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Zweiter Tag (l 6. September 1953). Vorlnittagssitzung. Prfisidiuln: H. Hoff, Wien, und W. Hal]maker, Washington. Qu'est-ee que la douleur? Par Ren6 Leriehe, Paris. Si paradoxal que cela paraisse, 6rant donn6 sa frfiquence, aucun de nous ne saurait ,dire ce qu'est physio.logiquement la douleur.-Les m6dec,ins Ia tiennen:t v.olontiers pour un avertissement donn6 p.ar la nature, p'aree qu'elle sert parfois h leurs diagnostics. Ils oublient trop que lh off elle nous avertit d'un .danger, el.le ne no.us est utile que .depuis bien peu ,de temps, que, pendant .des si~cles, cet averfissement n'a s,ervi h rien et clue, aujourd'h,ui encore, il faut, pour qu'il no.us prot6~e, qu'i,1 y art un ehirurgien .dan's le vo~,sina,ge. La nature n'a cer- tainement pas p.ens6 ~t cel,a. Les histologistes, depuis Von Freg, ont s,ouvent eonsid6r6, eux aussi, que tout en nous est .o.rga.nis6 po.ur la percevoir et qu'elle est l'exerciee .d'.un sixi~me sens, .1,e sens ,d6fensif qui no,us avertit des injures ext6rieures. Ses apparei,ls so.nt les terminaisons sensitives de 1.a peau. Wollard, dans une 6rude approfondie, ayant examin6 la topographic ~en profondeur des ~616ments s.ensfitifs, arrive h cette conclusion que le r6s.eau le plus superfieM log6 sous l'6piderme, fair de fines fibres sans disque et sans corpuscules, est sp6c'ialis6 pour la c.aptation sp6c~fique .des impressions douloureuses et probablement ,de la .douleur rapide. Les fi,bres qui ,les con,tinuent ne se m~l.angent pas aux autres. Bref, la douleur apparait eomme un aspect normal .de la physiologie. Et WeddelI, transposant le probl~me sur le plan expfiri- mental, ehez les animaux et chez l'homme, ten.force encore celte conclusion. L,es fairs sont les fairs. Nons n'avons, semble-t-il, qu'h accepter une eonel'usion qui s'aeco.rde avee les constatations 61ectro.-physio- logiques de Gasser et Erlanger, d'Adrian m.ontrant que la douleur est eonduite, 61eeti'vement, par de tr~s fines fibres, faiblement my61i- nis6es, d'nn type sp6eial, et qu'elle ne marche pas avec la m6me vitesse

Qu'est-ce que la douleur?

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Page 1: Qu'est-ce que la douleur?

Zweiter Tag (l 6. September 1953).

Vorlnittagssitzung. Prfisidiuln: H. Hoff, Wien, und W. Hal]maker, Washington.

Qu'est-ee que la douleur? Par

Ren6 Leriehe, Paris.

Si paradoxal que cela paraisse, 6rant donn6 sa frfiquence, aucun de nous ne saurait ,dire ce qu'est physio.logiquement la douleur . -Les m6dec,ins Ia tiennen:t v.olontiers pour un avertissement donn6 p.ar la nature, p'aree qu'elle sert parfois h leurs diagnostics. Ils oublient trop que lh off elle nous avertit d 'un .danger, el.le ne no.us est utile que .depuis bien peu ,de temps, que, pendant .des si~cles, cet averfissement n'a s,ervi h rien et clue, aujourd'h,ui encore, il faut, pour qu'il no.us prot6~e, qu'i,1 y art un ehirurgien .dan's le vo~,sina,ge. La nature n 'a cer- tainement pas p.ens6 ~t cel,a.

Les histologistes, depuis Von Freg, ont s,ouvent eonsid6r6, eux aussi, que tout en nous est .o.rga.nis6 po.ur la percevoir et qu'elle est l 'exerciee .d'.un sixi~me sens, .1,e sens ,d6fensif qui no,us avertit des injures ext6rieures. Ses apparei,ls so.nt les terminaisons sensitives de 1.a peau. Wollard, dans une 6rude approfondie, ayant examin6 la topographic ~en profondeur des ~616ments s.ensfitifs, arr ive h cette conclusion que le r6s.eau le plus superfieM log6 sous l '6piderme, fair de fines fibres sans disque et sans corpuscules, est sp6c'ialis6 pour la c.aptation sp6c~fique .des impressions douloureuses et probablement ,de la .douleur rapide. Les fi,bres qui ,les con,tinuent ne se m~l.angent pas aux autres. Bref, la douleur apparai t eomme un aspect normal .de la physiologie. Et WeddelI, t ransposant le probl~me sur le plan expfiri- mental, ehez les animaux et chez l 'homme, ten.force encore celte conclusion.

L,es fairs sont les fairs. Nons n'avons, semble-t-il, qu'h accepter une eonel'usion qui s'aeco.rde avee les constatations 61ectro.-physio- logiques de Gasser et Erlanger, d'Adrian m.ontrant que la douleur est eonduite, 61eeti'vement, par de tr~s fines fibres, faiblement my61i- nis6es, d ' nn type sp6eial, et qu'elle ne marche pas avec la m6me vitesse

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que le toucher. Chacun sait qn'eltes se concentrent dans un faisceau particulier de la moelle, et qu',on peut le sectionner sans diminuer ,la conduct ion ,du to.ucher et des impressions de chaud et de fro id.

Nous n 'avons .donc qu'~ n.ous ~incliner. Et cependant, qu,e de fairs vont ~ l 'encontre de cette conception!

I1 y aurait tout d 'abord beauconp /a dire sur la pr~tendue pro- tection qui nous serait ass.urge par la douleur. C'est admissible pour les piqfires et Ies menus tra,umatismes; mats quand i.1 s'agit de douleur matadie, on ne coan, prend plus. Que de douleurs inu.tiles et cruellesl Je vois mal l'utilit6 d 'une n6vralgie du trijumeau, de la douleur des amputges, des zost~riens, et de eelles des eane&eux. Quand nons ~avonsr~ussi op6ratoiremen~t ~t ,snppr~mer une douleur habituelle, nons n 'avons certes pas l'i~mpression d 'avoir diminu6 la d6fense de l'individu.

