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Protéines alimentaires des cosmétiques Food proteins and cosmetics A.-C. Bursztejn a, * , F. Rancé b , A. Barbaud a a Service dermato-allergologie, CHU de Nancy, bâtiment Philippe-Canton, 6, allée du Morvan, 54500 Vandoeuvre-les-Nancy, France b Service de pédiatrie, CHU de Bordeaux, 33000 Bordeaux, France Disponible sur Internet le 16 fe ´vrier 2013 Résumé Un certain nombre de cosmétiques contiennent des protéines alimentaires. Le débat concernant leur sécurité d’utilisation perdure. Différents auteurs font état d’un eczéma de contact ou d’une urticaire de contact suite à l’utilisation de cosmétiques contenant des protéines alimentaires. Cependant, plusieurs études montrent la bonne tolérance de ces cosmétiques, y compris chez des patients atopiques. De rares cas font état à la fois d’une sensibilisation de contact à une protéine contenue dans un cosmétique et d’une allergie alimentaire secondaire à cette sensibilisation. À l’inverse certains auteurs mentionnent explicitement la bonne tolérance de l’aliment y compris en cas d’IgE positives. Les dernières études publiées montrent la bonne tolérance de ces cosmétiques y compris chez des patients allergiques. # 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Allergie alimentaire ; Allergie cutanée ; Cosmétiques ; Dermatite atopique ; Protéines alimentaires Abstract Some cosmetics contain food allergenic proteins. The security of these products is still being debated. Some authors have described contact dermatitis or contact urticaria following use of cosmetics containing food proteins. However, others report good tolerance to these products, even in atopic patients. There are rare cases with both contact sensitivity to a protein in a cosmetic and food allergy due to the same protein. On the other hand, other cases clearly tolerant of the food even with a positive food-specific IgE have been described. The most recent studies report good tolerance of these cosmetics even in allergic patients. # 2013 Published by Elsevier Masson SAS. Keywords: Food allergic proteins; Cosmetics; Cutaneous allergy; Atopic dermatitis 1. Introduction Un certain nombre de cosmétiques contiennent des protéines alimentaires telles que l’avoine, le blé, le sésame, l’amande, le lait ou l’œuf. Ces protéines peuvent être utilisées sous forme d’hydrolysats, notamment pour leurs qualités d’émulsifiant, d’autres sont utilisées pour leur qualités anti-inflammatoires et anti-prurigineuses voire anti-oxydantes. Le débat concernant leur sécurité d’utilisation perdure. En réalité, plusieurs questions se posent : Est-il possible de se sensibiliser à une protéine par voie cutanée ? Ce risque est-il accru chez un patient atopique ? Quel est le risque d’allergie alimentaire secondaire à une sensibilisation par voie cutanée ? Peut-on utiliser ces topiques chez des patients allergiques ? Comment tester les patients suspects d’allergie de contact à des protéines alimentaires et évaluer le risque d’allergie alimentaire ? Les études qui permettraient définitivement de répondre à ces questions sont des études nécessitant (a) un grand nombre de patients avec (b) un contrôle strict des voies de sensibilisation et (c) de l’utilisation des différents topiques concernés (groupes témoins) et (d) la réalisation de tests allergologiques adaptés. Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Revue française d’allergologie 53 (2013) 152155 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A.C. Bursztejn). 1877-0320/$ see front matter # 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.reval.2013.01.007

Protéines alimentaires des cosmétiques

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Page 1: Protéines alimentaires des cosmétiques

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

(2013) 152–155

Revue française d’allergologie 53

Protéines alimentaires des cosmétiques

Food proteins and cosmetics

A.-C. Bursztejn a,*, F. Rancé b, A. Barbaud a

a Service dermato-allergologie, CHU de Nancy, bâtiment Philippe-Canton, 6, allée du Morvan, 54500 Vandoeuvre-les-Nancy, Franceb Service de pédiatrie, CHU de Bordeaux, 33000 Bordeaux, France

Disponible sur Internet le 16 fevrier 2013

Résumé

Un certain nombre de cosmétiques contiennent des protéines alimentaires. Le débat concernant leur sécurité d’utilisation perdure. Différentsauteurs font état d’un eczéma de contact ou d’une urticaire de contact suite à l’utilisation de cosmétiques contenant des protéines alimentaires.Cependant, plusieurs études montrent la bonne tolérance de ces cosmétiques, y compris chez des patients atopiques. De rares cas font état à la foisd’une sensibilisation de contact à une protéine contenue dans un cosmétique et d’une allergie alimentaire secondaire à cette sensibilisation. Àl’inverse certains auteurs mentionnent explicitement la bonne tolérance de l’aliment y compris en cas d’IgE positives. Les dernières études publiéesmontrent la bonne tolérance de ces cosmétiques y compris chez des patients allergiques.# 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.

