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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 332, Série I, p. 29–32, 2001 Géométrie différentielle/Differential Geometry Quelques invariants des structures localement conformément symplectiques Augustin BANYAGA Department of Mathematics, The Pennsylvania State University, University Park, PA 16802, USA Courriel : [email protected] (Reçu le 10 octobre 2000, accepté le 6 novembre 2000) Résumé. L’intégration de l’exponentielle de l’homomorphisme étendu de Lee produit un homomor- phisme L sur le groupe des automorphismes d’une structure localement conformément symplectique S, dont la valeur sur un automorphisme est le rapport de similitude de ses relevés à une variété symplectique canoniquement associée à S. Sur le noyau de L, on construit l’équivalent de l’invariant de Calabi, à valeurs dans la cA-cohomologie. 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS Some invariants of locally conformally symplectic structures Abstract. The integration of the exponential of the extended Lee homomorphism yields a homomor- phism L on the group of automorphisms of a locally conformal symplectic structure S, whose value on an automorphism is the similitude ratio of some lifting on a symplectic manifold canonically associated with S. On the kernel of L, we construct the Calabi invari- ant in terms of the cA-cohomology. 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS 1. La globalisation de l’homomorphisme étendu de Lee Deux 2-formes non dégénérées sont dites (conformément) équivalentes si l’une s’obtient à partir de l’autre en la multipliant par une fonction positive. Une structure localement conformément symplectique (en abrégé : lcs) S sur une variété différen- tiable M , est une classe d’équivalence de 2-formes non dégénérées telles qu’il existe une 1-forme fer- mée ω satisfaisant : dΩ = -ω . La forme ω est univoquement déterminée par et s’appelle la forme de Lee, qui l’introduisit dans [8]. Sa classe de cohomologie [ω] rH 1 (M, R) est un invariant de la structure lcs S. On supposera dans toute cette note que les variétés considérées sont connexes, mais pas nécessairement compactes. Soit Diff S (M ) le groupe des automorphismes d’une lcs-structure S sur une variété différentiable M . Il est clair que pour n’importe quelle 2-forme non dégénérée S, Diff S (M ) est constitué de difféomorphismes φ de M tels que φ * Ω= f φ , où f φ est une fonction différentiable non nulle sur M . On notera par Diff S (M ) 0 le sous-groupe formé des φ Diff S (M ), isotopes à l’indentité à travers Diff S (M ). Note présentée par Charles-Michel MARLE. S0764-4442(00)01767-5/FLA 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. 29

Quelques invariants des structures localement conformément symplectiques

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 332, Série I, p. 29–32, 2001Géométrie différentielle/Differential Geometry

Quelques invariants des structures localementconformément symplectiquesAugustin BANYAGA

Department of Mathematics, The Pennsylvania State University, University Park, PA 16802, USACourriel : [email protected]

(Reçu le 10 octobre 2000, accepté le 6 novembre 2000)

Résumé. L’intégration de l’exponentielle de l’homomorphisme étendu de Lee produit un homomor-phismeL sur le groupe des automorphismes d’une structure localement conformémentsymplectiqueS, dont la valeur sur un automorphisme est le rapport de similitude de sesrelevés à une variété symplectique canoniquement associée àS. Sur le noyau deL, onconstruit l’équivalent de l’invariant de Calabi, à valeurs dans lacA-cohomologie. 2001Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

Some invariants of locally conformally symplectic structures

Abstract. The integration of the exponential of the extended Lee homomorphism yields a homomor-phismL on the group of automorphisms of a locally conformal symplectic structureS,whose value on an automorphism is the similitude ratio of some lifting on a symplecticmanifold canonically associated withS. On the kernel ofL, we construct the Calabi invari-ant in terms of thecA-cohomology. 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiqueset médicales Elsevier SAS

1. La globalisation de l’homomorphisme étendu de Lee

Deux 2-formes non dégénérées sont dites (conformément) équivalentessi l’une s’obtient à partir del’autre en la multipliant par une fonction positive.

Une structure localement conformément symplectique (en abrégé : lcs)S sur une variété différen-tiableM , est une classe d’équivalence de2-formes non dégénéréesΩ telles qu’il existe une1-forme fer-méeω satisfaisant :dΩ =−ω ∧Ω.

La formeω est univoquement déterminée parΩ et s’appelle laforme de Lee, qui l’introduisit dans [8].Sa classe de cohomologie[ω] ∈ rH1(M,R) est un invariant de la structure lcsS.

On supposera dans toute cette note que les variétés considérées sont connexes, mais pas nécessairementcompactes.

SoitDiffS(M) le groupe des automorphismes d’une lcs-structureS sur une variété différentiableM . Il estclair que pour n’importe quelle2-forme non dégénéréeΩ ∈ S, DiffS(M) est constitué de difféomorphismesφ de M tels queφ∗Ω = fφΩ, où fφ est une fonction différentiable non nulle surM . On notera parDiffS(M)0 le sous-groupe formé desφ ∈DiffS(M), isotopes à l’indentité à traversDiffS(M).

Note présentée par Charles-Michel MARLE .

