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EHESS Quand les Celtes deviennent Orthodoxes. De l'exaltation du passé àla modernité religieuse Author(s): Katerina Seraïdari and Alexis Léonard Source: Archives de sciences sociales des religions, 52e Année, No. 139, Prophètes, messages et médias (Jul. - Sep., 2007), pp. 79-99 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30128878 . Accessed: 12/06/2014 13:42 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.208 on Thu, 12 Jun 2014 13:42:20 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Quand les Celtes deviennent Orthodoxes. De l'exaltation du passé àla modernité religieuseAuthor(s): Katerina Seraïdari and Alexis LéonardSource: Archives de sciences sociales des religions, 52e Année, No. 139, Prophètes, messages etmédias (Jul. - Sep., 2007), pp. 79-99Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30128878 .

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Quand les Celtes deviennent orthodoxes De I'exaltation du passi & la moderniti religieuse

Katerina Seraidari, Alexis Leonard

Ainsi qu'en t6moignent de nombreux ouvrages et expositions r&cents, les Celtes sont pr6sent6s comme les ancitres de l'Europe et certains auteurs n'h6sitent pas a dire que l'Union Europ6enne ne fait que reproduire ce que les Celtes avaient cr66 il y a 2 500 ans (Sims-Williams, 1998). Six a pays a constituent la Celtie traditionnelle: l'Irlande, l'Ecosse, le Pays de Galles, les Cornouailles, l'ile de Man et la Bretagne. La pr6sence sur la plus grande partie du continent europeen de populations celtes pendant l'Antiquite a permis a des pays comme la Suisse ou la France de revendiquer eux aussi des racines celtiques. Par ailleurs, I'6migration massive qu'ont connue des pays comme l'Irlande, notamment vers les Etats-Unis oiu quelque quarante millions d'Am6ricains se r&clament d'origine irlandaise, a eu pour r6sultat d'6largir la zone d'influence des Celtes en dehors de l'Europe. La Celtie semble donc 8tre un territoire A geometrie variable que l'on manipule B volont6, au point de l'identifier parfois a l'Occident.

Dans le cadre d'une spiritualit6 celtique tris en vogue, on peut actuellement observer deux tendances : des mouvements neo-druidiques, mais aussi une arti- culation entre ces discours identitaires et les trois branches du christianisme. Nous analyserons ici la rencontre operde entre celtisme et orthodoxie, qui parait d'autant plus surprenante qu'aucun pays orthodoxe n'associe son histoire A celle des Celtes, et que le christianisme orthodoxe est traditionnellement attache a l'Orient. Comme nous le verrons, I'hdritage orthodoxe est remanie afin de s'accorder aux experiences de populations qui ont connu soit le catholicisme soit le protestantisme.

Assimiler l'Eglise orthodoxe a une < famille > d'Eglises organis6es selon des critdres geographiques et non ethniques constitue une qualit6, depuis longtemps exalt6e par les orthodoxes, qui devient chez ceux que l'on pourrait appeler les < Celtes orthodoxes > un argument majeur. Elle permet de concilier le besoin d'afficher une sp6cificit6 locale, nationale ou supranationale (dans le cas de la Celtie) et le desir de s'apparenter A une structure religieuse d'envergure. Neanmoins, il s'agit d'une image id6alis6e qui entraine necessairement des contradictions. Ainsi, on ne manque pas de souligner que les Eglises orthodoxes << traditionnelles a

ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS 139 (juillet-septembre 2007), p. 79-99

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se sont enfermies dans des a ghettos ethniques > et ont d~velopp6 des discours identitaires exclusifs. On oscille en permanence entre l'affirmation d'un esprit

6galitaire et d6centralis6 qui caract&riserait les relations entre ces lglises locales ou nationales, et une r6alit6 qui impose ses clivages et ses propres principes de

hi6rarchisation.

L'orthodoxie 6tant la branche du christianisme la moins 6tudi6e jusqu'd aujourd'hui, il n'est pas surprenant que le renouveau religieux qui se rattache A elle constitue un sujet de recherche encore plus marginal. C'est cette lacune qui a motiv6, en partie, notre d6marche. Mais cette 6tude pr6liminaire est surtout la rencontre d'un terrain associant deux sp6cialits : l'orthodoxie et ses formes actuelles en Grice pour Katerina Seraidari et la saintet6 m6di6vale en Irlande et les mouvements celtiques actuels pour Alexis L6onard.

Afin de mieux connaitre ce mouvement religieux, nous avons eu recours A diff6rentes sources: enquate de terrain et utilisation d'une bibliographie a atypique > 1, mais aussi recherches sur Internet. Nous montrerons comment ce mouvement religieux interprite, d'un c6td, l'histoire du christianisme et, de l'autre, I'histoire europdenne. Le but est de suivre la manikre dont ce mouvement est nd et sur quelles bases symboliques et historiques il a construit son identit6 et sa < m6moire g6ndalogique >. Nous 6tudierons, plus particulibrement, l'Pglise orthodoxe celtique (EOC), dont le siige primatial se trouve au monastare breton de la Sainte-Prisence 2 A Saint-Dolay. Selon le pr6ambule de son rbglement int6rieur, ridig6 en 2002 3, cette Iglise a est la resurgence de la v6n6rable Pglise Celtique, fond6e par saint Joseph d'Arimathie en l'an 37 et saint Aristobule envoyd par l'ap8tre Paul. Elle s'est d6velopp6e dans toutes les Iles britanniques, la Bretagne par l'immigration des tribus bretonnes et le continent europ6en par ses nombreuses missions irlandaises, avant de perdre progressivement sa souverainet6 jusqu'd la fin du douziame siicle >. La venue de Joseph d'Arimathie & Glastonbury et I'entr6e

1. Actes des colloques organis6s par l'EOC et g la revue piriodique qu'elle 6dite mensuellement, Sainte Pr6sence. Notre enquite de terrain s'est diroul~e en aofit 2002, quand les membres de 'liglise se sont rassembl6s & Saint-Dolay (Morbihan) pour discuter du statut des paroisses frangaises.

2. Ce monastdre ne figure 6videmment pas dans le Petit guide des monastires orthodoxes de France, 6dit6 en novembre 2005 par le monastire de Cantauque, qui donne des informations sur les monastbres canoniques, c'est-i-dire reconnus par les Eglises orthodoxes traditionnelles. Encore faut-il ajouter que I'EOC n'est pas seule sur le cr6neau de la rencontre entre Orthodoxie et celtisme; il existe d'autres iglises revendiquant ces deux heritages et les combinant h leur maniere propre.

3. Dans ce document, < l'Eglise Orthodoxe Celtique est d6clar6e en France sous le nom d'Association cultuelle de l'tglise celtique apostolique >. Pour le fonctionnement de l'association, une cotisation annuelle minimum est fix6e pour chaque membre. Lors des discussions pour l'6tablissement de ce riglement, les laics voulaient rendre la cotisation obligatoire, tandis que les clercs, plus souples, expliquaient: << c'est autre chose l'association, autre chose l'iglise, on ne radie pas quelqu'un de l'lfiglise parce qu'il n'a pas payC sa cotisation

,. Chacune des huit

paroisses francophones dispose d'une grande autonomie et d'un conseil paroissial; les d616gues de paroisses siigent au conseil de leur 6parchie (voir note 13) avec leur ivique.

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de la Grande-Bretagne dans l'histoire chr6tienne sont done les deux 6v6nements majeurs sur lesquels cette Eglise s'appuie pour revendiquer autant un caractdre apostolique qu'une sp&cificit6 celtique.

Glastonbury, le lieu originel SituC au sud-ouest de l'Angleterre, g trente kilomatres de la mer, Glastonbury

est identifi6 & l'ile d'Avalon 4 et au destin exceptionnel du roi Arthur. Vers 1135, Guillaume de Malmesbury &crit le De antiquitate Glastonie ecclesie: ces lgendes 6labories et rassemblkes par un 6rudit catholique continuent de nourrir le discours des a Celtes Orthodoxes >. La confusion entre mythe et histoire est permanente et trouve ses sources dans un imaginaire m~di~val pris A la lettre. Ainsi que Mgr Marcs (2000 : 15) le met en exergue, < la l1gende est plus vraie que l'histoire >

(phrase qu'il attribue & Socrate).

Une r6f~rence primordiale est le Saint Graal, la coupe utilisie par J6sus lors de la Cane et dans laquelle le sang du Christ aurait &ti recueilli. II aurait 6td ensuite apportC en Angleterre par Joseph d'Arimathie, considir6 comme l'ap6tre de Grande-Bretagne, qui serait arriv6 A Glastonbury accompagn6 de douze disciples et y aurait construit une 6glise d~di6e A la Vierge. Ainsi, par le biais de Glastonbury, la < naissance > et l'importance de l'Eglise britannique se trouvent li6es, plus ou moins directement, g la personne du Christ6.

