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10/02/2015 page 1 Qu'est-ce qu'un site naturel et qu'est-ce que l'approche physique? Qu'est-ce qu'un site naturel, cet intrigant objet de notre investigation? Le site naturel est à prendre d'abord dans son sens littéral: c'est ce que nous avons face à nous, sous nos pieds, objet de notre ravissement ou de notre effroi. C'est le petit coin de vallée, un tunnel, un bout de grotte, une crête entre deux vallées, le site d'une forêt, d'un village, d'un observatoire, d'une maison, d'une usine, d'une décharge, un arbre, un oasis, un bout de faille sismique, une source géothermale. Entièrement naturel, comme une vallée reculée au fond de l'Himalaya, ou largement travaillé et retravaillé par l'homme, comme les méandres de la Seine à Paris. C'est le bout de paysage, mais aussi ce qui est derrière ce décor. Le site est, par dessous, l'ensemble des roches, des sols, avec ses nappes phréatiques et ses rivières, voire ses autres fluides géologiques et ses gaz, et, par dessus, sa biosphère avec ses plantes et ses animaux. Il peut être relativement modeste, de quelques dizaines de mètres de côté comme le site d'un arbre, ou assez grand, de quelques dizaines de kilomètres de côté et autant de profondeur, comme un système hydrothermal installé sur un bout de faille active, voire un volcan. Le site est, pour question donnée, à peu près bien défini spatialement, certains sites pourront être très bien délimités, comme un bassin versant, d'autres auront plus de difficultés à trouver des limites franches, et le concept de limites devra être alors rediscuté. Le site est en tout cas un ensemble de matériaux naturels en interaction dans un contexte donné. Le site sera donc défini par l'ensemble des actions auxquelles il est soumis, et auxquelles il aura été soumis, car la grande question, commune à tous nos sites, à laquelle nous allons nous intéresser est celle de son devenir. Notre travail s'insère donc dans la question plus vaste de la prédiction de l'évolution d'un ensemble de structures solides, liquides et gazeuses soumises à des influences internes: déformations mécaniques, sources de chaleur, réactions chimiques, réactions nucléaires, radioactivité, etc... ou externes: champs externes, perturbations météorologiques, actions humaines, flux de matière. Il s'agit là d'un très vaste domaine, et nous nous concentrons sur un type particulier d'objet, les objets naturels que nous rencontrons en sortant dehors. Le site naturel doit donc être vu dans son contexte, son histoire comme l'ensemble des effets auxquels il est soumis, et au sein duquel se déroulent un ensemble de processus élémentaires, en général couplés entre eux. Ces sites, ceux que nous connaissons depuis que nous sommes enfants par exemple, nous les voyons évoluer sous nos yeux, de façon naturelle comme les bouts de falaise qui tombent, ou sous la main rapace de l'homme, comme un flanc de carrière. Parfois ce sont les changements climatiques qui sont responsables, comme ces sommets du Népal qui étaient couverts de glaciers il y a quelques vingt ans, et qui sont aujourd'hui presque nus, avec à peine un pagne de neige. Ces sites naturels nous appellent, nous interpellent, nous confrontent avec nous mêmes, et d'abord en termes scientifiques. Pour nous, le site n'est pas juste une interface molle, une sorte d'arêne secondaire dans laquelle se battent quelques taureaux, mais c'est le coeur même de notre questionnement, c'est le théâtre des processus élémentaires que nous cherchons à caractériser. Le site est aussi l'objet même de notre souci, c'est lui l'être vivant dont nous nous inquiétons et au chevet duquel nous nous penchons s'il n'est pas en bonne santé, et que nous voulons préserver, pour les générations futures et pour lui-même, s'il n'est pas malade. Plus qu'une démarche scientifique, il s'agit donc d'une démarche humaniste. Oui, il s'agit, à travers une quête du savoir, d'abord, de tenter de sauver des vies humaines, les vies actuelles quand elles sont menacées par des catastrophes naturelles ou des pollutions, et les vies futures quand l'environnement est mis en danger par l'inconsciente cupidité des sociétés, et, au délà des vies humaines, la Vie, en général. Car chaque site naturel est, sur notre planète, d'abord le couffin qui a nourri la Vie.

