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Pseudarthrose septique mandibulaire et traitement endodontique

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Page 1: Pseudarthrose septique mandibulaire et traitement endodontique

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Cas clinique

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Pseudarthrose septique mandibulaireet traitement endodontique

Septic pseudarthrosis of the mandible and endodontictreatment

F. Nadona,*, B. Chaputb, F. Jalberta, F. Boutaulta, F. Lauwersa, R. Lopeza

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Recu le :19 avril 2012Accepte le :16 decembre 2012Disponible en ligne30 janvier 2013

Disponible en ligne sur��

a Service de chirurgie maxillofaciale et plastique de la face, CHU de Toulouse Purpan, placeBaylac, 31059 Toulouse, Franceb Service de chirurgie plastique, reconstructrice et des brules, CHU de Toulouse Rangueil,1, avenue Jea-Poulhes, 31059 Toulouse, Francewww.sciencedirect.com

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SummaryIntroduction. Septic pseudarthrosis of the mandible is an uncom-

mon complication with several etiologies. The presence of a tooth

next to a fracture site is one of the etiological factors. Conservative

management of a tooth in or near the mandibular fracture site is often

the issue when treating fracture of a toothed part.

Observation. A 49 year-old male patient was hospitalized in our

department for a bifocal fracture of the mandible (right parasym-

physis and left sub-condylar). An open reduction internal fixation

with plates and screws was performed. The immediate postoperative

period was uneventful except for persistent tooth pain in the para-

symphyseal fracture site. At 1 postoperative month, the fracture site

was stable and signs of consolidation were documented by the

panoramic view. A dentist performed root canal treatment on tooth

42, 8 weeks after surgery, because of recurrent complaint by the

patient. At 6 months, clinical and radiological examinations revealed

mandibular pseudarthrosis.

Discussion. This type of pseudarthrosis case is relatively infrequent.

It occurs after endodontic treatment of a healthy tooth close to the

fracture site (performed after the physiological delay before bone

healing). The bacterial colonization of the fracture site could be related

to this endodontic treatment. This case raises questions on the need for

endodontic treatment of a tooth near a mandibular fracture site.

� 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Pseudarthrosis, Mandibular fractures, Root canal therapy

ResumeIntroduction. La pseudarthrose septique mandibulaire est une

complication peu frequente d’origine multifactorielle. Une des cau-

ses favorisantes est la presence d’une dent adjacente au foyer de

fracture. Dans le traitement des fractures de la portion dentee de la

mandibule se pose souvent la question du traitement conservateur

d’une dent dans ou a proximite immediate du foyer fracturaire.

Observation. Un patient de 49 ans a ete pris en charge pour une

fracture bifocale de la mandibule (parasymphysaire droite et sous-

condylienne gauche). Apres osteosynthese par plaques vissees, les

suites operatoires immediates ont ete simples, mis a part la persistance

de douleurs au niveau de la dent incluse dans le foyer de fracture

parasymphysaire. A un mois postoperatoire, le foyer fracturaire etait

parfaitement stable avec un debut de consolidation a l’orthopantomo-

gramme. Devant les plaintes dentaires recurrentes du patient, son

chirurgien dentiste a procede au traitement endocanalaire de la 42,

huit semaines apres l’intervention. A six mois, l’examen clinique

retrouvait un foyer de pseudarthrose mandibulaire.

Discussion. Cette presentation de pseudarthrose septique de la

mandibule est relativement peu frequente. Elle est survenue apres

le traitement endodontique d’une dent saine adjacente au foyer de

fracture (realise apres les delais physiologiques de consolidation

osseuse). La colonisation bacterienne du foyer fracturaire est-elle

liee a ce geste endocanalaire ? Ce cas clinique nous amene a reflechir

sur l’attitude a adopter face a la necessite d’un traitement canalaire

sur une dent perifracturaire au niveau de la mandibule.

