Upload
junias-ouedraogo
View
98
Download
10
Embed Size (px)
Citation preview
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
Projet de Fin d’Etude pour l’obtention d’une Licence en
Sciences Economiques et de Gestion
Thème :
Réalisé Par : OUEDRAOGO Rimpayaïsdé Junias Vittorio
CNE : E33042031
Sous la direction de : Monsieur Driss AFILAL
Juin 2012
Faculté des Sciences Juridiques, Economique et Sociales AIN-
CHOCK
Casablanca
Université Hassan II
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
1
DEDICACES :
Je dédie ce présent mémoire :
A mes parents et à mes frères : à Maman, à Papa, à Hermès, à Dan et à
Nicholson.
A mes pères, mères, grand-frères et grandes sœurs spirituels : à Papa
Karambiri, à Papa Rasmané, à Papa Emmanuel, à Papa Brou, à Maman
Coulibaly, à Maman Zoma, à Papa Sambo, à Esaïe, à Marthe…
A mes grands-parents, oncles et tantes sans oublier mes chers cousins
A Maman Eva, à Maman Delphine à Tonton et Tantie Segda qui m’ont
toujours montré que je suis aussi leur enfant voire leur fils ;
Aux personnalités du monde économique qui m’inspirent par leurs exploits,
leur expérience, leurs œuvres et pour leur « grande et humble philosophie »
d’un monde prospère dans l’amour du travail, l’équité et la justice : au Pr.
Joseph Eugène Stiglitz, à Mr Donald Kaberuka, Mme Ngozi Okonjo-
Iweala, à SEM Kadré Désiré Ouédraogo, à SEM Tertius Zongo, à Mr Jean
Baptiste Compaoré, au Pr. Nicolas Agbohou, à Mr Zacharie Ouédraogo…
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
2
REMERCIEMENTS
Dans la vie, l’Homme ne peut rien faire, de nos jours, sans l’aide d’autrui. Loin
d’être un fidèle partisan de l’ingratitude, je témoigne ma reconnaissance et ma
profonde gratitude aux personnes ci-après sans qui ce présent projet de fin d’étude
n’aurait été réalisé :
A mon DIEU, en qui je me confie avec assurance et j’espère fermement dans la
persévérance, à qui je m’abandonne et je me consacre entièrement dans
l’amour ; Lui qui ne sommeil, ni ne dort pour moi par sa grâce et qui prend soin
de moi jours après jours ;
A Monsieur Zacharie Ouédraogo, mon père, pour l’achat des ouvrages qui
m’ont été d’une très grande utilité ;
A Monsieur Driss AFILAL, pour avoir accepté de m’encadrer avec joie, aussi,
pour ses conseils édifiants et surtout pour sa disponibilité et sa compréhension ;
A Monsieur Hicham El Himri pour son sens de l’écoute et pour ses conseils
qui donnent du courage à aller de l’avant ;
A Monsieur Morchid, pour son aimable appuie que je n’oublierai jamais de
toute ma vie ;
A Monsieur Dahmani, pour son aide précieuse et son geste qui resterons
gravés dans ma mémoire ;
A Fadi Hayin, pour sa disponibilité et pour son aide en me soutenant avec joie,
dans mes déplacements pour la documentation ;
A Cheick Sidi Alkhaïri Koné, pour sa compréhension et son aide et surtout
pour le sacrifice payé volontairement en se privant de moments de loisir que lui
procure son matériel informatique ;
A Hyppolite Balima et à Philémon Serge Kagoné, pour les informations que
j’ai reçues d’eux ;
Farouck Abdoul Aziz Yago, pour son aide dans la mise en forme du projet ;
A l’AMCI, pour la bourse dont j’ai bénéficiée pour mes trois années d’étude en
cycle de licence.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
3
SIGLES & ACRONYMES
APD : Aide publique au développement
BCE : Banque centrale européenne
BCEAO : Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest
BERD : Banque européenne de reconstruction et de développement
BIT : Bureau international du travail
BM : Banque mondiale
BRI : Banque des règlements internationaux
CDS : Credit default swaps
CEA : Commission économique pour l’Afrique
CFA : Communauté Financière Africaine
CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement
CUA : Commission de l’Union Africaine
FAO : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
FESF : Fonds européen de stabilité financière
FMI : Fonds monétaire international
IDE : Investissement direct étranger
INSEE : Institut national des statistiques et des études économiques
MES : Mécanisme européen de stabilité
OAT : Obligation assimilé au Trésor
OCDE : Organisation pour la coopération et le développement économique
ODAC : organismes divers d’administration centrale
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
4
OMD : Objectifs du millénaire pour le développement
ONDAM : Objectif national des dépenses d’assurance-maladie
PVD : Pays en voie de développement
PIB : Produit intérieur brut
PNB : Produit national brut
PSC : Pacte de stabilité et de croissance
SME : Système monétaire européen
TSCG : Traité européen de stabilité, de coordination et de gouvernance
UE : Union européenne
UEM : Union économique et monétaire
UEMOA : Union économique et monétaire ouest africain
VAN : Valeur actuelle nette
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
5
SOMMAIRE
DEDICACES : ............................................................................................................................................. 1
REMERCIEMENTS .................................................................................................................................... 2
SIGLES & ACRONYMES ............................................................................................................................. 3
SOMMAIRE .............................................................................................................................................. 5
INTRODUCTION GENERALE ..................................................................................................................... 7
Partie n°1 : Dette publique et dette souveraine ................................................................................... 10
Introduction de la 1ère Partie ............................................................................................................. 10
Chapitre I : La dette publique : notions, concepts et impact socio-économique ............................. 11
Introduction du chapitre I ............................................................................................................. 11
Section I : Notions et concepts sur la dette publique ................................................................... 11
I°/ Concepts relatifs à la dette publique .................................................................................... 11
II°/ Notions relatives à la politique budgétaire ......................................................................... 16
Section II : L’impact socio-économique de la dette publique ....................................................... 22
I°/ L’impact économique de la dette publique et de sa réduction ........................................... 22
II°/ L’impact sociale et les pièges de la dette publique ............................................................. 32
Conclusion du chapitre I .................................................................................................................... 34
Chapitre II : La dette souveraine des économies avancées et la crise de la zone euro .................... 35
Introduction du chapitre II ............................................................................................................ 35
Section I : Les contextes spécifiques de la dette souveraine et de la crise de la zone euro ......... 35
I°/ Les réalités de la dette souveraine des économies avancées .............................................. 36
II°/ La crise de la zone euro : risque pays et risque systémique................................................ 50
Section II : Stratégies de réduction de la dette publique .............................................................. 65
I°/ Plan d’austérité budgétaire : cas de la Grèce ....................................................................... 66
II°/ Plan de réduction progressive de la dette publique : cas de l’Allemagne et de la France .. 81
Conclusion du chapitre II ............................................................................................................... 91
Conclusion de la 1ère partie ................................................................................................................ 92
Partie n°2 : Les solutions de sortie de la crise de l’avenir de l’euro et son impact de la crise sur
l’économie mondiale ............................................................................................................................. 94
Introduction de la 2ème Partie ............................................................................................................ 94
Chapitre I : L’avenir de l’euro : le MES et le TSCG ............................................................................. 96
Introduction du chapitre I ............................................................................................................. 96
Section I : La crise de l’euro : facteurs et défaillances .................................................................. 96
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
6
I°/ Les jeux des marchés financiers ........................................................................................... 97
II°/ Organisation et solidarité défaillantes ................................................................................ 98
Section II : Vers une sortie durable de la crise de l’euro ............................................................. 105
I°/ La gouvernance économique européenne ......................................................................... 107
II°/ Le contraste entre les « eurobonds » et les « projects bonds » ....................................... 112
Conclusion du chapitre I .............................................................................................................. 117
Chapitre II : Soutenabilité de la dette publique et impact de la crise de l’euro sur l’économie
africaine ........................................................................................................................................... 118
Introduction du chapitre II .......................................................................................................... 118
Section I : Soutenabilité des finances publiques ......................................................................... 118
I°/ Soutenabilité de la politique budgétaire ............................................................................ 119
II°/ Soutenabilité de la dette publique : quelques critères ..................................................... 123
Section II : Impact de la crise de l’euro sur l’économie africaine ................................................ 124
I°/ L’impact sur l’économie africaine : cas général.................................................................. 125
II°/ Impact sur l’économie de l’UEMOA .................................................................................. 137
Conclusion du chapitre II ............................................................................................................. 143
Conclusion de la 2ème partie ............................................................................................................ 144
Conclusion générale ............................................................................................................................ 145
Bibliographie........................................................................................................................................ 148
TABLE DES MATIERES .......................................................................................................................... 150
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
7
INTRODUCTION GENERALE
L’histoire de l’économie mondiale nous montre qu’une grande partie des crises
monétaires, financières et économiques qui ont secouées notre planète à plusieurs
reprises, est dû pour la plupart du temps à un problème d’endettement. La dette se
définit comme étant la somme empruntée par un débiteur c’est-à-dire l’emprunteur à
un créancier c’est-à-dire le prêteur. On distingue donc deux (02) types de dette : la
dette privée et la dette publique. Quand on parle de dette privée, on parle de
l’ensemble des emprunts effectués par les agents économiques privés tels que les
ménages, les entreprises. Par contre, quand on parle de dette publique, on parle, le
plus souvent, de l’ensemble des emprunts effectués par l’Etat ; d’une façon générale,
ce n’est pas celui de l’Etat seulement, mais aussi celui des administrations publiques.
Si elle est à long terme, on parle de dette consolidée et à court terme, de dette
flottante. La plupart du temps, quand les médias parlent de la dette des pays du Sud,
ils parlent en fait de la dette extérieure des pays du tiers monde ; il s’agit de
l’ensemble des sommes empruntées auprès des créanciers extérieurs au pays à savoir :
un autre Etat à travers la coopération bilatérale, une banque commerciale étrangère,
une institution internationale à travers la coopération multilatérale : le Fonds
Monétaire Internationale (FMI), la Banque Mondiale (BM)…Notons que cette forme
de dette rentre le plus souvent dans le cadre de l’Aide Publique au Développement
(APD) et concerne généralement les pays à revenus intermédiaires et à faibles
revenus ; elle doit être remboursée en monnaie du pays créancier, en devises
étrangères. La dette souveraine est la dette souscrite ou garantie par un émetteur
souverain comme un Etat ou une Banque centrale à la seule différence, par rapport à la
dette extérieure, que l’emprunt est effectué directement sur les marchés financiers :
c’est le cas généralement des pays industrialisés du Nord à économies développées ou
avancées. La dette intérieure correspond donc à celle contractée auprès d’un
créancier intérieur au pays et cela concerne généralement la plupart des économies
modernes ; elle doit être remboursée en monnaie locale ou nationale. Notons que les
dettes publiques ne sont pas les mêmes et n’ont pas les mêmes particularités dans le
monde mais cela n’empêche pas que l’on remarque quelques similitudes compte tenu
du niveau du développement de chacun.
Parmi les plus grandes crises d’endettement que l’économie mondiale a connues de
façon systémique, nous pouvons citer d’abord, la crise de l’endettement des années
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
8
1980, qui a touché la majeure partie des pays de l’Amérique latine en commençant par
le Mexique en 1982, et les autres pays en voie de développement (PVD) de la région
tels que l’Argentine, le Brésil, le Chili ; ensuite la crise financière de 1997 qui a
touché cinq (05) pays de l’Asie du Sud-Est à savoir la Thaïlande, les Philippines, la
Malaisie, l’Indonésie et la Corée du Sud ; après cela, il y a eu aussi la crise
immobilière des subprimes de 2007-2008 qui a commencé aux Etats-Unis pour
s’étendre à l’ensemble des économies avancées en Europe et en Asie sous la forme
d’une crise financière mondiale jamais rencontrée depuis la crise de 1929 ; et enfin la
crise de la zone euro qui, à la base, est une crise des finances publiques qui a
commencé avec la Grèce pour s’étendre en Irlande, au Portugal voire l’Espagne et
l’Italie.
Sachant que toutes ces crises ci-dessus, à la base, sont liées à un problème dette, il
faut noter que chacune d’elles a sa particularité dans un contexte précis. D’abord la
crise de l’endettement des années 1980 était un problème de dette extérieure des pays
à revenus intermédiaires de l’Amérique latine vis-à-vis des banques commerciales
internationales de l’Occident sous forme de prêts à moyen et long terme. Ensuite, la
crise financière asiatique de 1997 était un problème de dette privée à court terme,
pour l’essentiel, des emprunts des banques locales auprès des banques commerciales et
institutions financières étrangères pour les prêter à moyen et à long terme aux
entreprises locales ; une crise accélérée et aggravée également par la spéculation sur la
dévaluation du bath thaïlandais. Aussi, la crise immobilière des subprimes de 2007-
2008 est caractérisée par un problème de dette privée contractée, cette fois-ci par les
ménages américains auprès des banques commerciales locales qui ont escompté ces
titres de créances risqués à des institutions financières locales qui les ont placés dans
des portefeuilles diversifiés pour les émettre sur les marchés financiers à savoir les
grandes places financières de la planète d’où l’impact catastrophique engendré par
l’éclatement de cette bulle immobilière traduit par un effet d’entrainement sur la
finance internationale ce qui a plongé l’économie mondiale dans une récession totale
sans merci. Enfin, la crise de la zone euro, conséquence mécanique de la crise
financière de 2008 à cause de l’intervention des gouvernements, qui est
essentiellement une crise des finances publiques plus précisément une crise de la dette
souveraine et qui a commencé en Grèce pour s’étendre en Irlande, au Portugal voire en
Espagne et en Italie, tout cela avec un risque de contagion qui menace l’avenir de la
l’Union Economique et Monétaire (UEM) de la zone euro sans oublier le cas de la
dette publique des Etats-Unis.
Au regard de toute l’histoire de ces crises qui ont secouées l’économie mondiale, il
nous est, tout à fait normal, de nous interroger précisément sur la question de la dette
publique à savoir sa gestion et surtout ces dangers en passant par l’analyse de son
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
9
impact sur le plan économique et social et de son implication en tant que facteur basic
de crises économiques.
Faut-il, oui ou non, recourir à la dette publique et aussi au déficit budgétaire ? Si
oui, quel sont les avantages de la dette publique ? Aussi, y a-t-il une limite
d’endettement, à savoir un seuil ne pas dépasser ? Et quel sont les pièges qui y sont
rattachés ? Quel est son rôle dans l’éclatement de crises ?
Tenant compte, aussi, de l’actualité économique qui captive l’attention du monde
entier sur l’évolution de la crise de l’avenir de l’euro, nous allons nous intéresser
particulièrement, de façon pratique, à la dette souveraine des économies avancées tels
que les Etats-Unis, le Japon, le Royaume Uni et les pays de la zone euro à savoir la
Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la France et l’Allemagne.
Dans la suite de notre travail, nous traiterons ces différentes problématiques en
deux grandes parties : primo, en parlant de la dette publique de façon générale y
compris les questions des dettes souveraines et de la crise de la dette de la zone euro,
et secundo, en parlant cette fois-ci de l’avenir de l’euro et de l’impact de la crise
actuelle sur l’économie mondiale en passant par la question de la soutenabilité des
finances publique et de l’impact de la crise de l’euro sur l’économie africaine.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
10
Partie n°1 : Dette publique et dette souveraine
Introduction de la 1ère Partie
La dette publique est l’ensemble des emprunts contractés par l’Etat et les
administrations publiques. D’abord, il faut noter que l’ensemble des opérations de
l’Etat est concentré, au titre de la Loi de finance, dans le budget qui se compose des
recettes (formées essentiellement par les impôts) et des dépenses (celles de
fonctionnement, celles d’investissement, celles de la dette). Ainsi, lorsque l’Etat
dépense plus qu’il ne perçoit de recettes fiscales, il emprunte auprès du secteur privé
pour financer le déficit budgétaire. On appelle dette publique, cette accumulation
d’emprunts passés. Tous les Etats ont une certaine dette, mais l’importance, y compris
la structure, de celle-ci varie considérablement d’un pays à l’autre, en d’autres termes
d’une économie à l’autre. Justement, nous avons déjà vu que la dette souveraine est la
catégorie de la dette publique qui concerne les pays industrialisés du Nord à
économies avancées.
Cette partie concerne essentiellement d’abord, tous les aspects de la dette publique,
d’une façon générale, sans oublier ses impacts, et ensuite, la dette souveraine des
économies avancées sans oublier le risque occasionné par son implication dans la crise
de la zone euro.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
11
Chapitre I : La dette publique : notions, concepts et impact
socio-économique
Introduction du chapitre I
La politique budgétaire est l’instrument que l’Etat utilise pour prendre des
dispositions règlementaires en matière de recettes et de dépenses, au titre de la Loi de
finance votée par le Parlement généralement pour une année budgétaire donnée.
Quand l’Etat décide d’augmenter ses dépenses et prévoit de réduire ses recettes, on
parle de politique budgétaire expansionniste et dans le cas contraire, on parle de
politique budgétaire restrictive. On entend par politique budgétaire
discrétionnaire, celle que prend l’Etat sans tenir compte de l’évolution du cycle
économique. Quand l’économie est récession, on constate généralement, une baisse
des recettes fiscales et mécaniquement, une hausse des dépenses publiques : on parle
des stabilisateurs économiques. Quand l’Etat décide de réduire le déficit budgétaire
en augmentant les impôts, tout en gardant inchangées les dépenses publiques, on parle
de contraction budgétaire ou de consolidation fiscale.
Section I : Notions et concepts sur la dette publique
La dette publique se conçoit autour d’un certain nombre de concepts relatifs à elle-
même et aussi d’un certain nombre de notions également relatives à la politique
budgétaire. Les concepts relatifs à la dette publique qui nous intéressent
principalement sont : les indicateurs ou ratios d’endettement, les différents types et
formes de dette publique. Les notions relatives à la politique budgétaire qui nous
requièrent notre attention sont : la contrainte budgétaire de l’Etat, les problèmes de
mesure du déficit budgétaire voire la question du fédéralisme budgétaire.
I°/ Concepts relatifs à la dette publique
La dette publique implique, au cours d’une année donnée, les aspects suivants :
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
12
-la charge de la dette : qui correspond à l’intérêt du capital emprunté ;
-le service de la dette : qui comprend, d’une part, le remboursement du principal c’est-
à-dire le capital emprunté, et d’autre part, la charge de la dette.
L’endettement d’un pays est supportable si son service peut se faire sans recours à
un financement exceptionnel (tel qu’un allègement consenti par des donateurs
amicaux) et sans un ajustement futur du revenu et des dépenses du pays. L’aptitude
d’un pays à rembourser sa dette dépend d’un certain nombre de facteurs : l’ampleur de
la dette, ses déficits commerciaux et budgétaires, le taux d’intérêt perçu sur sa dette, sa
vulnérabilité à des chocs (tels que des catastrophes naturelles, ou voire récession de
l’activité économique) et le taux de croissance du son PIB, de ses exportations et des
recettes fiscales de l’Etat.
Il est important de tenir compte du calcul de la valeur actuelle nette (VAN) de la
dette compte tenu de la durée de remboursement et du taux d’intérêt en vigueur. Un
prêt accordé aux conditions normales du marché aurait une VAN égale à 100% de sa
valeur nominale, un don aurait une VAN nulle et des prêts subventionnés auraient une
VAN intermédiaire, en fonction du taux d’intérêt et de la structure des échéances c’est-
à-dire du calendrier de remboursement du capital du prêt.
Comment se définit donc la capacité d’un pays à payer sa dette c’est-à-dire le
potentiel de remboursement ? Les mesures les plus courantes sont : le PIB, les
exportations et les recettes fiscales des pouvoirs publics.
I.1°/ Les indicateurs d’endettement
De façon classique, les analystes utilisent ces mesures générales sous la forme de
ratios dont le numérateur contient la dette ou le service de la dette et le dénominateur
montre une mesure du potentiel de remboursement. Les indicateurs d’endettement les
plus courants sont :
Le ratio dette/PIB, qui, constituant peut-être l’étalon le plus large du caractère
supportable de la dette, compare la dette totale à la capacité totale de
l’économie à générer des moyens financiers pour effectuer les remboursements.
Un autre critère en rapport étroit utilise la VAN : dette en VAN/PIB.
Le ratio dette/exportations compare (comme le ratio VAN/exportations)
l’endettement total à la capacité du pays à générer des devises. Un éventail plus
étendu de ratios dette/exportations reflèterait la tendance des exportations à
fluctuer plus largement que le PIB.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
13
Le ratio dette/ recettes fiscales (ou dette en VAN/recettes fiscales) est
particulièrement pertinent quand le gouvernement est le principal débiteur et
que sa capacité de générer des recettes fiscales pour rembourser les prêts
soulève des préoccupations.
Le ratio service de la dette/exportations présente le grand avantage d’appeler
l’attention sur le montant arrivant à échéance pendant une année donnée par le
rapport aux gains disponibles à l’exportation pour effectuer les paiements, mais
il est moins révélateur de la charge générale à long terme de la dette.
Le ratio service de la dette/recettes fiscales met l’accent sur la capacité des
pouvoirs publics à générer des recettes fiscales leur permettant d’effectuer les
remboursements arrivant à échéance en une année donnée. Plus ce ratio est
élevé, plus il faut affecter des recettes fiscales aux remboursements de la dette
et moins le pays dispose de recettes pour d’autres dépenses publiques dans les
domaines de la santé, de l’éducation, de la recherche et des infrastructures ou
répondant d’autres objectifs.
Le ratio dette étrangère à court terme/réserves de devises met l’accent sur le
montant de la dette dont le remboursement vient à l’échéance l’année suivante
par rapport au montant existant des réserves de devises.
A partir de tout cela, il faut noter que l’utilisation de ces ratios implique deux
aspects importants que tiennent compte les pays dans leurs stratégies pour faire face à
des problèmes d’endettement :
-l’insolvabilité : un débiteur insolvable ne dispose pas du montant net lui permettant
de rembourser ses encours de dettes à partir de gains futur ;
-l’illiquidité : un débiteur illiquide ne possède pas sous la main les espèces lui
permettant de remplir ses engagements au titre du service de la dette en cours, même
s’il possède le montant net nécessaire au remboursement de l’endettement à long
terme.
Un emprunteur illiquide peut avoir besoin d’espèces pour faire des paiements
immédiats, tout en conservant la capacité de rembourser sa dette progressivement,
tandis que l’emprunteur insolvable n’a pas le revenu ou les actifs nécessaires au
remboursement. En fait, le ratio dette/PIB mesure la solvabilité d’ensemble, en
indiquant, la valeur de la dette par rapport aux ressources économiques globales. Les
indicateurs service de la dette/exportations, service de la dette/recettes fiscales et dette
à court terme/réserves mesurent la liquidité, et indiquent si un pays possède la capacité
d’effectuer les paiements arrivant à échéance cette année.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
14
A première vue, ces ratios apparaissent simplistes et mécaniques, mais chacun
d’eux appréhende des caractéristiques plus larges et importantes de la dette comme de
l’économie et en dépend.
I.2°/ La typologie et les différentes formes de dette publique
Les différents types de dette publique sont : la dette externe, la dette interne, la
dette souveraine ; elles ont été déjà définies précédemment dans l’introduction
générale.
Aussi, la dette publique peut être analysée sous plusieurs formes :
I.2.1°/ La dette publique optimale et la dette publique maximale
La dette publique est, tout à fait, concevable dans la perspective que le rendement
de l’intervention publique ainsi financée outrepasse les coûts induits par la dette. Une
comparaison de ces coûts et du rendement de l’intervention publique permet donc de
déterminer la dette publique optimale ou encore le niveau optimal de l’endettement
public. L’intervention des pouvoirs publics peut porter sur des dépenses
d’investissement d’infrastructures, l’enseignement, le fonctionnement des institutions
publiques, la sécurité, ainsi qu’une diminution de la fiscalité afin de la rendre moins
néfaste pour la croissance économique. Le critère de la neutralité
intergénérationnelle1 requiert aussi que l’incidence de la démographie sur cette
neutralité soit intégrée dans l’analyse : dans la perspective d’un vieillissement
significatif de la population, il paraît opportun d’anticiper des charges accrues, sous la
forme de pensions et de soins de santé pour les personnes âgées, et de les faire financer
en partie par la génération actuelle. Concrètement, la détermination du niveau optimal
d’endettement public pose un problème. D’abord, la notion de contribution nette
équivalente de chaque génération aux administrations publiques peut se définir en
termes absolus ou relatifs. En outre, il est extrêmement ardu de mesurer le rendement
économique de l’intervention publique. Il est donc difficile de préciser le niveau
auquel le rendement de l’intervention publique financée par l’endettement est inférieur
aux coûts de la dette publique. En raison de ces problèmes méthodologiques, la
littérature empirique traitant du niveau optimal d’endettement est assez limitée, et les
résultats sont fortement divergents.
1 Celui-ciCelui-ci signifie que la contribution nette de chaque génération aux administrations publiques devrait
être équivalente
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
15
Il s’avère toutefois que la politique budgétaire ne correspond pas nécessairement à
ce que l’on peut considérer comme optimal d’un point de vue macroéconomique.
Ainsi, au cours des décennies écoulées, les administrations publiques de bon nombre
de pays ont fait preuve d’un manque de discipline budgétaire et ont dès lors accru leurs
niveaux d’endettement. La littérature attribue ce manque de discipline budgétaire au «
biais en faveur d‘un déficit » (deficit bias). Cela signifie que le processus décisionnel
démocratique peut inciter à dévier d’une politique budgétaire optimale. La politique
budgétaire pourrait, ainsi, être trop peu prévoyante lorsque la population ne voit
essentiellement que les avantages à court terme d’un abaissement des impôts ou d’une
hausse des dépenses, sans être toujours consciente du caractère néfaste des éventuelles
retombées à long terme d’une politique budgétaire expansive. Les décideurs politiques
pourraient avoir tendance à jouer sur ce plan en vue d’accroître leurs chances de
réélection. De plus, il est possible qu’il existe une tendance naturelle à avantager
sciemment les générations actuelles et à déplacer le fardeau de l’endettement sur les
générations à venir d’où l’expression pertinente de Herbert Hoover qui affirme :
« heureux sont les jeunes, car ils hériteront de la dette nationale ».Une autre
explication du biais en faveur d’un déficit résiderait dans ce que la théorie des jeux
nomme le « problème de la mise en commun » (common pool problem). En matière
de politique budgétaire, ce concept signifie que chaque groupe d’intérêt ou chaque
parti au sein d’un gouvernement de coalition veille à ses propres intérêts, le déficit
budgétaire et la dette publique pouvant ainsi dépasser les niveaux optimaux. Des
institutions indépendantes et des règles imposant des restrictions budgétaires peuvent
contrecarrer le biais en faveur d’un déficit et ses effets indésirables.
Outre le concept de la dette optimale, la littérature se penche aussi sur le concept
de la dette publique maximale acceptable, ou encore la capacité maximale de
remboursement de l’endettement public. En effet, le niveau actuel d’endettement
public est, par définition, égal à la valeur actualisée des soldes primaires futurs. Dans
la littérature, il est fait référence au concept de contrainte budgétaire intertemporelle.
Sur la base de cette contrainte, plus le taux d’endettement public est élevé, plus les
soldes primaires futurs doivent être importants. Par conséquent, le taux
d’endettement maximal acceptable correspond à la valeur actualisée des soldes
primaires futurs maximaux acceptables. Une hausse des soldes primaires ne peut se
concrétiser que par le biais d’une augmentation des recettes publiques ou d’une
restriction des dépenses publiques. Dès lors, le taux d’endettement maximal
acceptable est déterminé par le niveau maximal acceptable des recettes publiques et
le niveau minimal acceptable des dépenses publiques primaires. Ces niveaux ne
peuvent pas être établis uniquement à partir de considérations économiques. Ce sont
essentiellement des considérations sociales et politiques qui peuvent imposer des
restrictions en la matière. Si le niveau actuel de la dette publique est supérieur à la
valeur actualisée des soldes primaires futurs que la population est disposée à générer,
se posera alors – tôt ou tard – un problème de défaut de paiement de la dette publique.
Il est toutefois extrêmement difficile de quantifier le concept théorique de taux
d’endettement maximal. Par ailleurs, le taux d’endettement maximal acceptable peut
varier d’un pays à l’autre.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
16
I.2.2°/ La dette implicite
Comme nous l’avons déjà vu dans le I.1°/, une mesure largement utilisée de la
santé budgétaire est le ratio dette/PIB. Ce ratio peut rester stable ou diminuer même en
présence de déficits budgétaires modérés si le PIB augmente constamment.
Cependant, un ratio dette/PIB stable peut donner l’impression fausse que tout va
bien dans la mesure où les gouvernements modernes sont souvent confrontés à une
dette implicite importante. La dette implicite représente des promesses de dépenses
faites par les gouvernements qui sont effectivement une dette du fait qu’elles ne sont
pas incluses dans les statistiques habituelles de la dette.
La dette implicite la plus importante provient des systèmes de retraite et de soins
de santé dont les coûts augmentent en raison du vieillissement de la population et aussi
de l’augmentation des frais médicaux.
I.2.3°/ Relation entre les guerres, le déficit budgétaire et la dette publique
A titre de rappel, le déficit budgétaire est égal à l’excédent des dépenses publiques
sur les recettes fiscales et qui correspond au nouveau montant que devra emprunter
l’Etat pour financer ses politiques ; ce qui veut dire que la dette publique est égal à la
somme des déficits passés des administrations publiques.
Justement, les guerres suscitent, en général, de gros déficits. Les gouvernements
doivent-ils toujours financer les guerres forcement en s’appuyant sur les déficits ?
Sachant que, en général, les économies de guerre connaissent un chômage très faible
de sorte que les considérations en terme de stabilisation de la production ne
s’appliquent pas évidemment, la réponse est, cependant, oui. En effet, il y a deux
raisons pour qu’il y ait des déficits en temps de guerre. La première relève d’un souci
de redistribution : le financement par le déficit fait peser sur plusieurs générations le
poids de la guerre. La deuxième est purement économique : le déficit permet de
réduire les distorsions fiscales.
II°/ Notions relatives à la politique budgétaire
En général, dans tous les pays, on ne peut pas parler de la dette publique sans faire
référence à la politique budgétaire d’une manière ou d’une autre. Les notions relatives
à la politique budgétaire, qui captent notre attention, sont : la contrainte budgétaire de
l’Etat, les problèmes de mesure du déficit budgétaire et la question importante du
fédéralisme budgétaire.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
17
II.1°/ La contrainte budgétaire de l’Etat
Quand on parle de la contrainte budgétaire de l’Etat, on parle, généralement, de la
relation entre la dette publique, le déficit budgétaire et les impôts.
Supposons que, à partir d’une situation où le budget est équilibré, le gouvernement
décide de baisser les impôts d’où le déficit. Comment va réagir ou évoluer la dette ?
Les impôts devront ils croître plus tard ? Si oui, à partir de quel moment ?
La contrainte budgétaire de l’Etat signifie que la variation de la dette publique est
égale au déficit de l’année en cours. Si le gouvernement fait du déficit, la dette
publique croît ; s’il bénéficie d’un surplus c’est-à-dire d’un excédent budgétaire, sa
dette diminue. La contrainte budgétaire de l’Etat relie l’évolution de la dette à son
niveau initial et, également, aux dépenses et revenus de la période courante.
Le déficit, c’est-à-dire la variation de la dette, se compose en la somme de deux
(02) variables :
-la charge de la dette : les paiements d’intérêt sur la dette ;
-le déficit primaire : la différence entre les dépenses et les revenus, c‘est-à-dire,
l’excédent des dépenses sur les recettes, avec le service de la dette non compris dans
les dépenses d’où le nom de dépenses primaires.
Supposons que Bt est la dette courante ; Bt-1, la dette de l’année précédente ; r, le
taux d’intérêt de la dette ; Gt, les dépenses courante de l’Etat ; et Tt, les recettes
courantes de l’Etat. La formule du déficit budgétaire sera l’équation suivante :
( ) ( ) Avec :
-( ): le déficit budgétaire ou la variation de la dette ;
- : la charge de la dette ;
-( ) : le déficit primaire
II.1.1°/ Impôts courants et impôts futurs
Quelles sont les implications d’une baisse pendant un an des impôts pour
l’évolution subséquente des impôts et de la dette ?
Si les dépenses restent inchangées, une baisse des impôts aujourd’hui, implique
une hausse des impôts futurs. Plus le gouvernement attends pour augmenter les impôts,
ou plus le taux d’intérêt sera élevé, plus la hausse des impôts sera importante ;
II.1.2°/ Dette et surplus primaire
En cas de stabilisation de la dette publique sur plusieurs années, quel que soit le
moment, il faut que le gouvernement génère un surplus primaire ou excédent
primaire (contraire du déficit primaire) égal aux intérêts sur la dette accumulée.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
18
L’héritage des déficits est un niveau élevé d’endettement. Ainsi, pour stabiliser la
dette publique, le gouvernement doit disposer d’un surplus primaire d’un montant égal
d’un montant égal à la charge de la dette.
II.1.3°/ L’évolution du ratio dette/PIB
Reprenons la formule du déficit budgétaire en intégrant le ratio dette/PIB. Nous
aurons donc l’équation suivante :
( ) (
)
Avec :
-
: la variation du ratio de la dette/PIB ;
-( ) : la différence entre le taux d’intérêt réel et le taux de croissance ;
-(
) : le montant initial du ratio ;
-
: le ratio du déficit primaire au PIB.
La variation du ratio dette/PIB est la somme de deux (02) variables : la première,
est la différence entre le taux d’intérêt réel et le taux de croissance multiplié par le
montant initial du ratio, la deuxième, est le ratio du déficit primaire au PIB.
L’évolution du ratio de la dette de l’OCDE, selon l’équation, implique que la
hausse du ratio de la dette sera d’autant plus important que :
-le taux d’intérêt réel sera élevé ;
-le taux de croissance de l’économie sera plus faible ;
-le ratio initial de la dette sera plus élevé ;
-le ratio du déficit primaire au PIB sera plus élevé.
Dans les années 1980, des taux d’intérêt réels élevés, une faible croissance et
d’importants déficits primaires ont contribué à une hausse de l’endettement dans la
plupart des pays de l’OCDE.
Dans les années 1990, les pays ont réagi en générant des forts excédents primaires,
et le ratio d’endettement a connu une baisse dans la plupart de ces pays au cours de la
décennie en question.
II.2°/ Les problèmes de mesure du déficit budgétaire
Certains économistes sont convaincus que les mesures actuelles du déficit public
ne permettent pas d’évaluer correctement la portée de la politique budgétaire : soit,
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
19
parce qu’elles ne rendent pas compte de l’impact de celle-ci sur l’économie
contemporaine, soit parce qu’elles évaluent mal la charge fiscale qui sera reportée sur
les générations futures. Cette sous grande partie aborde quatre (04) des problèmes
associés à la mesure habituelle du déficit budgétaire : d’abord, l’inflation, ensuite, les
actifs immobilisés de l’Etat, après, les engagements non pris en compte, et enfin le
cycle conjoncturel.
II.2.1°/ Problème de mesure lié à l’inflation
La correction de l’inflation est le problème de mesure le moins contre versé :
l’endettement de l’Etat doit être mesuré en termes réels, et non en nominaux. Le déficit
mesuré devrait donc être égal à la variation de la dette réelle de l’Etat et non celle
nominale.
Sachant que le déficit est égal aux recettes de l’Etat diminuées négativement des
dépenses publiques, une partie de ces dépenses est constituée par la charge de la dette.
Les dépenses publiques ne devraient donc inclure que le taux d’intérêt réel sur la dette
et non le taux d’intérêt nominal ; surtout, quand l’inflation est élevée, cette correction
par le déflateur peut nous conduire à modifier notre évaluation de la politique
budgétaire.
II.2.2°/ Problème de mesure lié aux actifs immobilisés de l’Etat
Grand nombre d’économistes qui pensent qu’une évaluation correcte du déficit
budgétaire de l’Etat doit tenir compte des actifs immobilisés de celui-ci aussi bien que
de son endettement d’où le terme de la dette publique brute ; en terme nets, celui-ci
doit être mesuré sous déduction des actifs immobilisés d’où le terme de la dette
publique nette. C’est donc la variation de cette dernière qui mesure correctement le
déficit budgétaire.
La budgétisation avec compte de capital est la procédure budgétaire qui consiste à
tenir compte des immobilisations autant que des engagements de l’Etat. Par exemple,
supposons que l’Etat vende l’un de ses bâtiments dont il est propriétaire et qu’il en
utilise la contrepartie pour réduire le déficit annoncé. Avec un compte de capital, les
recettes tirées de la dette a, pour contrepartie, une diminution des actifs. De même,
avec un compte de capital, l’emprunt réalisé par l’Etat pour financer l’achat d’un bien
d’investissement n’accroît pas le déficit.
Le problème majeur, posé par cette procédure d’incorporation dans le budget d’un
compte de capital, est qu’il n’est pas aisé de discerner celles des dépenses publiques
qui doivent être considérées comme dépenses en capital.
Les opposants de celui-ci, sans nier la supériorité de ce système par rapport au
système usuel, lui reprochent une mise en œuvre extrêment complexe.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
20
Ceux qui le défendent, rétorquent qu’il vaut mieux, en tout état de cause, traiter de
manière imparfaite les actifs immobilisés plutôt que de les ignorer purement et
simplement.
II.2.3°/ Problème de mesure lié aux engagements de l’Etat non prises en compte
Pour certains économistes, le déficit budgétaire, tel qu’il est mesuré, induit en
erreur dans la mesure où il exclut certains engagements importants de l’Etat.
Les pensions de retraite des fonctionnaires : ceux-ci fournissent des services
de travail dont une partie de la rémunération est reportée à une date future.
Fondamentalement, ces fonctionnaires prêtent donc de l’argent à l’Etat ; les
prestations de retraite qu’ils toucheront demain représentent pour l’Etat, un
engagement au même titre que le reste de sa dette. Cependant, l’accumulation
de cette dette particulière n’apparaît pas dans le déficit budgétaire.
Le système de sécurité sociale : les gens paient des cotisations aujourd’hui en
contrepartie d’indemnités qu’ils perçoivent en cas de maladie, d’accident du
travail, de chômage, ou encore de leur retraite. L’ensemble de ces indemnités
futures devrait peut-être apparaître au titre des engagements de l’Etat pour la
seule raison de se poser la question importante suivante : y a-t-il une différence
fondamentale entre les promesses de remboursement faites aux détenteurs
d’obligations de l’Etat et celles qui s’adressent aux bénéficiaires futures des
indemnités de sécurité social ?
Les engagements contingents : ce problème paraît particulièrement plus
complexe. Ainsi l’Etat octroie sa garantie à de nombreuses formes de crédit
privé tels que les emprunts effectués par les étudiants, les emprunts
hypothécaires des familles à revenus modestes et moyens, ou encore les dépôts
bancaires. Lorsque le débiteur rembourse son emprunt, l’Etat ne paie rien du
tout. Par contre, si l’emprunteur fait défaut, c’est l’Etat qui rembourse. En
octroyant ce type de garantie, l’Etat prend donc un engagement contingent au
défaut de paiement du débiteur. Ce type d’engagement n’apparaît pas non plus
dans le déficit budgétaire, notamment, parce qu’il est très difficile de lui
affecter une valeur précise.
II.2.4°/ Problème de mesure lié au cycle conjoncturel
Les fluctuations de l’activité économique expliquent un grand nombre des
variations du déficit budgétaire. Lorsque le rythme de l’activité se ralentit, les revenus
baissent et les ménages paient moins d’impôts surtout celui sur les revenus ; de même,
les profits diminuent et les entreprises paient moins d’impôts sur les bénéfices.
Naturellement, davantage de gens perçoivent des indemnités de chômage ou sont
pris en charge par d’autres formes d’assistance sociale : évidemment, les dépenses
publiques augmentent.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
21
Ces variations automatiques du déficit, d’où le terme stabilisateurs automatiques,
ne font pas référence à des erreurs de mesure. Ces variations rendent difficile la
gestion du déficit pour suivre les modifications de la politique budgétaire. En effet, le
déficit peut augmenter ou diminuer, aussi bien parce que l’Etat a modifié sa politique
que parce que l’activité économique est orientée à la hausse ou à la baisse.
Dans tous les cas, il est extrêment utile de connaître l’origine exacte des variations
du déficit budgétaire.
Pour pallier à ce problème, l’Etat calcule un déficit budgétaire de plein emploi
c’est-à-dire un déficit budgétaire corrigé des variations conjoncturelles.
II.3°/ Le fédéralisme budgétaire
Supposons que, dans une union monétaire donnée, l’on mette en place une
politique budgétaire commune dans le sens d’un budget unique pour tous les pays
membres de l’Union qui décident du montant des impôts à prélever et des dépenses à
réaliser. Ainsi, les excédents budgétaires d’un Etat dans une des régions de l’union
monétaire pourront servir à compenser le déficit budgétaire d’une autre région. Par
exemple, admettons qu’un choc asymétrique2 affectent le pays X et le pays Y dans le
sens où le premier connait une récession et le second, une expansion. Nous rappelons
que les stabilisateurs économiques permettent de stimuler automatiquement la
demande agrégée3 lorsque l’économie entre en récession et cela sans aucune
intervention particulière des décideurs politiques. Mécaniquement, les recettes fiscales
de X déclineront à la suite du choc de la demande ; au même moment, le montant des
transferts sociaux, sous forme d’allocations chômage par exemple, augmentera dans ce
pays. Le contraire est vrai pour le pays Y, où les stabilisateurs économiques jouent en
sens inverse, augmentant le montant des recettes fiscales et diminuant le montant des
transferts sociaux suite à l’expansion économique. Ces changements auront tendance à
stimuler la demande agrégée dans le pays X et à la réduire dans le pays Y, permettant,
ainsi, de compenser partiellement le choc initial.
Maintenant, si les gouvernements de X et de Y ont un budget commun,
l’augmentation nette des recettes fiscales dans le pays Y peut être utilisé afin de
compenser la baisse des recettes fiscales dans le X. Si l’impact de ces mesures sur la
demande est insuffisant, les gouvernements X et Y peuvent aller loin et décider
d’augmenter encore plus les dépenses dans le pays X et de les financer par une baisse
des dépenses et pourquoi pas par une augmentation des impôts dans le pays Y.
Ce type d’arrangement (une organisation budgétaire impliquant un budget unique
et un système d’imposition et de transferts commun à un groupe de pays) est connu
sous le nom de fédéralisme budgétaire. Le problème avec un tel système est que les
2 Un choc est dit asymétrique, soit parce qu’un évènement intervient dans un pays et pas dans les autres, soit
parce que les économies nationales ne réagissent pas de la même façon à un même évènement 3 Quantité de biens qu’un agent économique veut acheter pour chaque niveau des prix
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
22
contribuables d’un pays (ici pays Y) peuvent être mécontents de payer des dépenses
budgétaires engagées dans un autre pays (exemple du pays X).
Passons maintenant à l’étude de l’impact socio-économique de la dette publique.
Section II : L’impact socio-économique de la dette publique
Les conséquences du financement des dépenses de l’Etat par le déficit budgétaire
en recourant à la dette publique sont nombreuses : d’abord, elles sont sur le plan
économique, et ensuite, sur le plan social.
Les conséquences économiques peuvent être analysées à court et à long terme, que
nous tenterons de démontrer aussi sur la base de résultats empiriques. Les
conséquences sociales sont nombreuses sans oublier le fait que le recours de la dette
publique demande une bonne considération des pièges et aussi des dangers qui peuvent
entraîner une répercussion catastrophique pour l’avenir d’un pays.
I°/ L’impact économique de la dette publique et de sa réduction
I.1°/ Impact de la dette publique sur le PIB
I.1.1°/ Les effets à court et long terme d’une réduction de la dette publique
La littérature théorique et empirique consacrée à l’incidence de la politique
budgétaire voire de la dette publique sur l’activité économique est très vaste. Elle
n’offre cependant pas de réponse univoque quant au lien existant entre la politique
budgétaire et l’activité économique. L’impact dépend considérablement en fonction
des circonstances qui varient d’un moment à l’autre et aussi en fonction des pays. Quoi
de plus normal donc, que d’opérer une distinction entre l’impact économique à court
terme de la dette publique et celui à long terme.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
23
-Effets à court terme
À court terme, les mesures adoptées en vue d’assainir le budget devraient induire
un effet négatif sur la croissance économique. La plupart des études empiriques
montrent en effet que les multiplicateurs budgétaires – qui indiquent dans quelle
mesure une impulsion budgétaire déterminée influence la croissance de l’activité –
présentent un signe positif à court terme.
Cependant, l’ampleur de l’impact négatif à court terme d’un plan d’assainissement
sur l’activité économique varie selon les mesures adoptées. Des mesures relatives à la
consommation et aux investissements publics ont un impact relativement grand sur
l’activité économique, alors que des mesures portant sur des transferts, comme les
impôts ou les allocations sociales, ont une incidence plus limitée. En effet, ces
dernières ne modifient qu’indirectement la consommation ou les investissements, via
une modification des revenus des particuliers ou des sociétés. La mesure dans laquelle
les ménages et les entreprises sont confrontés à des restrictions de liquidités ou de
crédits est aussi importante pour connaître l’incidence de relèvements d’impôts ou de
réductions d’allocations sociales sur la croissance économique.
De plus, il semble que l’incidence négative des mesures d’assainissement sur la
croissance économique à court terme est plus faible – voire même pratiquement
inexistante – lorsque la situation des finances publiques se détériore et que cette
situation est perçue comme préoccupante. En effet, les mesures d’assainissement
peuvent permettre d’éviter une hausse des taux d’intérêt, qui comprimerait les
investissements privés. De plus, elles peuvent induire une baisse du taux d’épargne, du
fait par exemple du recul de l’épargne de précaution des ménages grâce à un regain de
confiance après une période de difficultés budgétaires4. Dans ce cas, l’incidence
négative sur l’activité économique à court terme pourrait être très limitée. Dans la
situation actuelle, ces derniers éléments semblent pertinents, si bien qu’un
assainissement budgétaire n’exercerait pas nécessairement un effet fortement négatif
sur la conjoncture.
L’ampleur de l’impact de la consolidation fiscale ou de la contraction budgétaire
est également fonction des conditions économiques et monétaires dans lesquelles elle
est mise en place. Lorsque la consolidation est mise en œuvre dans une petite
économie ouverte, son impact à court terme est plus limité que dans le cas d’une
consolidation simultanée dans plusieurs pays, dont l’effet de freinage sur la demande
globale est plus important.
Ensuite, si les Banques centrales ont la possibilité d’adopter une politique
accommodante, la consolidation est moins pénalisante pour la croissance. Toutefois, si
les taux d’intérêt sont proches de zéro, la capacité des Banques centrales de compenser
4 Selon la théorie de l’équivalence ricardienne, une augmentation de la dette publique est compensée par un
accroissement du taux d’épargne des particuliers, car ceux-ci tiennent compte d’une possible hausse des impôts et d’une possible baisse des dépenses publiques à l’avenir. La théorie de l’équivalence ricardienne repose toutefois sur une série d’hypothèses non réalistes, comme le fait que les ménages n’ont pas de contraintes budgétaires et qu’ils prennent en compte un horizon temporel infini et des impôts forfaitaires (lump-sum taxes). Par conséquent, une augmentation de la dette publique peut certes entraîner un accroissement du taux d’épargne des particuliers, mais ce dernier ne sera pas suffisant pour compenser totalement le repli de l’épargne nationale nette.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
24
la baisse de la demande globale et de l’inflation qui pourraient résulter de
l’augmentation des recettes et de la réduction des dépenses publiques est plus limitée.
