toute pratique qui se serait écartée de la mission de l'U.I.M.M.

✶ ✶ ✶ Au cours de son interrogatoire de première comparution du 13 septembre 2008, Frédéric SAINT-GEOURS, président de l'U.I.M.M. depuis le 20 décembre 2007, fournissait les explications suivantes (D953) : Le magistrat instructeur lui présentait la cote D444 du dossier reprenant les éléments de la D.A.D.S. additive de décembre 2007 établie par Jean-Pierre FINE ; il disait que lorsqu'il avait été élu président de l'U.I.M.M. fin décembre 2007, on l'avait informé de la situation concernant le versement de compléments de salaires en espèces ; on l'avait également informé du fait que l'U.I.M.M. avait pris l'initiative de régulariser vis-à-vis des organismes sociaux et du fisc, cette situation et avait procédé au versement des sommes concernées. L'U.I.M.M. avait également incite les personnes bénéficiaires à régulariser leur situation personnelle vis-à-vis du fisc.

✶ ✶ ✶ À l'audience du 15 octobre 2013, le représentant de la personne morale était Jean-Pierre FINE. Il confirmait que, du point de vue de la personne morale, la pratique du paiement de rémunération ou compléments de rémunération n'avait plus lieu d'être. Fin 2007, la personne morale avait souhaité régulariser la situation sur cinq années ; Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait trouvé cette situation en l'état et avait mis fin à cette pratique.

✶ ✶ ✶ Entendu le 6 novembre 2007 (D83, D87) par les services de police, Alain NOQUÉ fournissait les explications suivantes : « Je suis salarié de l'UIMM depuis le 1er janvier 1999. J'ai été embauché par M. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC en qualité de "Directeur Délégué en charge des Etudes et des Liaisons", avec pour mission de rédiger un certain nombre de documents afin de traduire en langage parlant un certain nombre de notes techniques émanant des services de l'UIMM. Je suis également responsable d'un certain nombre d'études en matière de droit social qui vont de l'entrée à la sortie du travail. J'ai beaucoup réfléchi sur les problèmes de seuils qui sont un obstacle à l'embauche. Au jour d'aujourd'hui, je suis également en charge de la rédaction de certaines rubriques de mensuels tels que "L'actualité économique et sociale" et une lettre d'humeur. Dans les autres missions qui me sont imparties figurent la rédaction de notes techniques à la fois sur le plan économique et sur le plan social nécessaires pour le président toutes les fois où il se rend à un assemblée générale d'une chambre syndicale territoriale. En liaison avec les trois délégués régionaux : M. BERNARDI , M. SARLIEVE et M. de CRECY, j'obtiens un certain nombre de renseignements sur la situation économique et sociale de la région et donc de la chambre, et c'est à partir de cette situation que je peux élaborer les notes pour le président. Ce rôle de représentation aux seins des assemblées générales des chambres syndicales régionales est partagé dans un rapport de 2/3 pour Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et 1/3 pour Dominique de CALAN. Depuis 2005, l'appellation de mon poste a changé pour "Directeur des relations extérieures". A ma connaissance, ces fonctions n'étaient pas occupées pas antérieurement à ma venue. En revanche, M. Jacques GAGLIARDI occupait, me semble-t-il, aux côtés de M. Pierre GUILLEN des fonctions de conseiller auprès du Délégué général. Au sein de l'UIMM, je travaille avec ma secrétaire Melle SAUCEROTTE qui disposie d'un ordinateur et qui prend en sténo les différentes notes que je lui dicte. En effet, je ne dispose pas moi-même d'ordinateur professionnel ni même personnel. Je travaille également de façon ponctuelle avec Marie-Laure BONIN qui est responsable de la communication

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de l'UIMM, avec M. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC bien sûr en fonction des besoins qui sont les siens, notes discours etc... Je travaille aussi avec les différentes directions en fonction de l'actualité juridique et sociale. Ce que je viens de vous décrire là représente environ 80% de mon activité. La seconde activité a trait à une activité de rédactions d'amendements et de lobbying parlementaire. Les choses se déroulent de la façon suivante : Le Délégué général est amené en fonction des déplacements qu'il fait en province ou à travers ce que lui disent les délégués régionaux à connaître du besoin des entreprises en matière sociale. Parallèlement, le Délégué général déjeune mensuellement avec les directeurs des affaires sociales des entreprises adhérentes à l'UIMM qui confirment lesdits besoins. Les contacts qu'il peut avoir tant avec le Ministre de l'Emploi et des Affaires Sociales qu'avec son Directeur de cabinet lui permettent de vérifier si les pouvoirs publics sont prêts à avancer sur les différentes contraintes qui pèsent sur les entreprises. Dès que le Délégué général a cerné un problème juridique, il demande aux différents services concernés à l'UIMM ainsi qu'à moi-même de rédiger de façon simple et compréhensible quelques amendements de nature à répondre aux soucis des entreprises. La plupart du temps, le Délégué général, avec sa casquette MEDEF, rencontre la commission parlementaire et bien sûr son rapporteur afin de leur faire part de son souhait et leur transmet, généralement à la fin de l'audition, les amendements proposés. De deux choses l'une : soit le gouvernement partage notre sentiment et l'amendement est susceptible d'être pris en compte par la commission; soit le gouvernement considère que l'amendement est opportun sur le fonds mais qu'il ne peut pas le prendre à son compte tout simplement parce qu'il y a une opposition syndicale. Dans ce cas là, le gouvernement fait passer à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC un message sur le thème : "Tachez de trouver un parlementaire convaincu et le gouvernement en appellera la sagesse du parlement". Dans ce processus, je teins à préciser que je ne suis pas au contact des chambres syndicales territoriales puisque cela ne fait pas partie de mes fonctions, que je n'assiste pas non plus aux différents déjeuners des Directeurs des Affaires Sociales ou DRH pas plus que je n'assiste aux réunions que peut avoir le Délégué général avec le Ministre ou son directeur de cabinet. En revanche, il m'arrive bien sûr, en liaison avec la cellule parlementaire du MEDEF et notamment M. Guillaume RESSOT, de vérifier que nous n'avons pas déposé d'amendements contraires sur le fonds et que nous nous aidons mutuellement à trouver quelques parlementaires qui pourraient être intéressés par ces amendements. Il nous arrive également de contacter quelques conseillers parlementaires directement concernés et en l'occurrence celui du ministère de l'emploi. J'ai notamment travaillé avec M. Arnaud RICHARD, à l'époque conseiller parlementaire de M. BORLOO. J'ai pu lire dans la presse l'expression "d'amendements de 23 heures". Cette expression m'a fait sourire dans la mesure où, quelques soient les circonstances, pour qu'un amendement soit adopté, il faut dans tous les cas de figure deux conditions : Une majorité parlementaire pour les voter et un gouvernement qui les acceptent. » Il ne rendait compte de son travail et de ses missions qu'à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Il était, au moment de son audition, rémunéré à hauteur de 9 500 euros nets par mois sur 12 mois. Il n'avait pas perçu de prime à l'occasion du centenaire de l'U.I.M.M. Il avait perçu des enveloppes contenant des espèces : « Lorsque je suis arrivé en 1999 à l'UIMM, je percevais 25 000 FF de mon ancien employeur. Quand j'ai rencontré M. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, il m'a fait savoir qu'il y avait des grilles salariales à l'UIMM qui ne lui permettaient pas d'augmenter mon salaire dans les conditions que j'aurais souhaité. Je demandais entre 30 et 33 000 FF net par mois. Et c'est à cette occasion que le Délégué général m'a fait savoir qu'il y avait une espèce de "coutume" dans la maison sous forme de "complément de salaire", expression consacrée et qu'il se proposait donc de me donner l'équivalent de 1 200 € par mois en espèces. Il a même d'ailleurs rajouté, qu'ayant tout les deux travaillé en cabinet ministériel, cette pratique était courante, même si à titre personnel je n'ai jamais touché d'enveloppe lors de mes passages en cabinets ministériels de 1986 à 1988. En fait j'ai perçu en espèces 1 200 € de 2000 à fin 2004 ou fin 2005 avant de passer à 2 000 € par mois. Ces espèces m'étaient remises en une seule fois et pour l'année en cours par Mme Dominique RENAUD laquelle généralement se déplaçait dans mon bureau. Ces compléments de salaire ont été arrêtés fin 2006 par décision de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et réintégrés fort heureusement dans le salaire. Fin 2006, mon salaire net mensuel se montait à 5 800 € et pour tenir compte des différentes charges pesant sur les salaires mais aussi l'IRPP, M. Bernard ADAM m'a dit que je passerai à 9 500 net par mois. » Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, et lui seul, décidait du montant de son enveloppe. Il ne s'était jamais intéressé à

