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Mémoire de fin d’étude Projet de Fin d’Etude pour l’obtention d’une Licence en Sciences Economiques et de Gestion Thème : Réalisé Par : OUEDRAOGO Rimpayaïsdé Junias Vittorio CNE : E33042031 Sous la direction de : Monsieur Driss AFILAL Juin 2012 Faculté des Sciences Juridiques, Economique et Sociales AIN- CHOCK Université Hassan II

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

Projet de Fin d’Etude pour l’obtention d’une Licence en

Sciences Economiques et de Gestion

Thème :

Réalisé Par : OUEDRAOGO Rimpayaïsdé Junias Vittorio

CNE : E33042031

Sous la direction de : Monsieur Driss AFILAL

Juin 2012

Faculté des Sciences Juridiques, Economique et Sociales AIN-

CHOCK

Casablanca

Université Hassan II

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

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DEDICACES :

Je dédie ce présent mémoire :

A mes parents et à mes frères : à Maman, à Papa, à Hermès, à Dan et à

Nicholson.

A mes pères, mères, grand-frères et grandes sœurs spirituels : à Papa

Karambiri, à Papa Rasmané, à Papa Emmanuel, à Papa Brou, à Maman

Coulibaly, à Maman Zoma, à Papa Sambo, à Esaïe, à Marthe…

A mes grands-parents, oncles et tantes sans oublier mes chers cousins

A Maman Eva, à Maman Delphine à Tonton et Tantie Segda qui m’ont

toujours montré que je suis aussi leur enfant voire leur fils ;

Aux personnalités du monde économique qui m’inspirent par leurs exploits,

leur expérience, leurs œuvres et pour leur « grande et humble philosophie »

d’un monde prospère dans l’amour du travail, l’équité et la justice : au Pr.

Joseph Eugène Stiglitz, à Mr Donald Kaberuka, Mme Ngozi Okonjo-

Iweala, à SEM Kadré Désiré Ouédraogo, à SEM Tertius Zongo, à Mr Jean

Baptiste Compaoré, au Pr. Nicolas Agbohou, à Mr Zacharie Ouédraogo…

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

2

REMERCIEMENTS

Dans la vie, l’Homme ne peut rien faire, de nos jours, sans l’aide d’autrui. Loin

d’être un fidèle partisan de l’ingratitude, je témoigne ma reconnaissance et ma

profonde gratitude aux personnes ci-après sans qui ce présent projet de fin d’étude

n’aurait été réalisé :

A mon DIEU, en qui je me confie avec assurance et j’espère fermement dans la

persévérance, à qui je m’abandonne et je me consacre entièrement dans

l’amour ; Lui qui ne sommeil, ni ne dort pour moi par sa grâce et qui prend soin

de moi jours après jours ;

A Monsieur Zacharie Ouédraogo, mon père, pour l’achat des ouvrages qui

m’ont été d’une très grande utilité ;

A Monsieur Driss AFILAL, pour avoir accepté de m’encadrer avec joie, aussi,

pour ses conseils édifiants et surtout pour sa disponibilité et sa compréhension ;

A Monsieur Hicham El Himri pour son sens de l’écoute et pour ses conseils

qui donnent du courage à aller de l’avant ;

A Monsieur Morchid, pour son aimable appuie que je n’oublierai jamais de

toute ma vie ;

A Monsieur Dahmani, pour son aide précieuse et son geste qui resterons

gravés dans ma mémoire ;

A Fadi Hayin, pour sa disponibilité et pour son aide en me soutenant avec joie,

dans mes déplacements pour la documentation ;

A Cheick Sidi Alkhaïri Koné, pour sa compréhension et son aide et surtout

pour le sacrifice payé volontairement en se privant de moments de loisir que lui

procure son matériel informatique ;

A Hyppolite Balima et à Philémon Serge Kagoné, pour les informations que

j’ai reçues d’eux ;

Farouck Abdoul Aziz Yago, pour son aide dans la mise en forme du projet ;

A l’AMCI, pour la bourse dont j’ai bénéficiée pour mes trois années d’étude en

cycle de licence.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

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SIGLES & ACRONYMES

APD : Aide publique au développement

BCE : Banque centrale européenne

BCEAO : Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest

BERD : Banque européenne de reconstruction et de développement

BIT : Bureau international du travail

BM : Banque mondiale

BRI : Banque des règlements internationaux

CDS : Credit default swaps

CEA : Commission économique pour l’Afrique

CFA : Communauté Financière Africaine

CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement

CUA : Commission de l’Union Africaine

FAO : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

FESF : Fonds européen de stabilité financière

FMI : Fonds monétaire international

IDE : Investissement direct étranger

INSEE : Institut national des statistiques et des études économiques

MES : Mécanisme européen de stabilité

OAT : Obligation assimilé au Trésor

OCDE : Organisation pour la coopération et le développement économique

ODAC : organismes divers d’administration centrale

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

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OMD : Objectifs du millénaire pour le développement

ONDAM : Objectif national des dépenses d’assurance-maladie

PVD : Pays en voie de développement

PIB : Produit intérieur brut

PNB : Produit national brut

PSC : Pacte de stabilité et de croissance

SME : Système monétaire européen

TSCG : Traité européen de stabilité, de coordination et de gouvernance

UE : Union européenne

UEM : Union économique et monétaire

UEMOA : Union économique et monétaire ouest africain

VAN : Valeur actuelle nette

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

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SOMMAIRE

DEDICACES : ............................................................................................................................................. 1

REMERCIEMENTS .................................................................................................................................... 2

SIGLES & ACRONYMES ............................................................................................................................. 3

SOMMAIRE .............................................................................................................................................. 5

INTRODUCTION GENERALE ..................................................................................................................... 7

Partie n°1 : Dette publique et dette souveraine ................................................................................... 10

Introduction de la 1ère Partie ............................................................................................................. 10

Chapitre I : La dette publique : notions, concepts et impact socio-économique ............................. 11

Introduction du chapitre I ............................................................................................................. 11

Section I : Notions et concepts sur la dette publique ................................................................... 11

I°/ Concepts relatifs à la dette publique .................................................................................... 11

II°/ Notions relatives à la politique budgétaire ......................................................................... 16

Section II : L’impact socio-économique de la dette publique ....................................................... 22

I°/ L’impact économique de la dette publique et de sa réduction ........................................... 22

II°/ L’impact sociale et les pièges de la dette publique ............................................................. 32

Conclusion du chapitre I .................................................................................................................... 34

Chapitre II : La dette souveraine des économies avancées et la crise de la zone euro .................... 35

Introduction du chapitre II ............................................................................................................ 35

Section I : Les contextes spécifiques de la dette souveraine et de la crise de la zone euro ......... 35

I°/ Les réalités de la dette souveraine des économies avancées .............................................. 36

II°/ La crise de la zone euro : risque pays et risque systémique................................................ 50

Section II : Stratégies de réduction de la dette publique .............................................................. 65

I°/ Plan d’austérité budgétaire : cas de la Grèce ....................................................................... 66

II°/ Plan de réduction progressive de la dette publique : cas de l’Allemagne et de la France .. 81

Conclusion du chapitre II ............................................................................................................... 91

Conclusion de la 1ère partie ................................................................................................................ 92

Partie n°2 : Les solutions de sortie de la crise de l’avenir de l’euro et son impact de la crise sur

l’économie mondiale ............................................................................................................................. 94

Introduction de la 2ème Partie ............................................................................................................ 94

Chapitre I : L’avenir de l’euro : le MES et le TSCG ............................................................................. 96

Introduction du chapitre I ............................................................................................................. 96

Section I : La crise de l’euro : facteurs et défaillances .................................................................. 96

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

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I°/ Les jeux des marchés financiers ........................................................................................... 97

II°/ Organisation et solidarité défaillantes ................................................................................ 98

Section II : Vers une sortie durable de la crise de l’euro ............................................................. 105

I°/ La gouvernance économique européenne ......................................................................... 107

II°/ Le contraste entre les « eurobonds » et les « projects bonds » ....................................... 112

Conclusion du chapitre I .............................................................................................................. 117

Chapitre II : Soutenabilité de la dette publique et impact de la crise de l’euro sur l’économie

africaine ........................................................................................................................................... 118

Introduction du chapitre II .......................................................................................................... 118

Section I : Soutenabilité des finances publiques ......................................................................... 118

I°/ Soutenabilité de la politique budgétaire ............................................................................ 119

II°/ Soutenabilité de la dette publique : quelques critères ..................................................... 123

Section II : Impact de la crise de l’euro sur l’économie africaine ................................................ 124

I°/ L’impact sur l’économie africaine : cas général.................................................................. 125

II°/ Impact sur l’économie de l’UEMOA .................................................................................. 137

Conclusion du chapitre II ............................................................................................................. 143

Conclusion de la 2ème partie ............................................................................................................ 144

Conclusion générale ............................................................................................................................ 145

Bibliographie........................................................................................................................................ 148

TABLE DES MATIERES .......................................................................................................................... 150

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

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INTRODUCTION GENERALE

L’histoire de l’économie mondiale nous montre qu’une grande partie des crises

monétaires, financières et économiques qui ont secouées notre planète à plusieurs

reprises, est dû pour la plupart du temps à un problème d’endettement. La dette se

définit comme étant la somme empruntée par un débiteur c’est-à-dire l’emprunteur à

un créancier c’est-à-dire le prêteur. On distingue donc deux (02) types de dette : la

dette privée et la dette publique. Quand on parle de dette privée, on parle de

l’ensemble des emprunts effectués par les agents économiques privés tels que les

ménages, les entreprises. Par contre, quand on parle de dette publique, on parle, le

plus souvent, de l’ensemble des emprunts effectués par l’Etat ; d’une façon générale,

ce n’est pas celui de l’Etat seulement, mais aussi celui des administrations publiques.

Si elle est à long terme, on parle de dette consolidée et à court terme, de dette

flottante. La plupart du temps, quand les médias parlent de la dette des pays du Sud,

ils parlent en fait de la dette extérieure des pays du tiers monde ; il s’agit de

l’ensemble des sommes empruntées auprès des créanciers extérieurs au pays à savoir :

un autre Etat à travers la coopération bilatérale, une banque commerciale étrangère,

une institution internationale à travers la coopération multilatérale : le Fonds

Monétaire Internationale (FMI), la Banque Mondiale (BM)…Notons que cette forme

de dette rentre le plus souvent dans le cadre de l’Aide Publique au Développement

(APD) et concerne généralement les pays à revenus intermédiaires et à faibles

revenus ; elle doit être remboursée en monnaie du pays créancier, en devises

étrangères. La dette souveraine est la dette souscrite ou garantie par un émetteur

souverain comme un Etat ou une Banque centrale à la seule différence, par rapport à la

dette extérieure, que l’emprunt est effectué directement sur les marchés financiers :

c’est le cas généralement des pays industrialisés du Nord à économies développées ou

avancées. La dette intérieure correspond donc à celle contractée auprès d’un

créancier intérieur au pays et cela concerne généralement la plupart des économies

modernes ; elle doit être remboursée en monnaie locale ou nationale. Notons que les

dettes publiques ne sont pas les mêmes et n’ont pas les mêmes particularités dans le

monde mais cela n’empêche pas que l’on remarque quelques similitudes compte tenu

du niveau du développement de chacun.

Parmi les plus grandes crises d’endettement que l’économie mondiale a connues de

façon systémique, nous pouvons citer d’abord, la crise de l’endettement des années

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

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1980, qui a touché la majeure partie des pays de l’Amérique latine en commençant par

le Mexique en 1982, et les autres pays en voie de développement (PVD) de la région

tels que l’Argentine, le Brésil, le Chili ; ensuite la crise financière de 1997 qui a

touché cinq (05) pays de l’Asie du Sud-Est à savoir la Thaïlande, les Philippines, la

Malaisie, l’Indonésie et la Corée du Sud ; après cela, il y a eu aussi la crise

immobilière des subprimes de 2007-2008 qui a commencé aux Etats-Unis pour

s’étendre à l’ensemble des économies avancées en Europe et en Asie sous la forme

d’une crise financière mondiale jamais rencontrée depuis la crise de 1929 ; et enfin la

crise de la zone euro qui, à la base, est une crise des finances publiques qui a

commencé avec la Grèce pour s’étendre en Irlande, au Portugal voire l’Espagne et

l’Italie.

Sachant que toutes ces crises ci-dessus, à la base, sont liées à un problème dette, il

faut noter que chacune d’elles a sa particularité dans un contexte précis. D’abord la

crise de l’endettement des années 1980 était un problème de dette extérieure des pays

à revenus intermédiaires de l’Amérique latine vis-à-vis des banques commerciales

internationales de l’Occident sous forme de prêts à moyen et long terme. Ensuite, la

crise financière asiatique de 1997 était un problème de dette privée à court terme,

pour l’essentiel, des emprunts des banques locales auprès des banques commerciales et

institutions financières étrangères pour les prêter à moyen et à long terme aux

entreprises locales ; une crise accélérée et aggravée également par la spéculation sur la

dévaluation du bath thaïlandais. Aussi, la crise immobilière des subprimes de 2007-

2008 est caractérisée par un problème de dette privée contractée, cette fois-ci par les

ménages américains auprès des banques commerciales locales qui ont escompté ces

titres de créances risqués à des institutions financières locales qui les ont placés dans

des portefeuilles diversifiés pour les émettre sur les marchés financiers à savoir les

grandes places financières de la planète d’où l’impact catastrophique engendré par

l’éclatement de cette bulle immobilière traduit par un effet d’entrainement sur la

finance internationale ce qui a plongé l’économie mondiale dans une récession totale

sans merci. Enfin, la crise de la zone euro, conséquence mécanique de la crise

financière de 2008 à cause de l’intervention des gouvernements, qui est

essentiellement une crise des finances publiques plus précisément une crise de la dette

souveraine et qui a commencé en Grèce pour s’étendre en Irlande, au Portugal voire en

Espagne et en Italie, tout cela avec un risque de contagion qui menace l’avenir de la

l’Union Economique et Monétaire (UEM) de la zone euro sans oublier le cas de la

dette publique des Etats-Unis.

Au regard de toute l’histoire de ces crises qui ont secouées l’économie mondiale, il

nous est, tout à fait normal, de nous interroger précisément sur la question de la dette

publique à savoir sa gestion et surtout ces dangers en passant par l’analyse de son

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

9

impact sur le plan économique et social et de son implication en tant que facteur basic

de crises économiques.

Faut-il, oui ou non, recourir à la dette publique et aussi au déficit budgétaire ? Si

oui, quel sont les avantages de la dette publique ? Aussi, y a-t-il une limite

d’endettement, à savoir un seuil ne pas dépasser ? Et quel sont les pièges qui y sont

rattachés ? Quel est son rôle dans l’éclatement de crises ?

Tenant compte, aussi, de l’actualité économique qui captive l’attention du monde

entier sur l’évolution de la crise de l’avenir de l’euro, nous allons nous intéresser

particulièrement, de façon pratique, à la dette souveraine des économies avancées tels

que les Etats-Unis, le Japon, le Royaume Uni et les pays de la zone euro à savoir la

Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la France et l’Allemagne.

Dans la suite de notre travail, nous traiterons ces différentes problématiques en

deux grandes parties : primo, en parlant de la dette publique de façon générale y

compris les questions des dettes souveraines et de la crise de la dette de la zone euro,

et secundo, en parlant cette fois-ci de l’avenir de l’euro et de l’impact de la crise

actuelle sur l’économie mondiale en passant par la question de la soutenabilité des

finances publique et de l’impact de la crise de l’euro sur l’économie africaine.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

10

Partie n°1 : Dette publique et dette souveraine

Introduction de la 1ère Partie

La dette publique est l’ensemble des emprunts contractés par l’Etat et les

administrations publiques. D’abord, il faut noter que l’ensemble des opérations de

l’Etat est concentré, au titre de la Loi de finance, dans le budget qui se compose des

recettes (formées essentiellement par les impôts) et des dépenses (celles de

fonctionnement, celles d’investissement, celles de la dette). Ainsi, lorsque l’Etat

dépense plus qu’il ne perçoit de recettes fiscales, il emprunte auprès du secteur privé

pour financer le déficit budgétaire. On appelle dette publique, cette accumulation

d’emprunts passés. Tous les Etats ont une certaine dette, mais l’importance, y compris

la structure, de celle-ci varie considérablement d’un pays à l’autre, en d’autres termes

d’une économie à l’autre. Justement, nous avons déjà vu que la dette souveraine est la

catégorie de la dette publique qui concerne les pays industrialisés du Nord à

économies avancées.

Cette partie concerne essentiellement d’abord, tous les aspects de la dette publique,

d’une façon générale, sans oublier ses impacts, et ensuite, la dette souveraine des

économies avancées sans oublier le risque occasionné par son implication dans la crise

de la zone euro.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

11

Chapitre I : La dette publique : notions, concepts et impact

socio-économique

Introduction du chapitre I

La politique budgétaire est l’instrument que l’Etat utilise pour prendre des

dispositions règlementaires en matière de recettes et de dépenses, au titre de la Loi de

finance votée par le Parlement généralement pour une année budgétaire donnée.

Quand l’Etat décide d’augmenter ses dépenses et prévoit de réduire ses recettes, on

parle de politique budgétaire expansionniste et dans le cas contraire, on parle de

politique budgétaire restrictive. On entend par politique budgétaire

discrétionnaire, celle que prend l’Etat sans tenir compte de l’évolution du cycle

économique. Quand l’économie est récession, on constate généralement, une baisse

des recettes fiscales et mécaniquement, une hausse des dépenses publiques : on parle

des stabilisateurs économiques. Quand l’Etat décide de réduire le déficit budgétaire

en augmentant les impôts, tout en gardant inchangées les dépenses publiques, on parle

de contraction budgétaire ou de consolidation fiscale.

Section I : Notions et concepts sur la dette publique

La dette publique se conçoit autour d’un certain nombre de concepts relatifs à elle-

même et aussi d’un certain nombre de notions également relatives à la politique

budgétaire. Les concepts relatifs à la dette publique qui nous intéressent

principalement sont : les indicateurs ou ratios d’endettement, les différents types et

formes de dette publique. Les notions relatives à la politique budgétaire qui nous

requièrent notre attention sont : la contrainte budgétaire de l’Etat, les problèmes de

mesure du déficit budgétaire voire la question du fédéralisme budgétaire.

I°/ Concepts relatifs à la dette publique

La dette publique implique, au cours d’une année donnée, les aspects suivants :

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

12

-la charge de la dette : qui correspond à l’intérêt du capital emprunté ;

-le service de la dette : qui comprend, d’une part, le remboursement du principal c’est-

à-dire le capital emprunté, et d’autre part, la charge de la dette.

L’endettement d’un pays est supportable si son service peut se faire sans recours à

un financement exceptionnel (tel qu’un allègement consenti par des donateurs

amicaux) et sans un ajustement futur du revenu et des dépenses du pays. L’aptitude

d’un pays à rembourser sa dette dépend d’un certain nombre de facteurs : l’ampleur de

la dette, ses déficits commerciaux et budgétaires, le taux d’intérêt perçu sur sa dette, sa

vulnérabilité à des chocs (tels que des catastrophes naturelles, ou voire récession de

l’activité économique) et le taux de croissance du son PIB, de ses exportations et des

recettes fiscales de l’Etat.

Il est important de tenir compte du calcul de la valeur actuelle nette (VAN) de la

dette compte tenu de la durée de remboursement et du taux d’intérêt en vigueur. Un

prêt accordé aux conditions normales du marché aurait une VAN égale à 100% de sa

valeur nominale, un don aurait une VAN nulle et des prêts subventionnés auraient une

VAN intermédiaire, en fonction du taux d’intérêt et de la structure des échéances c’est-

à-dire du calendrier de remboursement du capital du prêt.

Comment se définit donc la capacité d’un pays à payer sa dette c’est-à-dire le

potentiel de remboursement ? Les mesures les plus courantes sont : le PIB, les

exportations et les recettes fiscales des pouvoirs publics.

I.1°/ Les indicateurs d’endettement

De façon classique, les analystes utilisent ces mesures générales sous la forme de

ratios dont le numérateur contient la dette ou le service de la dette et le dénominateur

montre une mesure du potentiel de remboursement. Les indicateurs d’endettement les

plus courants sont :

Le ratio dette/PIB, qui, constituant peut-être l’étalon le plus large du caractère

supportable de la dette, compare la dette totale à la capacité totale de

l’économie à générer des moyens financiers pour effectuer les remboursements.

Un autre critère en rapport étroit utilise la VAN : dette en VAN/PIB.

Le ratio dette/exportations compare (comme le ratio VAN/exportations)

l’endettement total à la capacité du pays à générer des devises. Un éventail plus

étendu de ratios dette/exportations reflèterait la tendance des exportations à

fluctuer plus largement que le PIB.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

13

Le ratio dette/ recettes fiscales (ou dette en VAN/recettes fiscales) est

particulièrement pertinent quand le gouvernement est le principal débiteur et

que sa capacité de générer des recettes fiscales pour rembourser les prêts

soulève des préoccupations.

Le ratio service de la dette/exportations présente le grand avantage d’appeler

l’attention sur le montant arrivant à échéance pendant une année donnée par le

rapport aux gains disponibles à l’exportation pour effectuer les paiements, mais

il est moins révélateur de la charge générale à long terme de la dette.

Le ratio service de la dette/recettes fiscales met l’accent sur la capacité des

pouvoirs publics à générer des recettes fiscales leur permettant d’effectuer les

remboursements arrivant à échéance en une année donnée. Plus ce ratio est

élevé, plus il faut affecter des recettes fiscales aux remboursements de la dette

et moins le pays dispose de recettes pour d’autres dépenses publiques dans les

domaines de la santé, de l’éducation, de la recherche et des infrastructures ou

répondant d’autres objectifs.

Le ratio dette étrangère à court terme/réserves de devises met l’accent sur le

montant de la dette dont le remboursement vient à l’échéance l’année suivante

par rapport au montant existant des réserves de devises.

A partir de tout cela, il faut noter que l’utilisation de ces ratios implique deux

aspects importants que tiennent compte les pays dans leurs stratégies pour faire face à

des problèmes d’endettement :

-l’insolvabilité : un débiteur insolvable ne dispose pas du montant net lui permettant

de rembourser ses encours de dettes à partir de gains futur ;

-l’illiquidité : un débiteur illiquide ne possède pas sous la main les espèces lui

permettant de remplir ses engagements au titre du service de la dette en cours, même

s’il possède le montant net nécessaire au remboursement de l’endettement à long

terme.

Un emprunteur illiquide peut avoir besoin d’espèces pour faire des paiements

immédiats, tout en conservant la capacité de rembourser sa dette progressivement,

tandis que l’emprunteur insolvable n’a pas le revenu ou les actifs nécessaires au

remboursement. En fait, le ratio dette/PIB mesure la solvabilité d’ensemble, en

indiquant, la valeur de la dette par rapport aux ressources économiques globales. Les

indicateurs service de la dette/exportations, service de la dette/recettes fiscales et dette

à court terme/réserves mesurent la liquidité, et indiquent si un pays possède la capacité

d’effectuer les paiements arrivant à échéance cette année.

Page 15: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

14

A première vue, ces ratios apparaissent simplistes et mécaniques, mais chacun

d’eux appréhende des caractéristiques plus larges et importantes de la dette comme de

l’économie et en dépend.

I.2°/ La typologie et les différentes formes de dette publique

Les différents types de dette publique sont : la dette externe, la dette interne, la

dette souveraine ; elles ont été déjà définies précédemment dans l’introduction

générale.

Aussi, la dette publique peut être analysée sous plusieurs formes :

I.2.1°/ La dette publique optimale et la dette publique maximale

La dette publique est, tout à fait, concevable dans la perspective que le rendement

de l’intervention publique ainsi financée outrepasse les coûts induits par la dette. Une

comparaison de ces coûts et du rendement de l’intervention publique permet donc de

déterminer la dette publique optimale ou encore le niveau optimal de l’endettement

public. L’intervention des pouvoirs publics peut porter sur des dépenses

d’investissement d’infrastructures, l’enseignement, le fonctionnement des institutions

publiques, la sécurité, ainsi qu’une diminution de la fiscalité afin de la rendre moins

néfaste pour la croissance économique. Le critère de la neutralité

intergénérationnelle1 requiert aussi que l’incidence de la démographie sur cette

neutralité soit intégrée dans l’analyse : dans la perspective d’un vieillissement

significatif de la population, il paraît opportun d’anticiper des charges accrues, sous la

forme de pensions et de soins de santé pour les personnes âgées, et de les faire financer

en partie par la génération actuelle. Concrètement, la détermination du niveau optimal

d’endettement public pose un problème. D’abord, la notion de contribution nette

équivalente de chaque génération aux administrations publiques peut se définir en

termes absolus ou relatifs. En outre, il est extrêmement ardu de mesurer le rendement

économique de l’intervention publique. Il est donc difficile de préciser le niveau

auquel le rendement de l’intervention publique financée par l’endettement est inférieur

aux coûts de la dette publique. En raison de ces problèmes méthodologiques, la

littérature empirique traitant du niveau optimal d’endettement est assez limitée, et les

résultats sont fortement divergents.

1 Celui-ciCelui-ci signifie que la contribution nette de chaque génération aux administrations publiques devrait

être équivalente

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

15

Il s’avère toutefois que la politique budgétaire ne correspond pas nécessairement à

ce que l’on peut considérer comme optimal d’un point de vue macroéconomique.

Ainsi, au cours des décennies écoulées, les administrations publiques de bon nombre

de pays ont fait preuve d’un manque de discipline budgétaire et ont dès lors accru leurs

niveaux d’endettement. La littérature attribue ce manque de discipline budgétaire au «

biais en faveur d‘un déficit » (deficit bias). Cela signifie que le processus décisionnel

démocratique peut inciter à dévier d’une politique budgétaire optimale. La politique

budgétaire pourrait, ainsi, être trop peu prévoyante lorsque la population ne voit

essentiellement que les avantages à court terme d’un abaissement des impôts ou d’une

hausse des dépenses, sans être toujours consciente du caractère néfaste des éventuelles

retombées à long terme d’une politique budgétaire expansive. Les décideurs politiques

pourraient avoir tendance à jouer sur ce plan en vue d’accroître leurs chances de

réélection. De plus, il est possible qu’il existe une tendance naturelle à avantager

sciemment les générations actuelles et à déplacer le fardeau de l’endettement sur les

générations à venir d’où l’expression pertinente de Herbert Hoover qui affirme :

« heureux sont les jeunes, car ils hériteront de la dette nationale ».Une autre

explication du biais en faveur d’un déficit résiderait dans ce que la théorie des jeux

nomme le « problème de la mise en commun » (common pool problem). En matière

de politique budgétaire, ce concept signifie que chaque groupe d’intérêt ou chaque

parti au sein d’un gouvernement de coalition veille à ses propres intérêts, le déficit

budgétaire et la dette publique pouvant ainsi dépasser les niveaux optimaux. Des

institutions indépendantes et des règles imposant des restrictions budgétaires peuvent

contrecarrer le biais en faveur d’un déficit et ses effets indésirables.

Outre le concept de la dette optimale, la littérature se penche aussi sur le concept

de la dette publique maximale acceptable, ou encore la capacité maximale de

remboursement de l’endettement public. En effet, le niveau actuel d’endettement

public est, par définition, égal à la valeur actualisée des soldes primaires futurs. Dans

la littérature, il est fait référence au concept de contrainte budgétaire intertemporelle.

Sur la base de cette contrainte, plus le taux d’endettement public est élevé, plus les

soldes primaires futurs doivent être importants. Par conséquent, le taux

d’endettement maximal acceptable correspond à la valeur actualisée des soldes

primaires futurs maximaux acceptables. Une hausse des soldes primaires ne peut se

concrétiser que par le biais d’une augmentation des recettes publiques ou d’une

restriction des dépenses publiques. Dès lors, le taux d’endettement maximal

acceptable est déterminé par le niveau maximal acceptable des recettes publiques et

le niveau minimal acceptable des dépenses publiques primaires. Ces niveaux ne

peuvent pas être établis uniquement à partir de considérations économiques. Ce sont

essentiellement des considérations sociales et politiques qui peuvent imposer des

restrictions en la matière. Si le niveau actuel de la dette publique est supérieur à la

valeur actualisée des soldes primaires futurs que la population est disposée à générer,

se posera alors – tôt ou tard – un problème de défaut de paiement de la dette publique.

Il est toutefois extrêmement difficile de quantifier le concept théorique de taux

d’endettement maximal. Par ailleurs, le taux d’endettement maximal acceptable peut

varier d’un pays à l’autre.

Page 17: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

16

I.2.2°/ La dette implicite

Comme nous l’avons déjà vu dans le I.1°/, une mesure largement utilisée de la

santé budgétaire est le ratio dette/PIB. Ce ratio peut rester stable ou diminuer même en

présence de déficits budgétaires modérés si le PIB augmente constamment.

Cependant, un ratio dette/PIB stable peut donner l’impression fausse que tout va

bien dans la mesure où les gouvernements modernes sont souvent confrontés à une

dette implicite importante. La dette implicite représente des promesses de dépenses

faites par les gouvernements qui sont effectivement une dette du fait qu’elles ne sont

pas incluses dans les statistiques habituelles de la dette.

La dette implicite la plus importante provient des systèmes de retraite et de soins

de santé dont les coûts augmentent en raison du vieillissement de la population et aussi

de l’augmentation des frais médicaux.

I.2.3°/ Relation entre les guerres, le déficit budgétaire et la dette publique

A titre de rappel, le déficit budgétaire est égal à l’excédent des dépenses publiques

sur les recettes fiscales et qui correspond au nouveau montant que devra emprunter

l’Etat pour financer ses politiques ; ce qui veut dire que la dette publique est égal à la

somme des déficits passés des administrations publiques.

Justement, les guerres suscitent, en général, de gros déficits. Les gouvernements

doivent-ils toujours financer les guerres forcement en s’appuyant sur les déficits ?

Sachant que, en général, les économies de guerre connaissent un chômage très faible

de sorte que les considérations en terme de stabilisation de la production ne

s’appliquent pas évidemment, la réponse est, cependant, oui. En effet, il y a deux

raisons pour qu’il y ait des déficits en temps de guerre. La première relève d’un souci

de redistribution : le financement par le déficit fait peser sur plusieurs générations le

poids de la guerre. La deuxième est purement économique : le déficit permet de

réduire les distorsions fiscales.

II°/ Notions relatives à la politique budgétaire

En général, dans tous les pays, on ne peut pas parler de la dette publique sans faire

référence à la politique budgétaire d’une manière ou d’une autre. Les notions relatives

à la politique budgétaire, qui captent notre attention, sont : la contrainte budgétaire de

l’Etat, les problèmes de mesure du déficit budgétaire et la question importante du

fédéralisme budgétaire.

Page 18: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

17

II.1°/ La contrainte budgétaire de l’Etat

Quand on parle de la contrainte budgétaire de l’Etat, on parle, généralement, de la

relation entre la dette publique, le déficit budgétaire et les impôts.

Supposons que, à partir d’une situation où le budget est équilibré, le gouvernement

décide de baisser les impôts d’où le déficit. Comment va réagir ou évoluer la dette ?

Les impôts devront ils croître plus tard ? Si oui, à partir de quel moment ?

La contrainte budgétaire de l’Etat signifie que la variation de la dette publique est

égale au déficit de l’année en cours. Si le gouvernement fait du déficit, la dette

publique croît ; s’il bénéficie d’un surplus c’est-à-dire d’un excédent budgétaire, sa

dette diminue. La contrainte budgétaire de l’Etat relie l’évolution de la dette à son

niveau initial et, également, aux dépenses et revenus de la période courante.

Le déficit, c’est-à-dire la variation de la dette, se compose en la somme de deux

(02) variables :

-la charge de la dette : les paiements d’intérêt sur la dette ;

-le déficit primaire : la différence entre les dépenses et les revenus, c‘est-à-dire,

l’excédent des dépenses sur les recettes, avec le service de la dette non compris dans

les dépenses d’où le nom de dépenses primaires.

Supposons que Bt est la dette courante ; Bt-1, la dette de l’année précédente ; r, le

taux d’intérêt de la dette ; Gt, les dépenses courante de l’Etat ; et Tt, les recettes

courantes de l’Etat. La formule du déficit budgétaire sera l’équation suivante :

( ) ( ) Avec :

-( ): le déficit budgétaire ou la variation de la dette ;

- : la charge de la dette ;

-( ) : le déficit primaire

II.1.1°/ Impôts courants et impôts futurs

Quelles sont les implications d’une baisse pendant un an des impôts pour

l’évolution subséquente des impôts et de la dette ?

Si les dépenses restent inchangées, une baisse des impôts aujourd’hui, implique

une hausse des impôts futurs. Plus le gouvernement attends pour augmenter les impôts,

ou plus le taux d’intérêt sera élevé, plus la hausse des impôts sera importante ;

II.1.2°/ Dette et surplus primaire

En cas de stabilisation de la dette publique sur plusieurs années, quel que soit le

moment, il faut que le gouvernement génère un surplus primaire ou excédent

primaire (contraire du déficit primaire) égal aux intérêts sur la dette accumulée.

Page 19: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

18

L’héritage des déficits est un niveau élevé d’endettement. Ainsi, pour stabiliser la

dette publique, le gouvernement doit disposer d’un surplus primaire d’un montant égal

d’un montant égal à la charge de la dette.

II.1.3°/ L’évolution du ratio dette/PIB

Reprenons la formule du déficit budgétaire en intégrant le ratio dette/PIB. Nous

aurons donc l’équation suivante :

( ) (

)

Avec :

-

: la variation du ratio de la dette/PIB ;

-( ) : la différence entre le taux d’intérêt réel et le taux de croissance ;

-(

) : le montant initial du ratio ;

-

: le ratio du déficit primaire au PIB.

La variation du ratio dette/PIB est la somme de deux (02) variables : la première,

est la différence entre le taux d’intérêt réel et le taux de croissance multiplié par le

montant initial du ratio, la deuxième, est le ratio du déficit primaire au PIB.

L’évolution du ratio de la dette de l’OCDE, selon l’équation, implique que la

hausse du ratio de la dette sera d’autant plus important que :

-le taux d’intérêt réel sera élevé ;

-le taux de croissance de l’économie sera plus faible ;

-le ratio initial de la dette sera plus élevé ;

-le ratio du déficit primaire au PIB sera plus élevé.

Dans les années 1980, des taux d’intérêt réels élevés, une faible croissance et

d’importants déficits primaires ont contribué à une hausse de l’endettement dans la

plupart des pays de l’OCDE.

Dans les années 1990, les pays ont réagi en générant des forts excédents primaires,

et le ratio d’endettement a connu une baisse dans la plupart de ces pays au cours de la

décennie en question.

II.2°/ Les problèmes de mesure du déficit budgétaire

Certains économistes sont convaincus que les mesures actuelles du déficit public

ne permettent pas d’évaluer correctement la portée de la politique budgétaire : soit,

Page 20: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

19

parce qu’elles ne rendent pas compte de l’impact de celle-ci sur l’économie

contemporaine, soit parce qu’elles évaluent mal la charge fiscale qui sera reportée sur

les générations futures. Cette sous grande partie aborde quatre (04) des problèmes

associés à la mesure habituelle du déficit budgétaire : d’abord, l’inflation, ensuite, les

actifs immobilisés de l’Etat, après, les engagements non pris en compte, et enfin le

cycle conjoncturel.

II.2.1°/ Problème de mesure lié à l’inflation

La correction de l’inflation est le problème de mesure le moins contre versé :

l’endettement de l’Etat doit être mesuré en termes réels, et non en nominaux. Le déficit

mesuré devrait donc être égal à la variation de la dette réelle de l’Etat et non celle

nominale.

Sachant que le déficit est égal aux recettes de l’Etat diminuées négativement des

dépenses publiques, une partie de ces dépenses est constituée par la charge de la dette.

Les dépenses publiques ne devraient donc inclure que le taux d’intérêt réel sur la dette

et non le taux d’intérêt nominal ; surtout, quand l’inflation est élevée, cette correction

par le déflateur peut nous conduire à modifier notre évaluation de la politique

budgétaire.

II.2.2°/ Problème de mesure lié aux actifs immobilisés de l’Etat

Grand nombre d’économistes qui pensent qu’une évaluation correcte du déficit

budgétaire de l’Etat doit tenir compte des actifs immobilisés de celui-ci aussi bien que

de son endettement d’où le terme de la dette publique brute ; en terme nets, celui-ci

doit être mesuré sous déduction des actifs immobilisés d’où le terme de la dette

publique nette. C’est donc la variation de cette dernière qui mesure correctement le

déficit budgétaire.

La budgétisation avec compte de capital est la procédure budgétaire qui consiste à

tenir compte des immobilisations autant que des engagements de l’Etat. Par exemple,

supposons que l’Etat vende l’un de ses bâtiments dont il est propriétaire et qu’il en

utilise la contrepartie pour réduire le déficit annoncé. Avec un compte de capital, les

recettes tirées de la dette a, pour contrepartie, une diminution des actifs. De même,

avec un compte de capital, l’emprunt réalisé par l’Etat pour financer l’achat d’un bien

d’investissement n’accroît pas le déficit.

Le problème majeur, posé par cette procédure d’incorporation dans le budget d’un

compte de capital, est qu’il n’est pas aisé de discerner celles des dépenses publiques

qui doivent être considérées comme dépenses en capital.

Les opposants de celui-ci, sans nier la supériorité de ce système par rapport au

système usuel, lui reprochent une mise en œuvre extrêment complexe.

Page 21: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

20

Ceux qui le défendent, rétorquent qu’il vaut mieux, en tout état de cause, traiter de

manière imparfaite les actifs immobilisés plutôt que de les ignorer purement et

simplement.

II.2.3°/ Problème de mesure lié aux engagements de l’Etat non prises en compte

Pour certains économistes, le déficit budgétaire, tel qu’il est mesuré, induit en

erreur dans la mesure où il exclut certains engagements importants de l’Etat.

Les pensions de retraite des fonctionnaires : ceux-ci fournissent des services

de travail dont une partie de la rémunération est reportée à une date future.

Fondamentalement, ces fonctionnaires prêtent donc de l’argent à l’Etat ; les

prestations de retraite qu’ils toucheront demain représentent pour l’Etat, un

engagement au même titre que le reste de sa dette. Cependant, l’accumulation

de cette dette particulière n’apparaît pas dans le déficit budgétaire.

Le système de sécurité sociale : les gens paient des cotisations aujourd’hui en

contrepartie d’indemnités qu’ils perçoivent en cas de maladie, d’accident du

travail, de chômage, ou encore de leur retraite. L’ensemble de ces indemnités

futures devrait peut-être apparaître au titre des engagements de l’Etat pour la

seule raison de se poser la question importante suivante : y a-t-il une différence

fondamentale entre les promesses de remboursement faites aux détenteurs

d’obligations de l’Etat et celles qui s’adressent aux bénéficiaires futures des

indemnités de sécurité social ?

Les engagements contingents : ce problème paraît particulièrement plus

complexe. Ainsi l’Etat octroie sa garantie à de nombreuses formes de crédit

privé tels que les emprunts effectués par les étudiants, les emprunts

hypothécaires des familles à revenus modestes et moyens, ou encore les dépôts

bancaires. Lorsque le débiteur rembourse son emprunt, l’Etat ne paie rien du

tout. Par contre, si l’emprunteur fait défaut, c’est l’Etat qui rembourse. En

octroyant ce type de garantie, l’Etat prend donc un engagement contingent au

défaut de paiement du débiteur. Ce type d’engagement n’apparaît pas non plus

dans le déficit budgétaire, notamment, parce qu’il est très difficile de lui

affecter une valeur précise.

II.2.4°/ Problème de mesure lié au cycle conjoncturel

Les fluctuations de l’activité économique expliquent un grand nombre des

variations du déficit budgétaire. Lorsque le rythme de l’activité se ralentit, les revenus

baissent et les ménages paient moins d’impôts surtout celui sur les revenus ; de même,

les profits diminuent et les entreprises paient moins d’impôts sur les bénéfices.

Naturellement, davantage de gens perçoivent des indemnités de chômage ou sont

pris en charge par d’autres formes d’assistance sociale : évidemment, les dépenses

publiques augmentent.

Page 22: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

21

Ces variations automatiques du déficit, d’où le terme stabilisateurs automatiques,

ne font pas référence à des erreurs de mesure. Ces variations rendent difficile la

gestion du déficit pour suivre les modifications de la politique budgétaire. En effet, le

déficit peut augmenter ou diminuer, aussi bien parce que l’Etat a modifié sa politique

que parce que l’activité économique est orientée à la hausse ou à la baisse.

Dans tous les cas, il est extrêment utile de connaître l’origine exacte des variations

du déficit budgétaire.

Pour pallier à ce problème, l’Etat calcule un déficit budgétaire de plein emploi

c’est-à-dire un déficit budgétaire corrigé des variations conjoncturelles.

II.3°/ Le fédéralisme budgétaire

Supposons que, dans une union monétaire donnée, l’on mette en place une

politique budgétaire commune dans le sens d’un budget unique pour tous les pays

membres de l’Union qui décident du montant des impôts à prélever et des dépenses à

réaliser. Ainsi, les excédents budgétaires d’un Etat dans une des régions de l’union

monétaire pourront servir à compenser le déficit budgétaire d’une autre région. Par

exemple, admettons qu’un choc asymétrique2 affectent le pays X et le pays Y dans le

sens où le premier connait une récession et le second, une expansion. Nous rappelons

que les stabilisateurs économiques permettent de stimuler automatiquement la

demande agrégée3 lorsque l’économie entre en récession et cela sans aucune

intervention particulière des décideurs politiques. Mécaniquement, les recettes fiscales

de X déclineront à la suite du choc de la demande ; au même moment, le montant des

transferts sociaux, sous forme d’allocations chômage par exemple, augmentera dans ce

pays. Le contraire est vrai pour le pays Y, où les stabilisateurs économiques jouent en

sens inverse, augmentant le montant des recettes fiscales et diminuant le montant des

transferts sociaux suite à l’expansion économique. Ces changements auront tendance à

stimuler la demande agrégée dans le pays X et à la réduire dans le pays Y, permettant,

ainsi, de compenser partiellement le choc initial.

Maintenant, si les gouvernements de X et de Y ont un budget commun,

l’augmentation nette des recettes fiscales dans le pays Y peut être utilisé afin de

compenser la baisse des recettes fiscales dans le X. Si l’impact de ces mesures sur la

demande est insuffisant, les gouvernements X et Y peuvent aller loin et décider

d’augmenter encore plus les dépenses dans le pays X et de les financer par une baisse

des dépenses et pourquoi pas par une augmentation des impôts dans le pays Y.

Ce type d’arrangement (une organisation budgétaire impliquant un budget unique

et un système d’imposition et de transferts commun à un groupe de pays) est connu

sous le nom de fédéralisme budgétaire. Le problème avec un tel système est que les

2 Un choc est dit asymétrique, soit parce qu’un évènement intervient dans un pays et pas dans les autres, soit

parce que les économies nationales ne réagissent pas de la même façon à un même évènement 3 Quantité de biens qu’un agent économique veut acheter pour chaque niveau des prix

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

22

contribuables d’un pays (ici pays Y) peuvent être mécontents de payer des dépenses

budgétaires engagées dans un autre pays (exemple du pays X).

Passons maintenant à l’étude de l’impact socio-économique de la dette publique.

Section II : L’impact socio-économique de la dette publique

Les conséquences du financement des dépenses de l’Etat par le déficit budgétaire

en recourant à la dette publique sont nombreuses : d’abord, elles sont sur le plan

économique, et ensuite, sur le plan social.

Les conséquences économiques peuvent être analysées à court et à long terme, que

nous tenterons de démontrer aussi sur la base de résultats empiriques. Les

conséquences sociales sont nombreuses sans oublier le fait que le recours de la dette

publique demande une bonne considération des pièges et aussi des dangers qui peuvent

entraîner une répercussion catastrophique pour l’avenir d’un pays.

I°/ L’impact économique de la dette publique et de sa réduction

I.1°/ Impact de la dette publique sur le PIB

I.1.1°/ Les effets à court et long terme d’une réduction de la dette publique

La littérature théorique et empirique consacrée à l’incidence de la politique

budgétaire voire de la dette publique sur l’activité économique est très vaste. Elle

n’offre cependant pas de réponse univoque quant au lien existant entre la politique

budgétaire et l’activité économique. L’impact dépend considérablement en fonction

des circonstances qui varient d’un moment à l’autre et aussi en fonction des pays. Quoi

de plus normal donc, que d’opérer une distinction entre l’impact économique à court

terme de la dette publique et celui à long terme.

Page 24: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

23

-Effets à court terme

À court terme, les mesures adoptées en vue d’assainir le budget devraient induire

un effet négatif sur la croissance économique. La plupart des études empiriques

montrent en effet que les multiplicateurs budgétaires – qui indiquent dans quelle

mesure une impulsion budgétaire déterminée influence la croissance de l’activité –

présentent un signe positif à court terme.

Cependant, l’ampleur de l’impact négatif à court terme d’un plan d’assainissement

sur l’activité économique varie selon les mesures adoptées. Des mesures relatives à la

consommation et aux investissements publics ont un impact relativement grand sur

l’activité économique, alors que des mesures portant sur des transferts, comme les

impôts ou les allocations sociales, ont une incidence plus limitée. En effet, ces

dernières ne modifient qu’indirectement la consommation ou les investissements, via

une modification des revenus des particuliers ou des sociétés. La mesure dans laquelle

les ménages et les entreprises sont confrontés à des restrictions de liquidités ou de

crédits est aussi importante pour connaître l’incidence de relèvements d’impôts ou de

réductions d’allocations sociales sur la croissance économique.

De plus, il semble que l’incidence négative des mesures d’assainissement sur la

croissance économique à court terme est plus faible – voire même pratiquement

inexistante – lorsque la situation des finances publiques se détériore et que cette

situation est perçue comme préoccupante. En effet, les mesures d’assainissement

peuvent permettre d’éviter une hausse des taux d’intérêt, qui comprimerait les

investissements privés. De plus, elles peuvent induire une baisse du taux d’épargne, du

fait par exemple du recul de l’épargne de précaution des ménages grâce à un regain de

confiance après une période de difficultés budgétaires4. Dans ce cas, l’incidence

négative sur l’activité économique à court terme pourrait être très limitée. Dans la

situation actuelle, ces derniers éléments semblent pertinents, si bien qu’un

assainissement budgétaire n’exercerait pas nécessairement un effet fortement négatif

sur la conjoncture.

L’ampleur de l’impact de la consolidation fiscale ou de la contraction budgétaire

est également fonction des conditions économiques et monétaires dans lesquelles elle

est mise en place. Lorsque la consolidation est mise en œuvre dans une petite

économie ouverte, son impact à court terme est plus limité que dans le cas d’une

consolidation simultanée dans plusieurs pays, dont l’effet de freinage sur la demande

globale est plus important.

