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Revue des Maladies Respiratoires (2014) 31, 691—692 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ÉDITORIAL Quelle kinésithérapie de désencombrement pour demain ? Which airway clearance technique for tomorrow? La kinésithérapie respiratoire et plus précisément les techniques de désencombrement bronchique existent depuis bien longtemps. Historiquement et par chronologie d’apparition, une combinaison de drainage postural, de per- cussions manuelles et de vibrations mécaniques étaient la technique de référence [1]. Assez rapidement est apparue la nécessité de trouver des techniques alternatives. Dans un premier temps, le monde francophone de la kinésithérapie y a apporté une importante contribution puisqu’on lui doit le développement de techniques basées sur la modulation des débits expiratoires (drainage autogène, expiration lente totale glotte ouverte en décubitus latéral ou ELTGOL) et le recours à des oscillations de la pression expiratoire positive (Flutter ® ), techniques aujourd’hui régulièrement utilisées dans le monde entier. Les effets et indications des techniques de désencombre- ment étaient et restent néanmoins trop peu documentés. Certes, les effets cliniques des techniques ont été mieux étudiés ces dernières années, notamment dans des études cliniques bien menées et à long-terme chez des patients atteints de mucoviscidose [2—7]. Cependant, de manière globale, les études reposent souvent sur des échantillons de taille insuffisante et contiennent un nombre d’abandons élevé. De plus, elles concluent pour la plupart à une absence de supériorité d’une technique par rapport à une autre. Dans le contexte de l’evidence-based medicine (EBM) et afin de mieux préciser ces résultats cliniques, il serait impor- tant de déterminer les mécanismes d’action des différentes manœuvres concernées. Parallèlement à une meilleure connaissance théoriques des mécanismes d’action des tech- niques de désencombrement, une modification du mode de réflexion des kinésithérapeutes et prescripteurs s’impose en privilégiant un approche symptomatologique à la vision encore trop souvent étiologique. À l’heure actuelle, mis à part ce qui concerne la place de l’exercice physique dans l’évaluation et le trai- tement des pathologies respiratoires qui a bénéficié d’une approche objectivée par l’EBM, une évaluation scientifique rigoureuse mérite d’être appliquée aux autres domaines de la kinésithérapie respiratoire. La polémique née il y a quelques années quant à la place de la kinésithéra- pie de désencombrement dans la prise en charge de la bronchiolite du nourrisson en est une illustration parfaite. Malheureusement, il existe encore un rejet de certains professionnels vis-à-vis d’une telle démarche. La place insuffisante voire inexistante de la méthodologie de la recherche dans les études de kinésithérapie y contribue certainement. L’amélioration des connaissances physiologiques n’a pas suffisamment été utilisée par les kinésithérapeutes, pas plus que les moyens d’investigation existant ou émergeant. Pourtant à bien y regarder, de nombreuses techniques de désencombrement peuvent, avec le recul, être justi- fiées ou expliquées par des éléments physiologiques alors qu’elles ont été développées, pour certaines, sur la base d’une expertise clinique non vérifiée. Ainsi, et de manière non-exhaustive, des manœuvres de désencombrement déjà anciennes et qui utilisent la déflation pulmonaire prennent aujourd’hui tout leur sens au vu de travaux qui ont montré une amélioration des débits expiratoires en périphérie de l’arbre bronchique associée à cette déflation [8,9]. En effet et à titre d’exemple, alors que la mobilisation naturelle des sécrétions repose principalement sur la clairance mucoci- liaire et les propriétés visco-élastiques du mucus influencées par divers mécanismes physiques et cellulaires [10], il a été suggéré qu’un débit expiratoire de 10 % supérieur au débit inspiratoire permettrait d’améliorer la mobilisation de sécrétions [11]. http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.07.008 0761-8425/© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Quelle kinésithérapie de désencombrement pour demain ?

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Page 1: Quelle kinésithérapie de désencombrement pour demain ?

Revue des Maladies Respiratoires (2014) 31, 691—692

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

ÉDITORIAL

Quelle kinésithérapie de désencombrementpour demain ?

Which airway clearance technique for tomorrow?

La kinésithérapie respiratoire et plus précisément lestechniques de désencombrement bronchique existent

À l’heure actuelle, mis à part ce qui concerne la

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depuis bien longtemps. Historiquement et par chronologied’apparition, une combinaison de drainage postural, de per-cussions manuelles et de vibrations mécaniques étaient latechnique de référence [1]. Assez rapidement est apparuela nécessité de trouver des techniques alternatives. Dans unpremier temps, le monde francophone de la kinésithérapiey a apporté une importante contribution puisqu’on lui doitle développement de techniques basées sur la modulationdes débits expiratoires (drainage autogène, expiration lentetotale glotte ouverte en décubitus latéral ou ELTGOL) et lerecours à des oscillations de la pression expiratoire positive(Flutter®), techniques aujourd’hui régulièrement utiliséesdans le monde entier.

Les effets et indications des techniques de désencombre-ment étaient et restent néanmoins trop peu documentés.Certes, les effets cliniques des techniques ont été mieuxétudiés ces dernières années, notamment dans des étudescliniques bien menées et à long-terme chez des patientsatteints de mucoviscidose [2—7]. Cependant, de manièreglobale, les études reposent souvent sur des échantillonsde taille insuffisante et contiennent un nombre d’abandonsélevé. De plus, elles concluent pour la plupart à une absencede supériorité d’une technique par rapport à une autre.