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l'origine de ces espèces et à leur enregistrement en comptabilité. Il avait découvert l'existence de l'E.P.I.M. en lisant la presse à l'occasion de la médiatisation de cette affaire. Alain NOQUÉ était mis en examen le 3 avril 2008 (D350, D560). Il confirmait ses précédentes déclarations sur son cursus au sein de l'U.I.M.M. en précisant qu'il avait lui-même demandé, à partir de 2005, à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC de changer de titre pour devenir directeur des relations extérieures. Au sujet de sa rémunération, il confirmait également l'essentiel de ses précédentes déclarations, en précisant : « J'ai été un petit peu étonné de la façon dont les choses fonctionnaient à l'Union, et Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'a fait savoir qu'il avait déjà depuis 1993 pris un certain nombre de mesures pour limiter de façon drastique ce type de pratique et qu'il espérait y mettre fin dans les plus brefs délais. Je dois dire que tous les ans j'allais voir celui qui faisait office de secrétaire général, Monsieur Bernard ADAM pour lui demander de bien vouloir agir auprès de Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC pour modifier la donne, qui en effet était très pénalisante pour nous en terme de points de retraite. Et c'est Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qui a décidé d'y mettre fin de façon unilatérale, à la fin de l'année 2005. C'est-à-dire qu'à partir de 2006 les salaires ont été régularisés. » Ils avaient été plusieurs à faire cette demande auprès de Bernard ADAM qui lui disait, de façon un peur marrie, qu'il avait essayé de faire changer l'attitude de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC qui lui répétait qu'il allait effectivement y mettre fin. Son salaire mensuel, juste avant la régularisation en 2006, était aux alentours de 5 500 euros nets, sachant que depuis son arrivée il bénéficiait d'une augmentation annuelle allant de 3 à 5 %. En 2006, son complément de salaire était de 2 000 euros par mois. Cette somme n'avait pas varié entre son arrivée à l'U.I.M.M. et 2006. L'augmentation évoquée ne concernait donc pas la totalité de son salaire mais une partie de celui-ci, ce qui lui faisait dire très gentiment à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC que lorsqu'il avait la bonté de lui donner 5 % d'augmentation, ce n'était pas 5 %, mais 5 % de son salaire déclaré. Pour la remise de ce complément de salaire en espèces, il était appelé par la comptable, Dominique RENAUD qui lui remettait les fonds dans une enveloppe. Il ne connaissait pas l'origine des espèces qu'il percevait. Il avait appris l'existence de l'E.P.I.M. des retraits d'espèces par la presse.

✶ ✶ ✶ À l'audience du 16 octobre 2013, Alain NOQUÉ confirmait l'essentiel de ses précédentes déclarations. Il insistait sur le fait qu'il lui paraissait impossible d'"acheter" des amendements, des députés ou des sénateurs. Il précisait avoir au début de sa prise de fonctions à l'U.I.M.M. en 1999, non 1 200 euros par mois en espèces mais 12 000 francs. La somme n'avait jamais varié.

✶ ✶ ✶ Aymeric DUROY de SUDUIRAUT était entendu par les services de police dans le cadre d'une mesure de garde-à-vue (D508 & suiv.). Il était titulaire d'un D.E.A. de droit social. Il expliquait être salarié de l'U.I.M.M. depuis le 17 janvier 1977 : « J'étais salarié de la société Interfuel quand le secrétaire général de cette entreprise m'a indiqué que l'une de ses relations cherchait un juriste. J'ai donc été mis en contact avec M. Jean ROCHE, directeur du service "Contrat de travail et conventions collectives" de l'UIMM. J'ai été reçu par ce dernier lequel m'a annoncé le salaire dévolu au poste à pourvoir : un poste de juriste dans ce service. Je suis donc salarié de l'UIMM depuis le 17 janvier 1977. En fait, depuis 30 ans, j'exerce à peu près les mêmes fonctions dans ce même service dont j'ai été nommé co-directeur adjoint le 1er janvier 1985 puis directeur le 1er janvier 1991 en remplacement de M. Jean ROCHE, appelé à d'autres fonctions au sein

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de l'UIMM. L'activité de mon service consiste en un travail, dans le domaine du contrat de travail et des conventions collectives, de : - consultations par téléphonique, par courrier ou par rendez-vous au bénéfice des juristes des chambres syndicales ou des juristes des grandes entreprises adhérentes à l'UIMM. - information par réunions techniques ou par publications juridiques. Par ailleurs, ce service vient en appui juridique des autres services de l'UIMM en tant que de besoin pour la rédaction des conventions collectives et accords collectifs. En 1991, je rendais compte du travail de mon service à M. Bernard LEROY, secrétaire général. En 1995, au départ de ce dernier, la fonction de secrétaire général a disparu; En conséquence et à compter de cette date, j'ai rendu compte à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, nouveau délégué général ou à Dominique de la LANDE de CALAN, délégué général adjoint., selon les sujets traités. » Il ne faisait partie d'aucune instance statutaire de l'U.I.M.M. Il reconnaissait avoir perçu la somme de 90 000 euros en espèces de l'U.I.M.M. entre 2002 et 2006 : « Quand en 1989, la co-directrice adjointe du service "Contrat de travail et conventions collectives" a démissionné, Bernard LEROY, alors secrétaire général, m'a indiqué sans précision de calendrier que le poste encore occupé par Jean ROCHE me serait destiné quand ce dernier prendrait d'autres fonctions. Ayant peut-être la crainte de me voir partir également, il m'a proposé une augmentation de salaire correspondant à celui d'un directeur mais devant m'être accordée en espèces au motif qu'il n'était possible pour le moment de m'accorder officiellement un salaire de directeur alors que je n'en avais ni le titre ni les fonctions. Il a ajouté que quand je prendrais des fonctions de directeur, les choses seraient régularisées et qu'il pourrait alors me verser officiellement un salaire de directeur. A l'époque, j'ai trouvé ses explications "bizarres" mais il m'a assuré qu'il existait tant en matière sociale que fiscale une "tolérance" au profit des organisations syndicales d'employeurs et de salariés résultant de la fameuse loi de 1884 qui, au passage, ne dit absolument rien à ce sujet. Finalement, je lui ai fait confiance. Bernard LEROY m'a donc indiqué une somme dont je ne me souviens pas du montant exact, peut-être de l'ordre de 5 000 FF par mois, me semble-t-il. Sans que je demande quoi que ce soit, ce montant a été augmenté au fil du temps, dans les mêmes proportions que les augmentations individuelles de salaires, jusqu'à, me semble-t-il, la nomination de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC au poste de délégué général en 1994, où il a pris la décision de bloquer les montants à leur niveau du moment. Je précise qu'à ma nomination comme directeur du service "Contrat de travail et conventions collectives" en janvier 1991, cette situation n'a pas été régularisée comme Bernard LEROY me l'avait laissé entendre. » Ces espèces lui étaient remises par le service de la comptabilité : « Melle Suzanne DUCOURET puis Mme Dominique RENAUD m'appelaient tous les trimestres et je me rendais au service comptabilité où elles me remettaient une enveloppe fermée contenant des espèces. Je n'ai jamais croisé de gens dans la même situation que moi. Jusqu'aux révélations faites dans la presse dans ce domaine à compter de septembre 2007, je croyais même être le seul bénéficiaire de ce système. Cet argent m'a toujours été remis par le service comptable, jamais par Bernard LEROY ni par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC ou quiconque d'autre. » Il ajoutait : « Mes primes versées en espèces et qui s'élevaient donc depuis au moins 2002 à 18 000 €par an ont été intégrées à mon salaire à compter du 1er janvier 2007. Ainsi mon salaire mensuel brut est passé de 10 000 € en décembre 2006 à 13 458 € en janvier 2007 pour tenir compte des incidences sociales et fiscales. [...] J'ai usé des sommes qui m'étaient remises en espèces lors de dépenses courantes. Je n'ai pas fait d'achat particulier avec cet argent. » Il n'avait pas de doute sur le fait que ces espèces étaient de l'argent de l'U.I.M.M. Bernard LEROY lui avait dit qu'il ne fallait pas déclarer ces sommes à l'administration fiscale. Quand Jean-Pierre FINE le lui avait indiqué fin 2007 – début 2008, il avait procédé à une déclaration rectificative de ses revenus au titre de l'I.R.P.P. concernant les années 2005 et 2006. Il s'était acquitté respectivement des sommes supplémentaires suivantes : 5 784 euros et 5 472 euros, sans pénalité, ni majoration.