Selon une autre version, Joseph d'Arimathie aurait it6 un marchand venu en Angleterre afin d'acheter l'6tain ndcessaire A la fabrication du bronze. Lors d'un de ses voyages, il aurait 6t6 accompagn6 par J6sus encore enfant 7. Cette l1gende semble avoir inspire William Blake (1757-1827), qui &tait lui-mime un nio-druide : dans son pokme < Jbrusalem > (parfois appel6 < Hymne de Glastonbury >), il se demande si Jesus n'a pas foulk le sol britannique. Afin de ddfendre ces traditions,

4. A l'origine, la colline de Glastonbury Ctait entour~e d'un mar&cage, d'ou son assimilation a une ile.

5. Il s'agit du deuxiime 6vique franCais de I'EOC, le premier &tant Mgr Mael, qui en est aussi le Primat. Dans notre texte, il est pr~sentt tant6t comme le < pare Marc > (avant sa consecration 6piscopale) tant6t comme < Mgr Marc >. Au monastere de Saint-Dolay rtsidaient, au moment de notre enquite, cinq moines, un novice, et ces deux iv~ques.

6. Le fait d'associer un personnage de l'Histoire sainte avec la conversion d'une population locale est un topos qu'on retrouve, par exemple, dans la 16gende de la venue de Marie-Madeleine et de Lazare en Provence. Mgr Marc (2000: 17) 6voque mime une tradition selon laquelle saint Joseph d'Arimathie serait < le jeune frire de Joachim et, par consequent, I'oncle de la Vierge Marie >.

7. En Angleterre, un autre lieu est associC B une l1gende similaire: Priddy (Somerset). On raconte que le Christ y aurait passe une partie de ses < annies perdues a (entre douze et trente ans); il y serait venu avec Joseph d'Arimathie qui visitait les mines d'6tain de Cornouailles (Coxe, 1973 : 43). A l'inverse, afin de diminuer l'importance de Rome, on racontait que saint Pierre n'y itait jamais allk et que la ville fut, en fait, convertie par des marchands juifs (Corvec, 1993: 475).

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Mgr Marc (2000: 19-21) soutient qu'< un peuple d'origine orientale ou juive vivait en Cornouailles ou ailleurs dans les Iles Britanniques >. Il fait aussi r~fdrence aux nombreux saints celtes qui portent des noms h6breux (comme David, Samson, Daniel...) et < aux similitudes 6tonnantes entre l'hymne de saint Patrick et les invocations h6braiques anciennes >.

Nous avons visit6 la ville de Glastonbury durant l'it6 2000. De ce pass6 glorieux, il ne reste que les vestiges de l'ancienne abbaye. Dans cette ville de 9 000 habitants, magasins et centres New Age abondent depuis les annies 1970, ce qui montre bien la place que la < commercialisation de la spiritualit6 tient dans l'&conomie locale. Le long de la rue centrale (High Street), on trouve une boutique appel6e The Orthodox Way: ce magasin est tenu par un pope, John Ives, habill6 a la maniire orthodoxe (la seule difference 6tant une croix gablique sur sa toque); il vend des objets de culte (cierges, encens, tenues de pr&tre...), des ic6nes et des livres. A c6t6 de la caisse, se trouve une photo du monastire breton (dont il sera question infra). Au cours de la conversation, il nous apprend qu'il &tait pasteur anglican avant de devenir orthodoxe, avec sa femme, en 1994 8.

Bien que sa < paroisse > ne rassemble que cinq convertis, l'orthodoxie est, selon lui, la troisibme ou quatribme religion actuellement en Angleterre (< bien avant les baptistes et les m6thodistes >, ajoute-t-il) et la seule A gagner du terrain. Il pr6cise que la messe est donn6e en anglais, tandis que dans le monastare breton duquel il ddpend, elle est donnde en breton; il exprime son admiration pour ce monastbre. Par ailleurs, il revendique des racines celtiques et &voque une tradition familiale, transmise par son oncle, selon laquelle ses aieux seraient des Bretons venus en Angleterre lors de l'invasion normande; m~me son nom de famille, Ives, serait d'origine celtique 9

A l'arribre de la boutique, au premier 6tage d'un bitiment qui la jouxte, le pope nous conduit dans une longue pibce transform6e en petite chapelle d6di6e a Our Lady of Glastonbury; c'est ici que la messe est c616br6e chaque samedi et dimanche. La ddcoration de cette chapelle n'a pas la richesse et l'6clat que l'on trouve gdndralement dans les 6glises orthodoxes: de simples reproductions d'ic6nes sur papier habillent les murs et I'iconostase. Dis qu'on entre dans la pi&ce, le pope ouvre le rideau qui cache l'autel (geste surprenant pour quelqu'un habitu6 a la tradition orthodoxe grecque...). L'autel est d6cord d'une fresque monochrome repr6sentant la Vierge avec le Christ sur ses genoux; elle est assise sur un tr6ne de bois tress6 rappelant, selon le pope, la l6gende de l'aub6pine de Joseph d'Arimathie. Ce dernier aurait plant6 dans la terre de Glastonbury son baton, qui se serait transform6 en une aub6pine (le Holy Thorn) donnant mira- culeusement des fleurs chaque Noel. Selon Mgr Marc (2000: 8), a cet 6pineux

8. En Angleterre, les clercs protestants sont payes par 'ltat, et sont considirbs, en quelque sorte, comme des fonctionnaires. Mais quand ils se convertissent et abandonnent leur charge, ils perdent du mime coup leur source de revenu.

9. II fait sans doute rif~rence a saint Yves, saint breton du xIIIe sidcle, dont le nom est encore tris r~pandu en Bretagne.

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appartient A une espice qui pousse en Palestine et qui fleurit en hiver >. La botanique sert ainsi de preuve A la venue de Joseph d'Arimathie en Angleterre. Bien 6videmment, cette tradition rappelle aussi la 16gende, selon laquelle saint Joseph fut choisi comme 6poux pour Marie parce que sa baguette avait fleurie. Dans ce cas, la confusion ne se produit pas seulement entre deux personnages homonymes, mais aussi entre leurs fonctions, puisque Joseph d'Arimathie est associd A la mort du Christ et le second B sa naissance. Mgr Marc (2000: 28) 6crit que < certaines statues de Joseph d'Arimathie ayant disparues, furent rem-

plac6es par saint Joseph, l'6poux de la Vierge Marie >. Le r61e de ces r6cits est de renforcer, d'une part, l'importance de Joseph d'Arimathie (fondateur suppose de la petite chapelle Sainte-Marie de Glastonbury) dans la vie du Christ; et d'autre part, la saintet6 du lieu en augmentant le nombre des repires sacr6s.

Dans un deuxiame temps, il faut associer cet endroit embl6matique (qui ne se trouve pas en fait sur une terre celtique, mais en Angleterre) aux r6gions celtiques, afin que la notion d'Pglise celtique et apostolique soit justifi6e. Sur la fresque qui d6core la chapelle orthodoxe de Glastonbury, Marie est entour&e de deux saints: A sa gauche, Joseph d'Arimathie portant le Saint Graal, le suaire du Christ et le brton fleuri, a sa droite, saint Aristobule. Ce saint, peu connu mais tris ancien, est 6voqu6 afin d'assurer le lien entre les d6buts de l'iglise britannique, les origines du christianisme et l'Orient. II aurait &t6 nomm6 6vique d'Angleterre par l'ap6tre Paul10; il serait 6galement l'un des soixante-douze disciples du Christ. La fresque, peinte par un haut membre du monastire celtique orthodoxe d'York, r6sume done les 616ments fondateurs de la < mythologie sacr6e > de Glastonbury.

Sur le mur de gauche, on trouve l'ic6ne de Our Lady of Glastonbury A laquelle la chapelle doit son nom. Le pope nous explique qu'une reproduction fut achet6e en 1997 par un couple d'Ambricains orthodoxes, qui l'offrit a leur 6glise & Atlanta. Quelque temps apris, il requt une lettre racontant que durant

Noel 1997, cette copie avait exud6 du parfum, a l'endroit oii se trouve le brin fleuri d'aub6pine (pr6cis6ment entre les mains de la Vierge et les pieds du Christ). Que la copie d'une ic6ne soit miraculeuse s'inscrit tout a fait dans la tradition orthodoxe : il n'est pas 6tonnant que le pope aime a raconter cette histoire, qui, par la d6monstration directe de la grace divine, l6gitime les choix th6ologiques d'une communaut6 marginale a bien des 6gards. Marion Bowman (2006), qui 6tudie les diff6rents mouvements religieux et New Age A Glastonbury depuis plus de dix ans, fait ref6rence A John Ives et a ce miracle que le pope < extrimement excit6 > lui raconta en 1998. Elle parle aussi de l'aub6pine que le pope avait

plant6e dans le jardin int6rieur de sa boutique (mais il d6m6nagea de High Street

10. Selon les orthodoxes, il existe une r~elle dichotomie entre le monde latin et le monde hellenistique, le premier ayant &td 6vangdlise par saint Pierre et le second par saint Paul. Il est done important pour les < Celtes Orthodoxes > de pouvoir se rattacher aux missions lancies par saint Paul et non saint Pierre.

