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Projet d'ordonnance portant réforme du droit des contrats - Bureau

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Projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats Réponse de la CCI Paris Ile-de-France à la consultation ouverte par la Chancellerie Rapport présenté par Monsieur Yves FOUCHET au nom de la Commission du droit de l’entreprise et adopté au Bureau du 7 mai 2015 Avec la collaboration de Anne OUTIN-ADAM, Directeur des politiques législatives et juridiques et Anne-Marie REITA-TRAN, chargée d’études, département de droit civil et commercial Direction générale adjointe chargée des études et de la mission consultative

Chambre de commerce et d'industrie de région

Paris Ile-de-France 27, avenue de Friedland F - 75382 Paris Cedex 8

www.cci-paris-idf.fr/etudes

Registre de transparence de l’Union européenne N° 93699614732-82

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SOMMAIRE

SYNTHESE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS 3

INTRODUCTION 5

I. SUR L’ECONOMIE GENERALE DU PROJET D’ORDONNANCE 7

A) PREMIER OBJECTIF : RENDRE LE DROIT DES CONTRATS PLUS LISIBLE ET ACCESSIBLE 8 1) PROJET D’ORDONNANCE 8 2) OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 8 B) DEUXIÈME OBJECTIF : RENFORCER LA PROTECTION DE LA PARTIE FAIBLE 8 1) PROJET D’ORDONNANCE 8 2) OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 8 C) TROISIÈME OBJECTIF : RENDRE LE DROIT PLUS ATTRACTIF 9 1) PROJET D’ORDONNANCE 9 2) OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 9

II. SUR LE CONTENU DU PROJET D’ORDONNANCE 11

A) SUR LE DEVOIR GENERAL D’INFORMATION 11 1) PROJET D’ORDONNANCE 11 2) OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 11 B) SUR LA VIOLENCE ECONOMIQUE 12 1) PROJET D’ORDONNANCE 12 2) OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 12 C) SUR LA DETERMINATION UNILATERALE DU PRIX 13 1) PROJET D’ORDONNANCE 13 2) OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 14 D) SUR LES CLAUSES ABUSIVES 15 1) PROJET D’ORDONNANCE 15 2) OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 15 E) SUR L’IMPREVISION 18 1) PROJET D’ORDONNANCE 18 2) OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 18

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F) SUR LES REMEDES UNILATERAUX A L’INEXECUTION 20 1) PROJET D’ORDONNANCE 20 2) OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 20 G) SUR LA CADUCITE DES CONTRATS RELEVANT D’UNE OPERATION D’ENSEMBLE 21 1) PROJET D’ORDONNANCE 21 2) OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 22 H) SUR LA CESSION DE DETTE ET LA CESSION DE CONTRAT 22 1) PROJET D’ORDONNANCE 22 2) OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 23

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SYNTHESE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS Le projet de réforme s’articule autour de trois grands axes, qu’il convient de confronter aux impératifs de la vie des affaires : - un droit des contrats plus lisible et accessible ; - une protection renforcée de la partie faible ; - un droit plus attractif. Rendre notre droit des contrats plus lisible et accessible, notamment en codifiant les solutions jurisprudentielles, ou encore notre système juridique plus attractif pour répondre efficacement aux besoins de l’activité économique… autant d’objectifs à soutenir avec vigueur, au regard des attentes des opérateurs français et étrangers, comme en atteste un récent baromètre d’Ernst & Young selon lequel le premier critère pris en compte dans la définition des stratégies d’implantation est la prévisibilité du droit. Mais, face à l’objectif de « renforcement de la protection de la partie faible », le bât blesse… A un point tel que cet axe de la réforme en vient à éluder les progrès qu’elle réalise par ailleurs… C’est dans ce contexte que la CCI Paris Ile-de-France s’oppose à une dérive qui tend à généraliser à tort le schéma B to C ; ce qui suscite de vives inquiétudes dans les milieux économiques en ce qu’elle stigmatise les rapports de force. 1) D’un point de vue juridique

- A l’encontre du mouvement de simplification, le renforcement de la protection du « faible » sera source de

complexification du droit et, inéluctablement, d’insécurité juridique. - Le clivage entre les « gros » et les « petits » ne peut devenir la trame du droit commun ; telle n’est pas la

vocation du Code civil. 2) D’un point de vue pratique

- Ces évolutions pourraient produire des effets d’aubaine et favoriser des comportements opportunistes

d’entreprises visant à se dégager de leurs obligations, sous couvert de « faiblesse ». - La « protection » censément offerte pourrait se retourner contre ceux qu’elle entend protéger car le risque

existe que les grands groupes soient amenés à exclure les TPE/PME de certains marchés, par crainte d’une fragilisation de leurs contrats.

D’une manière générale, l’objectif d’équilibre contractuel ne peut pas être une guideline absolue dans la vie des affaires et le juge ne saurait se voir reconnaître un droit à l’immixtion et, par là-même, une place dans le contrat concurrente à celle des parties. Nul doute, il en va de l’attractivité du droit français, pourtant annoncée comme un objectif phare de la réforme. PROPOSITION N° 1

Insérer dans le projet d’ordonnance un article dédié à l’articulation entre les nouvelles règles générales envisagées et les règles spéciales existantes hors du Code civil en matière contractuelle, à l’instar de l’article 11 du projet du groupe Terré.

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PROPOSITION N° 2 Supprimer le devoir général d’information. A défaut, en circonscrire le champ : - supprimer « ou devrait connaître » ; - préciser que « sont déterminantes les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec la nature des

prestations ou la qualité des parties » ; - énoncer les règles en matière de preuve, à la charge de celui qui se prétend créancier d’une obligation

d’information. PROPOSITION N° 3

Supprimer le vice de violence économique. A défaut, prévoir un strict encadrement : - supprimer la référence à l’ « état de nécessité », beaucoup trop large et source d’insécurité juridique ; - viser exclusivement les cas de dépendance « économique », conformément à la jurisprudence ; - exiger la caractérisation d’un « avantage manifestement excessif ».

PROPOSITION N° 4

Soutenir un principe général selon lequel les parties sont libres de convenir d’une détermination unilatérale du prix par l’une d’entre elles, quel que soit le type de contrat. En cas d’abus, deux solutions : - soit conserver les sanctions traditionnelles (indemnisation et/ou de résolution du contrat) ; - soit n’envisager la révision du prix par le juge qu’à titre rétrospectif.