Ensuite, si les Banques centrales ont la possibilité d’adopter une politique

accommodante, la consolidation est moins pénalisante pour la croissance. Toutefois, si

les taux d’intérêt sont proches de zéro, la capacité des Banques centrales de compenser

4 Selon la théorie de l’équivalence ricardienne, une augmentation de la dette publique est compensée par un

accroissement du taux d’épargne des particuliers, car ceux-ci tiennent compte d’une possible hausse des impôts et d’une possible baisse des dépenses publiques à l’avenir. La théorie de l’équivalence ricardienne repose toutefois sur une série d’hypothèses non réalistes, comme le fait que les ménages n’ont pas de contraintes budgétaires et qu’ils prennent en compte un horizon temporel infini et des impôts forfaitaires (lump-sum taxes). Par conséquent, une augmentation de la dette publique peut certes entraîner un accroissement du taux d’épargne des particuliers, mais ce dernier ne sera pas suffisant pour compenser totalement le repli de l’épargne nationale nette.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

24

la baisse de la demande globale et de l’inflation qui pourraient résulter de

l’augmentation des recettes et de la réduction des dépenses publiques est plus limitée.

Enfin, la présence d’un taux de change fixe tend à renforcer l’incidence négative de la

consolidation sur la croissance, comparativement à un système de taux de change

flottant, qui joue généralement un rôle important d’amortisseur.

-Effets à long terme

Contrairement aux effets de court terme, les effets à long terme d’un

assainissement budgétaire qui permet d’assurer la soutenabilité des finances publiques

sont indéniablement positifs. Ceux-ci incluent notamment une baisse des taux d’intérêt

à long terme, en raison d’une contraction de l’offre de titres publics placés sur le

marché et d’une réduction des primes de risque. En outre, la réduction des charges

d’intérêts résultant d’un assainissement permet de libérer davantage de moyens pour

réaliser des dépenses publiques productives ou pour alléger la pression fiscale et

parafiscale.

D’après la littérature, les assainissements budgétaires reposant sur des réductions

des dépenses sont plus efficaces et exercent des effets plus favorables sur la croissance

économique à long terme que ceux qui s’appuient sur une hausse des recettes

publiques c’est-à-dire la consolidation fiscale. C’est particulièrement le cas si ces

assainissements budgétaires portent sur d’autres dépenses que celles qui sont

généralement considérées comme productives, comme les dépenses en matière

d’investissement, d’enseignement, de recherche et d’innovation. L’ampleur de

l’impact de la consolidation sur l’activité économique sera fonction de l’utilisation

faite des économies générées par l’austérité budgétaire.

I.1.2°/ Les mécanismes de transmission d’une variation de la dette publique

La hausse (la diminution) de la dette publique peut exercer une influence négative

(positive) sur l’activité économique à long terme de plusieurs manières. Trois grands

canaux de transmission peuvent être distingués.

Tout d’abord, d’une manière générale, l’augmentation de la dette publique

correspond à une diminution de l’épargne positive ou une augmentation de l’épargne

négative des administrations publiques, ce qui induit une diminution du volume de

l’épargne nationale nette.

Celle-ci tend à relever les taux d’intérêt. La hausse des taux d’intérêt provoque une

réduction des investissements et de la croissance du stock de capital. Il en résulte une

moindre productivité du travail. Le ralentissement de l’accumulation de capital freine

les innovations, qui améliorent la productivité. Il convient de remarquer que

l’incidence sur les taux d’intérêt dépend de l’importance de la région affectée par la

hausse de la dette publique. Si cette dernière se limite à une petite économie ouverte,

l’incidence qui s’exercera sur les taux d’intérêt de marché sera très modeste. En

Page 26: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

25

revanche, si la dette augmente simultanément dans des pays formant une grande zone

économique, l’impact à la hausse sur les taux d’intérêt de marché sera substantiel.

Figure 1 : Mécanisme de transmission (1)

En outre, l’augmentation de la dette conduit à un relèvement des charges d’intérêts.

Celles-ci se substituent alors à des dépenses productives – par exemple des

investissements publics d’infrastructures – ou sont compensées par une hausse de la

taxation et des distorsions qui y sont liées. Selon la mesure fiscale introduite, des effets

négatifs peuvent se faire sentir sur la consommation – dans le cas d’une augmentation

de la TVA et des accises –, sur les investissements privés – dans le cas des taxes sur le

capital –, ainsi que sur l’offre de travail – dans le cas des taxes sur les salaires.

Enfin, lorsque l’augmentation de la dette conduit à l’émergence du risque

souverain, la dette affecte les primes de risque à la hausse. L’augmentation de celles-ci

génère un relèvement des coûts de financement qui peut mettre en péril la solvabilité

des finances publiques. De plus, cette évolution peut induire une hausse des taux

d’intérêt appliqués aux particuliers et aux entreprises.

Lorsque des dettes substantielles sont combinées à des conditions initiales

budgétaires défavorables, l’effet négatif et non linéaire d’une dette élevée sur les taux

d’intérêt serait amplifié. L’importance des conditions initiales budgétaires,

structurelles et institutionnelles, ainsi que des effets de contagion issus des marchés

financiers doit être soulignée dans ce contexte. Ainsi, des éléments tels que des

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

26

institutions faibles ou inadéquates, une épargne privée faible, un afflux de capitaux

étrangers peu élevé, le faible degré de compétitivité de l’économie nationale, un taux

de chômage élevé, un secteur bancaire fragile ou une forte sensibilité aux effets de

contagion jouent un rôle important pour déterminer l’ampleur de l’incidence de la

dette sur les taux d’intérêt. L’impact du vieillissement de la population sur la

soutenabilité des finances publiques peut également être un déterminant essentiel.

L’évolution des écarts de rendement sur les titres publics à dix ans des pays de la

zone euro vis-à-vis du Bund allemand met en évidence la forte sensibilité des primes

de risque sur les titres souverains depuis le début de la crise financière et économique.

Il apparaît de l’évolution de ces primes de risque que, depuis 2010 surtout, les marchés

financiers ont fortement revu à la hausse le risque de défaut de certains pays. Cette

évolution montre aussi que les marchés financiers peuvent réagir soudainement et que

cette réaction peut être très vigoureuse.

L’incidence négative de la dette publique sur l’activité économique peut se faire

aussi par le biais d’autres mécanismes de transmission, comme des attentes d’une

inflation plus élevée, une plus grande incertitude et une volatilité macroéconomique

accrue. L’impact que peut avoir une augmentation de la dette publique sur les

anticipations d’inflation est traité dans la partie I.1.3.

Il convient aussi de souligner que si la dette a une incidence négative sur la

croissance, la relation de causalité inverse est également vraie. En d’autres termes, une

détérioration de la croissance économique tend à augmenter le ratio de dette.

I.1.3°/ Résultats empiriques

-Relation entre la dette publique et la croissance économique

Des données couvrant la période 1970-2007, il ressort qu’il existe une relation

négative significative entre, d’une part, le niveau de la dette publique et, d’autre part,

la hausse du PIB par habitant à prix constants. Les économies avancées dont le taux

d’endettement est inférieur à 30 % du PIB ont présenté au cours de cette période une

augmentation moyenne du PIB par habitant à prix constants de 3,2 %, alors que cette

progression ne s’élevait qu’à 1,9 % pour les économies avancées ayant un taux

d’endettement supérieur à 90 % du PIB. Le lien est moins clair en ce qui concerne les

pays émergents, mais ici aussi la hausse moyenne du PIB par habitant à prix constants

est la plus forte dans les pays affichant la dette publique la plus modeste. Enfin, dans

les pays en développement, l’augmentation du PIB par habitant à prix constants est

clairement plus élevée à mesure que diminue la dette publique.

S’agissant des pays émergents et des pays en développement, une relation négative

peut aussi être observée pour la période 1970-2007 entre, d’une part, le niveau de la

dette publique et, d’autre part, la formation brute de capital fixe. Ce constat semble

confirmer l’existence d’un important canal de transmission qui opère par le biais de la

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

27

formation brute de capital. Par contre, pour les économies avancées, il n’apparaît pas

de lien net entre le niveau de la dette publique et la formation brute de capital fixe.

Plusieurs études empiriques ont tenté de déterminer le seuil limite de dette à ne pas

dépasser pour éviter une forte incidence négative sur la croissance économique. Ces

études5 confirment l’existence d’une relation de causalité négative et non linéaire de la

dette sur le PIB. Elles concluent en effet qu’un niveau de dette faible n’a pas

d’incidence sur la croissance économique, tandis qu’à partir d’un certain niveau, la

dette affecte négativement la croissance. D’après ces études, le niveau critique de dette

se situerait entre 90 et 100 % du PIB.

Figure 2 : Dette publique et croissance économique (1990-2007, taux de croissance annuel du PIB/ habitant à prix constants)

5 Voir par exemple Kumar et Woo (2010), Reinhart et Rogoff (2010a), Chercherita et Rother (2010) et Caner,

Grennes et Koehler-Geib (2010)

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

28

Figure 3 : Dette publique et formation brute de capital (1970-2007, formation brute de capital fixe en % du PIB)

Toutefois, dans certains cas, les faits observés ne permettent pas de vérifier cet

effet de seuil pour des niveaux de dette équivalents – ou supérieurs – à 90 à 100 % du

PIB. C’est le cas notamment du Japon, dont la dette dépasse les 200 % du PIB. Ce

seuil critique devrait donc être analysé et défini pays par pays, en tenant compte des

caractéristiques domestiques économiques, budgétaires et institutionnelles. La

perception des marchés du risque de solvabilité et de la stabilité macroéconomique est

également un élément crucial.

-Effets à long terme d’une réduction permanente de la dette publique

Si, à court terme, une consolidation budgétaire est généralement pénalisante pour

les pays qui ne connaissent pas de problèmes de solvabilité importants, à long terme,

un rééquilibrage budgétaire serait bénéfique. Ainsi, sur la base des simulations du

FMI6, une réduction de la dette de 10 % dans la zone euro, aux États-Unis et au Japon

permettrait d’accroître la production dans ces pays, mais aussi dans le reste du monde.

Le rééquilibrage introduit dans cet exercice de simulation se compose de réductions

permanentes de la consommation et des transferts publics. La réduction du déficit

conduirait à une baisse progressive des taux d’intérêt réels, ce qui stimulerait les

investissements privés.

6 Pour plus de détails, voir FMI (2010).

Page 30: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

29

Figure 4 : Effet à long terme d’une baisse permanente de 10 points de pourcentage du

ratio de la dette publique/PIB du G3 (1), (2)

(G3= zone euro, Etats-Unis, Japon ; pourcentage, sauf mention contraire)

Pour une diminution des ratios de dette de 10 %, la réduction des taux d’intérêt

s’élèverait à 30 points de base. Cette baisse des taux d’intérêt provoquerait une hausse

des investissements privés, ce qui permettrait d’accroître le stock de capital physique

ainsi que la production à long terme. Le FMI souligne que l’amélioration de la

production dans les pays sous analyse engendre aussi des bienfaits pour le reste du

monde, qui bénéficie d’une augmentation des exportations vers ces pays. Dans

l’exercice du FMI, le stock de capital serait ainsi relevé de 2,1 % dans les pays

concernés et de 1,6 % dans le reste du monde.

En outre, la baisse des taux d’intérêt permettrait de réduire les charges sur la dette.

Si ces économies d’intérêts sont utilisées pour réduire les impôts sur les revenus du

travail, l’offre de travail et, par conséquent, la production augmenteront. Si les

économies d’intérêts sont utilisées pour réduire les impôts sur les revenus du capital,

les effets à long terme sur la croissance pourraient être encore plus favorables, par le

biais d’investissements accrus dans le secteur privé. Par contre, si les économies sont

utilisées pour réduire la fiscalité sur la consommation ou augmenter les transferts

publics, l’augmentation de la production serait plus modérée.

Page 31: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

30

Figure 5 : Idem Figure 4, Incidence sur le PIB à prix constant, selon l’utilisation de

l’économie en intérêts (%)

Pendant les trois premières années de la consolidation, les coûts de celle-ci seraient

supérieurs aux gains. Ensuite, les gains devraient dépasser indéfiniment les coûts de

l’assainissement budgétaire. Après cinq ans, les gains engendrés par la consolidation

compenseraient exactement les pertes subies les trois premières années. À long terme,

le PIB serait relevé de 1,4 % dans la zone euro, aux États-Unis et au Japon, et de 0,8 %

dans le reste du monde.

Il convient de souligner que cette simulation du FMI ne tient pas compte de l’effet

positif d’une réduction de la dette sur la perception du risque souverain, et par ce biais,

sur la prime de risque sur les titres publics. Cette évolution permettrait, elle aussi, de

contribuer à la réduction des coûts de financement de la dette et des charges d’intérêts,

ce qui renforcerait et accélèrerait les effets positifs à long terme sur la production.

I.2°/ Impact de la dette publique sur l’inflation

Une augmentation de la dette publique peut induire dans certains cas une hausse du

risque d’inflation. Si la dette publique s’accroît fortement, les pouvoirs publics

peuvent en effet être tentés de réduire la valeur de cette dette en créant de l’inflation.

Page 32: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

31

Ceci survient si la dette publique est monétisée7 : on parle de la monétisation de la

dette publique. Dans ce cas, les pouvoirs publics émettent des dettes qui sont achetées

par la Banque centrale – elle y est le plus souvent contrainte. L’argent que les pouvoirs

publics reçoivent ainsi de la Banque centrale est utilisé pour financer le déficit

budgétaire. La masse monétaire augmente de ce fait considérablement et une poussée

inflationniste est observée, pouvant conduire à une hyperinflation.

Toutes les périodes d’hyperinflation qui ont été relevées dans le passé trouvent

d’ailleurs leur origine dans une crise budgétaire, qui peut découler d’une guerre, de

chocs économiques extrêmement négatifs ou d’une mauvaise politique. Cette crise

budgétaire peut empêcher les administrations publiques de se financer sur le marché

des capitaux, ou les forcer à le faire à des taux d’intérêt très élevés, ce qui les pousse à

recourir à la monétisation de la dette publique.

Si la dette publique augmente et si les agents économiques tiennent compte d’une

probabilité accrue de monétisation de celle-ci, les anticipations d’inflation – et donc

aussi l’inflation actuelle – peuvent progresser. Dans ce cas, outre les canaux de

transmission déjà décrits, une incidence négative supplémentaire s’exercerait sur

l’activité économique.

Le fait que ce risque se matérialise ou non est notamment fonction de facteurs

institutionnels. Ainsi, il ne sera pas possible de monétiser la dette publique si la loi

interdit le financement monétaire des dépenses ou des déficits publics, comme c’est le

cas dans l’Union européenne. L’indépendance de la Banque centrale et un mandat clair

axé sur le maintien de la stabilité des prix sont aussi importants pour prévenir le risque

de voir une forte hausse de la dette publique entraîner une accélération de l’inflation.

Dans certains pays en développement ou émergents, au cours de la période

postérieure à la Seconde guerre mondiale, une augmentation du ratio de dette s’est

accompagnée d’une hausse de l’inflation. Par contre, durant cette même période, dans

les pays avancés, le relèvement du ratio de dette n’a pas provoqué de pression

inflationniste. L’existence d’institutions indépendantes des gouvernements pour établir

les choix de politique monétaire et le rôle de celles-ci quant au contrôle de l’inflation

ont certainement été déterminants à cet égard.

Quoi qu’il en soit, une situation caractérisée par l’insoutenabilité des finances

publiques8 complique considérablement la conduite de la politique monétaire, qui doit

être axée sur la stabilité des prix. Si une telle situation devait alimenter les

anticipations d’inflation, on observerait inévitablement un resserrement de la politique

monétaire, sous la forme d’une hausse des taux d’intérêt à court terme. En outre, des

tensions pourraient apparaître entre la banque centrale et les pouvoirs publics qui,

confrontés à une dette publique élevée, sont très sensibles aux hausses des taux

d’intérêt.

7 C’est-à-dire lorsque l’Etat veut dissoudre la dette publique par la création monétaire créant de l’inflation ce

qui réduit la valeur réelle de la dette. 8 La soutenabilité des finances publiques comprend indifféremment celle de la politique budgétaire ou celle de

la dette. On dit qu’une politique budgétaire est soutenable si elle ne conduit pas à un niveau de dette qui, sans changement majeur, ne pourrait pas être couvert à l’avenir par des surplus budgétaires.

Page 33: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

32

II°/ L’impact sociale et les pièges de la dette publique

II.1°/ Conséquence de la dette publique et du déficit budgétaire

Les déficits budgétaires et la dette publique sont liés pour la simple raison que la

dette de l’Etat augmente lorsque l’Etat est en déficit permanent. Ainsi, des déficits

persistants, c’est-à-dire l’augmentation de la dette publique, ont des conséquences à

long terme pour deux (02) raisons :

-l’effet d’éviction : la dette publique peut évincer l’investissement privé, ce qui réduit

la croissance à long terme causé par la hausse des taux d’intérêt ;

-une pression financière aux budgets futurs : imposée par le fait que les déficits

budgétaires d’aujourd’hui réduiront les marges de manœuvre budgétaires de demain ;

-un défaut de paiement ou un risque de cessation de paiement de l’Etat : dans des

cas extrêmes de déficits budgétaires sous dette publique énorme, générant des troubles

économiques et financiers d’où un risque de crises budgétaires.

-un risque de crise socio-politique : par la dégradation du climat social engendrée par

les crises budgétaires sans oublier les répercussions du fardeau de la dette sur les

générations futures.

II.2°/ Les pièges associés à la dette publique

En plus de tout ce qui a été développé ci-dessus, il faut noter que la dette publique

est associée à des pièges qu’il faut en tenir compte afin :

-d’éviter un « effet boule de neige9 » provoqué par l’utilisation de la dette publique

pour financer les dépenses de fonctionnement des administrations publiques ;

-et ainsi, de « rompre avec la facilité de la dette publique 10

» en utilisant plutôt la

dette publique que pour financer les dépenses d’investissement de l’Etat.

II.3°/ Le problème des « free-riders » ou des passagers clandestins

Cette partie s’intéresse aux politiques budgétaires nationales dans une union

monétaire. Sans toutes fois supposer que le fédéralisme budgétaire n’est pas retenu par

les membres d’une union monétaire, nous devons étudier les possibilités qui s’offrent

aux pays membres d’utiliser des politiques budgétaires afin de limiter l’impact négatif

des chocs asymétriques auxquels ils sont confrontés. La question, qui se pose, réside

9 Situation dans laquelle l’Etat s’endette pour rembourser d’autres dettes qui sont à maturité ou à échéance

10 Phrase célèbre tirée du Rapport Pébereau sur l’évolution de la dette publique française, 2005

Page 34: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

33

dans l’impact d’une augmentation de la dette d’un pays sur les autres pays membres

d’une union monétaire.

Lorsqu’un Etat augmente fortement le niveau de sa dette publique, il augmente sa

probabilité de faire défaut sur sa dette. En général, cela peut prendre deux (02) formes.

Lorsqu’un pays n’est pas membre d’une union monétaire et contrôle sa politique

monétaire, il peut décider de créer de l’inflation surprise en augmentant soudainement

son offre de monnaie de sorte que la valeur réelle de sa monnaie diminue. De plus une

augmentation du niveau général des prix s’accompagne d’une dépréciation du taux de

change de la monnaie nationale ; cela signifie qu’en termes de monnaies étrangères, la

dette émise par l’Etat dans sa propre monnaie a perdu une grande partie de sa valeur.

Ainsi, l’Etat a effectivement fait défaut sur une partie importante de sa dette en

réduisant sa valeur aussi bien en interne qu’en externe.

Si une telle pratique n’est pas possible, parce qu’une union monétaire empêche le

pays de mener la politique monétaire qu’il désire et donc qu’il n’est pas capable de

réduire la valeur interne et externe de sa monnaie, la seule solution dont dispose l’Etat

est de se déclarer en faillite, soit en stoppant le versement des intérêts de la dette, soit

en refusant de rembourser le principal à ses créanciers. En général, les marchés

financiers compensent ce risque de défaut en demandant des taux d’intérêt plus élevés

sur la dette des Etats déjà fortement endettés ou présentant un risque de défaut : ces

taux élevés mesurent le prix du risque11

que les investisseurs acceptent de prendre en

finançant ces pays. Ils dissuadent, ainsi, les pays de se surendettés. Dans le cas d’une

union monétaire, cela signifie qu’une émission excessive de la dette publique par l’un

des pays membres augmentera les taux d’intérêt payés par tous les autres pays de

l’Union : l’expansion budgétaire menée par un pays engendrera une hausse du coût de

financement de tous les autres pays membres de l’union monétaire.

D’un autre côté, la hausse des taux d’intérêt peut être insuffisante pour dissuader

un pays de se sur-endetter. Cela est vrai car les marchés financiers savent que les

autres pays de l’union monétaire ne laisseront pas un de leurs membres faire défaut

pour éviter certainement un risque de contagion ou d’un éclatement de l’union

monétaire. Au contraire, en cas de risque de défaut, les autres pays pourraient racheter

la dette du pays en difficulté et le refinancer. Si les marchés financiers croient en cette

possibilité de refinancement, la dette du pays en question ne sera pas considérée aussi

risquée qu’elle ne le devrait réellement et les taux d’intérêt ne seront pas aussi élevés

qu’ils ne le seraient autrement. Ainsi, le pays en difficulté paiera un taux d’intérêt sur

sa dette plus faible qu’il ne le devrait l’être alors que les autres pays de l’union

monétaire paieront un taux d’intérêt plus élevé que ce qu’il devrait normalement

payer. Ce raisonnement fait référence au problème du passager clandestin ou « free

riders » : le pays en difficulté profite des avantages d’un déficit budgétaire important

sans en payer complètement le prix.

En revanche, ce mécanisme peut contrer la politique anti-inflationniste conduite

par la Banque centrale de l’Union. Afin de limiter certains de ces problèmes, les

membres de l’union doivent signer un accord de « non-renflouement » c’est à-dire

de « non-financement »qui stipule que les pays membres ne doivent pas s’attendre à

être sauvés de la faillite dans le cas où leur dette deviendrait non soutenable. Un tel

11

Taux d’intérêt = taux sans risque (des bons du Trésor) + prime de risque

Page 35: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

34

accord a pour objectif de convaincre les marchés financiers de valoriser correctement

le risque des pays de l’Union qui seraient surendettés en leur faisant payer les taux

d’intérêt adéquats. Ce type de « clause de non-renflouement » ou la règle du « no bail

out » existe entre les pays membres de l’union monétaire européenne. Cependant, par

malchance, ce type de clause laisserait à désirer s’il n’est pas crédible. Si un pays de

l’union monétaire venait à faire défaut sur sa dette publique, cela aurait des

répercussions extrêment graves sur toute la zone euro. Cela pourrait conduire les

marchés financiers à perdre confiance dans la dette émise par les autres pays de

l’Union et à vendre massivement des euros sur le marché des changes. Afin d’éviter

une telle situation de crise, il est probable que les pays de la zone euro refinanceraient

un de leurs membres qui risquerait de faire défaut sur sa dette.

Conclusion du chapitre I

Ce chapitre a présenté la thématique de la dette publique dans toute sa globalité,

permettant d’avoir une vision très large de celle-ci ainsi que des implications en termes

de concepts autour d’elle-même et aussi en termes de notions autour de la politique

budgétaire notamment le déficit budgétaire.

En outre, la littérature théorique et empirique de l’impact de la dette publique dans

l’activité de la dette publique est vaste et n’offre pas de réponses univoques de la

corrélation entre la politique budgétaire et l’évolution de l’activité économique.

Egalement, la variation de la dette publique par accumulation du déficit budgétaire se

traduit par un fardeau social dont le plus troublant est la répercussion du fardeau de la

dette sur les générations futures sans oublier les risques de déclenchement de troubles

financiers et économiques. La gestion de la dette publique demande beaucoup

d’attention dans l’affectation des fonds empruntés dans l’exécution des dépenses de

l’Etat, à savoir que la dette publique doit être essentiellement utilisée pour financer les

dépenses d’investissement et non les dépenses de fonctionnement.

Il y aussi un rapport entre la politique budgétaire et l’union monétaire : d’abord,

par la mise en place d’un fédéralisme budgétaire, et/ ou, ensuite, par la prise en compte

du problème du passager clandestin, d’où l’adoption du Pacte de stabilité de croissance

par les pays de l’Union économique et monétaire européenne. Cela nous amène donc à

nous intéresser particulièrement à cette catégorie de dette publique, à savoir la dette

souveraine des économies avancées et aussi, à la crise de la zone euro.

Page 36: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

35

Chapitre II : La dette souveraine des économies avancées et la

crise de la zone euro

Introduction du chapitre II

La dette souveraine est la dette émise ou garantie par un émetteur souverain

comme l’Etat ou la Banque centrale. La particularité de cette catégorie de dette

publique s’appuie sur le fait que les émetteurs souverains empruntent directement sur

les marchés financiers c’est-à-dire aux conditions du marché : principalement les taux

d’intérêt et la durée de remboursement. Cette dette concerne essentiellement les pays

industrialisés du Nord à économies avancées.

Quels sont les différents aspects qui s’articulent autour de la dette souveraine des

pays du Nord ? Quelles sont les réalités et contextes spécifiques de chacune des dettes

souveraines de ces différents pays ? Quel est le lien entre la dette souveraine et la crise

de la zone euro en termes de risque pays et de risque systémique ? Face à cette crise de

la dette souveraine, quelles sont les différentes stratégies de réduction de la dette

publique compte tenu des réalités et contextes spécifiques des pays concernés ?

Section I : Les contextes spécifiques de la dette souveraine et de la

crise de la zone euro

La dette souveraine des Etats ne sont pas les mêmes partout dans le monde c’est-à-

dire que les dettes souveraines ne sont pas composées de façon uniforme. Chacune a

ses réalités spécifiques.

Qui sont les créanciers de la dette souveraine des Etats ? Quelle est la structure de

détention de la dette souveraine ? Quelles peuvent être les conséquences d’un éventuel

défaut de paiement de l’endettement public ? Quelles sont les différentes stratégies de

financement de la dette publique par les Etats dans l’après-crise financière ?

La crise financière et économique de 2007-2010, a entraîné une forte hausse de la

dette publique dans les pays de la zone euro, au Royaume-Uni, aux États-Unis et au

Japon. Cela a eu des conséquences négatives très importantes sur les finances

publiques de la plupart des économies avancées en particulier les pays de la zone euro

en commençant par la crise grecque avec effet de contagion sur l’Irlande, le Portugal,

l’Espagne et l’Italie y compris un risque de démantèlement de l’Union économique et

monétaire (UEM).

Page 37: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

36

I°/ Les réalités de la dette souveraine des économies avancées

I.1°/ Les créanciers de la dette souveraine des Etats

Grâce à la mondialisation financière12

, les grands pays de l’OCDE avaient pris

l’initiative, depuis une trentaine d’années, d’emprunter dans des conditions

extrêmement favorables auprès de leur secteur financier domestique, mais aussi auprès

de l’ensemble des créanciers internationaux présents sur les marchés. Au cours de

cette période, les grands États émetteurs ont su établir leurs propres modèles de

financement, accordant une place plus ou moins grande aux différentes catégories de

créanciers en fonction des caractéristiques de leur économie.

I.1.1°/ Les grands acteurs financiers détenteurs de la dette souveraine

Les ménages qui épargnent sont les détenteurs finaux de la dette publique à

l’échelle nationale et internationale. Dans les économies de marché développées,

l’allocation de l’épargne des ménages à la dette publique est largement intermédiée par

le système financier. La détention directe par les épargnants de titres publics est

devenue largement résiduelle, alors qu’elle constituait dans le passé un mode majeur

de détention.

Les grands acteurs financiers, qu’ils soient résidents ou non-résidents, jouent donc

le rôle principal pour l’allocation de l’épargne aux besoins de financement des acteurs

économiques, dont l’État. Les titres d’État constituent pour eux la classe d’actif

privilégiée pour investir en toute sécurité. En effet, ils constituent, hors période de

crise, des « actifs sans risque » ou « titres sans risque » dans une devise donnée,

puisque les pouvoirs publics disposent de l’outil fiscal pour rembourser leurs

emprunts. Autre avantage : les titres publics sont très liquides et donc très appréciés

pour tous les types de transactions financières.

Il y a trois (03) catégories d’établissements financiers détenteurs de titres publics à

savoir : les banques, les sociétés d’assurance et l’ensemble des gestionnaires

d’actifs. Ils sont connus sous le nom d’investisseurs institutionnels ou encore de

« zinzin ». Les banques détiennent des titres de dette publique dans le cadre de la

gestion de leur liquidité et de leur bilan car les titres d’État constituent un instrument

fondamental pour le fonctionnement du système bancaire compte tenu de leur

éligibilité aux opérations de refinancement des Banques centrales et de leur utilisation

comme collatéral dans les transactions de toute nature. Les gestionnaires d’actifs

détiennent des encours considérables de titres publics ; ils collectent de l’épargne

qu’ils gèrent pour le compte de leurs mandants dans le cadre de stratégies de gestion

définies contractuellement. Les titres de dette publique constituent un support

12 Selon le directeur général de l’Agence France Trésor, les achats de titres de dette française en 2010 ont été à

61 % le fait de banques centrales étrangères, ce qui traduit leur rôle privilégié de la dette française, avec la dette

allemande, pour la gestion des réserves de change en euro des pays émergents.

Page 38: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

37

d’investissement privilégié par les investisseurs désireux avant tout de préserver la

valeur d’un capital dans la durée. La proportion de titres publics détenus au sein d’un

portefeuille d’actifs dépend principalement du profil de risque de l’épargnant : ils

constituent une part importante de l’actif de fonds de pension chargé de valoriser à

long terme et en toute sécurité l’épargne des futurs retraités. Les sociétés d’assurance

ne collectent pas à proprement parler d’épargne, mais gèrent des engagements

financiers qu’il convient d’adosser à des placements sécurisés. Elles sont donc aussi de

grands détenteurs structurels de titres publics. En particulier, les compagnies offrant

des contrats d’assurance-vie ont des stratégies d’investissement proches de celles des

fonds de gestion collective. Ces trois types d’acteurs financiers sont soumis aux

réglementations prudentielles qui imposent la détention d’une forte proportion d’actifs

sûrs et liquides.

Les conditions de portage du risque, encouru par ces trois acteurs financiers dans la

détention de titres d’Etat, ne sont pas les mêmes. Dans le cas de la gestion d’actifs

pour compte de tiers, le risque financier est porté par l’épargnant individuel qui subit

les pertes éventuelles en cas de défaillance d’un débiteur. En revanche, les banques et

les sociétés d’assurance portent généralement le risque dans leurs propres bilans. La

détention par les banques et les sociétés d’assurances de gros portefeuilles investis en

titres publics est donc un facteur de risque systémique pour l’ensemble du système

financier en cas de crise de la dette.

Les grands acteurs financiers, domestiques ou étrangers sont pour les États la base

d’investisseurs fondamentale dans leurs stratégies de financement. Il est essentiel pour

les États émetteurs de conserver la confiance de ces investisseurs à long terme et celle

des agences de notation de crédit qui servent de guide pour les choix

d’investissement. Ce rôle très important des grandes agences de rating, aujourd’hui

fortement critiquées, découle notamment des réglementations prudentielles qui

imposent de privilégier, dans la gestion de l’épargne du public, l’investissement en

titres peu risqués disposant des meilleures notations : la crise a montré les dangers de

ces règles qui peuvent accélérer le déclenchement des crises lorsque les investisseurs

institutionnels sont soudainement obligés de vendre les titres des émetteurs dont la

notation est dégradée.

I.1.2°/ Le secteur financier domestique et la dette publique

La détention de la dette publique par le secteur financier domestique traduit les

spécificités des modes de financement des économies nationales.

Le cas du Japon

Le Japon est le pays de l’OCDE où la détention de la dette publique repose de la

façon la plus exclusive sur le secteur financier domestique (75 %). La part très élevée

des banques (40 %) tient notamment aux investissements considérables de la banque

publique de la Poste japonaise en bons du Trésor. Les compagnies d’assurance

détiennent 19 % de la dette, et les fonds de pension publics, 12 %. Ce modèle de

financement de l’État s’appuie sur un taux d’épargne élevé des ménages et une

Page 39: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

38

préférence collective des épargnants japonais pour des placements financiers sans

risque, sans oublier que c’est le seul Etat, qui présente de nos jours un taux de

détention direct, par les ménages de titres publics, encore significatif de 5,2%.

Tableau 1 : Japon, part de la dette publique japonaise détenue par le secteur financier

domestique

Banques, dont la Poste 40%

Sociétés d’assurance 19%

Fonds de pension publics 12%

Fonds de pension privés 04%

Total 75%

Source : Forbes

Le cas de la zone euro

La zone euro s’apparente un peu à la situation japonaise : les établissements de

crédit sont les premiers détenteurs de la dette publique au sein du secteur financier (22

%) devant les autres institutions financières (11 %), dont les sociétés d’assurance et

les fonds de placement collectifs (OPCVM). La constitution de grands groupes

bancaires bâtis sur le modèle de banque universelle a renforcé le poids des

établissements de crédit dans la gestion de l’épargne des ménages et son affectation au

financement des dettes publiques. Seule la France fait exception : ce sont les sociétés

d’assurance qui sont le premier détenteur domestique de la dette publique (20 %), car

l’assurance-vie constitue le principal placement à long terme des ménages en l’absence

de véritables fonds de pension. C’est en Allemagne (46 %) et en Italie (41 %) que la

part du système financier domestique reste la plus élevée dans la détention de la dette.

Figure 6 : Zone euro - part du système financier domestique dans la détention de la

dette publique

Page 40: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

39

Le cas du Royaume Uni

Au Royaume-Uni, les sociétés d’assurance et les fonds de pension détiennent une

part particulièrement élevée de la dette publique (30 %). Le système de retraite par

capitalisation apporte à l’État britannique une base solide d’investisseurs à long terme

qui constitue un remarquable facteur de stabilité pour le financement de la dette. Sa

maturité moyenne est la plus élevée des pays de l’OCDE (14 ans en 2010 contre 7 ans

au Japon et en zone euro, 5 ans aux États-Unis). En 2010, 60 % de la dette britannique

était constituée de bons du Trésor émis à plus de 10 ans, dont 30 % à plus de 20 ans.

Les banques détiennent en revanche une part relativement faible de la dette (6 %) et

les autres intermédiaires financiers, notamment les fonds de gestion collective, en

détiennent 11 %.

Tableau 2 : Royaume-Uni, détention de la dette publique par le secteur financier

domestique

Établissements de crédit 06%

Assurances et fonds de pension 30%

Autres intermédiaires financiers 11%

Total 47%

Source : comptes nationaux

Page 41: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

40

Le cas des Etats Unis

Aux États-Unis, la part des institutions financières domestiques privées est

beaucoup plus réduite dans la détention de la dette publique totale : banques,

assurances et fonds d’investissement ne détiennent que 13 % de la dette fédérale et

19 % de la dette détenue par le public13

. Cette situation est la conséquence du mode de

financement de l’économie américaine plus centré sur les marchés que sur les

financements bancaires. L’État fédéral est donc placé en concurrence avec d’autres

émetteurs obligataires, tels que les entreprises, les agences fédérales comme Fannie

Mae et Freddie Mac, et ne représente que 29 % des encours obligataires émis sur les

marchés américains, contre 50 % en Europe. Cette part relativement modeste du

secteur financier privé provient également du fait que le secteur public domestique

détient des encours importants de la dette publique : 32 % de la dette fédérale est

détenue par des government accounts correspondant à l’ensemble des fonds de réserve

gérés par des agences gouvernementales. En outre, 5 % de la dette est détenue

directement ou indirectement par les États fédérés. Au sens large, la détention par des

acteurs domestiques de la dette fédérale s’élève donc à 51 % en tenant compte de ce

mécanisme d’auto-détention.

Tableau 3 : États-Unis, détention domestique de la dette fédérale (2010)

Banques domestiques 02%

Fonds de pension privés 04%

Sociétés d’assurance 02%

Mutual funds 05%

Total secteur financier privé 13%

États et collectivités locales 04%

US Government Accounts 33%

Fonds de pension publics 01%

Total fonds publics 38%

Source : Treasury Bulletin, septembre 2010

13

Il s’agit de la dette fédérale nette des encours détenus par différents organismes publics dépendant de l’État fédéral, les Government Accounts. En comptabilité publique européenne, cette détention croisée de la dette ne serait pas comptée au titre de la dette publique nette.

Page 42: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

41

Les créanciers étrangers sont aussi majoritairement des acteurs financiers

privés. Il n’existe que peu de données détaillées sur les créanciers non-résidents des

États, mais les principales études disponibles révèlent que les créanciers non-résidents

sont aussi majoritairement des grandes institutions financières. La mondialisation a

favorisé l’émergence de grands acteurs financiers internationalisés : conglomérats

bancaires ou d’assurances présents sur l’ensemble des marchés, grands gestionnaires

d’actifs. Les acteurs dominants sont issus des pays disposant de fonds de pension

puissants, comme les États-Unis et le Royaume-Uni14

, mais aussi les institutions

financières des pays de la zone euro et des grands pays émergents désireuses de placer

leurs avoirs dans des actifs libellés dans des grandes devises internationales.

Les fonds souverains constituent une catégorie alternative de créanciers aux côtés

des institutions financières privées. Ils jouent un rôle grandissant dans le financement

des dettes publiques des économies avancées du fait de l’accroissement de leur nombre

(une quarantaine aujourd’hui dans le monde) et de leurs avoirs (entre 2 000 et 3 000

milliards de dollars selon le FMI en 2008, 12 000 milliards à l’horizon 2015 selon

Morgan Stanley). Soucieux de constituer des réserves financières à très long terme, ces

nouveaux acteurs diversifient leurs avoirs entre placements en actions des grandes

sociétés multinationales et en titres publics libellés dans les devises internationales.

Peu d’informations publiques sont disponibles pour mesurer finement la structure de

leurs portefeuilles. Ils constituent depuis plusieurs années une base d’investisseurs

prioritaire pour les grands États émetteurs. Les fonds souverains doivent être

clairement distingués des Banques centrales qui détiennent elles aussi des portefeuilles

parfois considérables de titres publics en dans le cadre de la gestion des réserves de

change.

Les investisseurs purement spéculatifs, notamment les hedges funds et les

équipes de trading pour compte propre des banques d’investissement, ne constituent

qu’une part marginale des créanciers des pays disposant d’une notation financière

solide. En général, ils sont peu présents sur les marchés de la dette des pays disposant

d’une solide notation financière, car la volatilité et les opportunités de gain à court

terme y sont très faibles. Ils peuvent toutefois représenter une proportion significative

des détenteurs de titres pour des pays en situation de stress financier, notamment en

intervenant sur le marché secondaire de la dette ou sur le marché des credit default

swaps (CDS)15

. En période de stress, ils constituent plutôt une source de liquidité

précieuse en participant aux adjudications ou en se portant acquéreur de titres décotés

vendus par les détenteurs traditionnels désireux de se délester du risque souverain. Ces

acteurs ont été soupçonnés d’être à l’origine de l’instabilité sur les marchés européens

de la dette souveraine. Leur rôle dans le déclenchement des crises n’est pourtant pas

prouvé. Les investigations menées par la Commission européenne et révélées dans un

rapport publié en décembre 2010 n’ont pas apporté de preuves tangibles de l’effet

déclencheur de stratégies spéculatives dans la crise de la dette grecque.

14 Selon Morgan Stanley, les fonds de pension représentaient la première catégorie d’investisseurs sur les

marchés financiers en 2008, avec des actifs investis de l’ordre de 20 000 milliards de dollars, dont 10 000 milliards pour les seuls fonds américains. 15

Ce sont des contrats financiers dérivés qui permettent à leur détenteur de se couvrir contre le risque de défaut d’un débiteur. Ils permettent aussi de spéculer sur la faillite ou la non faillite d’un pays sans effectivement détenir des titres de cet Etat.

Page 43: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

42

I.1.3°/ L’internationalisation de la détention de la dette publique

L’internationalisation de la base d’investisseurs détenant les dettes des pays de

l’OCDE a été un fait marquant des trente dernières années. Fin 2009, seul le Japon

demeurait relativement fermé aux investisseurs non-résidents. Ceux-ci détenaient en

revanche 30 % des dettes publiques américaine et britannique, et en moyenne plus de

50% de la dette des États membres de la zone euro. Ce phénomène de

l’internationalisation est la conséquence directe des politiques de libéralisation des

marchés de capitaux conduites à compter des années 1980.

Tableau 4 : Détention de la dette publique par les résidents et les non-résidents

Détenteurs Résidents (secteur financier et autres) Non-résidents

Zone Euro 47% 53%

États-Unis 70% 30%

Royaume-Uni 71% 29%

Japon 92% 08%

Source : statistiques des banques centrales, 2009

Avant les années 1980, les restrictions des flux de capitaux internationaux

exerçaient une contrainte forte sur le financement des déficits publics et sur

l’investissement privé domestique. En économie fermée, l’État et les entreprises se

trouvaient en concurrence pour lever des capitaux auprès des épargnants, créant en

période de déficit important un fort risque d’éviction de l’investissement privé. La

levée des barrières aux flux de capitaux internationaux a considérablement allégé cette

contrainte depuis plus de trente ans. Elle a répondu à un objectif d’efficacité

économique en permettant une meilleure allocation à l’échelle mondiale de l’épargne

disponible aux besoins d’investissements. Elle a permis aux investisseurs de diversifier

à grande échelle leurs placements et aux pays avancés d’accéder à un pool d’épargne

mondiale considérable.

L’intégration financière internationale n’est évidemment pas sans risques. En

réduisant les contraintes fortes qui pesaient sur le financement des États, elle favorise

le gonflement des dettes publiques et des déséquilibres courants. L’accroissement de la

part de la dette détenue par des créanciers non-résidents a aussi pour contrepartie une

dépendance accrue des États vis-à-vis d’une base d’investisseurs moins captive et donc

potentiellement moins stable. Les États disposent en effet de moyens d’action

significatifs vis-à-vis de leurs créanciers domestiques tels que, la fiscalité, la régulation

financière, dont ils ne disposent plus vis-à-vis des non-résidents.

Page 44: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

43

Le cas de la zone euro

L’internationalisation de la détention de la dette publique apparaît très marquée

dans la zone euro, mais traduit aussi la réussite de l’intégration financière intra-

européenne La zone euro apparaît comme la région du monde la plus marquée par la

diversification internationale de la détention de la dette publique. Ce phénomène est

particulièrement net dans certains États membres dont la proportion de créanciers

non-résidents dépasse 70 % à savoir la France, la Grèce, l’Irlande et le Portugal. De

manière générale, tous les États de la zone euro ont une proportion de créanciers non-

résidents supérieure à 40 %.

Tableau 5 : Zone euro : proportion de détenteurs de la dette publique par des non-

résidents

Zone euro (moyenne) 53 %

France 70 %

Allemagne 53 %

Italie 44 %

Espagne 44 %

Grèce 71 %

Belgique 56 %

Irlande 85 %

Portugal 75 %

Source : comptes nationaux, 2009

La création de la zone euro a en réalité remis en cause la notion même de détenteur

résident de la dette publique, les grands groupes financiers paneuropéens

constituant dorénavant une seule et même classe de créanciers. En 2010, une étude

publiée par Natixis a tenté d’estimer la part de détention intra-européenne des dettes

publiques à partir de plusieurs bases de données internationales. Ses conclusions sont

éclairantes : la dette détenue en dehors de la zone euro serait pour la France et

l’Allemagne de 48 %, et de moins de 40 % en tenant compte de l’Europe au sens

large (Union européenne non euro, Suisse et Norvège). Pour les pays plus

périphériques, tels que le Portugal, l’Esp agne, l’Italie, les Pays-Bas et la Grèce, cette

proportion serait encore plus faible (moins de 30 %), traduisant une détention

Page 45: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

44

majoritaire par les grands investisseurs issus des autres États membres, notamment les

institutions financières françaises et allemandes.

Figure 7 : Zone euro : détention de la dette publique

La diversification intra-européenne de la détention de la dette publique apparaît

très nettement aux Pays-Bas, en Grèce et en Irlande, mais aussi en Espagne et en

Italie et surtout au Portugal où la détention de la dette publique par les résidents

s’élève à moins de 5%. La dette des pays « périphériques » a constitué un support

d’investissement privilégié pour l’épargne excédentaire des pays du « cœur » de la

zone euro, notamment l’Allemagne et la France dont les épargnants ont été attirés par

les rendements plus élevés offerts par ces autres émetteurs européens classés par les

agences de notation au sein d’une même catégorie de débiteurs. Les États présentant

les besoins de financement publics les plus importants ont ainsi pu se financer, jusqu’à

la crise, dans des conditions beaucoup plus avantageuses que par le passé (Italie,

France, Grèce, Portugal). Mais, nous le verrons, la crise a mis une fin brutale à ce

phénomène.

La part de la dette publique des pays de la zone euro détenue par des créanciers

non européens apparaît donc finalement assez comparable à ce qui peut être observé

aux États-Unis ou au Royaume-Uni (autour de 30 %). Cette proportion apparaît même

inférieure dans les pays de la périphérie (22 % en Espagne, 23 % en Italie, 26 % en

Grèce), seuls les pays du « cœur » de l’eurozone affichant une proportion de créanciers

non européens nettement supérieure. Ce constat global permet d’expliquer le taux de

détention par des non-résidents particulièrement élevé affiché par la France, qui est

passé de 22,6 % de la dette négociable (15 % des encours d’OAT16

) en 1998 à 70 %

16

OAT signifie Obligations assimilées au Trésor

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

45

fin 2010. Cette dynamique traduit en réalité un double phénomène : une large

diversification intra-européenne de la base d’investisseurs de la dette française (30 %

en comptant la Suisse et le Royaume-Uni) au-delà de la base d’investisseurs

domestiques (30 %), et un appel croissant aux créanciers non européens (40 %) grâce à

la mondialisation financière.

Le cas des Etats-Unis

L’internationalisation de la détention de la dette fédérale américaine est plus

marquée que ce que révèlent les statistiques officielles Aux États-Unis, la détention de

titres de dette fédérale par les non-résidents (4 431 milliards de dollars fin 2010)

représente 32 % de l’encours total de la dette. Néanmoins, rapporté à la dette détenue

par le public, cet encours représente 47 % de la dette nette fin 2010 et 50 % de la dette

nette émise sur le marché. Les statistiques publiées par le Trésor américain font

apparaître une base d’investisseurs non-résidents très diversifiée et une part très

significative des créanciers publics (principalement les banques centrales) parmi ces

non-résidents (71 %).