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peu de temps apris notre visite). En 2001, John Ives participa a la ceremonie annuelle de Noel (effectude depuis 1929) autour de l'aubdpine devant I'dglise anglicane, en presence du maire et des autres reprdsentants des iglises chretiennes (ce qui dtait une nouveautd, dans un effort pour promulguer le dialogue cecum&- nique); chaque annde, le but de la ceremonie est de couper un rameau fleuri de

l'aubdpine et de l'envoyer B la Reine d'Angleterre. En 2005, John Ives ne participa pas A la ceremonie, mais un rameau fut conservd g son intention. Cela montre que Ives, qui reprdsente I'EOC & Glastonbury, est bien intdgrd dans la socidtd locale et qu'il est reconnu comme appartenant A une Eglise canonique " par les autres < specialistes du sacrd >. D'ailleurs, B aucun moment M. Bowman ne se pose la question de savoir si I'EOC est une lglise consider comme canonique par d'autres Eglises, orthodoxes en particulier, cela dtant une question qui relve des relations entre lglises et non de la recherche scientifique.

Revenons sur cette icone de la Vierge, dont la composition est dominde par saint Joseph d'Arimathie B droite et saint Patrick A gauche. En effet, la parti- cularite celtique de Glastonbury est soulignde par la prdsence de saints irlandais qui auraient marquC son histoire tels que saint Patrick, saint Benignus (disciple de saint Patrick), saint Indract, sainte Brigid et saint Columba. Parmi eux, saint Patrick est inddniablement la figure centrale: il aurait dt6 le premier abbd de Glastonbury et enterrd sur place 12 C'est la rdputation de Patrick qui semble avoir attird les autres saints. Ainsi, poussd par le ddsir de visiter la tombe de ce dernier, saint Indract aurait ddcidd de s'arrater dans cette < Seconde Rome >,

, ainsi que s'appelait Glastonbury g l'dpoque g cause du nombre de saints qui

y dtaient enterrds > (Lewis, 1985 : 19). I1 aurait Ct6 ensuite assassind par des natifs tout pros de Glastonbury. Saint David, patron du Pays de Galles, est aussi

reprisentd. Ce dernier aurait dtd incitd par un ange A se rendre g Jdrusalem; le Patriarche l'aurait accueilli chaleureusement et lui aurait offert un autel portable, qu'il aurait ensuite ramend B Glastonbury. Ce lien avec un Patriarcat oriental

11. En juin 2006, John Ives fut invite par la United Reformed Church de Glastonbury pour parler de la relation entre le christianisme et le New Age. Il se pr~senta comme un < archi- pritre de l'EOC > dont la juridiction 6tait certes tres petite & Glastonbury, mais il rappela A son public que < l'glise Orthodoxe est la seconde plus grande tglise au monde >. Ici encore, I'EOC est present&e comme une tglise canonique. Notons igalement que quand Mgr Mael, accompagn6 de l'&v~que Marc, a fait une tourn&e pastorale dans les iles Britanniques en automne 2003, il 6tait B Bournemouth, oui une paroisse de l'EOC est implant&e (sous le nom de saint Joseph d'Arimathie), et il a 6t requ par le maire et le chef de la police de Poole (Sainte Presence, novembre 2003, n. 161, p. 11). Il est clair qu'en Angleterre, cette lglise est mieux intigrie et

accept&e qu'en France, oiu plane sans cesse le soupqon d'avoir affaire A une secte (terme extreme- ment ptjoratif dans notre pays).

12. Selon la l1gende, il y a en fait deux Patrick: apres sa mort, I'ime de saint Patrick d'Irlande alla rencontrer un autre saint Patrick, celui de Glastonbury (appelk Patrick l'Ancien et comm~mor6 le 24 aoiit), parce que les deux saints se seraient promis d'aller au ciel ensemble. Ainsi, du 18 mars jusqu'au 23 aofit, saint Patrick resta entourC par des anges en attendant le d~cis de Patrick l'Ancien. Pour une analyse tris documente de l'existence de ces deux saints Patrick A partir du Ix' si&cle, voir David Dumville (1993 : 59-64).

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prend &videmment toute son importance dans le cadre d'une riappropriation orthodoxe de ces saints celtiques.

Afin de crder une < mythologie sacrie > locale, on 6voque done la venue de personnages bibliques et de grands saints celtiques qui entretiennent entre eux des relations familiales ou spirituelles (de type a maitre-disciple >). Paralldlement, certains saints importants qui n'ont pas visit& Glastonbury de leur vivant sont

amends A le faire apris leur mort: plusieurs recits rapportent la translation de reliques via Glastonbury (Lewis, 1985 : 50-53), nouvel acte qui renforce la sacra- lit6 de l'endroit. Cette construction de < gdndalogies sacrees > et leur ancrage en ce lieu cr6e le sentiment d'une a concentration a continuelle et exceptionnelle de saintete.

ftant donna l'histoire de Glastonbury et son rapport avec les origines du christianisme en Angleterre, il n'est pas 6tonnant qu'une a paroisse a orthodoxe revendiquant des racines celtiques se soit implantbe A cet endroit. Pour les

SCeltes orthodoxes > qui essaient de montrer que leur Iglise britannique puise directement aux sources du christianisme, sans la mediation de Rome, cet endroit devient central dans leur argumentation. Cette paroisse fait partie de I'EOC et, plus pr&cisment, de l'Cparchie 13 de Grande-Bretagne, qui est basde g York. II s'agit d'un autre endroit emblkmatique, dans la mesure ois Constantin le Grand 14

fut proclam6 empereur par son armie A Eboracum (York) en 306.

Le 8 aofit 1999, la cons6cration 6piscopale du phre Stephen, responsable de l'Cparchie de Grande-Bretagne, fit de lui a le gardien du Graal >. Le sermon prononc6 ~ cette occasion fait encore rdfbrence & Joseph d'Arimathie: a Saint Joseph a amen6 avec lui quelques solides compagnons, la Coupe de la Sainte Cane, ainsi que les reliques de sainte Anne, grand-mitre du Christ, qui devint patronne de la Bretagne > 15. La tradition concernant Joseph d'Arimathie est ici remanide afin d'int~grer sainte Anne, personnage qui est a la fois li6 A l'Histoire Sainte et & une region a celtique >. Mais le theme celtique du Graal doit Stre mis en relation avec la religion orthodoxe A laquelle il est pourtant tout A fait &tranger. Ainsi, Mgr Marc (2000 : 6) constate que < de nos iours, la quote du Graal intdresse

13. Dans les tglises orientales, cette subdivision territoriale correspond au diocese de l'tglise latine. Cependant, pour I'EOC, il s'agit de divisions nationales. On distingue cinq tparchies: France (primatiale), Grande-Bretagne, Amirique, Australie et Suisse. Sur le plan bureaucratique, chaque eparchie a son statut propre. Au moment de notre enquite, les 6parchies de Suisse et d'Amerique n'avaient pas d'6v~que, seulement des administrateurs. Selon Michel Raoult, qui se pr~sente comme < docteur en magonologie > (1997: 367), I'EOC aurait environ cinq cents membres actifs en France.

14. Cet empereur est reconnu comme un saint par l'iglise orthodoxe et est fitC avec sa mere, sainte Hl~lne A qui l'on attribue la d~couverte de la croix du Christ. II fonda Constantinople, capitale de l'Empire byzantin, lieu emblkmatique de saintet6 dans le monde orthodoxe et siege actuel du Patriarcat.

15. Page < Homdlie pour la cons&cration de Mgr Stephen >, site < lglise Orthodoxe Celtique, iparchie de Suisse >.

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toujours l'Orient chritien >. Pour le prouver, il se rdfire B une etude du pire Boulgakov sur le sujet et au Patriarche de Constantinople, Ath~nagoras (1882- 1972), qui a aimait se servir du symbole du Graal dans ses rdflexions >.

La valorisation de hauts lieux, tels que Glastonbury, est accompagnde d'une autre d6marche, celle de la restructuration du temps historique. Dans cette r6in- terpr6tation de l'histoire europienne, quatre grands Cvdnements sont &voquds afin d'expliquer la separation progressive entre l'Iglise celtique et l'1glise orthodoxe: le synode de Whitby en 66416; le Concile que Charlemagne organisa en 794 g Francfort-sur-le-Main et son couronnement consecutif par le Pape LUon II1'7; le schisme de 10548 is; et enfin, la conquete normande 19. La definition d'un christia- nisme celtique pr6suppose, en effet, deux opdrations complementaires: minimiser l'influence romaine et rechercher des liens avec l'Orient.