N'a-t-,on p,as 6tudifi trop exclusi,vement la physiolo,gie de l a piqfire et du chatouill,ement, ,et t rop excl'usivemen,t s~r 1,a peau, en o,ubliant d'6tudier la ,douleur vivante d,u malade qui souffre, et en partieulier routes les douleurs vis,e6rales?

Tout ,d'abord, la douleur maladie ne suit pas la 1,oi de l 'adapta- tion q.ui est celle .d,e la do,u~leur provoquge, .de la douleur exp(!rimentale: tandis que la r@6tition =de l'excita.tion 6pulse la sensation, la douleur mala.die s'.accroit sans cesse, m6me quand elle est i,ntermittente. C'est le contraire de l'adaptati.on.

En second lieu, ,la douleur ,maladie est parfois provoquge par des excitants qu 'on ne s aurait dire dolorifiques en sot et qui ne sont pas ceux qui impressionnent les terminaisons sensifives de la peau. Voici la nfvral,gie du t r i jumeau 0fl la douleur est produite par Fair froid, par le moindre contact, pa r le mouvemen t des l~vres. Le malade ne devrait pas souffrir. I1 ne devrait ressentir que des sensations de froid, de toucher. Comment fac t ion al,gique de ces excitations pent- elle s 'exercer? Sur 1,es centres? Mats al.ors ~ quoi serven.t les appareils sp6cifiques de la ,dcmteur?

Aulre fair: une jeune femme se blesse sur le bord cubit al d u 5~ Le neff co,llat6ral a 6t6 co,up6, et bientbt apparal t une douleur en brfilure insupportable au moindre contact. Le doigt qui fr61e doucement amine des redoulements douloureux. D6fense? Ni la nature de l'excitant, ni les app,areils sp6cifiques ne sour pour rien dans la gen~se .de la do'uleur. Et les cas sont n,ombre'ux o,ll il en est ainsi. La conception de la douleur sixi~me sens ne fient pas assez compte de la d,ouleur par patholo,gie.

Autre chose: souvent, .la d,ouleur diffuse atteint une zone qui ne r6pond pas ~ une topographic nerveuse. Le plus bel exemple que

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l 'on en puisse donner est ta t umeur glomique. Dans un cas qui si6geait tL la face interne du bras pros de l'aisselle, la douleur 6tait de la face interne du bras et de l 'avantbras .

E n o utre, il y a des constatations histo~ogiques qui ne cadrent pus avec la sp6cialisation des r6cepteurs. Pierre Masson a cit6 deux fairs oh le n6vrome dou,loureux d',un collat6ral digital 6tait fait presque exclusivement de corpuseules de Wugner-Meissner.

Abort ions le probl~me de plus haut. I1 y a u n e dnorme lacune dans la ,description des appareils sensififs de la peau. On nous d6crit des appareils sp6cifiques pou r percevoir I a do.uleur, et on ne nous dit rien de eeux qui doivent capter les sensations agrdables e• voluptueuses, q,ui sont cependant hien plus banales pour la p lupar t des hommes que les sensations douloureuses. On ne leur connai t aucun rdcepteur. Y e n ,a-t-il de sp6cifiques? Quels sont les chemi,ns ,duns la moelle de ces perceptions? Serait-ce aussi le faisceau de la douleur? S'~il y a des apparei ls sp6cifiques pour ta douleur, il dolt y en avoir pour les 6tats inverses. Ne serait-ce pus le cerveau qui donne 1.a tonalit6 de la sensa.t, ioi1 ?

Et eeci m e conduit ~t l 'objecfion m'ajeure que l 'on peut faire 5. la conception du sens d~fensif. La ,douleur est une sensation. C o m m e telle, elle est une cr fa t ion thalamique. I1 n 'y a pas ,de douleur rant clue le tha lamus ne s'est pas prononc6. Les r fcepteurs p6r iphf r iques n 'on t cer tainement pas le pouvoi r de faire une discr iminat ion entre les exeitants et ne peuvent deviner ceux qui prendront dans le tha lamus une valeur affective.

Je ne vois pas comment accor,der cette rfflexion avec les eonstata- tions et les concl,usions de WeddeII, sinon en d}s'ant que la douleur maladie est l 'expression ,d'un tro~u~ble o rganique, qu'elle es! une des r~v61ations d 'une modification pathoLogique de la vie tiss:ulaire, de la chimie des m6di.ateurs ou d.e la chilnie ,intersfitielle, a,gissant soit au nive au des terminaisons sensitives, soit sur les troncs nerveux eux- m6mes soit le long de la vole eentripbte.

Et je pense que Ict plus sdre mcmi~re d'arriver d ta conna~tre est de chercher les conditions physiopathologiques qui [a font I~aitre.

A c e point de vue, on note, si l 'on est sensible aux petits 4tats satellites, qu ' un no,mbre consid6rable de douleurs se font dans une atmo,sph~re de d6s6quilibre va,somot.eur, soi t e n vasoconstriction, soit en vasodilatation active ou passive, non pas ,de gros troubles, mais de menues r6aeti0.ns capillaires.

Nous all.ons essayer de te voir en examinan[ un certain h o m b r e d'6tats doulo,ureux.

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Les d o u l e u r s d ' o r i g i n e v a s o m o t r i c e .

Avant d 'a rborer ce chapitre, il pent 6tre ulile d'insister s ur les obscurit6s physiologiques de la vasomotricit6 chez l 'homme.

Nous admettons qu'il y a deux 6tats inverses: la constriction et la dilatation, en ne faisant gubre attention aux incessants passages de l 'une h l~autre et aux Oats in,term6diaires. Bien .des m6eanismes de r6gulafion de ees deux Oats nous 6chappeni. Quand une a t t i r e est oblit6r6e, la r~gion d 'aval est en 6tat de vasoconstrict ion. Si l 'on r6s~que le segment .obl~t~r~, im,n%diatemen.t, te r6g.ime p6riph6rique change el se met en valodilatat ion active.