PROPOSITION N° 5

Supprimer la généralisation des clauses abusives. A défaut, prévoir un strict encadrement : - limiter le champ aux contrats d’adhésion ; - opter pour la sanction du « réputée non écrite », plutôt que pour la faculté de suppression judiciaire ; - prévoir des guides d’appréciation du déséquilibre significatif pour le juge, à l’instar du Code de la

consommation. PROPOSITION N° 6

En matière d’imprévision, apporter des amendements au texte pour : - encadrer l’éventuelle adaptation judiciaire du contrat par renvoi aux « attentes légitimes des parties », ainsi

qu’aux usages et aux pratiques du marché ; - préciser que la résiliation judiciaire pour imprévision n’est qu’une faculté pour le juge. PROPOSITION N° 7

Au regard du risque de multiplication des contentieux, mieux encadrer la réduction unilatérale du prix, quant au calcul de cette réduction et quant au processus à suivre par le créancier, notamment en termes de motivation de la décision. PROPOSITION N° 8

Alléger le formalisme lié à la faculté de résolution unilatérale du contrat, en dispensant le créancier d’avoir à procéder à une mise en demeure en cas d’inexécution irrémédiable ou d’urgence.

PROPOSITION N°9

Améliorer la sécurité juridique du dispositif sur les conséquences de la caducité dans les opérations contractuelles d’ensemble : outre le cas où l’exécution est devenue impossible, viser l’hypothèse où le contrat frappé de caducité était une condition déterminante du consentement des parties aux autres contrats. PROPOSITION N°10

Aligner les dispositifs de la cession de dette et de la cession de contrat en prévoyant que, dans les deux cas, la transaction ne peut valablement se réaliser qu’avec l’accord du cocontractant cédé.

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INTRODUCTION Dans le cadre des démarches de modernisation et de simplification de notre droit, le Parlement a habilité le Gouvernement à procéder, par voie d’ordonnance, à la réforme du droit des contrats. Un projet de texte, qui résulte de longs travaux de place, a été soumis à consultation publique jusqu’au 30 avril 2015.

Rappelons que, loin de se cantonner à un débat purement juridique et théorique, le droit des contrats constitue le fondement des échanges économiques, cela dans un contexte de globalisation des transactions et à l’heure où la recherche de croissance et d’attractivité apparaît comme une priorité des politiques publiques.

C’est pourquoi, la CCI Paris Ile-de-France s’est fortement impliquée pour faire valoir la voix des entreprises face aux enjeux pratiques majeurs, cela dès le projet Catala de 2005 :

- adoption de plusieurs rapports1, - contribution aux travaux de l’Institut au sein du groupe présidé par le Professeur Terré2, - participation au groupe technique mis en place en 2010 auprès du cabinet du Garde des Sceaux de l’époque, - et tout récemment, le 8 avril 2015, organisation3 d’un colloque de grande ampleur alliant rédacteurs du projet

d’ordonnance, académiques, praticiens et directeurs juridiques de grands groupes4.

Dans ce prolongement et pour mettre à profit toute cette expertise5 confrontée à l’expérience de terrain, la CCI Paris Ile-de-France entend aujourd’hui réagir aux points essentiels du projet d’ordonnance qui intéressent la vie des affaires.

Dans un premier temps, il conviendra de s’arrêter sur l’économie générale du texte (I) pour confronter les objectifs poursuivis aux besoins des acteurs économiques.

Dans un second temps, un focus sera fait sur un certain nombre d’articles du projet d’ordonnance, qui présentent un intérêt particulièrement saillant pour les entreprises (II). Seront ainsi analysés le devoir général d’information, la violence économique, la détermination unilatérale du prix, la généralisation des clauses abusives, l’imprévision, les remèdes unilatéraux à l’inexécution contractuelle, la caducité et la cession de dette et de contrat.

1 « Pour une réforme du droit des contrats et de la prescription conforme aux besoins de la vie des affaires », 19 octobre 2006 ; « Vers un droit des contrats modernisé et mieux adapté à la vie des affaires », 9 octobre 2008. 2 « Pour une réforme du droit des contrats », sous la direction de François Terré, Dalloz, collection Thèmes & commentaires, novembre 2008. 3 En partenariat avec le cabinet Clifford Chance et l’Université Paris I ; actes à paraître. 4 Carrefour, Casino, Géodis, Thalès, Véolia. 5 On insistera tout particulièrement sur les précieux apports de Philippe Stoffel-Munck, Professeur à l’Université de Paris I.

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I – SUR L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE DU PROJET D’ORDONNANCE

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I. Sur l’économie générale du projet d’ordonnance Le projet de réforme s’articule autour de trois grands axes, qu’il convient de confronter aux impératifs de la vie des affaires : - un droit des contrats plus lisible et accessible ; - une protection renforcée de la partie faible ; - un droit plus attractif. Rendre notre droit des contrats plus lisible et accessible, notamment en codifiant les solutions jurisprudentielles, ou encore notre système juridique plus attractif pour répondre efficacement aux besoins de l’activité économique… autant d’objectifs à soutenir avec vigueur, au regard des attentes des opérateurs français et étrangers, comme en atteste un récent baromètre d’Ernst & Young selon lequel le premier critère pris en compte dans la définition des stratégies d’implantation est la prévisibilité du droit. Mais, face à l’objectif de « renforcement de la protection de la partie faible », le bât blesse… A un point tel que cet axe de la réforme en vient à éluder les progrès qu’elle réalise par ailleurs… C’est dans ce contexte que la CCI Paris Ile-de-France s’oppose à une dérive qui tend à généraliser à tort le schéma B to C ; ce qui suscite de vives inquiétudes dans les milieux économiques en ce qu’elle stigmatise les rapports de force. 1) D’un point de vue juridique

- A l’encontre du mouvement de simplification, le renforcement de la protection du « faible » sera source de

complexification du droit et, inéluctablement, d’insécurité juridique. - Le clivage entre les « gros » et les « petits » ne peut devenir la trame du droit commun ; telle n’est pas la

vocation du Code civil. 2) D’un point de vue pratique

- Ces évolutions pourraient produire des effets d’aubaine et favoriser des comportements opportunistes

d’entreprises visant à se dégager de leurs obligations, sous couvert de « faiblesse ». - La « protection » censément offerte pourrait se retourner contre ceux qu’elle entend protéger car le risque

existe que les grands groupes soient amenés à exclure les TPE/PME de certains marchés, par crainte d’une fragilisation de leurs contrats.

D’une manière générale, l’objectif d’équilibre contractuel ne peut pas être une guideline absolue dans la vie des affaires et le juge ne saurait se voir reconnaître un droit à l’immixtion et, par là-même, une place dans le contrat concurrente à celle des parties. Nul doute, il en va de l’attractivité du droit français, pourtant annoncée comme un objectif phare de la réforme.