Qu'est-ce qu'un site naturel et qu'est-ce que l'approche physique?

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Qu'est-ce qu'un site naturel et qu'est-ce que l'approche physique?

Qu'est-ce qu'un site naturel, cet intrigant objet de notre investigation? Le site naturel

est à prendre d'abord dans son sens littéral: c'est ce que nous avons face à nous, sous nos pieds, objet de notre ravissement ou de notre effroi. C'est le petit coin de vallée, un tunnel, un bout de grotte, une crête entre deux vallées, le site d'une forêt, d'un village, d'un observatoire, d'une maison, d'une usine, d'une décharge, un arbre, un oasis, un bout de faille sismique, une source géothermale. Entièrement naturel, comme une vallée reculée au fond de l'Himalaya, ou largement travaillé et retravaillé par l'homme, comme les méandres de la Seine à Paris. C'est le bout de paysage, mais aussi ce qui est derrière ce décor. Le site est, par dessous, l'ensemble des roches, des sols, avec ses nappes phréatiques et ses rivières, voire ses autres fluides géologiques et ses gaz, et, par dessus, sa biosphère avec ses plantes et ses animaux. Il peut être relativement modeste, de quelques dizaines de mètres de côté comme le site d'un arbre, ou assez grand, de quelques dizaines de kilomètres de côté et autant de profondeur, comme un système hydrothermal installé sur un bout de faille active, voire un volcan. Le site est, pour question donnée, à peu près bien défini spatialement, certains sites pourront être très bien délimités, comme un bassin versant, d'autres auront plus de difficultés à trouver des limites franches, et le concept de limites devra être alors rediscuté. Le site est en tout cas un ensemble de matériaux naturels en interaction dans un contexte donné. Le site sera donc défini par l'ensemble des actions auxquelles il est soumis, et auxquelles il aura été soumis, car la grande question, commune à tous nos sites, à laquelle nous allons nous intéresser est celle de son devenir. Notre travail s'insère donc dans la question plus vaste de la prédiction de l'évolution d'un ensemble de structures solides, liquides et gazeuses soumises à des influences internes: déformations mécaniques, sources de chaleur, réactions chimiques, réactions nucléaires, radioactivité, etc... ou externes: champs externes, perturbations météorologiques, actions humaines, flux de matière. Il s'agit là d'un très vaste domaine, et nous nous concentrons sur un type particulier d'objet, les objets naturels que nous rencontrons en sortant dehors. Le site naturel doit donc être vu dans son contexte, son histoire comme l'ensemble des effets auxquels il est soumis, et au sein duquel se déroulent un ensemble de processus élémentaires, en général couplés entre eux. Ces sites, ceux que nous connaissons depuis que nous sommes enfants par exemple, nous les voyons évoluer sous nos yeux, de façon naturelle comme les bouts de falaise qui tombent, ou sous la main rapace de l'homme, comme un flanc de carrière. Parfois ce sont les changements climatiques qui sont responsables, comme ces sommets du Népal qui étaient couverts de glaciers il y a quelques vingt ans, et qui sont aujourd'hui presque nus, avec à peine un pagne de neige. Ces sites naturels nous appellent, nous interpellent, nous confrontent avec nous mêmes, et d'abord en termes scientifiques.

Pour nous, le site n'est pas juste une interface molle, une sorte d'arêne secondaire dans laquelle se battent quelques taureaux, mais c'est le coeur même de notre questionnement, c'est le théâtre des processus élémentaires que nous cherchons à caractériser. Le site est aussi l'objet même de notre souci, c'est lui l'être vivant dont nous nous inquiétons et au chevet duquel nous nous penchons s'il n'est pas en bonne santé, et que nous voulons préserver, pour les générations futures et pour lui-même, s'il n'est pas malade. Plus qu'une démarche scientifique, il s'agit donc d'une démarche humaniste. Oui, il s'agit, à travers une quête du savoir, d'abord, de tenter de sauver des vies humaines, les vies actuelles quand elles sont menacées par des catastrophes naturelles ou des pollutions, et les vies futures quand l'environnement est mis en danger par l'inconsciente cupidité des sociétés, et, au délà des vies humaines, la Vie, en général. Car chaque site naturel est, sur notre planète, d'abord le couffin qui a nourri la Vie.