Tableau 6 : Les créanciers des États-Unis

Au 31 décembre 2010 % dette détenue

par les non-

résidents

% dette détenue

par le public

(dette nette)

% dette

fédérale totale

(dette brute)

Chine 26,1 12,4 8,3

Japon 19,9 9,4 6,3

Royaume-Uni 6,1 2,9 1,9

Pays exportateurs de

pétrole

4,8 2,3 1,5

Brésil 4,2 2,0 1,3

Centres financiers

Caraïbes

3,8 1,8 1,2

Taiwan 3,5 1,7 1,1

Russie 3,4 1,6 1,1

Hong Kong 3,0 1,4 1,0

Page 47: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

46

Suisse 2,4 1,1 0,8

Luxembourg 1,9 0,9 0,6

Canada 1,7 0,8 0,5

Singapour 1,6 0,8 0,5

Allemagne 1,4 0,6 0,4

Thaïlande 1,2 0,6 0,4

Irlande 1,0 0,5 0,3

Autres 13,9 6,6 4,4

Total détenteurs non-

résidents

100,0 47,3 31,7

– dont détenteurs publics

non-résidents

71,1 33,6 22,5

Source : Trésor américain

Les créanciers chinois représentent 26 % des encours de dette détenus par des non-

résidents et 12 % de la dette fédérale nette et 8 % de la dette brute. Il s’agit

principalement des réserves de change de la Banque centrale de Chine, dont 42 %

des avoirs sont placés en titres de la dette américaine. Les créanciers japonais

détiennent 9 % de la dette nette, devant le Royaume-Uni. Sur longue période, la

détention par la Chine n’a cessé de progresser depuis 1994 (dernière dévaluation du

yuan chinois). En revanche, la part des résidents japonais dans la détention de la dette

fédérale a connu un pic en 2004 (37 %) avant de décroître. La part des pays

exportateurs de pétrole a été relativement stable depuis 1990.

Le cas du Royaume Uni et du Japon

La détention de la dette publique est moins internationalisée au Royaume-Uni et,

surtout, au Japon.

Par rapport à la zone euro et aux États-Unis, le Royaume-Uni (71%) et, surtout, le

Japon (92%) ont préservé une part dominante de créanciers domestiques. Le

Royaume-Uni n’étant pas membre de la zone euro, il n’a pas bénéficié des effets de

l’intégration monétaire pour diversifier autant que ses partenaires sa base

d’investisseurs intra-européenne. Le degré d’internationalisation de la détention de sa

dette publique traduit donc davantage les effets de la mondialisation financière en

général. Ces effets sont réels mais limités. Pour les investisseurs internationaux, le rôle

relativement secondaire joué par la livre comme monnaie internationale contribue à

Page 48: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

47

limiter leur appétence pour les titres d’État britanniques. En outre, l’existence de

grands fonds de pension qui assurent l’essentiel du financement des retraites maintient,

on l’a vu, une demande domestique forte pour la dette publique nationale et réduit le

besoin de faire appel à des créanciers externes.

Le cas du Japon renvoie encore davantage à des spécificités nationales fortes. Dans

un contexte économique déflationniste depuis les années 1990, les ménages japonais

détiennent une part très élevée (55 %) de leurs avoirs financiers sous forme de dépôts

bancaires liquides principalement réinvestis en titres publics très faiblement

rémunérés (les taux à 10 ans japonais sont proches de 1 %). En outre, le taux

d’épargne des ménages est élevé du fait du vieillissement avancé de la population.

L’allocation massive de cette épargne au financement de l’État traduit donc une forte

aversion au risque des intermédiaires financiers et des épargnants. En dépit d’un

niveau d’endettement public considérable (194 % du PIB fin 2010), le Japon n’a donc

jamais réellement recherché l’internationalisation de la détention de sa dette par les

non-résidents. Fort d’importants excédents courants depuis les années 1980, le pays a

au contraire joué le rôle d’exportateur net de capitaux à destination des pays

déficitaires comme les États-Unis.

Japon : un modèle de financement purement domestique en péril

À court terme, le modèle de financement purement domestique de la dette publique

japonaise semble plus solide que jamais. En 2009 et 2010, le Japon a conduit une

politique de relance budgétaire qui a conduit le déficit public à 8 % du PIB en 2010 et

qui devrait maintenir le besoin de financement de l’État autour de 7 % du PIB à

l’horizon 2012. Le financement de l’endettement supplémentaire de l’État a toutefois

été intégralement absorbé par les créanciers domestiques. La détention par les non-

résidents de la dette publique aurait même baissé (5 %) dans les dernières statistiques

publiées. La mobilisation de l’épargne domestique demeure le facteur essentiel

d’absorption interne du déficit public, les achats de titres d’État par la Banque du

Japon demeurant limités (fin 2010, elle détenait 56 trillions de yens de titres publics,

soit 9 % de la dette publique).

Le Japon devrait néanmoins rencontrer des difficultés à l’avenir pour maintenir son

modèle de détention de la dette publique. L’accroissement considérable du nombre de

retraités (leur nombre est maintenant égal au nombre d’actifs) va exercer une pression

à la baisse sur le taux d’épargne des ménages qui pourrait devenir négatif pour la

première fois en 2011 (il est déjà passé de 20 % en 1990 à 2 % en 2009). En outre, le

retour d’une inflation légèrement positive pourrait inciter les épargnants à rediriger

leurs avoirs vers des placements plus rémunérateurs que les titres publics. Les autorités

seront alors confrontées à des choix difficiles, entre ouverture croissante aux

créanciers étrangers et monétisation de la dette. Ces choix pèseront certainement sur

l’équilibre financier mondial compte tenu du poids du Japon comme créancier

international.

Page 49: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

48

I.2°/ Stratégies divergentes de financement de la dette publique dans

l’après-crise et part des banques centrales dans la détention de la dette

publique

La soutenabilité des finances publiques des économies avancées s’annonce comme

un sujet d’inquiétude majeur pour les années à venir. En 2010, l’économie mondiale a

retrouvé le chemin de la croissance et la stabilisation du secteur financier apparaît en

bonne voie. Néanmoins, l’«après-crise financière » porte les stigmates des plans de

soutien massifs aux banques et à l’économie réelle à travers un niveau d’endettement

public considérable dans l’ensemble des pays avancés. Surtout, la capacité de ces pays

à maîtriser la dynamique de la dette apparaît de plus en plus incertaine.

Dans une étude très commentée, publiée dans son rapport annuel pour 2010, la

Banque des règlements internationaux (BRI) évalue en moyenne à 30 points de PIB

l’accroissement cumulé de la dette publique dans les pays avancés entre 2007 et 2011,

soit une augmentation de 40 % de l’endettement public en seulement quatre années.

Dans les pays les plus touchés par la crise, l’accroissement de la dette est encore plus

considérable : + 50 % aux États-Unis, + 80 % en Espagne, doublement au Royaume-

Uni, triplement en Irlande… Surtout, la BRI souligne combien il sera difficile de

maîtriser cette dynamique : à paramètres constants, la dynamique de la dette publique

apparaît partout explosive à l’horizon 2020. Le ratio de dette atteindrait à cette date

150 % du PIB aux États-Unis, 300 % au Japon, 180 % aux Royaume-Uni et 150 %

en France. Dans un scénario alternatif, marqué par un effort accru de maîtrise des

dépenses publiques mais aussi par un accroissement des dépenses liées à l’âge des

populations, le ratio de dette pourrait être stabilisé mais à un niveau très élevé.

La capacité des débiteurs souverains à solliciter l’épargne domestique et extérieure

ne sera pas sans limite. Face à cette nouvelle contrainte, les États se trouvent

confrontés à une alternative difficile pour échapper aux difficultés de paiement et à

l’éventualité d’une restructuration de la dette. Ils n’ont en réalité le choix qu’entre

deux stratégies toutes deux potentiellement dangereuses : le financement d’une

partie de la dette par la banque centrale ou l’austérité budgétaire pour maintenir à

tout prix la confiance des créanciers traditionnels. La première stratégie été adoptée

par les Etats-Unis et le Royaume Uni ; et la seconde, par les pays de la zone euro.

Il faut noter aussi, que les Banques centrales nationales détiennent une partie de la

dette publique. La Federal Reserve (FED), la Banque centrale fédérale américaine, a

joué le rôle de « prêteur en dernier ressort » de la dette fédérale, compte tenu de la

capacité limitée du secteur du secteur financier domestique à absorber les nouvelles

émissions de dette publique malgré la nette hausse du taux d’épargne des ménages

après la crise financière.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

49

Tableau 7 : États-Unis, le financement des émissions de dette fédérale en 2009

Autorités monétaires 21%

Étrangers 40%

Banques commerciales 6%

Fonds de pension privés 9%

Autres 15%

Source: US Flows of Funds, banques centrales

Au Royaume-Uni, le financement de la dette publique par la Banque centrale est

encore plus spectaculaire. La Banque d’Angleterre a engagé depuis 2009 une politique

d’assouplissement quantitatif qui l’a conduite à multiplier par dix ses avoirs en titres

publics, de 22 milliards de livres début 2009 à 212 milliards fin 2010. À l’échelle de

l’OCDE, la Banque d’Angleterre est, de loin, la banque centrale qui détient la part la

plus importante de la dette publique totale (23 %). Le financement par les non-

résidents de la dette publique britannique a en outre augmenté, comme aux États-Unis.

Tableau 8 : Part des banques centrales nationales dans la détention de la dette

publique en 2010

Royaume-Uni 23,0 %

États-Unis (en % de la dette détenue par le public) 12,0 %

Zone euro (moyenne) 6,0 %

Japon 9,0 %

Allemagne 0,3 %

Source : Banques centrales nationales

Au sein de la zone euro, contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni, le

financement monétaire des déficits publics est clairement exclu comme source de

financement de la dette publique du fait des règles strictes inscrites dans les traités

européens. Néanmoins, un financement monétaire indirect des dettes publiques des

pays fragiles de la zone euro est bien mis en œuvre. En effet, les dispositifs de crise

mis en place par la Banque centrale européenne (BCE) permettent depuis 2009 aux

banques de la zone euro de se refinancer sans limite auprès de la Banque centrale en

apportant en collatéral leurs avoirs en titres publics. Par ce biais, les banques des pays

périphériques ont massivement eu recours à la liquidité de la Banque centrale pour

acquérir des titres publics. Le soutien de la BCE explique donc une partie de la hausse

Page 51: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

50

des encours de titres publics détenus par les banques qui est aussi encouragé par les

nouvelles réglementations prudentielles (Bâle III, Solvabilité II).

II°/ La crise de la zone euro : risque pays et risque systémique

Après les dégradations en cascade des notes attribuées aux dettes souveraines de

nombreux pays européens surtout de la zone euro tels que la Grèce, l’Irlande, le

Portugal et l’Italie ce fut, au milieu de l’été dernier, au tour des États-Unis, première

puissance économique mondiale, de perdre leur triple A auprès de l'agence Standard &

Poors. De son côté, la note du Japon a, elle aussi, été dégradée au niveau de Aa3 dans

l'échelle de notation de l'agence Moody's. En début octobre 2011, c'est l'Italie qui a vu

sa note dégradée par Moody's et par Fitch. Ces exemples n'ont guère de commune

mesure, tant les situations sont différentes. Cependant, dans ces pays les montants nets

atteints par les dettes sont montés à des niveaux vertigineux et, surtout, les agences de

notation ont pris en compte, dans leurs appréciations, une fragilité de leurs systèmes

politiques respectifs, face aux problèmes posés par cet endettement dans un climat de

crise économique.

Quelles que puissent être les critiques formulées à l'encontre des notations

provenant d'agences privées, la convergence de tous ces événements marque un

tournant plus que symbolique. Le risque de défaut estimé de cette manière est

traditionnellement associé à une notion beaucoup plus large de risque crédit, qualifiée

de « risque pays ». Jusqu'à une période récente, les analyses du risque pays

concernaient principalement des opérations économiques et financières en provenance

de pays développés à destination de pays en développement, appelés aujourd'hui

émergents.

II.1°/ Les concepts du risque pays et du risque systémique

II.1.1°/ Dettes souveraines, défaut de paiement et risque pays

Quelques précisions sémantiques s'imposent. Commençons par les dettes

souveraines. Sous cette appellation, on désigne communément un agrégat comptable

mesurant la dette extérieure des États, toutes échéances confondues. Pour évaluer leur

poids économique, on le rapporte à d'autres agrégats macro-économiques

représentatifs de la richesse nationale, principalement le PIB ou le PNB. Ces données

chiffrées, largement répandues, peuvent toutefois se révéler trompeuses. Elles ne

retiennent d'abord que la composante externe de la dette publique, laissant de côté sa

composante interne. Ainsi, lorsque éclata la crise mexicaine de 1982 qui mit ce pays en

défaut de paiement en 1983, son ratio dette extérieure/PNB atteignait à peine 47 % ; un

chiffre qui fait rétrospectivement rêver aujourd'hui tous les pays européens. Cet

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

51

exemple est d'autant plus emblématique que c'est à partir de cette date que la pratique

des ratios de risque pays s'est généralisée dans les différents organismes de crédit, en

Amérique du Nord et en Europe. Cette anomalie disparaît cependant lorsque l'on

réintroduit une évaluation de la composante interne des dettes publiques, mesurée le

plus souvent par le déficit budgétaire du pays. Reinhart et Rogoff ont souligné, avec

raison, le poids croissant de cette composante interne de la dette publique des États

principalement, mais pas seulement, dans les pays développés. Ils estiment ainsi

qu'elle représentait, tous pays confondus, plus de 70 % des dettes publiques totales

mondiales en 2007 (Reinhart et Rogoff, 2010). Il reste alors à identifier et à

comprendre la nature exacte des liens entre ces deux composantes.

Pour ce qui est de la dette interne, les chiffres utilisés sont souvent de piètres

indicateurs. La fiabilité des données budgétaires de certains États peut porter à

contestation, on l'a récemment vérifié avec la Grèce. En outre et surtout, le déficit

budgétaire ne comptabilise que l'endettement de l'État. Dans bien des cas, d'autres

entités publiques, comme des collectivités locales, des municipalités ou des services

sociaux, très endettés, contribuent, fréquemment et de manière significative, au

fardeau de la dette publique. On songe, en particulier aujourd'hui, aux dettes des

provinces autonomes espagnoles. Un exemple géographiquement différent en est

également fourni maintenant par les craintes qui commencent à se manifester sur

l'endettement de certaines provinces et municipalités chinoises. Or de telles données ne

sont pas intégrées dans les statistiques disponibles sur la dette des États.

Imparfaits qu'ils soient, ces indicateurs macroéconomiques révèlent néanmoins des

différences, d'un pays en difficulté à l'autre, dans l'origine et la structure des dettes

souveraines et donc dans les problèmes auxquels leurs gouvernements se trouvent

confrontés aujourd'hui. Si on laisse de côté la situation extrême de la Grèce, en

mesurant la dette publique et le déficit public (principalement budgétaire) en

pourcentage du PIB, on ne peut assimiler le cas du Portugal, où l'essentiel des

problèmes est venu du poids de la dette publique, à celui de l'Irlande, d'abord frappée

par l'ampleur de son déficit public, qui est passé de 14,3 % à 32 % du PIB entre 2009

et 2010. Depuis lors, la différence entre la situation des deux pays n'a cessé de se

creuser, au point que le terme de « PIG » (Portugal, Irlande, Grèce) n'a plus de raison

d'être, tant l'Irlande a maintenant relevé la tête, alors même que le Portugal continue de

s'enfoncer. Quant à la dette publique de l'Italie, elle représentait, fin 2010, près du

double de celle de l'Espagne, tandis que son déficit budgétaire restait, en revanche,

moitié moins élevé que celui de l'Espagne (Eurostat, 2011). Ce premier repérage

montre que, loin de lisser les situations d'endettement, la crise mondiale a, au

contraire, tendu à exacerber leurs différences d'un pays à l'autre, peut-être même et

surtout lorsque ces pays appartiennent à la même zone monétaire, celle de l'euro. Cette

observation rejoint d'autres constats macro-économiques qui vont dans le même sens,

sur la base d'indicateurs différents (emploi, activité industrielle, balance

commerciale...). C'est pourquoi il apparaît contre-productif, voire dangereux, de

chercher à appliquer à tous les pays handicapés par leur endettement un protocole

unique, ou tout au moins normalisé, d'assainissement de leurs finances publiques.

Page 53: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

52

Ces différences rappellent une autre évidence. Les États-Unis et le Japon ont pu,

jusqu'à une période encore récente, accumuler progressivement des dettes extérieures

atteignant des montants très élevés, sans pour autant entraîner de véritables risques de

défaut. S'il en va autrement aujourd'hui, c'est d'abord parce que ces différentes

mesures de l'endettement d'un pays, quelle que puisse être leur valeur statistique et

économique, ne doivent jamais être confondues avec celles de l'évaluation de son

risque de défaut. La notion de défaut elle-même n'est pas facile à appréhender lorsqu'il

s'agit de dettes des États face à des créanciers étrangers, les définitions juridiques de la

faillite en droit privé ne leur étant pas directement applicables. Du reste, on distingue

aujourd'hui à ce sujet les défauts partiels et les défauts complets, sans associer à ces

catégories financières des régimes juridiques précis. Le défaut de paiement est un

accident qui intervient à l'occasion du refinancement de cette dette. Son occurrence

dépend, par conséquent, des modalités de financement, des exigences manifestées par

les différents détenteurs de la dette et d'un grand nombre d'autres facteurs – relatifs,

notamment, à l'environnement financier particulier dans lequel intervient ce

refinancement, sans oublier naturellement la situation économique et politique du pays

débiteur ; d'où la tentation de recourir, pour évaluer ce risque de défaut, à une

référence plus large, mais aussi beaucoup plus floue, celle du risque pays.

Le concept du « risque pays » est couramment utilisé par les analystes et les

experts des affaires internationales depuis près d'une trentaine d'années. Ce terme

générique regroupe, en réalité, de multiples éléments hétérogènes. Dans son acception

la plus large, le risque pays désigne l'ensemble des risques auxquels est exposé tout

opérateur, économique ou financier, dans un pays étranger, du seul fait de la politique

de ce pays, de ses particularités institutionnelles et, plus généralement de l'évolution

propre de son économie. Tous ces éléments concourent à alimenter son risque

souverain qui, à son tour, aggravera le risque pays ainsi entendu. Une telle pratique

revient alors à rechercher la mesure d'un risque difficile à calculer, à partir de

l'appréhension d'un risque plus difficile encore à identifier.

II.1.2°/ Du risque de défaut au risque pays

Cette démarche, qui peut paraître rétrospectivement étrange, s'explique par

l'histoire. Au moment où le terme de risque pays est apparu, vers le milieu des années

1970 et le début des années 1980, de grandes banques nord-américaines et

européennes cherchaient à placer une partie de leurs liquidités dans des prêts directs

avantageux auprès d'États et de gouvernements de pays émergents détenteurs de

matières premières, principalement dans la zone latino-américaine. Leur préoccupation

était alors d'arbitrer entre les opportunités offertes par différents pays surtout de

l’Amérique de latine. Le risque pays prenait, pour ces établissements bancaires, une

signification précise, puisque la réponse à cette question dépendait alors

principalement de l'estimation de la qualité de ces pays débiteurs. C'est pour y

répondre qu'ont du reste été conçus les premiers systèmes de rating des banques :

risque pays et risque souverain y sont, dans ce contexte, presque synonymes. Les

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

53

choses changent cependant avec la crise asiatique de 1997-1998 et, plus encore, avec

celle du défaut de l’Argentine de 2001.

La mondialisation, avec la multiplication et l'extrême diversification des échanges

internationaux qui l'ont accompagnée, a profondément modifié les données.

L'appréciation quotidienne du risque souverain sur les marchés financiers, à travers les

taux d'intérêt des dettes des pays, induit désormais des informations déterminantes. La

mesure de leur volatilité y prend une place prépondérante dans son appréhension.

Si, en dépit de sa faiblesse conceptuelle et du flou de ses contours, le risque pays

est toujours invoqué, analysé et même mesuré, c'est parce qu'il répond aux demandes

pressantes en provenance d'opérateurs internationaux de plus en plus divers et

nombreux. Mais les liens entre le risque pays et la problématique des dettes

souveraines ont changé. D'un côté, les défauts de paiement, dont ont été victimes les

pays, ont fait l'objet d'assez nombreux travaux empiriques menés indépendamment des

analyses de risque pays. Des études rétrospectives, utilisant des techniques statistiques

souvent élaborées, ont été développées et ont permis de dégager des corrélations, voire

des relations de causalité, entre les accidents de paiement de ces pays et une palette de

plus en plus étendue de variables macroéconomiques et politiques. D'un autre côté, il a

été procédé à une analyse critique des notes de risque pays attribuées par les

différentes institutions notatrices à un large échantillon de pays ayant ou non connu

des défauts de paiement, sur la base d'études économétriques de la représentativité des

variables retenues et de leur traitement explicite ou implicite (Hoti et McAleer, 2004).

Sans surprise, une corrélation positive assez robuste a d'abord été mise en évidence

sur une moyenne période, entre les variances des notations de risque attribuées aux

pays par Institutional Investor et Euromoney, d'une part, et les ratios dettes

extérieures/ PNB et dettes extérieures/exportations, d'autre part. Plus intéressants,

sans doute, les historiques des accidents de paiement rencontrés par certains pays ont

permis d'évaluer leur intolérance aux dettes, pouvant ainsi servir d'indicateurs avancés

dans l'évaluation des risques de défaut (Reinhart, Rogoff et Savastano, 2003). Enfin,

une certaine régularité dans des cycles de défauts souverains sur la longue période a pu

être mise en évidence, permettant ainsi de relier ces accidents de paiement aux

évolutions de l'économie mondiale. Plutôt que de chercher à expliquer les risques de

défaut à partir d'une hypothétique mesure des risques pays, il apparaît donc

aujourd'hui plus opportun de partir, au contraire, d'une analyse des risques de défaut,

pour dégager ensuite ses possibles conséquences pour les différents opérateurs

économiques exposés au risque pays. Le cas de la Grèce en fournit actuellement la

meilleure illustration, puisque l'estimation et le traitement de la dette grecque

conditionnent le risque pays, non seulement de la Grèce elle-même, mais également de

plusieurs pays de la zone, à travers notamment les engagements de leurs banques.

Au-delà de ces constats empiriques assez attendus, la diversité des données utilisées et

la variété de leur traitement rendent difficile la comparabilité des résultats livrés par

ces études. Au reste, leurs différents modèles statistiques n'ont été testés, jusqu'à

présent, que sur une majorité de pays en développement ou émergents. On peut dès

lors s'interroger sur leur portée, lorsqu'ils sont appliqués aux risques de dettes

souveraines de pays occidentaux appartenant aux économies avancées, sans

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

54

antécédents historiques récents de défaut. L'hétérogénéité des dimensions et des

caractéristiques macroéconomiques de pays comme les États-Unis, la Grèce et la

Belgique, par exemple, limite en outre les enseignements susceptibles d'être tirés de

ces approches agrégées, pour une évaluation comparative de leurs risques de défaut.

II.1.3°/ Le risque systémique : une autre approche du risque souverain

Il est clair que ce que l'on dénomme communément « probabilité de défaut » pour

mesurer le risque émanant des dettes souveraines ne correspond, ni à une mesure

objective d'occurrence des défauts de paiement des États, ni à une évaluation des

sinistres potentiels qu'ils pourraient occasionner. Cette mesure, comme le

reconnaissent du reste les agences de notation, traduit plutôt un jugement, voire une

opinion, argumentée sur ce risque. Dans la terminologie technique de l'analyse

économique, il s'agit donc de probabilités subjectives. Quant à l'argumentation qui

sous-tend ces jugements et fonde ces probabilités, elle n'est pas actuellement dérivée

d'un véritable modèle de risque. Elle renvoie, pour l'essentiel, aux résultats actualisés

de modèles macro-économiques d'endettement, le plus souvent standardisés par les

contraintes d'opérationnalité. Il en résulte une convergence fréquente des évaluations

subjectives de risques de défaut par les différents évaluateurs, dont on a pu observer

les effets cumulatifs.

L'existence de très importantes externalités entraîne potentiellement une multitude

de dommages collatéraux économiques et politiques, en cas de défauts souverains de

la part des pays occidentaux aux économies avancées. L'interconnexion des différents

opérateurs internationaux dans des économies fortement intégrées par la

mondialisation peut faire craindre que ces risques de défaut n'enclenchent une

dynamique catastrophique qualifiée de risque systémique c’est-à-dire ayant un effet

d’entrainement sur le système financier et économique, compte tenu du renforcement

de la mondialisation financière. Pour toutes ces raisons, les économistes sont plutôt

enclins aujourd'hui à traiter les risques de défaut souverains comme des macro-risques

financiers et à privilégier les approches macroéconomiques pour les appréhender.

Mais une théorie macroéconomique du risque souverain existe-t-elle, et est-elle

seulement possible ? Les difficultés rencontrées dans l'interprétation des informations

agrégées qui ont été discutées précédemment permettent d'en douter. Les raisons de

fond avancées pour expliquer cette lacune théorique conduisent à proposer une

approche alternative du risque souverain fondée sur une analyse différente du

phénomène.

L'évolution d'une dette, et par conséquent les risques de défaut qui accompagnent

ses échéances, n'est pas la résultante mécanique de relations estimées entre un petit

nombre de paramètres financiers, économiques et politiques dûment sélectionnés. Au

cœur du phénomène, on trouve une interaction, ou plutôt des systèmes d'interactions,

avec une série d'intermédiations entre un (ou plusieurs) débiteurs et un groupe de

créanciers. Outre leurs montants, la seule véritable spécificité des dettes souveraines

est que, dans ce jeu complexe de prêts, d'emprunts, de remboursements et de reports

qui se noue entre prêteurs et emprunteurs, le rôle de l'emprunteur est joué par les États,

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

55

avec leurs prérogatives mais également leurs dépendances par rapport à l'économie de

leur pays. Le risque souverain peut s'entendre ainsi comme la conséquence des

comportements adoptés par ces deux catégories de joueurs. Nous verrons que s'y joint,

de plus en plus souvent maintenant, un troisième groupe formé par diverses

institutions économiques régionales, nationales, ou mondiales. Les comportements de

ces acteurs dépendent de leurs anticipations réciproques, en fonction de leurs

informations et de leurs croyances, avec les asymétries dont ils bénéficient ou dont ils

sont victimes. Par-delà les indicateurs financiers et les agrégats macro-économiques,

c'est donc aux outils forgés par la théorie des jeux et les théories économiques de

l'information qu'il revient d'en rendre compte.

Cette idée n'est pas nouvelle. On la trouve déjà développée en 1985, dans un article

séminal intitulé « The Pure Theory of Country Risk » (Eaton, Gersovitz et Stiglitz,

1985). Ses auteurs y insistent d'abord, à juste titre, sur la difficulté de définir avec

précision le défaut de paiement d'un pays, puisque les définitions juridiques de la

faillite ne peuvent immédiatement s'appliquer aux États, pas plus, du reste, que la

notion de banqueroute. Le défaut de paiement, en la circonstance, est moins un état de

fait, imputable à quelque mesure objective d'une dette souveraine, qu'une conséquence

de décisions prises par les parties concernées, au vu de leurs appréciations

nécessairement subjectives et imparfaites de la situation. Quant au risque de défaut qui

en découle, il n'est réductible ici, ni à celui d'insolvabilité, ni même à celui de non

liquidité, pour les raisons qui ont déjà été déjà avancées.

En dépit de sa remarquable clairvoyance, cet article et les travaux qui l'ont

accompagné portent la marque de leur époque. Si les principales hypothèses retenues,

concernant les banques créditrices et les assureurs crédits d'un côté, les pays débiteurs

de l'autre, sont toujours d'actualité, le contexte dans lequel s'exercent leurs activités a

beaucoup changé. Ainsi, le poids croissant de l'intermédiation financière, à travers un

véritable marché international des dettes souveraines, a fait entrer de nouveaux acteurs

(fonds de toutes sortes) et compliqué singulièrement les règles du jeu initial. La forte

volatilité des taux d'intérêt de ces différentes dettes, avec son incidence sur le

déroulement des processus de refinancement, en porte témoignage. La position

économique occupée par les pays emprunteurs récemment en difficulté, ou menacés de

l'être, a également contribué à modifier la donne des rapports de force entre

emprunteurs et prêteurs.

II.2°/ La crise de la zone euro : du risque pays au risque systémique

II.2.1°/ La chronique de la crise grecque

Le 3 septembre 2009, le Premier ministre Costa Caramanlis appelle des élections

anticipées. Le 4 octobre 2009, les élections sont gagnées par l’opposition conduite

Georges Papandreou. Le 21 octobre 2009, le ministre des finances annonce une

révision du déficit budgétaire ; contre les 3,7% affichés en début d’année, il évoque un

déficit de 12,5%, violant ainsi de loin le Traité de Maastricht à savoir le Pacte de

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

56

stabilité et de croissance (PSC)17

. Ce chiffre sera révisé une deuxième fois, le 22 avril

2010 pour s’élever à 13,6%. Il le sera une dernière fois, le 25 octobre 2010 pour

atteindre finalement le chiffre de 15,4% du PIB : l’Etat grecque, présentant ainsi un

gros risque d’insolvabilité c’est-à-dire un risque de défaut énorme.

Quand le gouvernement grec a révélé, le 16 octobre 2009, son incapacité à assurer

le service de sa dette, il a aussi provoqué la panique et la nervosité des marchés

financiers dans la mesure où ses prêteurs ont commencé à lui exiger le remboursement

de leurs prêts : cela reflète clairement un défaut de paiement qui se traduit par un

risque souverain important. Se trouvant donc, dans un dilemme très sérieux, l’Etat

grecque demande de l’aide aux autres pays membres de l’Union Européenne, en

particulier ceux de la zone euro rembourser sa dette.

L’Europe hésite sur la réponse à donner à la crise grecque, surtout du côté de

l’Allemagne avec le refus catégorique de la Chancelière Angela Merkel. Selon Jean

Pisani-Ferry, directeur du think tank Bruegel, il conviendrait de laisser faire le FMI,

car cette institution possède l'expertise de ce genre de problème et, à la différence des

institutions européennes,« est capable d'affronter l'impopularité ». Au contraire pour

d'autres, tel Jean-Claude Trichet, Président sortant de la BCE, le recours au FMI

serait vu comme un échec pour la zone euro Malgré tout, le 26 mars un Conseil

européen décide que la zone euro pourrait se porter au secours d'un pays de la zone en

difficulté après que ce dernier ait fait appel au FMI, et ait reçu une aide substantielle

de cette institution ; dans ce cas, sous certaines conditions, les pays de la zone euro

pourraient apporter un complément d'aide. C’est ainsi qu’un premier plan de sauvetage

de 30 milliards d’euros est annoncé le 11 avril 2010, mais il déçoit par son ampleur

trop limitée. Le 2 mai, le Conseil Européen18

vote un second plan par la mise en place

d’un mécanisme d’aide à la Grèce en des prêts bilatéraux pour un montant de 110

milliards19

, assorti d’un programme de retour du déficit à 2,6% d’ici 2014.

La Bourse grecque perd 6,7% le lendemain de l’annonce et 10%, quatre jours

après. Les analystes trouvent, en effet, le plan de rigueur trop brutal et s’inquiètent de

ses effets négatifs sur la croissance. Le risque d’une propagation de la crise grecque

aux autres pays de la zone euro reprend. Pour y répondre, les ministres des finances de

l’Union européenne annoncent, le 10 mai 2010, un nouveau plan par la mise en place

du Fonds européen de stabilité financière (FESF) de l’ordre de 750 milliards pour

financer d’éventuels autres sauvetages, afin d'éviter que la crise grecque ne s'étende à

l'Espagne, au Portugal, voire à l'Italie. Au lendemain, les Bourses européennes

s’enflamment, mais reperdent leur gain le 12 mai, du fait de l’opacité de mécanismes

prévus. Le Premier ministre espagnol Zapatero annonce un plan de restrictions

budgétaires de 15 milliards. L’Europe entre dans une phase d’austérité budgétaire.

17

Ce pacte définit des règles strictes en termes de finances publiques sous peine d’amendes (0,5% du PIB) : des finances saines avec un déficit budgétaire limité à 3% du PIB, et un endettement public 60% du PIB. Dans les faits, de nombreux pays tels que la France et l’Allemagne ont violé le PSC sans pour autant payer les amendes prévues en usant de l’influence politique. 18

Créé en 1975, il rassemble les chefs d’Etat et de gouvernement et le président de la commission ; il se réunit deux fois par an sous la présidence du pays en charge de la présidence de l’Union ; il prend les grandes décisions stratégiques. 19

80 milliards par les pays de la zone euro et 30 milliards par le FMI.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

57

La raison pour laquelle l’Union européenne devait intervenir est que la crise

grecque traduisait un risque pays dont les répercussions allaient conduire

inévitablement à la fin de l’euro. Comme nous l’avons déjà souligné dans le I.1.3°/, il

y a une forte diversification intra-européenne de la détention de la dette publique en

Grèce, c’est-à-dire qu’environ 50% de la dette souveraine est détenue par des

investisseurs institutionnels de la zone euro, en particulier de la France et de

l’Allemagne.

L’exposition des banques françaises à la dette grecque était plus grande que celle

des banques allemandes. En termes de portefeuille bancaire, l’exposition des banques

françaises au 30 juin 2011 est 4 milliards d’euros pour la BNP Paribas, de 1,6 milliards

d’euros pour la Société Générale, et en termes d’exposition nette, elle est de 0,3

milliard d’euros pour le Crédit Agricole et de 1,2 milliards pour la Banque populaire

Caisse d’épargne. La réalité qui accompagne cette exposition, c’est que, un défaut de

l’Etat grec coûterait : 28 milliards d’euros pour la BNP Paribas, 10,7 milliards d’euros

pour le Crédit Agricole, 8,8 milliards d’euros pour la Société Générale, 7,7 milliards

d’euros pour Deutsche Bank, 7 milliards pour RBS, 10 milliards pour HSBC.

Une triste réalité sur la dette grecque, montre que, Athènes a financé

majoritairement ses énormes déficits budgétaires pour les destiner à des dépenses de

fonctionnement des administrations publiques.

II.2.2°/ La contagion de la crise dans la zone euro

Face à l’explosion des marchés face à la crise de la dette grecque, un autre

problème inquiète l’Union européenne, à savoir l’effet d’entraînement sur les autres

pays de la zone euro tels que l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et l’Italie voire la France

qui a subi la pression des agences de rating sur l’éventuelle dégradation note de sa

dette souveraine.

Le cas de l’Irlande

L'Irlande fut le premier pays à connaître le même sort que la Grèce, même si la

situation du pays est sensiblement différente. Contrairement à la Grèce, l'Irlande a

longtemps été en croissance et ses finances publiques étaient saines. À tel point que le

pays fut surnommé le « Tigre celtique » (en référence aux Tigres asiatiques).

Malgré cela, l'Irlande a été fortement touchée par la crise des subprimes en 2008,

notamment en raison de la bulle immobilière. En 2010, le pays fait face à une grave

crise bancaire. Plusieurs de ses banques, notamment la banque Anglo, étaient au bord

de la faillite et doivent être renflouées.

En septembre 2010, l'Irlande doit une nouvelle fois se porter au secours de ses

banques, ce qui provoque une augmentation considérable de son déficit public qui

atteint 32 % du PIB. Le pays hésite à demander l'aide du FESF, à la fois pour des

raisons de fierté nationale, et parce qu'il craint que les autres pays lui imposent de

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

58

relever son impôt sur les sociétés, ce qui venait d'assurer son succès, mais qui est jugé

« non coopératif » par les autres États européens. Ceux-ci ont incité l'Irlande à recourir

au mécanisme du FESF car ils craignaient une contagion au Portugal voire à

l'Espagne. Si ce pays était touché, alors, pour le chef économiste de la Deutsche Bank,

la France, selon lui, pourrait ne plus être à l'abri.

Le gouvernement irlandais, rapidement dépassé, ne peut faire face seul à cette

crise. Un plan de sauvetage est donc mis en place au niveau européen avec le FESF,

qui prévoit l'octroi de prêts allant de 80 à 90 milliards d'euros.

En décembre 2010, The Irish Independent dévoile que la Banque centrale

d'Irlande a créé plus de 50 milliards d'euros de monnaie pour soutenir ses banques. Ce

type d'opération, bien que conforme aux traités européens, témoigne de la gravité de la

situation bancaire et financière irlandaise.

En février 2011, le gouvernement de droite, accusé d'être responsable de la crise,

est renversé lors des élections générales, laissant la place à une coalition de centre-

gauche. Le nouveau gouvernement de Enda Kenny promet alors de remettre en cause

les conditions du plan de sauvetage octroyé en novembre 2011. Mais sans succès,

notamment car l'Allemagne et la France exigent de l'Irlande qu'elle rehausse son taux

d'imposition sur les sociétés, ce que le gouvernement irlandais a promis de ne pas

faire : les banques allemandes étaient nettement plus exposées que les banques

françaises.

Le 31 mars 2011, les résultats des tests de résistance bancaires (banking stress-

tests) révèlent que le plan de sauvetage est loin d'être suffisant pour combler les pertes

subies par les banques irlandaises. Le gouvernement est forcé de nationaliser plusieurs

banques et de recapitaliser l'ensemble du secteur, pour un montant de 24 milliards

d'euros.

Le cas du Portugal

Le risque de crise au Portugal s'est accru à avril 2011. Ce pays, comme la Grèce, a

vu ses taux d'emprunt augmenter suite à la dégradation de la note de sa dette

souveraine, de A+ à A-, par Standard & Poor’s. Le fait que sa dette extérieure (privée

et publique) évaluée à près de 100% du PIB, est essentiellement détenue par des actifs

étrangers dont 80% pour la Grèce, et est à la fois un élément de fragilité et de force,

car les pays dont les banques ont prêté peuvent s'inquiéter des conséquences d'un

défaut de paiement sur celles-ci. Si le Portugal présente des similitudes avec le cas

grec, malgré tout son endettement et son déficit sont moindres et le pays n'a pas

présenté des budgets améliorés.

Le Portugal affiche un déficit public de 9,4% du PIB en 2009, puis 9,8% en 2010,

contre 13,6% pour la Grèce en 2009. Son endettement public est de 77,4% du PIB en

2009, et 93% en 2010, contre 115% du PIB pour la Grèce en 2009.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

59

Le 7 avril 2011, après avoir nié pendant longtemps la nécessité d'un plan de

sauvetage, le Premier ministre José Sócrates finit par faire appel à l'Union européenne

et au FMI, afin de subvenir aux besoins en trésorerie du pays. Les négociations qui

s'en suivront aboutiront à la mise en place d'un plan de sauvetage de 78 milliards

d'euros.

En termes de portefeuille bancaire, l’exposition des banques françaises à la dette

portugaise au 30 juin 2011 s’élève à 1,4 milliards pour la BNP Paribas, à 0,2 milliard

pour la Société Générale ; en termes d’exposition nette, elle s’élève à 0,8 milliard pour

le Crédit Agricol et à 0,2 milliard pour la Banque populaire Caisse d’épargne.

Il faut noter aussi que les banques allemandes sont beaucoup plus exposées à la

dette portugaise que les banques françaises.

Le cas de l’Espagne

L'agence Standard & Poor's a rétrogradé le crédit espagnol de AA+ à AA,

invoquant les faibles espoirs de croissance de ce pays, frappé de plein fouet par

l'éclatement de la bulle immobilière et de la construction.

Le déficit public espagnol a explosé en 2009. Il s'est élevé à 11,2% du PIB selon

Eurostat, bien au-delà de la limite des 3% du Pacte de stabilité européen. Le

gouvernement socialiste s'est engagé à le ramener à 3% en 2013, mais Standard &

estime « que le déficit public devrait probablement encore excéder 5% du PIB d'ici

2013 ». En fait, si l'Espagne a un tel déficit c'est que le modèle économique sur lequel

elle a bâti sa croissance jusqu'à la crise, le secteur immobilier, est plongé dans une

crise grave qui pèse sur le budget du pays.

En 2010, le déficit public est réduit à 9,24% du PIB (contre un objectif de 9,3%),

avec 5,7% pour l’État (contre un objectif de 6,7%) et 2,83% pour les régions (contre

un objectif de 2,4%). En septembre 2011, le gouvernement espagnol annonce qu'il

tiendra son objectif de déficit fixé à 6% du PIB pour l'année 2011, alors que les

déficits des régions est largement au-dessus des objectifs fixés par l’État, plus

particulièrement pour l'Andalousie et la Catalogne. Ainsi, c'est le déficit des régions

qui inquiète le plus les agences de notation. Toutefois, l'Espagne loupe largement son

objectif en 2011 alors que le déficit public s'affiche à 8,5%, dont 2,9% du PIB pour les

régions. Suite aux élections générales espagnoles de novembre 2011 remportées par le

Parti populaire, Mariano Rajoy devient président du gouvernement et promet

davantage d'austérité.

Le gouvernement espagnol annonce d'importantes mesures d'austérité en avril

2012 contenant des mesures d'économie totales de 39,5 milliards d'euros avec pour

objectif un déficit public à 5,3% (contre 8,5 en 2011) alors que l'objectif initial était de

4,4%. Les budgets des ministères sont réduits de 17% en moyenne afin de réaliser 27,3

milliards d'économie en plus de 12,3 milliards de hausse de prélèvement. Le budget

estime la récession de l'économie en 2012 à 1,7%, mais si les coupes budgétaires

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

60

devaient entrainer une contraction plus importante de l'économie, le gouvernement ne

pourra pas atteindre ses objectifs.

Pour les analystes, la dégradation de la note de l'Espagne est plus préoccupante en

raison du poids de son économie dans la zone euro, nettement supérieur à celui de la

Grèce et du Portugal car si elle devait demander l'aide comme la Grèce à l'UE, cela ne

serait pas possible vu sa taille.

En mai 2012, l'établissement bancaire Bankia est nationalisé tandis que son plan

de sauvetage est estimé à 23,5 milliards d'euros. Auparavant, entre février 2012 et avril

2012, les banques espagnoles ont déjà emprunté 144 milliards d'euros à 3 ans auprès

de la BCE. D'après l'économiste Jacques Sapir, en juin 2012, les besoins du système

bancaire seraient de 250 à 300 milliards d'euros. Par ailleurs, d'autres banques

pourraient également avoir des besoins non négligeables. Madrid ne veut alors pas

d'aide européenne et prépare des plans dont l'un qui conduisait à impliquer la BCE est

rejeté par cette dernière. Pour Nicolas Véron, les problèmes bancaires ne peuvent être

traités de façon distincte des problèmes de dette souveraine.

Le 7 juin 2012, l'agence de notation Fitch Ratings dégrade la note espagnole de

trois crans à BBB. Cette dégradation pousse l'Espagne à demander l'aide du FESF le 9

juin 2012.

En termes de portefeuille bancaire, l’exposition des banques françaises à la dette

espagnole au 30 juin 2011 s’élève à 2,8 milliards pour la BNP Paribas, à 1,3 milliards

pour la Société Générale ; en termes d’exposition nette, elle s’élève à 1,8 milliards

pour le Crédit Agricol et à 1 milliard pour la Banque populaire Caisse d’épargne.

Le cas de l’Italie

Début juillet 2011, la pression monte sur la dette italienne (environ 120 % du PIB

italien et 25 % de la dette de la zone euro). Les raisons de ces tensions tiennent à la

fois de problèmes extérieurs à l'Italie (la dégradation de la dette du Portugal) et

internes (les tensions au sein du gouvernement italien et ses problèmes électoraux ainsi

que l'enquête à laquelle est confronté le ministre des finances italien Giulio Tremonti.

L'annonce par le gouvernement italien d'un plan d'austérité permet d'apaiser

temporairement les tensions. Cependant, le gouvernement fait rapidement voter un

second plan ambitieux, qui prévoit de rétablir l'équilibre budgétaire dès 2013.

Le 20 septembre 2011, l'agence Standard & Poor's dégrade à nouveau la note de la

dette, d'un cran, avec une perspective négative.

Lors du G20 de Cannes des 3 et 4 novembre 2011, les pays membres constatent

qu'en réalité le pays ne met pas en œuvre les mesures censées être prises. Aussi l'Italie

est mise sous tutelle des experts du FMI et de la Commission européenne chargées de

vérifier la réalité des réformes promises. Par ailleurs, Silvio Berlusconi est fortement

incité par de nombreux membres de la classe politique italienne de céder sa place, ce

qu'il fera le 16 novembre 2011. Remplacé par Mario Monti, économiste italien, celui-

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

61

ci mettra en place des plans de rigueurs drastiques. Le total des mesures d'économie

adoptées par l'Italie s'élève à plus de 80 milliards d'euros et prévoit l'équilibre

budgétaire en 2013, contre un déficit de 4,6% du PIB en 2010. Cela n'empêchera

toutefois pas l'Italie de sombrer dans la récession, avec un recul trimestriel net de

0,7%, et les dégradations par les agences de notation. Le gouvernement Monti

enregistre toutefois quelques succès, notamment dans la lutte contre la fraude fiscale et

les taux d’intérêt du pays baissent mais restent élevés.

L'Italie connaissant une récession plus forte qu'estimée, prévue à 1,2% du PIB

contre 0,4% initialement en 2012, le gouvernement décide de retarder d'une année son

retour à l'équilibre budgétaire, donc en 2014, de peur que de nouvelles mesures

d'austérité plongent le pays dans un cercle vicieux. Le gouvernement compte sur un

léger retour à la croissance en 2013 et un déficit public de 0,5% du PIB la même

année, permettant selon le gouvernement de réduire la dette publique à 110,8% en

2015 contre 120,3 en 2011. L'Italie pourrait pourtant encore échouer à atteindre ses

objectifs, puisque le FMI prévoit une récession de 1,9% en 2012 et de 0,3% en 2013.

Toutefois, il faut souligner que l'Italie connait d'important excédents budgétaires

primaires depuis 2011, c'est-à-dire sans compter la charge de la dette, après un

important déficit en 2009 et qui s'est réduit fortement par la suite. En 2010, la charge

de la dette pèse sur le budget à hauteur de 70 milliards d'euros.

Une fois de plus, ce sont les banques allemandes qui sont les plus exposées à la

dette italienne par rapport aux banques françaises.

En termes de portefeuille bancaire, l’exposition des banques françaises à la dette

espagnole au 30 juin 2011 s’élève à 20,8 milliards pour la BNP Paribas, à 2,2 milliards

pour la Société Générale ; en termes d’exposition nette, elle s’élève à 8,7 milliards

pour le Crédit Agricol et à 4,2 milliard pour la Banque populaire Caisse d’épargne.

Tableau 9 : Tableau de l’exposition des banques françaises à la dette souveraine

(en milliards d’euros)

grecque italienne portugaise espagnole

BNP Paribas (1) 4,0 20,8 1,4 2,8

Société Générale (1) 1,6 2,2 0,2 1,3

Crédit Agricole (2) 0,3 8,7 0,8 1,8

Banque populaire

Caisse d’épargne (2)

1,2 4,2 0,2 1,0

Source : Libération (1) : Portefeuille bancaire : ce sont des titres à échéance (2) : Exposition nette : comprend le portefeuille bancaire et le portefeuille des négociations, les titres pouvant

être revendu avant l’échéance

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

62

Ainsi donc, nous notons que la dette italienne pèse lourd vis-à-vis des banques

françaises, ensuite viennent celles grecque, espagnole et portugaise.