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Il ne savait rien des retraits d'espèces sur les comptes de l'U.I.M.M. avant que la presse ne s'en fasse l'écho en septembre 2007. À propos de l'E.P.I.M., il indiquait : « Je ne sais qu'une seule chose au sujet de ce que l'on appelait "fonds d'entraide", c'est qu'il existait déjà quand je suis arrivé à l'UIMM et dont s'occupait un vieux monsieur M. BETHANCOURT (orthographe incertaine); A part cela, je ne savais rien des règles de fonctionnement, des organes de gestion, du Comité de surveillance, du taux de cotisation, des comptes bancaires dédiés à ce fonds, des placements, de la comptabilité, de la présentation et l'approbation de des comptes annuels de l'EPIM. » Il participait à l'assemblée générale annuelle de l'U.I.M.M. : « Tout le monde y va car, sinon, il n'y a pas assez de monde. Nous étions là pour faire nombre. Mais les salariés de l'UIMM n'ont aucune voix délibérante. Je n'ai pas le souvenir d'intervention de la part du trésorier sur l'EPIM. » Mis en examen le 25 juin 2008 (D516), Aymeric DUROY de SUDUIRAUT s'expliquait au cours d'un interrogatoire du 9 octobre 2008 (D589). Il confirmait ses précédentes déclarations sur son embauche à l'U.I.M.M., ses fonctions. Il confirmait avoir perçu la somme de 90 000 euros en espèces entre 2002 et 2006 ; il confirmait ses précédentes déclarations sur les modalités de ces remises d'espèces par Suzanne DUCOURET puis par Dominique RENAUD. Ces remises d'espèces avaient cessé en 2006 : « Je n'ai pas eu d'explication, mais je sais que c'est quelque chose qui devait être fait depuis longtemps car à l'origine, je n'aurais du toucher mon augmentation de directeur en espèces, que pendant deux ou trois ans. En effet, un an avant d'être directeur on m'a donné une augmentation, mais on m'a dit qu'on ne pouvait pas la verser en virement comme mon salaire. Lorsque je suis devenu directeur, alors qu'on aurait du intégrer cette augmentation à mon salaire, ça n'a pas été fait. Le système de versement en espèces a continué. » En tant que spécialiste des rémunérations et du contrat de travail, il avait trouvé ce procédé de remises d'espèces curieux car il venait d'une entreprise. Mais Bernard LEROY, secrétaire général à l'époque, lui avait dit que "comme nous étions un syndicat, c'était permis". Il n'avait pas cherché à approfondir ce point : « moi je ne connais pas le droit des syndicats, il n'est d'ailleurs écrit nulle part, et si on regarde la Loi de 84 il n'y a rien d'écrit dedans là dessus. Je précise que je suis spécialiste du droit du contrat de travail, mais concernant notamment les obligations employeurs/salariés, mais non pas les obligations vis à vis du fisc et vis à vis de l'URSSAF. Il y a deux autres services qui traitent de ça. Vous me demandez qui sont les responsables de ces services. Il y a le service fiscal dont le responsable est Monsieur PLAS, et le service Sécurité Sociale, dont la responsable est Mademoiselle FAUCHOIS. Ces personnes sont au même niveau que moi. » Il n'avait pas posé de question à ces personnes à ce sujet. Il ne s'était pas posé de question sur l'origine de ces espèces puisque c'était versé par la comptabilité. Il pensait que c'était une tolérance et qu'il n'y avait rien d'anormal dans la comptabilité de l'U.I.M.M. Il confirmait ses précédentes déclarations sur ce qu'il savait de l'E.P.I.M., sur sa participation aux assemblées générales de l'U.I.M.M.

✶ ✶ ✶ À l'audience du 16 octobre 2013, Aymeric DUROY de SUDUIRAUT maintenait l'essentiel de ses précédentes déclarations. Il précisait que jusqu'à la révélation de l'affaire, il avait cru être le seul à bénéficier d'un complément de rémunération en espèces.

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S'il ne connaissait pas le nom "E.P.I.M.", il connaissait l'existence d'un fonds d'entraide.

✶ ✶ ✶ Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE était entendu le 30 juin 2008 dans le cadre d'une mesure de garde-à-vue par les services de police (D526 & suiv.). Ingénieur diplômé de l'Ecole Navale, il était salarié de l'U.I.M.M. depuis avril 1993. Il avait été recruté comme chargé de mission, animateur du réseau des Asfo (Association de formation) par le biais d'un cabinet de recrutement auquel il s'était adressé au sortir de la marine nationale. Il avait été reçu par Dominique de la LANDE de CALAN et avait occupé ces fonctions jusqu'au printemps 1994 ; il était alors devenu directeur adjoint du service formation puis directeur un an plus tard. Depuis 1995, il occupait donc les fonctions de directeur de service désormais appelé "gestion des ressources humaines – formation". Sur le contenu de sa mission, il expliquait : « Tout d'abord, je rendais compte à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et Dominique de la LANDE de CALAN et actuellement au nouveau délégué général, Jean-François PILLIARD. Mon métier est de mettre en œuvre la politique d'éducation et de formation définie par les instances de l'UIMM. Dans le cadre de cette mise en œuvre, je travaille avec les institutions publiques françaises et européennes : ministère de l'éducation nationale et ministère du travail, avec les organisations interprofessionnelles (MEDEF essentiellement), les syndicats de la branche (les 5 représentatifs) et les patronats et syndicats européens. Pour illustrer mes propos et pour mieux comprendre le rôle de ce service, il s'agit, par exemple, d'analyser les besoins de compétences des entreprises de la métallurgie et d'apporter des réponses à ces besoins, soit avec l'éducation nationale (Collèges, Lycées, Universités, CNAM), soit avec le ministère du travail (exemple l'AFPA), soit en direct avec le réseau de formation de la métallurgie (une centaine de centres dans toute la France) ou d'autres opérateurs de formation (Ecoles d'ingénieurs essentiellement). Le service que je dirige ne s'occupe pas du tout de la formation ou de la gestion des ressources humaines du personnel salarié de l'UIMM bien que son appelation pourrait le laisser penser. [...] Je travaille aujourd'hui avec 16 collaborateurs et notamment avec Maurice PINKUS pour ce qui est diplômes, titres et certifications professionnelles, Sylvain AUGERE, pour l'animation du réseau de formation initiale et continue de la métallurgie, collaborateurs "chefs de file". [...] Dans le cadre des missions données par la CPNE (Commission Paritaire Nationale de l'Emploi), mon service et moi sommes amenés à animer des groupes techniques paritaires avec des représentants des 5 syndicats de salariés de la métallurgie. Nous traitons notamment des CQPM (Certificats de Qualification Paritaire de la Métallurgie) et de l'apprentissage au sein de GTP (Groupes Techniques Paritaires), animés soit par M. PINKUS soit par moi-même. Dans le cadre de mon mandat MEDEF (cf. infra), je suis en contact avec des représentants de confédérations syndicales de salariés lors des conseils d'administration ou des groupes de travail spécifiques. Mais je ne suis pas en contact avec des représentants de salariés d'autres branches. » Il ne faisait partie d'aucune instance statutaire de l'U.I.M.M. S'agissant de ses compléments de salaire, il reconnaissait avoir touché la somme de 40 000 euros en espèces entre 2002 et 2006 : « Quand j'ai été embauché en 1993, aucune part de mon salaire n'était versée en espèces. Début 2002, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, estimant que je rendais de bons services et souhaitant me voir rester à l'UIMM, considérant qu'il ne pouvait pas m'augmenter à hauteur de cette satisfaction et ne souhaitant pas me proposer voiture ou moto de fonction, m'a attribué une partie de mon augmentation en liquide, soit 8 000 € par an. Il m'a indiqué que c'était quelque chose de toléré. » À la question : « Comment avez-vous, sur l'instant, considéré ou apprécié cette proposition, par rapport aux considérations fiscales, sociales voire même morales ? », il répondait :