De I'histoire celtique r I'orthodoxie Sur le site de < L'fglise Orthodoxe Celtique, 6parchie de Suisse >, figure une

SConfession de foi >, selon laquelle les d6vots veulent a par respect pour nos trbs illustres et hbroiques pbres celtes, selon la chair et selon l'esprit, assumer

l'h~ritage lgitime de culture et de saintet6 qu'ils nous ont 16gu6 [...] malgr6 les

siicles de romanisation forc6e >. On introduit ici la notion d'un christianisme a originel , dont une forme aurait 6t6 l'ancienne expression occidentale de l'orthodoxie qu'il faudrait maintenant red6couvrir. Renouer les liens avec une structure eccl6siastique avec laquelle on a perdu contact B cause de facteurs extdrieurs, retrouver ses racines perdues devient alors une mission g accomplir, une dette A payer envers ses ancitres. La notion de < lignbe croyante > introduite par D. Hervieu-L6ger (1993 : 119) est ici pertinente. D6finie comme < [...l]'expression visible d'une filiation que le croyant, individuel ou collectif, revendique expressement et qui le fait membre d'une communaut6 spirituelle qui rassemble les croyants

passes, presents et futurs >, elle prend ici le sens d'une filiation biologique, et non plus uniquement symbolique.

Le fondateur revendiqu6 par l'EOC est Jules Ferrette (il est aussi r&clamb par d'autres fglises, comme la British Orthodox Church). Ce dominicain quitta l'glise catholique pour s'Ctablir a Damas dans une mission presbytbrienne irlan- daise. II aurait &t6 ensuite nomme << vique ind~pendant >, sous le nom de Julius,

16. II concernait le mode de calcul de la date de Piques, le but etant de faire accepter le calcul romain. La r~forme mit plusieurs dizaines d'annies A 8tre acceptie.

17. Ce concile a impose la rkgle de saint Benoit dans les monastdres et le module romain, tout en supprimant les usages liturgiques locaux.

18. On considere en fait que c'est le patriarcat romain qui < s'etait &cart6 de l'unit6 de

l'tglise par la separation de 1054 > (pare John Ross, 1999 : 15). 19. Cette conquete se deroula en trois temps: en 1066, conquate de l'Angleterre; puis,

plus progressivement, conquite du Pays de Galles; enfin, en 1171, conqu~te de l'Irlande.

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QUAND LES CELTES DEVIENNENT ORTHODOXES - 87

par le m6tropolite 4ecum6nique de l'Pglise orthodoxe syrienne en 1866 20 : < En choisissant l'ile d'Iona 21 comme siege 6piscopal, Mgr Ferrette se plagait directement dans la tradition spirituelle de l'Eglise celtique. [...] Le siege d'Iona qui ne fut jamais un siege 6piscopal 6tait, pour l'6v~que Ferrette, le symbole d'une orthodoxie occidentale d'origine apostolique qui ne fut jamais mil6e aux divisions de l'Iglise >

(pare Marc, 1995 : 75).

Au coeur de ce renouveau initi6 par Jules Ferrette, on trouve une distinction entre caractere et filiation apostolique. Si I'EOC 16gitime son caractbre apostolique par la venue de Joseph d'Arimathie en Angleterre, elle reconnait pourtant que la filiation directe s'est interrompue avec la perte d'autonomie des Pglises celtiques et leur soumission B Rome. C'est pourquoi la filiation avec le Patriarcat syrien d'Antioche fut utilis6e pour renouer avec un siege apostolique autre que Rome, tout en gardant son ind6pendance. Ainsi, le site < 1glise Orthodoxe Celtique, 6parchie de Suisse contient-il une page intitul6e < Lign6e des patriarches de

l'Pglise syrienne d'Antioche jusqu'en 1866 >, dans laquelle on trouve la liste des patriarches d'Antioche, depuis l'ap6tre Pierre jusqu'd Mar Ignatius Pierre III22 (celui-li mime qui aurait consacre Jules Ferrette en 1866). L'appropriation de cette lign6e a permis a L'EOC d'acqu6rir une double profondeur historique: lier l'h6ritage occidental, en particulier celtique, qu'6voque la 16gende de Joseph d'Arimathie, avec la tradition orthodoxe et orientale repr6sent6e par le Patriarcat d'Antioche.

Le rattachement g une lglise orthodoxe traditionnelle a une efficacit6 non seulement symbolique, mais aussi pratique. Le but est de se voir transmettre la cons6cration 6piscopale de maniere canonique, c'est-a-dire par l'imposition des mains d'un 6vique cens6 reproduire le geste des premiers ap6tres. Tel fut le cas pour l'EOC. Apris des siacles de rupture, la continuit6 de la lign6e 6piscopale n'6tant plus assur6e, elle a dii avoir recours a une autre Eglise pour renouer le fil de la succession23. Une fois cela accompli, elle a pu revendiquer un statut d'autoc6phalie 24 puisqu'il est toujours pr6cis6 que J. Ferrette fut ordonn6 comme

20. Il semblerait qu'il n'ait jamais pu pr6senter de preuve de cette ordination. De plus, en 1958, le patriarcat syriaque a niC toute validite aux ordinations de la succession Ferrette (Anson, 1964: 250). Enfin, quand le < Patriarche de Glastonbury > (autrement dit le chef de la British Orthodox Church), dont d6pendait I'EOC, a rejoint I'tglise copte en 1994, celui-ci a 6t6 ordonn6 pritre et consacr6 Cvique (sous le nom de Seraphim de Glastonbury), car la succession apostolique dont se r6clamait I'EOC n'etait pas reconnue par les coptes.

21. Cette ile au large de l'Pcosse, dont le monastere fut fonda par saint Columba au vIe siacle, est toujours consid~r~e comme un haut lieu de la < spiritualite celtique >. Le Primat actuel de l'EOC porte encore le titre d'< &vique titulaire d'Iona >.

22. Le titre eccl6siastique de Mar est traditionnellement attribue aux &viques syriens, et signifie < Monseigneur >. Il sera utilis6 par les successeurs de J. Ferrette.

23. Selon P. Erny (1993 : 468), la question du rattachement a une Eglise 6tablie est importante, car il faut au moins deux 6viques cons&crateurs pour sacrer un nouvel &vique, selon le droit canonique orthodoxe. Et il faut trois eviques pour former un synode autonome.

24. Danidle Hervieu-L6ger (1987: 146-148) rappelle que les communaut6s charismatiques du Renouveau essaient de maintenir des liens avec l'episcopat et d'obtenir de la hierarchie un statut canonique, tout en d6fendant leur droit a I'autoregulation.

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&vique inddpendant. En effet, apris avoir atd dlev6 au rang d'Cv~que, J. Ferrette se rendit en Grande-Bretagne, ois il consacra en 1874 le premier Patriarche britannique: celui-ci 6tait non seulement un pasteur de l'Iglise anglicane, mais aussi un barde gallois. Lors de son ordination, il prit le nom 6loquent de Mar Pelagius I25 (Raoult, 1997 : 119).

L'itinbraire confessionnel du pire &cossais John Ross, tel qu'il est sugg&r6 dans son texte The Orthodox Family diffuse sur Internet, illustre bien la nature instable et h6sitante de ces noyaux d'orthodoxie en Occident, formis par des convertis < indigines >. Leur survie d6pend largement de la l6gitimit6 qu'une Eglise orthodoxe < traditionnelle > accepte de leur offrir, ou d'alliances avec d'autres groupes similaires. Ainsi, dans sa preface, J. Ross explique qu'avant de se convertir A l'orthodoxie en 1989, il 6tait pasteur de l'iglise 6piscopale d'Ecosse. En 1993, l'Eglise catholique orthodoxe de France 26 (au sein de laquelle il fut ordonn6 pope) fut reni6e par 1'lglise roumaine qui l'avait prise jusque-li sous sa juridiction. II se trouva alors < sans abri > (homeless), " non canonique a

(uncanonical) et isol6. C'est A ce moment qu'il s'est rattach6 A la British Orthodox Church. En 1994, J. Ross a contribu6 g instaurer le dialogue entre cette tglise et le Patriarcat copte. Mais, apris son rattachement au Patriarcat copte, la British Orthodox Church a commence de perdre son identit6 : le processus de ( coptici- sation a qui s'est mit en place a amend plusieurs clercs et laics (voulant garder les traditions du christianisme celtique) g l'abandonner. Ces personnes se sont alors trouv~es temporairement < dans la nature a (in the wilderness), jusqu'au moment oh Mgr Mael, le primat actuel de l'EOC, leur a propose de le rejoindre. Le parcours du pare John Ross l'a done mend non seulement d'une Eglise a l'autre, mais aussi dans un domaine oi les frontiires entre ce qui est < canonique > et ce qui ne l'est pas peuvent changer A tout moment.