Le cas de la France

À partir d'août 2011, la France met en place deux plans de rigueur. Le premier

portait sur un train d'économie de 11 milliards d'euros en 2011et 2012, le second

présenté par François Fillon, le Premier ministre sortant, le 7 novembre 2011 prévoit

notamment le passage en 2017 au lieu de 2018 de la date de départ à la retraite, la

suppression du dispositif Scellier, une majoration des impôts sur les sociétés, la

création d'un taux intermédiaire de 7% pour la TVA. Le différentiel (spread) entre le

taux d'intérêt des obligations d'État français et leur équivalent allemand atteint 147

points de base en novembre 2011 alors qu'un an avant il n'était que de 45 points. Les

banques françaises détiennent, selon la Banque des règlements internationaux (BRI),

106 milliards d'euros de dette italienne, deux fois plus que les banques allemandes, et

surtout le déficit de la France reste élevé en comparaison de celui de l'Allemagne°:

5,2%.

Pour Alain Trannoy du cercle des économistes, "les plans français sont peu

lisibles et peu susceptibles de relancer la croissance qui est pourtant une variable clé

pour sortir de l'endettement". Début février 2012, le déficit commercial (en 2011)

atteint un record historique pour la France à 69,6 milliards d'euros.

Le 13 janvier 2012, Standard & Poor’s dégrade le AAA de la France à AA+ avec

implication négative, estimant que l'Hexagone avait encore une chance sur trois d'être

dégradée avant la fin de l'année. Un mois plus tard, sa consœur Moody's dégrade la

perspective de la note souveraine française à long-terme, qui pourrait avant 2013,

perdre une nouvelle fois la meilleure note possible. Fitch annonce toutefois début

janvier, ne pas envisager de toucher à la note française en 2012, sauf en cas de

dégradation de la conjoncture économique du pays au cours de l'année.

Les difficultés de la France ravivent le débat sur la politique de la Banque centrale

européenne autour de la question de savoir si la BCE doit monétiser la dette publique

ou non. Les milieux financiers français semblent en faveur de mesures de rachat de

dettes par la BCE. Toutefois, les résultats de 2011 semblent assez encourageant pour la

conjoncture économique du pays. Le déficit public atteint 5,2 % pour l'année 2011,

mieux que ce qui était attendu. C'est le cas aussi pour la croissance qui évita de peu la

récession fin 2011, portant à 1,7% la croissance annuelle (+0,2 au quatrième trimestre)

et confortant les prévisions pour 2012.

Le 7 juin 2012, l'agence de notation Fitch Ratings juge le plan économique,

adoptée par le Président entrant François Hollande, crédible et lui maintient en

conséquence son triple A. Le gouvernement entrant demande une renégociation du

Traité de stabilité (signé par le Président sortant Nicholas Sarkozy, mais encore non

ratifié) pour y intégrer le volet de la croissance sans remettre en cause les politiques

d’austérité budgétaire mais en ajustant temporairement l’équilibre budgétaire pour ne

pas jouer négativement sur la croissance sans laquelle les pays ne sortiront de la crise.

Page 64: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

63

II.2.3°/ Sortie de l’euro : le scénario catastrophique

Si un pays souhaitait quitter la zone euro de son plein gré, il lui faut négocier

l’adoption par ses anciens partenaires d’un amendement au Traité de Lisbonne de

2007. Dans l’article 50, ce dernier fournit un cadre légal pour une éventuelle sortie de

l’UE, mais pas pour l’abandon de la monnaie unique. La seule hypothèse, pour le faire

est celle d’une séparation consensuelle, mais compliqué car il faudrait modifier à

l’unanimité des Vingt-sept pays le Traité de Maastricht. Si toutes fois, cela se

produisait, le problème du risque pays se transformerait à un autre qui est celui du

risque systémique difficilement contrôlable par les agents économiques des pays de la

zone euro.

Quel sera l’effet sur la dette ? Un pays qui sortirait malgré tout aurait deux

options : conserver sa dette en euro, ou la convertir de force dans la nouvelle

(ancienne) devise nationale. Dans le premier cas, l’Etat se priverait d’utiliser l’effet

change, susceptible de faire évoluer favorablement sa dette : ce qui à coût sûr mènera à

un défaut. Dans le deuxième cas, les investisseurs considéraient aussi la conversion

forcée comme une forme de défaut : le coût sera très élevé pour tout le monde y

compris pour les investisseurs non-résidents. Selon Patrick Artus, responsable de la

recherche économique chez Natixis, ces dévaluations envisagées ainsi coûterait 170

milliards d’euros dans le cas de la Grèce, 70 milliards d’euros dans le cas du Portugal,

90 milliards d’euros dans le cas de l’Espagne et 300 milliards d’euros dans le cas de

l’Italie. Il poursuit en disant que le déclenchement d’un effet dominos serait quasi

instantané : « concentrées sur les banques et les investisseurs institutionnels de la zone

euro, ces pertes conduiraient normalement, avec le choc de la rupture de l’euro, à une

forte dépréciation de l’euro à court terme ». Maigre consolation, il est permis de

considérer qu’à plus long terme, « l’euro pourrait au contraire s’apprécier du fait de

l’amélioration de la qualité économique de la zone ».

Quel effet sur le système bancaire ? A titre de rappel, l’effondrement de l’union

monétaire des Etats-Unis de 1932-1933 donne un aperçu de ce qui pourrait se

produire, d’après Stéphane Déo, chef économiste chez UBS. En effet, une sortie de la

zone euro par un Etat, conduira à un désastre pour le système bancaire de la zone. Les

établissements financiers des Etats membres réduiraient massivement leurs expositions

à la devise du pays sortant : ce dernier serait amené à suspendre le fonctionnement du

système bancaire sur son territoire, voire à réduire sensiblement les montants des

retraits autorisés de liquidités dans les agences bancaires implantées sur son sol. La

transformation forcée de la dette souveraine nationale en devise locale dépréciée,

associée à d’éventuels défauts, provoquera la faillite de plusieurs banques.

En plus, pour attirer des liquidités, les établissements bancaires seraient emmenés à

rémunérer les dépôts à hauteur de 50-60%, juge UBS en s’inspirant de l’exemple de la

dernière crise financière an Argentine de 1990-2002.

Page 65: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

64

Le secteur financier de la zone euro en sortirait à son tour ébranlé. Les

déséquilibres de bilan si difficilement restaurés après la crise seraient brisés. Il faudrait

des années à l’industrie bancaire européenne pour s’en remettre. Et ce, au prix de

faillites de regroupements forcés et, surtout, de restrictions des crédits consentis aux

entreprises et aux particuliers.

Quel effet sur le marché de change ? Après tout ce qui a été dit, cette situation

conduira inévitablement vers une guerre des changes sous une forme de

protectionnisme monétaire. Pour que l’abandon de l’euro soit payant pour le pays

sortant, il lui faudrait procéder à des dévaluations massives. Natixis calcule que la

Grèce devrait déprécier sa monnaie de 55% par rapport à l’euro, le Portugal de 35%,

l’Espagne de 20% et l’Italie de 30%. En 1992-1993, au moment de l’explosion du

Système monétaire européen (SME), l’Espagne avait dévalué le peso de 32% par

rapport au deutsche Mark et l’Italie, la lire à hauteur de 40%. Si le « sortant »

dépréciait de 60% sa nouvelle monnaie contre la monnaie unique, il serait hautement

plausible, selon les experts de UBS, que les pays membres de la zone euro imposent

aux marchandises issues de ce pays des droits de douane équivalents ou supérieurs au

taux de dépréciation du change. La conséquence logique est que les volumes du

commerce extérieur d’un pays « sécessionniste » plongeraient de moitié.

Quel effet sur les taux d’intérêt et une inflation ? La sortie de la zone euro se

traduirait par une très forte hausse des taux d’intérêt à long terme, déjà présente de

toute façon en Grèce et au Portugal, selon les anticipations de Patrick Artus. Le pays

sortant pourrait même se trouver dans l’impossibilité de trouver des prêteurs à long

terme, étrangers ou locaux. Il lui faudrait alors tout miser sur les financements à court

terme et à taux flexibles afin de contenir les effets néfastes de la hausse des taux longs

sur l’activité économique. Le passage d’un refinancement de long terme à un

refinancement à court terme ajouterait un élément d’incertitude.

Quant à l’inflation, elle persisterait d’abord avec la dépréciation du change, puis en

raison de la monétisation des dettes publiques : un phénomène inévitable, car pour

remplacer les investisseurs privés sur le marché, il reviendra à la Banque centrale du

pays concerné d’acheter des titres de la dette : l’institut d’émission n’aura donc

d’autres choix que de créer de la monnaie supplémentaire.

Quel impact sur le tissu social ? La colère des manifestions grecs ou les émeutes

anglaises de l’été préfigurent-elles des soulèvements plus violents ? Ce qui est sûr,

c’est que des devises faibles et de longues périodes d’inflation accroissent le taux de

chômage dans les secteurs les plus exportateurs, et avec lui, les risques de

désagrégation sociale. Or, quand l’instabilité sociale s’installe, des risques d’une

guerre civile et/ou d’une dérive autoritaire des institutions augmentent, ce qui peut

provoquer une crise, à la fois, sociale et politique.

Quel effet sur les coûts de sortie ? Si un pays faible quittait la zone euro, les

coûts qu’il devrait supporter seraient compris, selon UBS, entre 9500 et 11500 euros

par habitant, au cours de la première année, soit entre 40% et 50% de son PIB.

Page 66: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

65

L’addition diminuerait, mais resterait élevée les années suivantes : entre 3000 et 4000

euros annuels par personne.

Dans l’éventualité où un pays comme l’Allemagne quitterait la zone euro, le coût

par habitant serait compris 6 000 et 8 000 euros la première année (soit 20% et 25% de

son PIB). Il baisserait ensuite à 3500-4500 euros par année et par habitant.

Le coût de rachat intégral des dettes cumulées de la Grèce, de l’Irlande et du

Portugal ne serait que légèrement supérieur à 1000 euros par tête au sein de la zone

euro.

L’éviction de la Grèce, du Portugal, de l’Italie et de l’Espagne de la zone euro

produirait « des pertes très fortes à court terme avec les pertes de change sur les dettes

publiques des pays qui sortent, et à long terme les effets d’une appréciation de

l’euro », selon Patrick Artus.

En analysant, toutes les conséquences d’une sortie de l’euro par un Etat membre, il

se trouve qu’aucun des Etats de la zone monétaire ne sera épargné par le risque

systémique qui se traduira par un ensemble de déséquilibres sur le plan monétaire,

financier et économique : pas même l’Allemagne, n’en parlons pas des autres pays.

La solution face à ce dilemme, sera que chaque pays, confronté à ce problème de

dette souveraine, mette en place une véritable stratégie de réduction de sa dette

publique.

Section II : Stratégies de réduction de la dette publique

Vue la gravité de la situation qui repose sur le problème sérieux de l’état de santé

des finances publiques des Etats membres de la zone euro, la meilleure solution pour

ces pays considérés à risque tels que la Grèce, l’Irlande, le Portugal sans oublier

l’Espagne et l’Italie voire la France, c’est de dresser leurs stratégies de réduction de la

dette publique, contrairement aux Etats-Unis et au Royaume Uni qui ont, eux, choisi

de financer une partie de la dette publique par la Banque centrale.

Quels sont les plans d’austérité budgétaire qui ont été adoptés par la Grèce,

l’Irlande et les pays de l’Europe du sud, compte tenu des engagements pris en

contrepartie de l’aide octroyé par l’Union européenne, la BCE et le FMI ? Pour ce cas,

nous allons plus nous focaliser sur la situation de la Grèce.

Quelle est la « philosophie allemande » de la dette publique ? Quel est le plan de

réduction progressive de la dette publique adopté par la France qui risque, sinon, de

voir sa note se dégrader par les agences de rating ?

Page 67: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

66

I°/ Plan d’austérité budgétaire : cas de la Grèce

L’annonce, le 16 octobre 2009, par le nouveau gouvernement grec du socialiste

Georges Papandreou, d’un déficit budgétaire dépassant les 10 % du PIB conduit

l’agence Fitch à dégrader la note de la dette grecque en dessous du niveau A, soit un

déclassement sans précédent en ce qui concerne un pays européen.

La Commission européenne place alors la Grèce sous surveillance budgétaire en

février 2010, lui accordant un mois pour la mise en œuvre d’un plan d’austérité.

Face aux difficultés que rencontre Athènes pour se refinancer à des taux

raisonnables sur le marché, l’Eurogroupe20

et le FMI décident d’accorder une aide de

110 milliards d’euros sur trois ans à la Grèce en avril 2010. Dans le cadre de celle-ci,

les États membres de la zone euro ont octroyé, la première année, des prêts bilatéraux

d’environ 30 milliards d’euros, à un taux de l’ordre de 5 %. Les trois principaux

contributeurs sont l’Allemagne, la France et l’Italie. La participation du Fonds

monétaire international s’établit à 30 milliards d’euros.

Cette aide est notamment destinée à permettre à la Grèce de régler pour partie des

difficultés conjoncturelles afin qu’elle puisse revenir se refinancer sur les marchés

courant 2012.

I.1°/ Les conditions de la première intervention européenne

L’aide européenne a été accordée en contrepartie de l’adoption, par Athènes, de

réformes structurelles destinées à réduire la dépense publique. Celles-ci ont été réunies

au sein d’un mémorandum approuvé par le parlement grec.

Le gouvernement grec a ainsi augmenté la TVA, faisant passer son taux de 21 à 23

%, et majoré de 10 % les taxes sur le carburant et l'alcool. Il a décidé, dans le même

temps, de réduire les salaires publics par la suppression du treizième et du quatorzième

mois. Les pensions ont été gelées. La réforme territoriale, dite réforme Kallikratis, adoptée fin mai 2010 a également

participé de cet objectif en réduisant le nombre de circonscriptions électorales, d’élus et

d’employés municipaux. Elle a remplacé, par ailleurs, les 57 circonscriptions préfectorales

et 19 comtés par 13 régions. Le nombre de municipalités a été ramené de 1034 à 325. Le

ministère de l’Intérieur estime que le coût de l’administration locale a été réduit de 25 %

par rapport à 2009 depuis l’adoption de cette réforme, soit 3,6 milliards contre 4,8

milliards il y a deux ans.

Le gouvernement a, dans le même temps, réformé les régimes de retraites, qu’ils

soient publics ou privés et supprimé les régimes spéciaux. L’âge de départ en retraite

est porté de 60 à 65 ans, la durée de cotisation majorée pour passer à 40 annuités,

aucun départ en retraite anticipée n’est possible avant 60 ans.

20

Il rassemble tous les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de la zone euro.

Page 68: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

67

La réforme du secteur de la santé est, quant à elle, plus longue à mettre en place.

Le nombre de caisses d’assurance maladie a ainsi été réduit de façon substantielle,

seules 4 subsistant désormais, avec l’objectif de les réunir progressivement au sein

d’une seule caisse nationale. La réduction des dépenses de santé –3 milliards d’euros

d’économie attendus sur les trois prochaines années –passe également par une lutte

contre l’inflation des dépenses pharmaceutiques. Alors qu’elles représentaient 1

milliard d’euros en 2001, elles ont atteint le chiffre record de 5,1 milliards d’euros en

2009. Les mesures adoptées depuis ont permis de corriger certains abus et de ramener

ces dépenses à 4,25 milliards d’euros en 2010. L’État espère atteindre la somme de

3,25 milliards d’euros fin 2011 et 2,5 milliards d’euros en 2015.

L’aide internationale, les réformes concomitantes et la création dans le même

temps de la facilité européenne de stabilisation financière n’ont pas, néanmoins,

rassuré les marchés. Le retard pris dans un certain nombre de réformes structurelles

contribue à cette défiance. La fonction publique demeure ainsi pléthorique employant près de 25% de la

population, son recrutement reflétant ainsi une forme de clientélisme surannée,

compensant pendant des années le manque de perspectives d’emplois dans le pays. Son

mode de rémunération demeure également sujet à caution comme en témoigne l’absence

de grille unique de salaire. L’absence de flexibilité sur le marché du travail est

également source de difficulté et n’a pas été sans conséquence sur l’inflation des

salaires ces dernières années. Toute négociation salariale ne peut être obtenue qu’après

négociations nationale puis sectorielle suivie d’un accord d’entreprise. Par ailleurs, la

fiscalité des entreprises reste extrêmement lourde, le taux de l’impôt sur les sociétés

atteignant plus de 40%.

De ce fait, depuis l’octroi de l’aide, seuls trois mouvements de baisse des taux ont

été observés. L’annonce par l’Allemagne, au sommet de Deauville de novembre

dernier, d’une éventuelle implication du secteur privé dans le règlement de la crise de

la dette souveraine est par ailleurs analysée par les autorités grecques comme un

mauvais signe adressé aux créanciers, entraînant un durcissement des conditions

d’accès aux marchés financiers.

Face à ces difficultés et afin de permettre à la Grèce de retrouver la confiance des

investisseurs, le Conseil européen a décidé, en mars dernier, d’accorder une réduction

de 1 % du taux d’intérêt de l’aide européenne, qui passe à 4,2 %, et une augmentation

de sa maturité de 3 à 7 ans et demi.

I.2°/ Les limites de l’aide européenne

I.2.1°/ La méfiance persistante des marchés

L’hypothèse d’un recours aux marchés apparaît peu plausible, au regard des taux

qui y sont pratiqués. Fin mai, les taux à dix ans avoisinent les 17 %. Un an après le

plan de sauvetage, les investisseurs estiment l’écart entre les obligations allemandes et

grecques à 1 253 points de base (12,53 %).

Page 69: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

68

Ce climat de défiance à l’égard de la dette grecque est renforcé par la récente

dégradation de la note du pays par les agences Standard & Poor’s et Fitch (B à CCC

pour la première et de B + à B - pour la seconde). La note de Standard & Poor’s est

ainsi inférieure à l’Équateur, au Pakistan et à la Jamaïque. La dette grecque à long

terme est considérée par les deux agences comme hautement spéculative. Une telle

évaluation est justifiée, selon Standard & Poor’s, par le taux des CDS (credit default

swap), l’assurance contre le défaut, négociée de gré à gré. Le risque de défaut de la

dette grecque dans les cinq ans est ainsi estimé à 68 %. Le 1 er

juin 2011, l’agence de

notation Moody’s a, à cet égard, classé la Grèce dans la catégorie des pays à risque réel

de défaut de paiement (note Caa1), estimant que la Grèce ne pourrait stabiliser son

endettement sans une restructuration de sa dette.

Moody’s a, dans le même temps, dégradé la note de huit établissements financiers,

leurs portefeuilles d’obligation pouvant être directement affectés par une

restructuration de la dette.

La méfiance des marchés à l’égard de la Grèce est paradoxalement renforcée par

l’intervention de l’Union européenne. La somme prêtée est, à juste titre, considérée

comme une charge supplémentaire pour l’État qui voit sa dette augmenter en

conséquence, alors qu’elle atteint déjà 153 % du PIB, soit 345 milliards d’euros. Le

plan d’austérité auquel l’aide internationale est conditionnée est, par ailleurs, assimilé

à un frein à la reprise économique.

I.2.2°/ L’absence de la reprise économique

La sortie de crise s’avère en effet délicate pour l’économie grecque. Le PIB a ainsi

diminué de 4,5 % en 2010, soit deux fois plus que lors de l’exercice précédent. Cette

contraction est due à la baisse de la consommation privée (-4,5%) et celle, pour la

troisième année consécutive, des investissements (-12,3%). La Commission

européenne prévoit une nouvelle dégradation du PIB pour l’exercice 2011, estimant

celle-ci à 3,5 % du PIB. La troïka21

a, pour sa part, relevé que l’augmentation de 1,1 %

du PIB attendue par le gouvernement pour 2012 devrait certainement être revue à la

baisse et atteindre 0,6 %. Le pays subit à la fois une augmentation du chômage (de 8,3 % de la population active

en 2007 à 16,2 % fin mars 2011, 42 % des moins de 24 ans se trouvant sans emploi), une

inflation record (4,6 % en 2010 contre 1,5 % dans la zone euro), l’impact de la crise sur le

secteur touristique et l’effet des mesures d’austérité. Ces facteurs ne sont pas sans

conséquences sur la reprise de la croissance alors même que les trois quarts de la création

de valeur en Grèce dépendent de la demande intérieure. De fait, le retour à la croissance

n’est pas attendu avant 2013, et encore de façon relative et sans baisse concomitante du

chômage : les prévisions pour l’actuel exercice et les deux prochains mettant même en

avant une explosion de celui-ci.

La baisse des rentrées fiscales et des cotisations sociales, inévitable en période de

crise, contribuent, par ailleurs, à la détérioration des comptes publics. La hausse d’un

point de taux de chômage induit une perte de 300 millions d’euros auxquels il convient

21

Elle rassemble les bailleurs de fonds internationaux finançant les pays fragilisés de la zone euro ; il s’agit de l’Union européenne, de la BCE et du FMI.

Page 70: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

69

d’ajouter une dépense supplémentaire de 150 millions d’euros au titre des allocations

chômage.

Tableau 10 : les prévisions macroéconomiques

2010 2011 2012 2013

PIB -4,5% -3,5% -0,1% +1,8%

Prix à la consommation + 4,6 % + 3,3 % + 0,8 % + 1 %

Taux de chômage 14,8 % 16,2 % 16,2 % 16,1 %

Déficit courant (en % du PIB) - 10,5 - 7,3 - 7,1 - 5,2

Déficit public (en % du PIB) - 10,5 - 7,5 - 7,1 - 5,2

Dette de l’Etat (en % du PIB) 142,8 153 159 159,8

Source : Commission européenne

I.2.3°/ L’inquiétude des bailleurs de fonds

Les échéances de remboursement, auxquelles la Grèce devra faire face, se situent,

pour l’essentiel, en 2012. Un tel délai laisse quelques semaines en vue de déterminer

une réponse européenne aux difficultés que rencontre le pays. Une mission

d’évaluation, composée d’experts issus de la Commission, du FMI et de la Banque

centrale européenne, s’est rendue à Athènes au cours du mois de mai 2011 afin de

vérifier les progrès de la Grèce en matière de réduction des déficits. Elle devait

également estimer la viabilité de la dette du pays. Les conclusions de son rapport

devaient déterminer si, compte tenu des réformes engagées par Athènes, l’Union

européenne et le FMI pouvaient débloquer la cinquième tranche du prêt, soit 12

milliards d’euros.

Ce versement n’est, en effet, pas automatique, le Président de l’Eurogroupe, Jean-

Claude Juncker, ayant ainsi indiqué que le FMI pourrait être contraint de retenir sa

part de 3 milliards d’euros, si la mission d’évaluation estimait que la dette grecque

s’avérait trop lourde à assumer par Athènes. Les règles de fonctionnement du FMI lui

interdisent en effet d’accorder une aide si le pays concerné ne dispose pas de garanties

de financement pour une période d’un an.

La troïka a estimé le 3 juin dernier que cette tranche pouvait être versée à l’État

grec, Athènes lui présentant de nouvelles mesures d’austérité. Le gouvernement grec

s’est notamment engagé à réduire le périmètre du secteur public (restructuration et

fermetures d’agences ou d’organismes publics) et le nombre de ses fonctionnaires.

Une diminution des allocations sociales et des pensions est également prévue, alors

qu’un impôt foncier devrait être créé. Le gouvernement grec envisage par ailleurs de

stimuler le secteur du tourisme, de poursuivre la flexibilisation de son marché du

Page 71: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

70

travail, de libéraliser les secteurs du transport et de l’énergie et de supprimer les

obstacles administratifs aux exportations. L’approfondissement de la réforme des

services de santé est également à l’étude. La troïka a décidé d’apporter une assistance

technique à la Grèce en matière de fiscalité et de privatisations.

Le versement de l’aide ne sera effectif qu’après adoption par Athènes du

programme budgétaire à moyen terme annoncé par le gouvernement fin avril et

amendé dans le cadre des négociations avec la troïka. Celui-ci pourrait être adopté le

28 juin par le Parlement grec, des lois d’application devant être votées d’ici la mi-

juillet.

Néanmoins, face aux besoins de financements de la Grèce pour les deux prochains

exercices, ces réformes pourraient s’avérer insuffisantes si elles ne sont pas

accompagnées d’une nouvelle intervention européenne sur la dette grecque.

I.3°/ Quelle intervention pour la dette grecque ?

L’hypothèse d’une sortie de la zone euro apparaît plus que délicate à mettre en

œuvre ; elle supposerait une révision des traités et pourrait s’avérer être une contrainte

supplémentaire pour Athènes. Assimilée à une véritable dévaluation, elle pose

notamment la question du remboursement des dettes, toutes libellées en euro. Il existe,

par ailleurs, un consensus politique sur le maintien de la Grèce au sein de la zone euro,

allant jusqu’au parti communiste. Une éventuelle solution au problème grec tient de

fait plus à une intervention sur le stock de dettes existant ou à un complément à l’aide

déjà octroyée au printemps 2010. Elle induit, dans les deux cas, une participation du

secteur privé.

I.3.1°/ Organiser le défaut ?

Le risque d’une restructuration dure

Selon certains investisseurs, la Grèce ne pourrait s’affranchir de ses difficultés

actuelles qu’en réduisant de 30 à 50 % sa dette négociable. Athènes pourrait donc

imposer à ses créanciers une telle décote, soit le non remboursement d’une partie des

montants dus.

Le think tank Bruegel estime ainsi que les détenteurs de dette grecque devraient

accepter une décote de 30 % de leurs titres dans le cadre d’un plan permettant à la

Grèce de retrouver sa solvabilité en vingt ans. A défaut, les décotes devraient être plus

importantes à l’avenir.

Une restructuration de la dette grecque ne constitue pas, pour autant, selon la

Commission, une solution viable. Une telle opération conduirait, en effet, à fermer

l’accès de la Grèce aux marchés durant une longue période, aucun investisseur ne

prenant le risque d’octroyer de nouveaux prêts.

Page 72: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

71

Un défaut de remboursement, même circonscrit à un tiers des emprunts souscrits,

aurait, en outre, une incidence directe sur le système bancaire grec et, par conséquent,

sur les ménages. Les banques grecques détiennent, en effet, environ 48 milliards

d’euros d’obligations publiques. L’effacement d’une partie de la dette conduirait donc

à un fort resserrement du crédit et à un gel des dépôts. Elle contribuerait au

ralentissement économique, déjà observé cette année. Le risque d’un effondrement du

système bancaire local conduirait l’État grec à recapitaliser le secteur bancaire avec les

sommes récupérées dans le cadre de la restructuration. Les compagnies d’assurance et

les fonds de pension grecs qui constituent les deuxièmes plus gros créanciers de l’État

seraient également fragilisés par une telle mesure.

Il convient, par ailleurs, de noter que dans le cadre de l’actuelle facilité européenne

de stabilité financière, au titre de laquelle est versée l’aide européenne à la Grèce, les

gouvernements de la zone euro ne sont pas considérés comme des créanciers

prioritaires. Ils peuvent donc encourir des pertes, si la Grèce venait à faire défaut avant

l’instauration du mécanisme européen de stabilité financière qui devrait succéder au

dispositif actuel en juin 2013. La facilité n’inclut pas, non plus de clause juridique qui

permette une renégociation impliquant le secteur privé. Seul le mécanisme européen

de stabilité financière devrait permettre une telle coordination des efforts entre

créanciers privés et créanciers publics, en cas d’insolvabilité du pays concerné. Ces

pertes auraient, en outre, des conséquences indéniables au plan politique, le

contribuable européen étant moins enclin à continuer à aider la Grèce.

Cette idée est néanmoins défendue par les Pays-Bas. Les réserves françaises sur

une éventuelle restructuration s’expliquent notamment par l’exposition de leurs

établissements financiers à la dette grecque22

.

Le « reprofilage »

L’hypothèse d’un « reprofilage » semble être une solution plus acceptable pour

l’Union européenne en dépit des tiraillements observés entre quelques États membres

à ce sujet. Cette restructuration douce lierait allongement des maturités des obligations

d’État grecques et baisse du niveau des taux d’intérêt. De prime abord hostile au projet,

l’Allemagne exige désormais qu’il englobe crédits publics et privés accordés à la

Grèce.

Ce « reprofilage » n’est pas exclu par la Commission qui le subordonne néanmoins

à une conservation, par les créanciers privés, de leurs titres souverains grecs.

Le « reprofilage » pourrait ainsi prendre la forme d’un échange d’obligations

grecques à 65 – 75 % de leur valeur nominale et la mise en place concomitante de

22 La note de la dette à long terme du groupe Crédit Agricole a été abaissée de AA - à A + par l’agence Standard

& Poor’s le 20 mai 2011 en raison de sa trop forte exposition à la dette grecque, au travers, notamment, de sa filiale Emporiki. La note de dette à court terme a été également dégradée, à A-1 contre A-1+ auparavant. L’agence Moody’s a, par ailleurs, annoncé le 15 juin 2011 avoir placé sous surveillance avec implication négative la Société générale, le Crédit agricole et BNP Paribas, en raison de leur exposition à la dette grecque. En ce qui concerne la Société générale, sa participation majoritaire au sein du capital de la banque grecque Geniki justifie cette dégradation. Moody’s observe en outre que les principales banques du groupe Dexia pourraient également être déclassées.

Page 73: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

72

« Brady bonds » européens, reprenant ainsi le système mis en place par Nicholas

Brady, le secrétaire d’État au Trésor américain en 1982 face à la crise mexicaine qui

affectait directement les banques de son pays. Les créanciers accepteraient que les

nouvelles obligations aient une durée de paiement plus longue et des taux d'intérêt

inférieurs à ceux du marché, en contrepartie d'un gage de confiance. La Grèce, comme

le Mexique l’avait fait à l’égard des États-Unis, s'engagerait à cet effet à acheter des

bons du Trésor allemands ou français, disposant de la note AAA, qui sont déposés en

gage sur un compte de la Banque centrale européenne et qui, en cas de défaut, seraient

versés comme compensation aux créanciers de l'État grec.

La BCE est plus réservée sur ce « reprofilage », estimant qu’il aurait un impact

négatif sur les banques du pays qui seraient toujours confrontées à des problèmes de

refinancement sur les marchés. Dans ce cadre, comme dans celui d’une restructuration

dure, la BCE envisage de cesser de fournir les banques grecques en liquidités23

. Ainsi,

elle ne prendrait plus en garantie les titres de dette grecque en contrepartie des prêts

accordés aux banques. La BCE estime que toute restructuration, dure comme douce,

constitue un événement de crédit pour les agences de notation et les marchés et donc

un précédent potentiellement rééditable en Irlande ou au Portugal.

Il convient, par ailleurs, de ne pas mésestimer les risques que le « reprofilage » fait

peser sur les banques. Les établissements financiers grecs ont, à l’instar de leurs

confrères européens, logé la dette du pays dans leur portefeuille bancaire. Les titres y

sont valorisés à leur prix d’acquisition. En application des règles comptables, les

banques devront remplacer les anciens titres par les nouveaux, à leur nouveau prix

d’acquisition. De fait, un « reprofilage » ne peut être envisagé qu’à la condition que

des mesures soit adoptées en faveur du système bancaire européen, de façon à ce qu’il

puisse résister au choc, en assouplissant, par exemple, les ratios de capitaux propres.

La France a manifesté dans un premier temps son hostilité à la restructuration

comme au « reprofilage ». Elle est désormais moins hostile à une telle option si elle

traduisait une inclinaison volontaire des créanciers privés. Le « reprofilage » n’est, en

tout état de cause, envisagé par ses promoteurs qu’après une application du

programme de réduction du déficit public annoncé par le gouvernement grec.

Le rééchelonnement

Cette solution repose exclusivement sur un allongement de la maturité des titres de

la dette grecque, sans baisse des taux d’intérêts. Cette solution n’est pas non plus sans

poser de difficultés, notamment d’ordre juridique, et pourrait également être assimilée

à un défaut.

De la sorte, selon les chiffres de la banque d’ING, une extension de maturité de

trois ans permettrait à la Grèce d’économiser de 20 à 30 milliards d’euros chaque

23 Il convient néanmoins de rappeler que la Banque centrale européenne n’a pas acquis d’obligations grecques

depuis près de deux mois, favorisant une envolée des taux. Le rendement des obligations grecques à deux ans a ainsi augmenté de 1000 points de base depuis la fin mars atteignant près de 28 %. Elle n’a pas non plus acquis dans le même laps de temps d’obligations irlandaises ou portugaises.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

73

année, voire 10 milliards supplémentaires si le paiement des coupons s’avérait

également différé.

Les détenteurs des obligations arrivant à échéance en 2012 seraient bien

évidemment les plus affectés, alors que ceux possédant des obligations arrivant à

échéance en 2015, 2019 et 2020 enregistreraient des gains, certes faibles.

Tableau 11 : Impact d’un rééchelonnement à trois ans (en % de la valeur nominale)

03/

2012

05/

2013

08/

2014

08/

2015

07/

2016

07/

2017

07/

2018

07/

2019

06/

2020

03/

2026

09/

2040

- 27,1 - 11,7 - 1,8 + 0,3 - 12,4 - 10,5 - 8 + 0,8 + 0,3 - 2,2 - 2,1

Source : Commission européenne

Là encore, la Banque centrale européenne est peu favorable à une telle option,

soulignant qu’elle risquait de fragiliser l’ensemble des marchés de la zone euro, au

détriment, notamment de l’Irlande ou du Portugal.

Il convient, par ailleurs, d’insister sur le fait qu’un rééchelonnement comme le

«reprofilage» ne résout pas la question du stock et ne permet que de gagner du temps.

I.3.2°/ Une nouvelle aide européenne ?

L’hypothèse d’une aide complémentaire est sans doute la plus vraisemblable face

aux risques que comporte toute restructuration de la dette. L’un des objectifs de la

mission d’évaluation de l’Union européenne et du FMI était d’ailleurs d’évaluer les

besoins de financement d’Athènes. In fine, sur les 90 milliards d’euros dont aurait

besoin la Grèce d’ici à la mi-201424

, un tiers serait financé par l’Union européenne et

le Fonds monétaire international. Le complément serait obtenu via le programme de

privatisation et des opérations de titrisations, couplé au maintien de l’exposition des

banques à la dette grecque, quand bien même le statut du fonds ne prévoit pas

expressément la participation du secteur privé aux plans d’aide.

Celle-ci pourrait être calquée sur l’initiative de Vienne conclue en octobre 2009.

Les banques détenant des filiales en Hongrie, en Lettonie et en Roumanie s’étaient

engagées auprès de la Banque centrale européenne et de la Banque européenne de

reconstruction et de développement (BERD) à maintenir leurs expositions dans ces

pays25

. Les investisseurs devraient ainsi réinvestir en titres grecs, aux mêmes

conditions et à maturité identique, les remboursements perçus au titre d’anciens bons :

ce principe est dit de rollover. Il faut noter que 65 milliards d’euros d’obligations

24 Standard & Poor’s estime que les besoins de refinancement de la dette grecque s’élèvent à 95 milliards

d’euros d’ici 2013, auxquels s’ajouteront 58 milliards d’obligations en 2014 arrivant à maturité. 25

Une solution identique avait été mise en œuvre pour l’Uruguay en 2003

Page 75: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

74

souveraines grecques arriveront, en effet, à maturité d’ici 2013. Une vingtaine

d’établissements européens détenant près de 70 % des titres serait ainsi concernée.

La BCE estime que cette solution n’est pas assimilable à un défaut et la juge, à cet

égard, appropriée. Selon ses promoteurs, une telle opération empêcherait de

déclencher les CDS, dont les détenteurs sont dédommagés en cas d’incident de crédits.

L’agence de notation Moody’s est plus réservée sur cette appréciation, émettant des

doutes sur l’aspect volontaire du processus.

A la suite du plan d’aide, les établissements financiers allemand et français ont

déjà été incités à ne pas vendre leurs titres grecs. Le succès de cette opération n’a pas

été flagrant. Les banques françaises ont ainsi réduit de 44% leur exposition à la dette

publique grecque au cours de l’année 2010, passant de 27 à 15 milliards de dollars.

Les banques allemandes ont, pour leur part, quasiment maintenu leur exposition,

passée de 23,1 à 22,6 milliards de dollars26

.

Tableau 12 : Exposition des banques à la Grèce par pays d’origine (en milliards de dollars)

France Allemagne Etats-Unis Royaume-Uni Portugal Autres

Décembre

2009

78,8 45 16,6 15,3 9,8 51,5

Décembre

2010

56,7 34 7,3 14 10,3 23,5

Source : Commission européenne

L’Allemagne est à cet égard, assez réservée sur l’efficacité de cette option,

craignant que seules les banques grecques maintiennent de facto leur exposition.

Berlin serait plus favorable à ce que l’aide européenne soit liée à un échange

volontaire d’obligations anciennes contre de nouveaux instruments d’une durée plus

longue de sept ans. Les autres pays, faisant partie du club des pays les mieux notés :

Autriche, Finlande, Luxembourg, Pays-Bas rejoints par la Slovaquie et l’Irlande sont

également favorables à ce type de rééchelonnement. L’agence de notation Standard &

Poor’s a d’ores et déjà indiqué qu’une telle opération, qui équivaut à un

rééchelonnement, conduirait à classer la dette publique grecque dans la catégorie «

défaut ». La Banque centrale européenne a d’ores et déjà manifesté son opposition à

une telle solution, la France également.

La position relativement intransigeante du gouvernement allemand s’explique,

notamment, par l’opposition à toute nouvelle aide à la Grèce au sein même de la

coalition gouvernementale, en particulier de la part des libéraux du FDP. Les banques

locales paraissent, par ailleurs, assez réservées sur un éventuel rollover. Seuls les

établissements soutenus par la BCE ou sauvés par l’Etat allemand (HRE, West LB ou

26 Le Crédit agricole, impliqué en Grèce via sa filiale Emporiki, s’est prononcée en faveur de ce rollover, à

condition que tous les acteurs privés détenant ces titres soient impliqués dansl’opération et pas uniquement les banques.

Page 76: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

75

Commerzbank) pourraient réinvestir dans des obligations grecques. Les établissements

financiers grecs sont eux plus favorables à cet allongement.

Quelle que soit la solution retenue pour l’implication du secteur privé, ce nouveau

plan d’aide devra recueillir l’adhésion de tous les États membres et dépasser de la sorte

les réticences d’un certain nombre d’entre eux, qu’il s’agisse notamment de la Finlande

ou de la Slovaquie27. L’adoption éventuelle d’un nouveau paquet pourrait intervenir

d’ici l’automne prochain.

Par-delà, il convient de s’interroger sur la possibilité pour l’Union européenne

d’acquérir la totalité de la dette grecque. Aux 110 milliards déjà accordés pourraient en

effet s’ajouter au moins 30 milliards supplémentaires d’ici 2014, sommes auxquels il

convient d’agréger les obligations acquises par la Banque centrale européenne. Au

total, l’Union européenne possèdera à terme plus deux tiers de la valeur totale de celle-

ci. L’acquisition du reste permettait, notamment, une restructuration en douceur sans

impliquer le secteur privé.

I.4°/ Poursuite des réformes

La priorité pour Athènes, comme pour l’Union européenne, demeure le retour à

l’excédent budgétaire, en vue de s’affranchir de l’effet boule de neige de la dette. Une

restructuration, même douce, de la dette n’aurait que peu d’incidence sur cette

perspective. Pour rembourser l’intégralité des seuls intérêts de la dette, la Grèce doit

dégager un excédent budgétaire équivalent à 10% de son PIB, performance jamais

atteinte par un pays membre de l’Union jusqu’alors. Le think tank Bruegel estime, à

cet égard, que la Grèce devrait maintenir un excédent budgétaire élevé (entre 8,4% du

PIB et 14,5% du PIB) à partir de 2015 pour ramener sa dette en deçà des 60% du PIB.

Le plan d’aide prévoyait, pour 2011, un déficit public ramené à 7,5% du PIB,

contre 10,5 % lors de l’exercice précédent (soit en deçà des 9,4 % prévus initialement

par le gouvernement). Le gouvernement espère de son côté pouvoir ramener le déficit

public à 1 % en 2015.

La Grèce doit, à ce titre, poursuivre la réduction de ses dépenses publiques. Les

efforts effectués par Athènes en 2010 se sont d’ores et déjà traduits par une diminution

de 7 % du déficit public en un an, n’atteignant pas cependant l’objectif initialement

prévu : un déficit ramené à 9,4 % du PIB. Par ailleurs, les premiers chiffres pour 2011

viennent souligner l’écart entre la réalité et les ambitions du gouvernement : alors que

celui-ci espérait une augmentation des recettes de 9 % pour l’année en cours, les

quatre premiers mois se traduisent par une baisse de 9 % de ces recettes.

C’est pourquoi, comme l’avait souligné la troïka lors de sa précédente mission

d’évaluation en février dernier, la Commission européenne a demandé d’opérer une

«accélération décisive» en matière de réformes structurelles.

27 La Slovaquie a été le seul État membre de la zone euro à refuser de participer au premier prêt à la Grèce.

Page 77: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

76

I.4.1°/ Prolongement d’une cure d’austérité

Un nouveau plan de rigueur

Fin avril 2011, le gouvernement grec a annoncé un nouveau plan d’austérité – le

programme budgétaire à moyen terme –, destiné à accélérer la réduction du déficit

public. Les engagements pris devant la troïka début juin viennent le compléter, voire le

préciser. Les mesures envisagées devraient permettre à l’État de faire 28,4 milliards

d’euros d’économies supplémentaires d’ici à 2015 dont 6,4 au cours du présent

exercice. Athènes souhaite que les dépenses publiques représentent 44 % du PIB à

cette échéance (contre 53 % en 2009) et que les recettes atteignent le niveau de 2000

soit 43 % du PIB, contre 38 % en 2009. Cette consolidation des finances publiques

correspond à 13,1 points de PIB entre 2011 et 2015, dont 3 points pour 2011. Un tel

effort est destiné à prendre en compte la progression de la charge de la dette de 57 %

sur la période. Cette politique est fondée pour les deux tiers sur une baisse des

dépenses (notamment les dépenses sociales et les dépenses de santé) et pour un tiers

sur la hausse des recettes. Le gouvernement a, par ailleurs, souhaité doubler les efforts

en ce qui concerne le présent exercice, suite à la révision à la hausse du déficit public

pour 2010

L’amélioration serait notamment obtenue par une augmentation des revenus

fiscaux. Celle-ci passe par une réduction des exemptions fiscales sur l’impôt sur le

revenu, une augmentation des taxes sur les signes extérieurs de richesses (yachts,

piscines et voitures de luxe), sur le gaz, les boissons non alcoolisées et les cartes grises

de véhicules. Certains produits qui bénéficiaient jusqu’à présent d’une TVA réduite à

13 % vont rejoindre la liste commune. Le programme prévoit, en outre, l'introduction

d'une contribution obligatoire exceptionnelle. Cette mesure de dernière minute

remplace l'abaissement du plafond d'exemption sur l'impôt sur le revenu qui avait

initialement été annoncé. Les retraités de moins de 60 ans touchant une pension seront,

quant à eux, soumis à un prélèvement exceptionnel de 8 %, qui devrait rapporter 176

millions d'euros sur 2011 et 2012.

Le renouvellement d’un fonctionnaire sur cinq, partant à la retraite ou la réduction

de la part de l’État dans la rémunération des prêtres orthodoxes participent également

de cet effort supplémentaire de rigueur. La diminution des salaires devrait se

poursuivre au cours du prochain exercice alors que l’allongement de la durée de travail

des fonctionnaires – de 37,5 à 40 heures par semaine – est également envisagé. Des

écoles, des ambassades, des casernes, des postes de police et des hôpitaux devraient

également fermer. Le gouvernement entend par ailleurs moderniser la fonction

publique en poursuivant l’informatisation de ses services et en encourageant la

mobilité.

Le gouvernement souhaite néanmoins tempérer les dommages sociaux de cette

nouvelle cure d’austérité en instituant une contribution de solidarité exceptionnelle en

faveur des plus bas salaires (inférieurs à 500 euros mensuels). Par ailleurs, une baisse

de l’impôt sur les sociétés et de la TVA en 2012 est envisagée.

Page 78: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

77

Le Parlement grec devait normalement encore se prononcer sur l’ensemble de ces

mesures, auxquelles viennent s’ajouter celles présentées à la troïka fin mai-début juin.

Il faut noter que 13 % de l’effort de consolidation budgétaire repose néanmoins

aujourd’hui sur des mesures non identifiées. La Commission européenne estime à

l’heure actuelle que le déficit public devrait atteindre 9,5 % du PIB à la fin de cette

année.

L’intensification de la lutte contre la fraude fiscale

La lutte contre la fraude fiscale apparaît comme une priorité. Évaluée à 15

milliards d’euros annuels, elle reflète la situation d’un pays où l’économie grise

représente entre 25 et 37 % du PIB28

. Les recettes fiscales rapportées au PIB sont de 4

à 5 % inférieures à la moyenne européenne. 55 % des ménages grecs déclarent ainsi

des revenus en deçà du minimum imposable et ne payent pas, de fait, d’impôts. 15 %

des contribuables payent environ 80 % de l’impôt sur le revenu des personnes

physiques et 1 % des entreprises payent 70 % de l’impôt sur les sociétés. Le revenu

déclaré par les salariés et les retraités représente 76 % du revenu total des personnes

physiques contre 4 % pour les professions libérales et les travailleurs indépendants.

A l’occasion de la dégradation de la note grecque en mars dernier, l’agence de

notation Moody’s avait relevé à cet égard un certain nombre d’obstacles administratifs

à la collecte des impôts ainsi qu’une résistance d’une partie de la société grecque.

Athènes a adopté en conséquence un plan d’action triennal destiné à répondre à ce

problème. Il vise à la fois à moderniser le mécanisme de collecte et améliorer le recueil

d’informations fiscales. Une meilleure coopération avec les contribuables est

également envisagée afin d’encourager la régularisation volontaire, alors qu’un volet

du plan est plus particulièrement dédié à la répression. A ce sujet, le gouvernement a

voulu montrer sa fermeté en nommant à la tête de l’unité chargée des crimes

économiques et financiers un ancien procureur antiterroriste. La lutte contre la fraude

doit permettre d’obtenir 11,8 milliards d’euros de revenus supplémentaires d’ici 2013.

Ce plan est accompagné d’une réforme de l’administration fiscale, axée sur une

réduction du nombre de ses antennes locales et une évaluation régulière de son

activité. Une gestion plus centralisée, utilisant au mieux les technologies de

l’information est ainsi promue. Athènes entend, dans le même temps, multiplier les

accords bilatéraux de coopération fiscale, en vue d’identifier d’éventuels évadés

fiscaux. Les dispositions adoptées en 2010 ont, quant à elles, déjà donné leurs premiers

résultats, les amendes pour fraude fiscale ont ainsi doublé, rapportant à l’État entre 6 et

7 milliards d’euros. Ces mesures n’ont pas, pour autant, jugulé la fuite des capitaux :

35 milliards d’euros ont ainsi quitté le territoire grec en 2010, 12 depuis le début de l’exercice en cours.