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A) PREMIER OBJECTIF : RENDRE LE DROIT DES CONTRATS PLUS LISIBLE ET ACCESSIBLE

1) Projet d’ordonnance Lors de la présentation officielle de ce projet, la Chancellerie a souligné que, depuis l’écriture du droit des contrats sous Napoléon, notre droit et notre société ont changé. Dès lors, il est nécessaire de faire évoluer le Code civil dans sa forme en modernisant son style, mais également de l’adapter sur de nombreux points au fond, en introduisant des solutions largement admises par la jurisprudence6.

2) Observations de la CCI Paris Ile-de-France Le constat est clair : en matière contractuelle, la plupart des règles de droit positif ne figure pas dans le Code civil, mais se trouve dans la jurisprudence. Si certains pans du droit civil ont déjà fait l’objet de refontes importantes (famille, successions, preuve, sûretés), les textes légaux sur le droit des contrats n’ont – quant à eux – connu aucune modification profonde depuis 1804. La part prétorienne du droit des contrats étant ainsi devenue considérable, il faut aujourd’hui se référer systématiquement à la jurisprudence pour connaître l’ensemble des règles applicables. Ce phénomène de « décodification » et d’éparpillement du droit positif ne saurait perdurer, tant il nuit à la bonne appréhension de la matière par les opérateurs économiques, français comme étrangers. La réforme de modernisation est donc aussi guidée par des objectifs de clarification pour faciliter l’exportation de notre droit. B) DEUXIÈME OBJECTIF : RENFORCER LA PROTECTION DE LA PARTIE FAIBLE

1) Projet d’ordonnance Afin de répondre à l’exigence croissante de justice contractuelle, il est proposé de retenir la bonne foi à tous les stades de la vie des contrats, de créer un vice du consentement lié à la violence économique, de corriger les déséquilibres du contrat pour protéger la partie la plus faible et de consacrer un devoir général d’information. Par ailleurs, le projet propose d’introduire dans le Code civil une règle offrant aux parties la faculté de renégocier leur contrat lorsqu’un changement imprévisible des circonstances rend l’exécution de ce dernier excessivement onéreuse. L’exemple cité est celui d’une crise internationale affectant le cours d’une matière première, contraignant des entreprises à vendre à perte et à mettre leur survie en péri, sauf à renégocier le contrat.

2) Observations de la CCI Paris Ile-de-France Il importe d’insister sur la nécessité de ne pas s’engager dans une réforme de « consumérisation », consistant à donner une dimension générale à des règles spéciales… Telle peut être la dérive dangereuse d’une recherche constante de protection de la partie « faible ». Si le droit des contrats constitue l’outil de base des échanges économiques, la justice contractuelle ne saurait – quant à elle - être un guideline absolu dans la vie des affaires. En effet, tout contrat ne repose pas nécessairement sur un équilibre des engagements, la donne économique est souvent bien plus complexe et globale.

6 Par exemple, en cas d’inexécution suffisamment grave, il s’agit de permettre à une partie de mettre fin à un contrat sans nécessairement passer par une décision judiciaire, par une simple notification au créancier.

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Des droits spéciaux existent pour veiller à cette protection (en particulier, le Code de la consommation) et, en tout état de cause, dans un souci de sécurité juridique, il importera de définir des règles claires sur l’articulation des nouvelles dispositions générales envisagées et des dispositions spéciales existantes, car les contractants doivent savoir avec précision à quel corpus législatif leur contrat est soumis. A cet égard, le projet d’ordonnance devrait s’inspirer de l’article 11 du projet Terré qui prévoit : « Les contrats, soit qu’ils aient une dénomination propre, soit qu’ils n’en aient pas, sont soumis à des dispositions générales, qui sont l’objet du présent titre. Les règles propres à certains contrats sont établies soit sous les titres relatifs à chacun d’eux, soit par d’autres codes et lois »7.

PROPOSITION N°1 Insérer dans le projet d’ordonnance un article dédié à l’articulation entre les nouvelles règles générales envisagées et les règles spéciales existantes hors du Code civil en matière contractuelle, à l’instar de l’article 11 du projet du groupe Terré.

C) TROISIÈME OBJECTIF : RENDRE LE DROIT PLUS ATTRACTIF

1) Projet d’ordonnance Pour plus d’efficacité, la réforme entend adapter le Code civil aux besoins de l’activité économique, offrant ainsi aux praticiens un droit prévisible, facteur de célérité. Sont citées, par exemple, la nécessité de supprimer les formalités coûteuses et inutiles de la cession de créance pour son opposabilité aux tiers ; ou encore, l’intégration de la cession de contrat dans le Code civil, compte tenu de son importance pratique, notamment dans le cadre des opérations de fusion ou de scission de sociétés.

2) Observations de la CCI Paris Ile-de-France L’objectif de faciliter le bon déroulement des opérations économiques, tant dans leur rapidité que dans leur efficacité, doit bien évidemment être encouragé. D’une manière générale, dans le contexte actuel de law shopping, il faut promouvoir l’attractivité du droit français à l’égard des entreprises étrangères pour les convaincre de soumettre leurs contrats à notre système juridique, mais également à l’égard des opérateurs nationaux qui pourraient être tentés de choisir un autre droit, pour éviter les contraintes et/ou les incertitudes de leur loi du for. A cet égard, dans le cadre de la réforme engagée, il importe d’être particulièrement vigilant à ne pas multiplier les mécanismes de nature à fragiliser les rapports contractuels. Notamment, un rôle trop important accordé au juge sur l’équilibre des prestations du contrat, ou encore le cumul de la violence économique et de la généralisation des clauses abusives pourraient bien générer une défiance des acteurs économiques préférant, légitimement, limiter les risques de remise en cause de leurs contrats… et optant donc pour d’autres droits que le droit français.

7 On soulignera que l’article 11 du projet Terré reprend en fait et à juste titre l’article 1107 actuel du Code civil : « Les contrats, soit qu’ils aient une dénomination propre, soit qu’ils n’en aient pas, sont soumis à des dispositions générales, qui sont l’objet du présent titre. Les règles propres à certains contrats sont établies soit sous les titres relatifs à chacun d’eux, soit par d’autres codes et lois ».

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II – SUR LE CONTENU DU PROJET D’ORDONNANCE

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II. Sur le contenu du projet d’ordonnance A) SUR LE DEVOIR GENERAL D’INFORMATION

1) Projet d’ordonnance Art. 1129 : « Celui des contractants qui connaît ou devrait connaître une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, ce dernier ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Le manquement à ce devoir d’information engage la responsabilité extracontractuelle de celui qui en était tenu. Lorsque ce manquement provoque un vice du consentement, le contrat peut être annulé. »

2) Observations de la CCI Paris Ile-de-France L’obligation précontractuelle d’information a été créée par la jurisprudence sur le fondement de la bonne foi (article 1134 du Code civil) et a fait l’objet de réglementations particulières dans le cadre des relations entre professionnels et consommateurs et pour certains contrats spéciaux8. Or, cette approche sectorielle serait ici abandonnée pour laisser place à un devoir général d’information, quelles que soient la nature du contrat et la qualité des parties.