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Le site naturel n'est pas un système physique comme les autres, pas un système naturel banal et archiconnu. C'est un ensemble complexe dont le comportement ne résulte en général pas de la simple addition de processus élémentaires indépendants, mais dont l'évolution peut être caractérisée par des propriétés émergentes. C'est un objet qui n'est jamais en équilibre mais en permanence soumis à des effets thermiques, hydriques, mécaniques, électromagnétiques; certains périodiques et réguliers, d'autres transitoires, certains de faible amplitude, d'autres plus violents; certains entièrement d'origine naturelle d'autres d'origine humaine. Le site naturel peut montrer en présence de ces effets un ensemble de comportements quasi-stationnaires ou d'autres plus étonnants: des effets de résistance, les perturbations étant encaissées, ou de résilience, les perturbations successives étant de mieux en mieux encaissées de façon adaptative, voire même produisant de nouvelles propriétés inconnues auparavant.

Pour analyser un site naturel, on dispose de quelques techniques, développées depuis des décennies comme les sondages géophysiques ou des techniques d'analyse géochimiques ou d'investigation géologique. Mais, pour appréhender le site dans sa dynamique, il ne suffit pas de mettre en œuvre ces outils de façon routinière, il faut complètement revoir leur utilisation dans une vraie approche de philosophie naturelle qui va combiner des aspects naturalistes et qualitatifs avec des élaborations quantitatives et mathématiques. Voilà l'objet originel de la physique replacé au cœur de l'investigation. Il ne s'agit pas de combiner chimie, biochimie, écologie, géologie, géodésie, hydrologie, hydrogéologie, etc... avec des disciplines étrangères et froides comme la physique ou les mathématiques. Chacune de ces disciplines a en fait essayé d'élaborer, et parfois avec succès, sa propre intelligence de ce qui se passe sur un site naturel, mais souvent sans trop chercher la relation avec les autres. Il s'agit donc de prendre le meilleur de chacun et d'en faire une seule et unique science, non pas sous l'autorité supérieure de la physique, érigée en dominatrice, mais parce que c'est là l'essence même de la physique, et on ne fait là que rendre la physique à sa vraie nature, son seul but, sa seule substance, qui est la synthèse universelle.

L'étude du site naturel demande donc le développement de concepts nouveaux. Comment est-il défini et délimité? Chaque processus en fait va avoir sa propre zone d'influence autour du site, dépendant en général des échelles de temps considérées. Chaque morceau n'est pas un matériau simple. Une roche contient des structures organisées à différentes échelles et est bien loin du milieu homogène et isotrope. Et il n'y a pas que la structure d'une roche donnée, mais on en a en général plusieurs, avec des sols et de la vie dedans. La question de la limite se pose à nouveau, mais il faut donner un sens nouveau aux bornes, et autoriser des bords flous. Parfois, on pourra imaginer une structure d'imbrication que nous appellerons le système dynamique du site. Par exemple, on pourra regarder une grotte au sein de son escarpement, l'escarpement au sein d'un bassin versant, le bassin versant au sein d'un massif géologique, celui-ci au sein d'une montagne, voire même d'un continent. Cette imbrication spatiale pourra être associée à une imbrication congruente des échelles de temps et une hiérarchie des processus. L'imbrication elle-même pourra définir le site lui-même. Le site pourra ainsi être défini comme le plus petit ensemble naturel dont l'évolution, à une échelle de temps donnée, peut être prédite à partir des propriétés de ses parties et des conditions imposées à un moment donné par le niveau d'imbrication supérieur. Chacune de ces parties ne vérifie pas cette propriété et donc ne constitue pas un site. Des variantes peuvent être imaginées à partir de paramètres chimiques. Mais cette situation idéale d'imbrication est-elle valable dans tous les cas? Cela dépendra beaucoup des questions posées.