Mots clés : Allergie alimentaire ; Allergie cutanée ; Cosmétiques ; Dermatite atopique ; Protéines alimentaires

Abstract

Some cosmetics contain food allergenic proteins. The security of these products is still being debated. Some authors have described contactdermatitis or contact urticaria following use of cosmetics containing food proteins. However, others report good tolerance to these products, even inatopic patients. There are rare cases with both contact sensitivity to a protein in a cosmetic and food allergy due to the same protein. On the otherhand, other cases clearly tolerant of the food even with a positive food-specific IgE have been described. The most recent studies report goodtolerance of these cosmetics even in allergic patients.# 2013 Published by Elsevier Masson SAS.

Keywords: Food allergic proteins; Cosmetics; Cutaneous allergy; Atopic dermatitis

1. Introduction

Un certain nombre de cosmétiques contiennent des protéinesalimentaires telles que l’avoine, le blé, le sésame, l’amande, lelait ou l’œuf. Ces protéines peuvent être utilisées sous formed’hydrolysats, notamment pour leurs qualités d’émulsifiant,d’autres sont utilisées pour leur qualités anti-inflammatoires etanti-prurigineuses voire anti-oxydantes.

Le débat concernant leur sécurité d’utilisation perdure.En réalité, plusieurs questions se posent :

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A.C. Bursztejn).

1877-0320/$ – see front matter # 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.http://dx.doi.org/10.1016/j.reval.2013.01.007

� E

st-il possible de se sensibiliser à une protéine par voiecutanée ? Ce risque est-il accru chez un patient atopique ? � Q uel est le risque d’allergie alimentaire secondaire à une

sensibilisation par voie cutanée ?

� P eut-on utiliser ces topiques chez des patients allergiques ? � C omment tester les patients suspects d’allergie de contact à

des protéines alimentaires et évaluer le risque d’allergiealimentaire ?

Les études qui permettraient définitivement de répondre àces questions sont des études nécessitant (a) un grand nombrede patients avec (b) un contrôle strict des voies desensibilisation et (c) de l’utilisation des différents topiquesconcernés (groupes témoins) et (d) la réalisation de testsallergologiques adaptés.

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Ces réponses sont d’autant plus importantes que le nombrede patients atopiques est de 10 à 20 % dans les paysindustrialisés. Parmi ces patients, la proportion de patients avecallergie alimentaire pourrait atteindre 30 à 60 % des enfants demoins de six ans (avec une dermatite atopique sévère nerépondant pas aux traitements anti-inflammatoires). Enfin, lesallergies alimentaires sont des allergies aux céréales dans 3 à4 % des cas et une allergie à l’arachide dans 25 à 40 % des cas.En outre, il est maintenant démontré que l’utilisationquotidienne d’un émollient permet la restauration de la barrièrecutanée et réduit la consommation d’anti-inflammatoire. Cestopiques étant susceptibles de contenir des allergènes, leursécurité doit être évaluée.

2. Est-il possible de se sensibiliser par voie cutanée ? Cerisque est-il accru chez un patient atopique ?

Différents auteurs font état d’un eczéma de contact ou d’uneurticaire de contact suite à l’utilisation de cosmétiquescontenant des protéines alimentaires [1–15].

Les premiers cas remontent au début des années 1970 [1,2].Il s’agissait de patients présentant un eczéma de contact avec del’huile de sésame utilisée dans le traitement de plaieschroniques. Le risque de sensibilisation était dans ce cas trèscertainement majoré par le caractère ulcéré de la peau facilitantle passage de l’allergène et l’inflammation chronique secon-daire à la plaie, elle-même chronique.

Depuis, la majorité des cas rapportés concerne l’avoine[4,8,12,13,15] puis le blé [6,7,9,12,14]. Cette observation n’estsans doute que le reflet de l’utilisation prépondérante decertains cosmétiques au détriment d’autres plutôt que le refletd’un pouvoir sensibilisant plus important.