Sur le principe même de ce texte La CCI Paris Ile-de-France est réservée sur la nécessité d’introduire un devoir général d’information dans le Code civil, au regard des textes spéciaux existants mais également du dol par réticence, par ailleurs consacré par le projet d’ordonnance9. Certes, la réticence dolosive repose sur une intention de tromper son cocontractant et emporte la nullité du contrat, alors que le manquement au devoir d’information n’emporterait qu’une mise en cause de responsabilité (donc des dommages et intérêts)… Pour autant, face à ces deux concepts, l’incertitude risque d’être grande devant les tribunaux : simple connaissance non divulguée d’une information en lien direct avec le contrat ou dissimulation intentionnelle ? Les effets sur le contrat seront très différents… et l’impact économique non négligeable.

Sur les conditions d’applications de ce texte Les risques de dérives générés par ce texte sont importants : - il suppose de toujours savoir ce qui est « déterminant pour le consentement de l’autre », sans même tenir

compte de sa qualité de professionnel ou pas ; - au regard de la formule « devrait connaître », il aboutirait même à créer une obligation de se renseigner, quel

qu’en soit le coût, pour ensuite transmettre une information, qui n’aura peut-être même pas été demandée par l’autre partie.

8 Voir notamment les articles L.11-1 et L.113-3 du Code de la consommation, les contrats d’assurance, l’obligation d’information du banquier… 9 L’article 1136 du projet d’ordonnance vise la « dissimulation intentionnelle d’une information qu’il devait lui fournir conformément à la loi ».

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PROPOSITION N°2 Supprimer le devoir général d’information de l’article 1129. A défaut, en circonscrire le champ : - supprimer « ou devrait connaître » - préciser que « sont déterminantes les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec la nature des prestations ou la qualité des parties »10; - énoncer les règles en matière de preuve : « il incombe à celui qui se prétend créancier d’une obligation d’information de prouver l’existence de l’obligation, à charge pour le débiteur de l’obligation de se libérer en prouvant qu’il a satisfait à son obligation »11. L’article 1129 pourrait donc être ainsi reformulé : « Celui des contractants qui connaît ou devrait connaître une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, ce dernier ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Sont déterminantes les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec la nature des prestations ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui se prétend créancier d’une obligation d’information de prouver l’existence de l’obligation, à charge pour le débiteur de l’obligation de se libérer en prouvant qu’il a satisfait à son obligation. Le manquement à ce devoir d’information engage la responsabilité extracontractuelle de celui qui en était tenu. Lorsque ce manquement provoque un vice du consentement, le contrat peut être annulé. »

B) SUR LA VIOLENCE ECONOMIQUE

1) Projet d’ordonnance

Art. 1142

« Il y a également violence lorsqu’une partie abuse de l’état de nécessité ou de dépendance dans lequel se trouve l’autre partie pour obtenir un engagement que celle–ci n’aurait pas souscrit si elle ne s’était pas trouvée dans cette situation de faiblesse. »

2) Observations de la CCI Paris Ile-de-France Pour l’heure, si la notion de violence économique est présente dans notre droit, c’est uniquement dans la jurisprudence et de manière très isolée en pratique. Aux termes d’un arrêt du 3 avril 2002, la Cour de cassation a insisté sur la réunion de trois critères pour caractériser cette violence économique12 : - une situation de dépendance économique, - l’exploitation abusive de celle-ci, - la preuve d’une menace directe sur les intérêts légitimes de la personne en situation de dépendance. Tout récemment, dans un arrêt du 18 février 2015, la Haute juridiction a rappelé la nécessité d’un état de dépendance économique pour caractériser la violence économique13.

10 Conformément à ce qui était prévu dans une précédente mouture du projet de réforme, élaborée en 2010 au sein du groupe technique mis en place par la Chancellerie. 11 Article 33 du projet Terré. 12 « Seule l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique faite pour tirer profit de la crainte d’un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement ». 13 Civ. 1ère 18 février 2015, pourvoi 13-28.278.

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Au demeurant, tant en 2002 que dans cette décision, elle a déclaré insuffisantes les constations des juges du fond pour identifier un tel abus. Au vu de ces éléments, il est difficile de considérer que l’intégration de ce concept dans le Code civil consoliderait une jurisprudence constante… La justification de cette évolution pourrait tenir davantage à l’examen des droits de nos voisins européens. En effet, on relève que la grande majorité d’entre eux ont consacré une règle consistant à sanctionner l’avantage excessif tiré d’un déséquilibre des prestations contractuelles, mais sous l’angle de la lésion. Pour autant - et c’est heureux-, le projet d’ordonnance ne va pas jusque-là, évitant de rentrer dans un mécanisme de contrôle du contenu du contrat. Il n’en demeure pas moins que le texte envisagé est critiquable au regard de l’insécurité juridique qu’il génère. Deux effets pervers peuvent d’ores et déjà être anticipés : - d’un côté, ce nouveau vice du consentement pourrait être utilisé comme arme de chantage et encourager des

comportements opportunistes visant à se dégager de ses obligations ; - d’un autre côté, pour éviter des contentieux, les grands donneurs d’ordre pourraient bien être amenés à

éliminer certains partenaires commerciaux potentiels – TPE ou PME – estimés trop « faibles » au regard de cette notion d’état de nécessité… Au final, ce mécanisme risque de s’avérer contreproductif sur le plan économique.

PROPOSITION N°3 Supprimer le vice de violence économique. A défaut, prévoir un strict encadrement de l’article 1142 : - supprimer la référence à l’ « état de nécessité » et la « situation de faiblesse », notions beaucoup trop subjectives et sources d’insécurité juridique ; - viser exclusivement les cas de dépendance « économique » et reprendre la condition d’une « menace sur les intérêts légitimes de la personne », à l’instar de la jurisprudence de la Cour de cassation dont le projet se prévaut ; - exiger la caractérisation d’un « avantage manifestement excessif ». L’article 1142 pourrait donc être ainsi reformulé : « Il y a également violence lorsqu’une partie abuse de l’état de nécessité ou de dépendance économique dans lequel se trouve l’autre partie pour retirer un avantage manifestement excessif en lui faisant prendre un engagement qu’elle n’aurait pas souscrit si elle ne s’était pas trouvée dans cette situation de faiblesse en l’absence de cette contrainte et qui constitue une menace directe pour ses intérêts légitimes.»