L'dlaboration d'une structure ecclesiale qui se veut, en mime temps, indigene (like A l'histoire occidentale) et orthodoxe, suscite la mdfiance et est envisag&e avec r&icence par les hierarchies eccl~siastiques en place qui peuvent y voir une perte d'adeptes et done d'importance. Ce qui est pergu par les adeptes comme un caractbre r~formateur est consid&rC par les Iglises traditionnelles comme une source d'illkgitimit6. A l'int~rieur de l'EOC, ce sentiment d'instabilitC prevaut. Lors des discussions sur le statut des paroisses en 2002, s'est pose le problame des reliques : A la mort d'un pritre poss~dant des reliques, il fallait organiser que celles-ci reviennent A l'lglise et non a ses hiritiers; il fallait igalement trouver

25. P61age, que l'on suppose d'origine britannique, pricha au ve siicle pour la puissance du libre arbitre, doctrine iug6e hiritique t laquelle s'opposa saint Augustin.

26. Comme I'EOC, cette iglise est accus6e de recruter dans des < milieux se disant 6sotbristes ou occultistes > (Erny, 1993 : 470). L'auteur soutient que les influences de cette eglise sont trop < orientales > (grecques ou russes) et son caractire autochtone reste encore 6thir6 (ibid.: 471), mime s'il est tras admiratif de la vieille liturgie des Gaules qu'elle a restaur6e.

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une solution pour que les reliques restent au sein de I'EOC au cas oiu un pr~tre d&ciderait d'intigrer une autre Eglise, ou de faire scission27

Une position marginale est souvent revendiqu6e. Les membres de cette tglise ont une certaine pr6dilection pour des r6firences contest6es, comme P6lage et les fglises pr6chalc6doniennes 28. Selon un membre de la paroisse de Paris, les d6vots parisiens ne possident pas de lieu de rencontre et se retrouvent uniquement pour la messe: < On a toujours v6cu dans les cavernes >, nous dit-il. A une autre occasion, il d&clare en plaisantant que quand cette tglise sera construite, il partira : < Une fglise est quelque chose de toujours en construction >. Ces personnes se

pergoivent souvent comme les fondateurs de leur fglise, h l'image des premiers temps du christianisme. Ils cherchent g retrouver ce qu'6tait la premiire commu- naut6 de J6rusalem : < C'est I notre quote du Graal >, nous dit-on. Ces associations, plus ou moins explicites, leur permettent d'assumer tant les reactions negatives A leur 6gard, qu'une mission A part.

Huit patriarches se sont succid6s A la tate de ce renouveau contemporain des Iglises celtiques de confession orthodoxe. Mais l'histoire du monasttre breton de la Sainte-Pr6sence & Saint-Dolay n'est pas li6e g un patriarche, comme nous le verrons, mais A un ermite.

La fondation d'un monast re La biographie de cet ermite, dont le nom civil &tait Jean-Pierre Danyel, diffbre

selon les sources: selon la biographie qui circule au sein de l'EOC (phre Marc, 1996 : 23-26), il est nC le 22 juin 1917; ses parents l'abandonnent et il est place B l'Assistance publique avant d'etre recueilli par ses grands-parents, ou sa tante, Sl'ige de cinq ans. Prisonnier de guerre, il est lib~rb en 1945 dans un &tat de sante grave. C'est au cours de son internement qu'il aurait trouv6 la foi, grice B un pasteur ivangiliste belge. II se retire done dans un monastbre (catholique) : < Il est convaincu que Dieu l'appelle au sacerdoce, mais selon les canons romains, il ne peut pas 8tre pr~tre parce qu'il est n6 de parents inconnus29. A l'Cpoque, c'6tait une rigle canonique incontournable > (ibid. : 23). I1 est finalement baptis6 en mai 1949 dans l'Eglise orthodoxe (sans plus de pricisions, on ne sait donc

27. Nous nous trouvons en presence de communautis dont les frontibres, autant que les membres, sont extr~mement fluctuants. En 1994, il y avait eu scission entre I'EOC et la British Orthodox Church quand cette derniare a d~cid6 de se rattacher A la Coptic Orthodox Church. De mime, en 1998, soit trois ans apris sa consecration par Mgr Mael, Mgr Victrice (6v~que de l'tparchie de Suisse) d&cida de quitter cette lglise pour rejoindre l'glise copte franlaise.

28. Ce qui unit ces tglises est leur rejet de la definition christologique du concile de Chalcidoine (451): elles ne reconnaissent que les trois premiers conciles, Niche (325), Constantinople (380) et

lphase (431). Aujourd'hui, certains thtologiens orthodoxes soutiennent que cette premiere fracture au sein de l'tglise n'6tait due qu'Q des differences de formulation.

29. On relkvera ici une petite incoherence : comment peut-on 8tre < nd de parents inconnus >,

et avoir iti recueilli par ses grands-parents ou sa tante ?

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laquelle), puis, en mai de la mime annie, il regoit la cons&cration monastique. Ordonni pr~tre au sein du Patriarcat de Glastonbury en 1953, il se retire, en 1955, dans une cabane, au fond d'un mar~cage, sur les lieux de l'actuel monastire de la Sainte-Prbsence. Selon Catherine Corvec (1993 : 474), cet endroit rappelle les marais de Glastonbury, < la Jerusalem d'Occident >. Le choix de ce lieu - un < paradis celtique > faisant le a trait d'union entre l'ancienne religion druidique et la l6gende arthurienne > - n'aurait pas 6td uniquement motiv6 par la similitude des deux paysages, mais aussi par la volont6 a de rebretonniser cette partie de la Bretagne oi l'on parle le frangais depuis le douziime siacle30a (Corvec, 1993: 478).

Deux ans plus tard, en janvier 1957, l'ermite regoit la consecration ipiscopale 31 et prend alors le nom de Tugdual, I'un des sept saints fondateurs de Bretagne. II meurt le 11 aofit 1968, a l'ige de cinquante et un ans, pratiquement seul; cependant, il aurait proph6tis6 g deux personnes que dix ans apris sa mort, il y aurait sur les lieux de son ermitage un monastire pour continuer son oeuvre. C'est le 4 octobre 1977, a la dixiame annie de sa mort, sans avoir eu connaissance de cette proph6tie > (pare Marc, 1995: 78), que trois moines viennent s'installer au mime endroit. L'ermite-fondateur sera canonis6 par l'EOC le 11 aofit 1996.

Le fait que l'effort pour faire 6merger un pass6 celtique oubli6 passe par la mediation d'un ermite s'accorde avec l'id~e selon laquelle les Iglises celtiques doivent leur caracttre distinct au developpement du monachisme. Les < Celtes orthodoxes > ne manquent pas de rappeler qu'g la suite de Jules Ferrette, Tugdual est bien le second refondateur de l'glise celtique car : a [...] on ne peut concevoir l'eglise celtique sans cette formidable impr6gnation de la spiritualit6 monastique a

(pare Marc, 1995 : 76). Le monachisme marquerait done la difference entre un moddle continental et des pratiques celtiques, tout en rapprochant ces derniares de l'id6al oriental 32

De l'igypte et la Syrie a la Russie et Byzance, les r6f~rences orthodoxes sont diversifi6es et concomitantes; et elles nourrissent tant les discours que les pra- tiques de l'EOC. En mars 2003, et pour la troisibme ann6e cons&cutive, les

30. Linguistiquement, la Bretagne est divisie en deux parties : dis le xlIe siecle, on ne parle plus breton qu'8 I'ouest d'une verticale passant par Saint-Malo et Dinan. Mais A cette division geographique, il faut ajouter une division sociale, puisque dts le xIIe siecle aussi, les classes dirigeantes parlent frangais.

31. Cons&cration effectu&e par trois Cv~ques appartenant a de < petites >> glises orthodoxes :

Mgr Ir~nbe (Charles Borromte d'Eschevannes), primat de la Sainte Iglise catholique gallicane autocephale, assiste de Mgr Julien Erni, 6v~que de Bienne du Sidge Ecclesial (Ecumenique, et de Mgr Eugene de Batchinsky, hvique titulaire de Berne et Gentve de la Sainte tglise orthodoxe ukrainienne conciliaire autoc~phale en exil.

32. Le caractbre monastique et suppose non hierarchique (en ce sens plus proche du stirio- type orthodoxe que catholique) des tglises celtiques a CtC longtemps accrtditi par la recherche. Ce n'est que depuis quelques annies que la pertinence de ce moddle est remise en cause, voir C. Etchingham (1999).