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

Mots cles : Pseudarthrose, Fractures mandibulaires, Traitement decanal radiculaire

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected]

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2213-6533/$ - see front matter � 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.http://dx.doi.org/10.1016/j.revsto.2012.12.002 Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Oral 2013;114:38-42

Page 2: Pseudarthrose septique mandibulaire et traitement endodontique

Pseudarthrose septique mandibulaire et traitement endodontique[(Figure_1)TD$FIG]

Introduction

Les pseudarthroses septiques mandibulaires sont peu fre-quentes et d’etiologies diverses. Il est clairement admis dansla litterature que le caractere septique trouve souvent sonorigine sur un foyer infectieux d’origine dentaire adjacent.Nous presentons ici le cas d’un patient ou le traitementendocanalaire d’une dent situee dans un foyer de fracturesemble declencher l’apparition de la pseudarthrose septiqueplus de deux mois apres la prise en charge chirurgicale initiale.

Figure 1. Orthopantomogramme preoperatoire.

Observation

Un patient de 49 ans a ete pris en charge dans notre unitequatre jours apres une fracture bifocale de la mandibule(parasymphysaire droite et sous-condylienne gauche). Il pre-sentait une parodontopathie assez avancee, de nombreusesdents traitees et un tabagisme actif. Le traitement chirurgicaldes deux foyers fracturaires a ete decide, compte tenu dudeplacement avec chevauchement (de pres de 5 mm) de labranche montante mandibulaire gauche (fig. 1 et 2). Le foyer

[(Figure_2)TD$FIG]

Figure 2. Coupes axiales tomodensitometriques preoperatoires mettant en evidinfectieux preexistant.

parasymphysaire etait peu deplace (1 a 2 mm) et son rapportavec le parodonte de la dent no 41 etait de type I selonKamboozia et Punnia-Moorthy (trait de fracture tangent ala racine sur toute sa longueur) [1] (fig. 1). Les dents 41 et42 etaient vivantes et stables en preoperatoire. Aucune anti-biotherapie preoperatoire n’a ete administree. L’intervention,quatre jours apres le traumatisme, a associe un blocage rapidesur vis pour guider la reduction en bonne occlusion a une

ence le trait de fracture passant le long de la dent no 41 et l’absence de foyer

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Page 3: Pseudarthrose septique mandibulaire et traitement endodontique

F. Nadon et al. Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Oral 2013;114:38-42[(Figure_3)TD$FIG]

Figure 3. Orthopantomogramme centre sur la region parasymphysaire atrois mois postoperatoires : traitement endocanalaire incomplet de ladent no 42 et depassement de celui de la dent no 41. Notez le foyerosteolytique etendu sur toute la hauteur du trait de fractureparasymphysaire droit.

osteosynthese par mini-plaques via un abord endobuccalvestibulaire pour la parasymphyse (deux plaques 2.0 avecdes vis de 4e et 6 mm) et cervical sous-angulomandibulairegauche pour la region sous-condylienne basse (deux plaques2.0 avec des vis de 6 et 8 mm). La dent no 41, presente dans lefoyer de fracture, a ete conservee du fait de sa tres bonnestabilite, de l’absence de lesion carieuse ou de foyer infectieuxapical radiologiquement visible. Elle n’avait recu aucun trai-tement anterieur. Les deux sites fracturaires etaient stablesen fin d’intervention. Les suites immediates ont ete simplessans blocage maxillomandibulaire postoperatoire. L’alimen-tation sur un mode liquide a pu etre reprise des le lendemain.La radiographie de controle a confirme une reduction[(Figure_4)TD$FIG]