28 Le gouvernement prévoit à cet égard un renforcement du contrôle du travail au noir, qui doit rapporter 1,3

milliard d'euros à partir de 2013.

Page 79: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

78

I.4.2°/ Programme de privations

Dans cette optique, le gouvernement grec a, parallèlement annoncé, un nouveau

programme de privatisation de 50 milliards d’euros sur cinq ans, dont 12 à 17 d’ici

2013. 3,5 à 5,5 milliards d’euros seraient obtenus dès cette année. Le gouvernement

espère, de la sorte, réduire de 20 points de PIB le déficit public d’ici 2015.

Le plan prévoit une première vague de privatisations visant la totalité des

participations de l’État (75 %) dans les ports d’Athènes et de Thessalonique, la vente

de ses parts au sein du groupe de paris sportifs OPAP (34 %) la cession des 16 % du

capital de l’opérateur téléphonique OTE (dont l’actionnaire principal est Deutsche

Telekom) dont il dispose, de 34 % de la Banque postale et jusqu’à 40 % de la société

des eaux de Thessalonique. Ces cinq entreprises, cotées à la Bourse d’Athènes, sont à

l’heure actuelle valorisées à hauteur de 1,3 milliard d’euros.

Une deuxième vague de privatisations partielles viserait les entreprises du secteur

énergétique (réduction de la participation de l’État au sein de l’opérateur national

d’électricité DEI de 51 à 34 %, l’État ne conservant qu’une minorité de blocage établie

à 34 % dans la compagnie du gaz Depa) et les chemins de fer. Le Casino du Mont

Parnes, l’organisme des paris hippiques (ODIE), l’entreprise de ferronickel Larco et

l’opérateur ferroviaire Trainose seraient vendus en totalité. En ce qui concerne les

transports, le gouvernement souhaite prolonger la concession de l’aéroport d’Athènes

et baisser progressivement la participation de l’État. Les autorités souhaitent

également développer de nouveaux partenariats avec le secteur privé pour le système

portuaire de l’Attique, les 29 aéroports régionaux et les autoroutes. L’État cherche

également un investisseur stratégique pour la poste hellénique et devrait céder en 2012

les activités commerciales de la Caisse des dépôts et consignations.

Le parc immobilier de l’État, dont des plages, devrait être partiellement cédé. Les

terrains et immeubles concernés sont valorisés à hauteur de 25 à 35 milliards d’euros.

Cette cession est, de fait, censée rapporter deux fois plus que les privatisations stricto

sensu. Un programme de mise en valeur devrait, à cet égard, être mis en place.

Les 50 milliards d’euros attendus représentent 20 % du PIB grec. Ils ne constituent

surtout qu’une fraction du patrimoine public local, estimé à environ 280 milliards

d’euros. Le plan d’aide de mai 2010 prévoyait initialement un programme de

privatisations devant rapporter 7 milliards d’euros sur trois ans. Ce programme de

privatisations sera, par ailleurs, supervisé par une agence indépendante dont ferait

partie des membres nommés par la Commission européenne et les Etats membres, le

gouvernement grec répondant ainsi à une demande de la troïka.

Il conviendra d’être attentif à l’origine des entreprises intéressées par ces

privatisations, la Chine étant notamment très attentive à la situation des infrastructures

portuaires grecques. Pékin entend, en effet, faire de la Grèce, la porte d’entrée des

marchandises chinoises en Europe. L’accord signé entre le Port du Pirée et l’armateur

chinois Cosco Pacific le 25 novembre 2008 a été suivi en mai 2010 de la visite en

Grèce du président dudit groupe, confirmant les ambitions grecques dans le domaine

maritime mais aussi les attentes grecques en faveur d’un renforcement de la présence

Page 80: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

79

chinoise sur son territoire29

. Le déplacement du Premier ministre chinois, Wen Jiabao,

accompagné du gouverneur de la Banque centrale de Chine du 2 au 4 octobre 2011 est

venue illustrer cet intérêt mutuel30

. Par-delà, le gouvernement chinois a assuré son

homologue de son soutien face à la crise financière qu’il affronte, indiquant son

souhait de participer en temps utile au rachat d’obligations grecques.

Tableau 12 : Principales privatisations prévues en 2011 et 2012

2011 Part de l’État Part à vendre

OTE Telecom 16 % 16 %

Banque postale 34 % 34 %

Port du Pirée 75 % 75 %

Port de Salonique 75 % 75 %

Société d’eau de Salonique 74 % 40 %

EAS (Défense) 100 % 66 %

Loterie nationale 100 % 49 à 66 %

DEPA (Gaz) 65 % 32 %

Trainose (Chemins de fer) 100 % 49 à 100 %

Larco (Ferronickel) 55 % 55 %

OPAP Paris sportifs 34 % 34 %

Banque de Grèce 1,2 % 1,2 %

Alpha Bank 0,6 % 0,6 %

2012 Part de l’État Part à vendre

Aéroport international

d’Athènes

55 % 21 %

29 Le gouvernement prévoit à cet égard un renforcement du contrôle du travail au noir, qui doit rapporter 1,3

milliard d'euros à partir de 2013. 30 Un accord sur la coopération bilatérale en matière d’investissements a été signé à cette occasion ainsi que

neuf accords commerciaux. Trois d’entre eux portent sur des prêts en faveur du développement d’infrastructures à destination de la marine marchande (268 millions de dollars) et deux sur le port du Pirée.

Page 81: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

80

Autoroute Egniata Odos 100 % 100 %

Poste héllenique 90 % 40 %

Société d’eau d’Athènes 61 % 27 %

DEI (Électricité) 51 % 17 %

Aéroports régionaux 100 % 49 %

Source : Commission européenne

Un certain nombre de réserves doit néanmoins être apporté aux ambitions

gouvernementales. Aucune précision n’a jusqu’ici été fournie en ce qui concerne le

calendrier et le processus opérationnel. Par ailleurs, un certain nombre d’informations

contradictoires circule, certains projets (Électricité de Grèce et société des eaux

d’Athènes) étant contestés au sein même du gouvernement. La vente des biens

immobiliers de l’Etat n’est pas non plus sans susciter d’interrogation, tant la dernière

opération n’a pas été couronnée de succès : les bâtiments construits à l’occasion des

Jeux olympiques de 2004 et laissés ensuite à l’abandon ont ainsi été vendus à l’Eglise

orthodoxe en 2009 pour un montant jugé faible. L’Eglise orthodoxe étant, par ailleurs,

exonérée d’impôts, l’Etat ne perçoit aucun revenu afférent à ces biens.

Au-delà de ce manque de précisions, il convient d’insister sur le fait que la Grèce

devra réformer en profondeur le droit du travail local et les systèmes de régulation

qu’elle a mis en place afin d’attirer d’éventuels investisseurs. Un relèvement de

certains tarifs (électricité notamment) ou l’autorisation de procéder à des

licenciements, jusque-là interdits dans plusieurs entreprises publiques, apparaissent

indispensables. Face à l’opposition des syndicats, qui pourraient saisir les tribunaux en

cas de litige, une immunité judiciaire devrait, en outre, être accordée à la future agence

de privatisation.

I.4.3°/ Un nouveau modèle économique à inventer

En ce qui concerne la relance de l’économie, le gouvernement a annoncé la

suppression, à compter du 2 juillet 2011, de nombreuses barrières à l’entrée de 136

professions : boulangers, buralistes, agents d’assurance, agents immobiliers, dockers,

électriciens, kinésithérapeutes, psychologues, bateaux-taxis, coiffeurs, ... Ces barrières

prenaient des formes diverses : limitation du nombre de l’implantation des prestataires,

fixation de prix minimums, licence administrative obligatoire. La libéralisation des

conditions d’exercice de certains métiers (avocats, notaires, experts comptables,

ingénieurs civils, architectes et pharmaciens), jusque-là réglementées, demeure

soumise à l’adoption d’un décret d’application.

Une relance de l’activité est indispensable en vue de revenir à l’excédent

budgétaire. Là encore, les chiffres tendent à indiquer qu’une reprise demeure pour

l’instant hypothétique : la contraction du PIB était estimée à 7 % en fin 2010 alors que

le principal indice de la Bourse d’Athènes, l’ASE, a perdu près de 25 % en un an. La

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

81

production industrielle a chuté, quant à elle, de 11 % au mois d’avril, après une baisse

de 8 % en mars. Le gouvernement milite par ailleurs pour la promotion d’un nouveau

modèle de croissance, reposant sur l’écologie et censé attirer les investisseurs.

Il s’est ainsi fixé, à l’horizon 2020, un objectif de 20 % d’énergies renouvelables

dans la consommation d’énergie et de 40 % dans la consommation d’électricité.

D’autres secteurs méritent par ailleurs d’être soutenus, qu’il s’agisse du tourisme où la

montée en gamme annoncée tarde à se concrétiser, de l’industrie de la défense ou de

celle de la recherche, la Grèce disposant de nombreux ingénieurs.

Par-delà, c’est l’ensemble du tissu économique qu’il convient de revoir, la Grèce

étant caractérisée par la surreprésentation des petites entreprises (930 000 sur 960

000), composées en moyenne de quatre salariés, et l’absence de dynamique

industrielle. Comme le Portugal, la Grèce devra, dans les prochains mois, réorienter sa

stratégie économique en s’orientant davantage vers les secteurs tournés vers

l’exportation et tenter de s’affranchir d’un modèle de croissance complètement

dépendant de la demande interne.

II°/ Plan de réduction progressive de la dette publique : cas de

l’Allemagne et de la France

II.1°/ La philosophie allemande de la dette publique : prévention des crises

II.1.1°/ Le « frein à l’endettement » : règles fiscales nationales

Après onze années d’application du PSC, il est indéniable qu’il existe des carences

avérées dans la mise en œuvre nationale des règles budgétaires européennes. De

nombreux États membres ont ainsi manqué de détermination et de volonté politique

pour transposer des recommandations pourtant décidées au niveau communautaire

avec le consentement des pays concernés. Par conséquent, le cadre budgétaire

communautaire devrait s’accompagner de règles nationales crédibles. Il est à noter que

le non-respect des objectifs normatifs de Bruxelles concerne surtout les dépenses

publiques. C’est pourquoi il serait opportun d’adopter des mesures transparentes,

visant la réduction des dépenses publiques et permettant une évaluation régulière du

respect de l’engagement en faveur de la stabilité des politiques budgétaires. Toutefois,

la discipline attendue de telles normes budgétaires exige sans aucun doute de la part

des gouvernements et des parlements de renoncer explicitement à une part

supplémentaire de leur souveraineté. Il est indispensable que les États membres

reconnaissent que l’UEM ne peut fonctionner sans renoncement au mythe de

l’autonomie nationale.

La règle budgétaire la plus stricte existant sur un plan national est celle qui a été

adoptée par l’Allemagne en 2009, inspirée du modèle suisse, et inscrite dans la

constitution comme «frein à l’endettement». Cette nouvelle règle budgétaire

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

82

remplace l’article 115 de la loi fondamentale, limitant l’endettement net aux dépenses

d’investissements bruts et ne s’appliquant pas en cas de récession. La « règle d’or » de

l’article 115 n’avait pas empêché la croissance de l’endettement de l’État de 20 % du

PIB en 1967 – date de son entrée en vigueur – à 65 % en 2008, en raison de l’absence

de définitions précises de ce que sont des investissements et des récessions. Avec la

nouvelle règle budgétaire, l’endettement net du gouvernement fédéral ou des régions

(Länder) est, en principe, désormais interdit. Cependant, en ce qui concerne le

gouvernement fédéral, dans une conjoncture normale, c’est-à-dire, lorsque la

croissance économique réalisée correspond à la croissance potentielle, un déficit

budgétaire structurel de 0,35 % du PIB (environ 8,5 milliards. d’euros) est toléré, ce

qui n’est pas le cas pour les Länder. Le chiffre de 0,35 % est le résultat d’un

compromis politique obtenu après de subtils arbitrages entre le gouvernement fédéral

et les Länder : en phase de récession, les déficits budgétaires conjoncturels sont

autorisés ; en phase d’expansion – c’est-à-dire quand la croissance réalisée dépasse la

croissance potentielle –, il est impératif de dégager des excédents budgétaires. Lors de

catastrophes naturelles ou de situations d’urgence inhabituelles qui échappent au

contrôle de l’État, le Parlement, à la majorité de ses membres élus, et non limité aux

seuls parlementaires présents, peut approuver des dépassements, ces situations

apparaissant comme des exceptions à cette règle constitutionnelle de l’endettement.

Toutefois, il doit adopter en même temps un plan d’amortissement strict afin

d’éviter tout nouvel accroissement de l’endettement public. Ainsi, le «frein à

l’endettement» fonctionne en tant que stabilisateur automatique, qui permet, en

période de conjoncture défavorable, un financement du déficit et qui exige, en période

de conjoncture favorable, le retour à l’excédent.

La règle du « frein à l’endettement » observe les contraintes imposées par le PSC

et impose en outre le respect de règles dans l’exécution budgétaire. À cet effet, un

compte avec obligation de compensation est créé. Lors du franchissement du seuil

d’endettement de 0,35 %, le compte est débité ; à l’inverse, dès lors que l’endettement

s’établit à un seuil inférieur, il est crédité. Le compte doit être à l’équilibre en période

de reprise économique, dès que lors que la croissance du PIB dépasse 1 %. Les

réductions annuelles sont limitées dans ce schéma à 0,35 point. Lors d’une récession,

aucune réduction n’est exigée, afin d’éviter un effet pro-cyclique. Ainsi, dans ce

schéma de « frein à l’endettement », est également prévu un mécanisme de rétroaction

direct des déficits ou des excédents accumulés sur le compte de compensation. Les

nouvelles règles étaient prévues pour être appliquées à partir de 2011 et exigent

chaque année une réduction du déficit budgétaire structurel de 0,5 point du PIB –

compte tenu du déficit actuel, soit 10 milliards d’euros –, pour atteindre la limite

définie de 0,35 point, au plus tard en 2016. Pour les Länder, tout nouvel endettement

structurel ne sera plus admis à partir de 2020, sans aucune exception. L’observation de

ces règles d’endettement, compte tenu d’un taux de croissance économique nominale

annuel de 3 %, permettrait au taux d’endettement de passer de presque 78 % du PIB en

2010 à moins de 50 % à la fin des années 2030, et à long terme à moins de 20 %.

Le schéma du « frein à l’endettement » en tant que stratégie de réduction de la

dette publique donne aux marchés financiers un signal clair. De cette façon,

l’Allemagne s’engage sur un plan constitutionnel à respecter une discipline budgétaire

de sorte que le service de la dette pour tout nouvel emprunt allemand reste

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

83

comparativement faible, et permet de conserver une marge de manœuvre pour financer

les dépenses publiques d’avenir. Cela constitue également un capital de confiance que

les marchés financiers reconnaissent en proposant des taux d’intérêt réduits. Le

caractère constitutionnel du schéma est une garantie face à des hommes politiques

opportunistes qui, ainsi, ne seraient plus en mesure de dépenser le capital constitué

afin de satisfaire des objectifs à court terme. La convergence des politiques

budgétaires mises en place dans tous les pays de l’Union européenne serait encouragée

si d’autres pays membres introduisaient des règles budgétaires similaires. D’une

certaine manière, grâce à la pression des marchés financiers – notamment pour

s’assurer de faibles taux d’intérêt –, l’Allemagne assume un rôle de pionnier et devient

un exemple à suivre pour d’autres pays de l’Union européenne. Elle constate d’ailleurs

avec un grand intérêt que la discussion sur les règles budgétaires a débuté en France.

L’Allemagne a besoin d’un partenaire ayant une crédibilité financière irréprochable

afin qu’ils puissent conjointement continuer à jouer un rôle moteur pour l’intégration

européenne.

II.1.2°/ Réactivation du volet préventif du PSC

S’il s’avère impossible, dans certains cas, d’inscrire dans la constitution les règles

contraignant les déficits publics, il suffit de réactiver le « volet préventif » du PSC,

largement inutilisé jusque-là. Ce volet prévoit que, dès lors que la croissance réalisée

correspond à la croissance potentielle, le budget d’un État membre doit être au

minimum équilibré, si ce n’est excédentaire, en fonction de la phase du cycle. Si

l’objectif n’est pas atteint, s’ensuivent des sanctions financières, à moins que le

Conseil n’en décide autrement.

II.1.3°/ Indexation de la dette de l’Etat

L’achat d’obligation d’États surendettés par la BCE pourrait faire renaître des

tensions inflationnistes, à moins d’indexer l’impôt sur le revenu et le nouvel emprunt

d’État sur le taux d’inflation. Dans ces conditions, l’État ne gagnerait plus à favoriser

l’inflation, ce qui garantirait la stabilité des prix. En outre, la charge d’intérêt pesant

sur le déficit budgétaire serait allégée, en raison d’une prime d’inflation moindre prise

en compte dans le rendement des obligations émises.

Page 85: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

84

II.2°/ La réduction de la dette publique de la France

II.2.1°/ « Rompre avec la facilité de la dette » : analyse du rapport Pébereau

L’examen des budgets de l’État, des collectivités territoriales et de la Sécurité

sociale relance régulièrement le débat sur la faiblesse des marges budgétaires, la

charge laissée aux générations suivantes et la difficulté à respecter les critères

budgétaires européens et à réduire l’endettement.

La situation de la dette et des déficits publics en France semble en effet

préoccupante. La dette publique a quintuplé en 25 ans et son poids dans la production

nationale a plus que triplé, les dépenses publiques croissant plus rapidement que les

recettes sur la période. Elle s’établit en 2006 à 1 142,2 milliards d’euros, soit 63,7 %

du PIB selon l’INSEE (dette au sens du traité de Maastricht).

Le rapport sur la dette de la Commission présidée par Michel Pébereau, d’où le

rapport Pébereau, a remis ce thème au centre du débat public à la fin 2005. Il estime

en particulier que cette longue dégradation de la situation ne résulte pas d’efforts pour

la croissance et la préparation de l’avenir, mais d’un « choix de la facilité depuis

vingt-cinq ans ». Les données qu’il rappelle et les arguments qu’il avance continuent à

nourrir la réflexion sur la stratégie budgétaire.

Le rapport Pébereau sur la dette publique (2006) rappelle les principaux éléments

de définition des notions de dette et de déficit au sens des règles européennes de

discipline budgétaire mises en place en 1997 pour la réalisation de l’union économique

et monétaire (UEM). «Les administrations publiques (APU) sont classées

traditionnellement en quatre catégories : l’État, les collectivités territoriales, les

organismes de protection sociale – c’est-à-dire la Sécurité sociale (assurance maladie

obligatoire, régimes obligatoires de retraite, prestations familiales, accidents du travail

et maladie professionnelles) et l’assurance-chômage – et une quatrième catégorie, plus

diffuse, les organismes divers d’administration centrale (ODAC), qui regroupe

notamment certaines entreprises publiques…

Sans entrer dans les détails, la dette au sens du PSC est une dette brute

consolidée, c’est-à-dire qu’elle ne tient pas compte des actifs et des dettes entre

administrations publiques. Si l’on prend l’exemple d’un foyer rassemblant plusieurs

personnes, la dette du foyer, entendue au sens du PSC, serait la somme de la dette

totale de ces personnes, sans prendre en compte les sommes qu’elles se seraient

éventuellement prêtées entre elles. La valeur de la dette ne serait en outre pas diminuée

des biens que possède le foyer, par exemple sa maison, sa voiture... ».

S’élevant à plus de 1100 milliards d’euros en 2005, la dette publique française

paraît aujourd'hui préoccupante, alimentée par des déficits récurrents. Pour sortir de

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

85

cette situation, le rapport Pébereau a invité à « rompre avec la facilité de la dette »

car le «choix de la facilité depuis vingt-cinq ans est la principale explication du

niveau très préoccupant de notre dette publique ».

En réalité, le recours à l’endettement a été le choix de la facilité : il a permis de

compenser une gestion insuffisamment rigoureuse des dépenses publiques. L’État a

évolué pendant ces vingt-cinq dernières années, mais la dette lui a permis de reporter

la modernisation de sa gestion car l’augmentation de ses effectifs dans un contexte

de réduction des missions (+ 300 000 agents, soit + 14 % entre 1982 et 2003) et le

retard pris dans l’utilisation des techniques de gestion et d’organisation les plus

modernes en témoignent. L’endettement a également permis de maintenir certaines

dépenses dont l’efficacité au regard des objectifs affichés n’est pas avérée. Tout ceci

explique que ces dix dernières années, les dépenses de l’État ont été supérieures à ses

recettes de 18% en moyenne.

Les recommandations de la Commission Pébereau, c’est de « remettre en ordre

nos finances publiques en maîtrisant nos dépenses et en les orientant mieux » pour

les cinq (05) prochaines années.

« Premier principe : le partage de l’effort de réduction des dépenses publiques.

Toutes les administrations publiques devraient participer au redressement financier :

l’État devrait revenir à l’équilibre au plus tard en cinq ans. Ceci supposerait que

ses dépenses soient stabilisées en euros courants. L’excès de dépenses par

rapport aux recettes, aujourd’hui de 16 %, devrait donc progressivement être

ramené à 0, ce qui représente une économie annuelle de 2 % des dépenses, soit

25 milliards d’euros en tout sur cinq ans ;

les régimes sociaux devraient également revenir à l’équilibre sur la même

période. En ce qui concerne les retraites, le rendez-vous de 2008 devrait définir

les conditions de l’équilibre de l’ensemble des régimes, y compris les régimes

spéciaux, jusqu’en 2020 au moins. Le respect de l’objectif de retour à

l’équilibre de l’assurance maladie en 2009, inscrit dans la loi de financement

pour 2006, est absolument impératif. Il devrait être garanti par un mécanisme

d’ajustement automatique ;

les dotations de l’État aux collectivités territoriales devraient également être

stabilisées en euros courants. En contrepartie, l’État devrait renforcer leur

responsabilité financière en ne leur imposant plus unilatéralement de dépenses

et en augmentant progressivement la part de leurs ressources propres.

Deuxième principe : le maintien du niveau global des prélèvements obligatoires

pendant la période de retour à l’équilibre. Le désendettement doit être la priorité.

Les adaptations de la structure des prélèvements, qui sont nécessaires, devraient donc

s’accompagner des mesures permettant de compenser leurs effets sur le niveau global

Page 87: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

86

des recettes publiques. Cela implique également que les recettes liées à la cession

d’actifs non stratégiques ou à une accélération non anticipée de la croissance soient

désormais intégralement consacrées au désendettement, à l’exception des dotations au

Fonds de réserve des retraites.

Troisième principe : le réexamen intégral de l’efficacité des dépenses. Les dépenses

prioritaires, soigneusement sélectionnées, devraient être préservées, voire augmentées.

La réduction mécanique et uniforme des dépenses n’est pas de bonne politique.

Pour mettre en œuvre ce troisième principe, il serait nécessaire que le Gouvernement

et le Parlement modifient leur mode de travail afin que l’efficacité de la dépense

publique soit, plus que jamais, au centre de leurs priorités :

pour éviter que l’empilement des dépenses continue, toute annonce de nouvelle

dépense devrait désormais préciser la ou les dépenses qui seraient supprimées

en contrepartie pour un montant équivalent ;

le Gouvernement devrait mettre en place très rapidement un dispositif de

réexamen complet des dépenses de l’État et de la Sécurité sociale, sous

l’autorité d’un ministre d’État et du Premier ministre.

Ce dispositif viserait d’abord à étudier la pertinence même de chacune des missions.

Lorsque cette pertinence serait confirmée, le niveau des moyens nécessaires pour

mener à bien cette mission devrait être déterminé.

Cela impliquerait d’analyser l’efficacité des dispositifs d’intervention, et d’évaluer

avec précision les moyens humains et matériels nécessaires à la conduite de l’action

publique. Le niveau des effectifs devrait tenir compte beaucoup plus qu’aujourd’hui

des gains de productivité possibles. Les départs à la retraite devraient être utilisés au

maximum pour supprimer les sureffectifs, ce qui impliquerait de développer la

mobilité au sein des administrations publiques.

La réorganisation de l’appareil administratif serait un élément essentiel de cette

démarche :

au niveau central, le nombre de ministères devrait être réduit et les structures

systématiquement simplifiées ;

au niveau local, la présence simultanée des services de l’État et des régimes

sociaux à l’échelon régional, départemental, voire infra-départemental devrait

être réexaminée ;

la diminution du nombre de collectivités territoriales devrait également être

engagée par la mise en place de mécanismes financiers incitatifs.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

87

Le Parlement devrait jouer un rôle important dans cette démarche de réorientation des

dépenses. Cela supposerait qu’il consacre désormais deux fois plus de temps au

contrôle des dépenses qu’au vote du budget. »

II.2.2°/ Une stratégie française de réduction des dépenses publiques

La thématique de la réduction de la dette publique a pris dans le débat public

français une ampleur considérable. Il semble en effet que, à la suite notamment du

rapport Pébereau de 2005 et, bien entendu, de la crise financière et économique de

2008-2009, l’opinion publique française soit devenue particulièrement sensible à ce

sujet.

Face à cette situation, et tenant compte de la crise de la dette souveraine, l’État

français devra donc, entamer un processus résolu de diminution de la dépense

publique : face l’incapacité de l’Etat à mettre en application les recommandations du

rapport de la Commission Pébereau, c’est la pression jouée par les acteurs des marchés

financiers qui l’oblige, au risque de voir la note de la France se dégrader de plus en

plus. Selon Micolas Bouzou, pour que cette stratégie soit couronnée de succès, les

principes qui la régiront doivent répondre à trois conditions :

–la baisse de la dépense publique doit être engagée pour longtemps et doit donc faire

l’objet d’un consensus national ;

–la baisse de la dépense publique ne doit pas être nocive pour l’économie, mais doit,

autant qu’il est possible, bénéficier au secteur privé pour que les emplois supprimés

dans le secteur public soient transférés dans la sphère marchande ;

–enfin, la baisse de la dépense publique doit être présentée non pas comme une

«réforme», mais comme un processus sur le long terme, indispensable pour que

l’économie française reste en croissance et ne connaisse pas d’accident majeur.

Dans cette optique, il va plus loin en proposant les cinq mesures suivantes :

– l’établissement d’une règle constitutionnelle encadrant les déficits public ;

– la distinction entre ce qui relève de l’assurance-maladie et ce qui relève de la

solidarité ;

– la diminution du nombre de niveaux d’administrations locales ;

– l’intensification de l’effort de mutualisation des moyens de l’État, en particulier dans

le domaine de la formation ;

– l’accentuation de l’externalisation.

Ces mesures ne sont pas les seules à pouvoir être prises : elles constituent un socle

indispensable, sans lequel la réduction de la dépense sera insuffisante et non pérenne.

On notera aussi que la réduction du nombre de fonctionnaires ne figure pas dans nos

mesures. En effet, la baisse du nombre d’agents publics est sans doute souhaitable,

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

88

mais elle doit constituer une conséquence des mesures prises et des gains de

productivité réalisés au sein de la fonction publique.

Proposition 1 : établir une règle constitutionnelle encadrant les déficits publics

Elle aurait en France deux vertus :

–elle obligerait les gouvernements à intégrer les questions d’endettement public dans

leurs objectifs de politique économique ;

–elle concourrait au maintien de taux d’intérêt modiques sur la dette publique. En

effet, les marchés financiers disposeraient ainsi d’une « ancre » constitutionnelle qui

les rassurerait quant à la solvabilité de l’État français.

Elle devrait s’articuler autour de trois principes :

–les comptes sociaux doivent être obligatoirement équilibrés. En effet, les dépenses

sociales ne sont pas des dépenses d’investissement. En outre, leur objet n’est pas de

dégager une « rentabilité économique ». Il n’y a donc pas de raison qu’elle fasse

l’objet d’un endettement ;

–le solde budgétaire structurel de l’État ne doit jamais être négatif ;

–ces règles pourraient être levées en cas de circonstances exceptionnelles (récession,

guerre…). Cette levée devrait faire l’objet d’un consensus politique. C’est pourquoi

elle devrait être votée par le Parlement.

Proposition 2 : séparer ce qui relève de l’assurance-maladie de ce qui relève de la

solidarité

Pour de multiples raisons (démographiques, économiques et liées à la liberté

individuelle de choix), il ne nous semble pas pertinent de rationner les dépenses de

maladie. D’ailleurs, le fameux objectif national des dépenses d’assurance-maladie

(ONDAM) est systématiquement dépassé. Il est donc certainement préférable de

modifier la répartition entre financements publics et financements privés, en

distinguant ce qui, dans le cas de la maladie, relève de l’assurance et ce qui relève de

la solidarité. En effet, depuis 1945, le système d’assurance-maladie ne distingue pas ce

qui relève de la mutualisation des risques (les dépenses de soins des malades sont

payées par tous les cotisants, ce système assurantiel étant rendu possible parce que tout

le monde ne tombe pas malade en même temps) et ce qui relève de la solidarité (à

même niveau de prestation, les cotisations sont croissantes avec le revenu).

La partie relative à la solidarité, qui fait partie intégrante du modèle social français,

doit être pérennisée. La mutualisation à l’assurance doit faire l’objet d’un achat

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

89

individuel rendu obligatoire pour une couverture équivalente à la couverture actuelle.

Cette proposition présente l’avantage de réduire les cotisations sociales (et donc

d’augmenter le salaire net) et de diminuer les dépenses de la Sécurité sociale, sans

diminuer les dépenses de santé. Il s’agit finalement d’externaliser (notion que nous

retrouverons plus loin) la partie de l’assurance-maladie qui correspond véritablement à

de l’assurance.

Proposition 3 : diminuer le nombre de niveaux d’administrations locales

L’administration territoriale doit contribuer au recul de la dépense publique. En

effet, même si, la progression de la dépense des collectivités locales n’a pas été ces

dernières années forcément illégitime, il apparaît que des marges de manœuvre

existent au niveau territorial. Comme le souligne la Cour des comptes, la dé-

centralisation a été financièrement une occasion manquée. En effet, l’augmentation des

dépenses des collectivités locales n’a pas été compensée par une baisse équivalente des

dépenses de l’État.

Une maîtrise accrue et surtout pérenne des dépenses des collectivités locales ne

pourra pas se faire en compressant les dépenses à tous les niveaux d’administration

existants. Il faudra simplifier la structure administrative locale. En effet, Il y a en

France six niveaux d’administration : le niveau européen, le niveau national, le niveau

régional, le niveau départemental, le niveau communal, auxquels il faut ajouter, les

regroupements de communes et d’agglomérations. Comme l’a rappelé avec raison le

rapport Attali, « l’empilement des niveaux de collectivités locales provoque

l’enchevêtrement des compétences et favorise donc le gaspillage ».

Proposition 4 : étendre l’effort de mutualisation au sein de l’État

L’État se doit de contrôler de façon très stricte les achats qu’il effectue ; c’est

pourquoi, à l’aune du souci de contrôler l’évolution de la dépense publique, on ne peut

que se satisfaire de la création, en mars 2009, d’une fonction « achats » au sein de

l’administration centrale pour les dépenses courantes (fournitures, matériel de bureau,

mobilier, télécommunications, transports…), qui devrait permettre de réaliser des

économies de l’ordre de 1 milliard d’euros environ.

Cet effort de mutualisation des moyens doit être poursuivi dans bien d’autres

domaines. On prendra ici l’exemple de la formation, en s’appuyant sur l’expérience

canadienne.

L’État canadien a fusionné en 2003 ses organismes de formation pour créer l’École

de la fonction publique du Canada (EFPC), qui dispose d’un peu moins de 1 000

agents répartis dans la totalité des provinces. Cela a permis à la fois de supprimer les

doublons qui existaient en matière de formation, mais aussi d’agglomérer les

expertises dispersées auparavant dans les différentes écoles. Les formations se sont

centrées sur les domaines les plus stratégiques pour l’État, à savoir l’apprentissage

individuel, le leadership organisationnel et l’innovation dans la gestion publique. Les

besoins plus précis des ministères sont sous-traités. Cette offre de formation a été

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

90

complétée par une offre de e-learning (une formation à distance sur Internet). Il s’est

agi de réduire les coûts de formation, mais aussi d’améliorer le niveau des agents en

matière de management et de gestion, et ce pour, en retour, réduire les coûts de

nouveau.

C’est à partir de là qu’on peut diminuer le nombre de fonctionnaires. La baisse du

nombre de fonctionnaires n’est pas une fin en soi. Ce qui l’est, c’est la baisse de la

dépense publique à niveau de prestation, au pire constant, au mieux croissant.

Proposition 5 : externaliser ce qui peut l’être

L’externalisation des services publics consiste à confier au secteur privé une

activité qui était alors directement réalisée par l’Administration. Cette externalisation

peut se faire par contrat de délégation ou par contrat de partenariat.

L’externalisation de certaines tâches de l’État vers le secteur privé est nécessaire.

La France est l’un des pays où l’externalisation des services publics est la moins

développée. Au sein des ministères français, le processus d’externalisation est

relativement nouveau. Depuis 2003, il fait toutefois partie de la pratique publique et

s’inscrit pleinement dans la réforme de l’État. Le ministère de la Défense a été le

premier à pratiquer l’externalisation. Les fonctions externalisées sont principalement la

gestion du parc immobilier (entretien des immeubles, ramassage des ordures,

gardiennage), l’entretien des espaces verts, ou encore la restauration et l’hôtellerie. Les

autres ministères, notamment le ministère des Finances, ont ensuite suivi le

mouvement.

L’externalisation ne constitue néanmoins pas une panacée, surtout à court terme, et

ce pour quatre raisons :

–l’État français a une expérience modeste dans le pilotage d’opérateurs privés, et donc

une faible capacité qualitative à externaliser ;

–l’externalisation ne se traduit pas dans l’immédiat par des suppressions de postes.

Elle entraîne donc, pendant une période plus ou moins longue, une augmentation des

coûts, quand son objet était une diminution de la dépense ;

–certaines tâches assumées par l’État (la gestion de la paie des agents publics, par

exemple) représentent des budgets trop importants pour être supportés par un

opérateur privé ;

–il existe encore des résistances syndicales fortes vis-à-vis de l’externalisation.

Parmi les pays de l’OCDE qui ont le plus externalisé, on trouve les pays anglo-

saxons (Royaume-Uni, États-Unis) et scandinaves (Suède, Finlande, Danemark). En

Europe, le Royaume-Uni se démarque très nettement. C’est en effet l’un des premiers

pays à avoir transféré au secteur privé certains domaines réservés auparavant au

secteur public. La réforme du système national de santé a constitué le point d’orgue du

processus d’externalisation amorcé par le gouvernement britannique à la fin des

années 1980. Le système de soins a ainsi radicalement changé pour devenir un «

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

91

marché de la santé » quasi concurrentiel, où interagissent des acheteurs (autorités

sanitaires) qui font jouer la concurrence auprès des producteurs (hôpitaux). Ainsi, la

baisse de l’emploi public au Royaume-Uni s’est accompagnée d’une hausse des

consommations intermédiaires (qui constituent une mesure de l’externalisation), qui

représentaient en 2007 plus de 12 % du PIB (source : Eurostat).

Certains pays ont même commencé à externaliser des domaines régaliens. Les

États-Unis et le Royaume-Uni font ainsi appel au secteur privé pour la défense et la

gestion pénitentiaire. Les partenariats entre secteur public et secteur privé se

développent particulièrement dans la construction et la gestion des infrastructures

publiques. Au Portugal et en Italie, le réseau routier est par exemple géré

conjointement par les secteurs public et privé, de même que le réseau ferroviaire aux

Pays-Bas.

Conclusion du chapitre II

Ce chapitre a permis de passer en revue toutes les composantes principales de la

dette souveraine des économies avancées régie par les conditions des marchés

financiers à travers l’intervention de trois acteurs majeurs du secteur financier, qu’ils

soient domestiques ou étrangers à savoir les banques, les compagnies d’assurance et

l’ensemble des gestionnaires d’actifs financiers.

La dette souveraine n’est pas tout à fait la même dans tous les pays industrialisés

du Nord car leurs économies n’ont pas les mêmes particularités. En effet, la structure

de détention de la dette publique de ces Etats par les résidents diffère les uns des

autres. Dans certains pays, ce sont les banques qui détiennent le plus de part de

détention comme c’est le du Japon, en Allemagne, en Italie. Par contre, dans d’autres

pays, ce sont les sociétés d’assurance et les fonds de pension qui détiennent le plus de

part comme en France et au Royaume Uni.

En matière d’internationalisation de la dette publique, c’est-à-dire la détention de

la dette publique par les non-résidents, le Japon est le moins concerné, ensuite

viennent successivement (pour les cas que nous avons étudié), le Royaume Uni, les

Etats-Unis et enfin la zone euro. La diversification intra-européenne de la détention de

la dette publique apparaît très nettement aux Pays-Bas, en Grèce et en Irlande, mais

aussi en Espagne et en Italie et surtout au Portugal.

La crise de la zone euro à montrer les dangers de la dégradation excessive de la

santé des finances publiques vue les conséquences dont les impacts sont toujours

d’actualité. A ces dangers, nous pouvons citer le risque pays qui se traduit par un

risque souverain qui affecte la situation financière des investisseurs institutionnels

étrangers implanté dans le pays : elle se caractérise par un risque de défaut soutenue

d’un risque d’insolvabilité important. Le pire de tout ce phénomène, c’est que ce

risque ne transforme en un risque systémique qui se traduit par un macro-risque sur les

mécanismes du système financier et aussi la mise en cause du fonctionnement des

institutions de régulation du système. Nous le voyons avec la crise de la dette grecque

sans oublier l’effet de contagion sur les dettes irlandaise, portugaise, espagnole et

italienne avec un risque sur celle de la France.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

92

Face à cette situation de crise, il fallait mettre en place des stratégies de réduction

de la dette publique, en tenant compte du niveau de risque de défaut de chaque pays.

C’est ainsi que la Grèce, l’Irlande, le Portugal voire l’Espagne et l’Italie ont mis en

place des plans d’austérité budgétaire drastiques afin de d’apaiser la nervosité des

marchés financiers. Par contre, la France doit mettre en place un plan de réduction

progressive de sa dette souveraine afin de revenir à l’équilibre budgétaire d’ici 2014-

2015 pour « rompre avec la facilité de la dette ». L’Allemagne devient le modèle à

suivre compte tenu des politiques prises sur « le frein à l’endettement ».

Un autre point important, est le problème de vieillissement de la population car les

personnes âgées constituent, de nos jours dans les pays développés, une part croissante

de la population en raison d’une double évolution : allongement de l’espérance de vie

et la diminution du taux de natalité. Cette évolution est nettement plus rapide encore

en Allemagne, au Canada, en Italie et au Japon où la part relative des personnes âgées

sera multipliée par plus de deux (02).

Conclusion de la 1ère partie

L’accumulation de dettes publiques à des niveaux historiques est problématique

pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les niveaux élevés et croissants de l’endettement

public soulèvent des problèmes de soutenabilité des finances publiques et des risques

de solvabilité. L’augmentation de la prime de risque qui en découle conduit à un

relèvement du coût d’emprunt pour les pays. Par ailleurs, pour certains pays comme la

Grèce, l’Irlande, et le Portugal, la solvabilité de l’État est déjà remise en question par

les marchés financiers. En outre, la hausse des taux d’intérêt engendrée par

l’augmentation de la dette publique peut avoir un impact défavorable sur la croissance

et la productivité à long terme par le biais notamment d’un ralentissement des

investissements privés. En plus, l’impact budgétaire du vieillissement de la population

va encore venir aggraver les problèmes de soutenabilité des finances publiques. Enfin,

les incertitudes pesant sur la soutenabilité peuvent réduire la capacité de la politique

monétaire à contrôler les anticipations d’inflation et à influencer favorablement

l’économie réelle.

Par conséquent, la consolidation des finances publiques est inévitable dans presque

tous les pays avancés. À cette fin, des programmes de consolidation crédibles sont

nécessaires de toute urgence. Néanmoins, la stratégie peut être différente d’un pays à

l’autre. Elle sera plus urgente et plus sévère pour les pays confrontés à des primes de

risque élevées et croissantes. Pour ces pays, repousser la consolidation ne devrait pas

uniquement augmenter les coûts de financement de la dette publique mais aussi

accroître l’instabilité macroéconomique. Les coûts d’une non-intervention pourraient

dès lors être encore plus importants. Les gouvernements fortement endettés doivent

donc s’engager dans les plus brefs délais dans des programmes d’ajustement. Pour les

pays dont les primes de risque sont plus faibles, la consolidation n’en est pas moins

urgente, mais l’ajustement peut se faire de manière plus progressive.

La stratégie en trois volets formulée lors du Conseil européen de Stockholm en

mars 2001 pour répondre au défi que représente le vieillissement de la population

Page 94: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

93

garde toute sa pertinence dans la lutte qui s’est engagée pour rétablir la soutenabilité

des finances publiques. Cette stratégie budgétaire consiste à réduire la dette publique, à

augmenter le taux d’emploi et la productivité, et à réformer les régimes de pension

existants, ainsi que les soins de santé et les soins aux personnes âgées.

Premièrement, presque tous les pays avancés devraient atteindre et conserver des

situations budgétaires saines. Dans la plupart des pays avancés, les mesures

d’ajustement devraient être composées principalement d’importantes réductions des

dépenses publiques, ces dernières ayant eu tendance à augmenter au cours des

dernières années. Cependant, il conviendrait d’éviter de réduire certaines dépenses

publiques considérées comme productives, telles que les dépenses publiques

d’investissement, de recherche et d’innovation ou d’enseignement. Au vu de l’ampleur

de l’assainissement budgétaire requis dans la plupart des pays avancés, il sera toutefois

probablement inévitable de prendre aussi des mesures de consolidation du côté des

recettes. Le renforcement des institutions et des règles budgétaires est un autre élément

essentiel pour assurer la réussite d’une consolidation. Dans ce contexte, le

renforcement du cadre budgétaire de la zone euro est un signal positif. Il convient à cet

égard d’accorder davantage d’attention à la dette publique que par le passé. Ainsi, les

pays dont la dette brute excède 60 % du PIB doivent réduire l’écart entre les deux

variables d’au moins un vingtième par an.

Deuxièmement, les pays devraient accroître leur taux d’emploi et améliorer la

productivité du travail. La mise en œuvre fructueuse de telles mesures pourrait en effet

augmenter le PIB potentiel, ce qui élargirait également la marge de manœuvre

budgétaire. À cet égard, l’enseignement est considéré comme un facteur déterminant.

Troisièmement, les pays devraient envisager des réformes appropriées des régimes

de pension, de soins de santé et de soins aux personnes âgées. En effet, les contraintes

liées aux dépenses relatives au vieillissement seront particulièrement importantes à la

lumière des pressions démographiques dans de nombreux pays. Il est dès lors

nécessaire de développer des stratégies pour gérer l’augmentation de ces dépenses.

Pour les pays avancés, où la pression est très forte, il est essentiel d’éviter l’explosion

de ces dépenses à moyen terme. En ce qui concerne les dépenses de pension, de

nombreux pays avancés devraient mettre en place des réformes afin de relever l’âge de

départ effectif à la retraite.

Page 95: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

94

Partie n°2 : Les solutions de sortie de la crise de l’avenir

de l’euro et son impact de la crise sur l’économie

mondiale

Introduction de la 2ème Partie

Dix après l’introduction physique de la monnaie européenne, la crise de la dette

souveraine affecte près d’un tiers des membres de la zone euro, confrontés à des

difficultés croissantes pour accéder aux marchés (Espagne, Italie) ou mis sous

assistance financière (Grèce, Irlande, Portugal).

La réponse formulée par l’Union européenne, face aux difficultés rencontrées par

la Grèce puis l’Irlande et le Portugal a consisté en la mise en œuvre de plans de

sauvetages financiers de grande ampleur en coopération avec le FMI, conditionnés à

l’adoption, par les pays concernés, de mesures d’austérité sans précédent.

Les difficultés que continue à rencontrer la Grèce viennent souligner la nécessité

pour l’Union européenne d’aller plus loin et de dépasser le stade du règlement des

difficultés financières. L’effet par nature récessif des mesures de rigueur adoptées à

Athènes, mais aussi à Dublin et Lisbonne, dans le cadre des plans d’aide n’est pas de

nature à rassurer définitivement les marchés financiers. Il s’agit bien là du paradoxe de

l’intervention européenne qui tente de juguler le problème de liquidités mais fragilise

toute relance rapide de l’économie.

Conçue pour stopper une contagion de la crise de la dette à d’autres pays de la

zone périphérique, l’aide accordée à la Grèce n’aura pu empêcher un durcissement des

conditions d’accès aux marchés financiers à l’endroit de l’Irlande et du Portugal, ainsi

que, dans une moindre mesure, l’Espagne. Ces difficultés à se refinancer ont

finalement conduit Dublin et Lisbonne à recourir à l’aide de l’Union européenne.

Il convient, cependant, de souligner que chacune de ses crises a sa spécificité :

explosion de la bulle immobilière en Irlande, laxisme budgétaire en Grèce et

effondrement de la compétitivité portugaise. Il ne s’agit, dès lors, pas tant d’une crise

de la zone euro que d’une crise des politiques économiques nationales. Les inquiétudes

concernant l’Espagne et l’Italie sont, de leur côté, principalement liées à une

interrogation sur leur aptitude à renouer durablement avec la croissance. De fait, la

question de la contagion ne tient pas à la similarité des crises mais bien au climat de

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

95

défiance vis-à-vis de la dette souveraine européenne des pays rencontrant le plus de

difficultés économiques.

Les marchés développent désormais une crainte à l’égard de la dette souveraine

européenne toute aussi irrationnelle que ne l’était la confiance d’avant la crise, à

l’époque où la Grèce empruntait quasiment au même taux, au risque de différer des

réformes structurelles indispensables. Désormais, le risque d’insolvabilité de l’un

affecte directement le refinancement des autres. C’est en ce sens que la solidarité

européenne doit continuer à jouer à plein, afin de restaurer la confiance des marchés.

Dans cette grande partie nous traiterons, d’abord, la thématique de la solidarité

pour l’avenir de l’euro à travers le Mécanisme européen de stabilité (MES) et celle

du renforcement de la gouvernance économique ; et ensuite, la question pertinente

de la soutenabilité de la dette publique et de l’impact de la crise sur l’économie

africaine.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

96

Chapitre I : L’avenir de l’euro : le MES et le TSCG

Introduction du chapitre I

L’avenir de l’euro est, de nos jours, l’un des sujets qui capte l’attention du monde en

matière d’actualité économique. Pour les gouvernements des Etats membres de la zone

euro, il faut à tout prix sauver l’euro car « si l’euro échoue, l’Europe échoue et par

conséquent, l’idée de l’unification européenne », souligne la Chancelière allemande

Angela Merkel, en mai 2010. En effet, comme nous l’avons déjà souligné, aucun pays

membres de l’Union économique et monétaire n’a intérêt à abandonner la monnaie

unique.