S0764-4442(00)01767-5/FLA 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. 29

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A. Banyaga

L’algèbre de LieXS(M) des automorphismes infinitésimaux deS, est l’ensemble des champs de vecteursX surM tels queLXΩ = δXΩ, oùδX est une fonction différentiable surM . Ici LX désigne la dérivée deLie dans la directionX .

Un calcul rapide montre que, pour tout champ de vecteursX ∈XS(M), d(ω(X)) = LXω =−dδX .PuisqueM est connexe,ω(X) + δX est une constante(X).

La correspondanceX 7→ `(X) est un homomorphisme d’algèbres de Lie, appelé l’homomorphismeétendu de Lee[8,10,3].

Soit S une structure lcs surM , un représentantΩ ∈ S, avec sa forme de Leeω. Le revêtement galoisienπ : M −→M associé à la forme de Leeω dépend uniquement deS.

Soitλ : M → R une fonction positive surM telle queπ∗ω = d(lnλ). Alors Ω = λ(π∗Ω) est une formesymplectique surM , et la structure lcsS′ qu’elle définit, dépend uniquement deS.

Il est bien connu que le groupeA des automorphismes du revêtementM , est égal au groupe des périodesdeω [5].

On montre facilement que pour toutτ ∈A, (λ τ)/λ est une constantecτ indépendante du choix deλ etqueτ 7→ cτ est un homomorphisme de groupesc deA sur le groupe multiplicatif des nombres positifsR+.On notera par∆⊂R+ son image.

Le résultat principal de cette Note est le suivant :

THÉORÈME 1. –Soient (M,S) une variété lcs connexe,Ω ∈ S un représentant,π : M → M lerevêtement galoisien associé à la forme de Leeω et λ : M → R une fonction différentiable telle queπ∗ω = d(lnλ).

1. Pour toutφ ∈ DiffS(M)0, soit φ : M → M un difféomorphisme couvrantφ, c’est-à-dire tel queπ φ= φ π, alors

λ φλ· (fφ π)

est une constante non nullebφ, indépendante du choix deλ.

2. Si φ est un autre relèvement deφ, alorsbφ

= σ · bφ, oùσ ∈∆ = c(A).

3. La correspondance: φ 7→ bφ

est un homomorphisme de groupe bien défini: L : DiffS(M)0→R+/∆,indépendant du choix deΩ ∈ S, c’est-à-direL est un invariant de la structure lcsS.

4. Le nombrebφ

est le rapport de similitude deφ, c’est-à-direφ∗Ω = bφΩ.

Donc le noyau deL est un sous groupe normal qui peut être identifié avec un quotient d’un sous groupeconnexe du groupe des difféomorphismes symplectiques de(M, Ω).

5. Soitφt le groupe local à1-paramètre engendré parX ∈XS(M), alors :

d

dt

(ln(b

φt))|t=0 = `(X)

c’est-à-dire quelnL intègre l’homomorphisme de Lee`.

Remarques. – Soient φ ∈ DiffS(M) et fφ la fonction différentiable telle queφ∗Ω = fφΩ, pour(Ω, ω) ∈ S, on aφ∗ω− ω =−d(lnfφ).Soitφt une isotopie (à travers le groupeDiffS(M)) de l’identité àφ, alorsφ∗ω− ω = du(φt), où :

u(φt) =

∫ 1

0

φ∗t(i(φ·t)ω

)dt

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Quelques invariants des structures localement conformément symplectiques

etφ·t est la famille de champs de vecteurs le long de l’isotopieφt. AlorsK(φt) = u(φt) + ln(fφ) est uneconstante dépendant seulement de la classe d’homotopie avec extrémités fixes[φ] deφt. L’ensembleG detels [φ] constitue le revêtement universel deDiffS(M)0.

La correspondance[φ] 7→K(φt) est un homomorphisme deG dansR qui coïncide avec l’homomor-phismeΦ construit dans [7]. En fait, on a(Φ([φ])− ln(b

φ)) ∈∆, ce qui signifie quelnL coïncide avecΦ

de [7].La remarque essentielle de cette Note est le fait que le nombreb

φ, qui est la valeur de l’intégrale de

l’exponentielle del sur le relevéφ deφ, est le rapport de similitude deφ pour la forme symplectiqueΩ(points 4 et 5 dans le théorème 1). Ceci globalise le fait suivant observé localement par Vaisman [10] :

PROPOSITION 1. –SoientX ∈XS(M) et X un relèvement deX sur le revêtementM , alors :

LX

Ω = `(X)Ω.

2. Les invariants de Calabi

Grâce au théorème 1, les invariants de Calabi s’introduisent naturellement en géométrie localementconformément symplectique :

On considère l’ensembleF∗cA(M) de toutes les formes différentiellesα sur M telles queτ∗α = cταpour toutτ ∈A.

Il est clair que c’est un sous complexe du complexe de de Rham deM . On dénote parH∗cA(M) sacohomologie.

Pour tout champs de vecteursX ∈XS(M), on vérifie aisément queλπ∗(i(X)Ω) est une1-forme ferméedansF1

cA(M).