Enfin, la présence d’un taux de change fixe tend à renforcer l’incidence négative de la
consolidation sur la croissance, comparativement à un système de taux de change
flottant, qui joue généralement un rôle important d’amortisseur.
-Effets à long terme
Contrairement aux effets de court terme, les effets à long terme d’un
assainissement budgétaire qui permet d’assurer la soutenabilité des finances publiques
sont indéniablement positifs. Ceux-ci incluent notamment une baisse des taux d’intérêt
à long terme, en raison d’une contraction de l’offre de titres publics placés sur le
marché et d’une réduction des primes de risque. En outre, la réduction des charges
d’intérêts résultant d’un assainissement permet de libérer davantage de moyens pour
réaliser des dépenses publiques productives ou pour alléger la pression fiscale et
parafiscale.
D’après la littérature, les assainissements budgétaires reposant sur des réductions
des dépenses sont plus efficaces et exercent des effets plus favorables sur la croissance
économique à long terme que ceux qui s’appuient sur une hausse des recettes
publiques c’est-à-dire la consolidation fiscale. C’est particulièrement le cas si ces
assainissements budgétaires portent sur d’autres dépenses que celles qui sont
généralement considérées comme productives, comme les dépenses en matière
d’investissement, d’enseignement, de recherche et d’innovation. L’ampleur de
l’impact de la consolidation sur l’activité économique sera fonction de l’utilisation
faite des économies générées par l’austérité budgétaire.
I.1.2°/ Les mécanismes de transmission d’une variation de la dette publique
La hausse (la diminution) de la dette publique peut exercer une influence négative
(positive) sur l’activité économique à long terme de plusieurs manières. Trois grands
canaux de transmission peuvent être distingués.
Tout d’abord, d’une manière générale, l’augmentation de la dette publique
correspond à une diminution de l’épargne positive ou une augmentation de l’épargne
négative des administrations publiques, ce qui induit une diminution du volume de
l’épargne nationale nette.
Celle-ci tend à relever les taux d’intérêt. La hausse des taux d’intérêt provoque une
réduction des investissements et de la croissance du stock de capital. Il en résulte une
moindre productivité du travail. Le ralentissement de l’accumulation de capital freine
les innovations, qui améliorent la productivité. Il convient de remarquer que
l’incidence sur les taux d’intérêt dépend de l’importance de la région affectée par la
hausse de la dette publique. Si cette dernière se limite à une petite économie ouverte,
l’incidence qui s’exercera sur les taux d’intérêt de marché sera très modeste. En
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
25
revanche, si la dette augmente simultanément dans des pays formant une grande zone
économique, l’impact à la hausse sur les taux d’intérêt de marché sera substantiel.
Figure 1 : Mécanisme de transmission (1)
En outre, l’augmentation de la dette conduit à un relèvement des charges d’intérêts.
Celles-ci se substituent alors à des dépenses productives – par exemple des
investissements publics d’infrastructures – ou sont compensées par une hausse de la
taxation et des distorsions qui y sont liées. Selon la mesure fiscale introduite, des effets
négatifs peuvent se faire sentir sur la consommation – dans le cas d’une augmentation
de la TVA et des accises –, sur les investissements privés – dans le cas des taxes sur le
capital –, ainsi que sur l’offre de travail – dans le cas des taxes sur les salaires.
Enfin, lorsque l’augmentation de la dette conduit à l’émergence du risque
souverain, la dette affecte les primes de risque à la hausse. L’augmentation de celles-ci
génère un relèvement des coûts de financement qui peut mettre en péril la solvabilité
des finances publiques. De plus, cette évolution peut induire une hausse des taux
d’intérêt appliqués aux particuliers et aux entreprises.
Lorsque des dettes substantielles sont combinées à des conditions initiales
budgétaires défavorables, l’effet négatif et non linéaire d’une dette élevée sur les taux
d’intérêt serait amplifié. L’importance des conditions initiales budgétaires,
structurelles et institutionnelles, ainsi que des effets de contagion issus des marchés
financiers doit être soulignée dans ce contexte. Ainsi, des éléments tels que des
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
26
institutions faibles ou inadéquates, une épargne privée faible, un afflux de capitaux
étrangers peu élevé, le faible degré de compétitivité de l’économie nationale, un taux
de chômage élevé, un secteur bancaire fragile ou une forte sensibilité aux effets de
contagion jouent un rôle important pour déterminer l’ampleur de l’incidence de la
dette sur les taux d’intérêt. L’impact du vieillissement de la population sur la
soutenabilité des finances publiques peut également être un déterminant essentiel.
L’évolution des écarts de rendement sur les titres publics à dix ans des pays de la
zone euro vis-à-vis du Bund allemand met en évidence la forte sensibilité des primes
de risque sur les titres souverains depuis le début de la crise financière et économique.
Il apparaît de l’évolution de ces primes de risque que, depuis 2010 surtout, les marchés
financiers ont fortement revu à la hausse le risque de défaut de certains pays. Cette
évolution montre aussi que les marchés financiers peuvent réagir soudainement et que
cette réaction peut être très vigoureuse.
L’incidence négative de la dette publique sur l’activité économique peut se faire
aussi par le biais d’autres mécanismes de transmission, comme des attentes d’une
inflation plus élevée, une plus grande incertitude et une volatilité macroéconomique
accrue. L’impact que peut avoir une augmentation de la dette publique sur les
anticipations d’inflation est traité dans la partie I.1.3.
Il convient aussi de souligner que si la dette a une incidence négative sur la
croissance, la relation de causalité inverse est également vraie. En d’autres termes, une
détérioration de la croissance économique tend à augmenter le ratio de dette.
I.1.3°/ Résultats empiriques
-Relation entre la dette publique et la croissance économique
Des données couvrant la période 1970-2007, il ressort qu’il existe une relation
négative significative entre, d’une part, le niveau de la dette publique et, d’autre part,
la hausse du PIB par habitant à prix constants. Les économies avancées dont le taux
d’endettement est inférieur à 30 % du PIB ont présenté au cours de cette période une
augmentation moyenne du PIB par habitant à prix constants de 3,2 %, alors que cette
progression ne s’élevait qu’à 1,9 % pour les économies avancées ayant un taux
d’endettement supérieur à 90 % du PIB. Le lien est moins clair en ce qui concerne les
pays émergents, mais ici aussi la hausse moyenne du PIB par habitant à prix constants
est la plus forte dans les pays affichant la dette publique la plus modeste. Enfin, dans
les pays en développement, l’augmentation du PIB par habitant à prix constants est
clairement plus élevée à mesure que diminue la dette publique.
S’agissant des pays émergents et des pays en développement, une relation négative
peut aussi être observée pour la période 1970-2007 entre, d’une part, le niveau de la
dette publique et, d’autre part, la formation brute de capital fixe. Ce constat semble
confirmer l’existence d’un important canal de transmission qui opère par le biais de la
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
27
formation brute de capital. Par contre, pour les économies avancées, il n’apparaît pas
de lien net entre le niveau de la dette publique et la formation brute de capital fixe.
Plusieurs études empiriques ont tenté de déterminer le seuil limite de dette à ne pas
dépasser pour éviter une forte incidence négative sur la croissance économique. Ces
études5 confirment l’existence d’une relation de causalité négative et non linéaire de la
dette sur le PIB. Elles concluent en effet qu’un niveau de dette faible n’a pas
d’incidence sur la croissance économique, tandis qu’à partir d’un certain niveau, la
dette affecte négativement la croissance. D’après ces études, le niveau critique de dette
se situerait entre 90 et 100 % du PIB.
Figure 2 : Dette publique et croissance économique (1990-2007, taux de croissance annuel du PIB/ habitant à prix constants)
5 Voir par exemple Kumar et Woo (2010), Reinhart et Rogoff (2010a), Chercherita et Rother (2010) et Caner,
Grennes et Koehler-Geib (2010)
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
28
Figure 3 : Dette publique et formation brute de capital (1970-2007, formation brute de capital fixe en % du PIB)
Toutefois, dans certains cas, les faits observés ne permettent pas de vérifier cet
effet de seuil pour des niveaux de dette équivalents – ou supérieurs – à 90 à 100 % du
PIB. C’est le cas notamment du Japon, dont la dette dépasse les 200 % du PIB. Ce
seuil critique devrait donc être analysé et défini pays par pays, en tenant compte des
caractéristiques domestiques économiques, budgétaires et institutionnelles. La
perception des marchés du risque de solvabilité et de la stabilité macroéconomique est
également un élément crucial.
-Effets à long terme d’une réduction permanente de la dette publique
Si, à court terme, une consolidation budgétaire est généralement pénalisante pour
les pays qui ne connaissent pas de problèmes de solvabilité importants, à long terme,
un rééquilibrage budgétaire serait bénéfique. Ainsi, sur la base des simulations du
FMI6, une réduction de la dette de 10 % dans la zone euro, aux États-Unis et au Japon
permettrait d’accroître la production dans ces pays, mais aussi dans le reste du monde.
Le rééquilibrage introduit dans cet exercice de simulation se compose de réductions
permanentes de la consommation et des transferts publics. La réduction du déficit
conduirait à une baisse progressive des taux d’intérêt réels, ce qui stimulerait les
investissements privés.
6 Pour plus de détails, voir FMI (2010).
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
29
Figure 4 : Effet à long terme d’une baisse permanente de 10 points de pourcentage du
ratio de la dette publique/PIB du G3 (1), (2)
(G3= zone euro, Etats-Unis, Japon ; pourcentage, sauf mention contraire)
Pour une diminution des ratios de dette de 10 %, la réduction des taux d’intérêt
s’élèverait à 30 points de base. Cette baisse des taux d’intérêt provoquerait une hausse
des investissements privés, ce qui permettrait d’accroître le stock de capital physique
ainsi que la production à long terme. Le FMI souligne que l’amélioration de la
production dans les pays sous analyse engendre aussi des bienfaits pour le reste du
monde, qui bénéficie d’une augmentation des exportations vers ces pays. Dans
l’exercice du FMI, le stock de capital serait ainsi relevé de 2,1 % dans les pays
concernés et de 1,6 % dans le reste du monde.
En outre, la baisse des taux d’intérêt permettrait de réduire les charges sur la dette.
Si ces économies d’intérêts sont utilisées pour réduire les impôts sur les revenus du
travail, l’offre de travail et, par conséquent, la production augmenteront. Si les
économies d’intérêts sont utilisées pour réduire les impôts sur les revenus du capital,
les effets à long terme sur la croissance pourraient être encore plus favorables, par le
biais d’investissements accrus dans le secteur privé. Par contre, si les économies sont
utilisées pour réduire la fiscalité sur la consommation ou augmenter les transferts
publics, l’augmentation de la production serait plus modérée.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
30
Figure 5 : Idem Figure 4, Incidence sur le PIB à prix constant, selon l’utilisation de
l’économie en intérêts (%)
Pendant les trois premières années de la consolidation, les coûts de celle-ci seraient
supérieurs aux gains. Ensuite, les gains devraient dépasser indéfiniment les coûts de
l’assainissement budgétaire. Après cinq ans, les gains engendrés par la consolidation
compenseraient exactement les pertes subies les trois premières années. À long terme,
le PIB serait relevé de 1,4 % dans la zone euro, aux États-Unis et au Japon, et de 0,8 %
dans le reste du monde.
Il convient de souligner que cette simulation du FMI ne tient pas compte de l’effet
positif d’une réduction de la dette sur la perception du risque souverain, et par ce biais,
sur la prime de risque sur les titres publics. Cette évolution permettrait, elle aussi, de
contribuer à la réduction des coûts de financement de la dette et des charges d’intérêts,
ce qui renforcerait et accélèrerait les effets positifs à long terme sur la production.
I.2°/ Impact de la dette publique sur l’inflation
Une augmentation de la dette publique peut induire dans certains cas une hausse du
risque d’inflation. Si la dette publique s’accroît fortement, les pouvoirs publics
peuvent en effet être tentés de réduire la valeur de cette dette en créant de l’inflation.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
31
Ceci survient si la dette publique est monétisée7 : on parle de la monétisation de la
dette publique. Dans ce cas, les pouvoirs publics émettent des dettes qui sont achetées
par la Banque centrale – elle y est le plus souvent contrainte. L’argent que les pouvoirs
publics reçoivent ainsi de la Banque centrale est utilisé pour financer le déficit
budgétaire. La masse monétaire augmente de ce fait considérablement et une poussée
inflationniste est observée, pouvant conduire à une hyperinflation.
Toutes les périodes d’hyperinflation qui ont été relevées dans le passé trouvent
d’ailleurs leur origine dans une crise budgétaire, qui peut découler d’une guerre, de
chocs économiques extrêmement négatifs ou d’une mauvaise politique. Cette crise
budgétaire peut empêcher les administrations publiques de se financer sur le marché
des capitaux, ou les forcer à le faire à des taux d’intérêt très élevés, ce qui les pousse à
recourir à la monétisation de la dette publique.
Si la dette publique augmente et si les agents économiques tiennent compte d’une
probabilité accrue de monétisation de celle-ci, les anticipations d’inflation – et donc
aussi l’inflation actuelle – peuvent progresser. Dans ce cas, outre les canaux de
transmission déjà décrits, une incidence négative supplémentaire s’exercerait sur
l’activité économique.
Le fait que ce risque se matérialise ou non est notamment fonction de facteurs
institutionnels. Ainsi, il ne sera pas possible de monétiser la dette publique si la loi
interdit le financement monétaire des dépenses ou des déficits publics, comme c’est le
cas dans l’Union européenne. L’indépendance de la Banque centrale et un mandat clair
axé sur le maintien de la stabilité des prix sont aussi importants pour prévenir le risque
de voir une forte hausse de la dette publique entraîner une accélération de l’inflation.
Dans certains pays en développement ou émergents, au cours de la période
postérieure à la Seconde guerre mondiale, une augmentation du ratio de dette s’est
accompagnée d’une hausse de l’inflation. Par contre, durant cette même période, dans
les pays avancés, le relèvement du ratio de dette n’a pas provoqué de pression
inflationniste. L’existence d’institutions indépendantes des gouvernements pour établir
les choix de politique monétaire et le rôle de celles-ci quant au contrôle de l’inflation
ont certainement été déterminants à cet égard.
Quoi qu’il en soit, une situation caractérisée par l’insoutenabilité des finances
publiques8 complique considérablement la conduite de la politique monétaire, qui doit
être axée sur la stabilité des prix. Si une telle situation devait alimenter les
anticipations d’inflation, on observerait inévitablement un resserrement de la politique
monétaire, sous la forme d’une hausse des taux d’intérêt à court terme. En outre, des
tensions pourraient apparaître entre la banque centrale et les pouvoirs publics qui,
confrontés à une dette publique élevée, sont très sensibles aux hausses des taux
d’intérêt.
7 C’est-à-dire lorsque l’Etat veut dissoudre la dette publique par la création monétaire créant de l’inflation ce
qui réduit la valeur réelle de la dette. 8 La soutenabilité des finances publiques comprend indifféremment celle de la politique budgétaire ou celle de
la dette. On dit qu’une politique budgétaire est soutenable si elle ne conduit pas à un niveau de dette qui, sans changement majeur, ne pourrait pas être couvert à l’avenir par des surplus budgétaires.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
32
II°/ L’impact sociale et les pièges de la dette publique
II.1°/ Conséquence de la dette publique et du déficit budgétaire
Les déficits budgétaires et la dette publique sont liés pour la simple raison que la
dette de l’Etat augmente lorsque l’Etat est en déficit permanent. Ainsi, des déficits
persistants, c’est-à-dire l’augmentation de la dette publique, ont des conséquences à
long terme pour deux (02) raisons :
-l’effet d’éviction : la dette publique peut évincer l’investissement privé, ce qui réduit
la croissance à long terme causé par la hausse des taux d’intérêt ;
-une pression financière aux budgets futurs : imposée par le fait que les déficits
budgétaires d’aujourd’hui réduiront les marges de manœuvre budgétaires de demain ;
-un défaut de paiement ou un risque de cessation de paiement de l’Etat : dans des
cas extrêmes de déficits budgétaires sous dette publique énorme, générant des troubles
économiques et financiers d’où un risque de crises budgétaires.
-un risque de crise socio-politique : par la dégradation du climat social engendrée par
les crises budgétaires sans oublier les répercussions du fardeau de la dette sur les
générations futures.
II.2°/ Les pièges associés à la dette publique
En plus de tout ce qui a été développé ci-dessus, il faut noter que la dette publique
est associée à des pièges qu’il faut en tenir compte afin :
-d’éviter un « effet boule de neige9 » provoqué par l’utilisation de la dette publique
pour financer les dépenses de fonctionnement des administrations publiques ;
-et ainsi, de « rompre avec la facilité de la dette publique 10
» en utilisant plutôt la
dette publique que pour financer les dépenses d’investissement de l’Etat.
II.3°/ Le problème des « free-riders » ou des passagers clandestins
Cette partie s’intéresse aux politiques budgétaires nationales dans une union
monétaire. Sans toutes fois supposer que le fédéralisme budgétaire n’est pas retenu par
les membres d’une union monétaire, nous devons étudier les possibilités qui s’offrent
aux pays membres d’utiliser des politiques budgétaires afin de limiter l’impact négatif
des chocs asymétriques auxquels ils sont confrontés. La question, qui se pose, réside
9 Situation dans laquelle l’Etat s’endette pour rembourser d’autres dettes qui sont à maturité ou à échéance
10 Phrase célèbre tirée du Rapport Pébereau sur l’évolution de la dette publique française, 2005
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
33
dans l’impact d’une augmentation de la dette d’un pays sur les autres pays membres
d’une union monétaire.
Lorsqu’un Etat augmente fortement le niveau de sa dette publique, il augmente sa
probabilité de faire défaut sur sa dette. En général, cela peut prendre deux (02) formes.
Lorsqu’un pays n’est pas membre d’une union monétaire et contrôle sa politique
monétaire, il peut décider de créer de l’inflation surprise en augmentant soudainement
son offre de monnaie de sorte que la valeur réelle de sa monnaie diminue. De plus une
augmentation du niveau général des prix s’accompagne d’une dépréciation du taux de
change de la monnaie nationale ; cela signifie qu’en termes de monnaies étrangères, la
dette émise par l’Etat dans sa propre monnaie a perdu une grande partie de sa valeur.
Ainsi, l’Etat a effectivement fait défaut sur une partie importante de sa dette en
réduisant sa valeur aussi bien en interne qu’en externe.
Si une telle pratique n’est pas possible, parce qu’une union monétaire empêche le
pays de mener la politique monétaire qu’il désire et donc qu’il n’est pas capable de
réduire la valeur interne et externe de sa monnaie, la seule solution dont dispose l’Etat
est de se déclarer en faillite, soit en stoppant le versement des intérêts de la dette, soit
en refusant de rembourser le principal à ses créanciers. En général, les marchés
financiers compensent ce risque de défaut en demandant des taux d’intérêt plus élevés
sur la dette des Etats déjà fortement endettés ou présentant un risque de défaut : ces
taux élevés mesurent le prix du risque11
que les investisseurs acceptent de prendre en
finançant ces pays. Ils dissuadent, ainsi, les pays de se surendettés. Dans le cas d’une
union monétaire, cela signifie qu’une émission excessive de la dette publique par l’un
des pays membres augmentera les taux d’intérêt payés par tous les autres pays de
l’Union : l’expansion budgétaire menée par un pays engendrera une hausse du coût de
financement de tous les autres pays membres de l’union monétaire.
D’un autre côté, la hausse des taux d’intérêt peut être insuffisante pour dissuader
un pays de se sur-endetter. Cela est vrai car les marchés financiers savent que les
autres pays de l’union monétaire ne laisseront pas un de leurs membres faire défaut
pour éviter certainement un risque de contagion ou d’un éclatement de l’union
monétaire. Au contraire, en cas de risque de défaut, les autres pays pourraient racheter
la dette du pays en difficulté et le refinancer. Si les marchés financiers croient en cette
possibilité de refinancement, la dette du pays en question ne sera pas considérée aussi
risquée qu’elle ne le devrait réellement et les taux d’intérêt ne seront pas aussi élevés
qu’ils ne le seraient autrement. Ainsi, le pays en difficulté paiera un taux d’intérêt sur
sa dette plus faible qu’il ne le devrait l’être alors que les autres pays de l’union
monétaire paieront un taux d’intérêt plus élevé que ce qu’il devrait normalement
payer. Ce raisonnement fait référence au problème du passager clandestin ou « free
riders » : le pays en difficulté profite des avantages d’un déficit budgétaire important
sans en payer complètement le prix.
En revanche, ce mécanisme peut contrer la politique anti-inflationniste conduite
par la Banque centrale de l’Union. Afin de limiter certains de ces problèmes, les
membres de l’union doivent signer un accord de « non-renflouement » c’est à-dire
de « non-financement »qui stipule que les pays membres ne doivent pas s’attendre à
être sauvés de la faillite dans le cas où leur dette deviendrait non soutenable. Un tel
11
Taux d’intérêt = taux sans risque (des bons du Trésor) + prime de risque
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
34
accord a pour objectif de convaincre les marchés financiers de valoriser correctement
le risque des pays de l’Union qui seraient surendettés en leur faisant payer les taux
d’intérêt adéquats. Ce type de « clause de non-renflouement » ou la règle du « no bail
out » existe entre les pays membres de l’union monétaire européenne. Cependant, par
malchance, ce type de clause laisserait à désirer s’il n’est pas crédible. Si un pays de
l’union monétaire venait à faire défaut sur sa dette publique, cela aurait des
répercussions extrêment graves sur toute la zone euro. Cela pourrait conduire les
marchés financiers à perdre confiance dans la dette émise par les autres pays de
l’Union et à vendre massivement des euros sur le marché des changes. Afin d’éviter
une telle situation de crise, il est probable que les pays de la zone euro refinanceraient
un de leurs membres qui risquerait de faire défaut sur sa dette.
Conclusion du chapitre I
Ce chapitre a présenté la thématique de la dette publique dans toute sa globalité,
permettant d’avoir une vision très large de celle-ci ainsi que des implications en termes
de concepts autour d’elle-même et aussi en termes de notions autour de la politique
budgétaire notamment le déficit budgétaire.
En outre, la littérature théorique et empirique de l’impact de la dette publique dans
l’activité de la dette publique est vaste et n’offre pas de réponses univoques de la
corrélation entre la politique budgétaire et l’évolution de l’activité économique.
Egalement, la variation de la dette publique par accumulation du déficit budgétaire se
traduit par un fardeau social dont le plus troublant est la répercussion du fardeau de la
dette sur les générations futures sans oublier les risques de déclenchement de troubles
financiers et économiques. La gestion de la dette publique demande beaucoup
d’attention dans l’affectation des fonds empruntés dans l’exécution des dépenses de
l’Etat, à savoir que la dette publique doit être essentiellement utilisée pour financer les
dépenses d’investissement et non les dépenses de fonctionnement.
Il y aussi un rapport entre la politique budgétaire et l’union monétaire : d’abord,
par la mise en place d’un fédéralisme budgétaire, et/ ou, ensuite, par la prise en compte
du problème du passager clandestin, d’où l’adoption du Pacte de stabilité de croissance
par les pays de l’Union économique et monétaire européenne. Cela nous amène donc à
nous intéresser particulièrement à cette catégorie de dette publique, à savoir la dette
souveraine des économies avancées et aussi, à la crise de la zone euro.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
35
Chapitre II : La dette souveraine des économies avancées et la
crise de la zone euro
Introduction du chapitre II
La dette souveraine est la dette émise ou garantie par un émetteur souverain
comme l’Etat ou la Banque centrale. La particularité de cette catégorie de dette
publique s’appuie sur le fait que les émetteurs souverains empruntent directement sur
les marchés financiers c’est-à-dire aux conditions du marché : principalement les taux
d’intérêt et la durée de remboursement. Cette dette concerne essentiellement les pays
industrialisés du Nord à économies avancées.
Quels sont les différents aspects qui s’articulent autour de la dette souveraine des
pays du Nord ? Quelles sont les réalités et contextes spécifiques de chacune des dettes
souveraines de ces différents pays ? Quel est le lien entre la dette souveraine et la crise
de la zone euro en termes de risque pays et de risque systémique ? Face à cette crise de
la dette souveraine, quelles sont les différentes stratégies de réduction de la dette
publique compte tenu des réalités et contextes spécifiques des pays concernés ?
Section I : Les contextes spécifiques de la dette souveraine et de la
crise de la zone euro
La dette souveraine des Etats ne sont pas les mêmes partout dans le monde c’est-à-
dire que les dettes souveraines ne sont pas composées de façon uniforme. Chacune a
ses réalités spécifiques.
Qui sont les créanciers de la dette souveraine des Etats ? Quelle est la structure de
détention de la dette souveraine ? Quelles peuvent être les conséquences d’un éventuel
défaut de paiement de l’endettement public ? Quelles sont les différentes stratégies de
financement de la dette publique par les Etats dans l’après-crise financière ?
La crise financière et économique de 2007-2010, a entraîné une forte hausse de la
dette publique dans les pays de la zone euro, au Royaume-Uni, aux États-Unis et au
Japon. Cela a eu des conséquences négatives très importantes sur les finances
publiques de la plupart des économies avancées en particulier les pays de la zone euro
en commençant par la crise grecque avec effet de contagion sur l’Irlande, le Portugal,
l’Espagne et l’Italie y compris un risque de démantèlement de l’Union économique et
monétaire (UEM).
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
36
I°/ Les réalités de la dette souveraine des économies avancées
I.1°/ Les créanciers de la dette souveraine des Etats
Grâce à la mondialisation financière12
, les grands pays de l’OCDE avaient pris
l’initiative, depuis une trentaine d’années, d’emprunter dans des conditions
extrêmement favorables auprès de leur secteur financier domestique, mais aussi auprès
de l’ensemble des créanciers internationaux présents sur les marchés. Au cours de
cette période, les grands États émetteurs ont su établir leurs propres modèles de
financement, accordant une place plus ou moins grande aux différentes catégories de
créanciers en fonction des caractéristiques de leur économie.
I.1.1°/ Les grands acteurs financiers détenteurs de la dette souveraine
Les ménages qui épargnent sont les détenteurs finaux de la dette publique à
l’échelle nationale et internationale. Dans les économies de marché développées,
l’allocation de l’épargne des ménages à la dette publique est largement intermédiée par
le système financier. La détention directe par les épargnants de titres publics est
devenue largement résiduelle, alors qu’elle constituait dans le passé un mode majeur
de détention.
Les grands acteurs financiers, qu’ils soient résidents ou non-résidents, jouent donc
le rôle principal pour l’allocation de l’épargne aux besoins de financement des acteurs
économiques, dont l’État. Les titres d’État constituent pour eux la classe d’actif
privilégiée pour investir en toute sécurité. En effet, ils constituent, hors période de
crise, des « actifs sans risque » ou « titres sans risque » dans une devise donnée,
puisque les pouvoirs publics disposent de l’outil fiscal pour rembourser leurs
emprunts. Autre avantage : les titres publics sont très liquides et donc très appréciés
pour tous les types de transactions financières.
Il y a trois (03) catégories d’établissements financiers détenteurs de titres publics à
savoir : les banques, les sociétés d’assurance et l’ensemble des gestionnaires
d’actifs. Ils sont connus sous le nom d’investisseurs institutionnels ou encore de
« zinzin ». Les banques détiennent des titres de dette publique dans le cadre de la
gestion de leur liquidité et de leur bilan car les titres d’État constituent un instrument
fondamental pour le fonctionnement du système bancaire compte tenu de leur
éligibilité aux opérations de refinancement des Banques centrales et de leur utilisation
comme collatéral dans les transactions de toute nature. Les gestionnaires d’actifs
détiennent des encours considérables de titres publics ; ils collectent de l’épargne
qu’ils gèrent pour le compte de leurs mandants dans le cadre de stratégies de gestion
définies contractuellement. Les titres de dette publique constituent un support
12 Selon le directeur général de l’Agence France Trésor, les achats de titres de dette française en 2010 ont été à
61 % le fait de banques centrales étrangères, ce qui traduit leur rôle privilégié de la dette française, avec la dette
allemande, pour la gestion des réserves de change en euro des pays émergents.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
37
d’investissement privilégié par les investisseurs désireux avant tout de préserver la
valeur d’un capital dans la durée. La proportion de titres publics détenus au sein d’un
portefeuille d’actifs dépend principalement du profil de risque de l’épargnant : ils
constituent une part importante de l’actif de fonds de pension chargé de valoriser à
long terme et en toute sécurité l’épargne des futurs retraités. Les sociétés d’assurance
ne collectent pas à proprement parler d’épargne, mais gèrent des engagements
financiers qu’il convient d’adosser à des placements sécurisés. Elles sont donc aussi de
grands détenteurs structurels de titres publics. En particulier, les compagnies offrant
des contrats d’assurance-vie ont des stratégies d’investissement proches de celles des
fonds de gestion collective. Ces trois types d’acteurs financiers sont soumis aux
réglementations prudentielles qui imposent la détention d’une forte proportion d’actifs
sûrs et liquides.
Les conditions de portage du risque, encouru par ces trois acteurs financiers dans la
détention de titres d’Etat, ne sont pas les mêmes. Dans le cas de la gestion d’actifs
pour compte de tiers, le risque financier est porté par l’épargnant individuel qui subit
les pertes éventuelles en cas de défaillance d’un débiteur. En revanche, les banques et
les sociétés d’assurance portent généralement le risque dans leurs propres bilans. La
détention par les banques et les sociétés d’assurances de gros portefeuilles investis en
titres publics est donc un facteur de risque systémique pour l’ensemble du système
financier en cas de crise de la dette.
Les grands acteurs financiers, domestiques ou étrangers sont pour les États la base
d’investisseurs fondamentale dans leurs stratégies de financement. Il est essentiel pour
les États émetteurs de conserver la confiance de ces investisseurs à long terme et celle
des agences de notation de crédit qui servent de guide pour les choix
d’investissement. Ce rôle très important des grandes agences de rating, aujourd’hui
fortement critiquées, découle notamment des réglementations prudentielles qui
imposent de privilégier, dans la gestion de l’épargne du public, l’investissement en
titres peu risqués disposant des meilleures notations : la crise a montré les dangers de
ces règles qui peuvent accélérer le déclenchement des crises lorsque les investisseurs
institutionnels sont soudainement obligés de vendre les titres des émetteurs dont la
notation est dégradée.
I.1.2°/ Le secteur financier domestique et la dette publique
La détention de la dette publique par le secteur financier domestique traduit les
spécificités des modes de financement des économies nationales.
Le cas du Japon
Le Japon est le pays de l’OCDE où la détention de la dette publique repose de la
façon la plus exclusive sur le secteur financier domestique (75 %). La part très élevée
des banques (40 %) tient notamment aux investissements considérables de la banque
publique de la Poste japonaise en bons du Trésor. Les compagnies d’assurance
détiennent 19 % de la dette, et les fonds de pension publics, 12 %. Ce modèle de
financement de l’État s’appuie sur un taux d’épargne élevé des ménages et une
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
38
préférence collective des épargnants japonais pour des placements financiers sans
risque, sans oublier que c’est le seul Etat, qui présente de nos jours un taux de
détention direct, par les ménages de titres publics, encore significatif de 5,2%.
Tableau 1 : Japon, part de la dette publique japonaise détenue par le secteur financier
domestique
Banques, dont la Poste 40%
Sociétés d’assurance 19%
Fonds de pension publics 12%
Fonds de pension privés 04%
Total 75%
Source : Forbes
Le cas de la zone euro
La zone euro s’apparente un peu à la situation japonaise : les établissements de
crédit sont les premiers détenteurs de la dette publique au sein du secteur financier (22
%) devant les autres institutions financières (11 %), dont les sociétés d’assurance et
les fonds de placement collectifs (OPCVM). La constitution de grands groupes
bancaires bâtis sur le modèle de banque universelle a renforcé le poids des
établissements de crédit dans la gestion de l’épargne des ménages et son affectation au
financement des dettes publiques. Seule la France fait exception : ce sont les sociétés
d’assurance qui sont le premier détenteur domestique de la dette publique (20 %), car
l’assurance-vie constitue le principal placement à long terme des ménages en l’absence
de véritables fonds de pension. C’est en Allemagne (46 %) et en Italie (41 %) que la
part du système financier domestique reste la plus élevée dans la détention de la dette.
Figure 6 : Zone euro - part du système financier domestique dans la détention de la
dette publique
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
39
Le cas du Royaume Uni
Au Royaume-Uni, les sociétés d’assurance et les fonds de pension détiennent une
part particulièrement élevée de la dette publique (30 %). Le système de retraite par
capitalisation apporte à l’État britannique une base solide d’investisseurs à long terme
qui constitue un remarquable facteur de stabilité pour le financement de la dette. Sa
maturité moyenne est la plus élevée des pays de l’OCDE (14 ans en 2010 contre 7 ans
au Japon et en zone euro, 5 ans aux États-Unis). En 2010, 60 % de la dette britannique
était constituée de bons du Trésor émis à plus de 10 ans, dont 30 % à plus de 20 ans.
Les banques détiennent en revanche une part relativement faible de la dette (6 %) et
les autres intermédiaires financiers, notamment les fonds de gestion collective, en
détiennent 11 %.
Tableau 2 : Royaume-Uni, détention de la dette publique par le secteur financier
domestique
Établissements de crédit 06%
Assurances et fonds de pension 30%
Autres intermédiaires financiers 11%
Total 47%
Source : comptes nationaux
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
40
Le cas des Etats Unis
Aux États-Unis, la part des institutions financières domestiques privées est
beaucoup plus réduite dans la détention de la dette publique totale : banques,
assurances et fonds d’investissement ne détiennent que 13 % de la dette fédérale et
19 % de la dette détenue par le public13
. Cette situation est la conséquence du mode de
financement de l’économie américaine plus centré sur les marchés que sur les
financements bancaires. L’État fédéral est donc placé en concurrence avec d’autres
émetteurs obligataires, tels que les entreprises, les agences fédérales comme Fannie
Mae et Freddie Mac, et ne représente que 29 % des encours obligataires émis sur les
marchés américains, contre 50 % en Europe. Cette part relativement modeste du
secteur financier privé provient également du fait que le secteur public domestique
détient des encours importants de la dette publique : 32 % de la dette fédérale est
détenue par des government accounts correspondant à l’ensemble des fonds de réserve
gérés par des agences gouvernementales. En outre, 5 % de la dette est détenue
directement ou indirectement par les États fédérés. Au sens large, la détention par des
acteurs domestiques de la dette fédérale s’élève donc à 51 % en tenant compte de ce
mécanisme d’auto-détention.
Tableau 3 : États-Unis, détention domestique de la dette fédérale (2010)
Banques domestiques 02%
Fonds de pension privés 04%
Sociétés d’assurance 02%
Mutual funds 05%
Total secteur financier privé 13%
États et collectivités locales 04%
US Government Accounts 33%
Fonds de pension publics 01%
Total fonds publics 38%
Source : Treasury Bulletin, septembre 2010
13
Il s’agit de la dette fédérale nette des encours détenus par différents organismes publics dépendant de l’État fédéral, les Government Accounts. En comptabilité publique européenne, cette détention croisée de la dette ne serait pas comptée au titre de la dette publique nette.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
41
Les créanciers étrangers sont aussi majoritairement des acteurs financiers
privés. Il n’existe que peu de données détaillées sur les créanciers non-résidents des
États, mais les principales études disponibles révèlent que les créanciers non-résidents
sont aussi majoritairement des grandes institutions financières. La mondialisation a
favorisé l’émergence de grands acteurs financiers internationalisés : conglomérats
bancaires ou d’assurances présents sur l’ensemble des marchés, grands gestionnaires
d’actifs. Les acteurs dominants sont issus des pays disposant de fonds de pension
puissants, comme les États-Unis et le Royaume-Uni14
, mais aussi les institutions
financières des pays de la zone euro et des grands pays émergents désireuses de placer
leurs avoirs dans des actifs libellés dans des grandes devises internationales.
Les fonds souverains constituent une catégorie alternative de créanciers aux côtés
des institutions financières privées. Ils jouent un rôle grandissant dans le financement
des dettes publiques des économies avancées du fait de l’accroissement de leur nombre
(une quarantaine aujourd’hui dans le monde) et de leurs avoirs (entre 2 000 et 3 000
milliards de dollars selon le FMI en 2008, 12 000 milliards à l’horizon 2015 selon
Morgan Stanley). Soucieux de constituer des réserves financières à très long terme, ces
nouveaux acteurs diversifient leurs avoirs entre placements en actions des grandes
sociétés multinationales et en titres publics libellés dans les devises internationales.
Peu d’informations publiques sont disponibles pour mesurer finement la structure de
leurs portefeuilles. Ils constituent depuis plusieurs années une base d’investisseurs
prioritaire pour les grands États émetteurs. Les fonds souverains doivent être
clairement distingués des Banques centrales qui détiennent elles aussi des portefeuilles
parfois considérables de titres publics en dans le cadre de la gestion des réserves de
change.
Les investisseurs purement spéculatifs, notamment les hedges funds et les
équipes de trading pour compte propre des banques d’investissement, ne constituent
qu’une part marginale des créanciers des pays disposant d’une notation financière
solide. En général, ils sont peu présents sur les marchés de la dette des pays disposant
d’une solide notation financière, car la volatilité et les opportunités de gain à court
terme y sont très faibles. Ils peuvent toutefois représenter une proportion significative
des détenteurs de titres pour des pays en situation de stress financier, notamment en
intervenant sur le marché secondaire de la dette ou sur le marché des credit default
swaps (CDS)15
. En période de stress, ils constituent plutôt une source de liquidité
précieuse en participant aux adjudications ou en se portant acquéreur de titres décotés
vendus par les détenteurs traditionnels désireux de se délester du risque souverain. Ces
acteurs ont été soupçonnés d’être à l’origine de l’instabilité sur les marchés européens
de la dette souveraine. Leur rôle dans le déclenchement des crises n’est pourtant pas
prouvé. Les investigations menées par la Commission européenne et révélées dans un
rapport publié en décembre 2010 n’ont pas apporté de preuves tangibles de l’effet
déclencheur de stratégies spéculatives dans la crise de la dette grecque.
14 Selon Morgan Stanley, les fonds de pension représentaient la première catégorie d’investisseurs sur les
marchés financiers en 2008, avec des actifs investis de l’ordre de 20 000 milliards de dollars, dont 10 000 milliards pour les seuls fonds américains. 15
Ce sont des contrats financiers dérivés qui permettent à leur détenteur de se couvrir contre le risque de défaut d’un débiteur. Ils permettent aussi de spéculer sur la faillite ou la non faillite d’un pays sans effectivement détenir des titres de cet Etat.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
42
I.1.3°/ L’internationalisation de la détention de la dette publique
L’internationalisation de la base d’investisseurs détenant les dettes des pays de
l’OCDE a été un fait marquant des trente dernières années. Fin 2009, seul le Japon
demeurait relativement fermé aux investisseurs non-résidents. Ceux-ci détenaient en
revanche 30 % des dettes publiques américaine et britannique, et en moyenne plus de
50% de la dette des États membres de la zone euro. Ce phénomène de
l’internationalisation est la conséquence directe des politiques de libéralisation des
marchés de capitaux conduites à compter des années 1980.
Tableau 4 : Détention de la dette publique par les résidents et les non-résidents
Détenteurs Résidents (secteur financier et autres) Non-résidents
Zone Euro 47% 53%
États-Unis 70% 30%
Royaume-Uni 71% 29%
Japon 92% 08%
Source : statistiques des banques centrales, 2009
Avant les années 1980, les restrictions des flux de capitaux internationaux
exerçaient une contrainte forte sur le financement des déficits publics et sur
l’investissement privé domestique. En économie fermée, l’État et les entreprises se
trouvaient en concurrence pour lever des capitaux auprès des épargnants, créant en
période de déficit important un fort risque d’éviction de l’investissement privé. La
levée des barrières aux flux de capitaux internationaux a considérablement allégé cette
contrainte depuis plus de trente ans. Elle a répondu à un objectif d’efficacité
économique en permettant une meilleure allocation à l’échelle mondiale de l’épargne
disponible aux besoins d’investissements. Elle a permis aux investisseurs de diversifier
à grande échelle leurs placements et aux pays avancés d’accéder à un pool d’épargne
mondiale considérable.
L’intégration financière internationale n’est évidemment pas sans risques. En
réduisant les contraintes fortes qui pesaient sur le financement des États, elle favorise
le gonflement des dettes publiques et des déséquilibres courants. L’accroissement de la
part de la dette détenue par des créanciers non-résidents a aussi pour contrepartie une
dépendance accrue des États vis-à-vis d’une base d’investisseurs moins captive et donc
potentiellement moins stable. Les États disposent en effet de moyens d’action
significatifs vis-à-vis de leurs créanciers domestiques tels que, la fiscalité, la régulation
financière, dont ils ne disposent plus vis-à-vis des non-résidents.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
43
Le cas de la zone euro
L’internationalisation de la détention de la dette publique apparaît très marquée
dans la zone euro, mais traduit aussi la réussite de l’intégration financière intra-
européenne La zone euro apparaît comme la région du monde la plus marquée par la
diversification internationale de la détention de la dette publique. Ce phénomène est
particulièrement net dans certains États membres dont la proportion de créanciers
non-résidents dépasse 70 % à savoir la France, la Grèce, l’Irlande et le Portugal. De
manière générale, tous les États de la zone euro ont une proportion de créanciers non-
résidents supérieure à 40 %.
Tableau 5 : Zone euro : proportion de détenteurs de la dette publique par des non-
résidents
Zone euro (moyenne) 53 %
France 70 %
Allemagne 53 %
Italie 44 %
Espagne 44 %
Grèce 71 %
Belgique 56 %
Irlande 85 %
Portugal 75 %
Source : comptes nationaux, 2009
La création de la zone euro a en réalité remis en cause la notion même de détenteur
résident de la dette publique, les grands groupes financiers paneuropéens
constituant dorénavant une seule et même classe de créanciers. En 2010, une étude
publiée par Natixis a tenté d’estimer la part de détention intra-européenne des dettes
publiques à partir de plusieurs bases de données internationales. Ses conclusions sont
éclairantes : la dette détenue en dehors de la zone euro serait pour la France et
l’Allemagne de 48 %, et de moins de 40 % en tenant compte de l’Europe au sens
large (Union européenne non euro, Suisse et Norvège). Pour les pays plus
périphériques, tels que le Portugal, l’Esp agne, l’Italie, les Pays-Bas et la Grèce, cette
proportion serait encore plus faible (moins de 30 %), traduisant une détention
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
44
majoritaire par les grands investisseurs issus des autres États membres, notamment les
institutions financières françaises et allemandes.
Figure 7 : Zone euro : détention de la dette publique
La diversification intra-européenne de la détention de la dette publique apparaît
très nettement aux Pays-Bas, en Grèce et en Irlande, mais aussi en Espagne et en
Italie et surtout au Portugal où la détention de la dette publique par les résidents
s’élève à moins de 5%. La dette des pays « périphériques » a constitué un support
d’investissement privilégié pour l’épargne excédentaire des pays du « cœur » de la
zone euro, notamment l’Allemagne et la France dont les épargnants ont été attirés par
les rendements plus élevés offerts par ces autres émetteurs européens classés par les
agences de notation au sein d’une même catégorie de débiteurs. Les États présentant
les besoins de financement publics les plus importants ont ainsi pu se financer, jusqu’à
la crise, dans des conditions beaucoup plus avantageuses que par le passé (Italie,
France, Grèce, Portugal). Mais, nous le verrons, la crise a mis une fin brutale à ce
phénomène.
La part de la dette publique des pays de la zone euro détenue par des créanciers
non européens apparaît donc finalement assez comparable à ce qui peut être observé
aux États-Unis ou au Royaume-Uni (autour de 30 %). Cette proportion apparaît même
inférieure dans les pays de la périphérie (22 % en Espagne, 23 % en Italie, 26 % en
Grèce), seuls les pays du « cœur » de l’eurozone affichant une proportion de créanciers
non européens nettement supérieure. Ce constat global permet d’expliquer le taux de
détention par des non-résidents particulièrement élevé affiché par la France, qui est
passé de 22,6 % de la dette négociable (15 % des encours d’OAT16
) en 1998 à 70 %
16
OAT signifie Obligations assimilées au Trésor
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
45
fin 2010. Cette dynamique traduit en réalité un double phénomène : une large
diversification intra-européenne de la base d’investisseurs de la dette française (30 %
en comptant la Suisse et le Royaume-Uni) au-delà de la base d’investisseurs
domestiques (30 %), et un appel croissant aux créanciers non européens (40 %) grâce à
la mondialisation financière.
Le cas des Etats-Unis
L’internationalisation de la détention de la dette fédérale américaine est plus
marquée que ce que révèlent les statistiques officielles Aux États-Unis, la détention de
titres de dette fédérale par les non-résidents (4 431 milliards de dollars fin 2010)
représente 32 % de l’encours total de la dette. Néanmoins, rapporté à la dette détenue
par le public, cet encours représente 47 % de la dette nette fin 2010 et 50 % de la dette
nette émise sur le marché. Les statistiques publiées par le Trésor américain font
apparaître une base d’investisseurs non-résidents très diversifiée et une part très
significative des créanciers publics (principalement les banques centrales) parmi ces
non-résidents (71 %).
Tableau 6 : Les créanciers des États-Unis
Au 31 décembre 2010 % dette détenue
par les non-
résidents
% dette détenue
par le public
(dette nette)
% dette
fédérale totale
(dette brute)
Chine 26,1 12,4 8,3
Japon 19,9 9,4 6,3
Royaume-Uni 6,1 2,9 1,9
Pays exportateurs de
pétrole
4,8 2,3 1,5
Brésil 4,2 2,0 1,3
Centres financiers
Caraïbes
3,8 1,8 1,2
Taiwan 3,5 1,7 1,1
Russie 3,4 1,6 1,1
Hong Kong 3,0 1,4 1,0
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
46
Suisse 2,4 1,1 0,8
Luxembourg 1,9 0,9 0,6
Canada 1,7 0,8 0,5
Singapour 1,6 0,8 0,5
Allemagne 1,4 0,6 0,4
Thaïlande 1,2 0,6 0,4
Irlande 1,0 0,5 0,3
Autres 13,9 6,6 4,4
Total détenteurs non-
résidents
100,0 47,3 31,7
– dont détenteurs publics
non-résidents
71,1 33,6 22,5
Source : Trésor américain
Les créanciers chinois représentent 26 % des encours de dette détenus par des non-
résidents et 12 % de la dette fédérale nette et 8 % de la dette brute. Il s’agit
principalement des réserves de change de la Banque centrale de Chine, dont 42 %
des avoirs sont placés en titres de la dette américaine. Les créanciers japonais
détiennent 9 % de la dette nette, devant le Royaume-Uni. Sur longue période, la
détention par la Chine n’a cessé de progresser depuis 1994 (dernière dévaluation du
yuan chinois). En revanche, la part des résidents japonais dans la détention de la dette
fédérale a connu un pic en 2004 (37 %) avant de décroître. La part des pays
exportateurs de pétrole a été relativement stable depuis 1990.