Cependant la r6seetion du segment oblit~r6 n ' a rien chang6 l 'h6modynamique .dans l'art~re. Cela ne peut se eomprendre que si

l 'on a,dmet que le r6gime des colla't6rales d@end de l ' innervation du gros trone. La r6section arterielle a lev6 un barrage eonstrietif. Elle a 06 en fair 'une intervention nerveuse.

Du m~me, la brusque d,istens~,on experimeniale d 'une art~re a montrd h Malme]ac nne constriction des branches eollat~rales. I1 faut en conclure que toute excitation de la paro.i artfirielle provoque une r@onse vasoeonstrie~ive.

J'avais autrefois pens~ que eeci s'expliquait par une eonstr 'uc~on en r6seau de l'innerv,ation artfirielle, h la fa~on .de Boeke o,u de StShr. Mats Weber a .montr6 que ce rfiseau n'fix~st,ait pas. A la 1,umi~re polaris~e, ce que l 'on avait pris pour un r6seau, n 'a pas de diehroisme. Les nerfs sont terminaux. Le f, ait physiol,o.gique, demeure. I1 s'expli- quera un jour.

La causalgie. La premibre des maladies dans laquelle une douleur d 'un type un

peu sp6ciat esl ac.compagn6e de trcm'ble:s vasomoteurs, est la causalgie de Weir Mitchell. On ne sa,v:a,~,t pas ee gut p,r~c~d,ui, sait la d.o,ule'ur en euisson, et beaucoup de neurologis,tes pensaient que c'6lait un d6s6- quilibre psychique, lorsque, en 1915, j 'eus l 'oeeasion de v.oir aan bless6 de l'aisselle qui avafit une terrible causalgie. Je fus frapp6 de l'inten- sit5 ehez lui .de sy.mpt6mes ayant une marque sympathique: eyanose, refroidissement, su'dation, tr(mbles trophiques, aggravation par les 6motions, par le bruit. Je fis l 'hypolh~se d 'nne atteinte sympathique. Je fis une sympathectom~e p6riarl6rielle. L'.art~re 6tait petite, con- traet6e. Elle n 'avait aueun baitemer~t; eependant il y avait un pouls radial, mats tr~s f, aibl.e. J 'enlevai l'adver~tiee sur 12 cm. D~s le lende- main, la main ~tait ehaude, n'6tait plus eyanosfie, et la douleur de euisson avait d,isparu. D a~ks les jours suivants, il n 'y cut que de rares crises douloureuses. Comme il per:s~stait encore quelques do'uleurs, je rNntervi'ns trois sernaines plus tard: j'o,uvris Paisselle qui, Oai.t pleine

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de fissu fibreux. Je I t diss6guai jusque sous la clavicule. L 'ar t~re 6tait o,.blit6rde. Elte rut rds6qu6e. Le rdsult.at de cette art6riectomie fur extraordinaire: rdchauf femen t eutan6, disparat ion complete de to,ut reliquat do,uloureux, t ransformat ion de t '6tat g6n6ral. Le malade se d6elara co.mpl~tement ~g~u6ri. Je l 'ai revu au .bout .de 17 mois .dans un 6tat parfait .

Cette o.bservation per mettait ,de poser le pro.blame de la na ture de la causalgie et de sa th6rapeutique par des o~p6ratio,ns sympathiques, l 'ar t6rieetomie n '6 tant en fait qu 'une sympa.theetomie. A la [email protected] 6poque, j 'op6rai plusieurs m alades de la m6me fa$on avee une major , t6 de suee~s ,indiseutables. I1 semblait done bien que la eau- sal,gie fur ~n.e .dcruleur par vaso-mo.tricit~ troublfie.

Cepen&ant, c'ette explication du m6eanisme de la e,ausalgie fu.t accueillie avee sceptic'is,me. II a fallu los nom.breuses exp6rienees de la ,derni~re guerre et les suee~s .de la ganglieetomie, pour que l 'on finisse par admet t re qu' i l s 'agissait 1~ d 'une maladie par perversion sylnpathique.

Mats une question se pose, sur laquelle il y a ,des opinions diver- gents: la eaus.alg'ie se fait-elle en vasoconstr ict ion c~u en~ vasod~latation?

Toutes celles qui su,ee~dent h une blessure vaseulaire, se font en vasoeons:tr,ietion. I1 y en a eertainement en vasodilatation de stas.e, sur tout seeondairement. I1 y en a a~ssi en v.asodiI~atation ae.tive. J 'a i pu, 4nvolontairemen,t, en appor ter une demonst ra t ion exp6rimentale, en p,ubliant tr~ois fai'bs de eausalgie typ'ique suee6d:ant /~ .des gan- glieetomies lom.b.aires faites pour .des 6tats non vaseulair:es. Dans l 'un de ces eas, le pied 6tait 'brilliant, il y avait de ,gros troubles trophiques, et la malade se soulagea,i.t ,dans la rue en met tan t son pied n'u clans le ruisseau.

No'us egdons tro,p faei lement ,dans Ious ces probl~mes /~ la tyrannic du sch6m.a. Les monvemen t s de la Vasomotorieitfi n 'on t eertainement pas la rigi, d, it6 que les roots nous imposent . Les aet,es .de la pathologic n ' on t pas la r igueur de nos cadres, et nous obseureissons souveni des probl~mes simples par le radiealis:me ty rann ique .de nos 6pith~tes.