Figure 4. Scanner cone beam a six mois postoperatoires : foyer de pseudarth

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satisfaisante des deux foyers de fracture. La sortie a eteautorisee a j1 avec un traitement antibiotique et antalgique,associe aux soins locaux. Le patient a respecte les consigneshygienodietetiques et autres precautions d’usage. A un moispostoperatoire, le patient presentait des douleurs isoleespersistantes au niveau de la dent no 42 exacerbees a lapercussion, sans signe d’inflammation locale, ni de mobilitedentaire ou de modification de l’articule. Les foyers de fractureetaient en cours de consolidation sur l’orthopantomogramme,sans deplacement secondaire ni mobilisation des plaques,sans foyers infectieux ni lyse osseuse peridentaire. Devantles plaintes recurrentes du patient, son chirurgien dentiste aprocede au traitement endocanalaire de la 42, huit semainesapres l’intervention. A plus de deux mois postoperatoires, uneimage lacunaire periradiculaire etait retrouvee en regard de ladent no 42, et le patient etait toujours algique. La dent 41 futtraitee a dix semaines. Les cliches a trois mois montraient uneaggravation de l’image lytique, entreprenant l’ensemble dufoyer fracturaire parasymphysaire (fig. 3). A six mois, lepatient, toujours algique, presentait une mobilite du foyerparasymphysaire, et une modification de l’articule. Le foyer depseudarthrose etait evident sur le scanner cone beam decontrole (fig. 4). Le traitement a ete la depose du materiel,le curetage soigneux du foyer pseudarthrosique, des dentsno 41-42, et la synthese par plaque de reconstruction. Lesprelevements bacteriologiques peroperatoires ont retrouvedu Streptococcus anginosus et l’analyse histologique, un tissufibreux aspecifique. L’antibiotherapie par amoxicilline-acideclavulanique (3 g/j) a ete instauree pour 15 jours. Six moisapres la reprise chirurgicale, le patient n’etait plus algique,l’examen clinique ne retrouvait pas de mobilite du foyerparasymphysaire et les controles radiologiques etaient satis-faisants (fig. 5).

rose.

Page 4: Pseudarthrose septique mandibulaire et traitement endodontique

Pseudarthrose septique mandibulaire et traitement endodontique[(Figure_5)TD$FIG]

Figure 5. Orthopantomogramme centre sur la region parasymphysaire asix mois de la reprise chirurgicale : osteosynthese en place, consolidationdu foyer de pseudarthrose.

Discussion

Ce cas de pseudarthrose mandibulaire nous semble originaldans sa presentation et par les circonstances de survenue,faisant suite a un traitement endocanalaire deux mois apresla prise en charge initiale. Il pose le probleme de l’indication detels traitements sur des dents situees dans le foyer fracturaire.Plus largement, cela rejoint la question de l’attitude odonto-chirurgicale a adopter en urgence, ou a distance, devant unfoyer de fracture passant par une dent saine. Les pseudar-throses septiques mandibulaires sont peu frequentes (2,38 %des osteosyntheses par plaques 2.0 [2]) et d’origine plurifac-torielle [2,3]. Les fractures ouvertes, comminutives, l’instabi-lite de la reduction, le retard a la prise en charge, le terrain(tabac, alcool, abus de drogue. . .) et le non-respect des reglesde precaution alimentaire postoperatoire en sont les causesles plus courantes [2–4]. La presence d’une dent dans le foyerde fracture accroıt le risque infectieux [1,2] et celui de pseu-darthrose. Cependant, il n’y a pas de consensus sur lesindications d’avulsions. Les criteres habituellement retenuspar les diverses equipes sont l’interference avec la qualite dela reduction, les fractures radiculaires, les foyers infectieuxpatents ou latents, les mobilites importantes ou encorel’exposition de 50 % ou plus de la surface radiculaire [4,5].Aucune association significative n’a ete mise en evidence dansla litterature avec le site fracturaire, l’antibiotherapie perope-ratoire, la duree d’hospitalisation ou le maintien d’un blocageintermaxillaire postoperatoire [3,6].La vitalite des dents incluses dans le foyer de fracture estcorrelee au degre du deplacement, au type de trait de fracturepar rapport au foramen periapical et au type d’osteosynthese :on retrouve plus de mortification dentaire dans les synthesespar plaques par rapport au blocage maxillomandibulaire [1,7].Seppanen et al. ont montre, a partir de 84 cas, la frequence dela diffusion locoregionale d’infections odontogenes dans lessuites de traitements endocanalaires [8]. Dans 26 % des cas, ily a une mortification des dents adjacentes a une dent traitee