Dans le contexte de l’evidence-based medicine (EBM) etafin de mieux préciser ces résultats cliniques, il serait impor-tant de déterminer les mécanismes d’action des différentesmanœuvres concernées. Parallèlement à une meilleureconnaissance théoriques des mécanismes d’action des tech-niques de désencombrement, une modification du mode de

réflexion des kinésithérapeutes et prescripteurs s’imposeen privilégiant un approche symptomatologique à la visionencore trop souvent étiologique.

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http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.07.0080761-8425/© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits rése

lace de l’exercice physique dans l’évaluation et le trai-ement des pathologies respiratoires qui a bénéficié d’unepproche objectivée par l’EBM, une évaluation scientifiqueigoureuse mérite d’être appliquée aux autres domainese la kinésithérapie respiratoire. La polémique née il y

quelques années quant à la place de la kinésithéra-ie de désencombrement dans la prise en charge de laronchiolite du nourrisson en est une illustration parfaite.alheureusement, il existe encore un rejet de certainsrofessionnels vis-à-vis d’une telle démarche. La placensuffisante voire inexistante de la méthodologie de laecherche dans les études de kinésithérapie y contribueertainement.

L’amélioration des connaissances physiologiques n’a pasuffisamment été utilisée par les kinésithérapeutes, paslus que les moyens d’investigation existant ou émergeant.ourtant à bien y regarder, de nombreuses techniquese désencombrement peuvent, avec le recul, être justi-ées ou expliquées par des éléments physiologiques alorsu’elles ont été développées, pour certaines, sur la base’une expertise clinique non vérifiée. Ainsi, et de manièreon-exhaustive, des manœuvres de désencombrement déjànciennes et qui utilisent la déflation pulmonaire prennentujourd’hui tout leur sens au vu de travaux qui ont montréne amélioration des débits expiratoires en périphérie de’arbre bronchique associée à cette déflation [8,9]. En effett à titre d’exemple, alors que la mobilisation naturelle desécrétions repose principalement sur la clairance mucoci-iaire et les propriétés visco-élastiques du mucus influencéesar divers mécanismes physiques et cellulaires [10], il a

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Page 2: Quelle kinésithérapie de désencombrement pour demain ?

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De nombreux phénomènes physio(patho)logiques pour-aient être investigués pour tenter de répondre auxuestions en suspend en ce qui concerne le désencombre-ent bronchique. Des examens paracliniques (scintigraphie,

mpédance électrique, oscillations forcées, indice delairance pulmonaire. . .) mériteraient une plus grande consi-ération en tant qu’outils d’évaluation et une réflexionpprofondie sur la recherche de critères dévaluation plusertinents serait utile dans l’élaboration de nouveauxrotocoles de recherche. De plus, une connaissance desécanismes fondamentaux générant la clairance mucoci-

iaire et des éléments y contribuant pourraient s’avérerntéressante dans la détermination de protocoles thérapeu-iques en kinésithérapie.

À ce titre, une récente synthèse à propos de la kiné-ithérapie respiratoire du poumon profond publiée dansa Revue des maladies respiratoires mérite une atten-ion particulière puisqu’elle apporte un éclaircissement eturtout des pistes nouvelles pour mieux comprendre cer-aines manœuvres de désencombrement bronchique [12].n proposant « une approche différentielle » pour le poumonrofond, cible sans doute importante pour la kinésithérapieespiratoire, l’auteur a ouvert un champ d’investigation peuxploré. Des travaux utilisant des outils d’évaluation validéseront nécessaires pour confirmer cette proposition. Poure faire, les kinésithérapeutes auraient beaucoup à gagner

tisser des ponts avec d’autres spécialistes de la physio-ogie respiratoire et certainement les pneumologues pour

arriver. De tels regroupements et collaborations ne pour-ont qu’enrichir la profession et participer à une meilleureompréhension et valorisation des actes de kinésithérapie. . .

uitte à réduire le nombre de leurs indications.

éclaration d’intérêts

’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

éférences

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[2] McIlwaine M, Wong LT, Chilvers M, et al. Long-term comparativetrial of two different physiotherapy techniques; postural drai-nage with percussion and autogenic drainage, in the treatmentof cystic fibrosis. Pediatr Pulmonol 2010;45:1064—9.

Éditorial

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Docteur en kinésithérapieG. Reychlera,∗,b,c

a Service de pneumologie, université catholique deLouvain, cliniques universitaires Saint-Luc, 1200

Bruxelles, Belgiqueb Service de médecine physique et réadaptation,

université catholique de Louvain, cliniquesuniversitaires Saint-Luc, Bruxelles, Belgique

c Pôle de pneumologie, ORL et dermatologie,institut de recherche expérimentale et clinique

(IREC), université catholique de Louvain, cliniquesuniversitaires Saint-Luc, Bruxelles, Belgique

∗ Correspondance.Adresse e-mail : [email protected]

Recu le 25 juillet 2014 ;accepté le 28 juillet 2014

Disponible sur Internet le 23 aout 2014