Parmi l’ensemble de ces observations, quelques casconcernent des sujets non atopiques adultes [6,7,10,14] tandisque la plupart des cas pédiatriques sont des enfants atopiques[4,5,8,11–13]. Un biais d’utilisation de topiques émollients pardes enfants de façon beaucoup plus fréquente en cas d’atopieest probable. Dès lors le risque de sensibilisation en lien avec ladermatite atopique est difficile à affirmer. Pour autant, lecaractère déficient de la barrière épidermique chez les patientsatopiques est aujourd’hui démontré et le passage d’allergènefacilité de ce fait. Certains cas sont à cet effet démonstratif telsque les cas rapportés par Riboldi et al. [4]. En effet, il s’agissaitde trois enfants atopiques chez qui une exacerbation des lésionsd’eczéma était observée après un bain à base de produitscontenant des extraits d’avoine. Aucun de ces enfants n’avaientconsommé d’avoine préalablement aux symptômes décrits.Tous avaient à la fois des tests épicutanés positifs ainsi que desimmunoglobulines E (IgE) spécifiques dirigées contre l’avoine.Codreanu et al. [12] rapportent le cas d’une enfant de quatremois présentant un eczéma de contact à un topique contenant del’avoine avec sensibilisation à l’avoine et au blé tandis quel’enfant n’en n’avait jamais consommé. Guillet et al. [5]rapportent également le cas d’une petite fille atopique âgée dequelques mois qui présentait un eczéma de contact secondaire àl’utilisation d’huile d’amande douce avec tests épicutanés,prick-test et IgE spécifiques pour l’amande tandis que l’enfant

n’en n’avait jamais consommé. Dans l’étude de Boussault et al.[13], la fréquence des sensibilisations à l’avoine étaitsignificativement plus élevée chez les patients atopiques ayantutilisés des crèmes contenant de l’avoine par rapport aux non-utilisateurs tandis qu’elle n’était pas significativement associéeavec la consommation d’avoine par voie orale.

Il apparaît donc que le risque de sensibilisation par voiecutanée existe, sans doute accru en cas d’atopie et toutparticulièrement en cas de peau lésée (poussée d’eczéma).

Cependant, plusieurs études montrent la bonne tolérance descosmétiques contenant des protéines alimentaires, y comprischez des patients atopiques [16–20]. Pigatto et al. [16] ontévalué le taux de sensibilisation à l’avoine chez des enfantsatopiques de moins de deux ans ainsi que chez des sujetstémoins. Parmi les patients, 30/43 avaient été exposés à desflocons d’avoine ainsi que 11/22 des sujets témoins. Ils ontobservé cinq réactions irritantes dont l’une à 24 heures et lesautres à 48 heures chez des enfants atopiques ayant été exposésà l’avoine. Aucune allergie n’a été détectée. Huit patients parmiles atopiques avaient des IgE spécifiques mais aucun d’entreeux ne correspondait à l’un de ceux qui avait un test irritant. Laconclusion des auteurs était l’absence de risque à utiliser cetype de traitement chez des patients atopiques. Kull et al. [17]n’ont pas montré de lien évident entre l’utilisation d’une crèmeà base d’huile d’arachide et la sensibilisation à cette mêmeprotéine. Dans l’étude de Rancé et al. [18], parmi 202 patientsatopiques dont 105 utilisateurs de cosmétiques à base d’avoine,10 % de tests positifs ont été observés sans différencesignificative en fonction de l’utilisation ou non de la crèmeémolliente. Dans notre centre, la tolérance des crèmes à based’avoine avait été évaluée chez 63 patients atteints de dermatiteatopique (Barbaud, données personnelles, Congrès mondial dedermatologie, Paris 2002). Parmi 40 utilisateurs de crème, dixd’entre eux signalaient une intolérance. Dans 34 cas, des testsépicutanés avec l’avoine et un test d’application répétée étaientréalisés. Cinq cas de sensibilisation (test épicutané positif) avectest d’application répétée négatif étaient constatés. Parmi cinqcas déclarés d’intolérance, seul un test épicutané était positif.Paller et al. [19] ont montré la bonne tolérance et l’efficacitéd’un dermocorticoïde contenu dans une huile d’arachide dans letraitement de patients atopiques. Enfin, Goujon et al. [20] ontutilisé des crèmes émollientes à base d’avoine chez des sujetsatopiques et n’ont pas observé de réaction allergique.

La question de leur utilisation dans ce contexte n’est doncpas tranchée ! On notera toutefois que la majorité des étudesportant sur un grand nombre de cas concluent plutôt à latolérance de ces cosmétiques tandis que les cas d’intolérancesont plutôt le fait de cas isolés.