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QUAND LES CELTES DEVIENNENT ORTHODOXES - 9I

moines du monastare breton sont allds en Egypte pour leur retraite annuelle. Pris du monastire de Saint-Antoine, ils ont retrouvb le manguier que Mgr Mael avait plant& l'ann6e pr6cedente et qu'il a arros6 avec une bouteille d'eau du puits de Saint-Dolay (Sainte Presence, 154-155, avril-mai 2003, p. 10). Cette offrande symbolique d'eau bretonne 33, destin6e A fertiliser la terre d6sertique d'igypte, prend un autre sens quand on sait que Tugdual faisait boire aux visiteurs qui venaient solliciter son intercession l'eau du puits de son ermitage, qu'il considdrait comme miraculeuse (pere Marc, 1996: 24). Mgr Mael a 6galement offert une relique de saint Tugdual a l'abb6 du monastare de Saint-Antoine : << Ainsi, le lien est dtabli entre nos deux monastdres grace A la pr6sence de notre fondateur dans ce lieu que tous les moines regardent comme le premier monastire de la chrdtientd > (ibid.: 11). En fait, le destin du saint fondateur et du groupe sont dtroitement lids, I'un valorisant l'autre selon les circonstances : l'ermite ne devient saint que grace h la d6votion des membres de cette Aglise; quant f l'Pglise, elle peut, d'une part, se prdvaloir d'un saint dans ses rangs, et, d'autre part, manipuler ses reliques (et les substances que le saint a touch6es ou consacr6es) afin d'dtablir des relations avec d'autres Eglises.

Saint Tugdual constitue la rdfdrence centrale qui soude cette communautd. Dans une lettre dcrite g l'occasion de l'ouverture du rassemblement de l'Pglise, en aofit 2002, Mgr Mael (alors igd de soixante-dix-neuf ans) se pr6sente en tant que membre de cette Eglise depuis quarante ans, pritre depuis vingt-huit ans, dvique depuis vingt-deux ans et primat depuis sept ans. Il fait aussi rdfdrence A un autre ancien de l'Pglise, le pdre Gildas, pritre doyen depuis trente-cinq ans et le seul de l'assembl6e a avoir connu personnellement saint Tugdual : , Je n'ai dtd qu'en correspondance avec lui et n'ai pas eu la chance de le connaitre en personne. Cependant, c'est A moi qu'ont 6t6 adressdes ses dernidres lettres avant sa naissance au ciel (Sainte Prdsence, 147, septembre 2002, p. 5). Une fois ce

synode termind, les participants se sont accord6s pour dire que l'esprit de saint Tugdual dtait pr6sent au cours de ces journdes. Il ne faut pas pour autant croire que le saint fondateur n'est dvoqu6 que lors de grands rassemblements ou de voyages B l'6tranger. Dans son dditorial (Sainte Presence, 152, fdvrier 2003), Mgr Marc pr6sente les sources sur lesquelles les membres de cette Eglise s'appuient pour reconstituer la spiritualitd du christianisme celtique, parmi lesquelles se

33. Une association humanitaire < Presence > a eti crie en 1997, et bien qu'il n'y soit fait nulle part mention de I'EOC, elle en est bien 6videmment une emanation (mais cela n'a rien d'exceptionnel puisque chaque lglise, grande ou petite, genere ce type d'associations). Cette association semble plus particulirement active au Caire, en Egypte, oil elle participe A l'amina- gement d'un h6pital. On ne peut s'emp&cher de voir 1I un autre moyen d'&tablir et de renforcer les liens entre les membres de l'EOC et cette < source d'orthodoxie > qu'est I'ligypte. Par ailleurs, la dimension caritative ne peut que cridibiliser l'tglise elle-mime. Plus g~neralement, les socio- logues des religions ont montr6 que, dans un monde largement s~cularis6, les actions caritatives des tglises restent un de leurs derniers points d'ancrage 1lgitimes au sein de la sphlre publique.

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trouvent principalement les 6crits et l'esprit < de saint Tugdual et de saint Frangois d'Assise ,> 34

Comment cette 1glise est-elle pergue dans la r6gion ? Selon un informateur habitant Rennes, Jean-Pierre Danyel (qui allait devenir Tugdual) commenga son parcours par le s6minaire, d'oil il fut expuls6, puis essaya sans plus de succes de devenir pasteur. Ce serait ces echecs successifs qui l'auraient finalement conduit A l'orthodoxie3s. Une fois ivique, il aurait d&cid6 d'ordonner comme pritre orthodoxe toute personne qui resterait trois jours au monastire ; on ne sait done pas combien de pritres Tugdual aurait ainsi pu ordonner36. La question des conversions est ici maximalis&e et ridiculis~e : le fait de lui attribuer une s&rie de

conversions successives et superficielles, I travers toutes les confessions chretiennes, permet de discr6diter non seulement la sinc&itC de son choix, mais aussi le choix de l'orthodoxie pr comme l'option la moins < s&rieuse >.

A ce sujet, un fiddle de I'EOC, vivant pros de Morlaix, nous a racontC que l'&v~que de Vannes fit placardC dans toutes les 6glises du diocese un avis interdisant aux fiddles d'assister aux services de cette tglise. Cependant, le pritre catholique d'une commune voisine vint assister a une de ses c6r6monies; le phre Marc lui aurait alors demandi s'il voulait officier avec lui: il aurait refus6, mais acceptC de communier. Ce r&cit est int&ressant parce qu'il v6hicule, d'une part, le senti- ment de pers&cution des membres de cette Eglise; et, d'autre part, il souligne la difference entre une hibrarchie ecclksiastique hostile (en la personne de l'6v~que de Vannes) et un bas clerg6 amical. Ce fiddle a 6galement conscience que son 1glise rencontre des difficultis avec les Eglises orthodoxes traditionnelles : il nous a parlk d'un ami avec qui il avait fait le pdlerinage A pied jusqu'g Compostelle dans les annies 1980. Puis ils se sont perdus de vue. Pendant qu'il dicouvrait I'EOC, son ami faisait un pilerinage en Terre Sainte a la suite duquel il s'est converti g l'orthodoxie, puis a 6t6 r6cemment ordonni pr&tre d~pendant du Patriarcat de Constantinople. Lors de leurs retrouvailles, I'ami s'est montr6 tres critique vis-a-vis de I'EOC qu'il considare comme n'itant pas canonique, en

consequence de quoi il refuse de donner la communion A notre informateur. Sa

34. A l'instar de la construction de < gen6alogies sacries > pour les saints de Glastonbury, on peut observer une operation parallle, celle de la < celtisation > des grands saints europbens postdrieurs au Schisme (en consequence de quoi ils ne sont pas v~neres par les tglises orthodoxes traditionnelles). C'est le cas pour saint Frangois d'Assise (auquel on trouve d'innombrables references tant dans les textes que dans l'histoire de I'EOC), sainte Hildegarde de Bingen ou saint Nicolas de Fliie (auxquels sont consacries deux contributions dans les actes des colloques organis6s au monastre de la Sainte-Prisence en 1995 et 1997).

35. Ce qui est pr6sent6 ici comme une succession d'&checs, trouve une tout autre connotation dans 1'"< hagiographie > des < Celtes Orthodoxes >> : < Il se plonge alors dans l'6tude des trois

theologies: protestante, catholique et orthodoxe > (phre Marc, 1995 : 76). D'autre part, nous avons vu que son < echec > au s~minaire &tait pr~senti comme le r~sultat d'une < rigle canonique >

au sujet des enfants nis de parents inconnus et non d'un &chec personnel. 36. Pour sa part, Anson (1964: 314-315) estimait les effectifs du mitropolitat de Dol,

mend par < Sa Blancheur Tugdual Ier , ,

dix iv~ques et deux ou trois laics.

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conclusion est que si son ami avait ddcouvert l'EOC avant son pilerinage en Terre Sainte, il serait aujourd'hui g leurs citds, < parce qu'il est breton, il enseigne dans une dcole Diwan et s'int~resse au passd celtique a.

Qui sont les membres de cette Eglise ? Ce jeune homme de Morlaix dtait un de ceux qui circulaient pieds-nus (pour a son confort personnel a...), avait les cheveux longs et une apparence assez baba-cool. Il s'est fait baptiser dans I'EOC, avec pour marraine sa sceur, une catholique croyante. Lors de notre rencontre il dtait lecteur (grade des ordres mineurs). Avec d'autres fiddles de Morlaix, ils construisaient une eglise < avec leurs mains a qui, une fois terminde, devrait 8tre consacr6e par les moines de Saint-Dolay. Pour lui, la rifdrence celtique est aussi importante (si ce n'est plus) que la rdfdrence orthodoxe.