C) SUR LA DETERMINATION UNILATERALE DU PRIX

1) Projet d’ordonnance

Art. 1163

« Dans les contrats cadre et les contrats à exécution successive, il peut être convenu que le prix de la prestation sera fixé unilatéralement par l'une des parties, à charge pour elle d'en justifier le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à voir réviser le prix en considération notamment des usages, des prix du marché ou des attentes légitimes des parties, ou à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat. »

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Art.1164 « Dans les contrats de prestation de services, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour celui-ci d'en justifier le montant. A défaut d'accord, le débiteur peut saisir le juge afin qu'il fixe le prix en considération notamment des usages, des prix du marché ou des attentes légitimes des parties. »

2) Observations de la CCI Paris Ile-de-France Depuis les années 1970, la question de la détermination du prix a fait l’objet d’une longue et fluctuante construction jurisprudentielle, si bien qu’aujourd’hui, la perspective d’une codification des solutions acquises et confirmées par les tribunaux doit être soutenue dans un souci de lisibilité de notre droit. Rappelons que par quatre arrêts célèbres du 1er décembre 1995, la Cour de cassation a décidé que lorsqu’une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l’indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n’affecte pas leur validité, sauf dispositions légales particulières. Elle a précisé, par ailleurs, que l’abus dans la fixation du prix ne donne lieu qu’à résiliation ou indemnisation. Ceci, sans préjudice du régime particulier établi par la jurisprudence depuis longtemps pour les contrats d’entreprise et étendu à tous les contrats de services, pour lesquels le juge peut compléter après coup le contrat en fixant le prix sur lequel les parties ne se sont pas expliquées. Tels que rédigés, ces deux articles du projet font à tort de la qualification du contrat un enjeu fondamental, en laissant de surcroît des zones d’obscurité : - pourquoi ne viser que les contrats cadre et à exécution successive, excluant par là-même les contrats à

terme ? - pourquoi régir le cas spécifique des contrats de prestations de services dans le droit commun des contrats ?

Ne vaudrait-il pas mieux le laisser dans le droit des contrats spéciaux ? Selon la CCI Paris Ile-de-France, il importe de soutenir un principe général selon lequel les parties peuvent convenir d’une détermination unilatérale du prix, quel que soit le type de contrat. Il convient alors de prévoir des sanctions en cas d’abus : - soit on s’en tient aux solutions acquises en jurisprudence, c'est-à-dire une mise en jeu de la responsabilité

et, le cas échéant, la résolution, à l’exclusion de toute révision par le juge (option 1) ; - soit on n’envisage une révision du prix par le juge que pour la période antérieure à sa décision (option

2). Il est clair que, dans les deux cas, révision du juge pour la période passée ou versement de dommages et intérêts, le but poursuivi est le même : compenser la différence entre le prix abusif et le prix qui aurait dû être pratiqué. Toutefois, la 1ère option a l’avantage d’une solution déjà connue et rassurante au regard des craintes quant à l’immixtion du juge dans le contrat. Mais elle a l’inconvénient de relever d’une approche uniquement sanctionnatrice, avec les difficultés liées aux règles de responsabilité, notamment quant à la preuve du préjudice que viendraient réparer les dommages et intérêts, ou encore à l’interaction éventuelle avec des clauses limitatives de responsabilité. Quant à la 2nde option, elle est plus innovante et plus concrète d’un point de vue économique, mais elle suscite des inquiétudes sur le rôle donné au juge. D’où la nécessité, si elle était retenue, de limiter son pouvoir à un examen rétrospectif des données connues. Cette précision reflète le fait que l’abus ne peut être caractérisé que rétrospectivement car c’est une notion qui s’apprécie par rapport à des données acquises (état du marché, situation des parties…). Concrètement, la précision permet d’éviter que, dans l’hypothèse d’une saisine du juge

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en cours d’exécution du contrat, celui-ci se croit autorisé à fixer le « juste prix » du contrat pour la période restant à courir, ce qui irait bien au-delà de la correction d’un abus.

PROPOSITION N°4 - Soutenir un principe général selon lequel les parties sont libres de convenir d’une détermination unilatérale du prix par l’une d’entre elles, quel que soit le type de contrat, et prévoir des sanctions en cas d’abus. Dès lors, reformuler comme suit l’article 1163 alinéa 1 : « Dans les contrats cadre et les contrats à exécution successive, Il peut être convenu que le prix de la prestation sera fixé déterminé unilatéralement par l'une des parties, à charge pour elle d'en justifier le montant en cas de contestation. S’agissant de la sanction de l’abus (alinéa 2) : Option 1 : En cas d’abus dans la fixation détermination du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à voir réviser le prix en considération notamment des usages, des prix du marché ou des attentes légitimes des parties, ou à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat. Option 2 : En cas d’abus dans la fixation détermination du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à voir réviser le prix, pour la période antérieure à sa décision, en considération notamment des usages, des prix du marché ou des attentes légitimes des parties et, le cas échéant, ou à obtenir des dommages et intérêts, voire et le cas échéant la résolution du contrat. » - Supprimer, en tout état de cause, l’article 1164, les contrats de prestations de services relevant du droit des contrats spéciaux et non du droit commun.

D) SUR LES CLAUSES ABUSIVES

1) Projet d’ordonnance

Art. 1169.

« Une clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat peut être supprimée par le juge à la demande du contractant au détriment duquel elle est stipulée. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur la définition de l'objet du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »

2) Observations de la CCI Paris Ile-de-France Rappelons que les clauses contractuelles créant des déséquilibres excessifs sont déjà sanctionnées par les droits spéciaux, guidés par la volonté de protéger une partie considérée comme plus « faible » (le consommateur ou encore, entre professionnels, les fournisseurs intervenant dans les chaînes de la grande distribution) : - d’une part, par l’article L.132-1 du Code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (…) Les clauses abusives sont réputées non écrites. L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. (…) » - d’autre part, depuis 2008, par l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce :

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« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (…) ». A côté de ces dispositions particulières, le projet d’ordonnance entend généraliser la sanction des clauses abusives, sous couvert d’un objectif général de justice contractuelle, c'est-à-dire la recherche d’un équilibre des engagements, quel que soit le type de contrat et quelle que soit la qualité des parties. Cette orientation appelle les plus vives réserves de la CCI Paris Ile-de-France qui y voit une expression inopportune de la dérive consumériste de notre droit commun. Plusieurs effets néfastes peuvent d’ores et déjà être anticipés. Une plus grande insécurité juridique

Tout d’abord, par la reprise du concept de « déséquilibre significatif », il est clair que l’article 1169 trouve sa source dans les droits spéciaux du marché ci-dessus rappelés, mais ceux-ci ont prévu des garde-fous pour encadrer le pouvoir du juge : - dans l’article L.132-1 alinéa 5 du Code de la consommation, des guides d’appréciation sont donnés au juge :

« le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre ».