3. Quel est le risque d’allergie alimentaire secondaire àune sensibilisation par voie cutanée ?

De rares cas font état à la fois d’une sensibilisation decontact à une protéine contenue dans un cosmétique et d’uneallergie alimentaire secondaire à cette sensibilisation[9,12,14,15]. Pecquet et al. [9] rapportent ainsi le cas d’unefemme adulte atopique ayant présenté une urticaire de contact

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secondaire à l’utilisation de cosmétiques contenant unhydrolysat de protéines de blé associé à une urticairegénéralisée après la consommation d’aliment contenantégalement des hydrolysats de protéines de blé. Dans ce cas,la voie de la sensibilisation était difficile à préciser mais lachronologie des évènements plaidait pour la voie cutanée. Demême Codreanu et al. [12] rapportent le cas d’une patiente de50 ans ayant présenté un érythème secondaire à l’utilisationd’un topique contenant un hydrolysat de protéines de blé puisune anaphylaxie après la consommation de blé et celui d’unepatiente de 36 ans ayant présenté à la fois une urticaire decontact avec un cosmétique contenant de l’huile de sésameainsi qu’un asthme avec angiœdème lors de la consommationde sésame. Olaiwan et al. [14] rapportent également le casd’une patiente présentant une urticaire généralisée suite àl’ingestion d’aliments contenant un hydrolysat de protéines deblé et ayant pour antécédent une urticaire de contact secondaireà l’application d’un cosmétique contenant un hydrolysat deprotéines de blé. Vansina et al. [15] décrivent le cas d’une adulteatopique présentant une urticaire de contact à l’avoine puisl’apparition d’un syndrome oral après l’ingestion d’avoine.Dans l’étude de Boussault et al. [13], les enfants sensibilisés àl’avoine avaient un test de provocation orale à l’avoine positifdans 15,6 % des cas et un test d’application répétée positif dans28 % des cas. Cela montrait le risque d’allergie alimentaire etd’intolérance cutanée à l’avoine contenu dans des cosmétiques.Pour autant, la concordance entre sensibilisation par voiecutanée et allergie alimentaire et/ou eczéma de contact n’étaitpas précisée par les auteurs.

Seule l’étude de Lack et al., [11] semble démontrer sur unesérie de cas que la voie de sensibilisation cutanée pourrait êtreresponsable d’allergies alimentaires à l’arachide. Les auteursont ainsi évalué les facteurs de risque d’allergie à l’arachidechez 49 enfants versus 70 enfants atopiques sans allergie et140 enfants non atopiques. Les enfants exposés à des topiquescontenant de l’huile d’arachide présentaient significativementplus d’allergie à l’arachide avec test de provocation orale positifque les enfants qui n’avaient pas été exposés à ces mêmestopiques. L’absence de sensibilisation in utero chez ces enfantsétait attestée par l’absence de consommation d’arachide aucours de la grossesse par les mères et un taux d’IgE spécifiquenégatif dans le sang de cordon.

À l’inverse certains cas mentionnent explicitement la bonnetolérance de l’aliment y compris en cas d’IgE positives. Ainsi,de Paz Arranz et al. [8] rapportent le cas d’une petite filleatopique âgée de sept ans qui présente une urticaire de contactsecondaire à l’utilisation d’un émollient contenant de l’avoine.Les tests montraient une allergie immédiate avec IgEspécifiques positives. L’enfant ne présentait aucun symptômelors de la consommation d’avoine ou d’une autre céréale. Lesauteurs concluaient sur la possibilité d’une sensibilisation auxpréparations à base d’avoine mais surtout à leur intérêt dans letraitement de l’atopie pour ses qualités anti-prurigineuses etanti-inflammatoires. Nous n’avions pas constaté d’intolérancealimentaire à l’avoine parmi 40 patients utilisateurs decosmétique à l’avoine y compris chez dix patients déclarantne pas la tolérer sur le plan cutané (Barbaud, données

personnelles, Congrès mondial de dermatologie, Paris 2002).Quelques cas ne précisent pas si une allergie alimentaire estassociée à l’allergie cutanée, et on peut donc penser qu’ellen’existait pas [4,6,7,10].

Il ne semble donc pas adapté de contre-indiquer a priori laconsommation des protéines alimentaires à l’exception, peut-être, des hydrolysats de blé qui sont plus fréquemment associésà la fois à des manifestations cutanées et une allergiealimentaire. En outre, les allergies alimentaires paraissentbeaucoup plus fréquentes en cas de manifestation immédiate(urticaire de contact) qu’en cas de manifestation retardée.