Le cas du Royaume Uni et du Japon
La détention de la dette publique est moins internationalisée au Royaume-Uni et,
surtout, au Japon.
Par rapport à la zone euro et aux États-Unis, le Royaume-Uni (71%) et, surtout, le
Japon (92%) ont préservé une part dominante de créanciers domestiques. Le
Royaume-Uni n’étant pas membre de la zone euro, il n’a pas bénéficié des effets de
l’intégration monétaire pour diversifier autant que ses partenaires sa base
d’investisseurs intra-européenne. Le degré d’internationalisation de la détention de sa
dette publique traduit donc davantage les effets de la mondialisation financière en
général. Ces effets sont réels mais limités. Pour les investisseurs internationaux, le rôle
relativement secondaire joué par la livre comme monnaie internationale contribue à
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
47
limiter leur appétence pour les titres d’État britanniques. En outre, l’existence de
grands fonds de pension qui assurent l’essentiel du financement des retraites maintient,
on l’a vu, une demande domestique forte pour la dette publique nationale et réduit le
besoin de faire appel à des créanciers externes.
Le cas du Japon renvoie encore davantage à des spécificités nationales fortes. Dans
un contexte économique déflationniste depuis les années 1990, les ménages japonais
détiennent une part très élevée (55 %) de leurs avoirs financiers sous forme de dépôts
bancaires liquides principalement réinvestis en titres publics très faiblement
rémunérés (les taux à 10 ans japonais sont proches de 1 %). En outre, le taux
d’épargne des ménages est élevé du fait du vieillissement avancé de la population.
L’allocation massive de cette épargne au financement de l’État traduit donc une forte
aversion au risque des intermédiaires financiers et des épargnants. En dépit d’un
niveau d’endettement public considérable (194 % du PIB fin 2010), le Japon n’a donc
jamais réellement recherché l’internationalisation de la détention de sa dette par les
non-résidents. Fort d’importants excédents courants depuis les années 1980, le pays a
au contraire joué le rôle d’exportateur net de capitaux à destination des pays
déficitaires comme les États-Unis.
Japon : un modèle de financement purement domestique en péril
À court terme, le modèle de financement purement domestique de la dette publique
japonaise semble plus solide que jamais. En 2009 et 2010, le Japon a conduit une
politique de relance budgétaire qui a conduit le déficit public à 8 % du PIB en 2010 et
qui devrait maintenir le besoin de financement de l’État autour de 7 % du PIB à
l’horizon 2012. Le financement de l’endettement supplémentaire de l’État a toutefois
été intégralement absorbé par les créanciers domestiques. La détention par les non-
résidents de la dette publique aurait même baissé (5 %) dans les dernières statistiques
publiées. La mobilisation de l’épargne domestique demeure le facteur essentiel
d’absorption interne du déficit public, les achats de titres d’État par la Banque du
Japon demeurant limités (fin 2010, elle détenait 56 trillions de yens de titres publics,
soit 9 % de la dette publique).
Le Japon devrait néanmoins rencontrer des difficultés à l’avenir pour maintenir son
modèle de détention de la dette publique. L’accroissement considérable du nombre de
retraités (leur nombre est maintenant égal au nombre d’actifs) va exercer une pression
à la baisse sur le taux d’épargne des ménages qui pourrait devenir négatif pour la
première fois en 2011 (il est déjà passé de 20 % en 1990 à 2 % en 2009). En outre, le
retour d’une inflation légèrement positive pourrait inciter les épargnants à rediriger
leurs avoirs vers des placements plus rémunérateurs que les titres publics. Les autorités
seront alors confrontées à des choix difficiles, entre ouverture croissante aux
créanciers étrangers et monétisation de la dette. Ces choix pèseront certainement sur
l’équilibre financier mondial compte tenu du poids du Japon comme créancier
international.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
48
I.2°/ Stratégies divergentes de financement de la dette publique dans
l’après-crise et part des banques centrales dans la détention de la dette
publique
La soutenabilité des finances publiques des économies avancées s’annonce comme
un sujet d’inquiétude majeur pour les années à venir. En 2010, l’économie mondiale a
retrouvé le chemin de la croissance et la stabilisation du secteur financier apparaît en
bonne voie. Néanmoins, l’«après-crise financière » porte les stigmates des plans de
soutien massifs aux banques et à l’économie réelle à travers un niveau d’endettement
public considérable dans l’ensemble des pays avancés. Surtout, la capacité de ces pays
à maîtriser la dynamique de la dette apparaît de plus en plus incertaine.
Dans une étude très commentée, publiée dans son rapport annuel pour 2010, la
Banque des règlements internationaux (BRI) évalue en moyenne à 30 points de PIB
l’accroissement cumulé de la dette publique dans les pays avancés entre 2007 et 2011,
soit une augmentation de 40 % de l’endettement public en seulement quatre années.
Dans les pays les plus touchés par la crise, l’accroissement de la dette est encore plus
considérable : + 50 % aux États-Unis, + 80 % en Espagne, doublement au Royaume-
Uni, triplement en Irlande… Surtout, la BRI souligne combien il sera difficile de
maîtriser cette dynamique : à paramètres constants, la dynamique de la dette publique
apparaît partout explosive à l’horizon 2020. Le ratio de dette atteindrait à cette date
150 % du PIB aux États-Unis, 300 % au Japon, 180 % aux Royaume-Uni et 150 %
en France. Dans un scénario alternatif, marqué par un effort accru de maîtrise des
dépenses publiques mais aussi par un accroissement des dépenses liées à l’âge des
populations, le ratio de dette pourrait être stabilisé mais à un niveau très élevé.
La capacité des débiteurs souverains à solliciter l’épargne domestique et extérieure
ne sera pas sans limite. Face à cette nouvelle contrainte, les États se trouvent
confrontés à une alternative difficile pour échapper aux difficultés de paiement et à
l’éventualité d’une restructuration de la dette. Ils n’ont en réalité le choix qu’entre
deux stratégies toutes deux potentiellement dangereuses : le financement d’une
partie de la dette par la banque centrale ou l’austérité budgétaire pour maintenir à
tout prix la confiance des créanciers traditionnels. La première stratégie été adoptée
par les Etats-Unis et le Royaume Uni ; et la seconde, par les pays de la zone euro.
Il faut noter aussi, que les Banques centrales nationales détiennent une partie de la
dette publique. La Federal Reserve (FED), la Banque centrale fédérale américaine, a
joué le rôle de « prêteur en dernier ressort » de la dette fédérale, compte tenu de la
capacité limitée du secteur du secteur financier domestique à absorber les nouvelles
émissions de dette publique malgré la nette hausse du taux d’épargne des ménages
après la crise financière.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
49
Tableau 7 : États-Unis, le financement des émissions de dette fédérale en 2009
Autorités monétaires 21%
Étrangers 40%
Banques commerciales 6%
Fonds de pension privés 9%
Autres 15%
Source: US Flows of Funds, banques centrales
Au Royaume-Uni, le financement de la dette publique par la Banque centrale est
encore plus spectaculaire. La Banque d’Angleterre a engagé depuis 2009 une politique
d’assouplissement quantitatif qui l’a conduite à multiplier par dix ses avoirs en titres
publics, de 22 milliards de livres début 2009 à 212 milliards fin 2010. À l’échelle de
l’OCDE, la Banque d’Angleterre est, de loin, la banque centrale qui détient la part la
plus importante de la dette publique totale (23 %). Le financement par les non-
résidents de la dette publique britannique a en outre augmenté, comme aux États-Unis.
Tableau 8 : Part des banques centrales nationales dans la détention de la dette
publique en 2010
Royaume-Uni 23,0 %
États-Unis (en % de la dette détenue par le public) 12,0 %
Zone euro (moyenne) 6,0 %
Japon 9,0 %
Allemagne 0,3 %
Source : Banques centrales nationales
Au sein de la zone euro, contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni, le
financement monétaire des déficits publics est clairement exclu comme source de
financement de la dette publique du fait des règles strictes inscrites dans les traités
européens. Néanmoins, un financement monétaire indirect des dettes publiques des
pays fragiles de la zone euro est bien mis en œuvre. En effet, les dispositifs de crise
mis en place par la Banque centrale européenne (BCE) permettent depuis 2009 aux
banques de la zone euro de se refinancer sans limite auprès de la Banque centrale en
apportant en collatéral leurs avoirs en titres publics. Par ce biais, les banques des pays
périphériques ont massivement eu recours à la liquidité de la Banque centrale pour
acquérir des titres publics. Le soutien de la BCE explique donc une partie de la hausse
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
50
des encours de titres publics détenus par les banques qui est aussi encouragé par les
nouvelles réglementations prudentielles (Bâle III, Solvabilité II).
II°/ La crise de la zone euro : risque pays et risque systémique
Après les dégradations en cascade des notes attribuées aux dettes souveraines de
nombreux pays européens surtout de la zone euro tels que la Grèce, l’Irlande, le
Portugal et l’Italie ce fut, au milieu de l’été dernier, au tour des États-Unis, première
puissance économique mondiale, de perdre leur triple A auprès de l'agence Standard &
Poors. De son côté, la note du Japon a, elle aussi, été dégradée au niveau de Aa3 dans
l'échelle de notation de l'agence Moody's. En début octobre 2011, c'est l'Italie qui a vu
sa note dégradée par Moody's et par Fitch. Ces exemples n'ont guère de commune
mesure, tant les situations sont différentes. Cependant, dans ces pays les montants nets
atteints par les dettes sont montés à des niveaux vertigineux et, surtout, les agences de
notation ont pris en compte, dans leurs appréciations, une fragilité de leurs systèmes
politiques respectifs, face aux problèmes posés par cet endettement dans un climat de
crise économique.
Quelles que puissent être les critiques formulées à l'encontre des notations
provenant d'agences privées, la convergence de tous ces événements marque un
tournant plus que symbolique. Le risque de défaut estimé de cette manière est
traditionnellement associé à une notion beaucoup plus large de risque crédit, qualifiée
de « risque pays ». Jusqu'à une période récente, les analyses du risque pays
concernaient principalement des opérations économiques et financières en provenance
de pays développés à destination de pays en développement, appelés aujourd'hui
émergents.
II.1°/ Les concepts du risque pays et du risque systémique
II.1.1°/ Dettes souveraines, défaut de paiement et risque pays
Quelques précisions sémantiques s'imposent. Commençons par les dettes
souveraines. Sous cette appellation, on désigne communément un agrégat comptable
mesurant la dette extérieure des États, toutes échéances confondues. Pour évaluer leur
poids économique, on le rapporte à d'autres agrégats macro-économiques
représentatifs de la richesse nationale, principalement le PIB ou le PNB. Ces données
chiffrées, largement répandues, peuvent toutefois se révéler trompeuses. Elles ne
retiennent d'abord que la composante externe de la dette publique, laissant de côté sa
composante interne. Ainsi, lorsque éclata la crise mexicaine de 1982 qui mit ce pays en
défaut de paiement en 1983, son ratio dette extérieure/PNB atteignait à peine 47 % ; un
chiffre qui fait rétrospectivement rêver aujourd'hui tous les pays européens. Cet
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
51
exemple est d'autant plus emblématique que c'est à partir de cette date que la pratique
des ratios de risque pays s'est généralisée dans les différents organismes de crédit, en
Amérique du Nord et en Europe. Cette anomalie disparaît cependant lorsque l'on
réintroduit une évaluation de la composante interne des dettes publiques, mesurée le
plus souvent par le déficit budgétaire du pays. Reinhart et Rogoff ont souligné, avec
raison, le poids croissant de cette composante interne de la dette publique des États
principalement, mais pas seulement, dans les pays développés. Ils estiment ainsi
qu'elle représentait, tous pays confondus, plus de 70 % des dettes publiques totales
mondiales en 2007 (Reinhart et Rogoff, 2010). Il reste alors à identifier et à
comprendre la nature exacte des liens entre ces deux composantes.
Pour ce qui est de la dette interne, les chiffres utilisés sont souvent de piètres
indicateurs. La fiabilité des données budgétaires de certains États peut porter à
contestation, on l'a récemment vérifié avec la Grèce. En outre et surtout, le déficit
budgétaire ne comptabilise que l'endettement de l'État. Dans bien des cas, d'autres
entités publiques, comme des collectivités locales, des municipalités ou des services
sociaux, très endettés, contribuent, fréquemment et de manière significative, au
fardeau de la dette publique. On songe, en particulier aujourd'hui, aux dettes des
provinces autonomes espagnoles. Un exemple géographiquement différent en est
également fourni maintenant par les craintes qui commencent à se manifester sur
l'endettement de certaines provinces et municipalités chinoises. Or de telles données ne
sont pas intégrées dans les statistiques disponibles sur la dette des États.
Imparfaits qu'ils soient, ces indicateurs macroéconomiques révèlent néanmoins des
différences, d'un pays en difficulté à l'autre, dans l'origine et la structure des dettes
souveraines et donc dans les problèmes auxquels leurs gouvernements se trouvent
confrontés aujourd'hui. Si on laisse de côté la situation extrême de la Grèce, en
mesurant la dette publique et le déficit public (principalement budgétaire) en
pourcentage du PIB, on ne peut assimiler le cas du Portugal, où l'essentiel des
problèmes est venu du poids de la dette publique, à celui de l'Irlande, d'abord frappée
par l'ampleur de son déficit public, qui est passé de 14,3 % à 32 % du PIB entre 2009
et 2010. Depuis lors, la différence entre la situation des deux pays n'a cessé de se
creuser, au point que le terme de « PIG » (Portugal, Irlande, Grèce) n'a plus de raison
d'être, tant l'Irlande a maintenant relevé la tête, alors même que le Portugal continue de
s'enfoncer. Quant à la dette publique de l'Italie, elle représentait, fin 2010, près du
double de celle de l'Espagne, tandis que son déficit budgétaire restait, en revanche,
moitié moins élevé que celui de l'Espagne (Eurostat, 2011). Ce premier repérage
montre que, loin de lisser les situations d'endettement, la crise mondiale a, au
contraire, tendu à exacerber leurs différences d'un pays à l'autre, peut-être même et
surtout lorsque ces pays appartiennent à la même zone monétaire, celle de l'euro. Cette
observation rejoint d'autres constats macro-économiques qui vont dans le même sens,
sur la base d'indicateurs différents (emploi, activité industrielle, balance
commerciale...). C'est pourquoi il apparaît contre-productif, voire dangereux, de
chercher à appliquer à tous les pays handicapés par leur endettement un protocole
unique, ou tout au moins normalisé, d'assainissement de leurs finances publiques.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
52
Ces différences rappellent une autre évidence. Les États-Unis et le Japon ont pu,
jusqu'à une période encore récente, accumuler progressivement des dettes extérieures
atteignant des montants très élevés, sans pour autant entraîner de véritables risques de
défaut. S'il en va autrement aujourd'hui, c'est d'abord parce que ces différentes
mesures de l'endettement d'un pays, quelle que puisse être leur valeur statistique et
économique, ne doivent jamais être confondues avec celles de l'évaluation de son
risque de défaut. La notion de défaut elle-même n'est pas facile à appréhender lorsqu'il
s'agit de dettes des États face à des créanciers étrangers, les définitions juridiques de la
faillite en droit privé ne leur étant pas directement applicables. Du reste, on distingue
aujourd'hui à ce sujet les défauts partiels et les défauts complets, sans associer à ces
catégories financières des régimes juridiques précis. Le défaut de paiement est un
accident qui intervient à l'occasion du refinancement de cette dette. Son occurrence
dépend, par conséquent, des modalités de financement, des exigences manifestées par
les différents détenteurs de la dette et d'un grand nombre d'autres facteurs – relatifs,
notamment, à l'environnement financier particulier dans lequel intervient ce
refinancement, sans oublier naturellement la situation économique et politique du pays
débiteur ; d'où la tentation de recourir, pour évaluer ce risque de défaut, à une
référence plus large, mais aussi beaucoup plus floue, celle du risque pays.
Le concept du « risque pays » est couramment utilisé par les analystes et les
experts des affaires internationales depuis près d'une trentaine d'années. Ce terme
générique regroupe, en réalité, de multiples éléments hétérogènes. Dans son acception
la plus large, le risque pays désigne l'ensemble des risques auxquels est exposé tout
opérateur, économique ou financier, dans un pays étranger, du seul fait de la politique
de ce pays, de ses particularités institutionnelles et, plus généralement de l'évolution
propre de son économie. Tous ces éléments concourent à alimenter son risque
souverain qui, à son tour, aggravera le risque pays ainsi entendu. Une telle pratique
revient alors à rechercher la mesure d'un risque difficile à calculer, à partir de
l'appréhension d'un risque plus difficile encore à identifier.
II.1.2°/ Du risque de défaut au risque pays
Cette démarche, qui peut paraître rétrospectivement étrange, s'explique par
l'histoire. Au moment où le terme de risque pays est apparu, vers le milieu des années
1970 et le début des années 1980, de grandes banques nord-américaines et
européennes cherchaient à placer une partie de leurs liquidités dans des prêts directs
avantageux auprès d'États et de gouvernements de pays émergents détenteurs de
matières premières, principalement dans la zone latino-américaine. Leur préoccupation
était alors d'arbitrer entre les opportunités offertes par différents pays surtout de
l’Amérique de latine. Le risque pays prenait, pour ces établissements bancaires, une
signification précise, puisque la réponse à cette question dépendait alors
principalement de l'estimation de la qualité de ces pays débiteurs. C'est pour y
répondre qu'ont du reste été conçus les premiers systèmes de rating des banques :
risque pays et risque souverain y sont, dans ce contexte, presque synonymes. Les
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
53
choses changent cependant avec la crise asiatique de 1997-1998 et, plus encore, avec
celle du défaut de l’Argentine de 2001.
La mondialisation, avec la multiplication et l'extrême diversification des échanges
internationaux qui l'ont accompagnée, a profondément modifié les données.
L'appréciation quotidienne du risque souverain sur les marchés financiers, à travers les
taux d'intérêt des dettes des pays, induit désormais des informations déterminantes. La
mesure de leur volatilité y prend une place prépondérante dans son appréhension.
Si, en dépit de sa faiblesse conceptuelle et du flou de ses contours, le risque pays
est toujours invoqué, analysé et même mesuré, c'est parce qu'il répond aux demandes
pressantes en provenance d'opérateurs internationaux de plus en plus divers et
nombreux. Mais les liens entre le risque pays et la problématique des dettes
souveraines ont changé. D'un côté, les défauts de paiement, dont ont été victimes les
pays, ont fait l'objet d'assez nombreux travaux empiriques menés indépendamment des
analyses de risque pays. Des études rétrospectives, utilisant des techniques statistiques
souvent élaborées, ont été développées et ont permis de dégager des corrélations, voire
des relations de causalité, entre les accidents de paiement de ces pays et une palette de
plus en plus étendue de variables macroéconomiques et politiques. D'un autre côté, il a
été procédé à une analyse critique des notes de risque pays attribuées par les
différentes institutions notatrices à un large échantillon de pays ayant ou non connu
des défauts de paiement, sur la base d'études économétriques de la représentativité des
variables retenues et de leur traitement explicite ou implicite (Hoti et McAleer, 2004).
Sans surprise, une corrélation positive assez robuste a d'abord été mise en évidence
sur une moyenne période, entre les variances des notations de risque attribuées aux
pays par Institutional Investor et Euromoney, d'une part, et les ratios dettes
extérieures/ PNB et dettes extérieures/exportations, d'autre part. Plus intéressants,
sans doute, les historiques des accidents de paiement rencontrés par certains pays ont
permis d'évaluer leur intolérance aux dettes, pouvant ainsi servir d'indicateurs avancés
dans l'évaluation des risques de défaut (Reinhart, Rogoff et Savastano, 2003). Enfin,
une certaine régularité dans des cycles de défauts souverains sur la longue période a pu
être mise en évidence, permettant ainsi de relier ces accidents de paiement aux
évolutions de l'économie mondiale. Plutôt que de chercher à expliquer les risques de
défaut à partir d'une hypothétique mesure des risques pays, il apparaît donc
aujourd'hui plus opportun de partir, au contraire, d'une analyse des risques de défaut,
pour dégager ensuite ses possibles conséquences pour les différents opérateurs
économiques exposés au risque pays. Le cas de la Grèce en fournit actuellement la
meilleure illustration, puisque l'estimation et le traitement de la dette grecque
conditionnent le risque pays, non seulement de la Grèce elle-même, mais également de
plusieurs pays de la zone, à travers notamment les engagements de leurs banques.
Au-delà de ces constats empiriques assez attendus, la diversité des données utilisées et
la variété de leur traitement rendent difficile la comparabilité des résultats livrés par
ces études. Au reste, leurs différents modèles statistiques n'ont été testés, jusqu'à
présent, que sur une majorité de pays en développement ou émergents. On peut dès
lors s'interroger sur leur portée, lorsqu'ils sont appliqués aux risques de dettes
souveraines de pays occidentaux appartenant aux économies avancées, sans
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
54
antécédents historiques récents de défaut. L'hétérogénéité des dimensions et des
caractéristiques macroéconomiques de pays comme les États-Unis, la Grèce et la
Belgique, par exemple, limite en outre les enseignements susceptibles d'être tirés de
ces approches agrégées, pour une évaluation comparative de leurs risques de défaut.
II.1.3°/ Le risque systémique : une autre approche du risque souverain
Il est clair que ce que l'on dénomme communément « probabilité de défaut » pour
mesurer le risque émanant des dettes souveraines ne correspond, ni à une mesure
objective d'occurrence des défauts de paiement des États, ni à une évaluation des
sinistres potentiels qu'ils pourraient occasionner. Cette mesure, comme le
reconnaissent du reste les agences de notation, traduit plutôt un jugement, voire une
opinion, argumentée sur ce risque. Dans la terminologie technique de l'analyse
économique, il s'agit donc de probabilités subjectives. Quant à l'argumentation qui
sous-tend ces jugements et fonde ces probabilités, elle n'est pas actuellement dérivée
d'un véritable modèle de risque. Elle renvoie, pour l'essentiel, aux résultats actualisés
de modèles macro-économiques d'endettement, le plus souvent standardisés par les
contraintes d'opérationnalité. Il en résulte une convergence fréquente des évaluations
subjectives de risques de défaut par les différents évaluateurs, dont on a pu observer
les effets cumulatifs.
L'existence de très importantes externalités entraîne potentiellement une multitude
de dommages collatéraux économiques et politiques, en cas de défauts souverains de
la part des pays occidentaux aux économies avancées. L'interconnexion des différents
opérateurs internationaux dans des économies fortement intégrées par la
mondialisation peut faire craindre que ces risques de défaut n'enclenchent une
dynamique catastrophique qualifiée de risque systémique c’est-à-dire ayant un effet
d’entrainement sur le système financier et économique, compte tenu du renforcement
de la mondialisation financière. Pour toutes ces raisons, les économistes sont plutôt
enclins aujourd'hui à traiter les risques de défaut souverains comme des macro-risques
financiers et à privilégier les approches macroéconomiques pour les appréhender.
Mais une théorie macroéconomique du risque souverain existe-t-elle, et est-elle
seulement possible ? Les difficultés rencontrées dans l'interprétation des informations
agrégées qui ont été discutées précédemment permettent d'en douter. Les raisons de
fond avancées pour expliquer cette lacune théorique conduisent à proposer une
approche alternative du risque souverain fondée sur une analyse différente du
phénomène.
L'évolution d'une dette, et par conséquent les risques de défaut qui accompagnent
ses échéances, n'est pas la résultante mécanique de relations estimées entre un petit
nombre de paramètres financiers, économiques et politiques dûment sélectionnés. Au
cœur du phénomène, on trouve une interaction, ou plutôt des systèmes d'interactions,
avec une série d'intermédiations entre un (ou plusieurs) débiteurs et un groupe de
créanciers. Outre leurs montants, la seule véritable spécificité des dettes souveraines
est que, dans ce jeu complexe de prêts, d'emprunts, de remboursements et de reports
qui se noue entre prêteurs et emprunteurs, le rôle de l'emprunteur est joué par les États,
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
55
avec leurs prérogatives mais également leurs dépendances par rapport à l'économie de
leur pays. Le risque souverain peut s'entendre ainsi comme la conséquence des
comportements adoptés par ces deux catégories de joueurs. Nous verrons que s'y joint,
de plus en plus souvent maintenant, un troisième groupe formé par diverses
institutions économiques régionales, nationales, ou mondiales. Les comportements de
ces acteurs dépendent de leurs anticipations réciproques, en fonction de leurs
informations et de leurs croyances, avec les asymétries dont ils bénéficient ou dont ils
sont victimes. Par-delà les indicateurs financiers et les agrégats macro-économiques,
c'est donc aux outils forgés par la théorie des jeux et les théories économiques de
l'information qu'il revient d'en rendre compte.
Cette idée n'est pas nouvelle. On la trouve déjà développée en 1985, dans un article
séminal intitulé « The Pure Theory of Country Risk » (Eaton, Gersovitz et Stiglitz,
1985). Ses auteurs y insistent d'abord, à juste titre, sur la difficulté de définir avec
précision le défaut de paiement d'un pays, puisque les définitions juridiques de la
faillite ne peuvent immédiatement s'appliquer aux États, pas plus, du reste, que la
notion de banqueroute. Le défaut de paiement, en la circonstance, est moins un état de
fait, imputable à quelque mesure objective d'une dette souveraine, qu'une conséquence
de décisions prises par les parties concernées, au vu de leurs appréciations
nécessairement subjectives et imparfaites de la situation. Quant au risque de défaut qui
en découle, il n'est réductible ici, ni à celui d'insolvabilité, ni même à celui de non
liquidité, pour les raisons qui ont déjà été déjà avancées.
En dépit de sa remarquable clairvoyance, cet article et les travaux qui l'ont
accompagné portent la marque de leur époque. Si les principales hypothèses retenues,
concernant les banques créditrices et les assureurs crédits d'un côté, les pays débiteurs
de l'autre, sont toujours d'actualité, le contexte dans lequel s'exercent leurs activités a
beaucoup changé. Ainsi, le poids croissant de l'intermédiation financière, à travers un
véritable marché international des dettes souveraines, a fait entrer de nouveaux acteurs
(fonds de toutes sortes) et compliqué singulièrement les règles du jeu initial. La forte
volatilité des taux d'intérêt de ces différentes dettes, avec son incidence sur le
déroulement des processus de refinancement, en porte témoignage. La position
économique occupée par les pays emprunteurs récemment en difficulté, ou menacés de
l'être, a également contribué à modifier la donne des rapports de force entre
emprunteurs et prêteurs.
II.2°/ La crise de la zone euro : du risque pays au risque systémique
II.2.1°/ La chronique de la crise grecque
Le 3 septembre 2009, le Premier ministre Costa Caramanlis appelle des élections
anticipées. Le 4 octobre 2009, les élections sont gagnées par l’opposition conduite
Georges Papandreou. Le 21 octobre 2009, le ministre des finances annonce une
révision du déficit budgétaire ; contre les 3,7% affichés en début d’année, il évoque un
déficit de 12,5%, violant ainsi de loin le Traité de Maastricht à savoir le Pacte de
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
56
stabilité et de croissance (PSC)17
. Ce chiffre sera révisé une deuxième fois, le 22 avril
2010 pour s’élever à 13,6%. Il le sera une dernière fois, le 25 octobre 2010 pour
atteindre finalement le chiffre de 15,4% du PIB : l’Etat grecque, présentant ainsi un
gros risque d’insolvabilité c’est-à-dire un risque de défaut énorme.
Quand le gouvernement grec a révélé, le 16 octobre 2009, son incapacité à assurer
le service de sa dette, il a aussi provoqué la panique et la nervosité des marchés
financiers dans la mesure où ses prêteurs ont commencé à lui exiger le remboursement
de leurs prêts : cela reflète clairement un défaut de paiement qui se traduit par un
risque souverain important. Se trouvant donc, dans un dilemme très sérieux, l’Etat
grecque demande de l’aide aux autres pays membres de l’Union Européenne, en
particulier ceux de la zone euro rembourser sa dette.
L’Europe hésite sur la réponse à donner à la crise grecque, surtout du côté de
l’Allemagne avec le refus catégorique de la Chancelière Angela Merkel. Selon Jean
Pisani-Ferry, directeur du think tank Bruegel, il conviendrait de laisser faire le FMI,
car cette institution possède l'expertise de ce genre de problème et, à la différence des
institutions européennes,« est capable d'affronter l'impopularité ». Au contraire pour
d'autres, tel Jean-Claude Trichet, Président sortant de la BCE, le recours au FMI
serait vu comme un échec pour la zone euro Malgré tout, le 26 mars un Conseil
européen décide que la zone euro pourrait se porter au secours d'un pays de la zone en
difficulté après que ce dernier ait fait appel au FMI, et ait reçu une aide substantielle
de cette institution ; dans ce cas, sous certaines conditions, les pays de la zone euro
pourraient apporter un complément d'aide. C’est ainsi qu’un premier plan de sauvetage
de 30 milliards d’euros est annoncé le 11 avril 2010, mais il déçoit par son ampleur
trop limitée. Le 2 mai, le Conseil Européen18
vote un second plan par la mise en place
d’un mécanisme d’aide à la Grèce en des prêts bilatéraux pour un montant de 110
milliards19
, assorti d’un programme de retour du déficit à 2,6% d’ici 2014.
La Bourse grecque perd 6,7% le lendemain de l’annonce et 10%, quatre jours
après. Les analystes trouvent, en effet, le plan de rigueur trop brutal et s’inquiètent de
ses effets négatifs sur la croissance. Le risque d’une propagation de la crise grecque
aux autres pays de la zone euro reprend. Pour y répondre, les ministres des finances de
l’Union européenne annoncent, le 10 mai 2010, un nouveau plan par la mise en place
du Fonds européen de stabilité financière (FESF) de l’ordre de 750 milliards pour
financer d’éventuels autres sauvetages, afin d'éviter que la crise grecque ne s'étende à
l'Espagne, au Portugal, voire à l'Italie. Au lendemain, les Bourses européennes
s’enflamment, mais reperdent leur gain le 12 mai, du fait de l’opacité de mécanismes
prévus. Le Premier ministre espagnol Zapatero annonce un plan de restrictions
budgétaires de 15 milliards. L’Europe entre dans une phase d’austérité budgétaire.
17
Ce pacte définit des règles strictes en termes de finances publiques sous peine d’amendes (0,5% du PIB) : des finances saines avec un déficit budgétaire limité à 3% du PIB, et un endettement public 60% du PIB. Dans les faits, de nombreux pays tels que la France et l’Allemagne ont violé le PSC sans pour autant payer les amendes prévues en usant de l’influence politique. 18
Créé en 1975, il rassemble les chefs d’Etat et de gouvernement et le président de la commission ; il se réunit deux fois par an sous la présidence du pays en charge de la présidence de l’Union ; il prend les grandes décisions stratégiques. 19
80 milliards par les pays de la zone euro et 30 milliards par le FMI.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
57
La raison pour laquelle l’Union européenne devait intervenir est que la crise
grecque traduisait un risque pays dont les répercussions allaient conduire
inévitablement à la fin de l’euro. Comme nous l’avons déjà souligné dans le I.1.3°/, il
y a une forte diversification intra-européenne de la détention de la dette publique en
Grèce, c’est-à-dire qu’environ 50% de la dette souveraine est détenue par des
investisseurs institutionnels de la zone euro, en particulier de la France et de
l’Allemagne.
L’exposition des banques françaises à la dette grecque était plus grande que celle
des banques allemandes. En termes de portefeuille bancaire, l’exposition des banques
françaises au 30 juin 2011 est 4 milliards d’euros pour la BNP Paribas, de 1,6 milliards
d’euros pour la Société Générale, et en termes d’exposition nette, elle est de 0,3
milliard d’euros pour le Crédit Agricole et de 1,2 milliards pour la Banque populaire
Caisse d’épargne. La réalité qui accompagne cette exposition, c’est que, un défaut de
l’Etat grec coûterait : 28 milliards d’euros pour la BNP Paribas, 10,7 milliards d’euros
pour le Crédit Agricole, 8,8 milliards d’euros pour la Société Générale, 7,7 milliards
d’euros pour Deutsche Bank, 7 milliards pour RBS, 10 milliards pour HSBC.
Une triste réalité sur la dette grecque, montre que, Athènes a financé
majoritairement ses énormes déficits budgétaires pour les destiner à des dépenses de
fonctionnement des administrations publiques.
II.2.2°/ La contagion de la crise dans la zone euro
Face à l’explosion des marchés face à la crise de la dette grecque, un autre
problème inquiète l’Union européenne, à savoir l’effet d’entraînement sur les autres
pays de la zone euro tels que l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et l’Italie voire la France
qui a subi la pression des agences de rating sur l’éventuelle dégradation note de sa
dette souveraine.
Le cas de l’Irlande
L'Irlande fut le premier pays à connaître le même sort que la Grèce, même si la
situation du pays est sensiblement différente. Contrairement à la Grèce, l'Irlande a
longtemps été en croissance et ses finances publiques étaient saines. À tel point que le
pays fut surnommé le « Tigre celtique » (en référence aux Tigres asiatiques).
Malgré cela, l'Irlande a été fortement touchée par la crise des subprimes en 2008,
notamment en raison de la bulle immobilière. En 2010, le pays fait face à une grave
crise bancaire. Plusieurs de ses banques, notamment la banque Anglo, étaient au bord
de la faillite et doivent être renflouées.
En septembre 2010, l'Irlande doit une nouvelle fois se porter au secours de ses
banques, ce qui provoque une augmentation considérable de son déficit public qui
atteint 32 % du PIB. Le pays hésite à demander l'aide du FESF, à la fois pour des
raisons de fierté nationale, et parce qu'il craint que les autres pays lui imposent de
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
58
relever son impôt sur les sociétés, ce qui venait d'assurer son succès, mais qui est jugé
« non coopératif » par les autres États européens. Ceux-ci ont incité l'Irlande à recourir
au mécanisme du FESF car ils craignaient une contagion au Portugal voire à
l'Espagne. Si ce pays était touché, alors, pour le chef économiste de la Deutsche Bank,
la France, selon lui, pourrait ne plus être à l'abri.
Le gouvernement irlandais, rapidement dépassé, ne peut faire face seul à cette
crise. Un plan de sauvetage est donc mis en place au niveau européen avec le FESF,
qui prévoit l'octroi de prêts allant de 80 à 90 milliards d'euros.
En décembre 2010, The Irish Independent dévoile que la Banque centrale
d'Irlande a créé plus de 50 milliards d'euros de monnaie pour soutenir ses banques. Ce
type d'opération, bien que conforme aux traités européens, témoigne de la gravité de la
situation bancaire et financière irlandaise.
En février 2011, le gouvernement de droite, accusé d'être responsable de la crise,
est renversé lors des élections générales, laissant la place à une coalition de centre-
gauche. Le nouveau gouvernement de Enda Kenny promet alors de remettre en cause
les conditions du plan de sauvetage octroyé en novembre 2011. Mais sans succès,
notamment car l'Allemagne et la France exigent de l'Irlande qu'elle rehausse son taux
d'imposition sur les sociétés, ce que le gouvernement irlandais a promis de ne pas
faire : les banques allemandes étaient nettement plus exposées que les banques
françaises.
Le 31 mars 2011, les résultats des tests de résistance bancaires (banking stress-
tests) révèlent que le plan de sauvetage est loin d'être suffisant pour combler les pertes
subies par les banques irlandaises. Le gouvernement est forcé de nationaliser plusieurs
banques et de recapitaliser l'ensemble du secteur, pour un montant de 24 milliards
d'euros.
Le cas du Portugal
Le risque de crise au Portugal s'est accru à avril 2011. Ce pays, comme la Grèce, a
vu ses taux d'emprunt augmenter suite à la dégradation de la note de sa dette
souveraine, de A+ à A-, par Standard & Poor’s. Le fait que sa dette extérieure (privée
et publique) évaluée à près de 100% du PIB, est essentiellement détenue par des actifs
étrangers dont 80% pour la Grèce, et est à la fois un élément de fragilité et de force,
car les pays dont les banques ont prêté peuvent s'inquiéter des conséquences d'un
défaut de paiement sur celles-ci. Si le Portugal présente des similitudes avec le cas
grec, malgré tout son endettement et son déficit sont moindres et le pays n'a pas
présenté des budgets améliorés.
Le Portugal affiche un déficit public de 9,4% du PIB en 2009, puis 9,8% en 2010,
contre 13,6% pour la Grèce en 2009. Son endettement public est de 77,4% du PIB en
2009, et 93% en 2010, contre 115% du PIB pour la Grèce en 2009.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
59
Le 7 avril 2011, après avoir nié pendant longtemps la nécessité d'un plan de
sauvetage, le Premier ministre José Sócrates finit par faire appel à l'Union européenne
et au FMI, afin de subvenir aux besoins en trésorerie du pays. Les négociations qui
s'en suivront aboutiront à la mise en place d'un plan de sauvetage de 78 milliards
d'euros.
En termes de portefeuille bancaire, l’exposition des banques françaises à la dette
portugaise au 30 juin 2011 s’élève à 1,4 milliards pour la BNP Paribas, à 0,2 milliard
pour la Société Générale ; en termes d’exposition nette, elle s’élève à 0,8 milliard pour
le Crédit Agricol et à 0,2 milliard pour la Banque populaire Caisse d’épargne.
Il faut noter aussi que les banques allemandes sont beaucoup plus exposées à la
dette portugaise que les banques françaises.
Le cas de l’Espagne
L'agence Standard & Poor's a rétrogradé le crédit espagnol de AA+ à AA,
invoquant les faibles espoirs de croissance de ce pays, frappé de plein fouet par
l'éclatement de la bulle immobilière et de la construction.
Le déficit public espagnol a explosé en 2009. Il s'est élevé à 11,2% du PIB selon
Eurostat, bien au-delà de la limite des 3% du Pacte de stabilité européen. Le
gouvernement socialiste s'est engagé à le ramener à 3% en 2013, mais Standard &
estime « que le déficit public devrait probablement encore excéder 5% du PIB d'ici
2013 ». En fait, si l'Espagne a un tel déficit c'est que le modèle économique sur lequel
elle a bâti sa croissance jusqu'à la crise, le secteur immobilier, est plongé dans une
crise grave qui pèse sur le budget du pays.
En 2010, le déficit public est réduit à 9,24% du PIB (contre un objectif de 9,3%),
avec 5,7% pour l’État (contre un objectif de 6,7%) et 2,83% pour les régions (contre
un objectif de 2,4%). En septembre 2011, le gouvernement espagnol annonce qu'il
tiendra son objectif de déficit fixé à 6% du PIB pour l'année 2011, alors que les
déficits des régions est largement au-dessus des objectifs fixés par l’État, plus
particulièrement pour l'Andalousie et la Catalogne. Ainsi, c'est le déficit des régions
qui inquiète le plus les agences de notation. Toutefois, l'Espagne loupe largement son
objectif en 2011 alors que le déficit public s'affiche à 8,5%, dont 2,9% du PIB pour les
régions. Suite aux élections générales espagnoles de novembre 2011 remportées par le
Parti populaire, Mariano Rajoy devient président du gouvernement et promet
davantage d'austérité.
Le gouvernement espagnol annonce d'importantes mesures d'austérité en avril
2012 contenant des mesures d'économie totales de 39,5 milliards d'euros avec pour
objectif un déficit public à 5,3% (contre 8,5 en 2011) alors que l'objectif initial était de
4,4%. Les budgets des ministères sont réduits de 17% en moyenne afin de réaliser 27,3
milliards d'économie en plus de 12,3 milliards de hausse de prélèvement. Le budget
estime la récession de l'économie en 2012 à 1,7%, mais si les coupes budgétaires
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
60
devaient entrainer une contraction plus importante de l'économie, le gouvernement ne
pourra pas atteindre ses objectifs.
Pour les analystes, la dégradation de la note de l'Espagne est plus préoccupante en
raison du poids de son économie dans la zone euro, nettement supérieur à celui de la
Grèce et du Portugal car si elle devait demander l'aide comme la Grèce à l'UE, cela ne
serait pas possible vu sa taille.
En mai 2012, l'établissement bancaire Bankia est nationalisé tandis que son plan
de sauvetage est estimé à 23,5 milliards d'euros. Auparavant, entre février 2012 et avril
2012, les banques espagnoles ont déjà emprunté 144 milliards d'euros à 3 ans auprès
de la BCE. D'après l'économiste Jacques Sapir, en juin 2012, les besoins du système
bancaire seraient de 250 à 300 milliards d'euros. Par ailleurs, d'autres banques
pourraient également avoir des besoins non négligeables. Madrid ne veut alors pas
d'aide européenne et prépare des plans dont l'un qui conduisait à impliquer la BCE est
rejeté par cette dernière. Pour Nicolas Véron, les problèmes bancaires ne peuvent être
traités de façon distincte des problèmes de dette souveraine.
Le 7 juin 2012, l'agence de notation Fitch Ratings dégrade la note espagnole de
trois crans à BBB. Cette dégradation pousse l'Espagne à demander l'aide du FESF le 9
juin 2012.
En termes de portefeuille bancaire, l’exposition des banques françaises à la dette
espagnole au 30 juin 2011 s’élève à 2,8 milliards pour la BNP Paribas, à 1,3 milliards
pour la Société Générale ; en termes d’exposition nette, elle s’élève à 1,8 milliards
pour le Crédit Agricol et à 1 milliard pour la Banque populaire Caisse d’épargne.
Le cas de l’Italie
Début juillet 2011, la pression monte sur la dette italienne (environ 120 % du PIB
italien et 25 % de la dette de la zone euro). Les raisons de ces tensions tiennent à la
fois de problèmes extérieurs à l'Italie (la dégradation de la dette du Portugal) et
internes (les tensions au sein du gouvernement italien et ses problèmes électoraux ainsi
que l'enquête à laquelle est confronté le ministre des finances italien Giulio Tremonti.
L'annonce par le gouvernement italien d'un plan d'austérité permet d'apaiser
temporairement les tensions. Cependant, le gouvernement fait rapidement voter un
second plan ambitieux, qui prévoit de rétablir l'équilibre budgétaire dès 2013.
Le 20 septembre 2011, l'agence Standard & Poor's dégrade à nouveau la note de la
dette, d'un cran, avec une perspective négative.
Lors du G20 de Cannes des 3 et 4 novembre 2011, les pays membres constatent
qu'en réalité le pays ne met pas en œuvre les mesures censées être prises. Aussi l'Italie
est mise sous tutelle des experts du FMI et de la Commission européenne chargées de
vérifier la réalité des réformes promises. Par ailleurs, Silvio Berlusconi est fortement
incité par de nombreux membres de la classe politique italienne de céder sa place, ce
qu'il fera le 16 novembre 2011. Remplacé par Mario Monti, économiste italien, celui-
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
61
ci mettra en place des plans de rigueurs drastiques. Le total des mesures d'économie
adoptées par l'Italie s'élève à plus de 80 milliards d'euros et prévoit l'équilibre
budgétaire en 2013, contre un déficit de 4,6% du PIB en 2010. Cela n'empêchera
toutefois pas l'Italie de sombrer dans la récession, avec un recul trimestriel net de
0,7%, et les dégradations par les agences de notation. Le gouvernement Monti
enregistre toutefois quelques succès, notamment dans la lutte contre la fraude fiscale et
les taux d’intérêt du pays baissent mais restent élevés.
L'Italie connaissant une récession plus forte qu'estimée, prévue à 1,2% du PIB
contre 0,4% initialement en 2012, le gouvernement décide de retarder d'une année son
retour à l'équilibre budgétaire, donc en 2014, de peur que de nouvelles mesures
d'austérité plongent le pays dans un cercle vicieux. Le gouvernement compte sur un
léger retour à la croissance en 2013 et un déficit public de 0,5% du PIB la même
année, permettant selon le gouvernement de réduire la dette publique à 110,8% en
2015 contre 120,3 en 2011. L'Italie pourrait pourtant encore échouer à atteindre ses
objectifs, puisque le FMI prévoit une récession de 1,9% en 2012 et de 0,3% en 2013.
Toutefois, il faut souligner que l'Italie connait d'important excédents budgétaires
primaires depuis 2011, c'est-à-dire sans compter la charge de la dette, après un
important déficit en 2009 et qui s'est réduit fortement par la suite. En 2010, la charge
de la dette pèse sur le budget à hauteur de 70 milliards d'euros.
Une fois de plus, ce sont les banques allemandes qui sont les plus exposées à la
dette italienne par rapport aux banques françaises.
En termes de portefeuille bancaire, l’exposition des banques françaises à la dette
espagnole au 30 juin 2011 s’élève à 20,8 milliards pour la BNP Paribas, à 2,2 milliards
pour la Société Générale ; en termes d’exposition nette, elle s’élève à 8,7 milliards
pour le Crédit Agricol et à 4,2 milliard pour la Banque populaire Caisse d’épargne.
Tableau 9 : Tableau de l’exposition des banques françaises à la dette souveraine
(en milliards d’euros)
grecque italienne portugaise espagnole
BNP Paribas (1) 4,0 20,8 1,4 2,8
Société Générale (1) 1,6 2,2 0,2 1,3
Crédit Agricole (2) 0,3 8,7 0,8 1,8
Banque populaire
Caisse d’épargne (2)
1,2 4,2 0,2 1,0
Source : Libération (1) : Portefeuille bancaire : ce sont des titres à échéance (2) : Exposition nette : comprend le portefeuille bancaire et le portefeuille des négociations, les titres pouvant
être revendu avant l’échéance
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
62
Ainsi donc, nous notons que la dette italienne pèse lourd vis-à-vis des banques
françaises, ensuite viennent celles grecque, espagnole et portugaise.
Le cas de la France
À partir d'août 2011, la France met en place deux plans de rigueur. Le premier
portait sur un train d'économie de 11 milliards d'euros en 2011et 2012, le second
présenté par François Fillon, le Premier ministre sortant, le 7 novembre 2011 prévoit
notamment le passage en 2017 au lieu de 2018 de la date de départ à la retraite, la
suppression du dispositif Scellier, une majoration des impôts sur les sociétés, la
création d'un taux intermédiaire de 7% pour la TVA. Le différentiel (spread) entre le
taux d'intérêt des obligations d'État français et leur équivalent allemand atteint 147
points de base en novembre 2011 alors qu'un an avant il n'était que de 45 points. Les
banques françaises détiennent, selon la Banque des règlements internationaux (BRI),
106 milliards d'euros de dette italienne, deux fois plus que les banques allemandes, et
surtout le déficit de la France reste élevé en comparaison de celui de l'Allemagne°:
5,2%.
Pour Alain Trannoy du cercle des économistes, "les plans français sont peu
lisibles et peu susceptibles de relancer la croissance qui est pourtant une variable clé
pour sortir de l'endettement". Début février 2012, le déficit commercial (en 2011)
atteint un record historique pour la France à 69,6 milliards d'euros.