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« C'était une décision que je n'ai pas négociée. [...] Ces espèces m'étaient remises par quart par trimestre. Mme Dominique RENAUD m'appelait et passait me voir dans mon bureau où elle me remettait une enveloppe. Aucun reçu n'était établi, aucune signature apposé. Il n'y avait aucun témoin de ces remises. [...] Ces remises ont cessé à l'issue du troisième trimestre 2006. Je pense que c'est Jean-Pierre FINE qui me l'a annoncé en précisant que cela serait intégré à mon salaire à compter du 1er janvier 2007. Cela m'a été confirmé par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Ainsi, mon salaire brut mensuel est passé de 9 333 € en décembre 2006 à 11 708 € en janvier 2007 pour tenir compte des incidences fiscales et sociales. » Il ne connaissait pas l'origine des espèces qui lui étaient remises. Il ne connaissait pas l'E.P.I.M. avant d'en entendre parler par la presse à propos de "l'affaire l'U.I.M.M.". Il participait à l'assemblée générale annuelle de l'U.I.M.M., en spectateur comme la plupart des cadres de l'U.I.M.M. Il n'avait pas le souvenir que l'E.P.I.M. ait alors été évoqué. Il ne s'était pas interrogé sur l'origine des fonds qui lui étaient remis en espèces au titre de complément de salaire et sur le mode d'enregistrement dans la comptabilité de l'U.I.M.M. Mis en examen le 30 juin 2008 (D536), il s'expliquait au cours de son interrogatoire du 9 octobre 2008 (D587). Il confirmait ses précédentes déclarations sur la date de son embauche à l'U.I.M.M., ses fonctions, le contenu de son activité. Il confirmait avoir perçu de l'U.I.M.M. 40 000 euros en espèces entre 2002 et 2006 à titre de complément de revenus. Ce n'était pas à sa demande que cet argent lui était versé en espèces ; il avait accepté, c'est tout. À la question de savoir s'il avait trouvé normal que l'on remette un complément de salaire en espèces à un cadre, il répondait que la question ne se posait pas comme ça : « La façon dont mon travail était reconnu n'était pas négociable. Quand on m'a proposé une augmentation salariale chaque année en fonction du travail fait, en fonction de l'objectif éventuellement défini, j'ai accepté cette reconnaissance. » Le magistrat instructeur lui faisait remarquer qu'il était cadre dans un organisme qui n'ignorait pas la législation sur le travail, qu'il aurait pu réclamer que ces sommes soient incluses dans son salaire, ce qui du reste était certainement à son bénéfice. Il répondait : « Je répète, ce n'était pas à ma demande et ce n'était pas négociable. Ma seule demande, comme je l'ai dit aux policiers, était d'avoir une voiture ou une moto de fonction. » Dominique RENAUD lui remettait les espèces ; elle passait dans son bureau lui remettre une enveloppe avec l'argent. Ces remises d'espèces avaient cessé en 2006, par décision de la direction sans que celle-ci donne de motifs particuliers. À ce moment là, ces primes ont été intégrées à son salaire. Il ne savait rien de l'origine des espèces qui lui étaient remises ; il supposait qu'elles venaient des comptes de l'U.I.M.M. Il n'en avait pas parlé à d'autres collaborateurs. Il n'avait pas déclaré spontanément ces sommes à l'administration fiscale car Denis GAUTIER-SAUVAGNAC lui aviat dit que c'était autorisé au titre d'indemnités de frais de déplacement. Il était exact qu'il n'avait en réalité pas utilisé spécifiquement ces sommes au titre de frais de déplacement mais dans le quotidien, pour des dépenses courantes. Il ne s'était pas posé la question de savoir d'où pouvaient provenir les espèces servant à payer des compléments de salaire

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aux cadres. Il participait chaque année à l'assemblée générale de l'U.I.M.M. ; il n'avait pas le souvenir de l'évocation à cette occasion des comptes de l'E.P.I.M. Il ne connaissait pas l'E.P.I.M.

✶ ✶ ✶ À l'audience du 16 octobre 2013, Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE confirmait ses précédentes déclarations.

✶ ✶ ✶ Sur les faits qualifiés de travail dissimulé reprochés à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, à l'U.I.M.M. et à Bernard ADAM concernant Bernard ADAM, Guy ARBALOSSE, Pierre CHARTRON, Dominique de la LANDE de CALAN, Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE, Olivier DRAGUE, Aymeric DUROY de SUDUIRAUT, Jacques GAGLIARDI, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, Claude GUERPILLON , Annie HIRTZ, Geneviève MARTY, Alain NOQUÉ, Jacqueline REVEREAULT et Christiane WEIGEL À ce titre, ces prévenus sont poursuivis pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié en s'étant intentionnellement soustrait à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article du Code du travail relatif à la délivrance d'un bulletin de paie. Les textes d'incrimination en vigueur au moment des faits étaient les articles L324-9 et L324-10 du Code du travail : « Le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues par l'article L324-10 est interdit... Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de l'une des formalités prévues aux articles L143-3 et L320. » L'article L143-3 du Code du travail disposait : « Les dispositions du présent article s'appliquent à toutes les personnes apprenties, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme ou la validité de leur contrat. Lors du paiement de leur rémunération, l'employeur doit remettre aux personnes ci-dessus mentionnées une pièce justificative dite bulletin de paie. » Le Tribunal considère que ce texte ne peut trouver application qu'à l'égard de salariés, dans un lien de subordination par rapport à leur employeur, de telle sorte qu'il convient d'exclure les 6 personnes visées par la prévention qui, au moment des faits, étaient retraités, à savoir Guy ARLABOSSE, Olivier DRAGUE, Jacques GAGLIARDI, Claude GUERPILLON, Annie HIRTZ et Geneviève MARTY. Les 9 autres personnes visées par cette prévention, Bernard ADAM, Pierre CHARTRON, Dominique de la LANDE de CALAN, Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE, Aymeric DUROY de SUDUIRAUT, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, Alain NOQUÉ, Jacqueline REVEREAULT et Christiane WEIGEL étaient toutes, au moment des faits, salariées de l'U.I.M.M. Ces personnes, sauf Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, ont reconnu avoir perçu de l'U.I.M.M. des compléments de rémunérations en espèces. Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a, pour sa part, affirmé qu'il ne s'agissait pas pour lui de compléments de rémunérations mais de frais de représentation versés en espèces ; de même Dominique de la LANDE de CALAN a indiqué qu'une partie de ces sommes versées en espèces correspondait pour lui à des frais de représentation versés en espèces. Certains ont évoqué à propos de ces versements d'espèces aux cadres de l'U.I.M.M. des "primes de cabinet" (cf. déclarations de Jean-Pierre FINE du 7 novembre 2007, de Pierre CHARTRON le 11 septembre 2008, de Pierre GUILLEN le 22 novembre 2007, de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC le 15 janvier 2008, de Dominique de la LANDE de CALAN le 14 mai 2008, de Daniel DEWAVRIN le 26 juin 2008). Le Tribunal considère que, quelle que soit l'appellation venant "habiller" ces versements d'espèces par l'U.I.M.M. à des salariés, il s'agissait bien de leur verser des compléments de rémunération, ou une partie de leur rémunération, qui n'étaient pas mentionnés sur leurs bulletins de salaire. Des bulletins de salaire systématiquement incomplets, comportant systématiquement des mentions fausses sur le montant