Fontaine a rapport6 rdeemment une .observation remarquable ~ ee point du vue: eh.ez n n malade de 30 ans p6sentant un syndrome d'algie diffusante, avee trou.bles vaso-mo.teurs et t rophiques apr~s 6erasem.ent d 'une phalangette, ~1 constate un abaisseinent de tem- p6rature .eutan~e .de 5 de.gr6s au niveau de ta main. Apr~s sym- pathe,etom.ie do.r'sale sup6rieure, {es do,ule,urs eessent et les. tro,ubles vasomo.teurs disparaissent. Cinq semaines plus tard, r6appariti.on de la do,ul,eur. L ' exam en n~on~tre ,une hyper~m,~e intense av.ee une hyper-

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thermie de 4, 5- L ' immersion pendmlt 36 heures ,de la main dans de l 'eau gl.ac~e f a r dispar,aitre la douleur. Donc, vasoconstriction et hyperSmie ont la mSme influence algique.

I1 est pl'us imp,o~tant, peu,t-~tre, ,d'e savoir ~ quel~es l~M,ons co,rre- spond la causalgie. I1 y a tout d 'abord Its plaits art6rielles, surtout clans le type plates s~ches suivies .de thromhose. I1 y a ensu,ite les blessuves d 'un ou .d,e plesieurs rrerfs. Parrot eelles-ei, les .plu.s fr~Taen- tes sour les blessures du m6dian et d,u cubital. La se.cti(m nerveuse pe~t avoir ~t~ ~ncompl~te, et l 'on a s~u des sections incompl~tes avee n6vrome interstitiel b loquant l 'art~re du net{ m6dian. Enfin, il y a des eas off il n 'y a ni atteinte nerveuse, ni ,atteinle art6rielle. Seuls Its tissus eonjonetifs et musculaires ont dr6 trav.ers6s par..un ~gent tr,aumatisant. Ce sont des c a s ,d'excepti,on q'ui~ rfipon, den:t su,r'to,ut anx e,a,usalgies bdnignes ,de la pratique eivile. Certes-el so.nt fr~quentes, mais moins graves que les eansalgies de guerre. Anssi ne leur donne-t-on p as le nora qu'elles n~firitent.

I1 .es't ~vi,dent que la c~nd'ui't.e/~ tenor n'est pas la mfil~e da'n~s ehacun de ees ca,s. Quar~,d ta l~sion a ttei, n t s.eulemertt des parties eonjouctives, te bto.c~e sympa~th'ique peut suffire. J'afi rapport6, dan.s mo,n livre sur la douleur, un eas da~ns teq'ue! nne eausalg,ie rebelle datant de 5 mois fur compl~tement g~u6rie par six infiltrations stella,ires. Le blesse a repris du service aefif en Indoehine. La ganglieetomie n'est indiqu6e qu'en cas ,d'6ehe,el S',il y a 15s~on nerveuse, elle .doit tout d 'abord ~tre r@a%e avee .adjonct~on de sympathee~omie p~riar'terMle. S'il y a t ransformation ,d',une ~ar.tfi,r'e en eor,do~ fib,reux, elle dolt ~tre r~sfiquSe. Je n'op~re qu 'en eas d'~ehee, et dans ees eas, je prfif~re la section des racines du neff vertebral a la ganglieetomie d0rsale, mats l 'op6ration ne dolt fitre faite q.ue secondairement.

Je sais bien que la gan,gliectom~e, .d'apr6s eerta, ines sIatistiques am6ricaines, ass.ure ,}a #u6r~son darts presqu,e tons les eas. Ulmer et MayfieId ont parl6 .de 70 eas avee 70 gu6risons. Dans ta plupart des autres sNtistiques., il y a des 6ehees. SIesser a rapport6 17 e.as ,de gangliectomis6s. T o u s l e s malades ont 6t6 am61ior6s, mats six avaient gard6 une impression ,d6sagr6able, et darts tous les eas, le membre 6t,ait rest6 plus froid. Rasmussen et Friedmann, sur 100 eausalgies ont sympatheetomis6 40 avee 62% de r6sultats exeellents. Je t rois done pr6f6rable le btoeage s,tellaire r6p616 a~rec intervention locale sur les nerfs et l 'art6re. Dans to,us les eas o6 l 'art~re 6tMt oblit6rfe e t a 6t6 r~s6qu6e, la gu4rison a 6,t6 ~b~en~e sans autre in terver~e~.

De route faqon, ees rfisnltats font la preuve que la maladie est bien ,d'ori,gine vaso.motriee.

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Los algies traumatiques.

Pa'rmi los aut,res Sylrdro.mes do,uloureux d'odgi,ne vasomo~irice, il fa'ut mettre los algies posttraumatiques avec oed~me et eyanose, O~l l'oscill.om~trie mont re 'une r~du.etion eo.nsidSrable des oscillations. Le syndrome algie di.ffnssante apr~s t raumatisme minime d 'un doigt est de m~me type. I1 est curable par le bloea,ge stellaire ou par l 'injee- tion intra-art&ielle .de .novocaine r{p~t6e, co,inbin~e avee les anesth~sies des nergs eollat~raux dn d.d,gt int~ress4. Pa r le blocage, on ass,iste

un phdnom~ne int~ressant: d~s los premieres injections, la diffusion de la douleur dimin,ue. Au bout de .trois 0u quatre jours, son champ est rdduit au territ.oire .du doigt int~ress6 et lg, la douleur r&~ste plus longtemps.

Dan,s los a.lgies p.os,ttra'umatiques, il f'au.t encore i,nscrire l'ostdo- porose algique. Sddeck I'avait attribu6e ~ de I 'atrophie de la su:b- stance osseuse. J 'ai pu mont re r avec Policard, en 1918, que la vaso- dilatation active 4tait une grande cause .d'.ost~.o.lyse: quand, apr~s un tranmatisme, s'installe un r~gime d'hyperfimie, l'os sous-jacent entre en r~sorption. Cette ost~olys,e s 'aeeompagne de vives douleurs et d 'une impotence fcm.eti.onnelle total,e. Pendant des annSes, j'ai tra,it~ ees ~tats par sympathectomie p~ria.rt~rielle, avec .de rapides gu~risons. Mais d.mas ees derni~res ann4es, j 'ai vu que l 'on arrivaJt au m~me r4sultat par le blo,eage gan,glionnaire r~p~t4 ou par l 'injection intra- ar t&idle de novocaine.