Le 13 janvier 2012, Standard & Poor’s dégrade le AAA de la France à AA+ avec
implication négative, estimant que l'Hexagone avait encore une chance sur trois d'être
dégradée avant la fin de l'année. Un mois plus tard, sa consœur Moody's dégrade la
perspective de la note souveraine française à long-terme, qui pourrait avant 2013,
perdre une nouvelle fois la meilleure note possible. Fitch annonce toutefois début
janvier, ne pas envisager de toucher à la note française en 2012, sauf en cas de
dégradation de la conjoncture économique du pays au cours de l'année.
Les difficultés de la France ravivent le débat sur la politique de la Banque centrale
européenne autour de la question de savoir si la BCE doit monétiser la dette publique
ou non. Les milieux financiers français semblent en faveur de mesures de rachat de
dettes par la BCE. Toutefois, les résultats de 2011 semblent assez encourageant pour la
conjoncture économique du pays. Le déficit public atteint 5,2 % pour l'année 2011,
mieux que ce qui était attendu. C'est le cas aussi pour la croissance qui évita de peu la
récession fin 2011, portant à 1,7% la croissance annuelle (+0,2 au quatrième trimestre)
et confortant les prévisions pour 2012.
Le 7 juin 2012, l'agence de notation Fitch Ratings juge le plan économique,
adoptée par le Président entrant François Hollande, crédible et lui maintient en
conséquence son triple A. Le gouvernement entrant demande une renégociation du
Traité de stabilité (signé par le Président sortant Nicholas Sarkozy, mais encore non
ratifié) pour y intégrer le volet de la croissance sans remettre en cause les politiques
d’austérité budgétaire mais en ajustant temporairement l’équilibre budgétaire pour ne
pas jouer négativement sur la croissance sans laquelle les pays ne sortiront de la crise.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
63
II.2.3°/ Sortie de l’euro : le scénario catastrophique
Si un pays souhaitait quitter la zone euro de son plein gré, il lui faut négocier
l’adoption par ses anciens partenaires d’un amendement au Traité de Lisbonne de
2007. Dans l’article 50, ce dernier fournit un cadre légal pour une éventuelle sortie de
l’UE, mais pas pour l’abandon de la monnaie unique. La seule hypothèse, pour le faire
est celle d’une séparation consensuelle, mais compliqué car il faudrait modifier à
l’unanimité des Vingt-sept pays le Traité de Maastricht. Si toutes fois, cela se
produisait, le problème du risque pays se transformerait à un autre qui est celui du
risque systémique difficilement contrôlable par les agents économiques des pays de la
zone euro.
Quel sera l’effet sur la dette ? Un pays qui sortirait malgré tout aurait deux
options : conserver sa dette en euro, ou la convertir de force dans la nouvelle
(ancienne) devise nationale. Dans le premier cas, l’Etat se priverait d’utiliser l’effet
change, susceptible de faire évoluer favorablement sa dette : ce qui à coût sûr mènera à
un défaut. Dans le deuxième cas, les investisseurs considéraient aussi la conversion
forcée comme une forme de défaut : le coût sera très élevé pour tout le monde y
compris pour les investisseurs non-résidents. Selon Patrick Artus, responsable de la
recherche économique chez Natixis, ces dévaluations envisagées ainsi coûterait 170
milliards d’euros dans le cas de la Grèce, 70 milliards d’euros dans le cas du Portugal,
90 milliards d’euros dans le cas de l’Espagne et 300 milliards d’euros dans le cas de
l’Italie. Il poursuit en disant que le déclenchement d’un effet dominos serait quasi
instantané : « concentrées sur les banques et les investisseurs institutionnels de la zone
euro, ces pertes conduiraient normalement, avec le choc de la rupture de l’euro, à une
forte dépréciation de l’euro à court terme ». Maigre consolation, il est permis de
considérer qu’à plus long terme, « l’euro pourrait au contraire s’apprécier du fait de
l’amélioration de la qualité économique de la zone ».
Quel effet sur le système bancaire ? A titre de rappel, l’effondrement de l’union
monétaire des Etats-Unis de 1932-1933 donne un aperçu de ce qui pourrait se
produire, d’après Stéphane Déo, chef économiste chez UBS. En effet, une sortie de la
zone euro par un Etat, conduira à un désastre pour le système bancaire de la zone. Les
établissements financiers des Etats membres réduiraient massivement leurs expositions
à la devise du pays sortant : ce dernier serait amené à suspendre le fonctionnement du
système bancaire sur son territoire, voire à réduire sensiblement les montants des
retraits autorisés de liquidités dans les agences bancaires implantées sur son sol. La
transformation forcée de la dette souveraine nationale en devise locale dépréciée,
associée à d’éventuels défauts, provoquera la faillite de plusieurs banques.
En plus, pour attirer des liquidités, les établissements bancaires seraient emmenés à
rémunérer les dépôts à hauteur de 50-60%, juge UBS en s’inspirant de l’exemple de la
dernière crise financière an Argentine de 1990-2002.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
64
Le secteur financier de la zone euro en sortirait à son tour ébranlé. Les
déséquilibres de bilan si difficilement restaurés après la crise seraient brisés. Il faudrait
des années à l’industrie bancaire européenne pour s’en remettre. Et ce, au prix de
faillites de regroupements forcés et, surtout, de restrictions des crédits consentis aux
entreprises et aux particuliers.
Quel effet sur le marché de change ? Après tout ce qui a été dit, cette situation
conduira inévitablement vers une guerre des changes sous une forme de
protectionnisme monétaire. Pour que l’abandon de l’euro soit payant pour le pays
sortant, il lui faudrait procéder à des dévaluations massives. Natixis calcule que la
Grèce devrait déprécier sa monnaie de 55% par rapport à l’euro, le Portugal de 35%,
l’Espagne de 20% et l’Italie de 30%. En 1992-1993, au moment de l’explosion du
Système monétaire européen (SME), l’Espagne avait dévalué le peso de 32% par
rapport au deutsche Mark et l’Italie, la lire à hauteur de 40%. Si le « sortant »
dépréciait de 60% sa nouvelle monnaie contre la monnaie unique, il serait hautement
plausible, selon les experts de UBS, que les pays membres de la zone euro imposent
aux marchandises issues de ce pays des droits de douane équivalents ou supérieurs au
taux de dépréciation du change. La conséquence logique est que les volumes du
commerce extérieur d’un pays « sécessionniste » plongeraient de moitié.
Quel effet sur les taux d’intérêt et une inflation ? La sortie de la zone euro se
traduirait par une très forte hausse des taux d’intérêt à long terme, déjà présente de
toute façon en Grèce et au Portugal, selon les anticipations de Patrick Artus. Le pays
sortant pourrait même se trouver dans l’impossibilité de trouver des prêteurs à long
terme, étrangers ou locaux. Il lui faudrait alors tout miser sur les financements à court
terme et à taux flexibles afin de contenir les effets néfastes de la hausse des taux longs
sur l’activité économique. Le passage d’un refinancement de long terme à un
refinancement à court terme ajouterait un élément d’incertitude.
Quant à l’inflation, elle persisterait d’abord avec la dépréciation du change, puis en
raison de la monétisation des dettes publiques : un phénomène inévitable, car pour
remplacer les investisseurs privés sur le marché, il reviendra à la Banque centrale du
pays concerné d’acheter des titres de la dette : l’institut d’émission n’aura donc
d’autres choix que de créer de la monnaie supplémentaire.
Quel impact sur le tissu social ? La colère des manifestions grecs ou les émeutes
anglaises de l’été préfigurent-elles des soulèvements plus violents ? Ce qui est sûr,
c’est que des devises faibles et de longues périodes d’inflation accroissent le taux de
chômage dans les secteurs les plus exportateurs, et avec lui, les risques de
désagrégation sociale. Or, quand l’instabilité sociale s’installe, des risques d’une
guerre civile et/ou d’une dérive autoritaire des institutions augmentent, ce qui peut
provoquer une crise, à la fois, sociale et politique.
Quel effet sur les coûts de sortie ? Si un pays faible quittait la zone euro, les
coûts qu’il devrait supporter seraient compris, selon UBS, entre 9500 et 11500 euros
par habitant, au cours de la première année, soit entre 40% et 50% de son PIB.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
65
L’addition diminuerait, mais resterait élevée les années suivantes : entre 3000 et 4000
euros annuels par personne.
Dans l’éventualité où un pays comme l’Allemagne quitterait la zone euro, le coût
par habitant serait compris 6 000 et 8 000 euros la première année (soit 20% et 25% de
son PIB). Il baisserait ensuite à 3500-4500 euros par année et par habitant.
Le coût de rachat intégral des dettes cumulées de la Grèce, de l’Irlande et du
Portugal ne serait que légèrement supérieur à 1000 euros par tête au sein de la zone
euro.
L’éviction de la Grèce, du Portugal, de l’Italie et de l’Espagne de la zone euro
produirait « des pertes très fortes à court terme avec les pertes de change sur les dettes
publiques des pays qui sortent, et à long terme les effets d’une appréciation de
l’euro », selon Patrick Artus.
En analysant, toutes les conséquences d’une sortie de l’euro par un Etat membre, il
se trouve qu’aucun des Etats de la zone monétaire ne sera épargné par le risque
systémique qui se traduira par un ensemble de déséquilibres sur le plan monétaire,
financier et économique : pas même l’Allemagne, n’en parlons pas des autres pays.
La solution face à ce dilemme, sera que chaque pays, confronté à ce problème de
dette souveraine, mette en place une véritable stratégie de réduction de sa dette
publique.
Section II : Stratégies de réduction de la dette publique
Vue la gravité de la situation qui repose sur le problème sérieux de l’état de santé
des finances publiques des Etats membres de la zone euro, la meilleure solution pour
ces pays considérés à risque tels que la Grèce, l’Irlande, le Portugal sans oublier
l’Espagne et l’Italie voire la France, c’est de dresser leurs stratégies de réduction de la
dette publique, contrairement aux Etats-Unis et au Royaume Uni qui ont, eux, choisi
de financer une partie de la dette publique par la Banque centrale.
Quels sont les plans d’austérité budgétaire qui ont été adoptés par la Grèce,
l’Irlande et les pays de l’Europe du sud, compte tenu des engagements pris en
contrepartie de l’aide octroyé par l’Union européenne, la BCE et le FMI ? Pour ce cas,
nous allons plus nous focaliser sur la situation de la Grèce.
Quelle est la « philosophie allemande » de la dette publique ? Quel est le plan de
réduction progressive de la dette publique adopté par la France qui risque, sinon, de
voir sa note se dégrader par les agences de rating ?
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
66
I°/ Plan d’austérité budgétaire : cas de la Grèce
L’annonce, le 16 octobre 2009, par le nouveau gouvernement grec du socialiste
Georges Papandreou, d’un déficit budgétaire dépassant les 10 % du PIB conduit
l’agence Fitch à dégrader la note de la dette grecque en dessous du niveau A, soit un
déclassement sans précédent en ce qui concerne un pays européen.
La Commission européenne place alors la Grèce sous surveillance budgétaire en
février 2010, lui accordant un mois pour la mise en œuvre d’un plan d’austérité.
Face aux difficultés que rencontre Athènes pour se refinancer à des taux
raisonnables sur le marché, l’Eurogroupe20
et le FMI décident d’accorder une aide de
110 milliards d’euros sur trois ans à la Grèce en avril 2010. Dans le cadre de celle-ci,
les États membres de la zone euro ont octroyé, la première année, des prêts bilatéraux
d’environ 30 milliards d’euros, à un taux de l’ordre de 5 %. Les trois principaux
contributeurs sont l’Allemagne, la France et l’Italie. La participation du Fonds
monétaire international s’établit à 30 milliards d’euros.
Cette aide est notamment destinée à permettre à la Grèce de régler pour partie des
difficultés conjoncturelles afin qu’elle puisse revenir se refinancer sur les marchés
courant 2012.
I.1°/ Les conditions de la première intervention européenne
L’aide européenne a été accordée en contrepartie de l’adoption, par Athènes, de
réformes structurelles destinées à réduire la dépense publique. Celles-ci ont été réunies
au sein d’un mémorandum approuvé par le parlement grec.
Le gouvernement grec a ainsi augmenté la TVA, faisant passer son taux de 21 à 23
%, et majoré de 10 % les taxes sur le carburant et l'alcool. Il a décidé, dans le même
temps, de réduire les salaires publics par la suppression du treizième et du quatorzième
mois. Les pensions ont été gelées. La réforme territoriale, dite réforme Kallikratis, adoptée fin mai 2010 a également
participé de cet objectif en réduisant le nombre de circonscriptions électorales, d’élus et
d’employés municipaux. Elle a remplacé, par ailleurs, les 57 circonscriptions préfectorales
et 19 comtés par 13 régions. Le nombre de municipalités a été ramené de 1034 à 325. Le
ministère de l’Intérieur estime que le coût de l’administration locale a été réduit de 25 %
par rapport à 2009 depuis l’adoption de cette réforme, soit 3,6 milliards contre 4,8
milliards il y a deux ans.
Le gouvernement a, dans le même temps, réformé les régimes de retraites, qu’ils
soient publics ou privés et supprimé les régimes spéciaux. L’âge de départ en retraite
est porté de 60 à 65 ans, la durée de cotisation majorée pour passer à 40 annuités,
aucun départ en retraite anticipée n’est possible avant 60 ans.
20
Il rassemble tous les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de la zone euro.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
67
La réforme du secteur de la santé est, quant à elle, plus longue à mettre en place.
Le nombre de caisses d’assurance maladie a ainsi été réduit de façon substantielle,
seules 4 subsistant désormais, avec l’objectif de les réunir progressivement au sein
d’une seule caisse nationale. La réduction des dépenses de santé –3 milliards d’euros
d’économie attendus sur les trois prochaines années –passe également par une lutte
contre l’inflation des dépenses pharmaceutiques. Alors qu’elles représentaient 1
milliard d’euros en 2001, elles ont atteint le chiffre record de 5,1 milliards d’euros en
2009. Les mesures adoptées depuis ont permis de corriger certains abus et de ramener
ces dépenses à 4,25 milliards d’euros en 2010. L’État espère atteindre la somme de
3,25 milliards d’euros fin 2011 et 2,5 milliards d’euros en 2015.
L’aide internationale, les réformes concomitantes et la création dans le même
temps de la facilité européenne de stabilisation financière n’ont pas, néanmoins,
rassuré les marchés. Le retard pris dans un certain nombre de réformes structurelles
contribue à cette défiance. La fonction publique demeure ainsi pléthorique employant près de 25% de la
population, son recrutement reflétant ainsi une forme de clientélisme surannée,
compensant pendant des années le manque de perspectives d’emplois dans le pays. Son
mode de rémunération demeure également sujet à caution comme en témoigne l’absence
de grille unique de salaire. L’absence de flexibilité sur le marché du travail est
également source de difficulté et n’a pas été sans conséquence sur l’inflation des
salaires ces dernières années. Toute négociation salariale ne peut être obtenue qu’après
négociations nationale puis sectorielle suivie d’un accord d’entreprise. Par ailleurs, la
fiscalité des entreprises reste extrêmement lourde, le taux de l’impôt sur les sociétés
atteignant plus de 40%.
De ce fait, depuis l’octroi de l’aide, seuls trois mouvements de baisse des taux ont
été observés. L’annonce par l’Allemagne, au sommet de Deauville de novembre
dernier, d’une éventuelle implication du secteur privé dans le règlement de la crise de
la dette souveraine est par ailleurs analysée par les autorités grecques comme un
mauvais signe adressé aux créanciers, entraînant un durcissement des conditions
d’accès aux marchés financiers.
Face à ces difficultés et afin de permettre à la Grèce de retrouver la confiance des
investisseurs, le Conseil européen a décidé, en mars dernier, d’accorder une réduction
de 1 % du taux d’intérêt de l’aide européenne, qui passe à 4,2 %, et une augmentation
de sa maturité de 3 à 7 ans et demi.
I.2°/ Les limites de l’aide européenne
I.2.1°/ La méfiance persistante des marchés
L’hypothèse d’un recours aux marchés apparaît peu plausible, au regard des taux
qui y sont pratiqués. Fin mai, les taux à dix ans avoisinent les 17 %. Un an après le
plan de sauvetage, les investisseurs estiment l’écart entre les obligations allemandes et
grecques à 1 253 points de base (12,53 %).
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
68
Ce climat de défiance à l’égard de la dette grecque est renforcé par la récente
dégradation de la note du pays par les agences Standard & Poor’s et Fitch (B à CCC
pour la première et de B + à B - pour la seconde). La note de Standard & Poor’s est
ainsi inférieure à l’Équateur, au Pakistan et à la Jamaïque. La dette grecque à long
terme est considérée par les deux agences comme hautement spéculative. Une telle
évaluation est justifiée, selon Standard & Poor’s, par le taux des CDS (credit default
swap), l’assurance contre le défaut, négociée de gré à gré. Le risque de défaut de la
dette grecque dans les cinq ans est ainsi estimé à 68 %. Le 1 er
juin 2011, l’agence de
notation Moody’s a, à cet égard, classé la Grèce dans la catégorie des pays à risque réel
de défaut de paiement (note Caa1), estimant que la Grèce ne pourrait stabiliser son
endettement sans une restructuration de sa dette.
Moody’s a, dans le même temps, dégradé la note de huit établissements financiers,
leurs portefeuilles d’obligation pouvant être directement affectés par une
restructuration de la dette.
La méfiance des marchés à l’égard de la Grèce est paradoxalement renforcée par
l’intervention de l’Union européenne. La somme prêtée est, à juste titre, considérée
comme une charge supplémentaire pour l’État qui voit sa dette augmenter en
conséquence, alors qu’elle atteint déjà 153 % du PIB, soit 345 milliards d’euros. Le
plan d’austérité auquel l’aide internationale est conditionnée est, par ailleurs, assimilé
à un frein à la reprise économique.
I.2.2°/ L’absence de la reprise économique
La sortie de crise s’avère en effet délicate pour l’économie grecque. Le PIB a ainsi
diminué de 4,5 % en 2010, soit deux fois plus que lors de l’exercice précédent. Cette
contraction est due à la baisse de la consommation privée (-4,5%) et celle, pour la
troisième année consécutive, des investissements (-12,3%). La Commission
européenne prévoit une nouvelle dégradation du PIB pour l’exercice 2011, estimant
celle-ci à 3,5 % du PIB. La troïka21
a, pour sa part, relevé que l’augmentation de 1,1 %
du PIB attendue par le gouvernement pour 2012 devrait certainement être revue à la
baisse et atteindre 0,6 %. Le pays subit à la fois une augmentation du chômage (de 8,3 % de la population active
en 2007 à 16,2 % fin mars 2011, 42 % des moins de 24 ans se trouvant sans emploi), une
inflation record (4,6 % en 2010 contre 1,5 % dans la zone euro), l’impact de la crise sur le
secteur touristique et l’effet des mesures d’austérité. Ces facteurs ne sont pas sans
conséquences sur la reprise de la croissance alors même que les trois quarts de la création
de valeur en Grèce dépendent de la demande intérieure. De fait, le retour à la croissance
n’est pas attendu avant 2013, et encore de façon relative et sans baisse concomitante du
chômage : les prévisions pour l’actuel exercice et les deux prochains mettant même en
avant une explosion de celui-ci.
La baisse des rentrées fiscales et des cotisations sociales, inévitable en période de
crise, contribuent, par ailleurs, à la détérioration des comptes publics. La hausse d’un
point de taux de chômage induit une perte de 300 millions d’euros auxquels il convient
21
Elle rassemble les bailleurs de fonds internationaux finançant les pays fragilisés de la zone euro ; il s’agit de l’Union européenne, de la BCE et du FMI.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
69
d’ajouter une dépense supplémentaire de 150 millions d’euros au titre des allocations
chômage.
Tableau 10 : les prévisions macroéconomiques
2010 2011 2012 2013
PIB -4,5% -3,5% -0,1% +1,8%
Prix à la consommation + 4,6 % + 3,3 % + 0,8 % + 1 %
Taux de chômage 14,8 % 16,2 % 16,2 % 16,1 %
Déficit courant (en % du PIB) - 10,5 - 7,3 - 7,1 - 5,2
Déficit public (en % du PIB) - 10,5 - 7,5 - 7,1 - 5,2
Dette de l’Etat (en % du PIB) 142,8 153 159 159,8
Source : Commission européenne
I.2.3°/ L’inquiétude des bailleurs de fonds
Les échéances de remboursement, auxquelles la Grèce devra faire face, se situent,
pour l’essentiel, en 2012. Un tel délai laisse quelques semaines en vue de déterminer
une réponse européenne aux difficultés que rencontre le pays. Une mission
d’évaluation, composée d’experts issus de la Commission, du FMI et de la Banque
centrale européenne, s’est rendue à Athènes au cours du mois de mai 2011 afin de
vérifier les progrès de la Grèce en matière de réduction des déficits. Elle devait
également estimer la viabilité de la dette du pays. Les conclusions de son rapport
devaient déterminer si, compte tenu des réformes engagées par Athènes, l’Union
européenne et le FMI pouvaient débloquer la cinquième tranche du prêt, soit 12
milliards d’euros.
Ce versement n’est, en effet, pas automatique, le Président de l’Eurogroupe, Jean-
Claude Juncker, ayant ainsi indiqué que le FMI pourrait être contraint de retenir sa
part de 3 milliards d’euros, si la mission d’évaluation estimait que la dette grecque
s’avérait trop lourde à assumer par Athènes. Les règles de fonctionnement du FMI lui
interdisent en effet d’accorder une aide si le pays concerné ne dispose pas de garanties
de financement pour une période d’un an.
La troïka a estimé le 3 juin dernier que cette tranche pouvait être versée à l’État
grec, Athènes lui présentant de nouvelles mesures d’austérité. Le gouvernement grec
s’est notamment engagé à réduire le périmètre du secteur public (restructuration et
fermetures d’agences ou d’organismes publics) et le nombre de ses fonctionnaires.
Une diminution des allocations sociales et des pensions est également prévue, alors
qu’un impôt foncier devrait être créé. Le gouvernement grec envisage par ailleurs de
stimuler le secteur du tourisme, de poursuivre la flexibilisation de son marché du
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
70
travail, de libéraliser les secteurs du transport et de l’énergie et de supprimer les
obstacles administratifs aux exportations. L’approfondissement de la réforme des
services de santé est également à l’étude. La troïka a décidé d’apporter une assistance
technique à la Grèce en matière de fiscalité et de privatisations.
Le versement de l’aide ne sera effectif qu’après adoption par Athènes du
programme budgétaire à moyen terme annoncé par le gouvernement fin avril et
amendé dans le cadre des négociations avec la troïka. Celui-ci pourrait être adopté le
28 juin par le Parlement grec, des lois d’application devant être votées d’ici la mi-
juillet.
Néanmoins, face aux besoins de financements de la Grèce pour les deux prochains
exercices, ces réformes pourraient s’avérer insuffisantes si elles ne sont pas
accompagnées d’une nouvelle intervention européenne sur la dette grecque.
I.3°/ Quelle intervention pour la dette grecque ?
L’hypothèse d’une sortie de la zone euro apparaît plus que délicate à mettre en
œuvre ; elle supposerait une révision des traités et pourrait s’avérer être une contrainte
supplémentaire pour Athènes. Assimilée à une véritable dévaluation, elle pose
notamment la question du remboursement des dettes, toutes libellées en euro. Il existe,
par ailleurs, un consensus politique sur le maintien de la Grèce au sein de la zone euro,
allant jusqu’au parti communiste. Une éventuelle solution au problème grec tient de
fait plus à une intervention sur le stock de dettes existant ou à un complément à l’aide
déjà octroyée au printemps 2010. Elle induit, dans les deux cas, une participation du
secteur privé.
I.3.1°/ Organiser le défaut ?
Le risque d’une restructuration dure
Selon certains investisseurs, la Grèce ne pourrait s’affranchir de ses difficultés
actuelles qu’en réduisant de 30 à 50 % sa dette négociable. Athènes pourrait donc
imposer à ses créanciers une telle décote, soit le non remboursement d’une partie des
montants dus.
Le think tank Bruegel estime ainsi que les détenteurs de dette grecque devraient
accepter une décote de 30 % de leurs titres dans le cadre d’un plan permettant à la
Grèce de retrouver sa solvabilité en vingt ans. A défaut, les décotes devraient être plus
importantes à l’avenir.
Une restructuration de la dette grecque ne constitue pas, pour autant, selon la
Commission, une solution viable. Une telle opération conduirait, en effet, à fermer
l’accès de la Grèce aux marchés durant une longue période, aucun investisseur ne
prenant le risque d’octroyer de nouveaux prêts.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
71
Un défaut de remboursement, même circonscrit à un tiers des emprunts souscrits,
aurait, en outre, une incidence directe sur le système bancaire grec et, par conséquent,
sur les ménages. Les banques grecques détiennent, en effet, environ 48 milliards
d’euros d’obligations publiques. L’effacement d’une partie de la dette conduirait donc
à un fort resserrement du crédit et à un gel des dépôts. Elle contribuerait au
ralentissement économique, déjà observé cette année. Le risque d’un effondrement du
système bancaire local conduirait l’État grec à recapitaliser le secteur bancaire avec les
sommes récupérées dans le cadre de la restructuration. Les compagnies d’assurance et
les fonds de pension grecs qui constituent les deuxièmes plus gros créanciers de l’État
seraient également fragilisés par une telle mesure.
Il convient, par ailleurs, de noter que dans le cadre de l’actuelle facilité européenne
de stabilité financière, au titre de laquelle est versée l’aide européenne à la Grèce, les
gouvernements de la zone euro ne sont pas considérés comme des créanciers
prioritaires. Ils peuvent donc encourir des pertes, si la Grèce venait à faire défaut avant
l’instauration du mécanisme européen de stabilité financière qui devrait succéder au
dispositif actuel en juin 2013. La facilité n’inclut pas, non plus de clause juridique qui
permette une renégociation impliquant le secteur privé. Seul le mécanisme européen
de stabilité financière devrait permettre une telle coordination des efforts entre
créanciers privés et créanciers publics, en cas d’insolvabilité du pays concerné. Ces
pertes auraient, en outre, des conséquences indéniables au plan politique, le
contribuable européen étant moins enclin à continuer à aider la Grèce.
Cette idée est néanmoins défendue par les Pays-Bas. Les réserves françaises sur
une éventuelle restructuration s’expliquent notamment par l’exposition de leurs
établissements financiers à la dette grecque22
.
Le « reprofilage »
L’hypothèse d’un « reprofilage » semble être une solution plus acceptable pour
l’Union européenne en dépit des tiraillements observés entre quelques États membres
à ce sujet. Cette restructuration douce lierait allongement des maturités des obligations
d’État grecques et baisse du niveau des taux d’intérêt. De prime abord hostile au projet,
l’Allemagne exige désormais qu’il englobe crédits publics et privés accordés à la
Grèce.
Ce « reprofilage » n’est pas exclu par la Commission qui le subordonne néanmoins
à une conservation, par les créanciers privés, de leurs titres souverains grecs.
Le « reprofilage » pourrait ainsi prendre la forme d’un échange d’obligations
grecques à 65 – 75 % de leur valeur nominale et la mise en place concomitante de
22 La note de la dette à long terme du groupe Crédit Agricole a été abaissée de AA - à A + par l’agence Standard
& Poor’s le 20 mai 2011 en raison de sa trop forte exposition à la dette grecque, au travers, notamment, de sa filiale Emporiki. La note de dette à court terme a été également dégradée, à A-1 contre A-1+ auparavant. L’agence Moody’s a, par ailleurs, annoncé le 15 juin 2011 avoir placé sous surveillance avec implication négative la Société générale, le Crédit agricole et BNP Paribas, en raison de leur exposition à la dette grecque. En ce qui concerne la Société générale, sa participation majoritaire au sein du capital de la banque grecque Geniki justifie cette dégradation. Moody’s observe en outre que les principales banques du groupe Dexia pourraient également être déclassées.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
72
« Brady bonds » européens, reprenant ainsi le système mis en place par Nicholas
Brady, le secrétaire d’État au Trésor américain en 1982 face à la crise mexicaine qui
affectait directement les banques de son pays. Les créanciers accepteraient que les
nouvelles obligations aient une durée de paiement plus longue et des taux d'intérêt
inférieurs à ceux du marché, en contrepartie d'un gage de confiance. La Grèce, comme
le Mexique l’avait fait à l’égard des États-Unis, s'engagerait à cet effet à acheter des
bons du Trésor allemands ou français, disposant de la note AAA, qui sont déposés en
gage sur un compte de la Banque centrale européenne et qui, en cas de défaut, seraient
versés comme compensation aux créanciers de l'État grec.
La BCE est plus réservée sur ce « reprofilage », estimant qu’il aurait un impact
négatif sur les banques du pays qui seraient toujours confrontées à des problèmes de
refinancement sur les marchés. Dans ce cadre, comme dans celui d’une restructuration
dure, la BCE envisage de cesser de fournir les banques grecques en liquidités23
. Ainsi,
elle ne prendrait plus en garantie les titres de dette grecque en contrepartie des prêts
accordés aux banques. La BCE estime que toute restructuration, dure comme douce,
constitue un événement de crédit pour les agences de notation et les marchés et donc
un précédent potentiellement rééditable en Irlande ou au Portugal.
Il convient, par ailleurs, de ne pas mésestimer les risques que le « reprofilage » fait
peser sur les banques. Les établissements financiers grecs ont, à l’instar de leurs
confrères européens, logé la dette du pays dans leur portefeuille bancaire. Les titres y
sont valorisés à leur prix d’acquisition. En application des règles comptables, les
banques devront remplacer les anciens titres par les nouveaux, à leur nouveau prix
d’acquisition. De fait, un « reprofilage » ne peut être envisagé qu’à la condition que
des mesures soit adoptées en faveur du système bancaire européen, de façon à ce qu’il
puisse résister au choc, en assouplissant, par exemple, les ratios de capitaux propres.
La France a manifesté dans un premier temps son hostilité à la restructuration
comme au « reprofilage ». Elle est désormais moins hostile à une telle option si elle
traduisait une inclinaison volontaire des créanciers privés. Le « reprofilage » n’est, en
tout état de cause, envisagé par ses promoteurs qu’après une application du
programme de réduction du déficit public annoncé par le gouvernement grec.
Le rééchelonnement
Cette solution repose exclusivement sur un allongement de la maturité des titres de
la dette grecque, sans baisse des taux d’intérêts. Cette solution n’est pas non plus sans
poser de difficultés, notamment d’ordre juridique, et pourrait également être assimilée
à un défaut.
De la sorte, selon les chiffres de la banque d’ING, une extension de maturité de
trois ans permettrait à la Grèce d’économiser de 20 à 30 milliards d’euros chaque
23 Il convient néanmoins de rappeler que la Banque centrale européenne n’a pas acquis d’obligations grecques
depuis près de deux mois, favorisant une envolée des taux. Le rendement des obligations grecques à deux ans a ainsi augmenté de 1000 points de base depuis la fin mars atteignant près de 28 %. Elle n’a pas non plus acquis dans le même laps de temps d’obligations irlandaises ou portugaises.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
73
année, voire 10 milliards supplémentaires si le paiement des coupons s’avérait
également différé.
Les détenteurs des obligations arrivant à échéance en 2012 seraient bien
évidemment les plus affectés, alors que ceux possédant des obligations arrivant à
échéance en 2015, 2019 et 2020 enregistreraient des gains, certes faibles.
Tableau 11 : Impact d’un rééchelonnement à trois ans (en % de la valeur nominale)
03/
2012
05/
2013
08/
2014
08/
2015
07/
2016
07/
2017
07/
2018
07/
2019
06/
2020
03/
2026
09/
2040
- 27,1 - 11,7 - 1,8 + 0,3 - 12,4 - 10,5 - 8 + 0,8 + 0,3 - 2,2 - 2,1
Source : Commission européenne
Là encore, la Banque centrale européenne est peu favorable à une telle option,
soulignant qu’elle risquait de fragiliser l’ensemble des marchés de la zone euro, au
détriment, notamment de l’Irlande ou du Portugal.
Il convient, par ailleurs, d’insister sur le fait qu’un rééchelonnement comme le
«reprofilage» ne résout pas la question du stock et ne permet que de gagner du temps.
I.3.2°/ Une nouvelle aide européenne ?
L’hypothèse d’une aide complémentaire est sans doute la plus vraisemblable face
aux risques que comporte toute restructuration de la dette. L’un des objectifs de la
mission d’évaluation de l’Union européenne et du FMI était d’ailleurs d’évaluer les
besoins de financement d’Athènes. In fine, sur les 90 milliards d’euros dont aurait
besoin la Grèce d’ici à la mi-201424
, un tiers serait financé par l’Union européenne et
le Fonds monétaire international. Le complément serait obtenu via le programme de
privatisation et des opérations de titrisations, couplé au maintien de l’exposition des
banques à la dette grecque, quand bien même le statut du fonds ne prévoit pas
expressément la participation du secteur privé aux plans d’aide.
Celle-ci pourrait être calquée sur l’initiative de Vienne conclue en octobre 2009.
Les banques détenant des filiales en Hongrie, en Lettonie et en Roumanie s’étaient
engagées auprès de la Banque centrale européenne et de la Banque européenne de
reconstruction et de développement (BERD) à maintenir leurs expositions dans ces
pays25
. Les investisseurs devraient ainsi réinvestir en titres grecs, aux mêmes
conditions et à maturité identique, les remboursements perçus au titre d’anciens bons :
ce principe est dit de rollover. Il faut noter que 65 milliards d’euros d’obligations
24 Standard & Poor’s estime que les besoins de refinancement de la dette grecque s’élèvent à 95 milliards
d’euros d’ici 2013, auxquels s’ajouteront 58 milliards d’obligations en 2014 arrivant à maturité. 25
Une solution identique avait été mise en œuvre pour l’Uruguay en 2003
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
74
souveraines grecques arriveront, en effet, à maturité d’ici 2013. Une vingtaine
d’établissements européens détenant près de 70 % des titres serait ainsi concernée.
La BCE estime que cette solution n’est pas assimilable à un défaut et la juge, à cet
égard, appropriée. Selon ses promoteurs, une telle opération empêcherait de
déclencher les CDS, dont les détenteurs sont dédommagés en cas d’incident de crédits.
L’agence de notation Moody’s est plus réservée sur cette appréciation, émettant des
doutes sur l’aspect volontaire du processus.
A la suite du plan d’aide, les établissements financiers allemand et français ont
déjà été incités à ne pas vendre leurs titres grecs. Le succès de cette opération n’a pas
été flagrant. Les banques françaises ont ainsi réduit de 44% leur exposition à la dette
publique grecque au cours de l’année 2010, passant de 27 à 15 milliards de dollars.
Les banques allemandes ont, pour leur part, quasiment maintenu leur exposition,
passée de 23,1 à 22,6 milliards de dollars26
.
Tableau 12 : Exposition des banques à la Grèce par pays d’origine (en milliards de dollars)
France Allemagne Etats-Unis Royaume-Uni Portugal Autres
Décembre
2009
78,8 45 16,6 15,3 9,8 51,5
Décembre
2010
56,7 34 7,3 14 10,3 23,5
Source : Commission européenne
L’Allemagne est à cet égard, assez réservée sur l’efficacité de cette option,
craignant que seules les banques grecques maintiennent de facto leur exposition.
Berlin serait plus favorable à ce que l’aide européenne soit liée à un échange
volontaire d’obligations anciennes contre de nouveaux instruments d’une durée plus
longue de sept ans. Les autres pays, faisant partie du club des pays les mieux notés :
Autriche, Finlande, Luxembourg, Pays-Bas rejoints par la Slovaquie et l’Irlande sont
également favorables à ce type de rééchelonnement. L’agence de notation Standard &
Poor’s a d’ores et déjà indiqué qu’une telle opération, qui équivaut à un
rééchelonnement, conduirait à classer la dette publique grecque dans la catégorie «
défaut ». La Banque centrale européenne a d’ores et déjà manifesté son opposition à
une telle solution, la France également.
La position relativement intransigeante du gouvernement allemand s’explique,
notamment, par l’opposition à toute nouvelle aide à la Grèce au sein même de la
coalition gouvernementale, en particulier de la part des libéraux du FDP. Les banques
locales paraissent, par ailleurs, assez réservées sur un éventuel rollover. Seuls les
établissements soutenus par la BCE ou sauvés par l’Etat allemand (HRE, West LB ou
26 Le Crédit agricole, impliqué en Grèce via sa filiale Emporiki, s’est prononcée en faveur de ce rollover, à
condition que tous les acteurs privés détenant ces titres soient impliqués dansl’opération et pas uniquement les banques.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
75
Commerzbank) pourraient réinvestir dans des obligations grecques. Les établissements
financiers grecs sont eux plus favorables à cet allongement.
Quelle que soit la solution retenue pour l’implication du secteur privé, ce nouveau
plan d’aide devra recueillir l’adhésion de tous les États membres et dépasser de la sorte
les réticences d’un certain nombre d’entre eux, qu’il s’agisse notamment de la Finlande
ou de la Slovaquie27. L’adoption éventuelle d’un nouveau paquet pourrait intervenir
d’ici l’automne prochain.
Par-delà, il convient de s’interroger sur la possibilité pour l’Union européenne
d’acquérir la totalité de la dette grecque. Aux 110 milliards déjà accordés pourraient en
effet s’ajouter au moins 30 milliards supplémentaires d’ici 2014, sommes auxquels il
convient d’agréger les obligations acquises par la Banque centrale européenne. Au
total, l’Union européenne possèdera à terme plus deux tiers de la valeur totale de celle-
ci. L’acquisition du reste permettait, notamment, une restructuration en douceur sans
impliquer le secteur privé.
I.4°/ Poursuite des réformes
La priorité pour Athènes, comme pour l’Union européenne, demeure le retour à
l’excédent budgétaire, en vue de s’affranchir de l’effet boule de neige de la dette. Une
restructuration, même douce, de la dette n’aurait que peu d’incidence sur cette
perspective. Pour rembourser l’intégralité des seuls intérêts de la dette, la Grèce doit
dégager un excédent budgétaire équivalent à 10% de son PIB, performance jamais
atteinte par un pays membre de l’Union jusqu’alors. Le think tank Bruegel estime, à
cet égard, que la Grèce devrait maintenir un excédent budgétaire élevé (entre 8,4% du
PIB et 14,5% du PIB) à partir de 2015 pour ramener sa dette en deçà des 60% du PIB.
Le plan d’aide prévoyait, pour 2011, un déficit public ramené à 7,5% du PIB,
contre 10,5 % lors de l’exercice précédent (soit en deçà des 9,4 % prévus initialement
par le gouvernement). Le gouvernement espère de son côté pouvoir ramener le déficit
public à 1 % en 2015.
La Grèce doit, à ce titre, poursuivre la réduction de ses dépenses publiques. Les
efforts effectués par Athènes en 2010 se sont d’ores et déjà traduits par une diminution
de 7 % du déficit public en un an, n’atteignant pas cependant l’objectif initialement
prévu : un déficit ramené à 9,4 % du PIB. Par ailleurs, les premiers chiffres pour 2011
viennent souligner l’écart entre la réalité et les ambitions du gouvernement : alors que
celui-ci espérait une augmentation des recettes de 9 % pour l’année en cours, les
quatre premiers mois se traduisent par une baisse de 9 % de ces recettes.
C’est pourquoi, comme l’avait souligné la troïka lors de sa précédente mission
d’évaluation en février dernier, la Commission européenne a demandé d’opérer une
«accélération décisive» en matière de réformes structurelles.
27 La Slovaquie a été le seul État membre de la zone euro à refuser de participer au premier prêt à la Grèce.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
76
I.4.1°/ Prolongement d’une cure d’austérité
Un nouveau plan de rigueur
Fin avril 2011, le gouvernement grec a annoncé un nouveau plan d’austérité – le
programme budgétaire à moyen terme –, destiné à accélérer la réduction du déficit
public. Les engagements pris devant la troïka début juin viennent le compléter, voire le
préciser. Les mesures envisagées devraient permettre à l’État de faire 28,4 milliards
d’euros d’économies supplémentaires d’ici à 2015 dont 6,4 au cours du présent
exercice. Athènes souhaite que les dépenses publiques représentent 44 % du PIB à
cette échéance (contre 53 % en 2009) et que les recettes atteignent le niveau de 2000
soit 43 % du PIB, contre 38 % en 2009. Cette consolidation des finances publiques
correspond à 13,1 points de PIB entre 2011 et 2015, dont 3 points pour 2011. Un tel
effort est destiné à prendre en compte la progression de la charge de la dette de 57 %
sur la période. Cette politique est fondée pour les deux tiers sur une baisse des
dépenses (notamment les dépenses sociales et les dépenses de santé) et pour un tiers
sur la hausse des recettes. Le gouvernement a, par ailleurs, souhaité doubler les efforts
en ce qui concerne le présent exercice, suite à la révision à la hausse du déficit public
pour 2010
L’amélioration serait notamment obtenue par une augmentation des revenus
fiscaux. Celle-ci passe par une réduction des exemptions fiscales sur l’impôt sur le
revenu, une augmentation des taxes sur les signes extérieurs de richesses (yachts,
piscines et voitures de luxe), sur le gaz, les boissons non alcoolisées et les cartes grises
de véhicules. Certains produits qui bénéficiaient jusqu’à présent d’une TVA réduite à
13 % vont rejoindre la liste commune. Le programme prévoit, en outre, l'introduction
d'une contribution obligatoire exceptionnelle. Cette mesure de dernière minute
remplace l'abaissement du plafond d'exemption sur l'impôt sur le revenu qui avait
initialement été annoncé. Les retraités de moins de 60 ans touchant une pension seront,
quant à eux, soumis à un prélèvement exceptionnel de 8 %, qui devrait rapporter 176
millions d'euros sur 2011 et 2012.
Le renouvellement d’un fonctionnaire sur cinq, partant à la retraite ou la réduction
de la part de l’État dans la rémunération des prêtres orthodoxes participent également
de cet effort supplémentaire de rigueur. La diminution des salaires devrait se
poursuivre au cours du prochain exercice alors que l’allongement de la durée de travail
des fonctionnaires – de 37,5 à 40 heures par semaine – est également envisagé. Des
écoles, des ambassades, des casernes, des postes de police et des hôpitaux devraient
également fermer. Le gouvernement entend par ailleurs moderniser la fonction
publique en poursuivant l’informatisation de ses services et en encourageant la
mobilité.
Le gouvernement souhaite néanmoins tempérer les dommages sociaux de cette
nouvelle cure d’austérité en instituant une contribution de solidarité exceptionnelle en
faveur des plus bas salaires (inférieurs à 500 euros mensuels). Par ailleurs, une baisse
de l’impôt sur les sociétés et de la TVA en 2012 est envisagée.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
77
Le Parlement grec devait normalement encore se prononcer sur l’ensemble de ces
mesures, auxquelles viennent s’ajouter celles présentées à la troïka fin mai-début juin.
Il faut noter que 13 % de l’effort de consolidation budgétaire repose néanmoins
aujourd’hui sur des mesures non identifiées. La Commission européenne estime à
l’heure actuelle que le déficit public devrait atteindre 9,5 % du PIB à la fin de cette
année.
L’intensification de la lutte contre la fraude fiscale
La lutte contre la fraude fiscale apparaît comme une priorité. Évaluée à 15
milliards d’euros annuels, elle reflète la situation d’un pays où l’économie grise
représente entre 25 et 37 % du PIB28
. Les recettes fiscales rapportées au PIB sont de 4
à 5 % inférieures à la moyenne européenne. 55 % des ménages grecs déclarent ainsi
des revenus en deçà du minimum imposable et ne payent pas, de fait, d’impôts. 15 %
des contribuables payent environ 80 % de l’impôt sur le revenu des personnes
physiques et 1 % des entreprises payent 70 % de l’impôt sur les sociétés. Le revenu
déclaré par les salariés et les retraités représente 76 % du revenu total des personnes
physiques contre 4 % pour les professions libérales et les travailleurs indépendants.
A l’occasion de la dégradation de la note grecque en mars dernier, l’agence de
notation Moody’s avait relevé à cet égard un certain nombre d’obstacles administratifs
à la collecte des impôts ainsi qu’une résistance d’une partie de la société grecque.
Athènes a adopté en conséquence un plan d’action triennal destiné à répondre à ce
problème. Il vise à la fois à moderniser le mécanisme de collecte et améliorer le recueil
d’informations fiscales. Une meilleure coopération avec les contribuables est
également envisagée afin d’encourager la régularisation volontaire, alors qu’un volet
du plan est plus particulièrement dédié à la répression. A ce sujet, le gouvernement a
voulu montrer sa fermeté en nommant à la tête de l’unité chargée des crimes
économiques et financiers un ancien procureur antiterroriste. La lutte contre la fraude
doit permettre d’obtenir 11,8 milliards d’euros de revenus supplémentaires d’ici 2013.
Ce plan est accompagné d’une réforme de l’administration fiscale, axée sur une
réduction du nombre de ses antennes locales et une évaluation régulière de son
activité. Une gestion plus centralisée, utilisant au mieux les technologies de
l’information est ainsi promue. Athènes entend, dans le même temps, multiplier les
accords bilatéraux de coopération fiscale, en vue d’identifier d’éventuels évadés
fiscaux. Les dispositions adoptées en 2010 ont, quant à elles, déjà donné leurs premiers
résultats, les amendes pour fraude fiscale ont ainsi doublé, rapportant à l’État entre 6 et
7 milliards d’euros. Ces mesures n’ont pas, pour autant, jugulé la fuite des capitaux :
35 milliards d’euros ont ainsi quitté le territoire grec en 2010, 12 depuis le début de l’exercice en cours.
28 Le gouvernement prévoit à cet égard un renforcement du contrôle du travail au noir, qui doit rapporter 1,3
milliard d'euros à partir de 2013.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
78
I.4.2°/ Programme de privations
Dans cette optique, le gouvernement grec a, parallèlement annoncé, un nouveau
programme de privatisation de 50 milliards d’euros sur cinq ans, dont 12 à 17 d’ici
2013. 3,5 à 5,5 milliards d’euros seraient obtenus dès cette année. Le gouvernement
espère, de la sorte, réduire de 20 points de PIB le déficit public d’ici 2015.
Le plan prévoit une première vague de privatisations visant la totalité des
participations de l’État (75 %) dans les ports d’Athènes et de Thessalonique, la vente
de ses parts au sein du groupe de paris sportifs OPAP (34 %) la cession des 16 % du
capital de l’opérateur téléphonique OTE (dont l’actionnaire principal est Deutsche
Telekom) dont il dispose, de 34 % de la Banque postale et jusqu’à 40 % de la société
des eaux de Thessalonique. Ces cinq entreprises, cotées à la Bourse d’Athènes, sont à
l’heure actuelle valorisées à hauteur de 1,3 milliard d’euros.
Une deuxième vague de privatisations partielles viserait les entreprises du secteur
énergétique (réduction de la participation de l’État au sein de l’opérateur national
d’électricité DEI de 51 à 34 %, l’État ne conservant qu’une minorité de blocage établie
à 34 % dans la compagnie du gaz Depa) et les chemins de fer. Le Casino du Mont
Parnes, l’organisme des paris hippiques (ODIE), l’entreprise de ferronickel Larco et
l’opérateur ferroviaire Trainose seraient vendus en totalité. En ce qui concerne les
transports, le gouvernement souhaite prolonger la concession de l’aéroport d’Athènes
et baisser progressivement la participation de l’État. Les autorités souhaitent
également développer de nouveaux partenariats avec le secteur privé pour le système
portuaire de l’Attique, les 29 aéroports régionaux et les autoroutes. L’État cherche
également un investisseur stratégique pour la poste hellénique et devrait céder en 2012
les activités commerciales de la Caisse des dépôts et consignations.