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réel de la rémunération versée, doivent être regardés, compte tenu de l'importance de la dissimulation des sommes en cause, comme inexistants de telle sorte que l'élément matériel du délit est établi. Pour Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, dont la responsabilité dans son principe, en tant que délégué général, détenant tous les pouvoirs (cf. déclarations d'Arnaud LEENHARDT le 19 juin 2008, de Daniel DEWAVRIN le 26 juin 2008, de Bernard ADAM le 15 novembre 2007) ne peut être contestée, l'élément intentionnel du délit est également établi compte tenu du caractère habituel, revendiqué comme institutionnel, de cette pratique. Les faits de travail dissimulé sont également établis à l'encontre de la personne morale U.I.M.M. puisqu'il est constant que le délit de travail dissimulé a été commis pour son compte, par l'un de ses représentants (le délégué général) au sens de l'article 121-2 du Code pénal. Bernard ADAM n'avait reçu aucune délégation de pouvoir relative aux décisions concernant les montants et les modes de rémunération des salariés de l'U.I.M.M. visés par la prévention ; seul Denis GAUTIER-SAUVAGNAC détenait ce pouvoir de décision, qu'il a toujours revendiqué puisqu'il a seul décidé de mettre fin à la pratique litigieuse. Il convient en conséquence de renvoyer Bernard ADAM des fins de la poursuite pour ce chef de prévention. Sur les faits qualifiés de travail dissimulé reprochés à Bernard ADAM concernant Marie-Thérèse KAYSER Il résulte des déclarations déjà rappelées de Michèle LIZEUL et des déclarations de Bernard ADAM, en particulier à l'audience, que ce dernier ne conteste pas cette partie des faits qui lui sont reprochés puisqu'il est bien celui qui a pris la responsabilité de faire travailler Marie-Thérèse KAYSER sans lui remettre de bulletin de paie. Il sera donc déclaré coupable pour cette partie de la prévention. Sur les faits de complicité de travail dissimulé reprochés à Dominique RENAUD Le délit de travail dissimulé ayant été exclu pour les personnes qui n'étaient pas salariées de l'U.I.M.M. au moment des faits (Guy ARBALOSSE, Olivier DRAGUE, Jacques GAGLIARDI, Claude GUERPILLON, Annie HIRTZ et Geneviève MARTY), il convient de relaxer partiellement Dominique RENAUD pour la partie de la prévention relative à ces 6 personnes. S'agissant de Jacqueline REVEREAULT, il résulte des déclarations concordantes de cette dernière, de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et de Dominique RENAUD, que les espèces remises à cette bénéficiaire, assistante de direction de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, lui étaient remises, non par Dominique RENAUD, mais par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC lui-même, de telle sorte que Dominique RENAUD devra également être relaxée pour la partie de la prévention relative à cette personne. S'agissant des autres bénéficiaires de compléments de rémunération en espèces, Dominique RENAUD ne conteste pas la matérialité des faits, à savoir la remise d'enveloppes contenant ces compléments de rémunération en espèces. Il a déjà été démontré que le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié en se soustrayant intentionnellement à l'accomplissement de la remise d'un bulletin de paie était constitué. Compte tenu du mode opératoire décrit par Dominique RENAUD qui a pris soin de détruire la liste des bénéficiaires, qui a reconnu que la personne chargée d'établir les fiches de paye de l'U.I.M.M. n'était pas au courant de ces remises d'espèces, il est établi que Dominique RENAUD a remis ces espèces en toute connaissance de cause, c'est-à-dire en sachant qu'aucun bulletin de paie n'était remis s'agissant de Marie-Thérèse KAYSER, ou que les bulletins de paie remis aux autres salariés étaient faux compte tenu de l'importance des minorations en cause. En conséquence les faits de complicité de travail dissimulé sont établis à son encontre pour ceux concernant Marie-Thérèse KAYSER, Dominique de la LANDE de CALAN, Bernard ADAM, Alain NOQUÉ, Aymeric DUROY de SUDUIRAUT, Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE, Pierre CHARTRON et Christine WEIGEL. Elle sera donc déclarée coupable pour ce chef de prévention sauf pour l'année 2000 compte tenu de sa nomination au poste de chef du service comptable le 1er janvier 2001. Sur les faits qualifiés d'abus de confiance reprochés à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC

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a) Sur les principes applicables L'article 121-3 du Code pénal dispose : « Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. » L’article 314-1 du même Code énonce : « L'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé. L'abus de confiance est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. » Il résulte des dispositions dont s'agit du Code pénal qu'un individu se rend coupable de l'infraction d'abus de confiance dès lors que, après s'être vu régulièrement remettre, à titre précaire, des fonds valeurs ou un bien quelconque, il commet un acte de détournement portant sur ces derniers et de nature à causer un préjudice au propriétaire ou possesseur de ceux-ci. Ledit détournement peut consister en un acte de dissipation, en une absence ou un retard observé dans la restitution ou encore en un usage abusif de la chose détournée. L'intention délictuelle exigée tant par les dispositions de l'article 121-3 du Code pénal que celles de l'article 314-1 du même Code se déduit de la connaissance, par le prévenu, du caractère précaire de la détention du bien remis et de sa volonté concomitante de se comporter comme le véritable propriétaire de celui-ci. En outre, s'il résulte des dispositions de l'article 9 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 - lesquelles énoncent que "tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable" - qu'en principe, il ne saurait être institué de présomption de culpabilité en matière répressive, de telles présomptions peuvent toutefois, à titre exceptionnel, être établies, même en matière délictuelle, dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité. Par suite, aucune disposition de nature constitutionnelle ou législative ne fait obstacle à l'institution d'une présomption de culpabilité en matière d'abus de confiance commis au préjudice d'un syndicat professionnel ou d'une union de syndicats professionnels - délit dont l'objet est la répression de l'atteinte à la propriété d'autrui - dès lors qu'une telle personne morale de droit privé ayant exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes visées par leurs statuts et concourant, à ce titre, à la mise en œuvre du droit à valeur constitutionnelle de libre communication des pensées et des courants d'opinions en favorisant, par son action statutaire, la participation à la vie démocratique, doit se voir conférer une protection particulière s'agissant de l'intégrité de ses ressources financières résultant notamment du produit des cotisations syndicales versées par les adhérents ainsi que des subventions publiques consenties par les collectivités départementales dans le cadre des dispositions de l'article L 3231-3-1 du Code général des collectivités territoriales issues des dispositions de l'article 216 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale lesquelles autorisent les départements à attribuer des subventions de fonctionnement aux structures locales des organisations syndicales représentatives lorsque celles-ci remplissent des missions d'intérêt général à l'échelon départemental. Pour l'application de ce principe, aucune distinction ne doit être opérée entre un syndicat d'employeurs et un syndicat de salariés. De plus, y compris antérieurement à l'entrée en vigueur de l'obligation imposée aux syndicats par l'article 15 alinéa 1er de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail de produire des comptes annuels, de les faire approuver par l'organe collégial compétent et d'en assurer la publicité, tout syndicat professionnel ou union de syndicats professionnels se devait, conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi du 21 mars 1884 relative à la création de syndicats professionnels, d'employer les fonds dont il avait la responsabilité conformément à la loi ainsi que dans le respect de son objet social et ce sous le contrôle de l'assemblée générale ou d'un autre organe délibérant spécialement mandaté à cette fin. Ainsi, l'ensemble de ces éléments justifie pleinement, au regard des dispositions sus-énoncées de l'article 9 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, l'institution d'une présomption simple selon laquelle, s'il n'est pas justifié qu'ils ont été utilisés dans le seul intérêt du syndicat professionnel, les fonds syndicaux, prélevés de manière occulte par un dirigeant syndical, l'ont nécessairement été dans son intérêt personnel ou à des fins étrangères à l'objet social. b) Sur l'application de ces principes au cas d'espèce