Ces ost4.oporoses posttraum:atiques .so voient surtout ehez los indi- vidus ayant nne susceptibilit4 r4acti.onnelle sympathicFue parti.euli~re: ee n'est pas la nature .de l'ace,i.der, t qui est en cause, ni sa gr'avit~. J 'ai vu, apr~s un premier t raumatisme et une premiere ost6olyse, la ma- ladle r&idiver sur un .a'utre membre apr~s nn acei,dent minim< Get accident eausal pent, au res.te, ~tre une operation: j'.ai vu une osl~olys.e .douloureuse de tout le f&nur suivre l 'ablation d ' u n m~nisque ~t s~ites locales aa,ormales.

Blessures des nerfs.

Certui~ws blessures nerveuses so.nt doulonreuses, mais on ne pout arriver ~ eat~goriser-anatomiquement cell.es qui le sont. La do~tleur, du type causalgie att~nu6e, s,urvient auss.i bien apr~s ~m englobement eiea{rieieI qu 'aprbs ~a'ne section incomplete e~ ngvro.me interstitiet, q-u'/~ la sui:te .d'une s,ecl/on complete. A quoi la douleur est-dle due dans ees eas? Un fault d ' abord : elle est presque toujours secondaire. Apr~s la douleur immediate perc ue comme un "ebranlement 4leetrique au mo- ment m~me de la blessure, il y a un ealme e.omplet pendant quelques jours ou q, uelques semaines, puis la douleur app.ar:ait plus ou moins

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intense. C'est done sans .doute qu'elle est produite par l 'organisat ion de la eieat~ice nerveuse. C o m m e n t .eelle-ci agi.t-elle? On peut penser que son action al,gique est ,un fait p 'urement m6car6que Cepen.dant, bien des excitations m6eaniques po r t an t sur tes nerfs ne produisent pas de la d~yuleur per,manent.e. Le lent refoulement d ' un neff par une tumeur ne prov.oque a'ueune sensation. La compression par un cal exub6rant pas davantage, ni l ' englobement total: j 'ai v u l e radial passer h tr.avers un eal ,de l ' hum6rus : ,i'l n ' y avait a:ueune douleur. I1 semble done que la ,douleur fass,e part ie ,des r6flexes qui par ten t d 'une ciealriee neuro- gliomateuse. Si l ' on examine les faits en par lan t de eetle hypoth6se, on volt q'u'Jl existe d'h.abitu,4e .de 16gets ,troubles de la vasomotrieit6 dans beaucoup de ph6nom6nes do,uloureux, et qu'il suffit de b loquer le sympath ique ganglionnaire po,ur voir la douleur disparai tre .ou se r6d'uire en intens~t6 et en 6tendue. J 'a i .done tendanee h penser que lh encore, la douleur es't d'ori:gine vasomotrice.

On ,m'objeetera la sci.atique disc'ale. Elle est, en apparenee, le type de la douleur d'ori,gine m6eanique. Deux faits eependant doivent nous faire r6fl6chir: tout d ' abo rd la possibilit6 de sa gu6rison d6finitive. pa r .des moyens m6dicaux, et j ' a jou terN par l ' inflltration lo,mbaire r6p6t6e. I1 y a m~me des gu6risons spontan6es. Cela ne va gu6re avec la pe rmanence du fair m6canique. E n second lieu, la fr6quence con- stat4e, au eours des interventions, d 'un oed6me ou d 'une congestion :de la racine ou des raeines. Si l 'on veut bien penser que bien des trou- bles cireulatoires locaux nous 6chappent parce que trop diserets, on supposera peut-fitre, avec moi, que lh encore, la douleur est la tra- duet ion d 'un 6tat vaseulaire ano rm a l de la racine sous l 'effet de la c~:mpressiom

Douleurs des cicatrices.

Je ferai la m~me hyp,olth6se au suj'et .des douleurs provoq,u6es par des cicatrices. I1 y a une vingtaine d 'ann6es (1931), j'a~ 6tudi6, avec E. L. Homes, les nerfs des cicatrices. Sur des cicatrices de divers/ tges, nous .avons vu, a'u bout de trois semai,nes, des fibres alny41iniques dans le pour tour , puts, au bont de ,cinq semaines, des fi.br,es my61iniques. Apr6s le s.epti~me mois, to,ute la cieatrice en 6tait remplie. Bea'ueoup s,e terminaient en massue, et parfois il y avait .de petits n6vromes. Toutes les cicatrices ne sont pas douloureses, mais beaucoup s.o.n.t plns o,u moins sensibles ~ux chan, gements .de temps, o,u quand ell,es sont eongestionn6es. D'.au'tres deviennent prurigineuses par le froid. Cela .donne h penser que les ~tepminaisons., souvent nnes, sont tr~s sensibles aux variat ions clreulatoires. L 'hypoth~se soulev6e tout h l 'heure doit or ienter la rech,er.ehe

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Qu'est-ee que la douleur? 213

Douleurs des amput~s. De la dou]eur des sections nerveuses non r@arSes, il faut rap-

pro.chef les douleurs des amputds. Ell es sont banales, h~l~s! Ii faut en distingu,er deux types, la do u]eur du mo~ignon luLm~me i~sol~me~t, et la douleur de la p~riph~rie d,u membre absent, du fant6me. Les dou]eurs du moignon sont g~n~raleme~t accompagnSes de tro,uhles vasomoteurs, et presque toujours, supprimSes par Finfiltration ganglionnaire, par l 'ar[~riectomie si �94 est oht~t&~e, et pa.r I:a gan- gliectom~e. Les autres, cells du font6me, sont rebelles et je ne sais comment les expliquer. Quelques-unes c~dent ~t la .m~d~cation sym- pathique. Le plus ,grand nombre ne sont pas ~nfluenc~es pa r les m~- thodes qui en rel~vent, et je ne suis p,as encore assur~ que la cordo- tomie les supprime lo~ujours.