Le parc immobilier de l’État, dont des plages, devrait être partiellement cédé. Les
terrains et immeubles concernés sont valorisés à hauteur de 25 à 35 milliards d’euros.
Cette cession est, de fait, censée rapporter deux fois plus que les privatisations stricto
sensu. Un programme de mise en valeur devrait, à cet égard, être mis en place.
Les 50 milliards d’euros attendus représentent 20 % du PIB grec. Ils ne constituent
surtout qu’une fraction du patrimoine public local, estimé à environ 280 milliards
d’euros. Le plan d’aide de mai 2010 prévoyait initialement un programme de
privatisations devant rapporter 7 milliards d’euros sur trois ans. Ce programme de
privatisations sera, par ailleurs, supervisé par une agence indépendante dont ferait
partie des membres nommés par la Commission européenne et les Etats membres, le
gouvernement grec répondant ainsi à une demande de la troïka.
Il conviendra d’être attentif à l’origine des entreprises intéressées par ces
privatisations, la Chine étant notamment très attentive à la situation des infrastructures
portuaires grecques. Pékin entend, en effet, faire de la Grèce, la porte d’entrée des
marchandises chinoises en Europe. L’accord signé entre le Port du Pirée et l’armateur
chinois Cosco Pacific le 25 novembre 2008 a été suivi en mai 2010 de la visite en
Grèce du président dudit groupe, confirmant les ambitions grecques dans le domaine
maritime mais aussi les attentes grecques en faveur d’un renforcement de la présence
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
79
chinoise sur son territoire29
. Le déplacement du Premier ministre chinois, Wen Jiabao,
accompagné du gouverneur de la Banque centrale de Chine du 2 au 4 octobre 2011 est
venue illustrer cet intérêt mutuel30
. Par-delà, le gouvernement chinois a assuré son
homologue de son soutien face à la crise financière qu’il affronte, indiquant son
souhait de participer en temps utile au rachat d’obligations grecques.
Tableau 12 : Principales privatisations prévues en 2011 et 2012
2011 Part de l’État Part à vendre
OTE Telecom 16 % 16 %
Banque postale 34 % 34 %
Port du Pirée 75 % 75 %
Port de Salonique 75 % 75 %
Société d’eau de Salonique 74 % 40 %
EAS (Défense) 100 % 66 %
Loterie nationale 100 % 49 à 66 %
DEPA (Gaz) 65 % 32 %
Trainose (Chemins de fer) 100 % 49 à 100 %
Larco (Ferronickel) 55 % 55 %
OPAP Paris sportifs 34 % 34 %
Banque de Grèce 1,2 % 1,2 %
Alpha Bank 0,6 % 0,6 %
2012 Part de l’État Part à vendre
Aéroport international
d’Athènes
55 % 21 %
29 Le gouvernement prévoit à cet égard un renforcement du contrôle du travail au noir, qui doit rapporter 1,3
milliard d'euros à partir de 2013. 30 Un accord sur la coopération bilatérale en matière d’investissements a été signé à cette occasion ainsi que
neuf accords commerciaux. Trois d’entre eux portent sur des prêts en faveur du développement d’infrastructures à destination de la marine marchande (268 millions de dollars) et deux sur le port du Pirée.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
80
Autoroute Egniata Odos 100 % 100 %
Poste héllenique 90 % 40 %
Société d’eau d’Athènes 61 % 27 %
DEI (Électricité) 51 % 17 %
Aéroports régionaux 100 % 49 %
Source : Commission européenne
Un certain nombre de réserves doit néanmoins être apporté aux ambitions
gouvernementales. Aucune précision n’a jusqu’ici été fournie en ce qui concerne le
calendrier et le processus opérationnel. Par ailleurs, un certain nombre d’informations
contradictoires circule, certains projets (Électricité de Grèce et société des eaux
d’Athènes) étant contestés au sein même du gouvernement. La vente des biens
immobiliers de l’Etat n’est pas non plus sans susciter d’interrogation, tant la dernière
opération n’a pas été couronnée de succès : les bâtiments construits à l’occasion des
Jeux olympiques de 2004 et laissés ensuite à l’abandon ont ainsi été vendus à l’Eglise
orthodoxe en 2009 pour un montant jugé faible. L’Eglise orthodoxe étant, par ailleurs,
exonérée d’impôts, l’Etat ne perçoit aucun revenu afférent à ces biens.
Au-delà de ce manque de précisions, il convient d’insister sur le fait que la Grèce
devra réformer en profondeur le droit du travail local et les systèmes de régulation
qu’elle a mis en place afin d’attirer d’éventuels investisseurs. Un relèvement de
certains tarifs (électricité notamment) ou l’autorisation de procéder à des
licenciements, jusque-là interdits dans plusieurs entreprises publiques, apparaissent
indispensables. Face à l’opposition des syndicats, qui pourraient saisir les tribunaux en
cas de litige, une immunité judiciaire devrait, en outre, être accordée à la future agence
de privatisation.
I.4.3°/ Un nouveau modèle économique à inventer
En ce qui concerne la relance de l’économie, le gouvernement a annoncé la
suppression, à compter du 2 juillet 2011, de nombreuses barrières à l’entrée de 136
professions : boulangers, buralistes, agents d’assurance, agents immobiliers, dockers,
électriciens, kinésithérapeutes, psychologues, bateaux-taxis, coiffeurs, ... Ces barrières
prenaient des formes diverses : limitation du nombre de l’implantation des prestataires,
fixation de prix minimums, licence administrative obligatoire. La libéralisation des
conditions d’exercice de certains métiers (avocats, notaires, experts comptables,
ingénieurs civils, architectes et pharmaciens), jusque-là réglementées, demeure
soumise à l’adoption d’un décret d’application.
Une relance de l’activité est indispensable en vue de revenir à l’excédent
budgétaire. Là encore, les chiffres tendent à indiquer qu’une reprise demeure pour
l’instant hypothétique : la contraction du PIB était estimée à 7 % en fin 2010 alors que
le principal indice de la Bourse d’Athènes, l’ASE, a perdu près de 25 % en un an. La
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
81
production industrielle a chuté, quant à elle, de 11 % au mois d’avril, après une baisse
de 8 % en mars. Le gouvernement milite par ailleurs pour la promotion d’un nouveau
modèle de croissance, reposant sur l’écologie et censé attirer les investisseurs.
Il s’est ainsi fixé, à l’horizon 2020, un objectif de 20 % d’énergies renouvelables
dans la consommation d’énergie et de 40 % dans la consommation d’électricité.
D’autres secteurs méritent par ailleurs d’être soutenus, qu’il s’agisse du tourisme où la
montée en gamme annoncée tarde à se concrétiser, de l’industrie de la défense ou de
celle de la recherche, la Grèce disposant de nombreux ingénieurs.
Par-delà, c’est l’ensemble du tissu économique qu’il convient de revoir, la Grèce
étant caractérisée par la surreprésentation des petites entreprises (930 000 sur 960
000), composées en moyenne de quatre salariés, et l’absence de dynamique
industrielle. Comme le Portugal, la Grèce devra, dans les prochains mois, réorienter sa
stratégie économique en s’orientant davantage vers les secteurs tournés vers
l’exportation et tenter de s’affranchir d’un modèle de croissance complètement
dépendant de la demande interne.
II°/ Plan de réduction progressive de la dette publique : cas de
l’Allemagne et de la France
II.1°/ La philosophie allemande de la dette publique : prévention des crises
II.1.1°/ Le « frein à l’endettement » : règles fiscales nationales
Après onze années d’application du PSC, il est indéniable qu’il existe des carences
avérées dans la mise en œuvre nationale des règles budgétaires européennes. De
nombreux États membres ont ainsi manqué de détermination et de volonté politique
pour transposer des recommandations pourtant décidées au niveau communautaire
avec le consentement des pays concernés. Par conséquent, le cadre budgétaire
communautaire devrait s’accompagner de règles nationales crédibles. Il est à noter que
le non-respect des objectifs normatifs de Bruxelles concerne surtout les dépenses
publiques. C’est pourquoi il serait opportun d’adopter des mesures transparentes,
visant la réduction des dépenses publiques et permettant une évaluation régulière du
respect de l’engagement en faveur de la stabilité des politiques budgétaires. Toutefois,
la discipline attendue de telles normes budgétaires exige sans aucun doute de la part
des gouvernements et des parlements de renoncer explicitement à une part
supplémentaire de leur souveraineté. Il est indispensable que les États membres
reconnaissent que l’UEM ne peut fonctionner sans renoncement au mythe de
l’autonomie nationale.
La règle budgétaire la plus stricte existant sur un plan national est celle qui a été
adoptée par l’Allemagne en 2009, inspirée du modèle suisse, et inscrite dans la
constitution comme «frein à l’endettement». Cette nouvelle règle budgétaire
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
82
remplace l’article 115 de la loi fondamentale, limitant l’endettement net aux dépenses
d’investissements bruts et ne s’appliquant pas en cas de récession. La « règle d’or » de
l’article 115 n’avait pas empêché la croissance de l’endettement de l’État de 20 % du
PIB en 1967 – date de son entrée en vigueur – à 65 % en 2008, en raison de l’absence
de définitions précises de ce que sont des investissements et des récessions. Avec la
nouvelle règle budgétaire, l’endettement net du gouvernement fédéral ou des régions
(Länder) est, en principe, désormais interdit. Cependant, en ce qui concerne le
gouvernement fédéral, dans une conjoncture normale, c’est-à-dire, lorsque la
croissance économique réalisée correspond à la croissance potentielle, un déficit
budgétaire structurel de 0,35 % du PIB (environ 8,5 milliards. d’euros) est toléré, ce
qui n’est pas le cas pour les Länder. Le chiffre de 0,35 % est le résultat d’un
compromis politique obtenu après de subtils arbitrages entre le gouvernement fédéral
et les Länder : en phase de récession, les déficits budgétaires conjoncturels sont
autorisés ; en phase d’expansion – c’est-à-dire quand la croissance réalisée dépasse la
croissance potentielle –, il est impératif de dégager des excédents budgétaires. Lors de
catastrophes naturelles ou de situations d’urgence inhabituelles qui échappent au
contrôle de l’État, le Parlement, à la majorité de ses membres élus, et non limité aux
seuls parlementaires présents, peut approuver des dépassements, ces situations
apparaissant comme des exceptions à cette règle constitutionnelle de l’endettement.
Toutefois, il doit adopter en même temps un plan d’amortissement strict afin
d’éviter tout nouvel accroissement de l’endettement public. Ainsi, le «frein à
l’endettement» fonctionne en tant que stabilisateur automatique, qui permet, en
période de conjoncture défavorable, un financement du déficit et qui exige, en période
de conjoncture favorable, le retour à l’excédent.
La règle du « frein à l’endettement » observe les contraintes imposées par le PSC
et impose en outre le respect de règles dans l’exécution budgétaire. À cet effet, un
compte avec obligation de compensation est créé. Lors du franchissement du seuil
d’endettement de 0,35 %, le compte est débité ; à l’inverse, dès lors que l’endettement
s’établit à un seuil inférieur, il est crédité. Le compte doit être à l’équilibre en période
de reprise économique, dès que lors que la croissance du PIB dépasse 1 %. Les
réductions annuelles sont limitées dans ce schéma à 0,35 point. Lors d’une récession,
aucune réduction n’est exigée, afin d’éviter un effet pro-cyclique. Ainsi, dans ce
schéma de « frein à l’endettement », est également prévu un mécanisme de rétroaction
direct des déficits ou des excédents accumulés sur le compte de compensation. Les
nouvelles règles étaient prévues pour être appliquées à partir de 2011 et exigent
chaque année une réduction du déficit budgétaire structurel de 0,5 point du PIB –
compte tenu du déficit actuel, soit 10 milliards d’euros –, pour atteindre la limite
définie de 0,35 point, au plus tard en 2016. Pour les Länder, tout nouvel endettement
structurel ne sera plus admis à partir de 2020, sans aucune exception. L’observation de
ces règles d’endettement, compte tenu d’un taux de croissance économique nominale
annuel de 3 %, permettrait au taux d’endettement de passer de presque 78 % du PIB en
2010 à moins de 50 % à la fin des années 2030, et à long terme à moins de 20 %.
Le schéma du « frein à l’endettement » en tant que stratégie de réduction de la
dette publique donne aux marchés financiers un signal clair. De cette façon,
l’Allemagne s’engage sur un plan constitutionnel à respecter une discipline budgétaire
de sorte que le service de la dette pour tout nouvel emprunt allemand reste
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
83
comparativement faible, et permet de conserver une marge de manœuvre pour financer
les dépenses publiques d’avenir. Cela constitue également un capital de confiance que
les marchés financiers reconnaissent en proposant des taux d’intérêt réduits. Le
caractère constitutionnel du schéma est une garantie face à des hommes politiques
opportunistes qui, ainsi, ne seraient plus en mesure de dépenser le capital constitué
afin de satisfaire des objectifs à court terme. La convergence des politiques
budgétaires mises en place dans tous les pays de l’Union européenne serait encouragée
si d’autres pays membres introduisaient des règles budgétaires similaires. D’une
certaine manière, grâce à la pression des marchés financiers – notamment pour
s’assurer de faibles taux d’intérêt –, l’Allemagne assume un rôle de pionnier et devient
un exemple à suivre pour d’autres pays de l’Union européenne. Elle constate d’ailleurs
avec un grand intérêt que la discussion sur les règles budgétaires a débuté en France.
L’Allemagne a besoin d’un partenaire ayant une crédibilité financière irréprochable
afin qu’ils puissent conjointement continuer à jouer un rôle moteur pour l’intégration
européenne.
II.1.2°/ Réactivation du volet préventif du PSC
S’il s’avère impossible, dans certains cas, d’inscrire dans la constitution les règles
contraignant les déficits publics, il suffit de réactiver le « volet préventif » du PSC,
largement inutilisé jusque-là. Ce volet prévoit que, dès lors que la croissance réalisée
correspond à la croissance potentielle, le budget d’un État membre doit être au
minimum équilibré, si ce n’est excédentaire, en fonction de la phase du cycle. Si
l’objectif n’est pas atteint, s’ensuivent des sanctions financières, à moins que le
Conseil n’en décide autrement.
II.1.3°/ Indexation de la dette de l’Etat
L’achat d’obligation d’États surendettés par la BCE pourrait faire renaître des
tensions inflationnistes, à moins d’indexer l’impôt sur le revenu et le nouvel emprunt
d’État sur le taux d’inflation. Dans ces conditions, l’État ne gagnerait plus à favoriser
l’inflation, ce qui garantirait la stabilité des prix. En outre, la charge d’intérêt pesant
sur le déficit budgétaire serait allégée, en raison d’une prime d’inflation moindre prise
en compte dans le rendement des obligations émises.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
84
II.2°/ La réduction de la dette publique de la France
II.2.1°/ « Rompre avec la facilité de la dette » : analyse du rapport Pébereau
L’examen des budgets de l’État, des collectivités territoriales et de la Sécurité
sociale relance régulièrement le débat sur la faiblesse des marges budgétaires, la
charge laissée aux générations suivantes et la difficulté à respecter les critères
budgétaires européens et à réduire l’endettement.
La situation de la dette et des déficits publics en France semble en effet
préoccupante. La dette publique a quintuplé en 25 ans et son poids dans la production
nationale a plus que triplé, les dépenses publiques croissant plus rapidement que les
recettes sur la période. Elle s’établit en 2006 à 1 142,2 milliards d’euros, soit 63,7 %
du PIB selon l’INSEE (dette au sens du traité de Maastricht).
Le rapport sur la dette de la Commission présidée par Michel Pébereau, d’où le
rapport Pébereau, a remis ce thème au centre du débat public à la fin 2005. Il estime
en particulier que cette longue dégradation de la situation ne résulte pas d’efforts pour
la croissance et la préparation de l’avenir, mais d’un « choix de la facilité depuis
vingt-cinq ans ». Les données qu’il rappelle et les arguments qu’il avance continuent à
nourrir la réflexion sur la stratégie budgétaire.
Le rapport Pébereau sur la dette publique (2006) rappelle les principaux éléments
de définition des notions de dette et de déficit au sens des règles européennes de
discipline budgétaire mises en place en 1997 pour la réalisation de l’union économique
et monétaire (UEM). «Les administrations publiques (APU) sont classées
traditionnellement en quatre catégories : l’État, les collectivités territoriales, les
organismes de protection sociale – c’est-à-dire la Sécurité sociale (assurance maladie
obligatoire, régimes obligatoires de retraite, prestations familiales, accidents du travail
et maladie professionnelles) et l’assurance-chômage – et une quatrième catégorie, plus
diffuse, les organismes divers d’administration centrale (ODAC), qui regroupe
notamment certaines entreprises publiques…
Sans entrer dans les détails, la dette au sens du PSC est une dette brute
consolidée, c’est-à-dire qu’elle ne tient pas compte des actifs et des dettes entre
administrations publiques. Si l’on prend l’exemple d’un foyer rassemblant plusieurs
personnes, la dette du foyer, entendue au sens du PSC, serait la somme de la dette
totale de ces personnes, sans prendre en compte les sommes qu’elles se seraient
éventuellement prêtées entre elles. La valeur de la dette ne serait en outre pas diminuée
des biens que possède le foyer, par exemple sa maison, sa voiture... ».
S’élevant à plus de 1100 milliards d’euros en 2005, la dette publique française
paraît aujourd'hui préoccupante, alimentée par des déficits récurrents. Pour sortir de
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
85
cette situation, le rapport Pébereau a invité à « rompre avec la facilité de la dette »
car le «choix de la facilité depuis vingt-cinq ans est la principale explication du
niveau très préoccupant de notre dette publique ».
En réalité, le recours à l’endettement a été le choix de la facilité : il a permis de
compenser une gestion insuffisamment rigoureuse des dépenses publiques. L’État a
évolué pendant ces vingt-cinq dernières années, mais la dette lui a permis de reporter
la modernisation de sa gestion car l’augmentation de ses effectifs dans un contexte
de réduction des missions (+ 300 000 agents, soit + 14 % entre 1982 et 2003) et le
retard pris dans l’utilisation des techniques de gestion et d’organisation les plus
modernes en témoignent. L’endettement a également permis de maintenir certaines
dépenses dont l’efficacité au regard des objectifs affichés n’est pas avérée. Tout ceci
explique que ces dix dernières années, les dépenses de l’État ont été supérieures à ses
recettes de 18% en moyenne.
Les recommandations de la Commission Pébereau, c’est de « remettre en ordre
nos finances publiques en maîtrisant nos dépenses et en les orientant mieux » pour
les cinq (05) prochaines années.
« Premier principe : le partage de l’effort de réduction des dépenses publiques.
Toutes les administrations publiques devraient participer au redressement financier :
l’État devrait revenir à l’équilibre au plus tard en cinq ans. Ceci supposerait que
ses dépenses soient stabilisées en euros courants. L’excès de dépenses par
rapport aux recettes, aujourd’hui de 16 %, devrait donc progressivement être
ramené à 0, ce qui représente une économie annuelle de 2 % des dépenses, soit
25 milliards d’euros en tout sur cinq ans ;
les régimes sociaux devraient également revenir à l’équilibre sur la même
période. En ce qui concerne les retraites, le rendez-vous de 2008 devrait définir
les conditions de l’équilibre de l’ensemble des régimes, y compris les régimes
spéciaux, jusqu’en 2020 au moins. Le respect de l’objectif de retour à
l’équilibre de l’assurance maladie en 2009, inscrit dans la loi de financement
pour 2006, est absolument impératif. Il devrait être garanti par un mécanisme
d’ajustement automatique ;
les dotations de l’État aux collectivités territoriales devraient également être
stabilisées en euros courants. En contrepartie, l’État devrait renforcer leur
responsabilité financière en ne leur imposant plus unilatéralement de dépenses
et en augmentant progressivement la part de leurs ressources propres.
Deuxième principe : le maintien du niveau global des prélèvements obligatoires
pendant la période de retour à l’équilibre. Le désendettement doit être la priorité.
Les adaptations de la structure des prélèvements, qui sont nécessaires, devraient donc
s’accompagner des mesures permettant de compenser leurs effets sur le niveau global
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
86
des recettes publiques. Cela implique également que les recettes liées à la cession
d’actifs non stratégiques ou à une accélération non anticipée de la croissance soient
désormais intégralement consacrées au désendettement, à l’exception des dotations au
Fonds de réserve des retraites.
Troisième principe : le réexamen intégral de l’efficacité des dépenses. Les dépenses
prioritaires, soigneusement sélectionnées, devraient être préservées, voire augmentées.
La réduction mécanique et uniforme des dépenses n’est pas de bonne politique.
Pour mettre en œuvre ce troisième principe, il serait nécessaire que le Gouvernement
et le Parlement modifient leur mode de travail afin que l’efficacité de la dépense
publique soit, plus que jamais, au centre de leurs priorités :
pour éviter que l’empilement des dépenses continue, toute annonce de nouvelle
dépense devrait désormais préciser la ou les dépenses qui seraient supprimées
en contrepartie pour un montant équivalent ;
le Gouvernement devrait mettre en place très rapidement un dispositif de
réexamen complet des dépenses de l’État et de la Sécurité sociale, sous
l’autorité d’un ministre d’État et du Premier ministre.
Ce dispositif viserait d’abord à étudier la pertinence même de chacune des missions.
Lorsque cette pertinence serait confirmée, le niveau des moyens nécessaires pour
mener à bien cette mission devrait être déterminé.
Cela impliquerait d’analyser l’efficacité des dispositifs d’intervention, et d’évaluer
avec précision les moyens humains et matériels nécessaires à la conduite de l’action
publique. Le niveau des effectifs devrait tenir compte beaucoup plus qu’aujourd’hui
des gains de productivité possibles. Les départs à la retraite devraient être utilisés au
maximum pour supprimer les sureffectifs, ce qui impliquerait de développer la
mobilité au sein des administrations publiques.
La réorganisation de l’appareil administratif serait un élément essentiel de cette
démarche :
au niveau central, le nombre de ministères devrait être réduit et les structures
systématiquement simplifiées ;
au niveau local, la présence simultanée des services de l’État et des régimes
sociaux à l’échelon régional, départemental, voire infra-départemental devrait
être réexaminée ;
la diminution du nombre de collectivités territoriales devrait également être
engagée par la mise en place de mécanismes financiers incitatifs.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
87
Le Parlement devrait jouer un rôle important dans cette démarche de réorientation des
dépenses. Cela supposerait qu’il consacre désormais deux fois plus de temps au
contrôle des dépenses qu’au vote du budget. »
II.2.2°/ Une stratégie française de réduction des dépenses publiques
La thématique de la réduction de la dette publique a pris dans le débat public
français une ampleur considérable. Il semble en effet que, à la suite notamment du
rapport Pébereau de 2005 et, bien entendu, de la crise financière et économique de
2008-2009, l’opinion publique française soit devenue particulièrement sensible à ce
sujet.
Face à cette situation, et tenant compte de la crise de la dette souveraine, l’État
français devra donc, entamer un processus résolu de diminution de la dépense
publique : face l’incapacité de l’Etat à mettre en application les recommandations du
rapport de la Commission Pébereau, c’est la pression jouée par les acteurs des marchés
financiers qui l’oblige, au risque de voir la note de la France se dégrader de plus en
plus. Selon Micolas Bouzou, pour que cette stratégie soit couronnée de succès, les
principes qui la régiront doivent répondre à trois conditions :
–la baisse de la dépense publique doit être engagée pour longtemps et doit donc faire
l’objet d’un consensus national ;
–la baisse de la dépense publique ne doit pas être nocive pour l’économie, mais doit,
autant qu’il est possible, bénéficier au secteur privé pour que les emplois supprimés
dans le secteur public soient transférés dans la sphère marchande ;
–enfin, la baisse de la dépense publique doit être présentée non pas comme une
«réforme», mais comme un processus sur le long terme, indispensable pour que
l’économie française reste en croissance et ne connaisse pas d’accident majeur.
Dans cette optique, il va plus loin en proposant les cinq mesures suivantes :
– l’établissement d’une règle constitutionnelle encadrant les déficits public ;
– la distinction entre ce qui relève de l’assurance-maladie et ce qui relève de la
solidarité ;
– la diminution du nombre de niveaux d’administrations locales ;
– l’intensification de l’effort de mutualisation des moyens de l’État, en particulier dans
le domaine de la formation ;
– l’accentuation de l’externalisation.
Ces mesures ne sont pas les seules à pouvoir être prises : elles constituent un socle
indispensable, sans lequel la réduction de la dépense sera insuffisante et non pérenne.
On notera aussi que la réduction du nombre de fonctionnaires ne figure pas dans nos
mesures. En effet, la baisse du nombre d’agents publics est sans doute souhaitable,
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
88
mais elle doit constituer une conséquence des mesures prises et des gains de
productivité réalisés au sein de la fonction publique.
Proposition 1 : établir une règle constitutionnelle encadrant les déficits publics
Elle aurait en France deux vertus :
–elle obligerait les gouvernements à intégrer les questions d’endettement public dans
leurs objectifs de politique économique ;
–elle concourrait au maintien de taux d’intérêt modiques sur la dette publique. En
effet, les marchés financiers disposeraient ainsi d’une « ancre » constitutionnelle qui
les rassurerait quant à la solvabilité de l’État français.
Elle devrait s’articuler autour de trois principes :
–les comptes sociaux doivent être obligatoirement équilibrés. En effet, les dépenses
sociales ne sont pas des dépenses d’investissement. En outre, leur objet n’est pas de
dégager une « rentabilité économique ». Il n’y a donc pas de raison qu’elle fasse
l’objet d’un endettement ;
–le solde budgétaire structurel de l’État ne doit jamais être négatif ;
–ces règles pourraient être levées en cas de circonstances exceptionnelles (récession,
guerre…). Cette levée devrait faire l’objet d’un consensus politique. C’est pourquoi
elle devrait être votée par le Parlement.
Proposition 2 : séparer ce qui relève de l’assurance-maladie de ce qui relève de la
solidarité
Pour de multiples raisons (démographiques, économiques et liées à la liberté
individuelle de choix), il ne nous semble pas pertinent de rationner les dépenses de
maladie. D’ailleurs, le fameux objectif national des dépenses d’assurance-maladie
(ONDAM) est systématiquement dépassé. Il est donc certainement préférable de
modifier la répartition entre financements publics et financements privés, en
distinguant ce qui, dans le cas de la maladie, relève de l’assurance et ce qui relève de
la solidarité. En effet, depuis 1945, le système d’assurance-maladie ne distingue pas ce
qui relève de la mutualisation des risques (les dépenses de soins des malades sont
payées par tous les cotisants, ce système assurantiel étant rendu possible parce que tout
le monde ne tombe pas malade en même temps) et ce qui relève de la solidarité (à
même niveau de prestation, les cotisations sont croissantes avec le revenu).
La partie relative à la solidarité, qui fait partie intégrante du modèle social français,
doit être pérennisée. La mutualisation à l’assurance doit faire l’objet d’un achat
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
89
individuel rendu obligatoire pour une couverture équivalente à la couverture actuelle.
Cette proposition présente l’avantage de réduire les cotisations sociales (et donc
d’augmenter le salaire net) et de diminuer les dépenses de la Sécurité sociale, sans
diminuer les dépenses de santé. Il s’agit finalement d’externaliser (notion que nous
retrouverons plus loin) la partie de l’assurance-maladie qui correspond véritablement à
de l’assurance.
Proposition 3 : diminuer le nombre de niveaux d’administrations locales
L’administration territoriale doit contribuer au recul de la dépense publique. En
effet, même si, la progression de la dépense des collectivités locales n’a pas été ces
dernières années forcément illégitime, il apparaît que des marges de manœuvre
existent au niveau territorial. Comme le souligne la Cour des comptes, la dé-
centralisation a été financièrement une occasion manquée. En effet, l’augmentation des
dépenses des collectivités locales n’a pas été compensée par une baisse équivalente des
dépenses de l’État.
Une maîtrise accrue et surtout pérenne des dépenses des collectivités locales ne
pourra pas se faire en compressant les dépenses à tous les niveaux d’administration
existants. Il faudra simplifier la structure administrative locale. En effet, Il y a en
France six niveaux d’administration : le niveau européen, le niveau national, le niveau
régional, le niveau départemental, le niveau communal, auxquels il faut ajouter, les
regroupements de communes et d’agglomérations. Comme l’a rappelé avec raison le
rapport Attali, « l’empilement des niveaux de collectivités locales provoque
l’enchevêtrement des compétences et favorise donc le gaspillage ».
Proposition 4 : étendre l’effort de mutualisation au sein de l’État
L’État se doit de contrôler de façon très stricte les achats qu’il effectue ; c’est
pourquoi, à l’aune du souci de contrôler l’évolution de la dépense publique, on ne peut
que se satisfaire de la création, en mars 2009, d’une fonction « achats » au sein de
l’administration centrale pour les dépenses courantes (fournitures, matériel de bureau,
mobilier, télécommunications, transports…), qui devrait permettre de réaliser des
économies de l’ordre de 1 milliard d’euros environ.
Cet effort de mutualisation des moyens doit être poursuivi dans bien d’autres
domaines. On prendra ici l’exemple de la formation, en s’appuyant sur l’expérience
canadienne.
L’État canadien a fusionné en 2003 ses organismes de formation pour créer l’École
de la fonction publique du Canada (EFPC), qui dispose d’un peu moins de 1 000
agents répartis dans la totalité des provinces. Cela a permis à la fois de supprimer les
doublons qui existaient en matière de formation, mais aussi d’agglomérer les
expertises dispersées auparavant dans les différentes écoles. Les formations se sont
centrées sur les domaines les plus stratégiques pour l’État, à savoir l’apprentissage
individuel, le leadership organisationnel et l’innovation dans la gestion publique. Les
besoins plus précis des ministères sont sous-traités. Cette offre de formation a été
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
90
complétée par une offre de e-learning (une formation à distance sur Internet). Il s’est
agi de réduire les coûts de formation, mais aussi d’améliorer le niveau des agents en
matière de management et de gestion, et ce pour, en retour, réduire les coûts de
nouveau.
C’est à partir de là qu’on peut diminuer le nombre de fonctionnaires. La baisse du
nombre de fonctionnaires n’est pas une fin en soi. Ce qui l’est, c’est la baisse de la
dépense publique à niveau de prestation, au pire constant, au mieux croissant.
Proposition 5 : externaliser ce qui peut l’être
L’externalisation des services publics consiste à confier au secteur privé une
activité qui était alors directement réalisée par l’Administration. Cette externalisation
peut se faire par contrat de délégation ou par contrat de partenariat.
L’externalisation de certaines tâches de l’État vers le secteur privé est nécessaire.
La France est l’un des pays où l’externalisation des services publics est la moins
développée. Au sein des ministères français, le processus d’externalisation est
relativement nouveau. Depuis 2003, il fait toutefois partie de la pratique publique et
s’inscrit pleinement dans la réforme de l’État. Le ministère de la Défense a été le
premier à pratiquer l’externalisation. Les fonctions externalisées sont principalement la
gestion du parc immobilier (entretien des immeubles, ramassage des ordures,
gardiennage), l’entretien des espaces verts, ou encore la restauration et l’hôtellerie. Les
autres ministères, notamment le ministère des Finances, ont ensuite suivi le
mouvement.
L’externalisation ne constitue néanmoins pas une panacée, surtout à court terme, et
ce pour quatre raisons :
–l’État français a une expérience modeste dans le pilotage d’opérateurs privés, et donc
une faible capacité qualitative à externaliser ;
–l’externalisation ne se traduit pas dans l’immédiat par des suppressions de postes.
Elle entraîne donc, pendant une période plus ou moins longue, une augmentation des
coûts, quand son objet était une diminution de la dépense ;
–certaines tâches assumées par l’État (la gestion de la paie des agents publics, par
exemple) représentent des budgets trop importants pour être supportés par un
opérateur privé ;
–il existe encore des résistances syndicales fortes vis-à-vis de l’externalisation.
Parmi les pays de l’OCDE qui ont le plus externalisé, on trouve les pays anglo-
saxons (Royaume-Uni, États-Unis) et scandinaves (Suède, Finlande, Danemark). En
Europe, le Royaume-Uni se démarque très nettement. C’est en effet l’un des premiers
pays à avoir transféré au secteur privé certains domaines réservés auparavant au
secteur public. La réforme du système national de santé a constitué le point d’orgue du
processus d’externalisation amorcé par le gouvernement britannique à la fin des
années 1980. Le système de soins a ainsi radicalement changé pour devenir un «
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
91
marché de la santé » quasi concurrentiel, où interagissent des acheteurs (autorités
sanitaires) qui font jouer la concurrence auprès des producteurs (hôpitaux). Ainsi, la
baisse de l’emploi public au Royaume-Uni s’est accompagnée d’une hausse des
consommations intermédiaires (qui constituent une mesure de l’externalisation), qui
représentaient en 2007 plus de 12 % du PIB (source : Eurostat).
Certains pays ont même commencé à externaliser des domaines régaliens. Les
États-Unis et le Royaume-Uni font ainsi appel au secteur privé pour la défense et la
gestion pénitentiaire. Les partenariats entre secteur public et secteur privé se
développent particulièrement dans la construction et la gestion des infrastructures
publiques. Au Portugal et en Italie, le réseau routier est par exemple géré
conjointement par les secteurs public et privé, de même que le réseau ferroviaire aux
Pays-Bas.
Conclusion du chapitre II
Ce chapitre a permis de passer en revue toutes les composantes principales de la
dette souveraine des économies avancées régie par les conditions des marchés
financiers à travers l’intervention de trois acteurs majeurs du secteur financier, qu’ils
soient domestiques ou étrangers à savoir les banques, les compagnies d’assurance et
l’ensemble des gestionnaires d’actifs financiers.
La dette souveraine n’est pas tout à fait la même dans tous les pays industrialisés
du Nord car leurs économies n’ont pas les mêmes particularités. En effet, la structure
de détention de la dette publique de ces Etats par les résidents diffère les uns des
autres. Dans certains pays, ce sont les banques qui détiennent le plus de part de
détention comme c’est le du Japon, en Allemagne, en Italie. Par contre, dans d’autres
pays, ce sont les sociétés d’assurance et les fonds de pension qui détiennent le plus de
part comme en France et au Royaume Uni.
En matière d’internationalisation de la dette publique, c’est-à-dire la détention de
la dette publique par les non-résidents, le Japon est le moins concerné, ensuite
viennent successivement (pour les cas que nous avons étudié), le Royaume Uni, les
Etats-Unis et enfin la zone euro. La diversification intra-européenne de la détention de
la dette publique apparaît très nettement aux Pays-Bas, en Grèce et en Irlande, mais
aussi en Espagne et en Italie et surtout au Portugal.
La crise de la zone euro à montrer les dangers de la dégradation excessive de la
santé des finances publiques vue les conséquences dont les impacts sont toujours
d’actualité. A ces dangers, nous pouvons citer le risque pays qui se traduit par un
risque souverain qui affecte la situation financière des investisseurs institutionnels
étrangers implanté dans le pays : elle se caractérise par un risque de défaut soutenue
d’un risque d’insolvabilité important. Le pire de tout ce phénomène, c’est que ce
risque ne transforme en un risque systémique qui se traduit par un macro-risque sur les
mécanismes du système financier et aussi la mise en cause du fonctionnement des
institutions de régulation du système. Nous le voyons avec la crise de la dette grecque
sans oublier l’effet de contagion sur les dettes irlandaise, portugaise, espagnole et
italienne avec un risque sur celle de la France.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
92
Face à cette situation de crise, il fallait mettre en place des stratégies de réduction
de la dette publique, en tenant compte du niveau de risque de défaut de chaque pays.
C’est ainsi que la Grèce, l’Irlande, le Portugal voire l’Espagne et l’Italie ont mis en
place des plans d’austérité budgétaire drastiques afin de d’apaiser la nervosité des
marchés financiers. Par contre, la France doit mettre en place un plan de réduction
progressive de sa dette souveraine afin de revenir à l’équilibre budgétaire d’ici 2014-
2015 pour « rompre avec la facilité de la dette ». L’Allemagne devient le modèle à
suivre compte tenu des politiques prises sur « le frein à l’endettement ».
Un autre point important, est le problème de vieillissement de la population car les
personnes âgées constituent, de nos jours dans les pays développés, une part croissante
de la population en raison d’une double évolution : allongement de l’espérance de vie
et la diminution du taux de natalité. Cette évolution est nettement plus rapide encore
en Allemagne, au Canada, en Italie et au Japon où la part relative des personnes âgées
sera multipliée par plus de deux (02).
Conclusion de la 1ère partie
L’accumulation de dettes publiques à des niveaux historiques est problématique
pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les niveaux élevés et croissants de l’endettement
public soulèvent des problèmes de soutenabilité des finances publiques et des risques
de solvabilité. L’augmentation de la prime de risque qui en découle conduit à un
relèvement du coût d’emprunt pour les pays. Par ailleurs, pour certains pays comme la
Grèce, l’Irlande, et le Portugal, la solvabilité de l’État est déjà remise en question par
les marchés financiers. En outre, la hausse des taux d’intérêt engendrée par
l’augmentation de la dette publique peut avoir un impact défavorable sur la croissance
et la productivité à long terme par le biais notamment d’un ralentissement des
investissements privés. En plus, l’impact budgétaire du vieillissement de la population
va encore venir aggraver les problèmes de soutenabilité des finances publiques. Enfin,
les incertitudes pesant sur la soutenabilité peuvent réduire la capacité de la politique
monétaire à contrôler les anticipations d’inflation et à influencer favorablement
l’économie réelle.
Par conséquent, la consolidation des finances publiques est inévitable dans presque
tous les pays avancés. À cette fin, des programmes de consolidation crédibles sont
nécessaires de toute urgence. Néanmoins, la stratégie peut être différente d’un pays à
l’autre. Elle sera plus urgente et plus sévère pour les pays confrontés à des primes de
risque élevées et croissantes. Pour ces pays, repousser la consolidation ne devrait pas
uniquement augmenter les coûts de financement de la dette publique mais aussi
accroître l’instabilité macroéconomique. Les coûts d’une non-intervention pourraient
dès lors être encore plus importants. Les gouvernements fortement endettés doivent
donc s’engager dans les plus brefs délais dans des programmes d’ajustement. Pour les
pays dont les primes de risque sont plus faibles, la consolidation n’en est pas moins
urgente, mais l’ajustement peut se faire de manière plus progressive.
La stratégie en trois volets formulée lors du Conseil européen de Stockholm en
mars 2001 pour répondre au défi que représente le vieillissement de la population
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
93
garde toute sa pertinence dans la lutte qui s’est engagée pour rétablir la soutenabilité
des finances publiques. Cette stratégie budgétaire consiste à réduire la dette publique, à
augmenter le taux d’emploi et la productivité, et à réformer les régimes de pension
existants, ainsi que les soins de santé et les soins aux personnes âgées.
Premièrement, presque tous les pays avancés devraient atteindre et conserver des
situations budgétaires saines. Dans la plupart des pays avancés, les mesures
d’ajustement devraient être composées principalement d’importantes réductions des
dépenses publiques, ces dernières ayant eu tendance à augmenter au cours des
dernières années. Cependant, il conviendrait d’éviter de réduire certaines dépenses
publiques considérées comme productives, telles que les dépenses publiques
d’investissement, de recherche et d’innovation ou d’enseignement. Au vu de l’ampleur
de l’assainissement budgétaire requis dans la plupart des pays avancés, il sera toutefois
probablement inévitable de prendre aussi des mesures de consolidation du côté des
recettes. Le renforcement des institutions et des règles budgétaires est un autre élément
essentiel pour assurer la réussite d’une consolidation. Dans ce contexte, le
renforcement du cadre budgétaire de la zone euro est un signal positif. Il convient à cet
égard d’accorder davantage d’attention à la dette publique que par le passé. Ainsi, les
pays dont la dette brute excède 60 % du PIB doivent réduire l’écart entre les deux
variables d’au moins un vingtième par an.
Deuxièmement, les pays devraient accroître leur taux d’emploi et améliorer la
productivité du travail. La mise en œuvre fructueuse de telles mesures pourrait en effet
augmenter le PIB potentiel, ce qui élargirait également la marge de manœuvre
budgétaire. À cet égard, l’enseignement est considéré comme un facteur déterminant.
Troisièmement, les pays devraient envisager des réformes appropriées des régimes
de pension, de soins de santé et de soins aux personnes âgées. En effet, les contraintes
liées aux dépenses relatives au vieillissement seront particulièrement importantes à la
lumière des pressions démographiques dans de nombreux pays. Il est dès lors
nécessaire de développer des stratégies pour gérer l’augmentation de ces dépenses.
Pour les pays avancés, où la pression est très forte, il est essentiel d’éviter l’explosion
de ces dépenses à moyen terme. En ce qui concerne les dépenses de pension, de
nombreux pays avancés devraient mettre en place des réformes afin de relever l’âge de
départ effectif à la retraite.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
94
Partie n°2 : Les solutions de sortie de la crise de l’avenir
de l’euro et son impact de la crise sur l’économie
mondiale
Introduction de la 2ème Partie
Dix après l’introduction physique de la monnaie européenne, la crise de la dette
souveraine affecte près d’un tiers des membres de la zone euro, confrontés à des
difficultés croissantes pour accéder aux marchés (Espagne, Italie) ou mis sous
assistance financière (Grèce, Irlande, Portugal).
La réponse formulée par l’Union européenne, face aux difficultés rencontrées par
la Grèce puis l’Irlande et le Portugal a consisté en la mise en œuvre de plans de
sauvetages financiers de grande ampleur en coopération avec le FMI, conditionnés à
l’adoption, par les pays concernés, de mesures d’austérité sans précédent.
Les difficultés que continue à rencontrer la Grèce viennent souligner la nécessité
pour l’Union européenne d’aller plus loin et de dépasser le stade du règlement des
difficultés financières. L’effet par nature récessif des mesures de rigueur adoptées à
Athènes, mais aussi à Dublin et Lisbonne, dans le cadre des plans d’aide n’est pas de
nature à rassurer définitivement les marchés financiers. Il s’agit bien là du paradoxe de
l’intervention européenne qui tente de juguler le problème de liquidités mais fragilise
toute relance rapide de l’économie.
Conçue pour stopper une contagion de la crise de la dette à d’autres pays de la
zone périphérique, l’aide accordée à la Grèce n’aura pu empêcher un durcissement des
conditions d’accès aux marchés financiers à l’endroit de l’Irlande et du Portugal, ainsi
que, dans une moindre mesure, l’Espagne. Ces difficultés à se refinancer ont
finalement conduit Dublin et Lisbonne à recourir à l’aide de l’Union européenne.
Il convient, cependant, de souligner que chacune de ses crises a sa spécificité :
explosion de la bulle immobilière en Irlande, laxisme budgétaire en Grèce et
effondrement de la compétitivité portugaise. Il ne s’agit, dès lors, pas tant d’une crise
de la zone euro que d’une crise des politiques économiques nationales. Les inquiétudes
concernant l’Espagne et l’Italie sont, de leur côté, principalement liées à une
interrogation sur leur aptitude à renouer durablement avec la croissance. De fait, la
question de la contagion ne tient pas à la similarité des crises mais bien au climat de
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
95
défiance vis-à-vis de la dette souveraine européenne des pays rencontrant le plus de
difficultés économiques.
Les marchés développent désormais une crainte à l’égard de la dette souveraine
européenne toute aussi irrationnelle que ne l’était la confiance d’avant la crise, à
l’époque où la Grèce empruntait quasiment au même taux, au risque de différer des
réformes structurelles indispensables. Désormais, le risque d’insolvabilité de l’un
affecte directement le refinancement des autres. C’est en ce sens que la solidarité
européenne doit continuer à jouer à plein, afin de restaurer la confiance des marchés.
Dans cette grande partie nous traiterons, d’abord, la thématique de la solidarité
pour l’avenir de l’euro à travers le Mécanisme européen de stabilité (MES) et celle
du renforcement de la gouvernance économique ; et ensuite, la question pertinente
de la soutenabilité de la dette publique et de l’impact de la crise sur l’économie
africaine.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
96
Chapitre I : L’avenir de l’euro : le MES et le TSCG
Introduction du chapitre I
L’avenir de l’euro est, de nos jours, l’un des sujets qui capte l’attention du monde en
matière d’actualité économique. Pour les gouvernements des Etats membres de la zone
euro, il faut à tout prix sauver l’euro car « si l’euro échoue, l’Europe échoue et par
conséquent, l’idée de l’unification européenne », souligne la Chancelière allemande
Angela Merkel, en mai 2010. En effet, comme nous l’avons déjà souligné, aucun pays
membres de l’Union économique et monétaire n’a intérêt à abandonner la monnaie
unique.
Pour sauver l’euro, il va falloir d’abord, relever les différents facteurs et
défaillances qui ont joué négativement sur le fonctionnement de l’Union économique
et monétaire ; ensuite, soulever les questions de la solidarité européenne et surtout du
renforcement de la gouvernance économique pour une sortie durable de la crise de
l’euro.
Section I : La crise de l’euro : facteurs et défaillances
Après la crise financière, après la crise économique, la zone euro connaît une crise
spécifique : les marchés financiers spéculent contre les dettes de certains pays de la
zone. Ils imaginent un scénario-catastrophe d’éclatement de la zone et réclament de
fortes primes de risque pour détenir les dettes publiques des pays qu’ils déclarent au
bord de la faillite. Les marchés jouent ainsi des failles de l’organisation de la zone euro
où les Etats ne sont plus assurés de pouvoir toujours se financer. L’Europe a été
incapable de réagir : la Banque Centrale Européenne (BCE) et les Etats membres n’ont
pas mis en œuvre avec l’énergie nécessaire les politiques requises pour éviter le
creusement des écarts des conditions de financement entre les pays ; les Etats membres
n’ont fait preuve que d’une solidarité timide et conditionnelle qui a conforté les
marchés dans leur sentiment de fragilité de la zone ; la Commission et les Etats
membres ont obligé les pays menacés à mettre en œuvre des politiques insoutenables
de réduction rapide de leurs déficits publics.
La crise peut avoir trois issues. Soit la poursuite de la politique actuelle entraîne
une croissance durablement faible en Europe, particulièrement dans les pays du Sud ;
les marchés ne sont pas rassurés ; le scénario d’éclatement n’est pas écarté, mais avec
beaucoup de réserves. Soit les pays du Sud quittent la zone euro, ce qui provoquerait
un nouveau choc financier en Europe et sonnerait le glas des ambitions de la
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
97
construction européenne. En fait, la seule stratégie durable est celle du changement du
fonctionnement de la zone par l’affichage d’une solidarité financière sans faille, la
lutte contre la spéculation financière par la mise en place de nouveaux circuits de
financement, et la mise en place d’une stratégie macroéconomique coordonnée.
I°/ Les jeux des marchés financiers
Le stade actuel du capitalisme, le capitalisme financier, se caractérise par le
développement prodigieux des marchés financiers où des masses énormes de capitaux
sont perpétuellement à la recherche des placements les plus rentables, les plus liquides
et les moins risqués possibles, tandis que fonds spéculatifs et traders tirent parti de la
volatilité des marchés pour monter des opérations fortement rentables.