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La remise des fonds pour le montant visé par la prévention (16 546 691 euros) à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC en qualité de délégué général, puis de vice-président délégué général de l'U.I.M.M. est établie par l'ensemble des éléments du dossier et des débats à l'audience ; elle n'a jamais été contestée. Il est également constant que ces fonds étaient remis à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC à charge pour lui d'en faire un usage déterminé, c'est-à-dire en l'espèce un usage conforme à la loi définissant l'activité syndicale, c'est-à-dire l'objet, l'étude et la défense des droits ainsi que les intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans les statuts. Il résulte de l'ensemble du dossier et des débats à l'audience : - que les déclarations de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC sur l'utilisation d'une partie de ces fonds, pour payer des compléments de rémunération en espèces ont été confirmées par les éléments recueillis au cours de l'instruction et à l'audience ; - que l'information n'a pas permis de déterminer quelle utilisation a été faite par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC du surplus de ces fonds, à hauteur d'un peu plus de 15 millions d'euros (hormis le paiement à Anne CUILLE, secrétaire générale de la C.G.P.M.E. de la fin de l'année 2001 à l'été 2004 de la somme d'environ 10 000 francs par mois en espèces et le remboursement de frais de missions). L'information n'a pas permis de déterminer quelle a été la destination de ces fonds, à hauteur d'un peu plus de 15 millions d'euros en raison : - de l'absence d'informations précises et circonstanciées, sur l'identité des bénéficiaires, sur les montants des retraits et leur périodicité, données par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC aux organes statutaires de contrôle de l'U.I.M.M., bureau, conseil, assemblée générale et à l'organe de contrôle des fonds de l'E.P.I.M., le comité de surveillance ; - de l'absence d'informations précises et circonstanciées, sur l'identité des bénéficiaires, les montants des retraits et leur périodicité, données par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC aux directeurs administratifs et financiers, aux trésoriers, à l'expert-comptable (cf. déclarations de Bernard ADAM, Jean-Pierre FINE, Philippe de LADOUCETTE, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC devant les services de police et devant le magistrat instructeur). Cette absence d'information précise et circonstanciée sur la destination des fonds aux organes statutaires de contrôle de l'U.I.M.M. et à l'organe de contrôle des fonds de l'E.P.I.M. résulte en particulier : - des déclarations d'Arnaud LEENHARDT devant le magistrat instructeur ; - des auditions de 13 membres du bureau par les services de police et le magistrat instructeur ; - des déclarations de Daniel DEWAVRIN devant le magistrat instructeur et à l'audience ; - des déclarations de Pierre GUILLEN, de Bernard LEROY, de Jean-Paul BECHAT s'agissant du comité de surveillance de l'E.P.I.M. ; - des déclarations de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC lui-même devant les services de police et devant le magistrat instructeur. Les renseignements d'ordre très général fournis par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC à Bruno MATTHIEU de la B.N.P., les déclarations de certaines personnes entendues dans le cadre de l'information ou à l'audience sur ce qu'elles savaient ou pensaient savoir de la destination de ces fonds, parfois par la rumeur publique (cf. déclarations à l'audience d'Arnaud LEENHARDT, déclarations au cours de l'instruction et à l'audience de Bernard ADAM, de Jacques GAGLIARDI, de Daniel DEWAVRIN, d'Yvon GATTAZ, de Dominique de la LANDE de CALAN) ne permettent pas d'apporter la preuve que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a utilement informé les organes statutaires de contrôle de l'U.I.M.M., l'organe de contrôle des fonds de l'E.P.I.M., le trésorier, les directeurs administratifs et financiers, l'expert-comptable, de la destination des fonds qui lui avaient été remis après avoir été retirés en espèces des comptes de l'U.I.M.M. À cet égard la lecture des pièces fournies par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC en fin d'information ou à l'audience (lettre de Monsieur BATAILLON-DEBES du 28 mai 2012, courrier au nom de l'Union des Industries et Métiers de la Métallurgie rhodanienne du 15 juillet 2013) ne modifie en rien cette analyse : Monsieur BATAILLON-DEBES, membre du comité de surveillance de l'E.P.I.M., écrit que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC donnait des informations sur l'utilisation des fonds en espèces sans que des détails lui soient demandés compte tenu du caractère discret que devaient avoir ces opérations ; il résulte de la lecture du courrier au nom de l'U.I.M.M. rhodanienne que le délégué général n'entrait pas, devant le conseil, dans le détail des opérations de facilitation des relations sociales auxquelles étaient utilisés ces fonds.

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Les déclarations de ceux qui ont indiqué avoir eu connaissance de l'utilisation de ces fonds ne sont par ailleurs pas concordantes et souvent évolutives et floues : - Pierre GUILLEN a évoqué des "dépenses de rayonnement", des espèces remises à des bureaux d'études, des journalistes, des sociologues. - François CEYRAC, après avoir déclaré aux services de police qu'il lui paraissait aberrant et même inadmissible que des fonds recueillis par l'E.P.I.M. aient servi à payer des syndicalistes, a écrit à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC que le versement d'aides en espèces à divers partenaires de la vie sociale, sont dans la continuité historique de l'U.I.M.M., dans sa mission de rechercher le dialogue social. - Arnaud LEENHARDT, après avoir déclaré au magistrat instructeur ne pas savoir qui était destinataire des espèces, qu'il s'agissait vraisemblablement des syndicats représentatifs sans pouvoir l'affirmer, sans en avoir du tout la certitude, qu'il s'était agi du C.N.P.F., modifiait ses déclarations à l'audience en indiquant savoir qu'il s'agissait des organisations syndicales représentatives, des syndicats étudiants et du C.N.P.F. - Dominique de la LANDE de CALAN a évoqué devant les services de police comme bénéficiaires des espèces, les organismes participant à la vie sociale, à savoir les associations, les partenaires sociaux, les intellectuels, les médias, les pouvoirs publics, ; devant le magistrat instructeur, il a évoqué les associations, les partenaires sociaux, les intellectuels et les médias. - Bernard ADAM indiquait à l'audience qu'il pensait que les syndicats représentatifs avaient perçu des aides de l'U.I.M.M. en espèces. - Jacques GAGLIARDI indiquait aux services de police que Pierre GUILLEN lui avait indiqué donner des sommes en liquide à des syndicats, que le C.N.P.F. était également bénéficiaire d'espèces. - Daniel DEWAVRIN a évoqué devant les services de police un usage des espèces pour la régulation sociale ; il disait ne pas connaître les bénéficiaires, ne pas savoir s'il s'agissait de syndicats de salariés ; il parlait d'entités relevant de la loi de 1884. Devant le magistrat instructeur, il indiquait ne pas savoir qui étaient les bénéficiaires des espèces, parlant de probabilité pour le C.N.P.F., ne pas être au courant du financement par ces espèces de syndicats tels que la C.F.D.T., F.O. et la C.G.C. À l'audience, il modifiait ses déclarations en indiquant que Pierre GUILLEN et Denis GAUTIER-SAUVAGNAC lui avaient dit que les syndicats représentatifs étaient des bénéficiaires. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a utilisé cette partie des espèces qui lui étaient remises, à hauteur d'un peu plus de 15 millions d'euros, de manière discrétionnaire, sans en rendre compte à quiconque, en dehors de tout contrôle. Or, si la loi "Waldeck-Rousseau" du 21 mars 1884 ne prévoyait aucune obligation de tenir une comptabilité pour les syndicats, et leur laissait le libre usage des fonds qu'ils percevaient, cette liberté trouvait nécessairement sa limite dans le respect de la loi et des statuts. En l'espèce, les statuts de l'U.I.M.M. prévoyaient la tenue de comptes : aux termes de l'article 10 des statuts "les comptes de l'Union arrêtés par le bureau de l'Union sont présentés par le trésorier à l'assemblée générale" ; l'article 13 des statuts prévoit qu'il appartient au vice-président délégué général ou au délégué général d'établir tous les comptes de gestion. Il résulte d'ailleurs des déclarations de Bernard ADAM, de Dominique RENAUD, de l'expert-comptable Pierre LOZNER, de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC lui-même, qu'une comptabilité au sein de l'U.I.M.M. était tenue et qu'après approbation des comptes annuels par l'assemblée générale, la comptabilité et les pièces comptables étaient détruites. La lecture des statuts de l'U.I.M.M. ne permet par de considérer que le délégué général était mandaté pour utiliser une partie des fonds de l'U.I.M.M., de manière discrétionnaire, sans en rendre en compte à quiconque, en dehors de tout contrôle permettant de vérifier que ces fonds étaient utilisés conformément à la loi et aux statuts. Il résulte de tout ce qui précède que les fonds remis à hauteur de 16 546 691 euros par l'U.I.M.M. à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC ont été utilisés par ce dernier : - pour payer des compléments de rémunération en espèces à des salariés de l'U.I.M.M. ; le Tribunal a démontré que cette pratique était constitutive du délit de travail dissimulé ; l'utilisation de fonds d'un syndicat pour commettre une infraction intentionnelle est nécessairement contraire à la loi définissant l'activité syndicale de l'U.I.M.M. de telle sorte