Douleurs des art~ritiques.

Les douleurs des art~ritiques consti tuent au jourd 'hu i u n chapitre impor tan t de la ch,irurgie de la douleur et 1~, nous ne sommes plus sur le terra,in des hypoth~sesi

La ,douleur, iei, .d@end 'biert de l 'isch~mie et ,d'elle seule. On a par- fois parl~ de n~vrite, parce que Yon a 'tro,uv~ histologiquement ehez de vi.eux art~ritiques des nerfs 'histoto,giquement alt~r~s. M.ais, un fair de valeur expfirimentale prouve que la douleur ne tient qu'h l'iseh~m,ie: les opfirations vasodilatatrices, art4riectomie, ganglieclomie, surr~nal- ectomie, isol4es ou co.mbin~es, les font presque .toujonrs disparaitre. Et lorsqu'apr~s l"une ou �94 de ces op4rations, il p'ersiste de la douleur, si elle ne tient pas/~ nne suppurat ion locale on ~ une arthrite phalango-phalanginie:nne o.u m4tataI~sienne, une sympathe,eto,mie peri- art~ri,elle compl~men:taire ,ach~ve la s~dation la plup.art dn temps. Lorsque la circulation mal.gr4 ces o.pfirations est trop rgduite, l'o,bli- t~ration fitant t rop ~tendue (aorte, il,iaque et f~morale par exemple.), la greffe veineuse la f.ait ces's.er imm4dia.tement.

Un fair reste pour moi inexptiqu~ dans la donleur des art~ri.t,iques: pourquoi, avant to'ute opfirati.on, le malade ne peut-dl rester co,uehfi /~ plat et se trouve-t-il mieux en mettant la jambe pendante hors du lit? D'apr~s n.otre 1.o,gique, ~l devrait ~tre mieux horizontal , mais notre ]ogique n'est pas celle de 'la rtature.

Douleur des phl~bitiques.

Les douleurs des phlebitiques sont assez complexes. I1 y a en elle:s un filament de sta~, peut-~tre aussi une ec~mpos,ante de vasoconstric- tion art~rielle. L'infittra.tion tomba.ire les soulage plus que la gan- glieetomie.

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9~i~ R. Leriche:

J.e p.ourrais m'ultiplier lea exemples du r61e de la vasomotricit6 dans les syndromes doulo,ureux. Je ne veux en donner plus qu 'un exemple: celui de l'ang.ine de po~i.trine, .de l"infaretus myoc.avdique pour em- ployer }a terminoto.gte .du mcmaent. J 'ai eo.nsaer6, dans mon livre sur Ia doul.eur, une lon~ue 6trade/~ ta douleur angineu.se. Je ne puis redire ie6 l',analyse que j 'en ~ai faite ,at la crit ique que j'ai a,d'res,s6e/~ 1.a th6orie de Macker~zie. Je d~rai seulemertt i'ei qu'elle est s6rement une douleur en va,soeons'trieti.on. Sea conditions d'appariticm sont eelles qui proct'ui- sent .4e t'iseh6mie, .el I.a s44ation par la novoeainisation du s'tellaire qu~ provoque ,de ta vas,odila.talion danls le r6seau coronarien la fa'i~t ce.sser. J 'ai vu cela en 61eetrisant ,le stell,aire, chir urg.i~ealement d4e.ouvert so,us anes.thfsie locale, en pro.voquan~t ainsi une crise angineuse et en Far- r~tant net par le bloeage ,ganglionnaire, Je sais Men que l 'on continue .de dire que le sympathique est un vasodilafateur eoronarien, mais j'ai montr6, avee Fontaine, que si l 'on .op6re sur l 'animal entier, le sympa- ~hique est bien vaso,cons~trieteur. Depuis 1931, les r6sultats de no's exp6rienees ont 6t6 sans cease eonfirm6s et r6cemment eneo.re, Hirsch apportai.t ,4ans la Presse M6dial,e des constatations hi,stol'o,g~qu,es s'ac- cordant pleinemen't avee ee que no,us avions vu. I1 y a, d'au,tre part, 'un argument dont .on ne saurait minimiser l.a port6e: l'effieacit6 du bloeage :stell:~i~,e et de la do,uble ,ganglieetomie. Si le sympathique 6tail va~sodilata, teur, le donble bloc.age et la d.ouble ganglie.ctomie ctorsale devraient fitre eatastrophiques, alo.rs qu'el'les arrfitent les crises et am4- liorent le fonct ionnement eard~aque. La m6decine est ple~ne d'idMes qu"il est diffid'le .d~ renverser.

Et ma.in,teuant, .il ~ne f.aut eonclure: un nombre considerable de s! jndromes doutoureux se [out c~vec des troubles circuIatoires. La cor- rection de ces troubles par les proc4d~s v~sodiIc~tateurs sembte indiquer que leur mdcanisme d'origine est darts bien des cas s!]mpathique.

Cela veut, il signifier que le sympath ique cervicale renfe rme des fibres centrip6tes eonvoy0mt la douleur?

I1 es't certain que 1.a ehaine sympath ique cervieale est sensible aux excitations m6eaniques et 61eetriques. Le pineement, l'61eetris'ati.on de la ehaine pr,ovoq'uent darts des. territoirea dis~inets, suivant le niveau ,de l'61ectrisation, des ,dou'leurs v~ves et ne r6pondent pa~s a une topo- graphic d 'un nerf spinal: l'exc~tation .directe du ganglion sup6rieur entraine de rives .douleuns darts les dents .de la mCt.ehoire inf6rieur et derri6re l'oreille. Le pineement du ganglion stellaire provoqne la dou- leur anginense et sp6eialement eardiaque. Loyal Davis a montr6 que ees r6ae~o.ns .do,uloureuses disparaissent, quand to,utes, lea raeines post6rieures eervieales sont eoup6es. C'eat done une sen'sibilit6 d 'emprunt . La section du splanehnique sous anesth6sie locale, si le

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Qu'est-ce que la douleur? 215

nerf n'est p.as pr6atablement anesth6si6, fa~t n,aitre une douleur car- diaque. Sons a,n,esth6si6 rachidienne, le p~i~ncement d.e l 'adventice f6mo- vale demeure doul.oureux. Done, il y a des 616merits centripOes qui ne passent pus par la vote no,rmale. So,us anesth6sie raehidienne, je fai.s une sympathecto'm'ie lo,mbai.re. Bi~en que l'anesthgsie soit parfaite, le gros orteil reste tr6:s doulou.reux. La douleur disparai,t d~s clue la chaine lombaire est cou:p4e.