Mais comment trouver la contrepartie : des emprunteurs sans risque et prêts à
payer des taux d’intérêts importants ? Il faut obligatoirement un montant énorme de
dettes face à un montant énorme d’actifs financiers. Les prêteurs veulent investir des
sommes importantes, mais s’inquiètent ensuite de ce que les emprunteurs sont trop
endettés ; ils recherchent des rentabilités élevées, mais celles-ci fragilisent les
emprunteurs : c’est la malédiction du prêteur. Les pays, les entreprises ou les
ménages qui bénéficient d’apports importants de fonds extérieurs sont fragilisés,
puisqu’ils deviennent fortement endettés et dépendants des marchés de capitaux : c’est
la malédiction de l’emprunteur.
Le système financier international est ainsi à la recherche perpétuelle
d’emprunteurs : jadis les pays du tiers monde ; puis certains pays d’Asie ; naguère les
Etats-Unis et les ménages anglo-saxons. En 2010, les marchés financiers ont besoin de
prêter massivement à des agents sûrs. Comme les ménages et les entreprises cherchent
à se désendetter compte tenu de l’incertitude économique, ce sont les Etats qui doivent
s’endetter, mais en même temps, leurs positions sont fragilisées. Les marchés veulent
des emprunteurs, mais ils leur reprochent d’être endettés.
Dans une économie où la masse des capitaux financiers est importante,
l’endettement est automatiquement élevé. Un grand nombre d’agents sont endettés et
certains le sont plus que les autres. Il y a donc en permanence des doutes sur la
solvabilité des emprunteurs. Les marchés sont moutonniers, c’est-à-dire que chacun
copie le comportement des autres ; leurs anticipations sont auto-réalisatrices31
et les
opérateurs le savent. Ils sont vigilants, mais leur vigilance accentue les risques de
crise. Il suffit qu’une rumeur mette en doute la solvabilité d’un pays pour que certains
gestionnaires de fonds se sentent obligés de se vendre les titres qu’ils détiennent sur ce
pays ; cela fait monter les taux d’intérêt supportés par ce pays, ce qui peut induire une
agence de notation à le déclasser, ce qui induit d’autres gestionnaires à se couvrir du
risque par les CDS, ce qui entraîne une nouvelle hausse des taux,…. La mondialisation
31 Ce que les acteurs financiers anticipent advient réellement : si tout le monde anticipe une baisse du cours
d’une action, tout le monde vend, ce qui provoque effectivement la baisse du cours, et ce quelles que soient les raisons, fondées ou non, qui ont provoqué l’anticipation initiale.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
98
financière oblige l’économie mondiale à vivre en permanence sous la menace de crises
de la dette.
La crise financière de 2007-2008 a montré que des événements inimaginables
pouvaient se produire ; de sorte que les marchés sont plus nerveux, plus rapides à
envisager des scénarios extrêmes, ce qui accentue leur instabilité. Les marchés se
souviennent qu’ils ont réussi à faire exploser le Système Monétaire Européen (SME)
en 1992, et qu’ils ont obligé l’Argentine à sortir du currency board (c’est-à-dire de son
engagement inscrit dans sa Constitution de maintenir la valeur de sa monnaie en
dollar) en 2001. Pourquoi ne réussiraient-ils pas à faire exploser la zone euro ?
Les Etats sont ainsi soumis à deux exigences contradictoires : soutenir l’activité
économique (y compris en venant au secours des banques défaillantes), et assurer leur
propre situation financière
Dans la finance globalisée, les politiques économiques doivent se consacrer à
rassurer les marchés, alors même que ceux-ci n’ont aucune vision pertinente de
l’équilibre et de l’évolution macroéconomique, comme en témoignent les fortes
fluctuations des marchés financiers (Bourse ou taux de change). Ainsi est-il absurde de
demander une forte baisse des déficits publics dans une situation où la demande
globale est faible et les taux d’intérêt de court terme proches de zéro.
Les détenteurs de capitaux veulent détenir des avoirs financiers importants. Avant
la crise, ce désir d’actifs avait été satisfait grâce au développement de bulles
financières et immobilières. Après l’éclatement de celles-ci, le déficit de demande doit
être comblé par le déficit public et par de bas taux d’intérêt. Si les marchés financiers
refusent cette logique, en faisant augmenter les taux d’intérêt de long terme, sous
prétexte de prime de risque32
quand l’Etat soutient l’activité, si se répand la thèse que
les « déficits d’aujourd’hui sont les impôts de demain », qu’il faut donc épargner plus
en période de déficit public, si les pays qui se sont endettés pour soutenir l’activité (et
le secteur financier) doivent rapidement se désendetter, la politique économique
devient impuissante et l’économie mondiale ingouvernable.
II°/ Organisation et solidarité défaillantes
II.1°/ Organisation défaillante
La zone euro aurait dû être moins touchée que les Etats-Unis ou le Royaume-Uni
par la crise financière. Les systèmes financiers y sont plus archaïques. Les ménages
sont nettement moins impliqués dans les marchés financiers. L'euro aurait dû être un
facteur de protection contre la crise financière mondiale. La fixité des taux de change
entre monnaies européennes a éliminé un facteur majeur d'instabilité. Pourtant, il n'en
a rien été : l'Europe est, plus durement et plus durablement affectée par la crise que le
reste du monde. En 2010, le déficit public global de la zone euro (6,3% du PIB) est
32 La prime de risque désigne le coût supplémentaire qu’un prêteur impose à un emprunteur qu’il juge plus
risqué qu’un autre. Ainsi, si l’Allemagne emprunte à 3 % par an et la Grèce à 10 %, la prime de risque versée par la Grèce est de 7 %.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
99
inférieur à celui des Etats-Unis (11,3%) ou du Royaume-Uni (10,5%). Pourtant,
pratiquement tous les pays de la zone euro sont sous le coup d’une procédure de déficit
excessif. Pourtant encore, les marchés continuent de spéculer contre certains pays de la
zone, leur imposant des taux d’intérêt insoutenables, malgré la garantie de la BCE et
du Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF).
Cette situation s’explique par les modalités mêmes de l'Union monétaire. Les
instances européennes se sont polarisées depuis la création de l’euro sur le respect
d’un Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) qui devait imposer aux pays des
contraintes de finances publiques sans signification économique. Elles n’ont pas été
capables d’impulser une stratégie cohérente dans la zone. Depuis la création de l’euro,
les déséquilibres se sont creusés entre les pays du Nord (Allemagne, Autriche, Pays-
Bas, pays scandinaves), qui bridaient leurs salaires et leurs demandes internes et
accumulaient des excédents extérieurs, et les pays du Sud (Espagne, Grèce, Irlande),
qui connaissaient une croissance vigoureuse, impulsée par des taux d’intérêt bas
relativement au taux de croissance et qui accumulaient des déficits extérieurs.
De 1999 à 2007, les marchés ne se sont pas inquiétés du gonflement des disparités
dans la zone. En juin 2007, les taux d’intérêt à 10 ans n’allaient que de 4,5 % en
Allemagne à 4,65 % pour la Grèce et l’Italie.
Durant la crise financière, la forte augmentation des dettes et des déficits publics
n’a pas entraîné de hausses des taux d’intérêt à long terme à l’échelle mondiale, ceux-
ci ont plutôt baissé, les marchés estimant que les taux monétaires (à court terme)
resteraient longtemps bas, que la dépression était telle qu’il n’y avait pas de risque
d’inflation ou de surchauffe.
A partir de la mi-2008, les marchés se sont rendu compte d’une faille dans
l’organisation de la zone euro. Alors que les gouvernements des autres pays
développés ne peuvent pas faire faillite car ils peuvent toujours être financés par leur
Banque centrale, au besoin par création monétaire, les pays de la zone euro ont
renoncé à cette possibilité. La BCE a l’interdiction de refinancer les Etats et l’article
125 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne interdit la solidarité
financière entre les Etats membres. Du coup, le financement des pays de la zone euro
dépend des marchés financiers et n’est pas assuré. La spéculation a pu se déclencher
sur les pays les plus fragiles de la zone : Grèce, Espagne, Irlande, ceux qui avaient
connu une forte croissance avant la crise, mais qui devaient changer leur modèle de
croissance. La crise financière est devenue une crise de la zone euro.
Le développement de la spéculation sur la dette de pays développés est paradoxal
et dangereux. Depuis 1945, aucun pays développé n’a fait défaut sur sa dette. Les
marchés spéculent sur un risque qui ne s’est jamais matérialisé. Certes, la situation
s’est modifiée, puisque l’indépendance des banques centrales (et en particulier de la
BCE) pourrait aboutir à des situations inédites où la Banque centrale refuserait de
venir au secours de l’Etat de son pays en difficulté. Mais cette situation ne s’est jamais
produite ; la crise de 2007-2008 a, au contraire, montré la capacité des Banques
centrales à intervenir en cas de péril. Comment imaginer qu’une Banque centrale
n’intervienne pas pour secourir son pays, comme elle l’a fait pour sauver les banques ?
La spéculation a été facilitée par le jeu des agences de notation, qui ont déclaré
risquées les dettes des pays du Sud de la zone, alors même que le scénario où un pays
de la zone euro ferait défaut n’avait a priori qu’une probabilité très faible. Ce sont les
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
100
agences de notation elles-mêmes qui ont renforcé cette probabilité. L’évaluation
financière n’est pas neutre : elle affecte l’objet mesuré, elle construit le futur qu’elle
imagine. Ainsi les agences de notation financières contribuent largement à déterminer
les taux d’intérêt sur les marchés obligataires en attribuant des notes empruntes d’une
grande subjectivité – voire de la volonté d’alimenter l’instabilité –, source de profits
spéculatifs. Lorsque les agences – privées – de notation dégradent la note d’un Etat,
elles obligent un certain nombre d’investisseurs institutionnels à ne plus détenir la
dette de cet Etat, ou à se couvrir sur le marché des titres couvrant le risque de défaut de
l’emprunteur (credit default swaps, ou CDS) : cela augmente le taux d’intérêt sur les
titres de la dette publique de cet Etat, et augmente par là-même le risque de faillite que
les agences ont annoncé. Un pays peut avoir une dette publique soutenable tant que les
marchés acceptent de lui prêter à un taux d’intérêt de 3 % par an ; mais la dette devient
insoutenable si les marchés demandent 10 %, car le pays doit dégager un fort excédent
primaire, en baissant ses dépenses publiques et en augmentant ses impôts. Cet effort
fait chuter sa croissance, réduit ses rentrées fiscales et peut paradoxalement conduire à
une hausse du ratio dette publique/PIB.
La spéculation a aussi été facilitée par le développement du marché des CDS, qui
permettent de spéculer sur les dettes publiques et privées. Les gestionnaires de fonds
sont à la recherche perpétuelle de sources de profits élevés, supérieurs à ceux des
activités productives. Ils les trouvent soit dans la création de bulles financières, soit
dans la spéculation, qui est d’autant plus rentable que les marchés sont volatils ; les
fonds spéculatifs gagnent de l’argent soit en vendant des couvertures contre cette
volatilité, soit en exploitant leurs capacités à réagir plus rapidement que les autres
intervenants. Les institutions financières ont trouvé une nouvelle source de profit en
créant le marché des CDS sur les dettes souveraines des grands pays qui est un marché
spéculatif, parasitaire et déstabilisant. Ce marché très particulier permet de dynamiser
le marché des titres publics, qui jadis était relativement inerte, donc sans intérêt pour
les spéculateurs. Il permet de spéculer à la faillite des Etats. En semant le doute sur la
capacité des pays à tenir leurs engagements, les fonds spéculatifs obligent les fonds de
placement à se couvrir (ce qui leur permet de leur vendre des CDS). Le marché des
CDS permet à certains opérateurs de gagner de l’argent en vendant des protections
(qu’ils pensent n’avoir jamais à assumer) ; d’autres fonds gagnent de l’argent en
achetant des protections. Il est ainsi possible d’acheter des protections contre une
faillite de l’Etat grec même si l’on ne détient pas de titres publics grecs. Les fonds
spéculent alors soit à la hausse du risque (j’achète une protection à 5 ans pour 2 % ;
comme la crainte de défaillance grandit, je peux la revendre deux mois plus tard à 3
%), soit à la faillite effective (je toucherai une indemnisation si la Grèce fait faillite,
bien que je ne détienne pas de titres de la Grèce) ; soit pour d’autres à la baisse du
risque soit même à la non-faillite (je fais courir la rumeur que la Grèce va faire faillite,
mais je n’y crois pas moi-même, je vends une protection que je n’aurai jamais à
verser). Les perdants dans l’opération sont l’Etat grec, qui doit payer plus cher son
endettement, ce qui fragilise plus encore sa situation budgétaire et les fonds qui
détenaient déjà des titres grecs (qui doivent dévaloriser leur créance, la revendre à bas
prix ou la couvrir).
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
101
Les fonds qui ont perdu de l’argent sur les titres grecs ou irlandais sont échaudés ;
ils se dépêchent de vendre leurs titres espagnols, portugais, voire même italiens, belges
ou français. La crise est contagieuse.
Le risque est de faire disparaître le marché de la dette souveraine (celle émise par
les Etats), comme a disparu, en grande partie, le marché de la dette du tiers-monde.
Les fonds réclameront des taux plus élevés puisque les titres publics seront considérés
comme des titres risqués. Les pays répugneront à s’endetter sachant que cela les met
sous la dépendance des marchés ; paradoxalement, la finance internationale fera
progressivement disparaître tous les marchés !
Le risque est que demain, un pays de la zone euro ne puisse plus augmenter son
déficit, de crainte que les marchés ne provoquent une hausse des taux d’intérêt, sous
prétexte de prime de risque. Cette hausse rendrait impuissante la politique budgétaire.
On ne peut laisser les marchés financiers paralyser les politiques économiques, on ne
peut laisser les incendiaires donner des instructions aux pompiers. Aussi, le risque de
faillite des Etats doit-il être nul : la Banque centrale doit toujours avoir l’obligation de
financer les Etats, même dans la zone euro. La zone euro devra choisir entre se
dissoudre ou changer ses institutions pour assurer la garantie des dettes publiques.
II.2°/ Solidarité défaillante
Durant la crise, les instances européennes (la Commission, le Conseil, les Etats
membres) ont été incapables de mettre en place des réponses vigoureuses. Leurs
réactions ont été timorées, hésitantes, contradictoires. Leur (absence de) stratégie n’est
pas compatible avec le fonctionnement des marchés financiers ; en témoigne
maintenant le doute sur la solidarité européenne, sur la possibilité que certains pays
fassent défaut sur leur dette, elles ont nourri la méfiance et la spéculation.
Fin 2009, le gouvernement grec a fortement révisé à la hausse les chiffres de
déficit public annoncés par le gouvernement précédent, ce qui a donné le départ à une
crise de défiance contre la dette grecque. Les instances européennes et les autres pays
membres ont tardé à réagir, ne voulant pas donner l’impression que les pays membres
avaient droit à un soutien sans limite de leurs partenaires et voulant sanctionner la
Grèce, coupable de n’avoir jamais respecté le Pacte de Stabilité et de Croissance et
d'avoir masqué l'ampleur de ses déficits. Les pays membres, et en particulier
l’Allemagne, ont annoncé qu’ils n’aideraient la Grèce qu’en échange d’un engagement
de celle-ci dans un plan de forte réduction de ses déficits publics, que l’aide serait
fortement conditionnelle au respect de cet engagement, soumise à la règle de
l’unanimité (en même temps, les Allemands rappelaient que le Traité européen
prohibait la solidarité entre les Etats membres et que leur Cour constitutionnelle
pourrait leur interdire d’aider les pays en difficulté), et que le taux des prêts
« incorporerait une prime de risque adéquate », ce qui est absurde, puisque l’aide a
justement pour objet de réduire à zéro le risque de défaillance. Ces réticences ont
contribué à inquiéter les marchés, à leur permettre de continuer à envisager des
scénarios-catastrophes.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
102
Début mai 2010, la BCE a annoncé qu’elle continuerait à prendre
inconditionnellement des titres publics grecs en pension33
. L’UE et les pays membres
ont accepté de dégager 110 milliards d’euros de prêts pour la Grèce, mais ils lui ont
demandé un taux d’intérêt exorbitant (d’abord 5,2 % puis 5,8 %), supérieur aux 3 %
auxquels les pays de la zone s’endettent. La Grèce a dû s’engager à réduire de 6 points
son déficit de 2009 à 2010, et de 11,5 points de 2009 à 2014, un engagement
difficilement tenable. Il a été demandé au FMI de contribuer à ce plan, pour bien
montrer que les conditions imposées à la Grèce seraient aussi sévères que ceux que le
FMI impose aux pays en développement qu’il « aide ». Mais cet appel marque bien la
faillite politique de la zone ; pour cette procédure de prêt à la Grèce soit mise en
œuvre, il a fallu proclamer que la « zone euro » n’existait pas, que seuls les Etats
existaient, pour le FMI comme pour les marchés financiers.
Le 10 mai 2010, les pays de la zone ont créé dans l’urgence un Fonds européen de
stabilisation financière (FESF), autorisé à lever 750 milliards d’euros, pour venir en
aide aux pays menacés. En même temps, il a été indiqué que ce fonds n’était créé que
pour trois ans, que l’aide apportée serait très fortement conditionnée à la mise en
œuvre de plans de réduction des déficits publics, et que les taux d’intérêt demandés
aux pays qui feraient appel au Fonds incorporeraient une prime de risque. Ce plan n’a
guère rassuré les marchés. En juin 2010, l’écart de taux d’intérêt à 10 ans entre la
Grèce et l’Allemagne est vite remonté à près de 8 points.
Au lieu de cela, il aurait fallu dire clairement que la dette publique grecque était
garantie par l’ensemble des pays de la zone euro et de l’UE, et que les problèmes de
finances publiques grecques étaient une affaire interne de la zone, qu’elle s’engageait à
résoudre collectivement. Mais le manque de solidarité et de confiance entre les pays de
la zone euro n’a pas permis qu’une telle solution soit adoptée.
En novembre 2010, éclate la crise irlandaise. L’Irlande, qui était naguère le
meilleur élève de la classe libérale, avec le plus bas taux de dépenses publiques des
pays de la zone, le plus bas taux d’imposition (avec des taux d’imposition sur les
sociétés et des taux de cotisations sociales particulièrement bas), avec un excédent
budgétaire de 2,5 % du PIB en 2006, avec une croissance particulièrement vigoureuse
(en jouant de la concurrence fiscale, en bénéficiant de taux d’intérêt très faibles par
rapport à son taux de croissance, en laissant se développer une bulle immobilière) a
subi de plein fouet la crise financière, et en particulier l’éclatement de la bulle
immobilière. Son système bancaire hypertrophié s’est retrouvé en faillite. Les finances
publiques irlandaises ont été mises à mal par la crise (qui a entraîné une perte de
croissance du PIB de 22 % par rapport à la tendance d’avant la crise) mais l’Irlande a
choisi de garantir toutes les créances de ses banques et de gonfler son déficit public de
2010 de 13,2 % à 32,3 % du PIB (un niveau sans précédent pour un pays européen en
temps de paix), afin de recapitaliser ses banques. Ainsi, la dette irlandaise passera de
25 % du PIB en 2007 à 114 % en 2012.
33 Cela signifie que les acteurs financiers, comme les banques privées, qui détiennent des titres de la dette
grecque, peuvent continuer à les prêter à la BCE (qui, en contrepartie, leur verse une rémunération). Les Banques centrales n’acceptent de détenir que les titres émis par des agents économiques en qui elles ont confiance, c’est-à-dire dont elles estiment qu’ils rembourseront leurs dettes.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
103
L’annonce du gonflement du déficit irlandais a marqué le point de départ d’un
nouvel accès de spéculation contre l’Irlande. L’UE et le FMI ont donc accordé une
« aide » de 85 milliards d’euros à l’Irlande, au taux d’intérêt exorbitant de 5,8 %. En
contrepartie, l’Irlande s’engage dans un programme d’austérité budgétaire qui devrait
représenter 10 points de PIB d’ici à 2014. Mais l’Irlande refuse d’augmenter son taux
de l’impôt sur les sociétés et son taux de cotisations sociales, qui sont, selon elle, ses
deux atouts dans la concurrence européenne.
L’Irlande (comme naguère l’Islande) est victime de la liberté d’établissement
prônée par la Commission. Les banques ont la liberté de s’installer où elles le veulent
en Europe ; personne ne contrôle le rapport entre la taille des banques et le pays où
elles sont installées. Les banques installées en Irlande ont créé et nourri la bulle
immobilière ; elles ont bénéficié du laxisme fiscal et réglementaire de ce pays ; en
s’endettant à bas taux sur le marché financier européen, elles ont pu faire des prêts
massifs et rémunérateurs qui apparaissaient sains puisque les prix de l’immobilier
augmentaient fortement. La possibilité d’un retournement de l’évolution des prix n’a
pas été envisagée. En même temps, il n’y a aucune solidarité européenne. Quand une
banque est en difficulté, c’est le pays où elle est installée qui doit la secourir, et donc la
population de ce pays. L’Irlande n’a pas voulu faire payer les responsables de la crise
(les créanciers des banques irlandaises), n’a pas voulu taxer les bénéficiaires de la
bulle (pourquoi ne pas envisager un prélèvement exceptionnel sur les grandes fortunes,
celles qui ont bénéficié de la bulle ?). L’Europe n’a pas voulu faire jouer la « solidarité
de place » : faire payer aux banques européennes le coût des sauvetages bancaires.
Les marchés financiers, comme les responsables de la zone euro, ont laissé les
déséquilibres s’accumuler avant la crise. Ils s’en sont rendu compte brutalement en
2009-2010. Des pays comme l’Espagne, l’Irlande ou même la Grèce connaissaient des
croissances vigoureuses avant la crise ; celle-ci les oblige à modifier leurs stratégies de
croissance ; les marchés ne les y aident pas en criant au risque de faillite, et la
Commission ne vient guère à leur secours.
Sous la pression du FMI et de la Commission européenne, les pays menacés
doivent mettre en œuvre des plans drastiques, et bien souvent aveugles, de réduction
des déficits publics et de privatisation. L’effort représenterait 16 % du PIB pour la
Grèce ; 9 % pour l’Irlande, 8,5 % pour l’Espagne ; 8 % pour le Portugal. Les pays du
Sud connaîtraient un recul de leur activité à court terme, une longue période de
récession et de chômage élevé. Selon la Commission elle-même, le taux de chômage
en 2012 serait de 11 % au Portugal, de 13 % en Irlande, de 15 % en Grèce, et de 19 %
en Espagne. Mais les pays du Nord réduiraient en même temps leurs déficits. Les
autres pays, pressés par la Commission de rentrer dans les clous du Pacte de Stabilité
et de Croissance, craignant de voir leur dette déclassée par les agences de notation, se
résignent à faire des efforts de l’ordre de 1 à 1,5 point de PIB, en se fixant un objectif
de déficit inférieur à 3 % du PIB en 2012 ou 2013, redoublé d’un objectif de solde
équilibré (déficit nul) à long terme. L’impulsion négative provoquée par la politique
budgétaire sur l’activité économique serait de 1,6 % du PIB en 2011, et de 1 % en
2012. La croissance en Europe en serait durablement affectée.
Ce programme d’austérité met en cause le modèle social européen ; il impose de
fortes réductions du nombre de fonctionnaires, il nuira donc à la qualité de
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
104
l’enseignement, de la santé, des services publics ; les retraites publiques sont
diminuées et l’âge de la retraite est repoussé ; les prestations familiales sont réduites ;
l’Espagne diminue les prestations-chômage, l’Irlande son salaire minimum et
l’Allemagne son revenu minimum ; tous les pays font pression sur leurs salaires pour
gagner de la compétitivité. Même le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la France et
l'Allemagne, qui ne sont pas directement attaqués par la spéculation, ont annoncé des
mesures restrictives sur les dépenses publiques, les dépenses sociales, l’emploi et les
salaires des fonctionnaires.
On voit mal d’où pourrait venir la croissance dans la zone. En effet, globalement,
la demande y est nettement insuffisante. Les pays du Nord de l’Europe auraient dû
entreprendre des politiques expansionnistes pour compenser les politiques restrictives
des pays du Sud. Or, tant que l’économie européenne ne se rapproche pas à une vitesse
satisfaisante du plein emploi, la politique budgétaire ne devrait pas être globalement
restrictive dans la zone euro, bien au contraire. Certes, certains économistes ont mis en
évidence dans le passé des épisodes où une politique budgétaire restrictive n’a pas eu
d’effet défavorable sur l’activité, mais cette politique était toujours accompagnée
d’autres éléments qui manquent aujourd’hui, comme une forte dépréciation du taux de
change, une forte baisse des taux d’intérêt, un essor du crédit privé dû à la
libéralisation financière, ou une forte hausse de la demande privée.
Si le multiplicateur d’une baisse généralisée des dépenses publiques en Europe est
de 2, que les pays de l’UE font un effort de 1 point du PIB par an pendant 5 ans, la
croissance européenne sera réduite de 2 points par an pendant 5 ans, soit un total de 10
points de PIB, les soldes publics ne seront pas améliorés (puisque la baisse d’activité
réduira les recettes fiscales), et les ratios de dette augmenteront du fait du
ralentissement économique. Cette politique serait indispensable pour rassurer les
marchés, mais une politique qui aboutirait à une longue période de dépression est-elle
rassurante ? Les pays obligés de mettre en œuvre des politiques très fortement
restrictives, dans une situation de fort taux d’intérêt et d’instabilité financière, le
paieront par une forte chute de l’activité. La Commission avait prévu que la croissance
de la zone euro serait de1,6% en moyenne pour 2010-2011, mais de 0,4 % pour
l’Irlande, 0,3 % pour l’Espagne, 0,2 % pour le Portugal, et -3,6 % pour la Grèce. Dans
ces conditions, les objectifs de déficit public ne pourront être tenus, les pays
souffriront d’une hausse des charges d’intérêt et d’une baisse des recettes fiscales, le
ratio de dette s’envolera, ce qui justifier la mise en œuvre d’autres mesures restrictives.
Cette politique aura de graves conséquences sociales dans de nombreux pays
européens, tout particulièrement sur la jeunesse et les plus fragiles. Elle menace la
construction européenne elle-même, qui était bien plus qu’un projet économique.
L’économie devait être au service de la construction d’une Europe unie, développant
un modèle original de société. Au lieu de cela, la dictature des marchés s'impose
aujourd'hui dans tous les pays de l’Union. Il serait catastrophique pour l’Europe que
les instances européennes utilisent la menace des marchés pour imposer aux peuples
des politiques économiques restrictives, des réformes libérales et des baisses
importantes des dépenses sociales.
Le Fonds Européen de Stabilité Financière n’a été créé que pour une période de 3
ans. L’Allemagne, que malheureusement la France a accepté de soutenir, n’accepte sa
prolongation que sous des conditions drastiques. Elle exige que les pays fautifs
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
105
puissent se voir privés de leur droit de vote dans les instances européennes, entraînant
de fait la possibilité de l’exclusion d’un pays, et puissent se voir privés des fonds
d’aide structurels, ce qui aggraverait encore leur situation. Surtout, l’Allemagne
demande que soit mis sur pied un mécanisme de faillite ordonnée d’un Etat membre.
A partir de 2013, les émissions d’obligations publiques devront comporter une
« clause d’action collective », c’est-à-dire que les détenteurs devront accepter la
possibilité de n’être remboursés que partiellement en cas de difficultés économiques
du pays émetteur. Cette clause avait été proposée par Annie Krueger du FMI, pour les
émissions des titres des dettes publiques des pays en développement ; mais elle n’a eu
aucun succès, les pays émetteurs craignant que les clauses d’action collective ne
renchérissent fortement le taux d’intérêt sur leurs dettes.
Le risque est grand que ces deux dispositifs soient interprétés par les marchés
financiers pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire de nouveaux signes de l’absence de
solidarité en Europe. Les marchés seront renforcés dans leur conviction que les dettes
publiques des pays de la zone euro ne sont pas garanties ; qu’il est donc légitime de
demander des primes de risque pour les détenir et qu’il peut être rentable de spéculer
sur leur faillite. Les dettes publiques n’étant plus considérées comme sans risque
seront plus coûteuses. Les pays seront en permanence soumis à l’appréciation des
marchés financiers.
Les marchés financiers ont estimé que les pays du Sud de l’Europe auront le plus
grand mal à se financer dans trois ans, quand ce projet sera mis en place. Or le
remboursement des dettes actuelles repose sur la capacité des pays à avoir accès aux
marchés financiers dans les années à venir. La dette des pays du Sud a donc été
fragilisée.
Fin novembre 2010, les taux imposés par les marchés pour les titres à 10 ans
étaient de 2,7% pour l’Allemagne, 3 % pour les Pays-Bas et la Finlande, 3,2 % pour
l’Autriche et la France, mais de 4 % pour la Belgique, 4,7 % pour l’Italie, 5,5 % pour
l’Espagne, 7,1 % pour le Portugal, 9,3 % pour l’Irlande, et 11,9 % pour la Grèce. Les
marchés financiers refusent de renoncer à un scénario d’éclatement de la zone euro,
selon lequel les mesures d’austérité entraîneraient une faible croissance et des troubles
sociaux, de sorte que les pays du Sud finiraient par préférer quitter la zone. Pourtant, la
crédibilité de ce scénario est renforcée par la faiblesse même de la réaction des Etats
membres et des instances européennes, qui sont incapables de dire que leur solidarité
est totale et qu’ils mettront en œuvre une stratégie macroéconomique cohérente dans la
zone.
Section II : Vers une sortie durable de la crise de l’euro
Suite à la crise grecque, l’Union européenne s’est dotée d’un dispositif de
sauvetage à destination des pays de la zone euro, dérogeant à la clause de non-
assistance financière prévue dans les Traités.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
106
Cette facilité transitoire est composée de trois éléments distincts.
Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), initialement doté de 440
milliards d’euros constitue le volet intergouvernemental du dispositif et il est prévue
pour une durée de trois ans (03) c’est-à-dire qu’il prendra fin en 2013. Cet instrument
aide les États en difficulté après avoir emprunté sur les marchés grâce aux garanties
apportées par les dix-sept États de la zone euro. Le fonds a été mis en place en mai
2010 pour une durée de trois ans. Il est activé à l’unanimité des États participants.
Le chiffre de 440 milliards d’euros a rapidement été relativisé au regard de
l’impossibilité pour la Grèce, l’Irlande ou le Portugal d’être appelées en garantie. Seuls
six pays bénéficient à ce jour d’une notation maximale (AAA) qui leur permet d’être
effectivement appelés en garantie. De fait, le Fonds ne peut, en l’espèce, lever que 220
milliards d’euros sur les 440 milliards annoncés. Le Conseil de l’Union européenne du
2 mars a, de ce fait, modifié le dispositif afin de doter le Fonds d’une capacité effective
de prêt de 440 milliards.
Le mécanisme européen d’assistance financière – 60 milliards d’euros – est, quant
à lui, le volet communautaire du dispositif. Il est financé par des emprunts réalisés par
la Commission sur les marchés, garantis par le budget communautaire. Il est activé à la
majorité qualifiée des vingt-sept États membres de l’Union.
Le Fonds monétaire international abonde, pour sa part, le dispositif à hauteur de
250 milliards d’euros
Le Conseil européen a cependant souhaité pérenniser cette facilité au-delà de 2013
en créant, sur les fondements du dispositif actuel, le Mécanisme européenne de
stabilité (MES). Le volet intergouvernemental sera doté de 500 milliards d’euros. Le
nouvel instrument prévoit de conditionner l’aide à l’égard d’un pays à l’adoption par
celui-ci d’un programme drastique d’ajustement de la dette souveraine. Le futur
mécanisme prévoit parallèlement une participation du secteur privé, au cas par cas.
Deux cas sont envisagés :
Lorsqu’un pays faisant appel à l’ESM est considéré comme solvable, les
créanciers privés sont encouragés à conserver leur exposition à la dette
souveraine ;
Dans le cas contraire, s’il est tenu pour insolvable, le pays concerné doit
négocier un plan exhaustif de restructuration de sa dette avec les créanciers
privés.
Les pays de la zone euro devront, à ce titre, inclure dans leurs émissions de dette
souveraine des clauses d’action collective après la mi-2013. Les créanciers pourront
alors décider à la majorité qualifiée de modifier les termes des contrats liés aux titres
de dette et d’accepter notamment un rééchelonnement du remboursement, une baisse
du taux d’intérêt, voire une décote de la valeur des titres de dette.
Le mécanisme européen est, par ailleurs, autorisé à acheter des titres de dette sur le
marché primaire, à titre exceptionnel.
La création du MES sera entérinée après modification du Traité de Lisbonne.
En attendant cela, nous allons traiter une autre thématique très importante : celle de
la gouvernance économique européenne sans laquelle le MES ne pourra se faire.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
107
I°/ La gouvernance économique européenne
Malgré un endettement public et un déficit public inférieur à ceux constatés aux
Etats-Unis et au Japon, la zone euro demeure sujette à une inquiétude marquée de la
part des marchés financiers qui ne vise pas tant la valeur de la monnaie que la dette des
Etats membres. De fait, afin de répondre à cette défiance, l’Union européenne s’est
dotée, depuis mai 2010, de nouveaux instruments destinés à mettre en place une
véritable gouvernance de la zone euro, dépassant le simple stade de l’assistance
financière, sans pour autant totalement gagner en visibilité tant à l’égard des marchés
que des opinions publiques.
I.1°/ Les fondements d’une gouvernance économique
I.1.1°/ La coordination des politiques budgétaires
Le Conseil européen a défini, les contours du « semestre européen » qui vise à
mettre en place une coordination harmonisée des politiques économiques, en amont
des procédures budgétaires nationales. Le « semestre européen » doit permettre
d’infléchir les orientations budgétaires qui s’avèreraient manifestement inadaptées. A
cet effet, les Etats doivent en conséquence transmettre leurs programmes de stabilité,
détaillant leurs trajectoires budgétaires et leurs programmes de réforme avant la fin du
mois d’avril. La Commission européenne présente ses propositions d’avis, voire de
recommandation, sur chaque programme national dès la fin du mois de mai, le Conseil
européen adoptant avis et recommandations à la fin du mois suivant.
La Commission a, par ailleurs, estimé nécessaire, en janvier 2011, un fort
ajustement budgétaire sur les dépenses publiques (à l’exception de celles afférentes à
l’éducation et à la recherche) au sein des Etats de la zone euro. La Commission estime
également que les Etats membres pourraient opérer une hausse de la fiscalité indirecte
et un élargissement des assiettes fiscales.
Par ailleurs, la réforme du Pacte de stabilité et de croissance sur lequel le Conseil
européen du 24 mars 2011 a trouvé un accord politique, prévoit un renforcement de
ses volets préventif et correctif et accorde une attention plus importante à
l’endettement public. De fait, la procédure pour déficit public serait lancée non plus
seulement lorsque le déficit public dépasse le seuil de 3 % du PIB, mais également si
la dette commence à s’écarter d’une trajectoire soutenable. Le seuil de 60 % du PIB
retenu dans la rédaction initiale du PIB n’apparaît plus pertinent face à l’explosion de
l’endettement public de part et d’autre de la zone euro. L’appréciation de la situation
budgétaire des Etats membres doit désormais tenir compte de « facteurs pertinents »
prévus par les textes. Le Conseil demeure seul compétent pour enclencher la procédure
de sanction. Celle-ci sera plus rapide et s’imposera dès le constat d’un déficit excessif
ou d’une réduction insuffisante de la dette, sauf si une majorité du Conseil s’y oppose
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
108
(principe de la majorité qualifiée inversée). La réforme du pacte pourrait entrer en
application courant 2015.
I.1.2°/ Vers une meilleure coordination économique
La réforme du pacte de stabilité et de croissance décidée en juin 2010 introduit
également un suivi des équilibres macroéconomiques. L’Union européenne préconise,
à cet égard, la mise en place d’une série d’indicateurs destinés à évaluer chaque année
les déséquilibres et les faiblesses macroéconomiques. Cette estimation serait effectuée
en fonction d’indicateurs : déficit commercial, situation de la balance des paiements,
évolution des prix et notamment ceux de l’immobilier, etc. Si les chiffres des pays
concernés s’écartent de la moyenne de l’Union européenne, la Commission serait en
mesure de demander des éléments d’explications aux autorités des États membres.
Avec ce mécanisme, l’Irlande comme l’Espagne auraient pu être interrogées sur la
bulle immobilière en gestation dans leurs pays, où les prix ont été multipliés par 4 ou 5
sur une courte période.
Tableau 13 : Les indicateurs du mécanisme de surveillance macroéconomique
Indicateur Mode de calcul Seuil à ne pas franchir
Comptes courants Moyenne des trois dernières
années en %du PIB
+/- 4 % du PIB
Position extérieure nette En % du PIB 35 % du PIB
Parts de marchés à l’export En valeur sur cinq ans - 6 %
Coûts unitaires du travail Valeur nominale sur trois ans +9 % (zone euro)
+12% (hors zone euro)
Taux de change effectifs
réels
Evolution sur trois ans par
rapport à 35 pays industrialisés
+/- 5 % (zone euro)
+/-11% (hors zone euro)
Endettement privé En % du PIB 60 %
Flux de crédit au secteur
privé
En % du PIB 15 %
Prix de l’immobilier Evolution annuelle 6 %
Source : Commission européenne
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
109
En l’absence de justification et en cas de déséquilibre particulièrement grave, le
Conseil déclarerait l’État membre concerné en « situation de déséquilibre excessif » et
lui adresserait un ensemble de recommandations destinées à corriger les déséquilibres.
Si ces recommandations n’étaient pas mises en œuvre, la question serait portée devant
le Conseil européen. Pour les États membres de la zone euro, des sanctions –
éventuellement financières – pourraient être décidées. De telles amendes pourraient
venir abonder le Fonds européen de stabilisation financière. Le mécanisme de
surveillance macro-économique fait partie du paquet gouvernance qui devrait être
définitivement adopté d’ici à la fin du mois de juin.
En ce qui concerne les orientations économiques de l’Union européenne, la
Commission a invité en janvier 2011, dans son « examen annuel de la croissance », les
États à réduire les écarts de compétitivité en relevant l’âge de départ en retraite et en
prônant la modération salariale. Elle a, en outre, annoncé une poursuite de la
libéralisation du marché unique et indiqué sa volonté de progresser sur l’harmonisation
de l’assiette de l’impôt sur les sociétés et de la TVA. Ce document préparait les
orientations stratégiques dégagées par le Conseil européen le 23 mars 2011. Celles-ci
insistent sur un assainissement budgétaire soutenu, supérieur à 0,5 % du PIB et un taux
d’accroissement des dépenses publiques inférieur à la croissance. Le Conseil européen
préconise une réorientation des charges fiscales pesant sur le travail doublée d’une
réforme des marchés de l’emploi.
C’est dans cette lignée que les Etats membres de la zone euro, rejoints par le
Danemark, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne ont adopté le 11 mars 2011 un
« Pacte pour l’euro plus » destiné à intensifier leur coordination en fixant des
objectifs communs de politique économique. Des engagements nationaux précis
devraient être pris d’ici l’an prochain. Sans prescrire des mesures uniformes, le pacte
cerne un certain nombre d’objectifs communs : harmonisation fiscale, encadrement
normatif de l’évolution des finances publiques, hausse des taux d’activité, évolution
des salaires en fonction de la productivité.
I.1.3°/ Le renforcement de la régulation et de la surveillance financière
La crise irlandaise a permis à la Commission de renforcer ses normes en matière de
supervision bancaire, notamment en ce qui concerne ses « stress tests ». Ces examens
de résistance des banques aux chocs macro-économiques, sont destinés à prévenir ce
type de crise. L’Autorité européenne de supervision bancaire (EBA) est désormais en
charge de la supervision de ces tests et a annoncé, le 8 avril 2011, la participation à
ceux-ci de 90 banques européennes, représentant 65 % des actifs bancaires de l’Union
européenne et au moins 50 % des actifs au sein de chaque pays de l’Union européenne.
24 établissements bancaires espagnols, 13 allemands, 6 grecs, 5 italiens et 4
britanniques, danois, français, néerlandais, portugais et suédois seront ainsi évalués.
Sur 91 établissements financiers testés en 2010, seuls 7 d’entre eux (5 espagnols, 1
allemand et 1 grec) avait échoué. Quelques mois plus tard, deux grandes banques
irlandaises se trouvaient néanmoins au bord de la faillite. L’EBA a, à cet égard,
annoncé un renforcement des critères d’évaluation. Les banques devront désormais
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
110
pouvoir justifier d’un ratio minimal de 5 % de capitaux propres « durs » (core Tier 1,
soit le type de capital considéré comme ayant la meilleure capacité d’absorption de
chocs) en cas de choc économique. Comme lors des précédents tests, l’autorité
européenne utilisera deux scenarios : l’un dit « de base », reprenant les principales
prévisions économiques, et l’autre dit « adverse », fondé sur des hypothèses de
dégradation de l’économie et des marchés financiers. Celles-ci sont notamment
marquées par une plus grande sévérité par rapport aux tests précédents : une baisse de
0,5 % du PIB en 2011 est ainsi envisagée par le régulateur alors même que la
Commission table sur une augmentation de 1,5 %. Il convient néanmoins de noter que
l’Autorité européenne écarte toute restructuration de la dette grecque, estimant celle-ci
non plausible. Le renforcement des tests passe également par une réduction de la
marge de manœuvre laissée aux banques européennes pour établir des documents
financiers et la mise sur pied d’une équipe d’experts issus des superviseurs nationaux,
de l’EBA et de la BCE qui révisera pendant un mois les données communiquées.
L’accord de Bâle III signé par les pays membres du G 20, qui devrait être appliqué
au sein de l’Union européenne via la directive CRD 4 actuellement en cours de
préparation, prévoit, en outre, à l’horizon 2019 un relèvement des ratios de solvabilité
des établissements bancaires. Il prévoit un ratio d’endettement pour éviter un
endettement excessif en plus des exigences de fonds propres et un durcissement des
normes de liquidité. Selon la Fédération bancaire européenne, l’accord pourrait
cependant conduire à des problèmes de financement pour l’économie réelle. Le
Comité européen des contrôleurs bancaires, prédécesseur de l’Autorité européenne de
supervision bancaire, avait déjà estimé ces risques, les évaluant à environ 15 % du PIB
de l’Union européenne pour le ratio de financement à long terme et à environ 8 % du
PIB de l’Union pour le ratio de liquidité à court terme.
Nonobstant ces réserves, la directive dite CRD 4 devrait également introduire des
règles exigeant de toutes les banques qu’elles disposent en permanence de la liquidité
indispensable. Cette liquidité devrait être contrôlée par les superviseurs nationaux. La
Commission travaille également à l’élaboration d’une directive sur la gestion des
crises bancaires, destinée notamment à mettre en place un réseau harmonisé de fonds
de résolution nationaux. La mise en place d’un système de garantie des dépôts par le
biais d’une taxe sur les transactions financières participe également de cet effort de
renforcement du contrôle des établissements financiers par l’Union européenne.
La future directive CRD 4, comme les tests bancaires, viennent, par ailleurs,
concrétiser la modification du cadre de surveillance européenne. Le Comité européen
de risque systémique, dont le secrétariat est placé auprès de la BCE est ainsi chargé
d’identifier les dangers pour l’ensemble du système financier et d’émettre, en
conséquence, alertes et recommandations. Trois Autorités de surveillance européennes
(ASE) sont parallèlement mises en place : l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité
européenne des assurances et des pensions professionnelles et l’Autorité européenne
des valeurs mobilières. Leur mandat consiste principalement en l’élaboration d’un
ensemble de règles harmonisées.
Ce renforcement des normes d’encadrement de l’activité bancaire demeure
néanmoins d’autant plus indispensable que, dans son dernier « Rapport sur la
stabilité financière dans le monde », le FMI relève que si les banques européennes
ont cherché à élever tant la qualité que la quantité de leurs fonds propres, leurs progrès
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
111
en la matière demeurent inégaux. Ces faibles niveaux de fonds propres rendent ainsi
certaines banques allemandes et des caisses d’épargne italiennes, portugaises et
espagnoles vulnérables à de nouveaux chocs. De fait, selon le FMI, l’Europe ne peut
éviter une restructuration des banques non viables et, le cas échant, une recapitalisation
de certains établissements financiers, soit une participation directe de l’Etat au risque
de grever les déficits publics. Les aides publiques au secteur bancaire ont ainsi creusé
le déficit de l’Allemagne de 0,4 % en 2010 et alourdi sa dette d’environ 9,5 % du PIB.
Au Portugal, l’impact s’élève à 1 % sur le déficit et 2,1 % sur la dette. Au total, les
aides d’Etat accordées aux banques par les Etats membres pendant la crise financière
se sont élevées à environ 13 % du PIB de l’Union européenne.
I.2°/ Les limites de la gouvernance actuelle
I.2.1°/ Des dispositifs encore incomplets
Si les avancées sont réelles en matière de gouvernance économique, le second acte
de la crise grecque vient souligner la persistance de dysfonctionnements réels au sein
de la zone euro, caractérisée, notamment, par une cacophonie à haut niveau sur les
solutions à mettre en œuvre : l’Allemagne insistant fermement sur le thème de la
restructuration douce, en dépit des objections de la BCE et d’un certain nombre de ses
partenaires. La Présidence de l’Eurogroupe anticipe, quant à elle, les décisions du
Conseil européen et du FMI sur le versement d’une aide complémentaire. La
gouvernance politique de la zone euro implique une communication plus adaptée,
cohérente, capable en cela de rassurer les marchés financiers.
C’est en ce sens qu’il convient de comprendre les propos du Président sortant de la
BCE en faveur de la création d’un véritable ministre des finances de l’Union
européenne. Jean-Claude Trichet milite pour que le Conseil des ministres des
finances puisse opposer un veto à certaines décisions de politique économique
nationale, dès lors que le pays concerné a sollicité l’aide de la zone euro. Lors de la
négociation du Traité de Maastricht, la France militait déjà pour que le Conseil des
ministres des finances puisse décider de mesures contraignantes à l’égard d’un Etat qui
divergerait de la stratégie économique de la future zone euro. Le Conseil aurait ainsi
pu inscrire d’office, dans le budget de l’Etat concerné, une réduction des dépenses ou
une augmentation des impôts. Berlin s’y était à l’époque opposée, arguant que celle-ci
remettait en cause le principe d’indépendance de la BCE.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
112
I.2.2°/ Les questions de la valeur de l’euro et du positionnement de la zone dite
périphérique
Le renforcement de la gouvernance économique de la zone euro ne peut éluder un
débat sur la valeur même de la monnaie commune. L’effet anesthésiant de la monnaie
unique a déjà été abordé à l’occasion de l’étude des crises irlandaise et portugaise. La
force de la monnaie, son côté valeur refuge, a longtemps protégé certains Etats
membres sur le marché obligataire. Elle s’avère néanmoins relativement inadaptée dès
lors que ces pays, du fait de la crise, doivent privilégier les secteurs tournés vers
l’exportation face à une demande interne logiquement atone. C’est le cas de l’Irlande,
mais aussi et surtout, de la Grèce et du Portugal. La valeur de la monnaie unique
fragilise cette réorientation jugée indispensable. L’euro reste trop élevé face aux
devises américaine et chinoise.