endodontiquement quelques semaines auparavant [8]. Lapullulation microbienne au sein d’un canal dentaire incom-pletement traite peut generer une lesion apicale pouvantdiffuser aux tissus periapicaux regionaux [9]. Il est doncenvisageable que ce phenomene puisse se produire lors dutraitement endocanalaire d’une dent presente dans un foyerde fracture, entraınant ainsi la genese d’un foyer infectieuxperifracturaire. La flore des infections canalaires ou periapi-cales est le plus souvent polymicrobienne. La famille desStreptococcus fait partie des germes les plus souvent retro-uves [10].Dans le cas present, c’est la proximite temporelle entre letraitement endocanalaire et l’apparition de l’image lytiqueradioclaire du foyer fracturaire qui a attire notre attention. Eneffet, a plus de six semaines d’une osteosynthese stable, alorsque les controles radiologiques etaient de bonne qualite etque le patient respectait les regles de precaution elementai-res, il etait rationnel de penser que la consolidation osseuseetait acquise. La persistance de douleurs dentaires (no 41 et 42)a conduit le patient a consulter son chirurgien dentiste, qui arealise le traitement endocanalaire. Celui-ci etait incompletau niveau de la dent no 42 et presentait un depassement auniveau de la no 41. L’hypothese principale est que l’affluxbacterien dans le foyer de fracture qui en a resulte, serait al’origine de la pseudarthrose septique. Les germes retrouveslors de la reprise chirurgicale font en effet partie de la floreordinaire des infections canalaires [10]. A notre connaissance,c’est la premiere fois que cette relation de cause a effet entreun traitement endocanalaire et la survenue d’un foyer depseudarthrose est soulevee dans la litterature.Quelques nuances sont cependant a apporter. Premierement,l’autre hypothese a evoquer devant ce foyer de pseudarthroseseptique serait la necrose preexistante des dents perifractu-raires, source connue d’infection et de douleur. Cependant, lesdents no 41, 42 et 43 etaient vivantes en preoperatoire (teststhermique et a la percussion).Deuxiemement, cette infection survient sur un terrainpredisposant : un etat buccodentaire assez precaire, un taba-gisme actif [4] ainsi qu’un retard a la prise en charge chirur-gicale initiale. La presence d’une dent dans le foyer de fractureest un facteur de risque d’infection [7]. Le type de foyerfracturaire (type I) et l’osteosynthese par plaques vissees sontassocies a un risque important de mortification dentaire [1].Dans ce cas, la pullulation microbienne qui en decoule pour-rait etre a l’origine d’un foyer infectieux patent.Les douleurs du patient le motivant a consulter son chirurgiendentiste pouvaient deja etre en lien avec un foyer de pseudar-throse infraradiologique. Au vu de la mauvaise qualite desobturations, se posait la question de la reprise des traitementsendocanalaires ou d’un comblement a retro.La relation de causalite entre un traitement endocanalaire etla survenue d’une pseudarthrose septique ne peut etre for-mellement etablie sur l’experience d’un cas. Quoi qu’il en soit,cela pose le probleme de l’indication de ce type de traitement

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dans les suites d’une fracture de la mandibule. S’il doit etreenvisage, du fait de dents effectivement necrosees a hautrisque de contamination bacterienne, quel serait le meilleurdelai par rapport a la prise en charge chirurgicale initiale ?Nous pensons en definitive qu’il est preferable de limiter aumaximum, voire d’eviter toute intervention endodontique surles dents adjacentes au foyer de fracture, tant que les criteresradiocliniques de consolidation ne sont pas obtenus.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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