- concernant l’article L.442-6, I, 2 du Code de commerce, pour faire face au risque d’hétérogénéité jurisprudentielle lié à la subjectivité des critères, le contentieux a été concentré sur un nombre réduit de TGI et tribunaux de commerce et sur une seule Cour d’appel.

Il résulte de ces dispositifs des techniques particulières d’interprétation des droits spéciaux, dont on peut douter qu’elles puissent être si facilement transposables au droit commun… Ensuite, autre source d’insécurité juridique : l’articulation entre la règle générale et la règle spéciale. Certes, en principe, la seconde prime sur la première. Mais, en pratique, on peut s’attendre à une multiplication des stratégies contentieuses : - par exemple, pour essayer de se placer sous le régime plus souple de l’article 1169, afin d’éviter d’avoir à se

conformer à la compétence territoriale de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce… - ou encore pour tenter un cumul de sanctions à l’encontre de son cocontractant : l’indemnisation sur le

fondement du Code de commerce et la suppression de la clause en vertu du droit commun… Enfin, quid de la sanction « peut être supprimée par le juge », inédite en tout cas par rapport au Code de la consommation (où la clause est réputée non écrite) et au Code de commerce (où la clause engage la responsabilité de son bénéficiaire). Cette suppression serait-elle rétroactive (entraînant par là-même des obligations de restitutions) ou ne vaudrait-elle que pour l’avenir ? Pourrait-elle s’étendre à l’ensemble du contrat ? Puisqu’il s’agirait d’une simple faculté pour le juge (« peut »), sur quels critères serait-elle prononcée ? Une fragilisation des relations contractuelles, quel que soit le type de contrat et quelle que soit la qualité

des parties Comme le souligne la doctrine, « la généralisation de la qualification de clause abusive aura pour premier effet de saper la confiance dans la parole donnée »14, d’autant que le risque d’immixtion du juge pour apprécier les éventuels déséquilibres pourra même s’appliquer aux contrats dont la conclusion a été libre et lucide… 14 « Les clauses abusives : on attendait Grouchy… », Philippe Stoffel-Munck, Droit et Patrimoine, n°240, octobre 2014.

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Plus encore, il y a là un signal négatif pour le monde des affaires, surtout cumulé à d’autres innovations comme la violence économique. Les acteurs économiques ont besoin de sécurité, de stabilité et de prévisibilité, mais aussi de pouvoir se fonder sur des principes fondamentaux comme celui de la liberté contractuelle, dans le cadre de négociations éclairées. Il importe de ne pas stigmatiser les relations économiques sous un angle systématique d’abus de rapport de force. Depuis plusieurs années, il faut au contraire saluer la responsabilisation des relations commerciales, sous l’impulsion de grandes dynamiques comme la RSE notamment. Les entreprises ont à cœur d’entretenir la pérennité de leurs liens contractuels, y compris avec des cocontractants de plus petite taille, surtout dans un contexte économique mouvant. Un effet repoussoir à l’encontre du droit français pour les opérateurs internationaux, et même français

A l’échelle internationale, cette insécurité juridique et cette fragilisation des rapports contractuels affecteront inéluctablement l’attractivité du droit français, à l’opposé d’un des objectifs fondamentaux de cette réforme… A titre d’illustration, on peut se référer à certains témoignages pratiques délivrés sur le droit allemand, qui a lui aussi intégré un contrôle des clauses abusives (toutefois moins sévère que l’article 1169 puisqu’il est limité aux clauses contractuelles qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle). En réaction, les entreprises allemandes ont adopté de nouvelles pratiques contractuelles : elles choisissent désormais majoritairement le droit suisse pour régir leurs contrats internationaux, ce système juridique ne comportant pas de mécanisme de contrôle des clauses déséquilibrées. Autrement dit, le constat est clair : le law shopping bat son plein et les opérateurs économiques fuient les droits générant trop d’insécurité… Il ressort de l’ensemble de ces observations que l’article 1169 devrait être supprimé. A défaut, il faudrait strictement l’encadrer pour tenter d’en restreindre les effets néfastes : - tout d’abord, en limiter l’application soit aux contrats d’adhésion, soit aux clauses qui n’ont pas été librement

négociées entre les parties. Selon la CCI Paris Ile-de-France, la première branche de l’alternative serait préférable pour éviter des difficultés probatoires : parmi toutes les dispositions d’un contrat, comment rapporter la preuve que chaque clause, ou telle ou telle clause, a donné lieu de manière effective à une négociation ? A l’appui de ce choix, on peut là encore se référer à l’exemple du droit allemand dans lequel le contrôle des clauses non négociées a conduit, en pratique, à des « montages » pour surmonter les problèmes de preuve15. En France, des enseignements doivent être tirés de ces dérives chronophages et coûteuses.

- ensuite, privilégier une sanction qui aurait un caractère automatique pour éviter l’aléa de l’appréciation du

juge. Ainsi, la sanction du « réputé non écrit » - déjà connue du Code de la consommation – apparait préférable16.

- enfin, pour atténuer les risques liés à la subjectivité d’appréciation du juge, reprendre les guides du Code de

la consommation permettant d’identifier un déséquilibre significatif, notamment par une référence au reste du contrat ou aux autres contrats liés17.

15 Par exemple, pour se ménager la preuve qu’une clause a été négociée, inventer un désaccord fictif puis construire artificiellement une solution de compromis… 16 Notons que la mise en jeu de la responsabilité ne règle pas le problème pour l’avenir : la clause devra en tout état de cause être réécrite. 17 Cf. article L.132-1 al.5 du Code de la consommation.

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PROPOSITION N°5 Prioritairement, supprimer la généralisation des clauses abusives. A défaut, prévoir un strict encadrement : - limiter le champ de l’article 1169 aux contrats d’adhésion ; - opter pour la sanction du « réputé non écrit », plutôt que pour la faculté de suppression judiciaire ; - prévoir dans le texte des guides d’appréciation du déséquilibre significatif pour le juge, à l’instar du Code de la consommation ; Ainsi, l’article 1169 pourrait être ainsi reformulé : « Dans les contrats d’adhésion, sont abusives et réputées non écrites les Une clauses qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat peut être supprimée par le juge à la demande du contractant au détriment duquel elle est stipulée. Le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur la définition de l'objet du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »

E) SUR L’IMPREVISION

1) Projet d’ordonnance

Art. 1196.

« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent demander d’un commun accord au juge de procéder à l'adaptation du contrat. A défaut, une partie peut demander au juge d’y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »

2) Observations de la CCI Paris Ile-de-France

Un besoin relatif mais un bon compromis Si jusqu’à présent la révision des contrats pour imprévision a toujours été rejetée par notre droit positif, dans la lignée du célèbre arrêt Canal de Craponne de 1976, il n’en demeure pas moins que – dans la pratique des affaires – les opérateurs économiques ont su faire preuve d’ingénierie dans leurs aménagements contractuels pour anticiper ces risques de bouleversements : clauses de hardship, clauses de revoyure, de material adverse change dites « MAC »18,… Si bien que, du point de vue des professionnels, le besoin d’un texte sur l’imprévision dans le Code civil ne se fait pas impérativement ressentir, du moins au sein des grandes entreprises qui bénéficient de services juridiques aguerris ou du conseil d’avocats rôdés à la matière. En revanche, les PME – quant à elles – pourraient

18 Clauses fréquentes en matière de financement ou de fusions-acquisitions, ayant pour objet de spécifier les conditions permettant de résilier le contrat suite à la survenue d'un bouleversement susceptible d'impacter de façon significative et négative la situation.

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éventuellement trouver un intérêt dans ce nouveau dispositif, afin de garantir à leurs transactions un « filet de sécurité » légal, en l’absence d’anticipation contractuelle du changement de circonstances.

Un impératif : l’absence de perturbations des pratiques contractuelles existantes L’article 1196 envisagé semble opportunément d’ordre supplétif (au regard de la formule « pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque ») et ne devrait pas être de nature à perturber les pratiques contractuelles des entreprises.

Un outil d’incitation à la renégociation à saluer, au regard de la menace d’une résiliation judiciaire pour imprévision

Le dispositif est manifestement conçu comme un encouragement à se mettre à la table des négociations et peut – de ce fait – avoir une réelle utilité pratique. En l’absence d’un « commun accord » des parties, il n’y aura pas de révision du contrat par le juge. Dès lors, on peut légitimement penser que les hypothèses d’adaptation judiciaire seront très rares. En revanche, chacune des parties aura la faculté de demander la résiliation du contrat, ce qui peut constituer une forte incitation à ce que la phase amiable aboutisse, d’autant plus que la solution de « mettre fin » au contrat « à la date et aux conditions » fixées par le juge n’est pas exempte d’aléa pour les parties : - quelle sera la date retenue pour la fin des liens contractuels ? La décision du juge sera-t-elle rétroactive ? - s’agissant des conditions fixées par le juge, incluront-elles une indemnisation de la partie qui se voit imposer

la fin du contrat ? En tout état de cause, un point devrait être précisé : le juge serait-il tenu de mettre fin au contrat, ou serait-ce seulement une faculté ? Selon la CCI Paris Ile-de-France, il devrait bénéficier d’une certaine liberté d’appréciation sur l’opportunité de la résiliation judiciaire pour imprévision. En effet, il ne faudrait pas « récompenser » la mauvaise foi qui consisterait à faire échouer les renégociations, dans le seul but de se dégager du contrat…

Un encadrement à prévoir en cas de révision judiciaire La CCI Paris Ile-de-France estime qu’en cas d’accord des parties, le juge saisi pour réviser le contrat devrait être guidé dans cette mission. Comme elle l’avait déjà suggéré, il pourrait notamment être tenu de se référer aux « attentes légitimes des parties »19 - telles qu’elles existaient au moment de la conclusion du contrat, avant la survenance du changement de circonstances – ou encore aux usages et pratiques du marché.

PROPOSITION N°6 En matière d’imprévision, apporter des amendements à l’article 1196 : - encadrer l’adaptation judiciaire du contrat par renvoi aux « attentes légitimes des parties », ainsi qu’aux usages et aux pratiques du marché ; - préciser que la résiliation judiciaire pour imprévision n’est qu’une faculté pour le juge. Par conséquent, reformuler comme suit le dispositif : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent demander d’un commun accord au juge de procéder à l'adaptation du contrat en considération des usages, des pratiques du marché et des attentes légitimes des parties. A défaut, à la demande d’une partie, le juge peut demander au juge d’ y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »

19 Notion connue en droit européen.

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F) SUR LES REMEDES UNILATERAUX A L’INEXECUTION

1) Projet d’ordonnance

Art. 1223 (réduction du prix)

« Le créancier peut accepter une exécution imparfaite du contrat et réduire proportionnellement le prix. S'il n'a pas encore payé, le créancier notifie sa décision dans les meilleurs délais. »

Art. 1226 (résolution unilatérale par notification)

« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure mentionne de manière apparente qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son engagement, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution. »

2) Observations de la CCI Paris Ile-de-France L’une des grandes avancées du projet de réforme réside dans la mise à disposition du créancier insatisfait d’une boîte à outils, lui permettant de choisir le remède le plus approprié à sa situation. En particulier, des droits unilatéraux lui sont conférés, dans un souci d’efficacité économique et de rapidité pour débloquer certaines situations, sans avoir à passer devant le juge. Certaines observations peuvent toutefois être formulées pour améliorer encore les dispositifs envisagés, soit pour les encadrer davantage, soit pour en alléger le formalisme notamment.

Sur la réduction unilatérale du prix La brièveté de l’article 1223 peut surprendre, au regard de l’importance du droit accordé au créancier, qui constituerait une innovation, non pas dans la technique, mais dans sa généralisation à tout le droit commun20. En l’état, ce texte risque d’être source d’insécurité juridique. Notamment, on peut se demander ce qu’il convient d’entendre par inexécution « imparfaite » : non achevée ? Non conforme ? Non livrée dans les délais prévus ?... Par ailleurs, en permettant une réduction proportionnelle du prix, le dispositif présuppose qu’il soit possible de quantifier unilatéralement l’inexécution pour y appliquer une proportion… Or, cela ne saurait être envisagé pour une obligation de ne pas faire, par exemple. Surtout, le risque de contestation est important sur l’appréciation de la quotité d’inexécution et donc sur l’importance de la réduction de prix. Il est craindre que cet article - pourtant motivé par une recherche de pragmatisme - soit finalement générateur de contentieux. Dès lors, il serait judicieux de l’encadrer davantage, en particulier sur le montant de la réduction ou son mode de calcul. A cet égard, on pourrait utilement s’inspirer de l’article 9:401 (1) des Principes européens du droit des contrats, selon lequel : « La partie qui accepte une offre d'exécution non conforme au contrat peut réduire le prix. La réduction est proportionnelle à la différence entre la valeur de la prestation au moment où elle a été offerte et celle qu'une offre d'exécution conforme aurait eue à ce moment. »

20 « On rencontre des mécanismes de réduction du prix, mais cela ne concerne que des contrats en particulier, ce sont essentiellement des contrats de prestation de services, et cela nécessite l’intervention d’un juge ou d’un arbitre », Augustin Aynès, intervention au colloque du 8 avril 2015 organisé à la CCI Paris Ile-de-France.

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Quant au processus à suivre par le créancier, il serait opportun d’introduire une obligation de motivation de la décision par le créancier, à l’instar de ce qui est prévu pour la résolution unilatérale.