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que l'élément matériel du détournement et la mauvaise foi de son auteur sont établis pour cette partie des faits ; - pour un usage discrétionnaire qu'il était le seul à connaître précisément, dont il ne rendait utilement compte à quiconque au niveau interne, ce qui n'est conforme ni à la loi du 21 mars 1884 qui n'avait pas pour objet de permettre à une personne physique, dirigeant d'un syndicat ayant tous les pouvoirs, d'utiliser de manière discrétionnaire les fonds de ce syndicat, ni aux statuts de l'U.I.M.M. qui ne confiaient pas plus à un seul homme, fût-il le délégué général, d'utiliser les fonds de l'U.I.M.M. à sa guise. En effet, Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a refusé, tant au cours de l'instruction préparatoire que durant l'audience correctionnelle, de justifier de la réalité des versements intervenus, de leurs montants, de l'identité des bénéficiaires des sommes dont s'agit ainsi que de la compatibilité des dits versements avec l'objet statutaire de l'U.I.M.M. La seule concession à l'impérieuse exigence d'explications - dont le prévenu est évidemment débiteur au regard des fonctions éminentes qu'il a exercées au sein d'un syndicat professionnel qui représentait, en 2007, 45 000 entreprises de l'automobile, de la mécanique et de l'aéronautique employant au total deux millions de salariés et constituait un réseau de 120 syndicats professionnels et 93 chambres syndicales territoriales - a résidé dans l'allégation selon laquelle les fonds litigieux eussent été remis aux cinq syndicats de salariés représentatifs afin d'apporter un concours financier aux organismes participant à la vie sociale française. Une telle affirmation, à la supposer conforme à la réalité des faits, est d'autant plus inacceptable qu'il ne saurait être sérieusement nié que le versement, sous forme d'espèces, de fortes sommes d'argent à des organisations syndicales dont la mission première est la défense de l'intérêt collectif des salariés qu'elles représentent est de nature à altérer gravement la sincérité de la négociation syndicale et à instiller, dans l'esprit tant des employés ayant accordé leur confiance à l'organisation de leur choix que d'une opinion publique déjà largement éprouvée par les nombreux exemples de pénalisation des comportements individuels des décideurs sociaux et économiques, que ladite négociation est entachée d'une irréductible connivence portant lourdement atteinte à l'équilibre de la démocratie sociale et à la loyauté des relations économiques. En tout état de cause, en l'absence de preuve de conformité de l'usage des sommes ainsi prélevées sur les fonds syndicaux à l'objet statutaire de l'U.I.M.M., celui-ci doit par suite être regardé comme s'étant opéré à des fins étrangères audit objet ou dans le dessein de satisfaire l'intérêt personnel de son auteur. Le détournement frauduleux étant établi à l'encontre de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, il convient encore de déterminer si les faits ont entraîné un préjudice au sens de l'article 314-1 du Code pénal. À cet égard l'absence de constitution de partie civile, l'absence de demande de réparation ne suffisent pas à écarter l'existence d'un préjudice. De même l'assentiment donné, après les faits, par l'U.I.M.M., à ces pratiques constitutives de travail dissimulé et d'abus de confiance, ne suffit pas à écarter l'existence d'un préjudice. Ce préjudice pour l'U.I.M.M. résulte de sa condamnation pour travail dissimulé. Il est également un préjudice de réputation. En effet, il résulte de la lecture du dossier et des débats à l'audience qu'une utilisation occulte des fonds en espèces de l'U.I.M.M. entraîne nécessairement des soupçons de financement occulte de partis politiques, d'achat de parlementaires, d'achat de la paix sociale, de corruption, d'enrichissement personnel (cf. déclarations d'Yves BERTRAND ancien directeur des renseignements généraux D339, déclarations de Jean-Guy GANDOIS ancien président du C.N.P.F., déclarations de Jean-Claude DURET ancien militant C.F.T.C. D102, déclarations de Daniel LEDU secrétaire général de l'union locale C.G.T. de BONNEUIL sur MARNE D287). À cet égard, les déclarations de Jean-Paul BECHAT, membre du bureau de l'U.I.M.M. depuis novembre 2001, ancien dirigeant du groupe S.N.E.C.M.A. et de Safran, sont significatives (déclarations du 16 avril 2009 devant le magistrat instructeur D715) : « ... la réputation de l'Union avait été atteinte irrémédiablement... » De même, le contenu du courrier d'Etienne BERNARD, membre du bureau de l'U.I.M.M. depuis 2004, adressé le 11 mars 2008 aux adhérents du G.I.M., lui-même adhérent à l'U.I.M.M. (D759/9) est intéressant à cet égard : « ... Il m'apparaît légitime et nécessaire de nous mettre en rupture avec les schémas antérieurs et de réaffirmer notre opposition à de tels comportements. » Le Tribunal rappelle également les déclarations de Christian STREIFF, ancien dirigeant de Saint-Gobain, d'Airbus et de P.S.A., recueillies le 27 avril 2009 par le magistrat instructeur (D723) selon lesquelles il pensait beaucoup de choses négatives de ces pratiques qu'il aurait contribué à faire arrêter s'il les avait connues.