Pour sauver l’euro, il va falloir d’abord, relever les différents facteurs et

défaillances qui ont joué négativement sur le fonctionnement de l’Union économique

et monétaire ; ensuite, soulever les questions de la solidarité européenne et surtout du

renforcement de la gouvernance économique pour une sortie durable de la crise de

l’euro.

Section I : La crise de l’euro : facteurs et défaillances

Après la crise financière, après la crise économique, la zone euro connaît une crise

spécifique : les marchés financiers spéculent contre les dettes de certains pays de la

zone. Ils imaginent un scénario-catastrophe d’éclatement de la zone et réclament de

fortes primes de risque pour détenir les dettes publiques des pays qu’ils déclarent au

bord de la faillite. Les marchés jouent ainsi des failles de l’organisation de la zone euro

où les Etats ne sont plus assurés de pouvoir toujours se financer. L’Europe a été

incapable de réagir : la Banque Centrale Européenne (BCE) et les Etats membres n’ont

pas mis en œuvre avec l’énergie nécessaire les politiques requises pour éviter le

creusement des écarts des conditions de financement entre les pays ; les Etats membres

n’ont fait preuve que d’une solidarité timide et conditionnelle qui a conforté les

marchés dans leur sentiment de fragilité de la zone ; la Commission et les Etats

membres ont obligé les pays menacés à mettre en œuvre des politiques insoutenables

de réduction rapide de leurs déficits publics.

La crise peut avoir trois issues. Soit la poursuite de la politique actuelle entraîne

une croissance durablement faible en Europe, particulièrement dans les pays du Sud ;

les marchés ne sont pas rassurés ; le scénario d’éclatement n’est pas écarté, mais avec

beaucoup de réserves. Soit les pays du Sud quittent la zone euro, ce qui provoquerait

un nouveau choc financier en Europe et sonnerait le glas des ambitions de la

Page 98: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

97

construction européenne. En fait, la seule stratégie durable est celle du changement du

fonctionnement de la zone par l’affichage d’une solidarité financière sans faille, la

lutte contre la spéculation financière par la mise en place de nouveaux circuits de

financement, et la mise en place d’une stratégie macroéconomique coordonnée.

I°/ Les jeux des marchés financiers

Le stade actuel du capitalisme, le capitalisme financier, se caractérise par le

développement prodigieux des marchés financiers où des masses énormes de capitaux

sont perpétuellement à la recherche des placements les plus rentables, les plus liquides

et les moins risqués possibles, tandis que fonds spéculatifs et traders tirent parti de la

volatilité des marchés pour monter des opérations fortement rentables.

Mais comment trouver la contrepartie : des emprunteurs sans risque et prêts à

payer des taux d’intérêts importants ? Il faut obligatoirement un montant énorme de

dettes face à un montant énorme d’actifs financiers. Les prêteurs veulent investir des

sommes importantes, mais s’inquiètent ensuite de ce que les emprunteurs sont trop

endettés ; ils recherchent des rentabilités élevées, mais celles-ci fragilisent les

emprunteurs : c’est la malédiction du prêteur. Les pays, les entreprises ou les

ménages qui bénéficient d’apports importants de fonds extérieurs sont fragilisés,

puisqu’ils deviennent fortement endettés et dépendants des marchés de capitaux : c’est

la malédiction de l’emprunteur.

Le système financier international est ainsi à la recherche perpétuelle

d’emprunteurs : jadis les pays du tiers monde ; puis certains pays d’Asie ; naguère les

Etats-Unis et les ménages anglo-saxons. En 2010, les marchés financiers ont besoin de

prêter massivement à des agents sûrs. Comme les ménages et les entreprises cherchent

à se désendetter compte tenu de l’incertitude économique, ce sont les Etats qui doivent

s’endetter, mais en même temps, leurs positions sont fragilisées. Les marchés veulent

des emprunteurs, mais ils leur reprochent d’être endettés.

Dans une économie où la masse des capitaux financiers est importante,

l’endettement est automatiquement élevé. Un grand nombre d’agents sont endettés et

certains le sont plus que les autres. Il y a donc en permanence des doutes sur la

solvabilité des emprunteurs. Les marchés sont moutonniers, c’est-à-dire que chacun

copie le comportement des autres ; leurs anticipations sont auto-réalisatrices31

et les

opérateurs le savent. Ils sont vigilants, mais leur vigilance accentue les risques de

crise. Il suffit qu’une rumeur mette en doute la solvabilité d’un pays pour que certains

gestionnaires de fonds se sentent obligés de se vendre les titres qu’ils détiennent sur ce

pays ; cela fait monter les taux d’intérêt supportés par ce pays, ce qui peut induire une

agence de notation à le déclasser, ce qui induit d’autres gestionnaires à se couvrir du

risque par les CDS, ce qui entraîne une nouvelle hausse des taux,…. La mondialisation

31 Ce que les acteurs financiers anticipent advient réellement : si tout le monde anticipe une baisse du cours

d’une action, tout le monde vend, ce qui provoque effectivement la baisse du cours, et ce quelles que soient les raisons, fondées ou non, qui ont provoqué l’anticipation initiale.

Page 99: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

98

financière oblige l’économie mondiale à vivre en permanence sous la menace de crises

de la dette.

La crise financière de 2007-2008 a montré que des événements inimaginables

pouvaient se produire ; de sorte que les marchés sont plus nerveux, plus rapides à

envisager des scénarios extrêmes, ce qui accentue leur instabilité. Les marchés se

souviennent qu’ils ont réussi à faire exploser le Système Monétaire Européen (SME)

en 1992, et qu’ils ont obligé l’Argentine à sortir du currency board (c’est-à-dire de son

engagement inscrit dans sa Constitution de maintenir la valeur de sa monnaie en

dollar) en 2001. Pourquoi ne réussiraient-ils pas à faire exploser la zone euro ?

Les Etats sont ainsi soumis à deux exigences contradictoires : soutenir l’activité

économique (y compris en venant au secours des banques défaillantes), et assurer leur

propre situation financière

Dans la finance globalisée, les politiques économiques doivent se consacrer à

rassurer les marchés, alors même que ceux-ci n’ont aucune vision pertinente de

l’équilibre et de l’évolution macroéconomique, comme en témoignent les fortes

fluctuations des marchés financiers (Bourse ou taux de change). Ainsi est-il absurde de

demander une forte baisse des déficits publics dans une situation où la demande

globale est faible et les taux d’intérêt de court terme proches de zéro.

Les détenteurs de capitaux veulent détenir des avoirs financiers importants. Avant

la crise, ce désir d’actifs avait été satisfait grâce au développement de bulles

financières et immobilières. Après l’éclatement de celles-ci, le déficit de demande doit

être comblé par le déficit public et par de bas taux d’intérêt. Si les marchés financiers

refusent cette logique, en faisant augmenter les taux d’intérêt de long terme, sous

prétexte de prime de risque32

quand l’Etat soutient l’activité, si se répand la thèse que

les « déficits d’aujourd’hui sont les impôts de demain », qu’il faut donc épargner plus

en période de déficit public, si les pays qui se sont endettés pour soutenir l’activité (et

le secteur financier) doivent rapidement se désendetter, la politique économique

devient impuissante et l’économie mondiale ingouvernable.

II°/ Organisation et solidarité défaillantes

II.1°/ Organisation défaillante

La zone euro aurait dû être moins touchée que les Etats-Unis ou le Royaume-Uni

par la crise financière. Les systèmes financiers y sont plus archaïques. Les ménages

sont nettement moins impliqués dans les marchés financiers. L'euro aurait dû être un

facteur de protection contre la crise financière mondiale. La fixité des taux de change

entre monnaies européennes a éliminé un facteur majeur d'instabilité. Pourtant, il n'en

a rien été : l'Europe est, plus durement et plus durablement affectée par la crise que le

reste du monde. En 2010, le déficit public global de la zone euro (6,3% du PIB) est

32 La prime de risque désigne le coût supplémentaire qu’un prêteur impose à un emprunteur qu’il juge plus

risqué qu’un autre. Ainsi, si l’Allemagne emprunte à 3 % par an et la Grèce à 10 %, la prime de risque versée par la Grèce est de 7 %.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

99

inférieur à celui des Etats-Unis (11,3%) ou du Royaume-Uni (10,5%). Pourtant,

pratiquement tous les pays de la zone euro sont sous le coup d’une procédure de déficit

excessif. Pourtant encore, les marchés continuent de spéculer contre certains pays de la

zone, leur imposant des taux d’intérêt insoutenables, malgré la garantie de la BCE et

du Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF).

Cette situation s’explique par les modalités mêmes de l'Union monétaire. Les

instances européennes se sont polarisées depuis la création de l’euro sur le respect

d’un Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) qui devait imposer aux pays des

contraintes de finances publiques sans signification économique. Elles n’ont pas été

capables d’impulser une stratégie cohérente dans la zone. Depuis la création de l’euro,

les déséquilibres se sont creusés entre les pays du Nord (Allemagne, Autriche, Pays-

Bas, pays scandinaves), qui bridaient leurs salaires et leurs demandes internes et

accumulaient des excédents extérieurs, et les pays du Sud (Espagne, Grèce, Irlande),

qui connaissaient une croissance vigoureuse, impulsée par des taux d’intérêt bas

relativement au taux de croissance et qui accumulaient des déficits extérieurs.

De 1999 à 2007, les marchés ne se sont pas inquiétés du gonflement des disparités

dans la zone. En juin 2007, les taux d’intérêt à 10 ans n’allaient que de 4,5 % en

Allemagne à 4,65 % pour la Grèce et l’Italie.

Durant la crise financière, la forte augmentation des dettes et des déficits publics

n’a pas entraîné de hausses des taux d’intérêt à long terme à l’échelle mondiale, ceux-

ci ont plutôt baissé, les marchés estimant que les taux monétaires (à court terme)

resteraient longtemps bas, que la dépression était telle qu’il n’y avait pas de risque

d’inflation ou de surchauffe.

A partir de la mi-2008, les marchés se sont rendu compte d’une faille dans

l’organisation de la zone euro. Alors que les gouvernements des autres pays

développés ne peuvent pas faire faillite car ils peuvent toujours être financés par leur

Banque centrale, au besoin par création monétaire, les pays de la zone euro ont

renoncé à cette possibilité. La BCE a l’interdiction de refinancer les Etats et l’article

125 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne interdit la solidarité

financière entre les Etats membres. Du coup, le financement des pays de la zone euro

dépend des marchés financiers et n’est pas assuré. La spéculation a pu se déclencher

sur les pays les plus fragiles de la zone : Grèce, Espagne, Irlande, ceux qui avaient

connu une forte croissance avant la crise, mais qui devaient changer leur modèle de

croissance. La crise financière est devenue une crise de la zone euro.

Le développement de la spéculation sur la dette de pays développés est paradoxal

et dangereux. Depuis 1945, aucun pays développé n’a fait défaut sur sa dette. Les

marchés spéculent sur un risque qui ne s’est jamais matérialisé. Certes, la situation

s’est modifiée, puisque l’indépendance des banques centrales (et en particulier de la

BCE) pourrait aboutir à des situations inédites où la Banque centrale refuserait de

venir au secours de l’Etat de son pays en difficulté. Mais cette situation ne s’est jamais

produite ; la crise de 2007-2008 a, au contraire, montré la capacité des Banques

centrales à intervenir en cas de péril. Comment imaginer qu’une Banque centrale

n’intervienne pas pour secourir son pays, comme elle l’a fait pour sauver les banques ?

La spéculation a été facilitée par le jeu des agences de notation, qui ont déclaré

risquées les dettes des pays du Sud de la zone, alors même que le scénario où un pays

de la zone euro ferait défaut n’avait a priori qu’une probabilité très faible. Ce sont les

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

100

agences de notation elles-mêmes qui ont renforcé cette probabilité. L’évaluation

financière n’est pas neutre : elle affecte l’objet mesuré, elle construit le futur qu’elle

imagine. Ainsi les agences de notation financières contribuent largement à déterminer

les taux d’intérêt sur les marchés obligataires en attribuant des notes empruntes d’une

grande subjectivité – voire de la volonté d’alimenter l’instabilité –, source de profits

spéculatifs. Lorsque les agences – privées – de notation dégradent la note d’un Etat,

elles obligent un certain nombre d’investisseurs institutionnels à ne plus détenir la

dette de cet Etat, ou à se couvrir sur le marché des titres couvrant le risque de défaut de

l’emprunteur (credit default swaps, ou CDS) : cela augmente le taux d’intérêt sur les

titres de la dette publique de cet Etat, et augmente par là-même le risque de faillite que

les agences ont annoncé. Un pays peut avoir une dette publique soutenable tant que les

marchés acceptent de lui prêter à un taux d’intérêt de 3 % par an ; mais la dette devient

insoutenable si les marchés demandent 10 %, car le pays doit dégager un fort excédent

primaire, en baissant ses dépenses publiques et en augmentant ses impôts. Cet effort

fait chuter sa croissance, réduit ses rentrées fiscales et peut paradoxalement conduire à

une hausse du ratio dette publique/PIB.

La spéculation a aussi été facilitée par le développement du marché des CDS, qui

permettent de spéculer sur les dettes publiques et privées. Les gestionnaires de fonds

sont à la recherche perpétuelle de sources de profits élevés, supérieurs à ceux des

activités productives. Ils les trouvent soit dans la création de bulles financières, soit

dans la spéculation, qui est d’autant plus rentable que les marchés sont volatils ; les

fonds spéculatifs gagnent de l’argent soit en vendant des couvertures contre cette

volatilité, soit en exploitant leurs capacités à réagir plus rapidement que les autres

intervenants. Les institutions financières ont trouvé une nouvelle source de profit en

créant le marché des CDS sur les dettes souveraines des grands pays qui est un marché

spéculatif, parasitaire et déstabilisant. Ce marché très particulier permet de dynamiser

le marché des titres publics, qui jadis était relativement inerte, donc sans intérêt pour

les spéculateurs. Il permet de spéculer à la faillite des Etats. En semant le doute sur la

capacité des pays à tenir leurs engagements, les fonds spéculatifs obligent les fonds de

placement à se couvrir (ce qui leur permet de leur vendre des CDS). Le marché des

CDS permet à certains opérateurs de gagner de l’argent en vendant des protections

(qu’ils pensent n’avoir jamais à assumer) ; d’autres fonds gagnent de l’argent en

achetant des protections. Il est ainsi possible d’acheter des protections contre une

faillite de l’Etat grec même si l’on ne détient pas de titres publics grecs. Les fonds

spéculent alors soit à la hausse du risque (j’achète une protection à 5 ans pour 2 % ;

comme la crainte de défaillance grandit, je peux la revendre deux mois plus tard à 3

%), soit à la faillite effective (je toucherai une indemnisation si la Grèce fait faillite,

bien que je ne détienne pas de titres de la Grèce) ; soit pour d’autres à la baisse du

risque soit même à la non-faillite (je fais courir la rumeur que la Grèce va faire faillite,

mais je n’y crois pas moi-même, je vends une protection que je n’aurai jamais à

verser). Les perdants dans l’opération sont l’Etat grec, qui doit payer plus cher son

endettement, ce qui fragilise plus encore sa situation budgétaire et les fonds qui

détenaient déjà des titres grecs (qui doivent dévaloriser leur créance, la revendre à bas

prix ou la couvrir).

Page 102: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

101

Les fonds qui ont perdu de l’argent sur les titres grecs ou irlandais sont échaudés ;

ils se dépêchent de vendre leurs titres espagnols, portugais, voire même italiens, belges

ou français. La crise est contagieuse.

Le risque est de faire disparaître le marché de la dette souveraine (celle émise par

les Etats), comme a disparu, en grande partie, le marché de la dette du tiers-monde.

Les fonds réclameront des taux plus élevés puisque les titres publics seront considérés

comme des titres risqués. Les pays répugneront à s’endetter sachant que cela les met

sous la dépendance des marchés ; paradoxalement, la finance internationale fera

progressivement disparaître tous les marchés !

Le risque est que demain, un pays de la zone euro ne puisse plus augmenter son

déficit, de crainte que les marchés ne provoquent une hausse des taux d’intérêt, sous

prétexte de prime de risque. Cette hausse rendrait impuissante la politique budgétaire.

On ne peut laisser les marchés financiers paralyser les politiques économiques, on ne

peut laisser les incendiaires donner des instructions aux pompiers. Aussi, le risque de

faillite des Etats doit-il être nul : la Banque centrale doit toujours avoir l’obligation de

financer les Etats, même dans la zone euro. La zone euro devra choisir entre se

dissoudre ou changer ses institutions pour assurer la garantie des dettes publiques.

II.2°/ Solidarité défaillante

Durant la crise, les instances européennes (la Commission, le Conseil, les Etats

membres) ont été incapables de mettre en place des réponses vigoureuses. Leurs

réactions ont été timorées, hésitantes, contradictoires. Leur (absence de) stratégie n’est

pas compatible avec le fonctionnement des marchés financiers ; en témoigne

maintenant le doute sur la solidarité européenne, sur la possibilité que certains pays

fassent défaut sur leur dette, elles ont nourri la méfiance et la spéculation.

Fin 2009, le gouvernement grec a fortement révisé à la hausse les chiffres de

déficit public annoncés par le gouvernement précédent, ce qui a donné le départ à une

crise de défiance contre la dette grecque. Les instances européennes et les autres pays

membres ont tardé à réagir, ne voulant pas donner l’impression que les pays membres

avaient droit à un soutien sans limite de leurs partenaires et voulant sanctionner la

Grèce, coupable de n’avoir jamais respecté le Pacte de Stabilité et de Croissance et

d'avoir masqué l'ampleur de ses déficits. Les pays membres, et en particulier

l’Allemagne, ont annoncé qu’ils n’aideraient la Grèce qu’en échange d’un engagement

de celle-ci dans un plan de forte réduction de ses déficits publics, que l’aide serait

fortement conditionnelle au respect de cet engagement, soumise à la règle de

l’unanimité (en même temps, les Allemands rappelaient que le Traité européen

prohibait la solidarité entre les Etats membres et que leur Cour constitutionnelle

pourrait leur interdire d’aider les pays en difficulté), et que le taux des prêts

« incorporerait une prime de risque adéquate », ce qui est absurde, puisque l’aide a

justement pour objet de réduire à zéro le risque de défaillance. Ces réticences ont

contribué à inquiéter les marchés, à leur permettre de continuer à envisager des

scénarios-catastrophes.

Page 103: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

102

Début mai 2010, la BCE a annoncé qu’elle continuerait à prendre

inconditionnellement des titres publics grecs en pension33

. L’UE et les pays membres

ont accepté de dégager 110 milliards d’euros de prêts pour la Grèce, mais ils lui ont

demandé un taux d’intérêt exorbitant (d’abord 5,2 % puis 5,8 %), supérieur aux 3 %

auxquels les pays de la zone s’endettent. La Grèce a dû s’engager à réduire de 6 points

son déficit de 2009 à 2010, et de 11,5 points de 2009 à 2014, un engagement

difficilement tenable. Il a été demandé au FMI de contribuer à ce plan, pour bien

montrer que les conditions imposées à la Grèce seraient aussi sévères que ceux que le

FMI impose aux pays en développement qu’il « aide ». Mais cet appel marque bien la

faillite politique de la zone ; pour cette procédure de prêt à la Grèce soit mise en

œuvre, il a fallu proclamer que la « zone euro » n’existait pas, que seuls les Etats

existaient, pour le FMI comme pour les marchés financiers.

Le 10 mai 2010, les pays de la zone ont créé dans l’urgence un Fonds européen de

stabilisation financière (FESF), autorisé à lever 750 milliards d’euros, pour venir en

aide aux pays menacés. En même temps, il a été indiqué que ce fonds n’était créé que

pour trois ans, que l’aide apportée serait très fortement conditionnée à la mise en

œuvre de plans de réduction des déficits publics, et que les taux d’intérêt demandés

aux pays qui feraient appel au Fonds incorporeraient une prime de risque. Ce plan n’a

guère rassuré les marchés. En juin 2010, l’écart de taux d’intérêt à 10 ans entre la

Grèce et l’Allemagne est vite remonté à près de 8 points.

Au lieu de cela, il aurait fallu dire clairement que la dette publique grecque était

garantie par l’ensemble des pays de la zone euro et de l’UE, et que les problèmes de

finances publiques grecques étaient une affaire interne de la zone, qu’elle s’engageait à

résoudre collectivement. Mais le manque de solidarité et de confiance entre les pays de

la zone euro n’a pas permis qu’une telle solution soit adoptée.

En novembre 2010, éclate la crise irlandaise. L’Irlande, qui était naguère le

meilleur élève de la classe libérale, avec le plus bas taux de dépenses publiques des

pays de la zone, le plus bas taux d’imposition (avec des taux d’imposition sur les

sociétés et des taux de cotisations sociales particulièrement bas), avec un excédent

budgétaire de 2,5 % du PIB en 2006, avec une croissance particulièrement vigoureuse

(en jouant de la concurrence fiscale, en bénéficiant de taux d’intérêt très faibles par

rapport à son taux de croissance, en laissant se développer une bulle immobilière) a

subi de plein fouet la crise financière, et en particulier l’éclatement de la bulle

immobilière. Son système bancaire hypertrophié s’est retrouvé en faillite. Les finances

publiques irlandaises ont été mises à mal par la crise (qui a entraîné une perte de

croissance du PIB de 22 % par rapport à la tendance d’avant la crise) mais l’Irlande a

choisi de garantir toutes les créances de ses banques et de gonfler son déficit public de

2010 de 13,2 % à 32,3 % du PIB (un niveau sans précédent pour un pays européen en

temps de paix), afin de recapitaliser ses banques. Ainsi, la dette irlandaise passera de

25 % du PIB en 2007 à 114 % en 2012.

33 Cela signifie que les acteurs financiers, comme les banques privées, qui détiennent des titres de la dette

grecque, peuvent continuer à les prêter à la BCE (qui, en contrepartie, leur verse une rémunération). Les Banques centrales n’acceptent de détenir que les titres émis par des agents économiques en qui elles ont confiance, c’est-à-dire dont elles estiment qu’ils rembourseront leurs dettes.

Page 104: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

103

L’annonce du gonflement du déficit irlandais a marqué le point de départ d’un

nouvel accès de spéculation contre l’Irlande. L’UE et le FMI ont donc accordé une

« aide » de 85 milliards d’euros à l’Irlande, au taux d’intérêt exorbitant de 5,8 %. En

contrepartie, l’Irlande s’engage dans un programme d’austérité budgétaire qui devrait

représenter 10 points de PIB d’ici à 2014. Mais l’Irlande refuse d’augmenter son taux

de l’impôt sur les sociétés et son taux de cotisations sociales, qui sont, selon elle, ses

deux atouts dans la concurrence européenne.

L’Irlande (comme naguère l’Islande) est victime de la liberté d’établissement

prônée par la Commission. Les banques ont la liberté de s’installer où elles le veulent

en Europe ; personne ne contrôle le rapport entre la taille des banques et le pays où

elles sont installées. Les banques installées en Irlande ont créé et nourri la bulle

immobilière ; elles ont bénéficié du laxisme fiscal et réglementaire de ce pays ; en

s’endettant à bas taux sur le marché financier européen, elles ont pu faire des prêts

massifs et rémunérateurs qui apparaissaient sains puisque les prix de l’immobilier

augmentaient fortement. La possibilité d’un retournement de l’évolution des prix n’a

pas été envisagée. En même temps, il n’y a aucune solidarité européenne. Quand une

banque est en difficulté, c’est le pays où elle est installée qui doit la secourir, et donc la

population de ce pays. L’Irlande n’a pas voulu faire payer les responsables de la crise

(les créanciers des banques irlandaises), n’a pas voulu taxer les bénéficiaires de la

bulle (pourquoi ne pas envisager un prélèvement exceptionnel sur les grandes fortunes,

celles qui ont bénéficié de la bulle ?). L’Europe n’a pas voulu faire jouer la « solidarité

de place » : faire payer aux banques européennes le coût des sauvetages bancaires.

Les marchés financiers, comme les responsables de la zone euro, ont laissé les

déséquilibres s’accumuler avant la crise. Ils s’en sont rendu compte brutalement en

2009-2010. Des pays comme l’Espagne, l’Irlande ou même la Grèce connaissaient des

croissances vigoureuses avant la crise ; celle-ci les oblige à modifier leurs stratégies de

croissance ; les marchés ne les y aident pas en criant au risque de faillite, et la

Commission ne vient guère à leur secours.

Sous la pression du FMI et de la Commission européenne, les pays menacés

doivent mettre en œuvre des plans drastiques, et bien souvent aveugles, de réduction

des déficits publics et de privatisation. L’effort représenterait 16 % du PIB pour la

Grèce ; 9 % pour l’Irlande, 8,5 % pour l’Espagne ; 8 % pour le Portugal. Les pays du

Sud connaîtraient un recul de leur activité à court terme, une longue période de

récession et de chômage élevé. Selon la Commission elle-même, le taux de chômage

en 2012 serait de 11 % au Portugal, de 13 % en Irlande, de 15 % en Grèce, et de 19 %

en Espagne. Mais les pays du Nord réduiraient en même temps leurs déficits. Les

autres pays, pressés par la Commission de rentrer dans les clous du Pacte de Stabilité

et de Croissance, craignant de voir leur dette déclassée par les agences de notation, se

résignent à faire des efforts de l’ordre de 1 à 1,5 point de PIB, en se fixant un objectif

de déficit inférieur à 3 % du PIB en 2012 ou 2013, redoublé d’un objectif de solde

équilibré (déficit nul) à long terme. L’impulsion négative provoquée par la politique

budgétaire sur l’activité économique serait de 1,6 % du PIB en 2011, et de 1 % en

2012. La croissance en Europe en serait durablement affectée.

Ce programme d’austérité met en cause le modèle social européen ; il impose de

fortes réductions du nombre de fonctionnaires, il nuira donc à la qualité de

Page 105: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

104

l’enseignement, de la santé, des services publics ; les retraites publiques sont

diminuées et l’âge de la retraite est repoussé ; les prestations familiales sont réduites ;

l’Espagne diminue les prestations-chômage, l’Irlande son salaire minimum et

l’Allemagne son revenu minimum ; tous les pays font pression sur leurs salaires pour

gagner de la compétitivité. Même le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la France et

l'Allemagne, qui ne sont pas directement attaqués par la spéculation, ont annoncé des

mesures restrictives sur les dépenses publiques, les dépenses sociales, l’emploi et les

salaires des fonctionnaires.

On voit mal d’où pourrait venir la croissance dans la zone. En effet, globalement,

la demande y est nettement insuffisante. Les pays du Nord de l’Europe auraient dû

entreprendre des politiques expansionnistes pour compenser les politiques restrictives

des pays du Sud. Or, tant que l’économie européenne ne se rapproche pas à une vitesse

satisfaisante du plein emploi, la politique budgétaire ne devrait pas être globalement

restrictive dans la zone euro, bien au contraire. Certes, certains économistes ont mis en

évidence dans le passé des épisodes où une politique budgétaire restrictive n’a pas eu

d’effet défavorable sur l’activité, mais cette politique était toujours accompagnée

d’autres éléments qui manquent aujourd’hui, comme une forte dépréciation du taux de

change, une forte baisse des taux d’intérêt, un essor du crédit privé dû à la

libéralisation financière, ou une forte hausse de la demande privée.

Si le multiplicateur d’une baisse généralisée des dépenses publiques en Europe est

de 2, que les pays de l’UE font un effort de 1 point du PIB par an pendant 5 ans, la

croissance européenne sera réduite de 2 points par an pendant 5 ans, soit un total de 10

points de PIB, les soldes publics ne seront pas améliorés (puisque la baisse d’activité

réduira les recettes fiscales), et les ratios de dette augmenteront du fait du

ralentissement économique. Cette politique serait indispensable pour rassurer les

marchés, mais une politique qui aboutirait à une longue période de dépression est-elle

rassurante ? Les pays obligés de mettre en œuvre des politiques très fortement

restrictives, dans une situation de fort taux d’intérêt et d’instabilité financière, le

paieront par une forte chute de l’activité. La Commission avait prévu que la croissance

de la zone euro serait de1,6% en moyenne pour 2010-2011, mais de 0,4 % pour

l’Irlande, 0,3 % pour l’Espagne, 0,2 % pour le Portugal, et -3,6 % pour la Grèce. Dans

ces conditions, les objectifs de déficit public ne pourront être tenus, les pays

souffriront d’une hausse des charges d’intérêt et d’une baisse des recettes fiscales, le

ratio de dette s’envolera, ce qui justifier la mise en œuvre d’autres mesures restrictives.

Cette politique aura de graves conséquences sociales dans de nombreux pays

européens, tout particulièrement sur la jeunesse et les plus fragiles. Elle menace la

construction européenne elle-même, qui était bien plus qu’un projet économique.

L’économie devait être au service de la construction d’une Europe unie, développant

un modèle original de société. Au lieu de cela, la dictature des marchés s'impose

aujourd'hui dans tous les pays de l’Union. Il serait catastrophique pour l’Europe que

les instances européennes utilisent la menace des marchés pour imposer aux peuples

des politiques économiques restrictives, des réformes libérales et des baisses

importantes des dépenses sociales.

Le Fonds Européen de Stabilité Financière n’a été créé que pour une période de 3

ans. L’Allemagne, que malheureusement la France a accepté de soutenir, n’accepte sa

prolongation que sous des conditions drastiques. Elle exige que les pays fautifs

Page 106: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

105

puissent se voir privés de leur droit de vote dans les instances européennes, entraînant

de fait la possibilité de l’exclusion d’un pays, et puissent se voir privés des fonds

d’aide structurels, ce qui aggraverait encore leur situation. Surtout, l’Allemagne

demande que soit mis sur pied un mécanisme de faillite ordonnée d’un Etat membre.

A partir de 2013, les émissions d’obligations publiques devront comporter une

« clause d’action collective », c’est-à-dire que les détenteurs devront accepter la

possibilité de n’être remboursés que partiellement en cas de difficultés économiques

du pays émetteur. Cette clause avait été proposée par Annie Krueger du FMI, pour les

émissions des titres des dettes publiques des pays en développement ; mais elle n’a eu

aucun succès, les pays émetteurs craignant que les clauses d’action collective ne

renchérissent fortement le taux d’intérêt sur leurs dettes.

Le risque est grand que ces deux dispositifs soient interprétés par les marchés

financiers pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire de nouveaux signes de l’absence de

solidarité en Europe. Les marchés seront renforcés dans leur conviction que les dettes

publiques des pays de la zone euro ne sont pas garanties ; qu’il est donc légitime de

demander des primes de risque pour les détenir et qu’il peut être rentable de spéculer

sur leur faillite. Les dettes publiques n’étant plus considérées comme sans risque

seront plus coûteuses. Les pays seront en permanence soumis à l’appréciation des

marchés financiers.

Les marchés financiers ont estimé que les pays du Sud de l’Europe auront le plus

grand mal à se financer dans trois ans, quand ce projet sera mis en place. Or le

remboursement des dettes actuelles repose sur la capacité des pays à avoir accès aux

marchés financiers dans les années à venir. La dette des pays du Sud a donc été

fragilisée.

Fin novembre 2010, les taux imposés par les marchés pour les titres à 10 ans

étaient de 2,7% pour l’Allemagne, 3 % pour les Pays-Bas et la Finlande, 3,2 % pour

l’Autriche et la France, mais de 4 % pour la Belgique, 4,7 % pour l’Italie, 5,5 % pour

l’Espagne, 7,1 % pour le Portugal, 9,3 % pour l’Irlande, et 11,9 % pour la Grèce. Les

marchés financiers refusent de renoncer à un scénario d’éclatement de la zone euro,

selon lequel les mesures d’austérité entraîneraient une faible croissance et des troubles

sociaux, de sorte que les pays du Sud finiraient par préférer quitter la zone. Pourtant, la

crédibilité de ce scénario est renforcée par la faiblesse même de la réaction des Etats

membres et des instances européennes, qui sont incapables de dire que leur solidarité

est totale et qu’ils mettront en œuvre une stratégie macroéconomique cohérente dans la

zone.

Section II : Vers une sortie durable de la crise de l’euro

Suite à la crise grecque, l’Union européenne s’est dotée d’un dispositif de

sauvetage à destination des pays de la zone euro, dérogeant à la clause de non-

assistance financière prévue dans les Traités.

Page 107: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

106

Cette facilité transitoire est composée de trois éléments distincts.

Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), initialement doté de 440

milliards d’euros constitue le volet intergouvernemental du dispositif et il est prévue

pour une durée de trois ans (03) c’est-à-dire qu’il prendra fin en 2013. Cet instrument

aide les États en difficulté après avoir emprunté sur les marchés grâce aux garanties

apportées par les dix-sept États de la zone euro. Le fonds a été mis en place en mai

2010 pour une durée de trois ans. Il est activé à l’unanimité des États participants.

Le chiffre de 440 milliards d’euros a rapidement été relativisé au regard de

l’impossibilité pour la Grèce, l’Irlande ou le Portugal d’être appelées en garantie. Seuls

six pays bénéficient à ce jour d’une notation maximale (AAA) qui leur permet d’être

effectivement appelés en garantie. De fait, le Fonds ne peut, en l’espèce, lever que 220

milliards d’euros sur les 440 milliards annoncés. Le Conseil de l’Union européenne du

2 mars a, de ce fait, modifié le dispositif afin de doter le Fonds d’une capacité effective

de prêt de 440 milliards.

Le mécanisme européen d’assistance financière – 60 milliards d’euros – est, quant

à lui, le volet communautaire du dispositif. Il est financé par des emprunts réalisés par

la Commission sur les marchés, garantis par le budget communautaire. Il est activé à la

majorité qualifiée des vingt-sept États membres de l’Union.

Le Fonds monétaire international abonde, pour sa part, le dispositif à hauteur de

250 milliards d’euros

Le Conseil européen a cependant souhaité pérenniser cette facilité au-delà de 2013

en créant, sur les fondements du dispositif actuel, le Mécanisme européenne de

stabilité (MES). Le volet intergouvernemental sera doté de 500 milliards d’euros. Le

nouvel instrument prévoit de conditionner l’aide à l’égard d’un pays à l’adoption par

celui-ci d’un programme drastique d’ajustement de la dette souveraine. Le futur

mécanisme prévoit parallèlement une participation du secteur privé, au cas par cas.

Deux cas sont envisagés :

Lorsqu’un pays faisant appel à l’ESM est considéré comme solvable, les

créanciers privés sont encouragés à conserver leur exposition à la dette

souveraine ;

Dans le cas contraire, s’il est tenu pour insolvable, le pays concerné doit

négocier un plan exhaustif de restructuration de sa dette avec les créanciers

privés.

Les pays de la zone euro devront, à ce titre, inclure dans leurs émissions de dette

souveraine des clauses d’action collective après la mi-2013. Les créanciers pourront

alors décider à la majorité qualifiée de modifier les termes des contrats liés aux titres

de dette et d’accepter notamment un rééchelonnement du remboursement, une baisse

du taux d’intérêt, voire une décote de la valeur des titres de dette.

Le mécanisme européen est, par ailleurs, autorisé à acheter des titres de dette sur le

marché primaire, à titre exceptionnel.

La création du MES sera entérinée après modification du Traité de Lisbonne.

En attendant cela, nous allons traiter une autre thématique très importante : celle de

la gouvernance économique européenne sans laquelle le MES ne pourra se faire.

Page 108: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

107

I°/ La gouvernance économique européenne

Malgré un endettement public et un déficit public inférieur à ceux constatés aux

Etats-Unis et au Japon, la zone euro demeure sujette à une inquiétude marquée de la

part des marchés financiers qui ne vise pas tant la valeur de la monnaie que la dette des

Etats membres. De fait, afin de répondre à cette défiance, l’Union européenne s’est

dotée, depuis mai 2010, de nouveaux instruments destinés à mettre en place une

véritable gouvernance de la zone euro, dépassant le simple stade de l’assistance

financière, sans pour autant totalement gagner en visibilité tant à l’égard des marchés

que des opinions publiques.

I.1°/ Les fondements d’une gouvernance économique

I.1.1°/ La coordination des politiques budgétaires

Le Conseil européen a défini, les contours du « semestre européen » qui vise à

mettre en place une coordination harmonisée des politiques économiques, en amont

des procédures budgétaires nationales. Le « semestre européen » doit permettre

d’infléchir les orientations budgétaires qui s’avèreraient manifestement inadaptées. A

cet effet, les Etats doivent en conséquence transmettre leurs programmes de stabilité,

détaillant leurs trajectoires budgétaires et leurs programmes de réforme avant la fin du

mois d’avril. La Commission européenne présente ses propositions d’avis, voire de

recommandation, sur chaque programme national dès la fin du mois de mai, le Conseil

européen adoptant avis et recommandations à la fin du mois suivant.

La Commission a, par ailleurs, estimé nécessaire, en janvier 2011, un fort

ajustement budgétaire sur les dépenses publiques (à l’exception de celles afférentes à

l’éducation et à la recherche) au sein des Etats de la zone euro. La Commission estime

également que les Etats membres pourraient opérer une hausse de la fiscalité indirecte

et un élargissement des assiettes fiscales.

Par ailleurs, la réforme du Pacte de stabilité et de croissance sur lequel le Conseil

européen du 24 mars 2011 a trouvé un accord politique, prévoit un renforcement de

ses volets préventif et correctif et accorde une attention plus importante à

l’endettement public. De fait, la procédure pour déficit public serait lancée non plus

seulement lorsque le déficit public dépasse le seuil de 3 % du PIB, mais également si

la dette commence à s’écarter d’une trajectoire soutenable. Le seuil de 60 % du PIB

retenu dans la rédaction initiale du PIB n’apparaît plus pertinent face à l’explosion de

l’endettement public de part et d’autre de la zone euro. L’appréciation de la situation

budgétaire des Etats membres doit désormais tenir compte de « facteurs pertinents »

prévus par les textes. Le Conseil demeure seul compétent pour enclencher la procédure

de sanction. Celle-ci sera plus rapide et s’imposera dès le constat d’un déficit excessif

ou d’une réduction insuffisante de la dette, sauf si une majorité du Conseil s’y oppose

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

108

(principe de la majorité qualifiée inversée). La réforme du pacte pourrait entrer en

application courant 2015.

I.1.2°/ Vers une meilleure coordination économique

La réforme du pacte de stabilité et de croissance décidée en juin 2010 introduit

également un suivi des équilibres macroéconomiques. L’Union européenne préconise,

à cet égard, la mise en place d’une série d’indicateurs destinés à évaluer chaque année

les déséquilibres et les faiblesses macroéconomiques. Cette estimation serait effectuée

en fonction d’indicateurs : déficit commercial, situation de la balance des paiements,

évolution des prix et notamment ceux de l’immobilier, etc. Si les chiffres des pays

concernés s’écartent de la moyenne de l’Union européenne, la Commission serait en

mesure de demander des éléments d’explications aux autorités des États membres.

Avec ce mécanisme, l’Irlande comme l’Espagne auraient pu être interrogées sur la

bulle immobilière en gestation dans leurs pays, où les prix ont été multipliés par 4 ou 5

sur une courte période.

Tableau 13 : Les indicateurs du mécanisme de surveillance macroéconomique

Indicateur Mode de calcul Seuil à ne pas franchir

Comptes courants Moyenne des trois dernières

années en %du PIB

+/- 4 % du PIB

Position extérieure nette En % du PIB 35 % du PIB

Parts de marchés à l’export En valeur sur cinq ans - 6 %

Coûts unitaires du travail Valeur nominale sur trois ans +9 % (zone euro)

+12% (hors zone euro)

Taux de change effectifs

réels

Evolution sur trois ans par

rapport à 35 pays industrialisés

+/- 5 % (zone euro)

+/-11% (hors zone euro)

Endettement privé En % du PIB 60 %

Flux de crédit au secteur

privé

En % du PIB 15 %

Prix de l’immobilier Evolution annuelle 6 %

Source : Commission européenne

Page 110: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

109

En l’absence de justification et en cas de déséquilibre particulièrement grave, le

Conseil déclarerait l’État membre concerné en « situation de déséquilibre excessif » et

lui adresserait un ensemble de recommandations destinées à corriger les déséquilibres.

Si ces recommandations n’étaient pas mises en œuvre, la question serait portée devant

le Conseil européen. Pour les États membres de la zone euro, des sanctions –

éventuellement financières – pourraient être décidées. De telles amendes pourraient

venir abonder le Fonds européen de stabilisation financière. Le mécanisme de

surveillance macro-économique fait partie du paquet gouvernance qui devrait être

définitivement adopté d’ici à la fin du mois de juin.

En ce qui concerne les orientations économiques de l’Union européenne, la

Commission a invité en janvier 2011, dans son « examen annuel de la croissance », les

États à réduire les écarts de compétitivité en relevant l’âge de départ en retraite et en

prônant la modération salariale. Elle a, en outre, annoncé une poursuite de la

libéralisation du marché unique et indiqué sa volonté de progresser sur l’harmonisation

de l’assiette de l’impôt sur les sociétés et de la TVA. Ce document préparait les

orientations stratégiques dégagées par le Conseil européen le 23 mars 2011. Celles-ci

insistent sur un assainissement budgétaire soutenu, supérieur à 0,5 % du PIB et un taux

d’accroissement des dépenses publiques inférieur à la croissance. Le Conseil européen

préconise une réorientation des charges fiscales pesant sur le travail doublée d’une

réforme des marchés de l’emploi.

C’est dans cette lignée que les Etats membres de la zone euro, rejoints par le

Danemark, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne ont adopté le 11 mars 2011 un

« Pacte pour l’euro plus » destiné à intensifier leur coordination en fixant des

objectifs communs de politique économique. Des engagements nationaux précis

devraient être pris d’ici l’an prochain. Sans prescrire des mesures uniformes, le pacte

cerne un certain nombre d’objectifs communs : harmonisation fiscale, encadrement

normatif de l’évolution des finances publiques, hausse des taux d’activité, évolution

des salaires en fonction de la productivité.

I.1.3°/ Le renforcement de la régulation et de la surveillance financière

La crise irlandaise a permis à la Commission de renforcer ses normes en matière de

supervision bancaire, notamment en ce qui concerne ses « stress tests ». Ces examens

de résistance des banques aux chocs macro-économiques, sont destinés à prévenir ce

type de crise. L’Autorité européenne de supervision bancaire (EBA) est désormais en

charge de la supervision de ces tests et a annoncé, le 8 avril 2011, la participation à

ceux-ci de 90 banques européennes, représentant 65 % des actifs bancaires de l’Union

européenne et au moins 50 % des actifs au sein de chaque pays de l’Union européenne.

24 établissements bancaires espagnols, 13 allemands, 6 grecs, 5 italiens et 4

britanniques, danois, français, néerlandais, portugais et suédois seront ainsi évalués.

Sur 91 établissements financiers testés en 2010, seuls 7 d’entre eux (5 espagnols, 1

allemand et 1 grec) avait échoué. Quelques mois plus tard, deux grandes banques

irlandaises se trouvaient néanmoins au bord de la faillite. L’EBA a, à cet égard,

annoncé un renforcement des critères d’évaluation. Les banques devront désormais

Page 111: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

110

pouvoir justifier d’un ratio minimal de 5 % de capitaux propres « durs » (core Tier 1,

soit le type de capital considéré comme ayant la meilleure capacité d’absorption de

chocs) en cas de choc économique. Comme lors des précédents tests, l’autorité

européenne utilisera deux scenarios : l’un dit « de base », reprenant les principales

prévisions économiques, et l’autre dit « adverse », fondé sur des hypothèses de

dégradation de l’économie et des marchés financiers. Celles-ci sont notamment

marquées par une plus grande sévérité par rapport aux tests précédents : une baisse de

0,5 % du PIB en 2011 est ainsi envisagée par le régulateur alors même que la

Commission table sur une augmentation de 1,5 %. Il convient néanmoins de noter que

l’Autorité européenne écarte toute restructuration de la dette grecque, estimant celle-ci

non plausible. Le renforcement des tests passe également par une réduction de la

marge de manœuvre laissée aux banques européennes pour établir des documents

financiers et la mise sur pied d’une équipe d’experts issus des superviseurs nationaux,

de l’EBA et de la BCE qui révisera pendant un mois les données communiquées.

L’accord de Bâle III signé par les pays membres du G 20, qui devrait être appliqué

au sein de l’Union européenne via la directive CRD 4 actuellement en cours de

préparation, prévoit, en outre, à l’horizon 2019 un relèvement des ratios de solvabilité

des établissements bancaires. Il prévoit un ratio d’endettement pour éviter un

endettement excessif en plus des exigences de fonds propres et un durcissement des

normes de liquidité. Selon la Fédération bancaire européenne, l’accord pourrait

cependant conduire à des problèmes de financement pour l’économie réelle. Le

Comité européen des contrôleurs bancaires, prédécesseur de l’Autorité européenne de

supervision bancaire, avait déjà estimé ces risques, les évaluant à environ 15 % du PIB

de l’Union européenne pour le ratio de financement à long terme et à environ 8 % du

PIB de l’Union pour le ratio de liquidité à court terme.

Nonobstant ces réserves, la directive dite CRD 4 devrait également introduire des

règles exigeant de toutes les banques qu’elles disposent en permanence de la liquidité

indispensable. Cette liquidité devrait être contrôlée par les superviseurs nationaux. La

Commission travaille également à l’élaboration d’une directive sur la gestion des

crises bancaires, destinée notamment à mettre en place un réseau harmonisé de fonds

de résolution nationaux. La mise en place d’un système de garantie des dépôts par le

biais d’une taxe sur les transactions financières participe également de cet effort de

renforcement du contrôle des établissements financiers par l’Union européenne.

La future directive CRD 4, comme les tests bancaires, viennent, par ailleurs,

concrétiser la modification du cadre de surveillance européenne. Le Comité européen

de risque systémique, dont le secrétariat est placé auprès de la BCE est ainsi chargé

d’identifier les dangers pour l’ensemble du système financier et d’émettre, en

conséquence, alertes et recommandations. Trois Autorités de surveillance européennes

(ASE) sont parallèlement mises en place : l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité

européenne des assurances et des pensions professionnelles et l’Autorité européenne

des valeurs mobilières. Leur mandat consiste principalement en l’élaboration d’un

ensemble de règles harmonisées.