PROPOSITION N°7 Au regard du risque de multiplication des contentieux, mieux encadrer la réduction unilatérale du prix, quant au calcul de cette réduction et quant au processus à suivre par le créancier, notamment en termes de motivation de la décision. Il est ainsi proposé de reformuler l’article 1223 comme suit : « Le créancier peut accepter une exécution imparfaite non conforme du contrat et réduire proportionnellement le prix. La réduction est proportionnelle à la différence entre la valeur de la prestation au moment où elle a été offerte et celle qu'une offre d'exécution conforme aurait eue à ce moment. S'il n'a pas encore payé, Le créancier notifie sa décision et les raisons qui la motivent dans les meilleurs délais. »

Sur la résolution unilatérale par notification

L’analyse du droit comparé nous montre que ce dispositif est connu dans d’autres Etats membres (à l’exception notamment de la Belgique et du Luxembourg) et Outre-Atlantique avec le Québec. Par ailleurs, notons que la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises l’admet également, de même que les Principes Unidroit, sans oublier les projets pour un droit européen des contrats (PDEC et Gandolfi). Sous cet éclairage, le dispositif de l’article 1226 apparaît relativement équilibré par sa restriction aux cas « d’inexécution suffisamment grave », sous la réserve toutefois d’un formalisme lourd, qu’il serait possible d’alléger dans certains cas. En particulier, l’exigence d’une mise en demeure n’a aucune raison d’être lorsque le constat d’inexécution est définitif ou encore en cas d’urgence…

PROPOSITION N°8 Alléger le formalisme lié à la faculté de résolution unilatérale, en dispensant le créancier d’avoir à procéder à une mise en demeure en cas d’inexécution irrémédiable ou d’urgence. Le 1er alinéa de l’article 1226 pourrait être ainsi complété : « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable, à moins que l’inexécution soit irrémédiable ou en cas d’urgence. »

G) SUR LA CADUCITE DES CONTRATS RELEVANT D’UNE OPERATION D’ENSEMBLE

1) Projet d’ordonnance Art. 1186 « Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments constitutifs disparaît. Il en va de même lorsque vient à faire défaut un élément extérieur au contrat mais nécessaire à son efficacité. Il en va encore ainsi lorsque des contrats ont été conclus en vue d’une opération d’ensemble et que la disparition de l’un d’eux rend impossible ou sans intérêt l’exécution d’un autre. La caducité de ce dernier n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement ».

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2) Observations de la CCI Paris Ile-de-France Les opérations d’ensemble (alinéa 2) correspondent à une réalité économique à laquelle il est important d’apporter un traitement juridique adapté. Si l’un des contrats de cet ensemble vient à disparaître, qu’advient-il des autres ? Une solution pragmatique doit être dégagée. Plusieurs propositions d’amélioration peuvent être faites, afin de supprimer l’insécurité juridique liée au recours à des formules floues : - à l’alinéa 1er, à quoi renvoie « un élément extérieur au contrat mais nécessaire à son efficacité » ? Ne

vaudrait-il pas mieux viser, dès la première phrase, les « éléments essentiels » du contrat, notion déjà connue ?

- à l’alinéa 2, que faut-il entendre par contrat « sans intérêt » 21 ?

PROPOSITION N°8 Améliorer la sécurité juridique du dispositif sur les conséquences de la caducité dans les opérations contractuelles d’ensemble : - à l’alinéa 1er, cibler les « éléments essentiels » du contrat ; - à l’alinéa 2, outre le cas où l’exécution est devenue impossible, viser l’hypothèse où le contrat frappé de caducité était une condition déterminante du consentement des parties aux autres contrats. Reformuler l’article 1186 comme suit : « Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments constitutifs essentiels disparaît. Il en va de même lorsque vient à faire défaut un élément extérieur au contrat mais nécessaire à son efficacité. Il en va encore ainsi lorsque des contrats ont été conclus en vue d’une opération d’ensemble et que la disparition de l’un d’eux rend impossible ou sans intérêt l’exécution d’un ou des autres ou lorsque le contrat anéanti était une condition déterminante du consentement des parties à cet ou ces autres contrats. La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement ».

H) SUR LA CESSION DE DETTE ET LA CESSION DE CONTRAT

1) Projet d’ordonnance Art. 1338 « Un débiteur peut céder sa dette à une autre personne. Le cédant n’est libéré que si le créancier y consent expressément. A défaut, le cédant est simplement garant des dettes du cessionnaire. » Art. 1340 « Un contractant peut, avec l’accord de son cocontractant, céder à un tiers sa qualité de partie au contrat. La cession de contrat ne libère le cédant que si le cédé y a expressément consenti. Cette libération ne vaut que pour l'avenir. Lorsque le cédant n'est pas libéré pour l'avenir, et en l'absence de clause contraire, il est simplement garant des dettes du cessionnaire. Les règles de la cession de créance et de la cession de dette sont applicables, en tant que de besoin.

21 Au cours des précédentes étapes d’élaboration du projet d’ordonnance, la notion d’ « intérêt » ou de « défaut d’intérêt » avait été écartée… Peut-être s’agit-il ici d’un reliquat des anciennes versions ?

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2) Observations de la CCI Paris Ile-de-France Ces dispositifs trouveront leur utilité dans les opérations entre entreprises, notamment en cas de fusions-acquisitions. Toutefois, la mise en parallèle de ces deux textes suscite des interrogations qu’il conviendrait d’évacuer dans un souci de cohérence et de sécurité juridique. En particulier, les règles semblent différer, sans réelle justification, entre la cession de dette et la cession de contrat concernant la nécessité d’un accord du cocontractant : cet accord est clairement requis pour la validité de la cession de contrat, mais ne l’est que pour l’opposabilité s’agissant de la cession de dette…

PROPOSITION N°9 Tant en matière de cession de dette (art. 1338) qu’en matière de cession de contrat (art. 1340), prévoir que la transaction ne peut valablement se réaliser qu’avec l’accord du cocontractant cédé. Reformuler comme suit lesdits articles : - Article 1338 : « Un débiteur peut, avec l’accord exprès de son créancier, céder sa dette à une autre personne. » Le cédant n’est libéré que si le créancier y consent expressément. A défaut, le cédant est simplement garant des dettes du cessionnaire. ». Cet accord peut être exprimé par anticipation. - Article 1340 : « Un contractant peut, avec l’accord exprès de son cocontractant, céder à un tiers sa qualité de partie au contrat. Cet accord peut être exprimé par anticipation. En l'absence de clause contraire, le cédant n’est libéré que pour l’avenir tout en restant garant vis-à-vis du cédé des dettes du cessionnaire. Les règles de la cession de créance et de la cession de dette sont applicables, en tant que de besoin. »