I1 y a done des r.amea'ux sensitifs qui passent par le sympathique lombaire. J 'admets Men volontiers que c,e sont des 616mertts de la sensibilit6 spinale h tr.ajet 'aberrant. Mats, ces fairs et bea,ucou.p d'autres ont po:uss(i no,mbre d 'auteurs contemporains h a d,mettre, comme Dogiel l 'avait ,autrefoi.s pens6, qu'il y a .des fibres centrip~tes dans. le sympath ique et peut-fitre une conduction: antidromique.

I1 y a des faits bi.en tro,u.blants. J 'ai 1,u quelque part une observa- tion d'AIlisort, chirurgien thoracique de Leeds. Chez un roulade atteint de cancer du poumon inop6raMe, et so'uffrant d'irradiatio,ns dan.s l '@aule, le cou, la nuque, l'a, ttcmchement ,de la tttmeur, au eours d"une bronchoseopie, r6veill.ait 'une .d6ch.arg, e ,doul.oureuse ,a,igu~ duns la zone d' irradiation. On pral iqua une stelleetomie, et la douI;eur di'.sparut au moment pr4ei:s de ia section sympath'ique; depuis lo.rs, to'us les 6tats douloureux li6s /~ une tumeur pulmoi)aire sont tvait6s pa r sympathectomie.

Dans un livre qui vient de p,araitre, .consacr6 au syst6me nerveux sympathique, le Prof. Delmas qui, depuis 25 ans, est un sp6eialiste de la question, penche nettement pour la conduction eentrip6te :de no,m- breuses douleurs par le sympathique, d,es douleurs visc6rales en p.arti- culler. C'est un:e pure question d'histolog,ie. Je ne pui,s prendre p,artie, mats je dirai que physiolo,giquement et pathologiquement, tout se passe eo,mme st.

En fat,t, je pense que duns les donleur.s par vasolnotrieil6 troublfie, ce n'est pus le sympathique qui convoie la douleur. C'est lui qui la fait naitre, et c'est duns ce sens que j'a'i p'u di're que le sympathique fit,a}t te gran~d n:erf de ,la d;ouleur, puree que qtmn, d on le bloque ou le s'uppl~i,me, Ia :douleu.r d,i:sparait.

Mats, toutes les douleurs ne se font pus pa r vasomotrieit6 troublfe. Une pattie importante des syndr;omes donloureux est d'orig~ine endo- crinienne.

Le premier type qui a 6t6 connu est la .douleur des polyarthrit iques hypercale6'miques. A ta suite de Von Opel, j 'ai fair des pat, athyro~d- ectomies ehez de tels matades, et j 'ai vu h.abituell~ement, h condition d 'une indication ri, goureuse, les douleurs ai'ticulaires di.sparaitre en quelques heures. Le premier matade que j 'ai op6r6 ainsi 6tait un h.omme .de 45 arts, ne faisant aucun mo'uvement da.ns sort li,t rant ses

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216 R. Leriche :

do ' u l eu r s a r t i cu l ,a i res fita~ent in te~ses . O n l'e fais,a'R m a n g e r . C 'f i ta i t u n e

m o m ~ e do ,uIoureuse . S ix h e u r e s ap r~s l ' :ablati ,on d e d e u x p . a r a thy ro ide s ,

j e le t r o u v a i d e b o u t , l e v a n t ses b r ~ s a u c M .et m e r e m e r e i a n t c h a u d e -

m e n t d u m i r a c l e .

L a s ' u r r f i n a l e e t o m i e ,duns l a throm~bo,ang~i~e a .c~e m ~ m e u n e x t r a -

o r d i n a i r e po ,uvo i r , an ta lg ique . J e l ' a i r u e f a i r e d i spar :a i t re e n q u e l q u e s

h e u r e s ,el d ~ f i n i t i v e m e n t des b r f i l ' u res des orteil:s qu'i a v a i e n t r~sis,t~

'~ la g a n g l i e c t o m i e .

L ' , ae t ion d,u d.i,stylbhne e l .de l a e a s I r a t i o n s u r les d o u l e u ' r s m ~ t a -

s t a t iques d u c a n c e r ,de la pros ta , te es t tro,p e o n n u e p o u r q u e j ' y in:s}sle.

Cel le d e la c a s t r a t i o n .duns le c a n c e r d u sein est mo~ins ne t te . T o u t e s ces

q u e s t i o n s s.ont ~, l ' ~ tude , et no,us n e d e v o u s pas d~se spSre r de les vo,ir

rSsol,ues.

Des r~s~tltats ,d~j~ n o m , b r e u x f o n t l a p r e u v e q u e d u n s .beaueo,up de

d o u l e u r s , i l y ,a u n e e o m p o , s a n t e e n d o c r i n i e n n e .

J e p e n s e q ue t o u s .ees essais no,us i n d i q u e n t la v o t e ~ s u i v r e p o u r

a r r i v e r ~ eon,naitr~e l a n a t u r e ,de l a do,uleur . I1 es t bi 'en p ro ,bab le q u e

ce l lesd~on:.t n o u s i g n o r o n s to~u't, ren~trer,ont n n j o u r d u n s ,des c a t ego r i e s

de m ~ m e ordve , e t j e ler.mi,ne e n vo, us .disant .m'a c o n v i c t i o n f lue la

d, oul ,eur es.t ,la ' t r ad 'ue t ion d ' ,une ehimi,e t,ro,ub,l~e .des t~ss~'s so i t a'u n ] v e a u

des rfieept~eurs ser~si,tifs, soi t a'u nivea~t ,des n e r f s e u x - m ~ m e s , so,it clans

les e e n t r e s de la sens!at ion.