Ce renforcement des normes d’encadrement de l’activité bancaire demeure

néanmoins d’autant plus indispensable que, dans son dernier « Rapport sur la

stabilité financière dans le monde », le FMI relève que si les banques européennes

ont cherché à élever tant la qualité que la quantité de leurs fonds propres, leurs progrès

Page 112: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

111

en la matière demeurent inégaux. Ces faibles niveaux de fonds propres rendent ainsi

certaines banques allemandes et des caisses d’épargne italiennes, portugaises et

espagnoles vulnérables à de nouveaux chocs. De fait, selon le FMI, l’Europe ne peut

éviter une restructuration des banques non viables et, le cas échant, une recapitalisation

de certains établissements financiers, soit une participation directe de l’Etat au risque

de grever les déficits publics. Les aides publiques au secteur bancaire ont ainsi creusé

le déficit de l’Allemagne de 0,4 % en 2010 et alourdi sa dette d’environ 9,5 % du PIB.

Au Portugal, l’impact s’élève à 1 % sur le déficit et 2,1 % sur la dette. Au total, les

aides d’Etat accordées aux banques par les Etats membres pendant la crise financière

se sont élevées à environ 13 % du PIB de l’Union européenne.

I.2°/ Les limites de la gouvernance actuelle

I.2.1°/ Des dispositifs encore incomplets

Si les avancées sont réelles en matière de gouvernance économique, le second acte

de la crise grecque vient souligner la persistance de dysfonctionnements réels au sein

de la zone euro, caractérisée, notamment, par une cacophonie à haut niveau sur les

solutions à mettre en œuvre : l’Allemagne insistant fermement sur le thème de la

restructuration douce, en dépit des objections de la BCE et d’un certain nombre de ses

partenaires. La Présidence de l’Eurogroupe anticipe, quant à elle, les décisions du

Conseil européen et du FMI sur le versement d’une aide complémentaire. La

gouvernance politique de la zone euro implique une communication plus adaptée,

cohérente, capable en cela de rassurer les marchés financiers.

C’est en ce sens qu’il convient de comprendre les propos du Président sortant de la

BCE en faveur de la création d’un véritable ministre des finances de l’Union

européenne. Jean-Claude Trichet milite pour que le Conseil des ministres des

finances puisse opposer un veto à certaines décisions de politique économique

nationale, dès lors que le pays concerné a sollicité l’aide de la zone euro. Lors de la

négociation du Traité de Maastricht, la France militait déjà pour que le Conseil des

ministres des finances puisse décider de mesures contraignantes à l’égard d’un Etat qui

divergerait de la stratégie économique de la future zone euro. Le Conseil aurait ainsi

pu inscrire d’office, dans le budget de l’Etat concerné, une réduction des dépenses ou

une augmentation des impôts. Berlin s’y était à l’époque opposée, arguant que celle-ci

remettait en cause le principe d’indépendance de la BCE.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

112

I.2.2°/ Les questions de la valeur de l’euro et du positionnement de la zone dite

périphérique

Le renforcement de la gouvernance économique de la zone euro ne peut éluder un

débat sur la valeur même de la monnaie commune. L’effet anesthésiant de la monnaie

unique a déjà été abordé à l’occasion de l’étude des crises irlandaise et portugaise. La

force de la monnaie, son côté valeur refuge, a longtemps protégé certains Etats

membres sur le marché obligataire. Elle s’avère néanmoins relativement inadaptée dès

lors que ces pays, du fait de la crise, doivent privilégier les secteurs tournés vers

l’exportation face à une demande interne logiquement atone. C’est le cas de l’Irlande,

mais aussi et surtout, de la Grèce et du Portugal. La valeur de la monnaie unique

fragilise cette réorientation jugée indispensable. L’euro reste trop élevé face aux

devises américaine et chinoise.

Paradoxalement, l’annonce d’un nouveau soutien à la Grèce contribue à renforcer

la valeur de l’euro sur les marchés, comme en témoigne le niveau atteint par l’euro le 6

juin 2011 : 1,4658 dollar et fragilise par avance l’efficacité des réformes structurelles

annoncées. Or, certains analystes estiment que la zone sud de l’Union européenne

n’est plus compétitive si l’euro dépasse les 1,3 dollar.

En l’état actuel, la valeur de la monnaie fragilise toute tentative pour les pays

périphériques d’adopter le modèle exportateur du nord de l’Union. Il est cependant

permis de s’interroger sur la validité même de ce choix économique. Il convient de

rappeler qu’à l’heure actuelle, la moitié des excédents de la zone nord de l’Union

européenne se fait au détriment de la zone sud. Dans le cas où les Etats concernés

parviendraient à se réindustrialiser et à devenir des puissances exportatrices, la partie

nord de l’Union européenne aurait donc à pâtir de cette mutation économique. Dans le

même temps, l’ensemble de l’Union européenne deviendrait fortement exportatrice,

renforçant logiquement le déficit extérieur des Etats-Unis, fragilisant un peu plus la

valeur du dollar au risque d’une perte de compétitivité de la zone périphérique.

II°/ Le contraste entre les « eurobonds » et les « projects bonds »

II.1°/ Les eurobonds : obligations bleues et rouges

Il s’agit de deux (02) catégories distinctes d’actifs souverains, chacun ayant un

objectif différent. Premièrement, les obligations bleues (dette bleue) constitueraient la

partie essentielle de l’emprunt souverain dans la zone euro, la moins coûteuse, dans la

limite des 60% du PIB, moyennant la création d’un type d’actif satisfaisant la demande

de titres les plus liquides et les plus sûrs, y compris celle émanant des banques

centrales asiatiques et d’autres investisseurs à la recherche d’une sécurité maximale.

Deuxièmement, les obligations rouges (dette rouge) augmenteraient le coût marginal

de l’emprunt, notamment pour les pays dont la politique budgétaire n’est pas

soutenable ou peu fiable. Cela permettrait de renforcer les règles de base du Pacte de

stabilité et de croissance, grâce aux signaux envoyés par les marchés.

Page 114: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

113

II.1.1°/ La dette bleue

Ultra-sûre. La dette bleue est la tranche senior de la dette souveraine des pays de

la zone euro. Son remboursement est prioritaire sur toute autre dette publique, à

l’exception de la dette à l’égard du FMI, qui bénéficie du statut « super senior ». C’est

la part de la dette souveraine de tout Etat membre qui en principe sera remboursée en

état de cause, car son montant est limité à 60% du PIB, conformément aux dispositions

du Traité de Maastricht. Comme la capacité d’endettement de tout pays de l’Union

européenne, même en cas de tension extrême, est bien supérieure à ce niveau, et qu’en

outre cette dette est garantie collectivement et séparément, elle aurait le statut ultra sûr

AAAA, si cette notation existait.

La garantie est en même collective et individuelle. La dette bleue comporte

une double garantie, collective et individuelle : chacun des pays, chaque année, se

porte garant des dettes bleues de tous les autres Etats membres qui seront émises

l’année suivante : d’où le nom de mutualisation des dettes souveraines. Cette garantie

peut paraître extrême, mais elle se limite à la partie la plus sûre de la dette souveraine

de chaque pays, celle supposée ne jamais pouvoir faire défaut34

. La garantie collective

et individuelle permettra de considérer la dette bleue comme étant encore plus sûre que

le bon de Trésor allemand, titre de référence. Naturellement, pour que les Etats

membres méritent de telles garanties, ils doivent tous se conformer à un certain

nombre de conditions très strictes.

Se limiter à 60% du PIB. La principale garantie de la qualité des obligations

bleues est la limite du montant de dette émise par un pays participant à 60% du PIB.

En plus, le montant de l’émission d’obligations bleues, telle qu’elle est déterminée par

le mécanisme de gestion de ces obligations, peut être réduit pour les pays les moins

crédibles de la zone si les politiques budgétaires sont imprudentes, ce qui incite

d’avantage à mettre en œuvre une politique plus soutenable.

Les mécanismes de gestion. Le montant annuel de l’émission des obligations

bleues serait proposé par un Conseil de stabilité indépendant, constitué par des

individus dont le degré d’indépendance professionnel serait équivalent à celui des

membres du conseil d’administration de la BCE. L’émission serait votée par les

parlements nationaux de pays participants, qui disposent en dernière instance de

l’autorité suprême requise pour émettre les garanties mutuelles sur les dettes bleues.

Tout pays ayant voté contre l’émission proposée décide de ce fait de ne pas émettre

des obligations bleues. Puisque la décision de tout grand pays participant de sortir de

ce mécanisme pourrait miner la confiance dans l’ensemble du mécanisme, le Conseil

de stabilité indépendant serait fortement incité à pécher par un excès de prudence,

sauvegardant ainsi les intérêts du contribuable européen.

34

Par exemple, la crise grecque est due à son montant, qui atteint 150% du PIB. Si la Grèce était rentrée en avec une dette bleue égale à 60% du PIB, elle aurait pu honorer entièrement le service de sa dette, équivalent à 3% du PIB tout au plus, car les recettes budgétaires atteignaient 35% du PIB. Ainsi, le débat aurait porté sur la dette rouge exclusivement. L’une des principales conditions associée au AAA est que le service de la dette soit inférieur à 10% du total des recettes fiscales ; chaque année, depuis 1992, la dette bleue grecque aurait pu remplir facilement cette condition, y compris entre 2009 et 2011.

Page 115: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

114

Modalité d’accès au mécanisme. La participation à part entière au mécanisme

des obligations bleues ne devrait pas être considérée comme un droit acquis, mais

comme un avantage gagné au moyen de l’amélioration de la politique budgétaire,

comme un faible niveau de dette ou garanties institutionnelles fiables, notamment en

ce qui concerne des règles budgétaires permettant de mettre les finances publiques sur

la bonne voie.

L’organisation de la gestion de la dette bleue. Du point de vue du marché

obligataire, les obligations bleues doivent avoir la même fonctionnalité que la dette

nationale souveraine simple. Cela requiert la création d’une agence de la dette de la

zone euro, à laquelle les recettes fiscales seraient directement transférées afin d’éviter

les frais habituels de détention des avoirs liés à la dette multilatérale.

II.1.2°/ La dette rouge

Le statut de dette junior. La dette rouge, c’est-à-dire la part de la dette

souveraine se situant au-delà des 60% du PIB, serait la tranche junior. En d’autres

termes, elle serait honorée seulement après que le service de la totalité de la dette bleue

aura été réglé.

La responsabilité nationale. La dette rouge ne peut jamais être garantie par un

autre pays ; elle ne peut pas être renflouée par les mécanismes propres de l’UE, le

FESF et le MES. La clause d’interdiction de renflouement s’appliquerait strictement à

la dette rouge qui devrait être émise par les Trésors des Etats membres. Ainsi, la taille

du MES serait limitée car celui-ci devait financer seulement les déficits primaires et

non pas les dettes rouges.

Extérieure au système bancaire. Pour rendre possible un défaut ordonné sur

la dette rouge, il est proposé que celle-ci demeure majoritairement extérieure. Cela

peut se faire via deux (02) mesures. D’abord, l’interdiction de l’accès au refinancement

de la dette rouge par la BCE. Pour éviter les interruptions de paiements, cette

restriction pourrait être introduite graduellement. Seule la dette bleue, l’actif sûr,

devrait avoir accès au refinancement de la BCE. Ensuite, les contrôleurs doivent

garantir que les obligations rouges détenues par le système bancaire seront assorties de

conditions pénalisantes en termes de réserves en capital.

II.1.3°/ Renforcement du Pacte de stabilité et de croissance (PSC)

En dépit des changements récents, le PSC rencontre toujours de graves problèmes :

les sanctions prévues ne sont pas complètement crédibles ; les incitations à observer

ces règles sont rares, en particulier celles prévues pour dégager des excédents

budgétaires dans les années fastes.

La proposition des dettes bleues et rouges aiderait à renforcer les incitations du

PSC, imposant un double contrôle sur les politiques budgétaires. Premièrement, il

Page 116: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

115

existe un contrôle institutionnel : le Conseil de stabilité indépendant détermine le

montant des émissions selon les principes du PSC et des notions générales de

soutenabilité budgétaire, notamment les règles fiscales nationales. Deuxièmement, les

coûts d’emprunts des obligations rouges seraient élevés, très élevés même pour les

pays qui ne respectent le Pacte, ce qui impose une discipline de marché aux Etats qui

manquent de rigueur en matière en matière budgétaire. Le maintien des obligations

rouges en dehors du système bancaire rend crédible la perspective de défaut ordonné, à

la différence de que l’on observe aujourd’hui.

II.2°/ Les « project bonds » : moyen de retour vers la croissance

II.2.1°/ L’arme consensuelle pour la croissance européenne

Nouvelle stratégie des dirigeants européens, les « project bonds » pourraient

incarner une nouvelle forme de politique de croissance. Ils ressemblent aux eurobonds,

fonctionnent comme les eurobonds mais ce ne sont pas des eurobonds.

Ils pourraient devenir la grande initiative en faveur de la croissance qui met

d’accord l’Allemagne et la France. Les « project bonds » ont été adoubés, le 22 mai

dernier, aussi bien par le Parlement européen que par la Commission européenne. Ils

ont été au centre des discussions entre les dirigeants européens du sommet informel du

23 mai dernier à Bruxelles.

Leur nom rappelle dangereusement les « eurobonds » (obligations européennes),

que l’Allemagne a en horreur. En effet, Berlin ne veut pas entendre parler de ce

mécanisme qui consiste à émettre des emprunts communs à tous les États de la zone

euro sur les marchés pour permettre aux pays en difficulté de bénéficier de taux

d’intérêt dont ils n’auraient pu rêver s’ils allaient seuls à la pêche à l’argent.

Mais les « project bonds » ne leur ressemblent que de loin. Le fonctionnement est

certes similaire : dans les deux cas, tous les États-membres de la zone euro lèvent

ensemble de l’argent auprès d’investisseurs privés. Mais la finalité n’est pas la même.

L’objectif des « projects bonds » est d’emprunter afin de financer des projets précis au

niveau européen pour stimuler la croissance et l’emploi.

C’est sous l’impulsion de la Commission européenne que les « project bonds »

sont entrés le 22 mai dernier dans leur phase de test. L’Union européenne a décidé de

mettre 230 millions d’euros au pot d’attirer les investisseurs privés. L’UE espère

ensuite lever 4,5 milliards d’euros sur les marchés afin de financer 15 à 20 projets

pilotes. Les premiers investissements devraient se concentrer dans les énergies vertes,

les transports et l’économie numérique.

II.2.2°/ Le nouveau tandem franco-allemand sur le TSCG

Le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), qui sera en vigueur en juillet 2012,

est un dispositif créant un fonds permettant, au nom de la solidarité européenne, de

porter secours, jusqu’à 500 milliards d’euros, à un pays rencontrant des difficultés

Page 117: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

116

économiques. Il est abondé par des contributions des États, celle de la France, (20% du

total) se montant à 142,7 milliards d’euros. Un « considérant » de ce traité, dont la

valeur juridique fait débat, prévoit que ne pourront se prévaloir du secours en question

que les États qui auront aussi ratifié le TSCG.

Le Traité de Stabilité, de Coordination et de Gouvernance (TSCG), signé par la

France et l’Allemagne mais non encore ratifié, prévoit que les États s’engagent à ce

que leur déficit « structurel » n’excède pas « à moyen terme » 0,5% de leur PIB, ce qui

constitue la fameuse « règle d’or » que les États doivent élever au rang de règle ayant

valeur constitutionnelle. Les États s’engagent à respecter cette règle, et à prendre sous

sanction financière éventuelle toutes mesures correctives nécessaires en cas de

dépassement, lesquelles comprendront des réformes structurelles qui devront être

approuvées au niveau européen avec suivi de l’exécution.

On peut retenir de ce qu’a dit François Hollande lors de la conférence de presse

conjointe, que le volet croissance ne sera qu’un ajout au Traité européen de stabilité

(TSCG) dont il laissera aux juristes le soin de décider sous quelle forme il sera

consigné. Son affirmation qu’on mettra « tout sur la table » lors des discussions

apparaît comme une clause de style destinée à annoncer le compromis à venir. Angela

Merkel a été un peu plus nette en indiquant que ces discussions « porteront

essentiellement sur le volet croissance », manière de dire que le reste est réglé. Les

parties avaient, à vrai dire, d’ores et déjà soigneusement balisé le terrain de leurs

discussions.

François Hollande a fait savoir par ses porte-parole qu’il n’entendait pas remettre

en cause le contenu du TSCG. Il a par ailleurs limité l’étendue de ses demandes

relatives au volet de croissance à quatre points : l’utilisation de project

bonds (renonçant aux eurobonds qui ne seraient qu’une mutualisation de la dette

existante), 10 milliards pour la Banque Européenne d’Investissement (BEI),

réorientation des fonds structurels et taxe sur les transactions financières.

L’Allemagne de son côté a répété plusieurs fois qu’il n’était pas question de

remettre en cause le TSCG, et fait six propositions pour le volet de croissance :

meilleure gestion des fonds, redéploiement des fonds structurels pour financer les

projets porteurs de croissance, amélioration du fonctionnement de la BEI,

investissement dans les projets d’infrastructure européenne, amélioration du marché

intérieur, renforcement des accords de libre-échange. Les deux pays se rencontrent

donc sur l’essentiel du volet de croissance.

Le TSCG établit une contrainte réellement forte sur les États à l’effet de parvenir à

l’équilibre financier de leur budget, contrainte combattue sur une partie importante de

l’échiquier politique ainsi que par les syndicats. C’est dire si des difficultés sont à

attendre dans un futur assez proche. La question est alors de savoir si et dans quelle

mesure la croissance attendue par la France, en particulier, se révèlera suffisante pour

respecter les obligations de ce traité sans contraindre à une révision déchirante de la

promesse présidentielle de ne pas diminuer les dépenses publiques. On a sur ce sujet

plus que des doutes. Ce programme a été conçu pour être consensuel et surtout pour ne

pas effrayer l'Allemagne, grand argentier européen.

Page 118: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

117

Conclusion du chapitre I

L’avenir de l’euro qui a fait l’objet de multiples débats et échanges, qui n’en

finissent pas d’ailleurs, nous a emmené à relever, sur le plan institutionnel, les failles

et les insuffisances de la zone euro, sur lesquelles se sont appuyés les acteurs des

marchés financiers qui se sont lancés obstinément dans un pari en spéculant sur

l’éclatement de la zone euro.

Fort heureusement, les dirigeants de l’UE ont quasiment mis en place une voie de

sortie consensuelle de la crise d’euro : d’abord, la pérennisation du mécanisme de

soutien et de solidarité par le MES, la gouvernance économique pour une meilleure

convergence des économies sans oublier la signature du TSCG pour la croissance.

Page 119: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

118

Chapitre II : Soutenabilité de la dette publique et impact de

la crise de l’euro sur l’économie africaine

Introduction du chapitre II

La crise de l’euro, conséquence mécanique de la crise financière de 2008-2010, a

montré une fois de plus qu’une dette publique mal gérée peut être source d’explosion

de crises, ce qui conduit à des catastrophes qui se répercutent sur l’avenir des

générations futures. Compte tenu du renforcement de la mondialisation financière, les

détenteurs de capitaux, en plus d’être durs, sévères et très strictes en matière de risque,

sont continuellement à la recherche de profits qui n’ont pas de contrepartie productive,

notamment à travers la spéculation même sur les dettes souveraines. Face à cela, il est

important pour les Etats de veiller sur la santé des finances publiques pour être

crédible aux yeux des marchés financiers afin de pouvoir emprunter à des taux

abordables et favorables pour la croissance.

Sans oublier de souligner l’impact de la crise de l’euro sur l’activité économique

africaine, nous allons d’abord traiter la question de la soutenabilité des finances

publiques, notamment celle de la politique budgétaire et celle de la dette publique.

Section I : Soutenabilité des finances publiques

La thématique de la soutenabilité nous emmène à nous demander, avant tout s’il

est possible d’espérer que les niveaux actuels de bien-être soient au minimum

maintenues pour les générations futures : question soulevée dans le rapport de la

Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi. Contrairement à ce dernier qui touche

principalement la soutenabilité par rapport à l’environnement, nous allons intéresser à

la soutenabilité des politiques budgétaires et celle de la dette publique.

Page 120: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

119

La soutenabilité caractérise une politique budgétaire particulière du gouvernement,

ainsi que ses répercussions futures. Par extension, on peut parler de soutenabilité des

finances publiques s’agissant de l’analyse des politiques budgétaires menées sur une

période assez longue. Dans ce cas, il s’agit de caractériser le résultat observé des

politiques mises en œuvre au cours de cette période. Par la suite, on parlera

indifféremment de soutenabilité de la politique budgétaire ou de soutenabilité de la

dette.

I°/ Soutenabilité de la politique budgétaire

Pour comprendre la dynamique des finances publiques, il est nécessaire de

considérer la contrainte de financement à laquelle le gouvernement fait face à chaque

période. De manière comptable, le déficit budgétaire, qui correspond à l’écart entre

l’ensemble des recettes et des dépenses, est égal à la variation de la dette ΔBt. Le

déficit budgétaire est lui-même égal à la différence entre les recettes totales Tt et les

dépenses totales (somme des dépenses primaires Gt et du service de la dette ρt B t−1).

On peut réécrire le déficit budgétaire comme la somme du déficit primaire et de la

charge de la dette, d’où :

( ) ( ) ( )

Cette équation peut se lire de 3 façons :

• en valeur nominale : ρt représente le taux d’intérêt nominal,

• en valeur réelle : ρt représente le taux d’intérêt réel,

• en parts de PIB : ρt représente le taux d’intérêt nominal moins la croissance

nominale du PIB.

Par la suite, on raisonnera en part de PIB car cette approche paraît plus pertinente et

plus lisible. L’équation (1) décrit alors l’évolution du ratio d’endettement, c’est-à-dire

de la dette de l’État rapportée au PIB. En effet, il paraît naturel de rapporter la dette à

la capacité contributive de la nation mesurée par le PIB ; à dette nominale constante, la

croissance du PIB conduit à une diminution du ratio d’endettement, d’où l’écriture de

ρt comme une différence entre le taux d’intérêt et le taux de croissance de

l’économie35

.

35 En réécrivant l’équation précédente en part de PIB (avec Yt le niveau du PIB et yt son taux de croissance

nominal), on a :

(

)

( )

. On note .

Page 121: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

120

I.1°/ Qu’est-ce qu’une politique budgétaire soutenable ?

On dit qu’une politique budgétaire est soutenable si elle ne conduit pas à une

accumulation excessive de dette publique, c’est-à-dire à un niveau de dette qui, sans

changement majeur, ne pourrait pas être couvert à l’avenir par des surplus budgétaires.

Le financement de cette dette exclut ainsi le recours à un « jeu à la Ponzi36

» ou « effet

boule de neige » dans lequel l’État émettrait indéfiniment de nouveaux emprunts pour

payer les intérêts et le principal arrivant à échéance. Enfin, la politique budgétaire mise

en œuvre doit pouvoir être poursuivie sans ajustement fiscal significativement plus

important que ceux constatés par le passé.

Il est important de distinguer cette notion de soutenabilité de celles de liquidité et

de solvabilité. La liquidité est une notion de court terme. Un problème de liquidité

survient si les actifs immédiatement disponibles ne sont pas suffisants pour assurer

aujourd’hui la charge de la dette et le remboursement du principal qui arrive à

l’échéance. L’analyse de la liquidité est surtout pertinente pour les pays émergents,

dans le cadre de leur accès au marché du crédit global.

La solvabilité caractérise la situation financière d’un État qui est capable de faire

face à ses engagements, c’est-à-dire dont la contrainte budgétaire intertemporelle est

respectée, y compris en recourant à des ajustements budgétaires lorsque cela s’avère

nécessaire. Le constat de la non-solvabilité d’un État s’accompagne d’une crise des

finances publiques qui se résout par un défaut (répudiation de la dette) ou un épisode

d’hyper inflation.

La soutenabilité correspond à la situation d’un État dont la solvabilité est assurée

sans qu’il ait particulièrement besoin d’ajuster sa politique budgétaire dans l’avenir.

Ainsi, la solvabilité caractérise l’état du « bilan de santé financière » d’un État alors

que la soutenabilité s’intéresse plutôt à la cohérence de sa pratique actuelle en matière

de politique budgétaire. Une politique peut ainsi ne pas être soutenable sans pour

autant que l’État cesse d’être solvable dans la mesure où, au besoin, il peut choisir de

modifier sa politique budgétaire, aujourd’hui ou à l’avenir, pour pouvoir honorer sa

dette. Pour un État, le constat d’une absence de soutenabilité des finances publiques

n’est pas synonyme d’impasse budgétaire mais traduit la nécessité, pour respecter la

contrainte de budget intertemporelle, d’un ajustement fiscal conséquent.

I.2°/ Soutenabilité : de l’intuition au test économétrique

L’intuition de la soutenabilité est relativement claire, mais sa définition

économique est plus complexe. Le passage de la contrainte de financement à laquelle

l’État fait face à chaque période à sa contrainte de budget intertemporelle permet de 36 Le jeu de Ponzi tient son nom de Charles Ponzi qui monta une escroquerie de grande envergure à Boston au

début du siècle dernier. Il proposait des investissements pour lesquels il promettait un rendement de 40 % en à peine 90 jours. Cette affaire reposait sur un système de vente pyramidale : les investissements des nouveaux entrants servaient à payer les premiers investisseurs.

Page 122: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

121

préciser le concept. En anticipant le respect de la contrainte de financement à chaque

date dans le futur, on peut écrire la contrainte de budget intertemporelle que doivent

respecter les finances publiques (voir II°/).

Si, à politique budgétaire inchangée, la dette actuelle peut être couverte par la

somme actualisée des surplus primaires futurs, la politique budgétaire mise en œuvre

est soutenable. Cette condition se résume à un principe, finance publique dit « de

transversalité », correspondant à la nullité de la valeur actualisée de la dette à l’infini.

Dans ce calcul le coefficient d’actualisation est égal à l’écart entre le taux d’intérêt et

le taux de croissance de l’économie, et cet écart est supposé stable.

En première approximation, il est naturel de considérer qu’une politique budgétaire

est soutenable lorsque le ratio d’endettement est stable en moyenne. Une telle

condition garantirait bien la vérification de la condition de transversalité. Mais le

niveau auquel on entend stabiliser le taux d’endettement n’est pas indifférent : plus il

est élevé, plus sa stabilisation exigera que le solde primaire augmente vite et fort face à

une hausse du taux d’intérêt ou à une baisse du taux de croissance. La maîtrise du taux

d’endettement face aux aléas de l’écart entre le taux d’intérêt et le taux de croissance

suppose donc de choisir un plafond pas trop élevé. C’est ce type de condition

qu’impose le pacte de stabilité et de croissance qui encadre la pratique des politiques

budgétaires en Europe, et en particulier le seuil de 3 points de PIB pour les déficits et

le plafond de 60 points de PIB pour la dette. Ces contraintes sont cohérentes avec une

croissance potentielle de 3 % et une inflation de 2 %. Sous ces conditions, la règle des

3 % garantit la stabilité du ratio de dette publique en part de PIB37

.

Toutefois, le plafond de 60 points de PIB n’est pas nécessairement le niveau

d’endettement au-delà duquel on devrait parler d’« accumulation excessive » de dette.

Le pacte constitue donc, de ce point de vue, un cadre restrictif au regard de ce que

permet le simple respect de la soutenabilité. De manière plus générale, se fixer un

objectif de stabilité du ratio dette/PIB n’est qu’une condition suffisante et mais non

nécessaire de soutenabilité.

On peut donc chercher à tester si la politique budgétaire française des vingt

dernières années n’a pas été « soutenable » en des sens moins restrictifs de ce terme.

La littérature récente propose des tests de ce type. Elle envisage deux concepts, qu’elle

qualifie respectivement de soutenabilité « forte » et « faible » (voir tableau 14 et dans

II°/). Ils correspondent à différents cas de figure concernant la relation entre dépenses

et recettes et la dynamique du déficit.

L’une comme l’autre de ces deux notions de soutenabilité nécessitent que recettes

et dépenses soient « cointégrées », c’est-à-dire telles qu’il existe une combinaison

linéaire de ces deux variables qui soit stationnaire (stable en moyenne). Le cas de la

soutenabilité forte correspond au cas particulier où le coefficient β de cointégration

entre ces deux variables (régression des recettes sur les dépenses) est unitaire. Dans ce

cas, la différence entre recettes et dépenses est stationnaire, c’est-à-dire fluctue autour

d’un niveau moyen constant. Le ratio dette/PIB suit alors une marche aléatoire

37

À partir de l’équation d’accumulation de la dette en part de PIB, on a :

. On

déduit :

soit 60% avec les taux d’intérêt et la croissance et

mesurés en valeur nominale

Page 123: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

122

(éventuellement autour d’une tendance linéaire). Même si, dans ce dernier cas, le ratio

dette/PIB peut atteindre des niveaux arbitrairement élevés, on montre que la condition

de transversalité reste respectée. En effet, le coefficient d’actualisation de cette

condition de transversalité l’emporte sur cette tendance linéaire du déficit.

Le cas de soutenabilité « faible » correspond au cas où la relation de cointégration

a un coefficient de cointégration β positif mais inférieur à un. Ceci correspond au cas

où une évolution donnée des dépenses s’accompagne d’une évolution de même signe

des recettes, mais de moindre amplitude. Dans ce cas, la série des déficits n’est plus

nécessairement stationnaire, le ratio dette/PIB peut évoluer de façon plus dynamique

qu’avec la soutenabilité forte, mais continue néanmoins de rester compatible avec la

condition de transversalité.

Tableau 14 : Type de soutenabilité, selon les propriétés de la relation entre dépenses

et recettes

Relation entre dépenses

et recettes

Conséquence sur les évolutions Type de

soutenabilité

obtenue du ratio déficit/PIB du ratio dette/PIB

Cointégrées, avec β = 1

les recettes et les dépenses

s’ajustent complètement

Ratio stationnaire

(stable en moyenne)

Marche aléatoire

(éventuellement autour

d’une tendance linéaire)

Soutenabilité

forte

Cointégrées, avec 0 < β <1

les recettes et les dépenses

s’ajustent partiellement

Ratio non

nécessairement

stationnaire

Combinaison de deux

tendances stochastiques

(et éventuellement

d’une tendance linéaire)

Soutenabilité

faible

Non cointégrés et taux de

croissance de la dette

supérieure à l’écart entre

le taux d’intérêt et le taux

de croissance

Dette non

soutenable

Source : L’économie française, 2004-2005

Ces notions restent des notions théoriques qui soulèvent beaucoup de questions.

Par exemple, dans le cas de la soutenabilité forte, maintenir un déficit stationnaire avec

une dette constamment croissante suppose de dégager des excédents primaires eux

aussi en croissance continue, pour compenser la croissance de la charge de la dette, ce

qui semble peu réaliste. Ces notions de soutenabilité supposent aussi la stabilité de

l’écart entre le taux d’intérêt et le taux de croissance. Une hypothèse implicite est donc

que le ratio dette/PIB peut croître indéfiniment sans avoir d’incidence sur ce

paramètre. Or il s’agit d’une hypothèse peu crédible. Ces notions de soutenabilité sont

donc à utiliser avec beaucoup de prudence. En pratique, les trajectoires auxquelles

elles correspondent doivent rester au mieux transitoires.

Page 124: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

123

II°/ Soutenabilité de la dette publique : quelques critères

On raisonne en part de PIB et on suppose que l’écart ρt entre le taux d’intérêt et le

taux de croissance est une constante positive (la démonstration reste valide s’il est

stationnaire autour d’une constante positive). La contrainte budgétaire intertemporelle

de l’État s’écrit :

( ) ∑

( )

( )

En toute rigueur, une politique budgétaire peut être dite soutenable si et seulement

si, à politique budgétaire inchangée, la dette actuelle peut être couverte par la somme

actualisée des surplus primaires futurs. Cette condition se résume à la condition de

transversalité, correspondant à la nullité de la valeur actualisée de la dette à l’infini :

( )

( )

Cette propriété sera évidemment vérifiée dans le cas d’un ratio dette/PIB

stationnaire. Mais la stabilité de ce ratio n’est pas nécessaire. La littérature récente est

amenée à proposer des tests fondés sur des critères moins exigeants, développés par

Hakkio et Rush (1991) et Quintos (1995) sur la base de la génération antérieure de

tests développés par Hamilton et Flavin (1986), Wilcox (1989) ou Trehan et Walsh

(1991). Ils s’appuient sur un examen de la relation de long terme entre les dépenses et

les recettes publiques. Il s’agit plus précisément d’étudier s’il existe ou non une

combinaison de ces deux variables qui soit stationnaire, c’est-à-dire stable en

moyenne. Une telle relation de long terme est appelée relation de cointégration.

En reprenant la contrainte budgétaire de l’État, la variation de la dette s’écrit en

part de PIB comme la différence entre les dépenses totales en part de PIB et les

recettes totales de l’État. Soit GGt la somme des dépenses budgétaires et de la charge

de la dette : GGt =Gt + ρt B t−1. Le type de relation de long terme auquel on s’intéresse

s’écrit : Tt = α + β GGt + εt, où εt est un terme aléatoire de moyenne nulle qui ne

présente pas de persistance.

On est amené à distinguer trois cas de figure :

- si cette relation de long terme existe avec β =1, alors le déficit public ΔBt = GGt - Tt,

est égal à −α− εt. Il est donc stationnaire et le ratio dette/PIB croît en moyenne de

manière linéaire tandis que, dans la condition (3) de transversalité, le terme

d’actualisation croît de manière exponentielle. À long terme, la dette actualisée tend

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

124

donc vers zéro et la condition de transversalité est vérifiée. On voit que ce test est

équivalent à un test qui porterait directement sur le déficit, qui doit être stationnaire :

cette condition est compatible avec un déficit budgétaire constant38

(cas où α < 0), à

condition que l’accroissement de la charge de la dette soit compensé par des excédents

primaires équivalents. Ce scénario correspond à une hypothèse plus faible que

l’hypothèse de stationnarité du ratio dette/PIB (qui supposerait α = 0). Quintos le

qualifie néanmoins de « soutenabilité forte ». En effet, cette condition demeure une

condition suffisante mais non nécessaire à la vérification de la condition de

transversalité.

- s’il existe une relation de long terme avec β ∈] 0, 1[, alors les dépenses publiques

croissent plus vite que les recettes. Dans ce cas, on a ΔBt = (1- β) GGt − α− εt. La

variation de la dette en part de PIB suit un processus d’évolution de même nature que

les dépenses publiques totales GGt. Le terme d’actualisation continue néanmoins de

l’emporter sur la croissance de la dette et la condition (3) de transversalité reste

vérifiée. Quintos propose d’appeler cette situation « soutenabilité faible ».

-Enfin, s’il n’y a pas de relation de long terme ou si β ≤ 0, on ne peut pas conclure en

ce qui concerne la soutenabilité faible. Cependant, dans le cas où la dette croîtrait plus

vite que ρt, écart entre le taux d’intérêt et le taux de croissance, la condition (3) de

transversalité ne serait pas vérifiée et la dette ne serait pas soutenable.

Section II : Impact de la crise de l’euro sur l’économie africaine

L’Afrique a connu ces dernières décennies une croissance positive, enregistrant

des niveaux de performance économique sans précédent et surmontant mieux que

beaucoup d’autres régions les effets négatifs de la crise financière et économique

mondiale actuelle. Aussi, nombre d’analystes et de décideurs prévoient-ils que le

continent deviendra une des régions à la croissance la plus rapide dans le monde au

cours de la prochaine décennie.

Toutefois, la crise actuelle de la dette souveraine qui secoue certains pays de la

zone euro menace sérieusement les perspectives économiques de l’Afrique. Même si

cette crise ne touche qu’un petit nombre de pays, il y a des risques accrus qu’elle

s’étende rapidement à d’autres pays d’Europe et que ses retombées se fassent sentir

dans d’autres régions du monde. L’escalade de la crise actuelle a considérablement

38 Par contre un déficit primaire constant conduit à une dette explosive qui croît à la même vitesse que le

terme d’actualisation. À long terme, la valeur actualisée de la dette est strictement positive et la condition de transversalité n’est pas vérifiée.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

125

érodé la confiance des milieux d’affaires dans les économies développées, tandis que

les marchés émergents et les économies en développement sont freinés par les chocs

négatifs qu’elle a produits. L’économie mondiale devrait donc ralentir en 2012 et à

moyen terme et s’expose à des risques accrus d’une autre récession si la crise de la

zone euro ne trouve pas de solution rapide.

Le fait que ces événements ne manqueront pas de retentir, à plusieurs égards, sur

l’Afrique, justifie d’en évaluer les conséquences probables. Parmi les principaux

canaux de transmission possible des effets de la crise figurent l’exposition par le

commerce, se traduisant par la chute de la demande de produits d’exportations vers

l’Europe, les risques souverains, notamment la baisse de l’aide publique au

développement (APD) et des risques de liquidité pouvant affecter d’autres flux

financiers tels que l’investissement direct étranger (IDE) et les envois de fonds.

I°/ L’impact sur l’économie africaine : cas général

I.1°/ Les canaux de transmissions possibles

Nombre de pays africains ont bien réagi à la crise économique, comparés à

d’autres pays. D’après les Perspectives économiques en Afrique (2011) récemment

publiées, les économies africaines se sont relevées du marasme causé par la récession

mondiale, réalisant des taux de croissance atteignant 4,9 % en 2010, contre 3,1 % en

2009.

Toutefois, les risques liés à la dette souveraine que court l’Europe accroissent

actuellement les craintes d’une relance mondiale beaucoup plus lente. Les économistes

africains démontrent clairement que l’impact de la crise variera d’une région à l’autre,

suivant le degré de dépendance vis-à-vis des marchés européens. Les canaux de

transmission les plus significatifs sont le commerce, les investissements étrangers

directs, l’aide publique au développement, les envois de fonds et les autres formes de

flux de capitaux.

I.1.1°/ Impact sur le commerce

L’Union européenne reste le plus grand partenaire commercial de l’Afrique, et la

mesure dans laquelle l’Afrique sera affectée par la crise de la zone euro dépendra

largement de la solidité plus ou moins grande des liens commerciaux entre l’Europe et

les différentes régions du continent. L’Afrique du Nord, l’Afrique centrale et l’Afrique

de l’Ouest francophone sont, plus que les autres régions du continent, susceptibles de

ressentir les effets en raison de leurs liens étroits avec l’Europe. Les pays de ces

régions sont exposés à un sérieux risque commercial associé à la baisse de la demande

pouvant résulter de la crise.

La figure 8 illustre la tendance des exportations africaines vers l’Union

européenne, les États-Unis d’Amérique et le reste du monde depuis 2001. Il ressort

clairement du graphique que les exportations vers la zone ont connu une augmentation

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

126

constante, atteignant un pic en 2008, puis chutant brutalement, en 2009, en

conséquence de la crise économique mondiale, avant de rebondir légèrement, en 2010,

grâce à la hausse des prix des carburants et des minéraux. Néanmoins, de nombreuses

économies africaines restent menacées par la chute de leurs exportations vers les pays

européens, en raison de la faiblesse de la demande globale, qui résulte elle-même d’un

recul de la croissance, de mesures d’assainissement budgétaire destinées à enrayer la

crise de la dette et du renforcement du protectionnisme. En outre, le resserrement des

marchés internationaux du crédit menace aussi l’accès au financement du commerce.

En effet, les chiffres les plus récents publiés par la Conférence des Nations Unies sur

le commerce et le développement (CNUCED) montrent que le volume des

exportations globales de l’Afrique s’est contracté au cours des quatre derniers

trimestres allant d’octobre 2010 à septembre 2011. En 2010, les exportations vers

l’Europe représentaient plus d’un tiers du total des exportations africaines (voir

tableau 15).

Figure 8: Évolution des exportations africaines vers l’Union européenne, les États-

Unis et le reste du monde pendant la période 2000-2010

Tableau 15 : Exportations de l’Afrique vers l’Europe (part des exportations totales)

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

127

Toutefois, les incidences sur le commerce en Afrique varient selon les secteurs et

les régions. En 2010, le pétrole et les produits miniers représentaient plus de 65 % des

exportations mondiales de l’Afrique et une proportion similaire de ses exportations

vers l’Europe. En volume, il est peu probable que la demande des produits en question

soit sérieusement touchée par la crise de la dette, bien que l’instabilité des cours

mondiaux des produits de base puisse avoir des incidences importantes sur les recettes

totales de part et d’autre. Des pays comme le Kenya et l’Éthiopie, dont les exportations

comportent une grande proportion de produits horticoles, pourraient subir les

incidences négatives de la faible performance économique de l’Europe.

En ce qui concerne les incidences de la crise sur les échanges, il existe également

en Afrique des variations entre régions et pays selon les liens commerciaux qu’ils ont

avec l’Europe. Comme l’indique le tableau 15, la proportion des exportations de

l’Afrique vers l’Europe a baissé, passant de quelque 50 % des exportations totales en

2001 à 36 % en 2010, mais elle constitue encore au moins un tiers des exportations

totales de l’Afrique du Nord (55 %), de l’Afrique de l’Est (34 %) et de l’Afrique

australe (31 %). En conséquence, toute forte baisse de la demande des exportations

vers l’Europe pourrait avoir des incidences inégales selon les régions.

De manière plus générale, les incidences sur le commerce des pays de la zone

franc CFA39

pourraient comporter également les effets des fluctuations de l’euro par

rapport à d’autres devises fortes utilisées par leurs partenaires commerciaux, en raison

de la parité fixe du franc CFA avec l’euro. Cette parité avait initialement fait

bénéficier ladite zone de la stabilité macroéconomique et avait même, en raison de la

dépréciation de l’euro au tout début de la crise, rendu les exportations de la zone CFA

plus compétitives, en particulier celles destinées aux États-Unis. Toutefois, sur le long

terme, les incidences de cette parité avec un euro déprécié se traduiront par une perte

de la valeur des réserves détenues par les pays de la zone CFA et constitueront un

problème persistant en matière de politique monétaire.

L’Afrique a appris de la crise trois leçons précieuses en matière de promotion du

commerce en tant que moteur essentiel de la croissance durable. Premièrement, la crise

a mis en évidence l’importance du renforcement du commerce intra-africain dont les

niveaux actuels ne suffisent pas pour contrer les effets pro-cycliques d’une faible

demande d’exportations, rendant ainsi le continent vulnérable aux chocs extérieurs.

Étant donné l’accroissement de la population africaine et l’expansion correspondante

de sa classe moyenne, un vaste marché existe qui permettra au commerce intra-

régional de répondre à la demande existante. Deuxièmement, les gouvernements

africains devraient avoir pour objectif de mettre à profit les améliorations récentes des

échanges commerciaux avec leurs partenaires du Sud. Comme l’indique le tableau 16,

la part du commerce de l’Afrique avec les principaux partenaires du Sud a plus que

doublé au cours de la décennie écoulée, passant d’environ 10 % en 2000, à plus de 20

% en 2009, ce qui correspond largement à la réduction de sa part des échanges avec

l’Europe. Ainsi, la diversification des destinations futures des exportations vers ses

partenaires du Sud permettra au continent de mieux gérer les risques idiosyncrasiques

auxquels ils exposent plus les chocs régionaux spécifiques que les chocs économiques

39

Franc de la Communauté financière africaine ; avant c’était le franc des colonies françaises d’Afrique.

Page 129: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

128

mondiaux. Enfin, et en relation avec le premier point, la crise met en évidence

l’importance de la diversification par les pays africains de leurs exportations. Une

offre de produits d’exportations composées essentiellement de produits de base limite

les possibilités des échanges intra-africains, car les pays ne sont pas en mesure de

fournir les biens que les consommateurs africains recherchent. Elle expose également

le continent à des flambées des cours des produits de base, dont les incidences sur la

croissance peuvent être particulièrement néfastes, comme ce fut le cas en 2009. Ainsi,

la diversification des échanges permettra à la fois de dynamiser le commerce intra-

régional et d’atténuer les effets des chocs des prix extérieurs.

Tableau 16 : Part des partenaires traditionnels et émergents dans les importants, les

exportations et le commerce total de l’Afrique en 2000 et 2009

I.1.2°/ Incidence sur les investissements directs étrangers (IDE)

Les flux d’IDE en provenance de l’Union européenne dont bénéficient les pays

africains ont considérablement augmenté entre 2007 et 2009, passant de 17 à 21

milliards d’euros. En particulier, les pays de l’Union européenne des 15 ont quadruplé

leur stock d’IDE, qui a atteint 208 milliards d’euros en 2009, contre 51 en 2000 (voir

figure 9). Les pays de l’Union européenne ont continué à percevoir des revenus

générés par leurs investissements en Afrique, revenus dont les montants sont à peu

près équivalents à ceux des flux d’IDE vers l’Afrique. Ainsi, le groupe de l’Union

européenne des 15 a vu le revenu de ses investissements en Afrique presque doubler.

L’évolution qu’illustre la figure 9 peut nous conduire à conclure que, à moins que

la crise subie par l’Union européenne s’aggrave considérablement et diffère de la crise

financière mondiale de 2008, les économies africaines ne devraient pas s’attendre à

une détérioration significative des stocks d’IDE provenant de l’Union européenne. Les

flux d’IDE vers l’Afrique pourraient même s’accroître étant donné que les marchés de

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

129

l’Union européenne et des États-Unis ont perdu de leur attrait. En effet, les données

indiquent que le degré de confiance des consommateurs et des milieux d’affaires est,

pour ces marchés, aussi bas qu’en 2009, lorsque l’Union européenne était en récession.

Toutefois, la composition des stocks d’IDE pourrait changer, les projets à haut risque

le cédant à des projets perçus comme comportant peu de risque.

Figure 9 : Les IDE en provenance de l’UE-15 en Afrique de 1990-2009

Par ailleurs, si l’Union européenne se trouve à l’avenir en grave récession

économique, des réactions en chaîne importantes pourraient affecter l’économie

mondiale et réduire les flux et les stocks d’IDE à la fois à l’échelle mondiale et en

Afrique, en particulier sur le moyen terme (car il faut du temps aux investisseurs pour

se défaire de leurs investissements directs). Les investisseurs africains (et d’autres, du

Sud) pourraient également en profiter pour acquérir des entreprises publiques en

Europe, les États de l’Union européenne en difficulté étant à la recherche de liquidités.

Il s’agit là de possibilités réelles, vu qu’en 2008, les IDE africains en Union

européenne se montaient à 25 milliards d’euros et provenaient principalement des trois

principales économies africaines: l’Afrique du Sud (24 %), le Nigéria (19 %) et

l’Égypte (16 %) (Eurostat).

Bien entendu, il est souhaitable que chaque pays africain réexamine ses politiques

et procédures en matière d’investissement et intensifie ses efforts en vue de continuer à

améliorer le climat des affaires, car la course aux destinations offrant les meilleures

garanties d’investissement pourrait s’intensifier. Dans la conjoncture actuelle, les pays

considérés comme présentant plus de risques pourraient voir leurs apports d’IDE se

réduire.