Mais ce n'est pas toujours le cas: une femme originaire de Tarbes, icono- graphe, venue dans cette

Eglise par son amour pour la peinture d'ic6nes. On lui demande de a celtiser > l'art des ic~nes mais elle trouve cette tache difficile parce qu'elle a appris l'iconographie selon les principes byzantins. C'est elle qui a notamment rdalisd l'icbne de saint Tugdual exposde dans l'dglise de Saint-Dolay. Elle nous explique que ses ic6nes sont plut6t de type copte, plus << naives >, plus proches de l'art populaire que les ic~nes byzantines; elles sont aussi entourbes d'entrelacs celtiques. Pour une femme de Vannes, qui fait partie de la paroisse de Saint-Dolay avec son second mari (ils se sont marids dans l'EOC) et ses enfants 37, I'orthodoxie est aussi plus importante que la rdfdrence celtique. Elle dit apprdcier tout particulibrement la relation avec les saints que l'Iglise orthodoxe privildgie (elle est sous la protection de la Vierge, un de ses enfants sous celle de saint Joseph et I'autre sous celle de saint Frangois). Une autre femme, la tite toujours couverte, ddclare qu'elle dtait catholique et voulait le rester, mais qu'elle se sent a chez elle > b I'EOC. Ayant voyagd g Jdrusalem et au Liban, elle dit apprdcier la liturgie orientale. Elle avoue avoir failli devenir integriste A la suite de Vatican II avant d'avoir compris le sens de cette rdforme. Une autre femme, depuis vingt ans dans I'EOC, a quitti Paris pour s'installer dans une commune voisine afin de pouvoir assister tous les jours a la liturgie du monast&re.

Pour la plupart d'entre eux, la participation A I'EOC est associde B leur envie de participer A des rituels religieux forts de sens et dlabords. Les membres de

37. Dont un gargon de 19 ans qui vient camper ici et part en vacances avec d'autres jeunes de la paroisse. Cette annie-li, ils pr~paraient leur voyage en Irlande. Ces voyages retracent a chaque fois le parcours d'un saint, c'est ainsi qu'ils ont refait celui de saint Colomban en Europe. Ils partent pratiquement sans argent, et font des spectacles ou jouent de la musique dans la rue pour subvenir A leurs besoins. Ils sont souvent accueillis par le clerg6 d'autres Eglises et c6l1brent la messe dans des lieux emblimatiques (comme la chapelle situie au sommet du Croagh Patrick en Irlande) apris en avoir demande l'autorisation. Leurs aventures sont relaties dans la revue Sainte Prisence, dans des textes portant des titres comme < Entre les mains de la Providence a (novembre 2003, n. 161, p. 7). Par ailleurs, nous avons rencontr6 & Saint-Dolay un autre jeune homme, lui aussi pied-nus en permanence et qui avait fait, I pied, le pilerinage de Compostelle et celui de Jerusalem (qui a duri plus d'un an).

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I'EOC ne viennent pas tous chercher la mime chose: certains privilkgient les racines celtiques, d'autres sont plus sensibles a l'Orthodoxie. Ce balancement entre celtisme et orthodoxie d6passe largement le cadre des pr~fdrences individuelles pour s'inscrire dans l'histoire et le d6veloppement de I'EOC, dont les relations avec les mouvements nio-druidiques semblent fluctuer avec le temps38. Cela explique, en partie, les avis divergents exprimbs g leur 6gard.

Marhic et Kerlidou (1996: 28) rapportent que cette iglise < c6lkbre un rite orthodoxe occidental milant croix celtique, tribann, triskile 39 et croix grecque... >.

Adoptant une attitude ironique, ces auteurs n'hisitent pas g caractdriser l'EOC de pseudo-chr&tienne et n6o-paienne (ibid.: 188). Catherine Corvec associe la naissance du monastere breton aux ndo-nazis du journal La Bretagne reelle, ath6es et nbo-paiens et qui voulaient provoquer - une nouvelle prise de conscience du fait breton par la religiosit6 > (Corvec, 1993 : 473 et 478)40. En ce qui concerne l'ermite de Saint-Dolay, elle rapporte qu'il < c6k1bre des liturgies tout nu et se coiffe d'un panier A pain ou d'une passoire en guise de mitre, pour provoquer les journalistes > (ibid.: 474). En revanche, Jean-Frangois Mayer (qui se r6f&re, entre autres, au monastare breton) et Pierre Erny adoptent une attitude moins critique, en acceptant mime que << comme "mythe mobilisateur", I'id6al d'un rite orthodoxe occidental ne manque pas de force > (Mayer, 1997: 211). Ces

diff6rentes appr6ciations montrent bien que ce mouvement religieux est sujet de controverse, non seulement pour les Eglises, mais aussi pour les < sp6cialistes >.

Entre syncr6tisme et traditionalisme Dans leur effort pour valider et imposer le pass6 qu'ils ont recomposd comme

une alternative chritienne, les < Celtes orthodoxes > font appel au mouvement aecuminique 41, consid~rant que ce dernier contribue A l'ouverture d'un dialogue

38. Pour donner un exemple pr&is de ce balancement, en 1967, Mar Georgius I (patriarche de Glastonbury et sixiime Patriarche britannique) consacra Iltud, de son vrai nom Michel Raoult (1997), m~tropolite de l'Eglise celtique de Bretagne (anc~tre de I'EOC). Ce dernier confera une ( initiation sp&ciale > g trois moines demissionnaires de cette Iglise celtique pour fonder l'Ordre monastique d'Avallon (qui se voulait non chr&tien). Puis, en 1974, deux anciens de cet Ordre fondbrent la Fraternit6 des Druides d'Occident. Iltud quitta cette lglise en 1979, deux ans apris la fondation du monastbre de Saint-Dolay. Tout laisse supposer que c'est A ce moment qu'un premier mouvement vers l'orthodoxie se met en place, qui correspond aussi a

une diminution de l'influence druidique sur cette tglise. 39. Le tribann est un symbole repr6sentant trois lignes verticales 16gbrement resserries vers

le haut, couramment utilis6 et arbor par les n6o-druides. Quant au triskale, il est constitui de trois branches spirales. Les deux sont associ6s A toutes sortes de triades symboliques.

40. On retrouve dans un grand nombre de publications des mouvements nationalistes bretons l'id6e d'une opposition fondamentale entre , l'ame celtique > et la latiniti. Dans ces circonstances, I'alliance entre panceltisme et pangermanisme se fait d~s les annies 1920 (Morvan, 2002: 173, 200, 215-216 notamment).

41. Les < Celtes Orthodoxes > se prisentent comme un mouvement d'envergure europ&enne, voire occidentale. Leur tendance a privil6gier le dialogue cecum6nique v&rifie l'hypothbse d'un

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QUAND LES CELTES DEVIENNENT ORTHODOXES - 95

interreligieux. Sans doute cela permet-il aussi de l6gitimer certains des emprunts faits a d'autres Eglises, tout en d6samorgant certaines critiques que l'on pourrait leur adresser quant B la canonicite de I'EOC. Dans Sainte Presence (156, juin 2003, p. 10), les &hanges cecuminiques entre les jeunes de cette Eglise et

, nos

frbres protestants a sont d&crits. Durant leur voyage en Angleterre, les jeunes Frangais visiterent Glastonbury oi ils assist~rent I une messe donn&e par le pare John Ives, mais aussi aux vapres dans la cath6drale de confession anglicane de Salisbury et a un culte evangl61ique.

En mime temps, les < Celtes Orthodoxes > 6voquant la crise de la foi en Occident, critiquent les changements op6ras par Vatican II et les < exces > du Protestantisme 42. Si le traditionalisme est une qualit6 de l'orthodoxie que l'on ne cesse d'exalter, il est aussi son point faible qui rend difficile l'approbation de ces nouvelles tendances occidentales. Ainsi, John Ross (The Orthodox family) d6sapprouve le refus des Orthodoxes de l'Est de permettre l'utilisation des langues occidentales dans la liturgie, tout en justifiant cette attitude qu'il attribue a leur peur d'8tre < contaminds > par les h~rdsies que ces convertis occidentaux risqueraient d'amener de leurs Eglises. En 6voquant le probleme de la perte d'identiti, il critique les convertis britanniques qui adoptent un pseudo-accent russe (<< comme si cela leur permettait de devenir plus Orthodoxes! >>) ou des

pr~noms grecs (comme a Pancratios Macpherson a ou ,

Xenia Brown >). Selon lui, les convertis occidentaux sont traites comme des < citoyens orthodoxes de seconde zone >, sauf s'ils se mettent a imiter < les manibres russes, grecques ou d'une autre culture 6trangere >. Ces critiques d~signent bien les limites de < l'entreprise syncr~tique >, au-deli desquelles on risque la dilution de sa sp&ificitb.