Afin d’affirmer l’allergie alimentaire, les tests allergologi-ques sont nécessaires et notamment un test de provocationorale, la présence d’IgE spécifiques ou un prick-test positif nepermettant pas de prédire le risque de manifestation immédiateen cas d’ingestion de la protéine.

4. Peut-on utiliser ces topiques chez des patientsallergiques ?

Guillet et al. [5] avaient évalué la sensibilisation à descosmétiques contenant des protéines alimentaires auxquels despatients atopiques étaient allergiques. Parmi 27 patients, quatrepatients avaient un test positif. Il n’était pas indiqué si lespatients toléraient effectivement ou non les topiques auxquelsils paraissaient sensibilisés.

Codreanu et al. [12] rapportent le cas d’un enfant atopiqueprésentant une allergie à l’œuf dont les lésions d’eczémapersistaient malgré le régime d’éviction du fait de l’utilisationd’un shampoing à l’œuf. Dans l’étude de Boussault et al. [13],28 % des patients sensibilisés à l’avoine avait un testd’application répétée positif avec un cosmétique contenantde l’avoine et 15,6 % un test de provocation orale positif sansprécision s’il s’agissait des mêmes enfants. Dans l’étude deKull et al. [17], les patients ayant été exposé de façon intenseaux topiques contenant de l’huile d’arachide présentaient dessymptômes plus sévères comparés à ceux qui n’avaient pas étéautant exposés à ces topiques. D’après les auteurs, il serait doncdéconseillé d’utiliser de façon intense un cosmétique contenantune protéine alimentaire chez un patient sensibilisé au risque devoir apparaître une allergie clinique.

Les dernières études publiées semblent montrer la bonnetolérance de ces cosmétiques y compris chez des patientsallergiques [19,20]. Paller et al. [19] ont testé un dermocorti-coïde préparé dans de l’huile d’arachide chez neuf patientsallergiques à l’arachide. Ces patients avaient des tests négatifspour l’huile d’arachide et le dermocorticoïde testé. Seul unpatient a présenté une exacerbation de son eczéma après deuxjours de traitement par le dermocorticoïde préparé à based’huile d’arachide. Enfin, Goujon et al. [20] ont évalué latolérance d’un topique à base d’avoine chez 12 patientsallergiques à l’avoine pendant trois semaines. Ils n’ont pasconstaté d’allergie immédiate ou retardée chez aucun despatients. Les patients ont bien toléré l’émollient, n’ont pas eud’aggravation de leur pathologie voire étaient améliorés en find’étude. Quelques tests irritants ont été constatés, chez sixpatients immédiatement après la pose des tests.

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Il paraît licite de réaliser des tests (tests épicutanés, testsd’application répétée) avant de prescrire ce type de cosmétiquechez un patient allergique. Ces tests seront bien sûr à ré-évalueren cas d’exacerbation de l’eczéma au décours de l’utilisation ducosmétique ou en cas d’apparition de manifestation immédiatemais le risque paraît faible et au maximum de 30 %.

5. Comment tester les patients suspects d’allergie decontact à des protéines alimentaires et évaluer le risqued’allergie alimentaire ?

Plusieurs remarques sont à prendre en compte dans ce cadre.Tout d’abord, les tests épicutanés réalisés chez des enfantsatopiques sont fréquemment d’interprétation difficile. Ensuite,plusieurs auteurs ont montré le caractère parfois irritant de cestests [16,20] (Barbaud, données personnelles, Congrès mondialde dermatologie, Paris 2002). Enfin, la spécificité de ces testsreste à établir.

En outre, les différents cas cliniques rapportés montrent queles réactions peuvent être complexes combinant à la fois desmécanismes immunologiques immédiat et retardé [4,5,12,13].Il apparaît donc important de réaliser à la fois des testsépicutanés à l’aide des critères de lecture de l’ICDRG à 48 et96 heures. Les cosmétiques utilisés ainsi que le détail de cesproduits doivent être testés. Les tests d’application répétée sontutiles dans tous les cas douteux. Des prick-tests avec lescosmétiques et leurs composés doivent être réalisés, enparticulier en cas de réaction immédiate. En cas de réactionimmédiate lors d’un test, le dosage des IgE spécifiques pour laprotéine concernée doit être effectué. En cas de doute, un test deprovocation orale doit être réalisé afin d’affirmer ou nonl’existence d’une allergie alimentaire associée.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflitsd’intérêts.

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