THÉORÈME 2. –Soit Ker ` le noyau de` (c’est l’algèbre de Lie des champs de vecteursX dontles relèvementsX satisfont: L

XΩ = 0, c’est-à-dire des champs de vecteurs symplectiques de(M, Ω)).

L’application sλ : Ker `→ H1cA(M) qui à X assigne la classe de cohomologie[λπ∗(i(X)Ω)], est un

homomorphisme surjectif d’algèbres de Lie.

L’application

[φ] 7→∫ 1

0

λπ∗(φ∗t i(φ

·t)Ω)

dt

est un homomorphisme bien défini sur le revêtement universelKerL deKerL,

S : KerL−→H1cA(M).

Ces homomorphismes sont les analogues des homomorphismes de Calabi [4,1,2]. Ils ont été aussiconstruits dans [7] en terme de ladω-cohomologie de Lichnerowicz [6]. Le rapport avec notre constructionest que notre cohomologieH∗cA(M) est un quotient de ladω cohomologie.

Comme les invariants de Calabi usuels, les noyaux de ces homomorphismes ont la propriété defragmentation. Plus précisément, siX ∈ Kersλ et U = (Ui) est recouvrement ouvert deM , alorsX =∑Xi oùXi ∈ XS(M) a son support dansUi. On a la propriété analogue pour les difféomorphismes qui

sont dans le noyau deS.À partir de ce moment, ce qui se passe dans chaque ouvertUi est symplectique. D’où les théorèmes de

structures obtenus dans [7] qui sont les analogues des théorèmes de géométrie symplectique de [1] (voiraussi [2]).

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A. Banyaga

3. Applications à la mécanique

Vaisman [10] a écrit les équations de Hamilton sur une variété localement conformément symplectiqueavec des Hamiltonniens « tordus », c’est-à-dire des sections d’un fibré en droites sur la variété.

Nous allons formuler les équations d’Hamilton sur le revêtement galoisienM associé à la forme de Leeωd’une structure lcsS = [Ω, ω] sur la variétéM .

Pour toute fonctionH surM , on considère l’unique champs de vecteursXH surM défini par l’équation :

i(XH)Ω = dH +Hω.

Un calcul immédiat montre queLXHΩ = (−i(XH)ω)Ω, c’est-à-direXH est un automorphismeinfinitésimal deS qui est dans le noyau de. Donc n’importe quel relèvementYH deXH est un champ devecteurs symplectique de(M, Ω). Observons que :

i(YH)Ω = λπ∗(i(XH)Ω

)= λπ∗(dH +Hω) = (dH ′)λ+H ′λd lnλ= d(λH ′),

oùH ′ = H π. DoncYH est un champ de vecteurs hamiltonien sur(M, Ω), avecλH ′ comme fonctionhamiltonienne. Donc sur(M, Ω), les équations de Hamilton s’écrivent :

d

dtγt = YH(γt).

Pourf, g ∈ C∞(M), la fonction(Ω(Yf , Yg))/λ est une fonction basique que nous notonsf, g. Pardéfinition, on pose :

f, g=(Ω(Yf , Yg)

)/λ.

Cette dernière expression est la forme globale d’une expression locale trouvée par Lichnerowicz [6] (voiraussi [9]) pour le crochet de Jacobi def et g, défini en utilisant la structure de Jacobi(P,E), P étantle tenseurP = Q−1

Ω : T∗(M)→ T(M), oùQΩ(X) = i(X)Ω et E l’unique champ de vecteurs tel quei(E)Ω = ω.

Les démonstrations détaillées paraîtront dans [3].

Références bibliographiques

[1] Banyaga A., Sur la structure des difféomorphismes qui préservent une forme symplectique, Comment. Math. Helv.53 (1978) 174–227.

[2] Banyaga A., The Structure of Classical Diffeomorphism Groups, Mathematics and its Applications 400, KluwerAcademic Publisher, 1997.

[3] Banyaga A., A geometric integration of the extended Lee homomorphism, Preprint, 2000.[4] Calabi E., On the group of automorphism of a symplectic manifold, in: Problems in Analysis, Symposium in

honour of S. Bochner, Princeton University Press, Princeton, NJ, 1970, pp. 1–26.[5] Godbillon C., Éléments de topologie algébrique, Hermann, Paris, 1971.[6] Guerida F., Lichnerowicz A., Géometrie des algèbres de Lie locales de Kirillov, J. Math. Pures et Appl. 63 (1984)

407–484.[7] Haller S., Rybicki T., On the group of diffeomorphisms preserving a locally conformal symplectic structure, Ann.

Global Anal. and Geom. 17 (1999) 475–502.[8] Lee H.C., A kind of even-dimensional differential geometry and its application to exterior calculus, Amer. J. Math.

65 (1943) 433–438.[9] Marle C.-M., Quelques propriétés des variétés de Jacobi, Géométrie symplectique et mécanique, Dufour J.-P.

(Ed.), Hermann, Paris, 1985, pp. 125–139.[10] Vaisman I., Locally conformal symplectic manifolds, Int. J. Math. and Math. Sci. 8 (3) (1983) 521–536.

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