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Il convient en conséquence de déclarer Denis GAUTIER-SAUVAGNAC coupable d'abus de confiance. Sur les faits de complicité d'abus de confiance reprochés à Dominique de la LANDE de CALAN Dominique de la LANDE de CALAN a toujours reconnu la matérialité des faits, à savoir la remise de 30 000 euros en espèces chaque année à des organismes en lien avec la vie universitaire, à la demande de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC. Pour les motifs déjà développés à propos des faits d'abus de confiance reprochés à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, le Tribunal a démontré que ces remises de fonds, sans que les montants, les noms des bénéficiaires ne soient connus des organes internes de contrôle ou des personnes physiques telles les directeurs administratifs et financiers, le trésorier, l'expert-comptable, décidés de manière discrétionnaire par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, étaient constitutives du délit d'abus de confiance. Dominique de la LANDE de CALAN ne conteste pas avoir matériellement participé à ces remises de fonds qui, selon lui, relevaient de la participation de l'U.I.M.M. à la fluidité sociale du pays. Il a reconnu que la réalisation de cette "fluidité sociale", du domaine de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, nécessitait la confidentialité, une discrétion totale ; que le sujet n'avait jamais été abordé en sa présence au sein du bureau ou du conseil ou de l'assemblée générale ; que les remises d'espèces à des organismes en lien avec la vie universitaire n'étaient connues, au sein de l'U.I.M.M., que de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC et de lui-même. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits de complicité d'abus de confiance sont bien établis à l'encontre de Dominique de la LANDE de CALAN. Sur les faits de complicité d'abus de confiance reprochés à Dominique RENAUD Dominique RENAUD a toujours reconnu la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Le Tribunal a déjà démontré en examinant les faits d'abus de confiance reprochés à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, que le délit d'abus de confiance était constitué. Dominique RENAUD ne conteste pas avoir matériellement participé à ces faits selon les modalités exposées dans le dispositif de l'ordonnance de renvoi la concernant. Elle a reconnu que les directeurs administratifs et financiers, Bernard ADAM et Jean-Pierre FINE, l'expert-comptable, n'étaient pas au courant de la pratique des retraits d'espèces confidentielle, connue du seul délégué général, qu'elle détruisait chaque année les pièces comptables, de telle sorte qu'elle avait nécessairement connaissance du caractère délictueux des faits auxquels elle participait. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits de complicité d'abus de confiance sont établis à l'encontre de Dominique RENAUD, sauf pour l'année 2000 compte tenu de sa nomination au poste de chef du service comptable le 1er janvier 2001. Sur les faits de recel d'abus de confiance reprochés aux salariés de l'U.I.M.M. qui ont perçu des compléments de rémunération en espèces (Dominique de la LANDE de CALAN, Bernard ADAM, Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE, Aymeric DUROY de SUDUIRAUT, Alain NOQUÉ) À ce titre, il est reproché à ces cadres de l'U.I.M.M. d'avoir perçu des compléments de rémunérations en espèces. La matérialité des faits n'est pas contestée. Le versement de ces compléments de rémunérations en espèces est constitutif pour l'employeur non seulement du délit d'abus de confiance, mais aussi du délit de travail dissimulé. Aux termes de la loi sur le travail dissimulé, le salarié dont l'activité est dissimulée, est considéré comme la victime de l'infraction compte tenu de l'existence d'une relation de subordination juridique qui lie le salarié à son employeur. Il peut exercer l'action civile contre son employeur. Il n'apparaît pas juridiquement possible de rechercher la responsabilité pénale d'un salarié pour des faits pour lesquels il est, aux termes de la loi, considéré comme victime.

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En conséquence, Dominique de la LANDE de CALAN, Bernard ADAM, Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE, Aymeric DUROY de SUDUIRAUT et Alain NOQUÉ doivent être relaxés du chef de recel d'abus de confiance. Sur les faits de recel d'abus de confiance reprochés à Jacques GAGLIARDI Il résulte du dossier et des débats à l'audience que Jacques GAGLIARDI a bénéficié d'espèces provenant de l'U.I.M.M. : en 2000 et 2001, 100 000 francs ; en 2002 et 2003, 18 300 euros. Il n'était plus au cours de ces années salarié de l'U.I.M.M. puisqu'il était retraité depuis 1995. Il résulte des propres déclarations de Jacques GAGLIARDI que ces espèces lui étaient remises à la suite d'une décision du seul ancien délégué général, prédécesseur de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, Pierre GUILLEN. Il résulte du dossier que Jacques GAGLIARDI avait connaissance du caractère occulte de ces remises d'espèces décidées discrétionnairement par Pierre GUILLEN, non approuvées par les organes statutaires de contrôle de l'U.I.M.M., qui n'en avaient pas connaissance. Il avait donc connaissance de l'origine frauduleuse de ces espèces. Il convient en conséquence de déclarer Jacques GAGLIARDI coupable de recel d'abus de confiance pour la période 2000-2003 et de le relaxer pour la période 2004-2006. Sur les faits de recel d'abus de confiance reprochés à Daniel DEWAVRIN Il résulte des déclarations de Daniel DEWAVRIN et de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC que la somme de 5 000 euros qui lui a été remise au mois de septembre 2007 par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC provenait de fonds déjà remis par l'U.I.M.M. à Denis GAUTIER-SAUVAGNAC au titre de ses frais de représentation, fonds dont Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait donc la libre disposition, de telle sorte que le délit de recel d'abus de confiance n'est pas caractérisé et que Daniel DEWAVRIN doit être relaxé. Sur les faits de destruction de preuves reprochés à Dominique RENAUD Dominique RENAUD a toujours reconnu avoir, au moment de la révélation des faits au mois de septembre 2007, détruit les reçus d'espèces signés par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC pour l'année 2007 ; elle a expliqué avoir exécuté une consigne à mettre en œuvre en cas de risque judiciaire. En agissant ainsi, Dominique RENAUD faisait obstacle à la manifestation de la vérité puisqu'elle empêchait les enquêteurs d'établir à quelles personnes physiques les espèces étaient remises de telle sorte que le délit est constitué à son encontre.

Les sanctions � Denis GAUTIER-SAUVAGNAC : Pour déterminer la sanction adaptée aux circonstances des infractions et à la personnalité de son auteur, le Tribunal tient compte : - du montant du détournement, - de la participation centrale de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC pendant de très nombreuses années, en toute connaissance de cause, au fonctionnement d'un système occulte de distribution d'importants fonds en espèces alors même qu'il disposait de tous les pouvoirs pour mettre un terme à ces pratiques frauduleuses, - des conséquences de ces pratiques qui contrairement à ce que soutient Denis GAUTIER-SAUVAGNAC ne concourent pas à une meilleure régulation de la vie sociale mais concourent à alimenter les soupçons de financements occultes des partis politiques, d'achat de parlementaires, d'achat de la paix sociale, d'enrichissement personnel, à jeter le discrédit sur tous les décideurs publics et privés de la vie politique et économique du pays, de telle sorte qu'elles sont extrêmement négatives pour l'intérêt général.

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En conséquence, le Tribunal prononce à l'encontre de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC une peine de 3 ans d'emprisonnement dont 2 ans assortis du sursis et une peine d'amende de 375 000 euros. Le Tribunal constate qu'il ne dispose d'aucune pièce figurant au dossier, d'aucun élément versé aux débats lui permettant d'aménager la partie de la peine d'emprisonnement prononcée non assortie du sursis � Dominique de la LANDE de CALAN : Eu égard aux critères de détermination de la sanction sus-rappelés, le Tribunal tient compte : - du montant du détournement dans lequel Dominique de la LANDE de CALAN est impliqué, - de la participation importante de Dominique de la LANDE de CALAN au système déjà décrit auquel il a pleinement adhéré sans jamais émettre la moindre réserve alors même qu'il en connaissait les conséquences négatives pour l'intérêt général. En conséquence, le Tribunal prononce à l'encontre de Dominique de la LANDE de CALAN une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et une peine d'amende de 150 000 euros. � Dominique RENAUD : Eu égard aux critères de détermination de la sanction sus-rappelés, le Tribunal tient compte : - du montant du détournement que Dominique RENAUD a rendu possible, - de sa participation secondaire au système déjà décrit dont elle ne mesurait sans doute pas toutes les conséquences négatives pour l'intérêt général. En conséquence, le Tribunal prononce à l'encontre de Dominique RENAUD une peine de 8 mois d'emprisonnement assortis du sursis. � Bernard ADAM : Eu égard aux critères de détermination de la sanction sus-rappelés, le Tribunal tient compte du caractère isolé des faits commis par Bernard ADAM qui en assume pleinement la responsabilité de telle sorte qu'il convient de prononcer à son encontre une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis. � Jacques GAGLIARDI : Eu égard aux critères de détermination de la sanction sus-rappelés, le Tribunal tient compte du montant des sommes frauduleusement perçues par Jacques GAGLIARDI pendant de nombreuses années pour prononcer à son encontre une peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis. � U.I.M.M. : Tenant compte de l'importance des dissimulations, de la longue période de temps pendant laquelle a été commis le délit de travail dissimulé par un organisme qui, au vu de ses missions, se devait de respecter rigoureusement les dispositions du Code du travail, le Tribunal prononce une peine d'amende de 150 000 euros.