Le discours des ,

Celtes orthodoxes > oscille entre la ndcessiti de preserver la tradition intacte et le souhait que chaque peuple puisse developper sa propre expression religieuse. Des contradictions de ce genre d~finissent egalement I'image des Celtes qu'6rudits et folkloristes ont forg~e. On les considere a la fois comme extr~mement conservateurs vis-A-vis de leurs traditions et comme les meilleurs repr6sentants de certains traits de la modernit& (en les qualifiant d'6cologistes, feministes et individualistes). Les populations contemporaines, qui revendiquent une identit6 celtique, sont cens~es avoir integr6 et conserve, a travers les siicles, des elkments pailens dans leur pratique chr6tienne; elles se veulent

certain nombre de sociologues des religions qui soulignent l'articulation de l'entreprise cecum&- nique et de la construction de l'identit6 europ~enne. Comme le dit Jean-Paul Willaime (2004 : 76) : < la construction de l'Europe est oecuminogine [...] mais elle engendre aussi des processus de reconfessionnalisation >. Ce qui est vrai aussi pour les < Celtes orthodoxes > qui recrutent essentiellement parmi les protestants et les catholiques.

42. I1 peut sembler surprenant que des orthodoxes << reformistes > (au sens oil ils souhaitent adapter l'orthodoxie A des convertis occidentaux et, dans ce cas precis, a une religiosit6 < celtique >) critiquent les tendances r~formistes des catholiques et des protestants. Mais, il faut se souvenir qu'ils presentent leur mouvement comme un retour aux sources, et non comme une innovation.

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d~tentrices de valeurs que l'Occident, dans son d&veloppement matirialiste, est en train de perdre. Ainsi que le disent D. Hervieu-L~ger et G. Davie (1996 : 286), < [...] les mouvements de renouveau religieux sont done des analyseurs de la modernitC occidentale [... et ...] la protestation socioreligieuse implicite ou explicite dont ils sont porteurs constitue, en creux, un rvdlateur des tendances de la modernit6 elle-mime >.

C'est I cause de la < d&cadence > progressive de la civilisation occidentale (par perte de sa < celticite ,,) que le rapprochement avec l'Orient devient n&cessaire, mime si cela est pr6senth comme un retour et non une innovation. De ce point de vue, les Celtes repr~sentent A la fois la quintessence de l'Occident et I'opposi de ce que cet Occident est devenu. La rdf~rence aux Celtes permet de considirer ce qui est positif dans la moderniti comme &tant ancien, c'est-g-dire celtique. Cette inversion des registres du temps, oi le present est disqualifid et le passe pr~sentC comme la seule source d'un futur souhaitable, constitue une fagon de dire que < nous avons toujours 6t modernes >, et que l'oubli de l'h~ritage celtique marquerait la fin d'un modernisme 6clairC. Pour les < Celtes orthodoxes >, la solution aux problkmes poses par la modernit& se trouve non A l'Est, mais aux sources mimes de l'Occident, c'est-B-dire dans l'hiritage celtique dont les affinitis avec la spiritualit6 orientale doivent &tre rbappropribes. Toutes ces contradictions sont mani~es afin de transformer l'exotisme du christianisme oriental en une

qualit6 autochtone.

Le mouvement des < Celtes orthodoxes > ne doit pas &tre r~duit I une simple variante du renouveau de la spiritualiti celtique. Il reflite aussi l'intirit croissant que l'orthodoxie suscite dans les pays occidentaux. La tendance gindrale est, dans ce cas, de ne pas reproduire simplement le moddle oriental, mais de l'adapter aux rialitis locales. Pour les < Celtes orthodoxes >, le d&tour par l'orthodoxie permet de nier les structures hig~moniques non seulement religieuses, telles que l'autorit6 romaine, mais aussi politiques, telles que la domination &tatique anglaise ou frangaise sur des regions < celtiques >, afin de se ressourcer aupris d'un passe id6alisC. Ces associations ne prennent pas en compte certaines analyses

pr~sentant I'orthodoxie comme lide A l'exercice d'un pouvoir politique autoritaire et imperial (se rif~rant A l'Empire byzantin et g la Russie).

Il existe, pourtant, un certain nombre de convertis occidentaux qui ne sont pas attires par le Celtisme. Pour eux, le d~veloppement de ces nouveaux discours - quand ils restent moderns - constitue une occasion unique pour l'orthodoxie d'entrer dans la moderniti occidentale, de quitter < le cocon oriental, byzantin et slave, qui fut pendant des si&cles et son refuge et sa prison a (Behr-Sigel, 1998: 37). L'Occident est ainsi pr6sentC comme une source d'enrichissement pour l'orthodoxie.

Les < Celtes orthodoxes a essaient de r~habiliter ce qui est suppos6 &tre l'expression religieuse des populations celtiques avant qu'elles ne soient < oppri- mies >. Cette tentative les oblige / imposer les Celtes comme les nouveaux

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QUAND LES CELTES DEVIENNENT ORTHODOXES - 97

m~diateurs entre Occident et Orient et, par cons6quent, comme un peuple lid A l'image utopique d'une Europe et d'une chr&tient6 harmonieuses. Red&couvrir cet Age d'or signifie explorer et faire revivre la p6riode qui a pr6c6de les ruptures au sein de l'tglise et l'utilisation de la religion comme moyen de domination. 11 suffit pourtant de poser le problime de la canonicit6 de ses nouvelles Eglises pour que le poids de l'institution dissipe toute utopie romantique.

Katerina SERAIDARI, Alexis LtONARD Centre d'Anthropologie de Toulouse

[email protected]

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98 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

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R6sumi Cet article analyse la rencontre opdrde entre celtisme et orthodoxie, et le mouvement religieux qui en rdsulte, sous deux aspects: d'une part, les discours et, d'autre part, I'4laboration d'une structure ecclisiale. La venue de Joseph d'Arimathie en Grande- Bretagne constitue un dpisode central dans les discours des < Celtes orthodoxes >. Car la ddfinition de ce christianisme celtique prisuppose la construction d'une nouvelle ( mythologie chritienne > et la rdinterpretation de l'histoire europtenne. Le but est de minimiser l'influence romaine, tout en recherchant des liens avec l'Orient et les ddbuts du christianisme. En fait, c'est i cause de la < dicadence > progressive de la civilisation occidentale, par perte de sa < celticiti > (qui n'est pas pergue comme contradictoire avec le christianisme) que le rapprochement avec l'Orient est devenu ndcessaire, m~me si cela est prdsenti comme un retour aux sources et non une innova- tion. En ce qui concerne l'6laboration d'une structure eccldsiale qui se veut, en mdme temps, indigene et orthodoxe, elle constitue une nouveaut, pergue par ses adeptes comme riformatrice mais critiquie par les aglises traditionnelles.

Mots-clks: Orthodoxie, christianisme celtique, renouveau religieux, conversion, Europe.

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QUAND LES CELTES DEVIENNENT ORTHODOXES - 99

Abstract This article analyzes the encounter between Celticism and Orthodoxy, and the religious movement, which resulted from it, from two angles: on the one hand, the discourses, and on the other hand, the foundation of an ecclesiastical structure. The coming of Joseph of Arimathea in Great Britain constitutes a central episode in the discourses of "Celtic Orthodox". For the definition of this Celtic Christianity presupposes the construction of a new "Christian mythology" and the reinterpretation of the European history. The aim is to minimize the Roman influence, while searching for links with the Orient and the beginning of Christianity. It is because of the progressive "decay" of the occidental civilization, after having lost its "celticity" (which is not perceived as contradictory with Christianity) that the bringing together with the Orient seems to be necessary, even if it is presented to be a return, and not an innovation. As for the construction of an ecclesiastic structure, which wants to be, at the same time, indigenous and orthodox, it constitutes a novelty, perceived by its adepts as a refor- mation but criticized by traditional Churches.

Key words: Orthodoxy, Celtic Christianism, Religious renewal, conversion, Europe.

Resumen Este artfculo analiza el reencuentro que se ha producido entre Celtismo y Ortodoxia, y el movimiento religioso que resulta de este proceso, bajo dos aspectos : por un lado, los discursos, y por otro la elaboraci6n de una estructura eclesial. La llegada de Josi de Arimatea a Gran Bretafia constituye un episodio central en los discursos de los "Celtas Ortodoxos". En efecto, la definici6n de este cristianismo celta presu- pone la construcci6n de una nueva "mitologfa cristiana" y la reinterpretaci6n de la historia europea. El objetivo es minimizar la influencia romana, buscando los lazos con Oriente y los orzgenes del cristianismo. De hecho, es a causa de la "decadencia" progresiva de la civilizaci6n occidental a causa de la pirdida de su "celticidad" (hecho que no es percibido como contradictorio con el cristianismo) que el acercamiento con Oriente se ha vuelto necesario, aunque iste sea presentado como un retorno a las fuentes y no como una innovaci6n. La elaboraci6n de una estructura eclesial que se quiere, al mismo tiempo, indigena y ortodoxa, por su parte, constituye una novedad, percibida por sus adeptos como reformadora pero criticada por las Iglesias tradicionales. (Trad. de Vironica Beliveau-Gimenez)

Palabras clave: Ortodoxia, Cristianismo cdltico, Renovacidn religiosa, conversi6n, Europa.

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