R~sum6.

1. La douleur n'est pas un avertissement de Ia ~ature. Est-elle l'expression d'un sixi~me seas? On l'a d i ten montrant que Its perceptions douloureuses expfirimentales sont captfies duns la peau par de fines fibres spficifiques et eela s'aceorde avee les reehercbes fileetrophysiologiques mats blen des objections sont possibles: la douleur maladie ne suit pas la lo~ de l'adaptafion; la douleur diffuse souvent hors du territoire anatomiqne off ell~ nait; .les constatations histologiques, en partieulier dans certains n~vromes, n'.est pus en faveur de eette hypoth~se; les exeitants de la douleur maladie ne sont souven.! pus dMorifiques en eux mfimes. Enfin il faut songer que si l 'on d~crit des appareils spficifiques pour enregistrer la douleur, on n'en connait pus pour les sensations agrfiables qui soar, eependant, plus naturelles ~ l 'homme que lesimpresslons douloureuses. Derni~re objection: la douleur est un fait thalamique et il est impossible que les appareils de la peau aient le p.ouvoir de s61eetionner les excitations et de choisir celles qui duns le thalamus donneront naissanee /~ la sensation douloureuse.

2. La douleur reste done ineonnue duns son essence. La meilleure manigre d'arriver /~ la eonnaltre est de ehercher les eondilions physiopathologiques qui la font naitre.

3. Aee titre, un grand hombre de douleurs tiennent ~ une vasomotricit~ troubl~e. Ainsi la eausalgie, les algies traumatiques, les btessures des nerfs, les douleurs des cicatrices, les douleurs des amput6s, des phl~bitiques, et des art6ritiques.

4. I1 y a d'autre part des douleurs d'origine endoerinienne que l'auteur ~[nd~e bri~vement.

5. En conclusion, il pense que la douleur est la lraduction d'une ehimie troubI6e des tissus.

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Qu'est-ee que la douleur? 2 1 7

Zusammenfassung.

1. Schmerz ist keine Warnung der Natur. Ist er der Ausdruek eine~ sechsten Sinnes? Man hat es behauptet und gezeigl, dab die experimentellen Sehmerzempfin- dungen in der Haul von feinen spezifisehell Fasern erfat3t werden. Dies steht im Ein- klang mit den elektrophysiologisehen Untersuchnngen, doeh sind zahlreiehe Einw~inde mSglieh: Der Krankheitsschmerz folgt nieht dem Gesetz der Anpassung; der Sehmerz breitet sicb oft aufterhalb des anatomisehen Bezirkes aus, in dem er entstebt; die histologischen Befunde, insbesondere bei gewissen Neuromen, begiinstigen diese Hypo- these nicht; die Erreger des Krankheitsschmm:zes sind oft nieht eigentlich schmerz- erregend. Seh]'ieNieh muff man bedenken, daft, wiihrend man die spezifisehen Sehmerzregistrierapparate beschreibt, man diejenigen ffir clie angenehmen Empfin- dungen nicbt kennt, die indessen fiir den Menschen natiirlicber sind, als die Schmerz- eindri.ieke. Letzter Einwand: Der Schmerz ist eine tbalamische Tatsache u n d e s ist umnSglieh, daft die Apparate der Haul die Maeht haben~ die Err%mangen auszuwiihlen mid jen:e zuzulassen, die im Thalamus eine Sehmerzempfiudung entstehen iassen~

2. Der Schmerz hleiht also im wesentliehen unbekannt. Der beste Weg, fiber ihn Kennlnis zu erlangen, hesteht in tier Feststellung der physiopathologisehen Bedingun- gen, unter welchen er entsteht.

3. So lassen sleh zahlreiche Schmerzer~ auf eine gest6rte Vasomotorik zurfiek- fShren, wie Kausalgie, traumatische Algien, Nervenverletzungen, Narbensehmerz, Stumpfsehmerz, phlebitisehe und antritische Sehmerzen.

4. Es gibt anderseits Sehmerzen endokrinen Ursprungs, die der Verfasser kurz behandelt.

5. Abschlieftend ist er der Memung, daft der Sehmerz der Ausdruck eines ge- slSrlen Chemisnms der Gewebe ist.

Summary.

1. Pain is not a warning of nature. Is it lhe expression of a sixth sense? It has been said so and it has been shown that the experimental perceptions of pain are seized in the skin by fine specific fibers. This is in line with the eleetrophysiologic investigations. However, many objections are possible: the siek-pair~ does not follow the rule of adaptation; the pain often spreads outside of the anatomical area in which it arises; the histological findings, particularly in certain neuromata, are not in favor of this hypothesis; the exeiters of sick-pain are often not dolorifie in themselves. Finally, it must be taker~ into consideration that while the specific apparatuses for pain registration are described those for agreeable sensations are still unknown. The latier, however, are more natural lo man than are the painful impressions. Last objection: paln is a thalamie fact and it is in~possiNe tb~t the apparatus of the skin have the power to select the excitatioas and to choose those which in the thalamus give origin to the painful sensal[on.

2. Pain, lherefore, remains unknown in its essence. The best way to acquire knowledge thereof is to find out the physiopathologie conditions under which it arises.

3. Thus a great number of pains is due to a disturbed vasomotorieity, such as eausalgia, traumatic algiae, nerve injuries, scar-pain, stump-pain, phlebitic and arthritic pains.

4. There are, on the other hand, pains of endocrine origin which are briefly discussed by the author.

5. Conclusively he thinks that pain is the sign of a disturbed chemism of the tissues.