Paradoxalement, l’annonce d’un nouveau soutien à la Grèce contribue à renforcer
la valeur de l’euro sur les marchés, comme en témoigne le niveau atteint par l’euro le 6
juin 2011 : 1,4658 dollar et fragilise par avance l’efficacité des réformes structurelles
annoncées. Or, certains analystes estiment que la zone sud de l’Union européenne
n’est plus compétitive si l’euro dépasse les 1,3 dollar.
En l’état actuel, la valeur de la monnaie fragilise toute tentative pour les pays
périphériques d’adopter le modèle exportateur du nord de l’Union. Il est cependant
permis de s’interroger sur la validité même de ce choix économique. Il convient de
rappeler qu’à l’heure actuelle, la moitié des excédents de la zone nord de l’Union
européenne se fait au détriment de la zone sud. Dans le cas où les Etats concernés
parviendraient à se réindustrialiser et à devenir des puissances exportatrices, la partie
nord de l’Union européenne aurait donc à pâtir de cette mutation économique. Dans le
même temps, l’ensemble de l’Union européenne deviendrait fortement exportatrice,
renforçant logiquement le déficit extérieur des Etats-Unis, fragilisant un peu plus la
valeur du dollar au risque d’une perte de compétitivité de la zone périphérique.
II°/ Le contraste entre les « eurobonds » et les « projects bonds »
II.1°/ Les eurobonds : obligations bleues et rouges
Il s’agit de deux (02) catégories distinctes d’actifs souverains, chacun ayant un
objectif différent. Premièrement, les obligations bleues (dette bleue) constitueraient la
partie essentielle de l’emprunt souverain dans la zone euro, la moins coûteuse, dans la
limite des 60% du PIB, moyennant la création d’un type d’actif satisfaisant la demande
de titres les plus liquides et les plus sûrs, y compris celle émanant des banques
centrales asiatiques et d’autres investisseurs à la recherche d’une sécurité maximale.
Deuxièmement, les obligations rouges (dette rouge) augmenteraient le coût marginal
de l’emprunt, notamment pour les pays dont la politique budgétaire n’est pas
soutenable ou peu fiable. Cela permettrait de renforcer les règles de base du Pacte de
stabilité et de croissance, grâce aux signaux envoyés par les marchés.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
113
II.1.1°/ La dette bleue
Ultra-sûre. La dette bleue est la tranche senior de la dette souveraine des pays de
la zone euro. Son remboursement est prioritaire sur toute autre dette publique, à
l’exception de la dette à l’égard du FMI, qui bénéficie du statut « super senior ». C’est
la part de la dette souveraine de tout Etat membre qui en principe sera remboursée en
état de cause, car son montant est limité à 60% du PIB, conformément aux dispositions
du Traité de Maastricht. Comme la capacité d’endettement de tout pays de l’Union
européenne, même en cas de tension extrême, est bien supérieure à ce niveau, et qu’en
outre cette dette est garantie collectivement et séparément, elle aurait le statut ultra sûr
AAAA, si cette notation existait.
La garantie est en même collective et individuelle. La dette bleue comporte
une double garantie, collective et individuelle : chacun des pays, chaque année, se
porte garant des dettes bleues de tous les autres Etats membres qui seront émises
l’année suivante : d’où le nom de mutualisation des dettes souveraines. Cette garantie
peut paraître extrême, mais elle se limite à la partie la plus sûre de la dette souveraine
de chaque pays, celle supposée ne jamais pouvoir faire défaut34
. La garantie collective
et individuelle permettra de considérer la dette bleue comme étant encore plus sûre que
le bon de Trésor allemand, titre de référence. Naturellement, pour que les Etats
membres méritent de telles garanties, ils doivent tous se conformer à un certain
nombre de conditions très strictes.
Se limiter à 60% du PIB. La principale garantie de la qualité des obligations
bleues est la limite du montant de dette émise par un pays participant à 60% du PIB.
En plus, le montant de l’émission d’obligations bleues, telle qu’elle est déterminée par
le mécanisme de gestion de ces obligations, peut être réduit pour les pays les moins
crédibles de la zone si les politiques budgétaires sont imprudentes, ce qui incite
d’avantage à mettre en œuvre une politique plus soutenable.
Les mécanismes de gestion. Le montant annuel de l’émission des obligations
bleues serait proposé par un Conseil de stabilité indépendant, constitué par des
individus dont le degré d’indépendance professionnel serait équivalent à celui des
membres du conseil d’administration de la BCE. L’émission serait votée par les
parlements nationaux de pays participants, qui disposent en dernière instance de
l’autorité suprême requise pour émettre les garanties mutuelles sur les dettes bleues.
Tout pays ayant voté contre l’émission proposée décide de ce fait de ne pas émettre
des obligations bleues. Puisque la décision de tout grand pays participant de sortir de
ce mécanisme pourrait miner la confiance dans l’ensemble du mécanisme, le Conseil
de stabilité indépendant serait fortement incité à pécher par un excès de prudence,
sauvegardant ainsi les intérêts du contribuable européen.
34
Par exemple, la crise grecque est due à son montant, qui atteint 150% du PIB. Si la Grèce était rentrée en avec une dette bleue égale à 60% du PIB, elle aurait pu honorer entièrement le service de sa dette, équivalent à 3% du PIB tout au plus, car les recettes budgétaires atteignaient 35% du PIB. Ainsi, le débat aurait porté sur la dette rouge exclusivement. L’une des principales conditions associée au AAA est que le service de la dette soit inférieur à 10% du total des recettes fiscales ; chaque année, depuis 1992, la dette bleue grecque aurait pu remplir facilement cette condition, y compris entre 2009 et 2011.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
114
Modalité d’accès au mécanisme. La participation à part entière au mécanisme
des obligations bleues ne devrait pas être considérée comme un droit acquis, mais
comme un avantage gagné au moyen de l’amélioration de la politique budgétaire,
comme un faible niveau de dette ou garanties institutionnelles fiables, notamment en
ce qui concerne des règles budgétaires permettant de mettre les finances publiques sur
la bonne voie.
L’organisation de la gestion de la dette bleue. Du point de vue du marché
obligataire, les obligations bleues doivent avoir la même fonctionnalité que la dette
nationale souveraine simple. Cela requiert la création d’une agence de la dette de la
zone euro, à laquelle les recettes fiscales seraient directement transférées afin d’éviter
les frais habituels de détention des avoirs liés à la dette multilatérale.
II.1.2°/ La dette rouge
Le statut de dette junior. La dette rouge, c’est-à-dire la part de la dette
souveraine se situant au-delà des 60% du PIB, serait la tranche junior. En d’autres
termes, elle serait honorée seulement après que le service de la totalité de la dette bleue
aura été réglé.
La responsabilité nationale. La dette rouge ne peut jamais être garantie par un
autre pays ; elle ne peut pas être renflouée par les mécanismes propres de l’UE, le
FESF et le MES. La clause d’interdiction de renflouement s’appliquerait strictement à
la dette rouge qui devrait être émise par les Trésors des Etats membres. Ainsi, la taille
du MES serait limitée car celui-ci devait financer seulement les déficits primaires et
non pas les dettes rouges.
Extérieure au système bancaire. Pour rendre possible un défaut ordonné sur
la dette rouge, il est proposé que celle-ci demeure majoritairement extérieure. Cela
peut se faire via deux (02) mesures. D’abord, l’interdiction de l’accès au refinancement
de la dette rouge par la BCE. Pour éviter les interruptions de paiements, cette
restriction pourrait être introduite graduellement. Seule la dette bleue, l’actif sûr,
devrait avoir accès au refinancement de la BCE. Ensuite, les contrôleurs doivent
garantir que les obligations rouges détenues par le système bancaire seront assorties de
conditions pénalisantes en termes de réserves en capital.
II.1.3°/ Renforcement du Pacte de stabilité et de croissance (PSC)
En dépit des changements récents, le PSC rencontre toujours de graves problèmes :
les sanctions prévues ne sont pas complètement crédibles ; les incitations à observer
ces règles sont rares, en particulier celles prévues pour dégager des excédents
budgétaires dans les années fastes.
La proposition des dettes bleues et rouges aiderait à renforcer les incitations du
PSC, imposant un double contrôle sur les politiques budgétaires. Premièrement, il
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
115
existe un contrôle institutionnel : le Conseil de stabilité indépendant détermine le
montant des émissions selon les principes du PSC et des notions générales de
soutenabilité budgétaire, notamment les règles fiscales nationales. Deuxièmement, les
coûts d’emprunts des obligations rouges seraient élevés, très élevés même pour les
pays qui ne respectent le Pacte, ce qui impose une discipline de marché aux Etats qui
manquent de rigueur en matière en matière budgétaire. Le maintien des obligations
rouges en dehors du système bancaire rend crédible la perspective de défaut ordonné, à
la différence de que l’on observe aujourd’hui.
II.2°/ Les « project bonds » : moyen de retour vers la croissance
II.2.1°/ L’arme consensuelle pour la croissance européenne
Nouvelle stratégie des dirigeants européens, les « project bonds » pourraient
incarner une nouvelle forme de politique de croissance. Ils ressemblent aux eurobonds,
fonctionnent comme les eurobonds mais ce ne sont pas des eurobonds.
Ils pourraient devenir la grande initiative en faveur de la croissance qui met
d’accord l’Allemagne et la France. Les « project bonds » ont été adoubés, le 22 mai
dernier, aussi bien par le Parlement européen que par la Commission européenne. Ils
ont été au centre des discussions entre les dirigeants européens du sommet informel du
23 mai dernier à Bruxelles.
Leur nom rappelle dangereusement les « eurobonds » (obligations européennes),
que l’Allemagne a en horreur. En effet, Berlin ne veut pas entendre parler de ce
mécanisme qui consiste à émettre des emprunts communs à tous les États de la zone
euro sur les marchés pour permettre aux pays en difficulté de bénéficier de taux
d’intérêt dont ils n’auraient pu rêver s’ils allaient seuls à la pêche à l’argent.
Mais les « project bonds » ne leur ressemblent que de loin. Le fonctionnement est
certes similaire : dans les deux cas, tous les États-membres de la zone euro lèvent
ensemble de l’argent auprès d’investisseurs privés. Mais la finalité n’est pas la même.
L’objectif des « projects bonds » est d’emprunter afin de financer des projets précis au
niveau européen pour stimuler la croissance et l’emploi.
C’est sous l’impulsion de la Commission européenne que les « project bonds »
sont entrés le 22 mai dernier dans leur phase de test. L’Union européenne a décidé de
mettre 230 millions d’euros au pot d’attirer les investisseurs privés. L’UE espère
ensuite lever 4,5 milliards d’euros sur les marchés afin de financer 15 à 20 projets
pilotes. Les premiers investissements devraient se concentrer dans les énergies vertes,
les transports et l’économie numérique.
II.2.2°/ Le nouveau tandem franco-allemand sur le TSCG
Le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), qui sera en vigueur en juillet 2012,
est un dispositif créant un fonds permettant, au nom de la solidarité européenne, de
porter secours, jusqu’à 500 milliards d’euros, à un pays rencontrant des difficultés
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
116
économiques. Il est abondé par des contributions des États, celle de la France, (20% du
total) se montant à 142,7 milliards d’euros. Un « considérant » de ce traité, dont la
valeur juridique fait débat, prévoit que ne pourront se prévaloir du secours en question
que les États qui auront aussi ratifié le TSCG.
Le Traité de Stabilité, de Coordination et de Gouvernance (TSCG), signé par la
France et l’Allemagne mais non encore ratifié, prévoit que les États s’engagent à ce
que leur déficit « structurel » n’excède pas « à moyen terme » 0,5% de leur PIB, ce qui
constitue la fameuse « règle d’or » que les États doivent élever au rang de règle ayant
valeur constitutionnelle. Les États s’engagent à respecter cette règle, et à prendre sous
sanction financière éventuelle toutes mesures correctives nécessaires en cas de
dépassement, lesquelles comprendront des réformes structurelles qui devront être
approuvées au niveau européen avec suivi de l’exécution.
On peut retenir de ce qu’a dit François Hollande lors de la conférence de presse
conjointe, que le volet croissance ne sera qu’un ajout au Traité européen de stabilité
(TSCG) dont il laissera aux juristes le soin de décider sous quelle forme il sera
consigné. Son affirmation qu’on mettra « tout sur la table » lors des discussions
apparaît comme une clause de style destinée à annoncer le compromis à venir. Angela
Merkel a été un peu plus nette en indiquant que ces discussions « porteront
essentiellement sur le volet croissance », manière de dire que le reste est réglé. Les
parties avaient, à vrai dire, d’ores et déjà soigneusement balisé le terrain de leurs
discussions.
François Hollande a fait savoir par ses porte-parole qu’il n’entendait pas remettre
en cause le contenu du TSCG. Il a par ailleurs limité l’étendue de ses demandes
relatives au volet de croissance à quatre points : l’utilisation de project
bonds (renonçant aux eurobonds qui ne seraient qu’une mutualisation de la dette
existante), 10 milliards pour la Banque Européenne d’Investissement (BEI),
réorientation des fonds structurels et taxe sur les transactions financières.
L’Allemagne de son côté a répété plusieurs fois qu’il n’était pas question de
remettre en cause le TSCG, et fait six propositions pour le volet de croissance :
meilleure gestion des fonds, redéploiement des fonds structurels pour financer les
projets porteurs de croissance, amélioration du fonctionnement de la BEI,
investissement dans les projets d’infrastructure européenne, amélioration du marché
intérieur, renforcement des accords de libre-échange. Les deux pays se rencontrent
donc sur l’essentiel du volet de croissance.
Le TSCG établit une contrainte réellement forte sur les États à l’effet de parvenir à
l’équilibre financier de leur budget, contrainte combattue sur une partie importante de
l’échiquier politique ainsi que par les syndicats. C’est dire si des difficultés sont à
attendre dans un futur assez proche. La question est alors de savoir si et dans quelle
mesure la croissance attendue par la France, en particulier, se révèlera suffisante pour
respecter les obligations de ce traité sans contraindre à une révision déchirante de la
promesse présidentielle de ne pas diminuer les dépenses publiques. On a sur ce sujet
plus que des doutes. Ce programme a été conçu pour être consensuel et surtout pour ne
pas effrayer l'Allemagne, grand argentier européen.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
117
Conclusion du chapitre I
L’avenir de l’euro qui a fait l’objet de multiples débats et échanges, qui n’en
finissent pas d’ailleurs, nous a emmené à relever, sur le plan institutionnel, les failles
et les insuffisances de la zone euro, sur lesquelles se sont appuyés les acteurs des
marchés financiers qui se sont lancés obstinément dans un pari en spéculant sur
l’éclatement de la zone euro.
Fort heureusement, les dirigeants de l’UE ont quasiment mis en place une voie de
sortie consensuelle de la crise d’euro : d’abord, la pérennisation du mécanisme de
soutien et de solidarité par le MES, la gouvernance économique pour une meilleure
convergence des économies sans oublier la signature du TSCG pour la croissance.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
118
Chapitre II : Soutenabilité de la dette publique et impact de
la crise de l’euro sur l’économie africaine
Introduction du chapitre II
La crise de l’euro, conséquence mécanique de la crise financière de 2008-2010, a
montré une fois de plus qu’une dette publique mal gérée peut être source d’explosion
de crises, ce qui conduit à des catastrophes qui se répercutent sur l’avenir des
générations futures. Compte tenu du renforcement de la mondialisation financière, les
détenteurs de capitaux, en plus d’être durs, sévères et très strictes en matière de risque,
sont continuellement à la recherche de profits qui n’ont pas de contrepartie productive,
notamment à travers la spéculation même sur les dettes souveraines. Face à cela, il est
important pour les Etats de veiller sur la santé des finances publiques pour être
crédible aux yeux des marchés financiers afin de pouvoir emprunter à des taux
abordables et favorables pour la croissance.
Sans oublier de souligner l’impact de la crise de l’euro sur l’activité économique
africaine, nous allons d’abord traiter la question de la soutenabilité des finances
publiques, notamment celle de la politique budgétaire et celle de la dette publique.
Section I : Soutenabilité des finances publiques
La thématique de la soutenabilité nous emmène à nous demander, avant tout s’il
est possible d’espérer que les niveaux actuels de bien-être soient au minimum
maintenues pour les générations futures : question soulevée dans le rapport de la
Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi. Contrairement à ce dernier qui touche
principalement la soutenabilité par rapport à l’environnement, nous allons intéresser à
la soutenabilité des politiques budgétaires et celle de la dette publique.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
119
La soutenabilité caractérise une politique budgétaire particulière du gouvernement,
ainsi que ses répercussions futures. Par extension, on peut parler de soutenabilité des
finances publiques s’agissant de l’analyse des politiques budgétaires menées sur une
période assez longue. Dans ce cas, il s’agit de caractériser le résultat observé des
politiques mises en œuvre au cours de cette période. Par la suite, on parlera
indifféremment de soutenabilité de la politique budgétaire ou de soutenabilité de la
dette.
I°/ Soutenabilité de la politique budgétaire
Pour comprendre la dynamique des finances publiques, il est nécessaire de
considérer la contrainte de financement à laquelle le gouvernement fait face à chaque
période. De manière comptable, le déficit budgétaire, qui correspond à l’écart entre
l’ensemble des recettes et des dépenses, est égal à la variation de la dette ΔBt. Le
déficit budgétaire est lui-même égal à la différence entre les recettes totales Tt et les
dépenses totales (somme des dépenses primaires Gt et du service de la dette ρt B t−1).
On peut réécrire le déficit budgétaire comme la somme du déficit primaire et de la
charge de la dette, d’où :
( ) ( ) ( )
Cette équation peut se lire de 3 façons :
• en valeur nominale : ρt représente le taux d’intérêt nominal,
• en valeur réelle : ρt représente le taux d’intérêt réel,
• en parts de PIB : ρt représente le taux d’intérêt nominal moins la croissance
nominale du PIB.
Par la suite, on raisonnera en part de PIB car cette approche paraît plus pertinente et
plus lisible. L’équation (1) décrit alors l’évolution du ratio d’endettement, c’est-à-dire
de la dette de l’État rapportée au PIB. En effet, il paraît naturel de rapporter la dette à
la capacité contributive de la nation mesurée par le PIB ; à dette nominale constante, la
croissance du PIB conduit à une diminution du ratio d’endettement, d’où l’écriture de
ρt comme une différence entre le taux d’intérêt et le taux de croissance de
l’économie35
.
35 En réécrivant l’équation précédente en part de PIB (avec Yt le niveau du PIB et yt son taux de croissance
nominal), on a :
(
)
( )
. On note .
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
120
I.1°/ Qu’est-ce qu’une politique budgétaire soutenable ?
On dit qu’une politique budgétaire est soutenable si elle ne conduit pas à une
accumulation excessive de dette publique, c’est-à-dire à un niveau de dette qui, sans
changement majeur, ne pourrait pas être couvert à l’avenir par des surplus budgétaires.
Le financement de cette dette exclut ainsi le recours à un « jeu à la Ponzi36
» ou « effet
boule de neige » dans lequel l’État émettrait indéfiniment de nouveaux emprunts pour
payer les intérêts et le principal arrivant à échéance. Enfin, la politique budgétaire mise
en œuvre doit pouvoir être poursuivie sans ajustement fiscal significativement plus
important que ceux constatés par le passé.
Il est important de distinguer cette notion de soutenabilité de celles de liquidité et
de solvabilité. La liquidité est une notion de court terme. Un problème de liquidité
survient si les actifs immédiatement disponibles ne sont pas suffisants pour assurer
aujourd’hui la charge de la dette et le remboursement du principal qui arrive à
l’échéance. L’analyse de la liquidité est surtout pertinente pour les pays émergents,
dans le cadre de leur accès au marché du crédit global.
La solvabilité caractérise la situation financière d’un État qui est capable de faire
face à ses engagements, c’est-à-dire dont la contrainte budgétaire intertemporelle est
respectée, y compris en recourant à des ajustements budgétaires lorsque cela s’avère
nécessaire. Le constat de la non-solvabilité d’un État s’accompagne d’une crise des
finances publiques qui se résout par un défaut (répudiation de la dette) ou un épisode
d’hyper inflation.
La soutenabilité correspond à la situation d’un État dont la solvabilité est assurée
sans qu’il ait particulièrement besoin d’ajuster sa politique budgétaire dans l’avenir.
Ainsi, la solvabilité caractérise l’état du « bilan de santé financière » d’un État alors
que la soutenabilité s’intéresse plutôt à la cohérence de sa pratique actuelle en matière
de politique budgétaire. Une politique peut ainsi ne pas être soutenable sans pour
autant que l’État cesse d’être solvable dans la mesure où, au besoin, il peut choisir de
modifier sa politique budgétaire, aujourd’hui ou à l’avenir, pour pouvoir honorer sa
dette. Pour un État, le constat d’une absence de soutenabilité des finances publiques
n’est pas synonyme d’impasse budgétaire mais traduit la nécessité, pour respecter la
contrainte de budget intertemporelle, d’un ajustement fiscal conséquent.
I.2°/ Soutenabilité : de l’intuition au test économétrique
L’intuition de la soutenabilité est relativement claire, mais sa définition
économique est plus complexe. Le passage de la contrainte de financement à laquelle
l’État fait face à chaque période à sa contrainte de budget intertemporelle permet de 36 Le jeu de Ponzi tient son nom de Charles Ponzi qui monta une escroquerie de grande envergure à Boston au
début du siècle dernier. Il proposait des investissements pour lesquels il promettait un rendement de 40 % en à peine 90 jours. Cette affaire reposait sur un système de vente pyramidale : les investissements des nouveaux entrants servaient à payer les premiers investisseurs.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
121
préciser le concept. En anticipant le respect de la contrainte de financement à chaque
date dans le futur, on peut écrire la contrainte de budget intertemporelle que doivent
respecter les finances publiques (voir II°/).
Si, à politique budgétaire inchangée, la dette actuelle peut être couverte par la
somme actualisée des surplus primaires futurs, la politique budgétaire mise en œuvre
est soutenable. Cette condition se résume à un principe, finance publique dit « de
transversalité », correspondant à la nullité de la valeur actualisée de la dette à l’infini.
Dans ce calcul le coefficient d’actualisation est égal à l’écart entre le taux d’intérêt et
le taux de croissance de l’économie, et cet écart est supposé stable.
En première approximation, il est naturel de considérer qu’une politique budgétaire
est soutenable lorsque le ratio d’endettement est stable en moyenne. Une telle
condition garantirait bien la vérification de la condition de transversalité. Mais le
niveau auquel on entend stabiliser le taux d’endettement n’est pas indifférent : plus il
est élevé, plus sa stabilisation exigera que le solde primaire augmente vite et fort face à
une hausse du taux d’intérêt ou à une baisse du taux de croissance. La maîtrise du taux
d’endettement face aux aléas de l’écart entre le taux d’intérêt et le taux de croissance
suppose donc de choisir un plafond pas trop élevé. C’est ce type de condition
qu’impose le pacte de stabilité et de croissance qui encadre la pratique des politiques
budgétaires en Europe, et en particulier le seuil de 3 points de PIB pour les déficits et
le plafond de 60 points de PIB pour la dette. Ces contraintes sont cohérentes avec une
croissance potentielle de 3 % et une inflation de 2 %. Sous ces conditions, la règle des
3 % garantit la stabilité du ratio de dette publique en part de PIB37
.
Toutefois, le plafond de 60 points de PIB n’est pas nécessairement le niveau
d’endettement au-delà duquel on devrait parler d’« accumulation excessive » de dette.
Le pacte constitue donc, de ce point de vue, un cadre restrictif au regard de ce que
permet le simple respect de la soutenabilité. De manière plus générale, se fixer un
objectif de stabilité du ratio dette/PIB n’est qu’une condition suffisante et mais non
nécessaire de soutenabilité.
On peut donc chercher à tester si la politique budgétaire française des vingt
dernières années n’a pas été « soutenable » en des sens moins restrictifs de ce terme.
La littérature récente propose des tests de ce type. Elle envisage deux concepts, qu’elle
qualifie respectivement de soutenabilité « forte » et « faible » (voir tableau 14 et dans
II°/). Ils correspondent à différents cas de figure concernant la relation entre dépenses
et recettes et la dynamique du déficit.
L’une comme l’autre de ces deux notions de soutenabilité nécessitent que recettes
et dépenses soient « cointégrées », c’est-à-dire telles qu’il existe une combinaison
linéaire de ces deux variables qui soit stationnaire (stable en moyenne). Le cas de la
soutenabilité forte correspond au cas particulier où le coefficient β de cointégration
entre ces deux variables (régression des recettes sur les dépenses) est unitaire. Dans ce
cas, la différence entre recettes et dépenses est stationnaire, c’est-à-dire fluctue autour
d’un niveau moyen constant. Le ratio dette/PIB suit alors une marche aléatoire
37
À partir de l’équation d’accumulation de la dette en part de PIB, on a :
. On
déduit :
soit 60% avec les taux d’intérêt et la croissance et
mesurés en valeur nominale
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
122
(éventuellement autour d’une tendance linéaire). Même si, dans ce dernier cas, le ratio
dette/PIB peut atteindre des niveaux arbitrairement élevés, on montre que la condition
de transversalité reste respectée. En effet, le coefficient d’actualisation de cette
condition de transversalité l’emporte sur cette tendance linéaire du déficit.
Le cas de soutenabilité « faible » correspond au cas où la relation de cointégration
a un coefficient de cointégration β positif mais inférieur à un. Ceci correspond au cas
où une évolution donnée des dépenses s’accompagne d’une évolution de même signe
des recettes, mais de moindre amplitude. Dans ce cas, la série des déficits n’est plus
nécessairement stationnaire, le ratio dette/PIB peut évoluer de façon plus dynamique
qu’avec la soutenabilité forte, mais continue néanmoins de rester compatible avec la
condition de transversalité.
Tableau 14 : Type de soutenabilité, selon les propriétés de la relation entre dépenses
et recettes
Relation entre dépenses
et recettes
Conséquence sur les évolutions Type de
soutenabilité
obtenue du ratio déficit/PIB du ratio dette/PIB
Cointégrées, avec β = 1
les recettes et les dépenses
s’ajustent complètement
Ratio stationnaire
(stable en moyenne)
Marche aléatoire
(éventuellement autour
d’une tendance linéaire)
Soutenabilité
forte
Cointégrées, avec 0 < β <1
les recettes et les dépenses
s’ajustent partiellement
Ratio non
nécessairement
stationnaire
Combinaison de deux
tendances stochastiques
(et éventuellement
d’une tendance linéaire)
Soutenabilité
faible
Non cointégrés et taux de
croissance de la dette
supérieure à l’écart entre
le taux d’intérêt et le taux
de croissance
Dette non
soutenable
Source : L’économie française, 2004-2005
Ces notions restent des notions théoriques qui soulèvent beaucoup de questions.
Par exemple, dans le cas de la soutenabilité forte, maintenir un déficit stationnaire avec
une dette constamment croissante suppose de dégager des excédents primaires eux
aussi en croissance continue, pour compenser la croissance de la charge de la dette, ce
qui semble peu réaliste. Ces notions de soutenabilité supposent aussi la stabilité de
l’écart entre le taux d’intérêt et le taux de croissance. Une hypothèse implicite est donc
que le ratio dette/PIB peut croître indéfiniment sans avoir d’incidence sur ce
paramètre. Or il s’agit d’une hypothèse peu crédible. Ces notions de soutenabilité sont
donc à utiliser avec beaucoup de prudence. En pratique, les trajectoires auxquelles
elles correspondent doivent rester au mieux transitoires.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
123
II°/ Soutenabilité de la dette publique : quelques critères
On raisonne en part de PIB et on suppose que l’écart ρt entre le taux d’intérêt et le
taux de croissance est une constante positive (la démonstration reste valide s’il est
stationnaire autour d’une constante positive). La contrainte budgétaire intertemporelle
de l’État s’écrit :
( ) ∑
( )
( )
En toute rigueur, une politique budgétaire peut être dite soutenable si et seulement
si, à politique budgétaire inchangée, la dette actuelle peut être couverte par la somme
actualisée des surplus primaires futurs. Cette condition se résume à la condition de
transversalité, correspondant à la nullité de la valeur actualisée de la dette à l’infini :
( )
( )
Cette propriété sera évidemment vérifiée dans le cas d’un ratio dette/PIB
stationnaire. Mais la stabilité de ce ratio n’est pas nécessaire. La littérature récente est
amenée à proposer des tests fondés sur des critères moins exigeants, développés par
Hakkio et Rush (1991) et Quintos (1995) sur la base de la génération antérieure de
tests développés par Hamilton et Flavin (1986), Wilcox (1989) ou Trehan et Walsh
(1991). Ils s’appuient sur un examen de la relation de long terme entre les dépenses et
les recettes publiques. Il s’agit plus précisément d’étudier s’il existe ou non une
combinaison de ces deux variables qui soit stationnaire, c’est-à-dire stable en
moyenne. Une telle relation de long terme est appelée relation de cointégration.
En reprenant la contrainte budgétaire de l’État, la variation de la dette s’écrit en
part de PIB comme la différence entre les dépenses totales en part de PIB et les
recettes totales de l’État. Soit GGt la somme des dépenses budgétaires et de la charge
de la dette : GGt =Gt + ρt B t−1. Le type de relation de long terme auquel on s’intéresse
s’écrit : Tt = α + β GGt + εt, où εt est un terme aléatoire de moyenne nulle qui ne
présente pas de persistance.
On est amené à distinguer trois cas de figure :
- si cette relation de long terme existe avec β =1, alors le déficit public ΔBt = GGt - Tt,
est égal à −α− εt. Il est donc stationnaire et le ratio dette/PIB croît en moyenne de
manière linéaire tandis que, dans la condition (3) de transversalité, le terme
d’actualisation croît de manière exponentielle. À long terme, la dette actualisée tend
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
124
donc vers zéro et la condition de transversalité est vérifiée. On voit que ce test est
équivalent à un test qui porterait directement sur le déficit, qui doit être stationnaire :
cette condition est compatible avec un déficit budgétaire constant38
(cas où α < 0), à
condition que l’accroissement de la charge de la dette soit compensé par des excédents
primaires équivalents. Ce scénario correspond à une hypothèse plus faible que
l’hypothèse de stationnarité du ratio dette/PIB (qui supposerait α = 0). Quintos le
qualifie néanmoins de « soutenabilité forte ». En effet, cette condition demeure une
condition suffisante mais non nécessaire à la vérification de la condition de
transversalité.
- s’il existe une relation de long terme avec β ∈] 0, 1[, alors les dépenses publiques
croissent plus vite que les recettes. Dans ce cas, on a ΔBt = (1- β) GGt − α− εt. La
variation de la dette en part de PIB suit un processus d’évolution de même nature que
les dépenses publiques totales GGt. Le terme d’actualisation continue néanmoins de
l’emporter sur la croissance de la dette et la condition (3) de transversalité reste
vérifiée. Quintos propose d’appeler cette situation « soutenabilité faible ».
-Enfin, s’il n’y a pas de relation de long terme ou si β ≤ 0, on ne peut pas conclure en
ce qui concerne la soutenabilité faible. Cependant, dans le cas où la dette croîtrait plus
vite que ρt, écart entre le taux d’intérêt et le taux de croissance, la condition (3) de
transversalité ne serait pas vérifiée et la dette ne serait pas soutenable.
Section II : Impact de la crise de l’euro sur l’économie africaine
L’Afrique a connu ces dernières décennies une croissance positive, enregistrant
des niveaux de performance économique sans précédent et surmontant mieux que
beaucoup d’autres régions les effets négatifs de la crise financière et économique
mondiale actuelle. Aussi, nombre d’analystes et de décideurs prévoient-ils que le
continent deviendra une des régions à la croissance la plus rapide dans le monde au
cours de la prochaine décennie.
Toutefois, la crise actuelle de la dette souveraine qui secoue certains pays de la
zone euro menace sérieusement les perspectives économiques de l’Afrique. Même si
cette crise ne touche qu’un petit nombre de pays, il y a des risques accrus qu’elle
s’étende rapidement à d’autres pays d’Europe et que ses retombées se fassent sentir
dans d’autres régions du monde. L’escalade de la crise actuelle a considérablement
38 Par contre un déficit primaire constant conduit à une dette explosive qui croît à la même vitesse que le
terme d’actualisation. À long terme, la valeur actualisée de la dette est strictement positive et la condition de transversalité n’est pas vérifiée.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
125
érodé la confiance des milieux d’affaires dans les économies développées, tandis que
les marchés émergents et les économies en développement sont freinés par les chocs
négatifs qu’elle a produits. L’économie mondiale devrait donc ralentir en 2012 et à
moyen terme et s’expose à des risques accrus d’une autre récession si la crise de la
zone euro ne trouve pas de solution rapide.
Le fait que ces événements ne manqueront pas de retentir, à plusieurs égards, sur
l’Afrique, justifie d’en évaluer les conséquences probables. Parmi les principaux
canaux de transmission possible des effets de la crise figurent l’exposition par le
commerce, se traduisant par la chute de la demande de produits d’exportations vers
l’Europe, les risques souverains, notamment la baisse de l’aide publique au
développement (APD) et des risques de liquidité pouvant affecter d’autres flux
financiers tels que l’investissement direct étranger (IDE) et les envois de fonds.
I°/ L’impact sur l’économie africaine : cas général
I.1°/ Les canaux de transmissions possibles
Nombre de pays africains ont bien réagi à la crise économique, comparés à
d’autres pays. D’après les Perspectives économiques en Afrique (2011) récemment
publiées, les économies africaines se sont relevées du marasme causé par la récession
mondiale, réalisant des taux de croissance atteignant 4,9 % en 2010, contre 3,1 % en
2009.
Toutefois, les risques liés à la dette souveraine que court l’Europe accroissent
actuellement les craintes d’une relance mondiale beaucoup plus lente. Les économistes
africains démontrent clairement que l’impact de la crise variera d’une région à l’autre,
suivant le degré de dépendance vis-à-vis des marchés européens. Les canaux de
transmission les plus significatifs sont le commerce, les investissements étrangers
directs, l’aide publique au développement, les envois de fonds et les autres formes de
flux de capitaux.
I.1.1°/ Impact sur le commerce
L’Union européenne reste le plus grand partenaire commercial de l’Afrique, et la
mesure dans laquelle l’Afrique sera affectée par la crise de la zone euro dépendra
largement de la solidité plus ou moins grande des liens commerciaux entre l’Europe et
les différentes régions du continent. L’Afrique du Nord, l’Afrique centrale et l’Afrique
de l’Ouest francophone sont, plus que les autres régions du continent, susceptibles de
ressentir les effets en raison de leurs liens étroits avec l’Europe. Les pays de ces
régions sont exposés à un sérieux risque commercial associé à la baisse de la demande
pouvant résulter de la crise.
La figure 8 illustre la tendance des exportations africaines vers l’Union
européenne, les États-Unis d’Amérique et le reste du monde depuis 2001. Il ressort
clairement du graphique que les exportations vers la zone ont connu une augmentation
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
126
constante, atteignant un pic en 2008, puis chutant brutalement, en 2009, en
conséquence de la crise économique mondiale, avant de rebondir légèrement, en 2010,
grâce à la hausse des prix des carburants et des minéraux. Néanmoins, de nombreuses
économies africaines restent menacées par la chute de leurs exportations vers les pays
européens, en raison de la faiblesse de la demande globale, qui résulte elle-même d’un
recul de la croissance, de mesures d’assainissement budgétaire destinées à enrayer la
crise de la dette et du renforcement du protectionnisme. En outre, le resserrement des
marchés internationaux du crédit menace aussi l’accès au financement du commerce.
En effet, les chiffres les plus récents publiés par la Conférence des Nations Unies sur
le commerce et le développement (CNUCED) montrent que le volume des
exportations globales de l’Afrique s’est contracté au cours des quatre derniers
trimestres allant d’octobre 2010 à septembre 2011. En 2010, les exportations vers
l’Europe représentaient plus d’un tiers du total des exportations africaines (voir
tableau 15).
Figure 8: Évolution des exportations africaines vers l’Union européenne, les États-
Unis et le reste du monde pendant la période 2000-2010
Tableau 15 : Exportations de l’Afrique vers l’Europe (part des exportations totales)
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
127
Toutefois, les incidences sur le commerce en Afrique varient selon les secteurs et
les régions. En 2010, le pétrole et les produits miniers représentaient plus de 65 % des
exportations mondiales de l’Afrique et une proportion similaire de ses exportations
vers l’Europe. En volume, il est peu probable que la demande des produits en question
soit sérieusement touchée par la crise de la dette, bien que l’instabilité des cours
mondiaux des produits de base puisse avoir des incidences importantes sur les recettes
totales de part et d’autre. Des pays comme le Kenya et l’Éthiopie, dont les exportations
comportent une grande proportion de produits horticoles, pourraient subir les
incidences négatives de la faible performance économique de l’Europe.
En ce qui concerne les incidences de la crise sur les échanges, il existe également
en Afrique des variations entre régions et pays selon les liens commerciaux qu’ils ont
avec l’Europe. Comme l’indique le tableau 15, la proportion des exportations de
l’Afrique vers l’Europe a baissé, passant de quelque 50 % des exportations totales en
2001 à 36 % en 2010, mais elle constitue encore au moins un tiers des exportations
totales de l’Afrique du Nord (55 %), de l’Afrique de l’Est (34 %) et de l’Afrique
australe (31 %). En conséquence, toute forte baisse de la demande des exportations
vers l’Europe pourrait avoir des incidences inégales selon les régions.
De manière plus générale, les incidences sur le commerce des pays de la zone
franc CFA39
pourraient comporter également les effets des fluctuations de l’euro par
rapport à d’autres devises fortes utilisées par leurs partenaires commerciaux, en raison
de la parité fixe du franc CFA avec l’euro. Cette parité avait initialement fait
bénéficier ladite zone de la stabilité macroéconomique et avait même, en raison de la
dépréciation de l’euro au tout début de la crise, rendu les exportations de la zone CFA
plus compétitives, en particulier celles destinées aux États-Unis. Toutefois, sur le long
terme, les incidences de cette parité avec un euro déprécié se traduiront par une perte
de la valeur des réserves détenues par les pays de la zone CFA et constitueront un
problème persistant en matière de politique monétaire.
L’Afrique a appris de la crise trois leçons précieuses en matière de promotion du
commerce en tant que moteur essentiel de la croissance durable. Premièrement, la crise
a mis en évidence l’importance du renforcement du commerce intra-africain dont les
niveaux actuels ne suffisent pas pour contrer les effets pro-cycliques d’une faible
demande d’exportations, rendant ainsi le continent vulnérable aux chocs extérieurs.
Étant donné l’accroissement de la population africaine et l’expansion correspondante
de sa classe moyenne, un vaste marché existe qui permettra au commerce intra-
régional de répondre à la demande existante. Deuxièmement, les gouvernements
africains devraient avoir pour objectif de mettre à profit les améliorations récentes des
échanges commerciaux avec leurs partenaires du Sud. Comme l’indique le tableau 16,
la part du commerce de l’Afrique avec les principaux partenaires du Sud a plus que
doublé au cours de la décennie écoulée, passant d’environ 10 % en 2000, à plus de 20
% en 2009, ce qui correspond largement à la réduction de sa part des échanges avec
l’Europe. Ainsi, la diversification des destinations futures des exportations vers ses
partenaires du Sud permettra au continent de mieux gérer les risques idiosyncrasiques
auxquels ils exposent plus les chocs régionaux spécifiques que les chocs économiques
39
Franc de la Communauté financière africaine ; avant c’était le franc des colonies françaises d’Afrique.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
128
mondiaux. Enfin, et en relation avec le premier point, la crise met en évidence
l’importance de la diversification par les pays africains de leurs exportations. Une
offre de produits d’exportations composées essentiellement de produits de base limite
les possibilités des échanges intra-africains, car les pays ne sont pas en mesure de
fournir les biens que les consommateurs africains recherchent. Elle expose également
le continent à des flambées des cours des produits de base, dont les incidences sur la
croissance peuvent être particulièrement néfastes, comme ce fut le cas en 2009. Ainsi,
la diversification des échanges permettra à la fois de dynamiser le commerce intra-
régional et d’atténuer les effets des chocs des prix extérieurs.
Tableau 16 : Part des partenaires traditionnels et émergents dans les importants, les
exportations et le commerce total de l’Afrique en 2000 et 2009
I.1.2°/ Incidence sur les investissements directs étrangers (IDE)
Les flux d’IDE en provenance de l’Union européenne dont bénéficient les pays
africains ont considérablement augmenté entre 2007 et 2009, passant de 17 à 21
milliards d’euros. En particulier, les pays de l’Union européenne des 15 ont quadruplé
leur stock d’IDE, qui a atteint 208 milliards d’euros en 2009, contre 51 en 2000 (voir
figure 9). Les pays de l’Union européenne ont continué à percevoir des revenus
générés par leurs investissements en Afrique, revenus dont les montants sont à peu
près équivalents à ceux des flux d’IDE vers l’Afrique. Ainsi, le groupe de l’Union
européenne des 15 a vu le revenu de ses investissements en Afrique presque doubler.
L’évolution qu’illustre la figure 9 peut nous conduire à conclure que, à moins que
la crise subie par l’Union européenne s’aggrave considérablement et diffère de la crise
financière mondiale de 2008, les économies africaines ne devraient pas s’attendre à
une détérioration significative des stocks d’IDE provenant de l’Union européenne. Les
flux d’IDE vers l’Afrique pourraient même s’accroître étant donné que les marchés de
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
129
l’Union européenne et des États-Unis ont perdu de leur attrait. En effet, les données
indiquent que le degré de confiance des consommateurs et des milieux d’affaires est,
pour ces marchés, aussi bas qu’en 2009, lorsque l’Union européenne était en récession.
Toutefois, la composition des stocks d’IDE pourrait changer, les projets à haut risque
le cédant à des projets perçus comme comportant peu de risque.
Figure 9 : Les IDE en provenance de l’UE-15 en Afrique de 1990-2009
Par ailleurs, si l’Union européenne se trouve à l’avenir en grave récession
économique, des réactions en chaîne importantes pourraient affecter l’économie
mondiale et réduire les flux et les stocks d’IDE à la fois à l’échelle mondiale et en
Afrique, en particulier sur le moyen terme (car il faut du temps aux investisseurs pour
se défaire de leurs investissements directs). Les investisseurs africains (et d’autres, du
Sud) pourraient également en profiter pour acquérir des entreprises publiques en
Europe, les États de l’Union européenne en difficulté étant à la recherche de liquidités.
Il s’agit là de possibilités réelles, vu qu’en 2008, les IDE africains en Union
européenne se montaient à 25 milliards d’euros et provenaient principalement des trois
principales économies africaines: l’Afrique du Sud (24 %), le Nigéria (19 %) et
l’Égypte (16 %) (Eurostat).
Bien entendu, il est souhaitable que chaque pays africain réexamine ses politiques
et procédures en matière d’investissement et intensifie ses efforts en vue de continuer à
améliorer le climat des affaires, car la course aux destinations offrant les meilleures
garanties d’investissement pourrait s’intensifier. Dans la conjoncture actuelle, les pays
considérés comme présentant plus de risques pourraient voir leurs apports d’IDE se
réduire.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
130
I.1.3°/ Incidences sur l’APD
Il ressort des derniers chiffres fournis par l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) dans son rapport Development Aid at a Glance
2011 que plus de 45 % de l’aide totale fournie par les institutions de l’Union
européenne sont alloués à des pays africains. Par ailleurs, les données font apparaître
que le volume d’aide a en réalité augmenté en dépit de la crise financière mondiale, ce
qui est conforme aux engagements pris par les pays et les institutions en question. En
fait, les chiffres absolus ont augmenté, même en 2010, comme le montrent les données
préliminaires. Cela s’explique sans doute par un effet de retard: il faut du temps pour
réagir politiquement à des événements d’ordre économique.
Cependant, si la crise actuelle de la dette européenne se transformait en une crise
économique grave, les économies africaines devraient s’attendre à des réductions
considérables du volume de l’APD pendant les prochaines années. Cela est
particulièrement important au vu de la ventilation de l’APD par pays. Ainsi, 80 % de
l’aide fournie par l’Irlande, actuellement en grave difficulté, va à l’Afrique, tandis que
la Belgique, le Portugal, la France et le Royaume-Uni figurent parmi les 10 principaux
pays donateurs d’aide à l’Afrique. Actuellement, trois pays - l’Italie, la France40
et
l’Irlande - ont réduit leur aide bilatérale à l’Afrique à cause de la crise de la dette en
Europe41
.
Sur le plan sectoriel, la plus grande partie de l’aide destinée à l’Afrique va au
secteur social, qui comprend la santé, l’éducation, les programmes de population, l’eau
et l’assainissement. Une réduction des dépenses dans ce secteur pourrait obérer encore
les efforts visant à atténuer la pauvreté. De plus, les recettes générées au niveau
national demeurent minimes, ce qui ajoute à la pression qui s’exerce sur les nombreux
gouvernements africains qui auront du mal à boucler leur budget du fait des coupes
dans l’APD. La crise de la dette dans la zone euro pourrait également faire qu’il sera
encore plus difficile pour les gouvernements africains d’accorder la priorité aux
changements climatiques et autres défis environnementaux au moment de décider de
l’affectation des fonds.
Il importe de noter que si la dépendance vis-à-vis de l’aide est élevée partout dans
le continent, la réduction de cette aide aura des incidences différentes selon les
caractéristiques des pays bénéficiaires. Le rapport APD/PNB varie d’un pays à l’autre
(figure 10), ainsi que l’APD nette reçue en tant que pourcentage des recettes du
gouvernement central (tableau 17). Il ressort des travaux de recherches que les pays
non exportateurs de ressources naturelles et les États fragiles seront plus touchés que
les pays exportateurs. Allen et Giovannetti (2011) font valoir que les États fragiles42
qui sont plus tributaires de l’aide sont plus susceptibles de connaître des chocs
40
La France a réduit son aide bilatérale en raison de ses engagements en matière d'aide liée au PIB 41
L'Irlande a déjà réduit de plus de 22 % son budget total destiné à l'aide. 42
Selon les résultats des études menées dans ce domaine, les États fragiles sont les suivants: Angola, Burundi, Cameroun, Comores, Érythrée, Éthiopie, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Kenya, Libéria, Mauritanie, Niger, Nigéria, Ouganda, République démocratique du Congo, République centrafricaine, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sierra Leone, Somalie, Tchad, Togo et Zimbabwe.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
131
macroéconomiques graves en cas de réduction de l’ordre de 15 à 20 % du volume
d’aide43
. Pour ces raisons, les gouvernements africains et la communauté des
donateurs devraient veiller à ce que, si le volume de l’APD diminue, les affectations
prioritaires, comme les pays particulièrement dépendants et les secteurs tels que
l’éducation, la santé et la sécurité alimentaire, soient maintenues voire renforcées.