Page 131: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

130

I.1.3°/ Incidences sur l’APD

Il ressort des derniers chiffres fournis par l’Organisation de coopération et de

développement économiques (OCDE) dans son rapport Development Aid at a Glance

2011 que plus de 45 % de l’aide totale fournie par les institutions de l’Union

européenne sont alloués à des pays africains. Par ailleurs, les données font apparaître

que le volume d’aide a en réalité augmenté en dépit de la crise financière mondiale, ce

qui est conforme aux engagements pris par les pays et les institutions en question. En

fait, les chiffres absolus ont augmenté, même en 2010, comme le montrent les données

préliminaires. Cela s’explique sans doute par un effet de retard: il faut du temps pour

réagir politiquement à des événements d’ordre économique.

Cependant, si la crise actuelle de la dette européenne se transformait en une crise

économique grave, les économies africaines devraient s’attendre à des réductions

considérables du volume de l’APD pendant les prochaines années. Cela est

particulièrement important au vu de la ventilation de l’APD par pays. Ainsi, 80 % de

l’aide fournie par l’Irlande, actuellement en grave difficulté, va à l’Afrique, tandis que

la Belgique, le Portugal, la France et le Royaume-Uni figurent parmi les 10 principaux

pays donateurs d’aide à l’Afrique. Actuellement, trois pays - l’Italie, la France40

et

l’Irlande - ont réduit leur aide bilatérale à l’Afrique à cause de la crise de la dette en

Europe41

.

Sur le plan sectoriel, la plus grande partie de l’aide destinée à l’Afrique va au

secteur social, qui comprend la santé, l’éducation, les programmes de population, l’eau

et l’assainissement. Une réduction des dépenses dans ce secteur pourrait obérer encore

les efforts visant à atténuer la pauvreté. De plus, les recettes générées au niveau

national demeurent minimes, ce qui ajoute à la pression qui s’exerce sur les nombreux

gouvernements africains qui auront du mal à boucler leur budget du fait des coupes

dans l’APD. La crise de la dette dans la zone euro pourrait également faire qu’il sera

encore plus difficile pour les gouvernements africains d’accorder la priorité aux

changements climatiques et autres défis environnementaux au moment de décider de

l’affectation des fonds.

Il importe de noter que si la dépendance vis-à-vis de l’aide est élevée partout dans

le continent, la réduction de cette aide aura des incidences différentes selon les

caractéristiques des pays bénéficiaires. Le rapport APD/PNB varie d’un pays à l’autre

(figure 10), ainsi que l’APD nette reçue en tant que pourcentage des recettes du

gouvernement central (tableau 17). Il ressort des travaux de recherches que les pays

non exportateurs de ressources naturelles et les États fragiles seront plus touchés que

les pays exportateurs. Allen et Giovannetti (2011) font valoir que les États fragiles42

qui sont plus tributaires de l’aide sont plus susceptibles de connaître des chocs

40

La France a réduit son aide bilatérale en raison de ses engagements en matière d'aide liée au PIB 41

L'Irlande a déjà réduit de plus de 22 % son budget total destiné à l'aide. 42

Selon les résultats des études menées dans ce domaine, les États fragiles sont les suivants: Angola, Burundi, Cameroun, Comores, Érythrée, Éthiopie, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Kenya, Libéria, Mauritanie, Niger, Nigéria, Ouganda, République démocratique du Congo, République centrafricaine, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sierra Leone, Somalie, Tchad, Togo et Zimbabwe.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

131

macroéconomiques graves en cas de réduction de l’ordre de 15 à 20 % du volume

d’aide43

. Pour ces raisons, les gouvernements africains et la communauté des

donateurs devraient veiller à ce que, si le volume de l’APD diminue, les affectations

prioritaires, comme les pays particulièrement dépendants et les secteurs tels que

l’éducation, la santé et la sécurité alimentaire, soient maintenues voire renforcées.

L’un des aspects positifs de cette crise est que les coupes qui seront

vraisemblablement faites dans l’APD versée à l’Afrique pourraient stimuler et

accélérer la mobilisation de ressources nationales et nouvelles. La réduction de la

dépendance à l’égard des donateurs diminuera également l’influence de ceux-ci sur

l’économie africaine, permettant ainsi aux Africains de « prendre en main leur

destin ». Par conséquent, les décideurs africains doivent accroître et renforcer les

mesures nécessaires pour protéger les personnes vulnérables, particulièrement, en

mettant en œuvre et en consolidant des programmes de protection sociale.

Figure 10 : Les pays africains dont le rapport APD/PNB dépasse 5% (2009)

Tableau 17 : Montant net de l’APD (% des dépenses des administrations centrales) (a)

43

Selon les prédictions, les pressions budgétaires continues pourraient se traduire par la paupérisation de 230 000 personnes en Ouganda et au Ghana, de 38 000 en Zambie, de 57 000 au Kenya et de 52 000 au Bénin.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

132

I.1.4°/ Incidences sur les envois de fonds

Les envois de fonds par les émigrés représentent une part importante du revenu de

nombreux ménages des pays en développement. Si le nombre de chômeurs augmente

et que les revenus diminuent à la suite du ralentissement de l’activité économique, les

envois de fonds diminueront probablement. Or, même si le montant des envois de

fonds vers l’Afrique a, en fait, diminué légèrement à la suite de la crise économique

mondiale, passant à 38,3 milliards de dollars en 2009 contre 41,1 milliards de dollars

en 2008, il est reparti à la hausse ensuite, avec 39,7 milliards de dollars en 2010 (voir

figure 11).

Les envois de fonds des émigrés vivant dans les pays occidentaux ne constituent

pas, en fait, l’essentiel de ces flux financiers; ce sont les transferts en provenance

d’autres pays en développement qui représentent la plus grande partie. Il va sans dire

que les problèmes économiques de l’Union européenne auront des incidences

négatives sur l’emploi et le revenu dans le monde entier; en d’autres termes, le

montant des envois d’autres régions risque également de diminuer.

Page 134: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

133

Figure 11 : Montant total des envois de fonds vers l’Afrique (milliards de dollars EU)

Selon les projections de la Banque mondiale, les envois de fonds vers l’Afrique

pourraient augmenter au cours des prochaines années. Cependant, ces projections sont

subordonnées aux risques de baisse découlant de la crise de la zone euro. Par

conséquent, si elle a pour résultat un chômage persistant, la crise européenne risque

d’avoir des répercussions négatives sur les possibilités d’emploi des immigrés et de

durcir la politique à l’égard de toute nouvelle immigration. Il en résulterait une

diminution des envois de fonds.

I.1.5°/ Incidences sur d’autres mouvements de capitaux

La crise de la zone euro pourrait également avoir des incidences négatives sur les

autres flux de capitaux tels que les investissements de portefeuille et les achats

d’obligations d’État. En fait, les liquidités pourraient, en fin de compte, être redirigées

vers les pays lourdement endettés (recapitalisation). En d’autres termes, on pourrait

assister à un désinvestissement en Afrique, particulièrement en Afrique du Sud, au

Nigéria et en Égypte. Il importe dès lors d’accorder l’attention qui convient aux sorties

de capitaux, car elles pourraient entraîner un problème de liquidités, en particulier dans

certains secteurs extractifs.

Il est aussi possible que l’inverse se passe et que des investisseurs, à la recherche

d’un plus grand profit pour leurs capitaux ailleurs que dans des pays lourdement

endettés, trouvent certains pays ou secteurs africains plus attractifs. Si ces apports de

capitaux supplémentaires prennent la forme de capitaux fébriles à court terme, les

risques et les conséquences d’une telle situation pourraient ressembler à ce qui s’est

passé aux États-Unis en 2008, au début de la crise financière mondiale.

Si les investisseurs peu disposés à prendre des risques retirent leurs capitaux, les

pays risquent de manquer de liquidités, ce qui aurait de graves incidences sur l’activité

économique sur place. Le manque de liquidités pourrait ralentir, dans une large

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

134

mesure, les investissements et obliger les entreprises à annuler les paiements, ce qui

aurait de graves conséquences économiques en entraînant des faillites et

l’augmentation du chômage et de la pauvreté. Les pays africains doivent donc mettre

en place les mécanismes de réglementation nécessaires, notamment des restrictions

légères et temporaires sur les mouvements de capitaux pour réduire, dans la mesure du

possible, les conséquences négatives éventuelles des apports de capitaux fébriles.

I.2°/ Conséquences escomptées et incidences politiques

En fonction de l’ampleur et de la forme des mécanismes de transmission examinés

plus haut, les pays et les populations d’Afrique risquent des effets sociaux et

économiques négatifs de différentes natures.

I.2.1°/ Réduction de la croissance économique

Sur la base des projections de l’OCDE concernant les conséquences de la crise de

la zone euro sur l’Afrique, la CEA a calculé que le taux de croissance du PIB de

l’Afrique risque de diminuer de 0,7 et 1,2 point de pourcentage en 2012 et 2013

respectivement si c’est le scénario baissier de l’OCDE qui se réalise. Si l’autre

scénario devait se réaliser – une issue politique optimale pour l’Europe –, le taux de

croissance de l’Afrique devrait augmenter de 0,3 et 0,6 point de pourcentage

respectivement. En fait, dans un cas comme dans l’autre, la réduction de la demande

de produits d’exportation et la baisse des cours des produits de base affecteront les

performances économiques du continent.

Vu l’impact sur la croissance économique, les gouvernements africains ne peuvent

atténuer les effets sociaux et économiques que par leur politique budgétaire. La baisse

des recettes fiscales mettra les gouvernements en difficulté juste au moment où ils

devraient accroître les dépenses publiques pour contrer l’effet de l’augmentation du

chômage et des prix des produits alimentaires. Les conséquences sociales du

ralentissement de l’activité économique et de l’augmentation du chômage doivent

également être prises en compte car, les remous de la zone euro se poursuivant, elles

risquent d’avoir des répercussions négatives en Afrique.

I.2.3°/ Réduction des dépenses sociales et ralentissement des progrès accomplis

pour réaliser les OMD

L’aide extérieure représente une grande part du financement des secteurs sociaux

dans les pays africains. Nombre de pays sont déjà aux prises avec des difficultés pour

Page 136: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

135

fournir les biens et les services sociaux nécessaires et dépendent lourdement de l’aide

pour leur planification budgétaire. C’est pourquoi la réduction des flux d’aide à la suite

des restrictions budgétaires dans les pays donateurs touchés par la crise entraînera

vraisemblablement une diminution du financement des programmes sociaux, la santé,

l’éducation et les autres programmes sociaux mis en place au bénéfice des plus

vulnérables étant les plus susceptibles de subir des coupes budgétaires.

Les conditions de vie des populations pauvres risquent de s’aggraver en fonction

de l’évolution de l’APD au cours des prochaines années. À court terme, ce sera

particulièrement vrai si on sabre subitement dans l’APD allant aux secteurs sociaux à

la suite de la crise financière mondiale. À ce jour, rien n’indique que cela soit en train

de se passer et, de fait, les donateurs donnent de plus en plus la priorité au social.

Cependant, si la crise de la zone euro était perçue comme étant plus grave que les

récessions précédentes, les flux d’APD pourraient s’assécher plutôt abruptement.

La réduction des apports de fonds à l’Afrique risque d’accroître la pauvreté en

réduisant les ressources consacrées au secteur agricole. L’examen des statistiques8 de

la Banque mondiale montre qu’en Afrique, le secteur agricole emploie environ les

deux tiers de la population et contribue en moyenne pour un tiers à la formation du

PIB. En outre, selon les estimations de la Banque, la croissance du secteur agricole

permet deux fois plus de réduire la pauvreté que la croissance des autres secteurs

(Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde 2008: l’agriculture

au service du développement).

I.2.4°/ Augmentation du chômage, de la vulnérabilité et de la pauvreté

Même si elle est improbable à court terme, toute réduction du commerce et des

apports de capitaux en raison de la récession économique en Europe risque d’entraîner

une augmentation du chômage, de la vulnérabilité et de la pauvreté en Afrique. Les

pertes d’emploi et de revenu frappant le secteur des exportations risquent de s’étendre

à d’autres secteurs. Une baisse du revenu dans un secteur entraînera, en raison de

l’interdépendance de l’activité économique et des effets multiplicateurs négatifs, une

réduction de la demande dans d’autres secteurs, en particulier les secteurs des produits

destinés essentiellement à la consommation. Face à ces effets multiplicateurs, les États

doivent également être attentifs aux problèmes qui surgissent des modifications

structurelles telles que la croissance de la main-d’œuvre, ainsi que de l’accroissement

de la demande dans des secteurs d’exportation tels que le pétrole, l’or et d’autres

ressources minérales alors que diminue la demande dans d’autres secteurs tels que le

tourisme, l’horticulture et le diamant.

Selon les estimations du BIT, le taux de chômage a diminué en Afrique entre 2000

et 2011, bien qu’il ait sensiblement augmenté en Afrique du Nord en 2010 et 2011.

Les projections du BIT pour 2012 indiquent qu’il risque d’augmenter encore

légèrement en Afrique du Nord pour passer à 11 %, probablement du fait du

ralentissement de la reprise à la suite de l’instabilité sociale et politique et de la crise

de la dette européenne, qui frappe les travailleurs migrants. En ce qui concerne les

autres pays d’Afrique, le taux de chômage, qui est d’environ 8,2 %, ne changera

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

136

pratiquement pas. Des mesures préemptives prises par prudence pour trouver des

solutions au chômage et à la pauvreté, en particulier des jeunes et des femmes,

aideront à mettre le continent sur la voie d’une croissance plus durable et inclusive.

En raison de la baisse de la production agricole due à la réduction des ressources et

aux changements climatiques, la crise liée aux prix des denrées alimentaires de 2008

pourrait se reproduire en Afrique. Ce renchérissement des produits alimentaires a

naturellement exposé des populations déjà vulnérables à un risque plus grand encore

de malnutrition. Selon les projections de la FAO, les cours mondiaux des produits

agricoles augmenteront encore de 30 % d’ici à la fin de 2011, ajoutant aux problèmes

qu’endurent les personnes vivant dans la pauvreté.

Si les stocks et les flux d’investissements directs en provenance d’Europe ont un

effet négatif net sur les pays africains, ceux-ci verront vraisemblablement le chômage

et la pauvreté augmenter, faute d’effets compensateurs par l’adoption de mesures

correctives et d’apports supplémentaires d’investissements étrangers directs d’autres

pays du monde. Outre cela, si les pays africains – et les ménages – enregistrent une

diminution nette des envois de fonds, ils seront plus vulnérables et plus exposés à la

pauvreté puisque le niveau de revenu aura diminué, ainsi l’accès aux services sociaux.

I.2.5°/ Incidences sur les politiques

Compte tenu de l’impact immédiat et des conséquences à plus long terme de la

crise de la dette européenne sur l’Afrique, il est indispensable que les pays adoptent un

ensemble de mesures résolues.

Politique budgétaire et monétaire - Les pays africains bénéficiant d’une certaine

marge de manoeuvre budgétaire peuvent choisir de procéder à un assouplissement

budgétaire à discrétion pour soutenir la demande globale, en fonction de la

disponibilité de financements intérieurs ou extérieurs. Il convient toutefois d’appliquer

ces politiques avec prudence afin de ne pas tenir le secteur privé à l’écart et d’éviter un

effet négatif sur les progrès de l’Afrique en vue de la viabilité de la dette. Les autorités

monétaires devraient continuer à favoriser un climat de croissance élevée, tout en

intervenant lorsque les tensions inflationnistes s’avèrent excessives.

Mobilisation des ressources financières – Compte tenu de la chute possible des

flux financiers vers l’Afrique, il convient de prendre des mesures pour élargir l’assiette

fiscale et accroître l’efficacité du recouvrement de l’impôt. Il faut trouver des

dispositifs permettant de garantir que le secteur privé et le secteur informel soient

convenablement taxés. L’émission d’obligations devrait également faire partie du

cadre budgétaire. L’Afrique peut, par exemple, mobiliser des ressources financières en

ciblant sa diaspora au moyen d’instruments financiers adaptés.

Transferts visant à atténuer l’impact social - Ce sont les victimes de la pauvreté

qui risquent le plus de souffrir des conséquences d’un ralentissement de l’activité

économique et de la réduction des ressources financières accessibles aux secteurs

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

137

public et privé africains. Les gouvernements africains doivent donc utiliser tous les

outils budgétaires dont ils disposent pour faciliter les transferts vers ceux qui sont le

plus touchés, par exemple en augmentant l’appui aux chômeurs et en octroyant à titre

temporaire des subventions pour réduire le prix des produits alimentaires. Les recettes

provenant des secteurs de l’extraction minière peuvent être utilisées à cet égard.

II°/ Impact sur l’économie de l’UEMOA

II.1°/ Le poids des risques à la baisse sur la croissance

Le principal étant l’affaiblissement continu de l'environnement extérieur, surtout

dans la zone euro si la crise de la dette n'est pas rapidement résorbée. Les services du

FMI et les autorités ont discuté de la manière dont la région serait affectée si le

scénario baissier présenté dans la mise à jour de janvier 2012 des Perspectives de

l'économie mondiale (PEM) venait à se matérialiser. Ils ont pour l’essentiel convenu

qu’en matière de commerce, la région est encore très vulnérable face à l'Europe, même

si cette vulnérabilité est en baisse. Le commerce, les envois de fonds de migrants,

l'IDE et les termes de l'échange sont les principaux canaux de transmission vers

l’UEMOA. Les autorités ont aussi exprimé la crainte d'un net recul de l'assistance des

donateurs traditionnels. Toutefois, le secteur financier disposant essentiellement de

ressources intérieures, son exposition directe à l'Europe est limitée.

L'impact global sur la croissance régionale serait substantiel (environ 1,5 point de

pourcentage ; voir la figure 12). Les autres sources d'incertitude pour l'environnement

macroéconomique sont l'insécurité et les risques sociopolitiques dans la région, ainsi

que l'impact de la sécheresse dans le Sahel.

Figure 12 :

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

138

II.1.1°/ Les risques pour l’UEMOA d’un affaiblissement de la conjoncture

mondiale

Le scénario de référence pour 2012 qui est décrit dans le rapport des services du

FMI repose sur l'hypothèse d'un ralentissement de l'économie mondiale. Le principal

risque rendant incertain le déroulement de ce scénario est la perspective d’une

nouvelle dégradation de la conjoncture extérieure, en particulier dans la zone euro si la

crise de la dette ne trouve pas rapidement une solution. La présente note examine

comment l’UEMOA serait touchée si cette évolution défavorable, envisagée dans la

mise à jour de janvier 2012 des Perspectives de l'économie mondiale, devenait réalité.

Dans ce scénario, la croissance du PIB réel mondial est inférieure d'environ 2 points de

pourcentage au niveau retenu dans le scénario de référence (4 points en Europe). Le

commerce, les envois de fonds des travailleurs expatriés, l'investissement direct

étranger et les termes de l'échange seraient les principaux vecteurs par lesquels cette

évolution se répercuterait sur l’UEMOA. L'aide pourrait aussi être considérablement

réduite. Cependant, le secteur financier est financé essentiellement sur ressources

intérieures, ce qui fait que son exposition directe à l’Europe est limitée. Globalement,

l'effet sur la croissance de l’UEMOA serait très prononcé (environ 1,5 point).

II.1.2°/ Hypothèses du scénario défavorable

Le scénario défavorable est basé sur celui qui est présenté dans la mise à jour de

janvier 2012 des Perspectives de l'économie mondiale.

Dans ce scénario, les interactions négatives entre les tensions liées au financement

des États et à celui des banques dans la zone euro s’intensifient et aboutissent à une

inversion beaucoup plus forte et persistante du levier financier des banques et à de

nettes contractions du crédit et de la production. Les pays de la zone euro, en

particulier ceux de l'Europe méridionale, sont poussés à procéder dès maintenant à un

rééquilibrage de leurs finances publiques, ce qui, ajouté à la hausse des écarts de taux

d'intérêt et au désendettement des banques, nuit à l'investissement et à la croissance

dans la zone euro.

Dans ce scénario, la croissance du PIB réel mondial est inférieure d'environ 2

points au niveau retenu dans le scénario de référence.

La récession est beaucoup plus prononcée dans la zone euro, où la production

diminue de quatre points de pourcentage. Les cours des matières premières baissent en

conséquence : les cours du pétrole et des produits de base non pétroliers sont inférieurs

de 10 à 20 % aux niveaux retenus dans le scénario de référence. L'euro se déprécie

pendant la première année de la crise et la consommation, en particulier la

consommation des ménages qui n'ont pas accès au crédit, accuse un net repli tandis

que l'inflation diminue.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

139

II.2°/ Vecteurs probables de transmission à l’UEMOA

Bien que la part de la zone euro dans le total des échanges commerciaux de la

région ait diminué, le commerce resterait un important vecteur de transmission.

La zone euro demeure le premier partenaire commercial de l’UEMOA, en

particulier pour ce qui est des exportations, même si les parts respectives de l'Afrique

subsaharienne et de l'Asie sont en augmentation, compte tenu du repli de la demande

émanant de la zone euro et, dans une moindre mesure, du reste du monde, il faut

s'attendre à ce que les exportations de l’UEMOA soient pénalisées.

Figure 13 :

L'évolution des cours des matières premières pourrait avoir de grandes

répercussions sur les comptes extérieurs et les revenus de l'UEMOA.

Les exportations étant composées en grande partie de matières premières, la région

est exposée à la volatilité des cours mondiaux (et les différents pays membres à des

chocs asymétriques). En 2011, les matières premières, tels que les produits pétroliers,

l'or, le coton et le cacao, représentaient la moitié des exportations de la région. Cette

proportion est appelée à s'accroître en raison de l'ouverture de nouvelles mines et de

nouvelles installations de production pétrolière dans certains pays de l'UEMOA.

Figure 14 :

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

140

Les envois de fonds des travailleurs expatriés, l'aide et l'investissement direct

étranger (IDE) pourraient aussi être des vecteurs de transmission.

On estime que les envois de fonds des travailleurs expatriés représentent en

moyenne 4 % du PIB de l'UEMOA, dont trois quarts en provenance de la zone euro. Il

est probable qu'une forte diminution de la demande de main-d’œuvre induite par la

récession dans la zone euro entraîne des licenciements et une réduction des salaires, en

particulier pour les travailleurs les moins qualifiés. Cela aurait une incidence négative

sur les envois de fonds de migrants, même si, à court terme, les transferts pourraient

augmenter, en particulier si les travailleurs migrants rentrent au pays. Les apports

d'aide pourraient pâtir de la poursuite de l'assainissement des finances publiques dans

les pays donateurs et l’IDE, du fléchissement de la croissance dans les pays avancés et

les pays émergents.

Il est peu probable que la transmission par les autres flux financiers, notamment

ceux du secteur financier, joue un rôle important.

En effet, l'UEMOA est relativement peu intégrée au reste du monde sur le plan

financier. Son exposition aux banques européennes est faible malgré la présence de

nombreuses filiales bancaires françaises. Les banques de la région se financent

localement et les liquidités sont abondantes. Cela dit, les banques locales pourraient

pâtir d'un ralentissement de la croissance du PIB réel, sachant que les taux d’emprunt

pourraient s’alourdir pour les entreprises locales. D’amples fluctuations du taux de

change en raison du rattachement du franc CFA à l'euro pourraient être source

d'instabilité, mais cela ne s'est pas encore produit.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

141

Figure 15 :

Une analyse des effets de la crise financière mondiale de 2008 sur l'UEMOA

fournit des enseignements utiles, en confirmant pour l'essentiel l'influence des

vecteurs de transmission mentionnés plus haut.

Globalement, la crise a eu un effet relativement modéré sur l'UEMOA par rapport

aux autres régions (voir graphiques en dessous). Les flux d'échanges commerciaux (et

le tourisme) ont été durement touchés, puisque les exportations ont stagné et les

importations reculé de 10 %. Les prix d'importation ont diminué d'environ 10 %,

suivant en cela les cours mondiaux de l'alimentation. Les importations dépassant de

loin les exportations, cette évolution s'est traduite par une nette amélioration du solde

des transactions courantes. Les envois de fonds des travailleurs expatriés ont fortement

baissé après la crise de 2008. L'IDE a plutôt bien résisté, peut-être en raison de

l'augmentation des investissements des pays émergents. La dégradation des finances

publiques a été moins prononcée qu'ailleurs, ce qui s'explique par le ralentissement

moindre de la croissance, la moindre ampleur des stabilisateurs automatiques et le

recours limité aux dépenses discrétionnaires pour stimuler l’économie.

Figure 16 :

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Gestion et danger de la dette publique

142

Figure 17 :

Figure 18 :

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

143

Figure 19 :

Figure 20 :

Figure 21 :

Conclusion du chapitre II

La soutenabilité des finances publiques a un impact sur la bien être des générations

futures. En menant des politiques budgétaires insoutenables durant des années, les

responsables politiques risquent de grever les générations futures de lourdes charges

budgétaires, ce qui obligera ces derniers à augmenter la fiscalité ou à restreindre leurs

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

144

dépenses pour rembourser la consommation des générations précédentes. L’évaluation

de la soutenabilité des politiques budgétaires nécessite donc de prendre en compte les

évolutions à long terme, qui sont mieux restituées par la contrainte budgétaires

intertemporelle. Il est important de suivre également le niveau la dette publique de

près, compte tenu des impacts socio-économiques.

Par le manque de soutenabilité de leurs politiques budgétaires, dû principalement

aux conséquences de la crise financière de 2008, certains Etats de la zone euro ont

provoqué la crise de la dette souveraine ayant des répercussions catastrophiques non

seulement en Europe, mais aussi sur le reste du monde, en particulier sur l’économie

africaine. Les principaux canaux de transmissions sont : d’abord, l’exposition du

commerce extérieure, se traduisant par la chute de la demande de produits

d’exportations vers l’Europe ; ensuite, les risques de défaut de paiement par la baisse

de l’aide publique au développement (APD) ; et enfin, des risques de liquidité, dû à

l’impact de l’inversion du levier financier, pouvant ainsi affecter d’autres flux

financiers tels que l’investissement direct étranger (IDE) et les envois de fonds.

Conclusion de la 2ème partie

La crise de l’avenir de l’euro a bouleversé le fonctionnement de l’activité

économique sur les plans national et régional pour les pays de l’Union européenne, et

aussi sur le plan international.

Le talon d’Achille de l’explosion et de l’expansion de la crise de l’euro sur l’Union

économique et monétaire s’appuie d’abord sur les jeux des marchés financiers, à

savoir la spéculation sur le risque de défaut de certains Etats sur la dette souveraine

voire sur le risque de l’éclatement de la zone euro. Ensuite, sur l’organisation

défaillante de la zone sur le plan institutionnel ; en effet, les sanctions sur les

débordements des éléments du Pacte stabilité et de croissance n’étaient pas crédibles ;

il y a aussi le principe selon lequel la BCE ne devait pas intervenir dans le risque de

défaut de paiement sur le service de la dette sans oublier la clause du non-

renflouement de la dette d’un Etat par les autres pays membres. Enfin, sur le manque

de solidarité en les pays de la zone euro surtout au début de la crise grecque à cause de

la réticence des autres pays membres à venir en aide à la Grèce.

Ayant à l’esprit, que l’éclatement de la zone euro se traduira par l’échec du projet

européen pour le renforcement du marché européen par la convergence des économies,

les dirigeants de l’Union européenne, sans oublier les conséquences sur les plans

monétaires, financiers et économiques de chacun des pays, les dirigeants de l’Union

européenne se sont mis d’accord sur le fait qu’il n’est pas question de laisser tomber

l’euro. C’est dans cette optique qu’un ensemble de solutions ont été proposées pour

une sortie durable de la crise. Premièrement, après la mise en place du FESF qui

prendra fin en 2013, les gouvernements ont pris l’initiative de pérenniser le mécanisme

de soutien par la mise en place du MES. Deuxièmement, ils ont décidé de renforcer la

gouvernance économique européenne pour une meilleure convergence des politiques

budgétaires, notamment par une politique d’harmonisation des politiques fiscales.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

145

Troisièmement, ils sont signé le TSCG dans l’optique de financer des projets clefs

pour stimuler la croissance, précisément dans les domaines de l’énergie verte, des

transports et de l’économie numérique à travers les « project bonds » au lieu des

« eurobonds » auxquels les Allemands ne veulent pas entendre parler.

Voyant la nécessité voire l’obligation, pour les Etats d’appliquer des plans de

réductions draconiennes des dépenses publiques pour réduire le déficit budgétaire y

compris la dette publique, il est sans doute nécessaire de songer aux politiques à mettre

en place pour la soutenabilité des finances publiques à savoir celle de la politique

budgétaire et de la dette publique.

Les répercussions de la crise de l’euro sur le reste du monde, en particulier sur les

économies africaines ne sont pas négligeables comte des canaux de transmission, ce

qui amène les gouvernements à estimer les conséquences escomptées sur la base de

ces canaux sans oublier les différences qui peut se manifester compte tenu la non-

similarité absolue des économies.

Conclusion générale

La quasi-totalité des Etats dans le monde recourt à la dette publique pour financer

des dépenses budgétaires non couvertes par l’ensemble des recettes surtout fiscales. Il

se trouve que certains courants de pensées économiques sont contre l’intervention de

l’Etat dans l’activité économique voire à travers l’endettement public. En revanche,

l’histoire des faits économiques a montré, pendant des périodes critiques, que les lois

du marché présentaient certaines failles et quelques insuffisances d’où l’intérêt de

l’Etat d’y intervenir par une politique budgétaire expansionniste afin de résoudre les

problèmes de fluctuations économiques.

Sur cette base, nous pouvons affirmer qu’il est bon que l’Etat s’endette afin de

stimuler l’économie et aussi afin de répondre à des problèmes d’ordre social. Selon la

théorie économique, un endettement public excessif a des conséquences négatives sur

le plan économique et social. Effectivement, la littérature empirique l’a démontré et

cela concerne toutes les économies sans exception. Les conséquences principales de

l’accumulation excessive de la dette publique sont l’effet d’éviction sur

l’investissement privé et aussi le risque de défaut de paiement sur le service de la dette.

Il est important de noter que la « règle d’or » de la dette publique est celle-ci doit être

destinée uniquement que pour les dépenses d’investissement et non pour les dépense

courantes de l’Etat et des administrations publiques.

La dette souveraine est la catégorie des dettes publiques que les Etats des

économies avancées contracte directement sur les marchés financiers. Plus le risque

d’insolvabilité est grand, plus le taux d’intérêt sera élevé et, donc, un alourdissement

de la charge de la dette. Les dettes souveraines des économies avancées bien qu’elles

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

146

soient similaires sur le plan institutionnel, révèlent des différences surtout en matière

de structure de détention par les agents économiques. Les ménages constituent de nos

jours, contrairement aux décennies passées, l’ensemble des agents qui détiennent les

plus petites parts de détention de la dette publique compte tenu des dispositions

législatives et règlementaires sur le système d’intermédiation financières. En plus, les

principaux acteurs des marchés financiers sont au nombre de trois : les banques, les

sociétés d’assurances et l’ensemble des gestionnaires d’actif, notamment les fonds de

pension publics et privés ; chacun fonctionnant de façon différente dans l’activité

économique.

Sur la plan domestique, certaines économies avancées traduisent une grande part

de détention de la dette souveraine par les banques : c’est le cas du Japon, pays de la

zone euro surtout l’Allemagne et l’Italie sauf la France qui fait partie du groupe des

pays où ce sont les sociétés d’assurance et les fonds de pension publics qui détienne la

plus grande part, y compris le Royaume Uni. La dette des Etats-Unis est détenue en

majorité par les Government Accounts.

L’internationalisation de la dette souveraine, c’est-à-dire la part détenue par les

agents économiques non-résidents, est beaucoup moins marquée au Japon, ensuite

viennent le Royaume Uni, les Etats-Unis et les pays de la zone euro. Au sein de cette

dernière, la diversification intra-européenne de la dette souveraine est plus au Portugal,

ensuite viennent les Pays-Bas, la Grèce et l’Irlande.

La dette souveraine des économies avancées risquent de connaître de croître dans

les années à venir à cause du vieillissement de la population de plus en plus

grandissant avec un gros risque de défaut pour le Japon dont la dette publique est

détenue en grande majorité par l’épargne intérieur qui risque de connaître une

régression.

La crise de la dette de la zone euro, conséquence de la crise financière de 2008 à

cause de l’intervention des gouverner pour éviter la faillite des banques à cause de

« l’aléa moral », a commencé d’abord avec la crise grecque en 2010 et s’est répandue

en l’Irlande, au Portugal et aussi en Espagne, en Italie avec un risque de contagion sur

la France. L’Etat grec s’est trop endetté, non pour financer ses dépenses

d’investissement mais pour satisfaire le niveau des populations ; Il vivait au-dessus de

ses moyens à telle point qu’elle était dans l’incapacité d’honorer le service de sa dette.

Cela s’est traduit d’abord par un risque souverain, ensuite pour évoluer en risque pays

compte de l’importance de la détention de la dette publique par des non-résidents tels

que les banques allemandes et françaises. L’aggravation de la crise et aussi son effet

de contagion sur d’autres pays la zone monétaire laissait courir un risque systémique

au cas il y aurait eu un éclatement de la zone euro.

Face à ce dilemme, les pays à risque devaient obligatoire dresser des plans

d’austérité sévères comme stratégie de réduction de la dette publique : c’est le cas de

la Grèce, de l’Irlande, du Portugal, de l’Espagne et de l’Italie. La France, quant à elle

par contre, devait mettre au point un plan de réduction progressive de sa dette

souveraine jusqu’en 2014-2015 : cela afin de « rompre avec la facilité de la dette

publique » au risque de voir sa note se dégrader par les agences de notation.

L’Allemagne a développé une philosophie en mettant des politiques de « frein à

l’endettement » sous la forme de dispositions dans un cadre constitutionnel.

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

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La crise de l’euro a montré l’existence d’un certain nombre de failles et de

défaillances qui ont failli coûter très chères à l’avenir de l’Union monétaire. Ce sont

les jeux des marchés financiers et les défaillances sur l’organisation et la solidarité

européenne. Les jeux des marchés financiers se sont traduits d’abord par la spéculation

sur les risques d’insolvabilité de la Grèce, et ensuite, avec l’effet de contagion sur

d’autres pays, par la spéculation sur l’éclatement de la zone euro comme ça été le cas

pour le Système monétaire européen (SME). Sur le plan de l’organisation, c’était dû

d’abord, à la règle stricte que la BCE ne devait intervenir par la monétisation de la

dette des Etats présentant des défauts de paiement ; aussi au manque de crédibilité sur

les manques en matière de non-respect des principes du Pacte stabilité et de

croissance ; enfin, à la règle du non-renflouement de la dette d’un Etat par un autre

pays membre de l’Union. Le problème de la solidarité s’est démontré face à la

réticence des Etats de l’Union européenne en matière de stratégie pour la résolution de

la crise grecque.

Pour sortir de la crise de façon durable, les dirigeants de l’Union européenne ont

décidé de mettre l’accent sur la solidarité européenne à travers la Mécanisme européen

de stabilité (MES) qui sera en vigueur au cours du mois de juillet, en remplacement du

Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ils ont aussi pris l’engagement de

renforcer la gouvernance économique, ce qui permettra une meilleure convergence des

économies sans oublier la signature du Traité de stabilité, de coordination et de

gouvernance (TSCG) avec l’intégration du volet essentiel de la croissance y compris

les « project bonds » au lieu de la mutualisation des dettes par les « eurobonds »,

solution rejetée catégoriquement par l’Allemagne.

Au regard des conséquences qu’a engendré la crise de l’euro sur l’économie de

l’Europe, l’heure est venue pour les gouvernements de la zone euro de se lancer dans

des politiques qui permettront la soutenabilité des finances publiques pour ne pas

mettre en danger l’avenir des générations futures. Cela demande de tenir compte de la

contrainte budgétaire intertemporelle. Cela concerne aussi bien la politique budgétaire

que la dette publique.

Les économies africaines, comme le reste du monde, vont subir d’une manière ou

d’une autre les répercussions de la crise de l’euro. Cela se fera à travers les canaux de

transmission suivant : premièrement, l’impact sur le commerce, donc une baisse des

réserves en devises à cause de la contraction de la demande étrangère, notamment

européenne ; deuxièmement, l’augmentation du risque souverain, à cause de la baisse

de l’aide publique au développement ; troisièmement, des risques de liquidités, à cause

de l’inversion du levier financier affectant les flux des investissements directs

étrangers et les envois de fonds.

Page 149: Projet de Fin D_Etude 2012_version Finale

Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

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Gestion et danger de la dette publique

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TABLE DES MATIERES

DEDICACES : ............................................................................................................................................. 1

REMERCIEMENTS .................................................................................................................................... 2

SIGLES & ACRONYMES ............................................................................................................................. 3

SOMMAIRE .............................................................................................................................................. 5

INTRODUCTION GENERALE ..................................................................................................................... 7

Partie n°1 : Dette publique et dette souveraine ................................................................................... 10

Introduction de la 1ère Partie ............................................................................................................. 10

Chapitre I : La dette publique : notions, concepts et impact socio-économique ............................. 11

Introduction du chapitre I ............................................................................................................. 11

Section I : Notions et concepts sur la dette publique ................................................................... 11

I°/ Concepts relatifs à la dette publique .................................................................................... 11

I.1°/ Les indicateurs d’endettement ...................................................................................... 12

I.2°/ La typologie et les différentes formes de dette publique ............................................. 14

I.2.1°/ La dette publique optimale et la dette publique maximale ................................... 14

I.2.2°/ La dette implicite .................................................................................................... 16

I.2.3°/ Relation entre les guerres, le déficit budgétaire et la dette publique ................... 16

II°/ Notions relatives à la politique budgétaire ......................................................................... 16

II.1°/ La contrainte budgétaire de l’Etat ................................................................................ 17

II.1.1°/ Impôts courants et impôts futurs .......................................................................... 17

II.1.2°/ Dette et surplus primaire ...................................................................................... 17

II.1.3°/ L’évolution du ratio dette/PIB ............................................................................... 18

II.2°/ Les problèmes de mesure du déficit budgétaire .......................................................... 18

II.2.1°/ Problème de mesure lié à l’inflation ..................................................................... 19

II.2.2°/ Problème de mesure lié aux actifs immobilisés de l’Etat ...................................... 19

II.2.3°/ Problème de mesure lié aux engagements de l’Etat non prises en compte ......... 20

II.2.4°/ Problème de mesure lié au cycle conjoncturel ..................................................... 20

II.3°/ Le fédéralisme budgétaire ............................................................................................ 21

Section II : L’impact socio-économique de la dette publique ....................................................... 22

I°/ L’impact économique de la dette publique et de sa réduction ........................................... 22

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

151

I.1°/ Impact de la dette publique sur le PIB .......................................................................... 22

I.1.1°/ Les effets à court et long terme d’une réduction de la dette publique ................. 22

I.1.2°/ Les mécanismes de transmission d’une variation de la dette publique................. 24

I.1.3°/ Résultats empiriques .............................................................................................. 26

I.2°/ Impact de la dette publique sur l’inflation .................................................................... 30

II°/ L’impact sociale et les pièges de la dette publique ............................................................. 32

II.1°/ Conséquence de la dette publique et du déficit budgétaire ........................................ 32

II.2°/ Les pièges associés à la dette publique ........................................................................ 32

II.3°/ Le problème des « free-riders » ou des passagers clandestins .................................... 32

Conclusion du chapitre I .................................................................................................................... 34

Chapitre II : La dette souveraine des économies avancées et la crise de la zone euro .................... 35

Introduction du chapitre II ............................................................................................................ 35

Section I : Les contextes spécifiques de la dette souveraine et de la crise de la zone euro ......... 35

I°/ Les réalités de la dette souveraine des économies avancées .............................................. 36

I.1°/ Les créanciers de la dette souveraine des Etats ............................................................ 36

I.1.1°/ Les grands acteurs financiers détenteurs de la dette souveraine .......................... 36

I.1.2°/ Le secteur financier domestique et la dette publique ........................................... 37

I.1.3°/ L’internationalisation de la détention de la dette publique................................... 42

I.2°/ Stratégies divergentes de financement de la dette publique dans l’après-crise et part

des banques centrales dans la détention de la dette publique ............................................ 48

II°/ La crise de la zone euro : risque pays et risque systémique................................................ 50

II.1°/ Les concepts du risque pays et du risque systémique ................................................. 50

II.1.1°/ Dettes souveraines, défaut de paiement et risque pays ....................................... 50

II.1.2°/ Du risque de défaut au risque pays ....................................................................... 52

II.1.3°/ Le risque systémique : une autre approche du risque souverain ......................... 54

II.2°/ La crise de la zone euro : du risque pays au risque systémique ................................... 55

II.2.1°/ La chronique de la crise grecque ........................................................................... 55

II.2.2°/ La contagion de la crise dans la zone euro ............................................................ 57

II.2.3°/ Sortie de l’euro : le scénario catastrophique ........................................................ 63

Section II : Stratégies de réduction de la dette publique .............................................................. 65

I°/ Plan d’austérité budgétaire : cas de la Grèce ....................................................................... 66

I.1°/ Les conditions de la première intervention européenne .............................................. 66

I.2°/ Les limites de l’aide européenne ................................................................................... 67

I.2.1°/ La méfiance persistante des marchés .................................................................... 67

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

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I.2.2°/ L’absence de la reprise économique ...................................................................... 68

I.2.3°/ L’inquiétude des bailleurs de fonds ........................................................................ 69

I.3°/ Quelle intervention pour la dette grecque ? ................................................................. 70

I.3.1°/ Organiser le défaut ? .............................................................................................. 70

I.3.2°/ Une nouvelle aide européenne ? ........................................................................... 73

I.4°/ Poursuite des réformes ................................................................................................. 75

I.4.1°/ Prolongement d’une cure d’austérité .................................................................... 76

I.4.2°/ Programme de privations ....................................................................................... 78

I.4.3°/ Un nouveau modèle économique à inventer ......................................................... 80

II°/ Plan de réduction progressive de la dette publique : cas de l’Allemagne et de la France .. 81

II.1°/ La philosophie allemande de la dette publique : prévention des crises ...................... 81

II.1.1°/ Le « frein à l’endettement » : règles fiscales nationales ....................................... 81

II.1.2°/ Réactivation du volet préventif du PSC ................................................................. 83

II.1.3°/ Indexation de la dette de l’Etat ............................................................................. 83

II.2°/ La réduction de la dette publique de la France ............................................................ 84

II.2.1°/ « Rompre avec la facilité de la dette » : analyse du rapport Pébereau ................ 84

II.2.2°/ Une stratégie française de réduction des dépenses publiques ............................. 87

Conclusion du chapitre II ............................................................................................................... 91

Conclusion de la 1ère partie ................................................................................................................ 92

Partie n°2 : Les solutions de sortie de la crise de l’avenir de l’euro et son impact de la crise sur

l’économie mondiale ............................................................................................................................. 94

Introduction de la 2ème Partie ............................................................................................................ 94

Chapitre I : L’avenir de l’euro : le MES et le TSCG ............................................................................. 96

Introduction du chapitre I ............................................................................................................. 96

Section I : La crise de l’euro : facteurs et défaillances .................................................................. 96

I°/ Les jeux des marchés financiers ........................................................................................... 97

II°/ Organisation et solidarité défaillantes ................................................................................ 98

II.1°/ Organisation défaillante ............................................................................................... 98

II.2°/ Solidarité défaillante................................................................................................... 101

Section II : Vers une sortie durable de la crise de l’euro ............................................................. 105

I°/ La gouvernance économique européenne ......................................................................... 107

I.1°/ Les fondements d’une gouvernance économique ...................................................... 107

I.1.1°/ La coordination des politiques budgétaires ......................................................... 107

I.1.2°/ Vers une meilleure coordination économique ..................................................... 108

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Mémoire de fin d’étude

Gestion et danger de la dette publique

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I.1.3°/ Le renforcement de la régulation et de la surveillance financière ....................... 109

I.2°/ Les limites de la gouvernance actuelle ........................................................................ 111

I.2.1°/ Des dispositifs encore incomplets ........................................................................ 111

I.2.2°/ Les questions de la valeur de l’euro et du positionnement de la zone dite

périphérique .................................................................................................................... 112

II°/ Le contraste entre les « eurobonds » et les « projects bonds » ....................................... 112

II.1°/ Les eurobonds : obligations bleues et rouges ............................................................ 112

II.1.1°/ La dette bleue ...................................................................................................... 113

II.1.2°/ La dette rouge...................................................................................................... 114

II.1.3°/ Renforcement du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) ................................ 114

II.2°/ Les « project bonds » : moyen de retour vers la croissance ...................................... 115

II.2.1°/ L’arme consensuelle pour la croissance européenne ......................................... 115

II.2.2°/ Le nouveau tandem franco-allemand sur le TSCG .............................................. 115

Conclusion du chapitre I .............................................................................................................. 117

Chapitre II : Soutenabilité de la dette publique et impact de la crise de l’euro sur l’économie

africaine ........................................................................................................................................... 118

Introduction du chapitre II .......................................................................................................... 118

Section I : Soutenabilité des finances publiques ......................................................................... 118

I°/ Soutenabilité de la politique budgétaire ............................................................................ 119

I.1°/ Qu’est-ce qu’une politique budgétaire soutenable ? .................................................. 120

I.2°/ Soutenabilité : de l’intuition au test économétrique .................................................. 120

II°/ Soutenabilité de la dette publique : quelques critères ..................................................... 123

Section II : Impact de la crise de l’euro sur l’économie africaine ................................................ 124

I°/ L’impact sur l’économie africaine : cas général.................................................................. 125

I.1°/ Les canaux de transmissions possibles ........................................................................ 125

I.1.1°/ Impact sur le commerce ....................................................................................... 125

I.1.2°/ Incidence sur les investissements directs étrangers (IDE).................................... 128

I.1.3°/ Incidences sur l’APD ............................................................................................. 130

I.1.4°/ Incidences sur les envois de fonds ....................................................................... 132

I.1.5°/ Incidences sur d’autres mouvements de capitaux ............................................... 133

I.2°/ Conséquences escomptées et incidences politiques .................................................. 134

I.2.1°/ Réduction de la croissance économique .............................................................. 134

I.2.3°/ Réduction des dépenses sociales et ralentissement des progrès accomplis pour

réaliser les OMD .............................................................................................................. 134

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Mémoire de fin d’étude

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I.2.4°/ Augmentation du chômage, de la vulnérabilité et de la pauvreté ....................... 135

I.2.5°/ Incidences sur les politiques ................................................................................. 136

II°/ Impact sur l’économie de l’UEMOA .................................................................................. 137

II.1°/ Le poids des risques à la baisse sur la croissance ....................................................... 137

II.1.1°/ Les risques pour l’UEMOA d’un affaiblissement de la conjoncture mondiale .... 138

II.1.2°/ Hypothèses du scénario défavorable .................................................................. 138

II.2°/ Vecteurs probables de transmission à l’UEMOA ........................................................ 139

Conclusion du chapitre II ............................................................................................................. 143

Conclusion de la 2ème partie ............................................................................................................ 144

Conclusion générale ............................................................................................................................ 145

Bibliographie........................................................................................................................................ 148

TABLE DES MATIERES .......................................................................................................................... 150