L’un des aspects positifs de cette crise est que les coupes qui seront
vraisemblablement faites dans l’APD versée à l’Afrique pourraient stimuler et
accélérer la mobilisation de ressources nationales et nouvelles. La réduction de la
dépendance à l’égard des donateurs diminuera également l’influence de ceux-ci sur
l’économie africaine, permettant ainsi aux Africains de « prendre en main leur
destin ». Par conséquent, les décideurs africains doivent accroître et renforcer les
mesures nécessaires pour protéger les personnes vulnérables, particulièrement, en
mettant en œuvre et en consolidant des programmes de protection sociale.
Figure 10 : Les pays africains dont le rapport APD/PNB dépasse 5% (2009)
Tableau 17 : Montant net de l’APD (% des dépenses des administrations centrales) (a)
43
Selon les prédictions, les pressions budgétaires continues pourraient se traduire par la paupérisation de 230 000 personnes en Ouganda et au Ghana, de 38 000 en Zambie, de 57 000 au Kenya et de 52 000 au Bénin.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
132
I.1.4°/ Incidences sur les envois de fonds
Les envois de fonds par les émigrés représentent une part importante du revenu de
nombreux ménages des pays en développement. Si le nombre de chômeurs augmente
et que les revenus diminuent à la suite du ralentissement de l’activité économique, les
envois de fonds diminueront probablement. Or, même si le montant des envois de
fonds vers l’Afrique a, en fait, diminué légèrement à la suite de la crise économique
mondiale, passant à 38,3 milliards de dollars en 2009 contre 41,1 milliards de dollars
en 2008, il est reparti à la hausse ensuite, avec 39,7 milliards de dollars en 2010 (voir
figure 11).
Les envois de fonds des émigrés vivant dans les pays occidentaux ne constituent
pas, en fait, l’essentiel de ces flux financiers; ce sont les transferts en provenance
d’autres pays en développement qui représentent la plus grande partie. Il va sans dire
que les problèmes économiques de l’Union européenne auront des incidences
négatives sur l’emploi et le revenu dans le monde entier; en d’autres termes, le
montant des envois d’autres régions risque également de diminuer.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
133
Figure 11 : Montant total des envois de fonds vers l’Afrique (milliards de dollars EU)
Selon les projections de la Banque mondiale, les envois de fonds vers l’Afrique
pourraient augmenter au cours des prochaines années. Cependant, ces projections sont
subordonnées aux risques de baisse découlant de la crise de la zone euro. Par
conséquent, si elle a pour résultat un chômage persistant, la crise européenne risque
d’avoir des répercussions négatives sur les possibilités d’emploi des immigrés et de
durcir la politique à l’égard de toute nouvelle immigration. Il en résulterait une
diminution des envois de fonds.
I.1.5°/ Incidences sur d’autres mouvements de capitaux
La crise de la zone euro pourrait également avoir des incidences négatives sur les
autres flux de capitaux tels que les investissements de portefeuille et les achats
d’obligations d’État. En fait, les liquidités pourraient, en fin de compte, être redirigées
vers les pays lourdement endettés (recapitalisation). En d’autres termes, on pourrait
assister à un désinvestissement en Afrique, particulièrement en Afrique du Sud, au
Nigéria et en Égypte. Il importe dès lors d’accorder l’attention qui convient aux sorties
de capitaux, car elles pourraient entraîner un problème de liquidités, en particulier dans
certains secteurs extractifs.
Il est aussi possible que l’inverse se passe et que des investisseurs, à la recherche
d’un plus grand profit pour leurs capitaux ailleurs que dans des pays lourdement
endettés, trouvent certains pays ou secteurs africains plus attractifs. Si ces apports de
capitaux supplémentaires prennent la forme de capitaux fébriles à court terme, les
risques et les conséquences d’une telle situation pourraient ressembler à ce qui s’est
passé aux États-Unis en 2008, au début de la crise financière mondiale.
Si les investisseurs peu disposés à prendre des risques retirent leurs capitaux, les
pays risquent de manquer de liquidités, ce qui aurait de graves incidences sur l’activité
économique sur place. Le manque de liquidités pourrait ralentir, dans une large
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
134
mesure, les investissements et obliger les entreprises à annuler les paiements, ce qui
aurait de graves conséquences économiques en entraînant des faillites et
l’augmentation du chômage et de la pauvreté. Les pays africains doivent donc mettre
en place les mécanismes de réglementation nécessaires, notamment des restrictions
légères et temporaires sur les mouvements de capitaux pour réduire, dans la mesure du
possible, les conséquences négatives éventuelles des apports de capitaux fébriles.
I.2°/ Conséquences escomptées et incidences politiques
En fonction de l’ampleur et de la forme des mécanismes de transmission examinés
plus haut, les pays et les populations d’Afrique risquent des effets sociaux et
économiques négatifs de différentes natures.
I.2.1°/ Réduction de la croissance économique
Sur la base des projections de l’OCDE concernant les conséquences de la crise de
la zone euro sur l’Afrique, la CEA a calculé que le taux de croissance du PIB de
l’Afrique risque de diminuer de 0,7 et 1,2 point de pourcentage en 2012 et 2013
respectivement si c’est le scénario baissier de l’OCDE qui se réalise. Si l’autre
scénario devait se réaliser – une issue politique optimale pour l’Europe –, le taux de
croissance de l’Afrique devrait augmenter de 0,3 et 0,6 point de pourcentage
respectivement. En fait, dans un cas comme dans l’autre, la réduction de la demande
de produits d’exportation et la baisse des cours des produits de base affecteront les
performances économiques du continent.
Vu l’impact sur la croissance économique, les gouvernements africains ne peuvent
atténuer les effets sociaux et économiques que par leur politique budgétaire. La baisse
des recettes fiscales mettra les gouvernements en difficulté juste au moment où ils
devraient accroître les dépenses publiques pour contrer l’effet de l’augmentation du
chômage et des prix des produits alimentaires. Les conséquences sociales du
ralentissement de l’activité économique et de l’augmentation du chômage doivent
également être prises en compte car, les remous de la zone euro se poursuivant, elles
risquent d’avoir des répercussions négatives en Afrique.
I.2.3°/ Réduction des dépenses sociales et ralentissement des progrès accomplis
pour réaliser les OMD
L’aide extérieure représente une grande part du financement des secteurs sociaux
dans les pays africains. Nombre de pays sont déjà aux prises avec des difficultés pour
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
135
fournir les biens et les services sociaux nécessaires et dépendent lourdement de l’aide
pour leur planification budgétaire. C’est pourquoi la réduction des flux d’aide à la suite
des restrictions budgétaires dans les pays donateurs touchés par la crise entraînera
vraisemblablement une diminution du financement des programmes sociaux, la santé,
l’éducation et les autres programmes sociaux mis en place au bénéfice des plus
vulnérables étant les plus susceptibles de subir des coupes budgétaires.
Les conditions de vie des populations pauvres risquent de s’aggraver en fonction
de l’évolution de l’APD au cours des prochaines années. À court terme, ce sera
particulièrement vrai si on sabre subitement dans l’APD allant aux secteurs sociaux à
la suite de la crise financière mondiale. À ce jour, rien n’indique que cela soit en train
de se passer et, de fait, les donateurs donnent de plus en plus la priorité au social.
Cependant, si la crise de la zone euro était perçue comme étant plus grave que les
récessions précédentes, les flux d’APD pourraient s’assécher plutôt abruptement.
La réduction des apports de fonds à l’Afrique risque d’accroître la pauvreté en
réduisant les ressources consacrées au secteur agricole. L’examen des statistiques8 de
la Banque mondiale montre qu’en Afrique, le secteur agricole emploie environ les
deux tiers de la population et contribue en moyenne pour un tiers à la formation du
PIB. En outre, selon les estimations de la Banque, la croissance du secteur agricole
permet deux fois plus de réduire la pauvreté que la croissance des autres secteurs
(Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde 2008: l’agriculture
au service du développement).
I.2.4°/ Augmentation du chômage, de la vulnérabilité et de la pauvreté
Même si elle est improbable à court terme, toute réduction du commerce et des
apports de capitaux en raison de la récession économique en Europe risque d’entraîner
une augmentation du chômage, de la vulnérabilité et de la pauvreté en Afrique. Les
pertes d’emploi et de revenu frappant le secteur des exportations risquent de s’étendre
à d’autres secteurs. Une baisse du revenu dans un secteur entraînera, en raison de
l’interdépendance de l’activité économique et des effets multiplicateurs négatifs, une
réduction de la demande dans d’autres secteurs, en particulier les secteurs des produits
destinés essentiellement à la consommation. Face à ces effets multiplicateurs, les États
doivent également être attentifs aux problèmes qui surgissent des modifications
structurelles telles que la croissance de la main-d’œuvre, ainsi que de l’accroissement
de la demande dans des secteurs d’exportation tels que le pétrole, l’or et d’autres
ressources minérales alors que diminue la demande dans d’autres secteurs tels que le
tourisme, l’horticulture et le diamant.
Selon les estimations du BIT, le taux de chômage a diminué en Afrique entre 2000
et 2011, bien qu’il ait sensiblement augmenté en Afrique du Nord en 2010 et 2011.
Les projections du BIT pour 2012 indiquent qu’il risque d’augmenter encore
légèrement en Afrique du Nord pour passer à 11 %, probablement du fait du
ralentissement de la reprise à la suite de l’instabilité sociale et politique et de la crise
de la dette européenne, qui frappe les travailleurs migrants. En ce qui concerne les
autres pays d’Afrique, le taux de chômage, qui est d’environ 8,2 %, ne changera
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
136
pratiquement pas. Des mesures préemptives prises par prudence pour trouver des
solutions au chômage et à la pauvreté, en particulier des jeunes et des femmes,
aideront à mettre le continent sur la voie d’une croissance plus durable et inclusive.
En raison de la baisse de la production agricole due à la réduction des ressources et
aux changements climatiques, la crise liée aux prix des denrées alimentaires de 2008
pourrait se reproduire en Afrique. Ce renchérissement des produits alimentaires a
naturellement exposé des populations déjà vulnérables à un risque plus grand encore
de malnutrition. Selon les projections de la FAO, les cours mondiaux des produits
agricoles augmenteront encore de 30 % d’ici à la fin de 2011, ajoutant aux problèmes
qu’endurent les personnes vivant dans la pauvreté.
Si les stocks et les flux d’investissements directs en provenance d’Europe ont un
effet négatif net sur les pays africains, ceux-ci verront vraisemblablement le chômage
et la pauvreté augmenter, faute d’effets compensateurs par l’adoption de mesures
correctives et d’apports supplémentaires d’investissements étrangers directs d’autres
pays du monde. Outre cela, si les pays africains – et les ménages – enregistrent une
diminution nette des envois de fonds, ils seront plus vulnérables et plus exposés à la
pauvreté puisque le niveau de revenu aura diminué, ainsi l’accès aux services sociaux.
I.2.5°/ Incidences sur les politiques
Compte tenu de l’impact immédiat et des conséquences à plus long terme de la
crise de la dette européenne sur l’Afrique, il est indispensable que les pays adoptent un
ensemble de mesures résolues.
Politique budgétaire et monétaire - Les pays africains bénéficiant d’une certaine
marge de manoeuvre budgétaire peuvent choisir de procéder à un assouplissement
budgétaire à discrétion pour soutenir la demande globale, en fonction de la
disponibilité de financements intérieurs ou extérieurs. Il convient toutefois d’appliquer
ces politiques avec prudence afin de ne pas tenir le secteur privé à l’écart et d’éviter un
effet négatif sur les progrès de l’Afrique en vue de la viabilité de la dette. Les autorités
monétaires devraient continuer à favoriser un climat de croissance élevée, tout en
intervenant lorsque les tensions inflationnistes s’avèrent excessives.
Mobilisation des ressources financières – Compte tenu de la chute possible des
flux financiers vers l’Afrique, il convient de prendre des mesures pour élargir l’assiette
fiscale et accroître l’efficacité du recouvrement de l’impôt. Il faut trouver des
dispositifs permettant de garantir que le secteur privé et le secteur informel soient
convenablement taxés. L’émission d’obligations devrait également faire partie du
cadre budgétaire. L’Afrique peut, par exemple, mobiliser des ressources financières en
ciblant sa diaspora au moyen d’instruments financiers adaptés.
Transferts visant à atténuer l’impact social - Ce sont les victimes de la pauvreté
qui risquent le plus de souffrir des conséquences d’un ralentissement de l’activité
économique et de la réduction des ressources financières accessibles aux secteurs
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
137
public et privé africains. Les gouvernements africains doivent donc utiliser tous les
outils budgétaires dont ils disposent pour faciliter les transferts vers ceux qui sont le
plus touchés, par exemple en augmentant l’appui aux chômeurs et en octroyant à titre
temporaire des subventions pour réduire le prix des produits alimentaires. Les recettes
provenant des secteurs de l’extraction minière peuvent être utilisées à cet égard.
II°/ Impact sur l’économie de l’UEMOA
II.1°/ Le poids des risques à la baisse sur la croissance
Le principal étant l’affaiblissement continu de l'environnement extérieur, surtout
dans la zone euro si la crise de la dette n'est pas rapidement résorbée. Les services du
FMI et les autorités ont discuté de la manière dont la région serait affectée si le
scénario baissier présenté dans la mise à jour de janvier 2012 des Perspectives de
l'économie mondiale (PEM) venait à se matérialiser. Ils ont pour l’essentiel convenu
qu’en matière de commerce, la région est encore très vulnérable face à l'Europe, même
si cette vulnérabilité est en baisse. Le commerce, les envois de fonds de migrants,
l'IDE et les termes de l'échange sont les principaux canaux de transmission vers
l’UEMOA. Les autorités ont aussi exprimé la crainte d'un net recul de l'assistance des
donateurs traditionnels. Toutefois, le secteur financier disposant essentiellement de
ressources intérieures, son exposition directe à l'Europe est limitée.
L'impact global sur la croissance régionale serait substantiel (environ 1,5 point de
pourcentage ; voir la figure 12). Les autres sources d'incertitude pour l'environnement
macroéconomique sont l'insécurité et les risques sociopolitiques dans la région, ainsi
que l'impact de la sécheresse dans le Sahel.
Figure 12 :
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
138
II.1.1°/ Les risques pour l’UEMOA d’un affaiblissement de la conjoncture
mondiale
Le scénario de référence pour 2012 qui est décrit dans le rapport des services du
FMI repose sur l'hypothèse d'un ralentissement de l'économie mondiale. Le principal
risque rendant incertain le déroulement de ce scénario est la perspective d’une
nouvelle dégradation de la conjoncture extérieure, en particulier dans la zone euro si la
crise de la dette ne trouve pas rapidement une solution. La présente note examine
comment l’UEMOA serait touchée si cette évolution défavorable, envisagée dans la
mise à jour de janvier 2012 des Perspectives de l'économie mondiale, devenait réalité.
Dans ce scénario, la croissance du PIB réel mondial est inférieure d'environ 2 points de
pourcentage au niveau retenu dans le scénario de référence (4 points en Europe). Le
commerce, les envois de fonds des travailleurs expatriés, l'investissement direct
étranger et les termes de l'échange seraient les principaux vecteurs par lesquels cette
évolution se répercuterait sur l’UEMOA. L'aide pourrait aussi être considérablement
réduite. Cependant, le secteur financier est financé essentiellement sur ressources
intérieures, ce qui fait que son exposition directe à l’Europe est limitée. Globalement,
l'effet sur la croissance de l’UEMOA serait très prononcé (environ 1,5 point).
II.1.2°/ Hypothèses du scénario défavorable
Le scénario défavorable est basé sur celui qui est présenté dans la mise à jour de
janvier 2012 des Perspectives de l'économie mondiale.
Dans ce scénario, les interactions négatives entre les tensions liées au financement
des États et à celui des banques dans la zone euro s’intensifient et aboutissent à une
inversion beaucoup plus forte et persistante du levier financier des banques et à de
nettes contractions du crédit et de la production. Les pays de la zone euro, en
particulier ceux de l'Europe méridionale, sont poussés à procéder dès maintenant à un
rééquilibrage de leurs finances publiques, ce qui, ajouté à la hausse des écarts de taux
d'intérêt et au désendettement des banques, nuit à l'investissement et à la croissance
dans la zone euro.
Dans ce scénario, la croissance du PIB réel mondial est inférieure d'environ 2
points au niveau retenu dans le scénario de référence.
La récession est beaucoup plus prononcée dans la zone euro, où la production
diminue de quatre points de pourcentage. Les cours des matières premières baissent en
conséquence : les cours du pétrole et des produits de base non pétroliers sont inférieurs
de 10 à 20 % aux niveaux retenus dans le scénario de référence. L'euro se déprécie
pendant la première année de la crise et la consommation, en particulier la
consommation des ménages qui n'ont pas accès au crédit, accuse un net repli tandis
que l'inflation diminue.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
139
II.2°/ Vecteurs probables de transmission à l’UEMOA
Bien que la part de la zone euro dans le total des échanges commerciaux de la
région ait diminué, le commerce resterait un important vecteur de transmission.
La zone euro demeure le premier partenaire commercial de l’UEMOA, en
particulier pour ce qui est des exportations, même si les parts respectives de l'Afrique
subsaharienne et de l'Asie sont en augmentation, compte tenu du repli de la demande
émanant de la zone euro et, dans une moindre mesure, du reste du monde, il faut
s'attendre à ce que les exportations de l’UEMOA soient pénalisées.
Figure 13 :
L'évolution des cours des matières premières pourrait avoir de grandes
répercussions sur les comptes extérieurs et les revenus de l'UEMOA.
Les exportations étant composées en grande partie de matières premières, la région
est exposée à la volatilité des cours mondiaux (et les différents pays membres à des
chocs asymétriques). En 2011, les matières premières, tels que les produits pétroliers,
l'or, le coton et le cacao, représentaient la moitié des exportations de la région. Cette
proportion est appelée à s'accroître en raison de l'ouverture de nouvelles mines et de
nouvelles installations de production pétrolière dans certains pays de l'UEMOA.
Figure 14 :
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
140
Les envois de fonds des travailleurs expatriés, l'aide et l'investissement direct
étranger (IDE) pourraient aussi être des vecteurs de transmission.
On estime que les envois de fonds des travailleurs expatriés représentent en
moyenne 4 % du PIB de l'UEMOA, dont trois quarts en provenance de la zone euro. Il
est probable qu'une forte diminution de la demande de main-d’œuvre induite par la
récession dans la zone euro entraîne des licenciements et une réduction des salaires, en
particulier pour les travailleurs les moins qualifiés. Cela aurait une incidence négative
sur les envois de fonds de migrants, même si, à court terme, les transferts pourraient
augmenter, en particulier si les travailleurs migrants rentrent au pays. Les apports
d'aide pourraient pâtir de la poursuite de l'assainissement des finances publiques dans
les pays donateurs et l’IDE, du fléchissement de la croissance dans les pays avancés et
les pays émergents.
Il est peu probable que la transmission par les autres flux financiers, notamment
ceux du secteur financier, joue un rôle important.
En effet, l'UEMOA est relativement peu intégrée au reste du monde sur le plan
financier. Son exposition aux banques européennes est faible malgré la présence de
nombreuses filiales bancaires françaises. Les banques de la région se financent
localement et les liquidités sont abondantes. Cela dit, les banques locales pourraient
pâtir d'un ralentissement de la croissance du PIB réel, sachant que les taux d’emprunt
pourraient s’alourdir pour les entreprises locales. D’amples fluctuations du taux de
change en raison du rattachement du franc CFA à l'euro pourraient être source
d'instabilité, mais cela ne s'est pas encore produit.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
141
Figure 15 :
Une analyse des effets de la crise financière mondiale de 2008 sur l'UEMOA
fournit des enseignements utiles, en confirmant pour l'essentiel l'influence des
vecteurs de transmission mentionnés plus haut.
Globalement, la crise a eu un effet relativement modéré sur l'UEMOA par rapport
aux autres régions (voir graphiques en dessous). Les flux d'échanges commerciaux (et
le tourisme) ont été durement touchés, puisque les exportations ont stagné et les
importations reculé de 10 %. Les prix d'importation ont diminué d'environ 10 %,
suivant en cela les cours mondiaux de l'alimentation. Les importations dépassant de
loin les exportations, cette évolution s'est traduite par une nette amélioration du solde
des transactions courantes. Les envois de fonds des travailleurs expatriés ont fortement
baissé après la crise de 2008. L'IDE a plutôt bien résisté, peut-être en raison de
l'augmentation des investissements des pays émergents. La dégradation des finances
publiques a été moins prononcée qu'ailleurs, ce qui s'explique par le ralentissement
moindre de la croissance, la moindre ampleur des stabilisateurs automatiques et le
recours limité aux dépenses discrétionnaires pour stimuler l’économie.
Figure 16 :
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
142
Figure 17 :
Figure 18 :
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
143
Figure 19 :
Figure 20 :
Figure 21 :
Conclusion du chapitre II
La soutenabilité des finances publiques a un impact sur la bien être des générations
futures. En menant des politiques budgétaires insoutenables durant des années, les
responsables politiques risquent de grever les générations futures de lourdes charges
budgétaires, ce qui obligera ces derniers à augmenter la fiscalité ou à restreindre leurs
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
144
dépenses pour rembourser la consommation des générations précédentes. L’évaluation
de la soutenabilité des politiques budgétaires nécessite donc de prendre en compte les
évolutions à long terme, qui sont mieux restituées par la contrainte budgétaires
intertemporelle. Il est important de suivre également le niveau la dette publique de
près, compte tenu des impacts socio-économiques.
Par le manque de soutenabilité de leurs politiques budgétaires, dû principalement
aux conséquences de la crise financière de 2008, certains Etats de la zone euro ont
provoqué la crise de la dette souveraine ayant des répercussions catastrophiques non
seulement en Europe, mais aussi sur le reste du monde, en particulier sur l’économie
africaine. Les principaux canaux de transmissions sont : d’abord, l’exposition du
commerce extérieure, se traduisant par la chute de la demande de produits
d’exportations vers l’Europe ; ensuite, les risques de défaut de paiement par la baisse
de l’aide publique au développement (APD) ; et enfin, des risques de liquidité, dû à
l’impact de l’inversion du levier financier, pouvant ainsi affecter d’autres flux
financiers tels que l’investissement direct étranger (IDE) et les envois de fonds.
Conclusion de la 2ème partie
La crise de l’avenir de l’euro a bouleversé le fonctionnement de l’activité
économique sur les plans national et régional pour les pays de l’Union européenne, et
aussi sur le plan international.
Le talon d’Achille de l’explosion et de l’expansion de la crise de l’euro sur l’Union
économique et monétaire s’appuie d’abord sur les jeux des marchés financiers, à
savoir la spéculation sur le risque de défaut de certains Etats sur la dette souveraine
voire sur le risque de l’éclatement de la zone euro. Ensuite, sur l’organisation
défaillante de la zone sur le plan institutionnel ; en effet, les sanctions sur les
débordements des éléments du Pacte stabilité et de croissance n’étaient pas crédibles ;
il y a aussi le principe selon lequel la BCE ne devait pas intervenir dans le risque de
défaut de paiement sur le service de la dette sans oublier la clause du non-
renflouement de la dette d’un Etat par les autres pays membres. Enfin, sur le manque
de solidarité en les pays de la zone euro surtout au début de la crise grecque à cause de
la réticence des autres pays membres à venir en aide à la Grèce.
Ayant à l’esprit, que l’éclatement de la zone euro se traduira par l’échec du projet
européen pour le renforcement du marché européen par la convergence des économies,
les dirigeants de l’Union européenne, sans oublier les conséquences sur les plans
monétaires, financiers et économiques de chacun des pays, les dirigeants de l’Union
européenne se sont mis d’accord sur le fait qu’il n’est pas question de laisser tomber
l’euro. C’est dans cette optique qu’un ensemble de solutions ont été proposées pour
une sortie durable de la crise. Premièrement, après la mise en place du FESF qui
prendra fin en 2013, les gouvernements ont pris l’initiative de pérenniser le mécanisme
de soutien par la mise en place du MES. Deuxièmement, ils ont décidé de renforcer la
gouvernance économique européenne pour une meilleure convergence des politiques
budgétaires, notamment par une politique d’harmonisation des politiques fiscales.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
145
Troisièmement, ils sont signé le TSCG dans l’optique de financer des projets clefs
pour stimuler la croissance, précisément dans les domaines de l’énergie verte, des
transports et de l’économie numérique à travers les « project bonds » au lieu des
« eurobonds » auxquels les Allemands ne veulent pas entendre parler.
Voyant la nécessité voire l’obligation, pour les Etats d’appliquer des plans de
réductions draconiennes des dépenses publiques pour réduire le déficit budgétaire y
compris la dette publique, il est sans doute nécessaire de songer aux politiques à mettre
en place pour la soutenabilité des finances publiques à savoir celle de la politique
budgétaire et de la dette publique.
Les répercussions de la crise de l’euro sur le reste du monde, en particulier sur les
économies africaines ne sont pas négligeables comte des canaux de transmission, ce
qui amène les gouvernements à estimer les conséquences escomptées sur la base de
ces canaux sans oublier les différences qui peut se manifester compte tenu la non-
similarité absolue des économies.
Conclusion générale
La quasi-totalité des Etats dans le monde recourt à la dette publique pour financer
des dépenses budgétaires non couvertes par l’ensemble des recettes surtout fiscales. Il
se trouve que certains courants de pensées économiques sont contre l’intervention de
l’Etat dans l’activité économique voire à travers l’endettement public. En revanche,
l’histoire des faits économiques a montré, pendant des périodes critiques, que les lois
du marché présentaient certaines failles et quelques insuffisances d’où l’intérêt de
l’Etat d’y intervenir par une politique budgétaire expansionniste afin de résoudre les
problèmes de fluctuations économiques.
Sur cette base, nous pouvons affirmer qu’il est bon que l’Etat s’endette afin de
stimuler l’économie et aussi afin de répondre à des problèmes d’ordre social. Selon la
théorie économique, un endettement public excessif a des conséquences négatives sur
le plan économique et social. Effectivement, la littérature empirique l’a démontré et
cela concerne toutes les économies sans exception. Les conséquences principales de
l’accumulation excessive de la dette publique sont l’effet d’éviction sur
l’investissement privé et aussi le risque de défaut de paiement sur le service de la dette.
Il est important de noter que la « règle d’or » de la dette publique est celle-ci doit être
destinée uniquement que pour les dépenses d’investissement et non pour les dépense
courantes de l’Etat et des administrations publiques.
La dette souveraine est la catégorie des dettes publiques que les Etats des
économies avancées contracte directement sur les marchés financiers. Plus le risque
d’insolvabilité est grand, plus le taux d’intérêt sera élevé et, donc, un alourdissement
de la charge de la dette. Les dettes souveraines des économies avancées bien qu’elles
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
146
soient similaires sur le plan institutionnel, révèlent des différences surtout en matière
de structure de détention par les agents économiques. Les ménages constituent de nos
jours, contrairement aux décennies passées, l’ensemble des agents qui détiennent les
plus petites parts de détention de la dette publique compte tenu des dispositions
législatives et règlementaires sur le système d’intermédiation financières. En plus, les
principaux acteurs des marchés financiers sont au nombre de trois : les banques, les
sociétés d’assurances et l’ensemble des gestionnaires d’actif, notamment les fonds de
pension publics et privés ; chacun fonctionnant de façon différente dans l’activité
économique.
Sur la plan domestique, certaines économies avancées traduisent une grande part
de détention de la dette souveraine par les banques : c’est le cas du Japon, pays de la
zone euro surtout l’Allemagne et l’Italie sauf la France qui fait partie du groupe des
pays où ce sont les sociétés d’assurance et les fonds de pension publics qui détienne la
plus grande part, y compris le Royaume Uni. La dette des Etats-Unis est détenue en
majorité par les Government Accounts.
L’internationalisation de la dette souveraine, c’est-à-dire la part détenue par les
agents économiques non-résidents, est beaucoup moins marquée au Japon, ensuite
viennent le Royaume Uni, les Etats-Unis et les pays de la zone euro. Au sein de cette
dernière, la diversification intra-européenne de la dette souveraine est plus au Portugal,
ensuite viennent les Pays-Bas, la Grèce et l’Irlande.
La dette souveraine des économies avancées risquent de connaître de croître dans
les années à venir à cause du vieillissement de la population de plus en plus
grandissant avec un gros risque de défaut pour le Japon dont la dette publique est
détenue en grande majorité par l’épargne intérieur qui risque de connaître une
régression.
La crise de la dette de la zone euro, conséquence de la crise financière de 2008 à
cause de l’intervention des gouverner pour éviter la faillite des banques à cause de
« l’aléa moral », a commencé d’abord avec la crise grecque en 2010 et s’est répandue
en l’Irlande, au Portugal et aussi en Espagne, en Italie avec un risque de contagion sur
la France. L’Etat grec s’est trop endetté, non pour financer ses dépenses
d’investissement mais pour satisfaire le niveau des populations ; Il vivait au-dessus de
ses moyens à telle point qu’elle était dans l’incapacité d’honorer le service de sa dette.
Cela s’est traduit d’abord par un risque souverain, ensuite pour évoluer en risque pays
compte de l’importance de la détention de la dette publique par des non-résidents tels
que les banques allemandes et françaises. L’aggravation de la crise et aussi son effet
de contagion sur d’autres pays la zone monétaire laissait courir un risque systémique
au cas il y aurait eu un éclatement de la zone euro.
Face à ce dilemme, les pays à risque devaient obligatoire dresser des plans
d’austérité sévères comme stratégie de réduction de la dette publique : c’est le cas de
la Grèce, de l’Irlande, du Portugal, de l’Espagne et de l’Italie. La France, quant à elle
par contre, devait mettre au point un plan de réduction progressive de sa dette
souveraine jusqu’en 2014-2015 : cela afin de « rompre avec la facilité de la dette
publique » au risque de voir sa note se dégrader par les agences de notation.
L’Allemagne a développé une philosophie en mettant des politiques de « frein à
l’endettement » sous la forme de dispositions dans un cadre constitutionnel.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
147
La crise de l’euro a montré l’existence d’un certain nombre de failles et de
défaillances qui ont failli coûter très chères à l’avenir de l’Union monétaire. Ce sont
les jeux des marchés financiers et les défaillances sur l’organisation et la solidarité
européenne. Les jeux des marchés financiers se sont traduits d’abord par la spéculation
sur les risques d’insolvabilité de la Grèce, et ensuite, avec l’effet de contagion sur
d’autres pays, par la spéculation sur l’éclatement de la zone euro comme ça été le cas
pour le Système monétaire européen (SME). Sur le plan de l’organisation, c’était dû
d’abord, à la règle stricte que la BCE ne devait intervenir par la monétisation de la
dette des Etats présentant des défauts de paiement ; aussi au manque de crédibilité sur
les manques en matière de non-respect des principes du Pacte stabilité et de
croissance ; enfin, à la règle du non-renflouement de la dette d’un Etat par un autre
pays membre de l’Union. Le problème de la solidarité s’est démontré face à la
réticence des Etats de l’Union européenne en matière de stratégie pour la résolution de
la crise grecque.
Pour sortir de la crise de façon durable, les dirigeants de l’Union européenne ont
décidé de mettre l’accent sur la solidarité européenne à travers la Mécanisme européen
de stabilité (MES) qui sera en vigueur au cours du mois de juillet, en remplacement du
Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ils ont aussi pris l’engagement de
renforcer la gouvernance économique, ce qui permettra une meilleure convergence des
économies sans oublier la signature du Traité de stabilité, de coordination et de
gouvernance (TSCG) avec l’intégration du volet essentiel de la croissance y compris
les « project bonds » au lieu de la mutualisation des dettes par les « eurobonds »,
solution rejetée catégoriquement par l’Allemagne.
Au regard des conséquences qu’a engendré la crise de l’euro sur l’économie de
l’Europe, l’heure est venue pour les gouvernements de la zone euro de se lancer dans
des politiques qui permettront la soutenabilité des finances publiques pour ne pas
mettre en danger l’avenir des générations futures. Cela demande de tenir compte de la
contrainte budgétaire intertemporelle. Cela concerne aussi bien la politique budgétaire
que la dette publique.
Les économies africaines, comme le reste du monde, vont subir d’une manière ou
d’une autre les répercussions de la crise de l’euro. Cela se fera à travers les canaux de
transmission suivant : premièrement, l’impact sur le commerce, donc une baisse des
réserves en devises à cause de la contraction de la demande étrangère, notamment
européenne ; deuxièmement, l’augmentation du risque souverain, à cause de la baisse
de l’aide publique au développement ; troisièmement, des risques de liquidités, à cause
de l’inversion du levier financier affectant les flux des investissements directs
étrangers et les envois de fonds.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
148
Bibliographie
ARTUS P., PLIHON D., (2010), « Dettes souveraines : faut-il mettre à contribution les créanciers privés ? »,
Problèmes économiques, Crise de la dette : menaces sur l’euro ?, n°3029, La documentation française, p.9-12.
BLANCHARD O., COHEN O. (2007), Macroéconomie, 4è édition, Pearson Education, France
BOUZOU N. (2010), Stratégie pour une réduction de la dette publique française, éditions Fondapol, France.
BRAND T., MAREUGE C., (2010), « Renforcer la gouvernance économique », Problèmes économiques, Crise
de la dette : menaces sur l’euro ?, n°3029, La documentation française, p.18-26.
COHEN D. (2010), « La crise grecque, des leçons pour l’Europe », Problèmes économiques, Crise de la dette :
menaces sur l’euro ?, n°3029, La documentation française, p.3-8.
CEA et CUA (2012), L’impact de la crise de la dette européenne sur l’économie africaine. CEA, Addis Abéba.
DELPHA J., WEIZÄCKER J. V., (2010), « Les eurobonds au secours de l’Europe », Problèmes économiques,
Crise de la dette : menaces sur l’euro ?, n°3029, La documentation française, p.27-31.
DEUBNER C. (2011), « Mieux gouverner la zone euro, le fragile compromis franco-allemand », Note du
CERFA 82, http://www.ifri.org.
FMI (2012), Union économique et monétaire ouest-africain, Rapport des services du FMI sur les politiques
communes des pays membres, N°12/59, http://www.imf.org.
France24 (2012), Les « project bonds », l’arme consensuelle pour la croissance européenne, le 23/05/2012,
http://www.france24.fr.
GLOMB W. (2010), Crise bancaire, dette publique, éditions Fondapol, France.
GLOMB W. (2011), Le tandem franco-allemand face à la crise de l’euro, éditions Fondapol, France.
HUMBERT J-F., SUTOUR S. (2011), « La Grèce et la zone euro, un après », Senat Session ordinaire 2010-
2011, N°645.
KRUGMAN P., OBSTFELD M. (2009), Economie internationale, 8è édition, traduction de la 8è édition
américaine par CAPELLE-BLANCARD G. et CROZET M., Pearson Education, France.
KRUGMAN P., WELLS R. (2009), Macroéconomie, 1re
édition, traduction de la 2è édition américaine par
BAECHLER L., De Boeck, Bruxelles.
L’économie française 2004-2005, « La dette publique en France : la tendance des vingt dernières années est-elle
soutenable ? », Dossier-La dette publique.
LEROY G., Qui détient la dette publique ?, éditions Fondapol, France
MANKIW G. N. (2003), Macroéconomie, 3è édition, traduction de la 5è édition américaine par HOUARD J., De
Boeck, Bruxelles.
MANKIW G. N., TAYLOR M. P. (2010), Principes de l’économie, 1re
édition, traduction de la 1re
édition
américaine par TOSI E., De Boeck, Bruxelles.
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
149
MANKIW G. N., Macroéconomie, 5è édition, traduction de la 7è édition américaine par EL NABOULSI J. C.,
De Boeck, Bruxelles.
NAUTET M., MEENSEL L. V., Impact économique de la dette publique.
NOUEL B. (2012), « Pourquoi le traité de stabilité européen sera ratifié par la France ? », Fondation iFRAP.
PERKINS D. H., RADELET S., LINDAUER D. L. (2008), Economie du développement, 3è édition, traduction
de la 6è édition américaine par BARON-RENAULT B., De Boeck, Bruxelles.
PRANDI M., (2010), « Sortie de l’euro, le scenario catastrophique », Problèmes économiques, Crise de la dette :
menaces sur l’euro ?, n°3029, La documentation française, p.13-16.
STERDYNIAK H. (2010), « Crise de la zone euro », http://www.atterres.org.
SCHMIDT C. (2012), « Dette souveraine et risque pays : une nouvelle approche ».
Wikipédia l’encyclopédie libre (2012), Dette publique de la France,[en ligne], mis à jour le 04 février 2012,
[Dette%20publique%20de%20la%20France%20-%20Wikipédia.htm].
Wikipédia l’encyclopédie libre (2012), Crise de la dette de la zone euro, [en ligne], mis à jour le 20 juin 2012,
[Crise de la dette dans la zone euro - Wikipédia.htm].
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
150
TABLE DES MATIERES
DEDICACES : ............................................................................................................................................. 1
REMERCIEMENTS .................................................................................................................................... 2
SIGLES & ACRONYMES ............................................................................................................................. 3
SOMMAIRE .............................................................................................................................................. 5
INTRODUCTION GENERALE ..................................................................................................................... 7
Partie n°1 : Dette publique et dette souveraine ................................................................................... 10
Introduction de la 1ère Partie ............................................................................................................. 10
Chapitre I : La dette publique : notions, concepts et impact socio-économique ............................. 11
Introduction du chapitre I ............................................................................................................. 11
Section I : Notions et concepts sur la dette publique ................................................................... 11
I°/ Concepts relatifs à la dette publique .................................................................................... 11
I.1°/ Les indicateurs d’endettement ...................................................................................... 12
I.2°/ La typologie et les différentes formes de dette publique ............................................. 14
I.2.1°/ La dette publique optimale et la dette publique maximale ................................... 14
I.2.2°/ La dette implicite .................................................................................................... 16
I.2.3°/ Relation entre les guerres, le déficit budgétaire et la dette publique ................... 16
II°/ Notions relatives à la politique budgétaire ......................................................................... 16
II.1°/ La contrainte budgétaire de l’Etat ................................................................................ 17
II.1.1°/ Impôts courants et impôts futurs .......................................................................... 17
II.1.2°/ Dette et surplus primaire ...................................................................................... 17
II.1.3°/ L’évolution du ratio dette/PIB ............................................................................... 18
II.2°/ Les problèmes de mesure du déficit budgétaire .......................................................... 18
II.2.1°/ Problème de mesure lié à l’inflation ..................................................................... 19
II.2.2°/ Problème de mesure lié aux actifs immobilisés de l’Etat ...................................... 19
II.2.3°/ Problème de mesure lié aux engagements de l’Etat non prises en compte ......... 20
II.2.4°/ Problème de mesure lié au cycle conjoncturel ..................................................... 20
II.3°/ Le fédéralisme budgétaire ............................................................................................ 21
Section II : L’impact socio-économique de la dette publique ....................................................... 22
I°/ L’impact économique de la dette publique et de sa réduction ........................................... 22
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
151
I.1°/ Impact de la dette publique sur le PIB .......................................................................... 22
I.1.1°/ Les effets à court et long terme d’une réduction de la dette publique ................. 22
I.1.2°/ Les mécanismes de transmission d’une variation de la dette publique................. 24
I.1.3°/ Résultats empiriques .............................................................................................. 26
I.2°/ Impact de la dette publique sur l’inflation .................................................................... 30
II°/ L’impact sociale et les pièges de la dette publique ............................................................. 32
II.1°/ Conséquence de la dette publique et du déficit budgétaire ........................................ 32
II.2°/ Les pièges associés à la dette publique ........................................................................ 32
II.3°/ Le problème des « free-riders » ou des passagers clandestins .................................... 32
Conclusion du chapitre I .................................................................................................................... 34
Chapitre II : La dette souveraine des économies avancées et la crise de la zone euro .................... 35
Introduction du chapitre II ............................................................................................................ 35
Section I : Les contextes spécifiques de la dette souveraine et de la crise de la zone euro ......... 35
I°/ Les réalités de la dette souveraine des économies avancées .............................................. 36
I.1°/ Les créanciers de la dette souveraine des Etats ............................................................ 36
I.1.1°/ Les grands acteurs financiers détenteurs de la dette souveraine .......................... 36
I.1.2°/ Le secteur financier domestique et la dette publique ........................................... 37
I.1.3°/ L’internationalisation de la détention de la dette publique................................... 42
I.2°/ Stratégies divergentes de financement de la dette publique dans l’après-crise et part
des banques centrales dans la détention de la dette publique ............................................ 48
II°/ La crise de la zone euro : risque pays et risque systémique................................................ 50
II.1°/ Les concepts du risque pays et du risque systémique ................................................. 50
II.1.1°/ Dettes souveraines, défaut de paiement et risque pays ....................................... 50
II.1.2°/ Du risque de défaut au risque pays ....................................................................... 52
II.1.3°/ Le risque systémique : une autre approche du risque souverain ......................... 54
II.2°/ La crise de la zone euro : du risque pays au risque systémique ................................... 55
II.2.1°/ La chronique de la crise grecque ........................................................................... 55
II.2.2°/ La contagion de la crise dans la zone euro ............................................................ 57
II.2.3°/ Sortie de l’euro : le scénario catastrophique ........................................................ 63
Section II : Stratégies de réduction de la dette publique .............................................................. 65
I°/ Plan d’austérité budgétaire : cas de la Grèce ....................................................................... 66
I.1°/ Les conditions de la première intervention européenne .............................................. 66
I.2°/ Les limites de l’aide européenne ................................................................................... 67
I.2.1°/ La méfiance persistante des marchés .................................................................... 67
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
152
I.2.2°/ L’absence de la reprise économique ...................................................................... 68
I.2.3°/ L’inquiétude des bailleurs de fonds ........................................................................ 69
I.3°/ Quelle intervention pour la dette grecque ? ................................................................. 70
I.3.1°/ Organiser le défaut ? .............................................................................................. 70
I.3.2°/ Une nouvelle aide européenne ? ........................................................................... 73
I.4°/ Poursuite des réformes ................................................................................................. 75
I.4.1°/ Prolongement d’une cure d’austérité .................................................................... 76
I.4.2°/ Programme de privations ....................................................................................... 78
I.4.3°/ Un nouveau modèle économique à inventer ......................................................... 80
II°/ Plan de réduction progressive de la dette publique : cas de l’Allemagne et de la France .. 81
II.1°/ La philosophie allemande de la dette publique : prévention des crises ...................... 81
II.1.1°/ Le « frein à l’endettement » : règles fiscales nationales ....................................... 81
II.1.2°/ Réactivation du volet préventif du PSC ................................................................. 83
II.1.3°/ Indexation de la dette de l’Etat ............................................................................. 83
II.2°/ La réduction de la dette publique de la France ............................................................ 84
II.2.1°/ « Rompre avec la facilité de la dette » : analyse du rapport Pébereau ................ 84
II.2.2°/ Une stratégie française de réduction des dépenses publiques ............................. 87
Conclusion du chapitre II ............................................................................................................... 91
Conclusion de la 1ère partie ................................................................................................................ 92
Partie n°2 : Les solutions de sortie de la crise de l’avenir de l’euro et son impact de la crise sur
l’économie mondiale ............................................................................................................................. 94
Introduction de la 2ème Partie ............................................................................................................ 94
Chapitre I : L’avenir de l’euro : le MES et le TSCG ............................................................................. 96
Introduction du chapitre I ............................................................................................................. 96
Section I : La crise de l’euro : facteurs et défaillances .................................................................. 96
I°/ Les jeux des marchés financiers ........................................................................................... 97
II°/ Organisation et solidarité défaillantes ................................................................................ 98
II.1°/ Organisation défaillante ............................................................................................... 98
II.2°/ Solidarité défaillante................................................................................................... 101
Section II : Vers une sortie durable de la crise de l’euro ............................................................. 105
I°/ La gouvernance économique européenne ......................................................................... 107
I.1°/ Les fondements d’une gouvernance économique ...................................................... 107
I.1.1°/ La coordination des politiques budgétaires ......................................................... 107
I.1.2°/ Vers une meilleure coordination économique ..................................................... 108
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
153
I.1.3°/ Le renforcement de la régulation et de la surveillance financière ....................... 109
I.2°/ Les limites de la gouvernance actuelle ........................................................................ 111
I.2.1°/ Des dispositifs encore incomplets ........................................................................ 111
I.2.2°/ Les questions de la valeur de l’euro et du positionnement de la zone dite
périphérique .................................................................................................................... 112
II°/ Le contraste entre les « eurobonds » et les « projects bonds » ....................................... 112
II.1°/ Les eurobonds : obligations bleues et rouges ............................................................ 112
II.1.1°/ La dette bleue ...................................................................................................... 113
II.1.2°/ La dette rouge...................................................................................................... 114
II.1.3°/ Renforcement du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) ................................ 114
II.2°/ Les « project bonds » : moyen de retour vers la croissance ...................................... 115
II.2.1°/ L’arme consensuelle pour la croissance européenne ......................................... 115
II.2.2°/ Le nouveau tandem franco-allemand sur le TSCG .............................................. 115
Conclusion du chapitre I .............................................................................................................. 117
Chapitre II : Soutenabilité de la dette publique et impact de la crise de l’euro sur l’économie
africaine ........................................................................................................................................... 118
Introduction du chapitre II .......................................................................................................... 118
Section I : Soutenabilité des finances publiques ......................................................................... 118
I°/ Soutenabilité de la politique budgétaire ............................................................................ 119
I.1°/ Qu’est-ce qu’une politique budgétaire soutenable ? .................................................. 120
I.2°/ Soutenabilité : de l’intuition au test économétrique .................................................. 120
II°/ Soutenabilité de la dette publique : quelques critères ..................................................... 123
Section II : Impact de la crise de l’euro sur l’économie africaine ................................................ 124
I°/ L’impact sur l’économie africaine : cas général.................................................................. 125
I.1°/ Les canaux de transmissions possibles ........................................................................ 125
I.1.1°/ Impact sur le commerce ....................................................................................... 125
I.1.2°/ Incidence sur les investissements directs étrangers (IDE).................................... 128
I.1.3°/ Incidences sur l’APD ............................................................................................. 130
I.1.4°/ Incidences sur les envois de fonds ....................................................................... 132
I.1.5°/ Incidences sur d’autres mouvements de capitaux ............................................... 133
I.2°/ Conséquences escomptées et incidences politiques .................................................. 134
I.2.1°/ Réduction de la croissance économique .............................................................. 134
I.2.3°/ Réduction des dépenses sociales et ralentissement des progrès accomplis pour
réaliser les OMD .............................................................................................................. 134
Mémoire de fin d’étude
Gestion et danger de la dette publique
154
I.2.4°/ Augmentation du chômage, de la vulnérabilité et de la pauvreté ....................... 135
I.2.5°/ Incidences sur les politiques ................................................................................. 136
II°/ Impact sur l’économie de l’UEMOA .................................................................................. 137
II.1°/ Le poids des risques à la baisse sur la croissance ....................................................... 137
II.1.1°/ Les risques pour l’UEMOA d’un affaiblissement de la conjoncture mondiale .... 138
II.1.2°/ Hypothèses du scénario défavorable .................................................................. 138
II.2°/ Vecteurs probables de transmission à l’UEMOA ........................................................ 139
Conclusion du chapitre II ............................................................................................................. 143
Conclusion de la 2ème partie ............................................................................................................ 144
Conclusion générale ............................................................................................................................ 145
Bibliographie........................................................................................................................................ 148
TABLE DES MATIERES .......................................................................................................................... 150