Le site naturel, en effet, ne pourra pas être analysable en termes généraux, mais sur chaque site naturel, on a en général une question précise. Quelle est l'évolution thermohydrique de cette grotte sachant que les conditions extérieures sont en train de changer? Est-ce que ce champ peut récupérer du déversement accidentel d'un camion de

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déchets? Quelle est la réponse de cette source hydrothermale à l'accumulation de contraintes tectoniques en profondeur? Il faut avoir une idée de ce qu'on cherche à guérir ou pourquoi on s'intéresse à un site donné. Un médecin s'intéresse à un patient quand il y a un problème, et alors il ne s'intéresse qu'aux diagnostics et aux outils en relation avec la maladie. Il ne cherche pas à tout savoir sur son patient et à tout analyser systématiquement. Même si c'était possible, cela n'aurait probablement aucun intérêt. Sur un site naturel, on n'a aucune chance de tout comprendre et tout décrire. Mais il faut savoir mettre en oeuvre le plus efficacement possible les méthodes qui peuvent avancer sur la question posée. L'analogie n'est pas innocente, et les objets ne sont pas si différents. En fait, on croit faire des sciences dites dures mais ici on aurait certainement à apprendre de la médecine. Et d'autres disciplines aussi!

Questions et sites qui peuvent être différentes, mais qui en fait nécessitent les mêmes outils techniques et intellectuels, car l'objet toujours est de même nature, c'est cet objet que nous appelons le site naturel. Chaque site soulève ses problèmes particuliers, et beaucoup de progrès ont été accomplis depuis trois décennies, de site en site. Mais, ici, nous voulons dépasser le bricolage local et au contraire construire un cadre méthodologique universel, pour aboutir à des méthodes de prédiction plus systématiques, plus efficaces et plus puissantes. Car c'est bien de prédiction qu'il s'agit, de mouiller sa chemise, sortir de sa coquille et sans vergogne tenter l'impossible. Et si finalement ce n'était pas si difficile que ça? Et si parmi toutes ces petits murmures que nous entendons, nous pouvions simplement décoder le comportement qui code la réaction à une grosse perturbation avant même que celle-ci n'ait commencé à se produire? Quelle est la nature déterministe des sites naturels, notamment par comparaison avec l'océan ou l'atmosphère?

Que devons-nous chercher à savoir sur un site naturel? Comment faut-il s'y prendre? Il est clair qu'il ne sert à rien de multiplier les instruments de mesure et de construire des énormes codes numériques qui vont prétendre tout calculer alors que tellement de processus de base nous restent mal connus. Au contraire, notre approche physique, loin de s'effrayer de cette apparente complexité de la nature, va rechercher universalité, élégance et simplicité, principe fondateur de la physique. Sur quels sites faut-il travailler? Il y aura les sites sur lesquels nous voulons travailler parce que nous y avons des raisons fondamentales, et il y aura les sites sur lesquels il faut travailler, et nous le ferons car c'est de l'urgence opérationnelle et de la pression événementielle que surviennent les opportunités scientifiques. Il n'y a pas de sites qui ne méritent pas qu'on y travaille, surtout si on nous le demande! Mais il y a aussi les sites fondateurs, les sites clefs, ces Pierres de Rosette des sites naturels, ces sites qui parlent tout seuls, ces sites révélateurs d'évidences ailleurs invisibles ou masquées. Les sites naturels aussi ont leur experimentum crucis. Cherche et trouve!

Par exemple, y a-t-il, parmi toutes les choses qu'on peut mesurer, des paramètres critiques, des paramètres plus importants que les autres, des paramètres qui contiennent toute l'information dynamique souhaitée? La concentration d'un élément trace particulier dans l'eau d'une source? La température en un point particulier? Le flux de tel gaz en un point particulier d'une faille? Une approche minimaliste essentielle plutôt que l'usine à gaz... tout en laissant des observations ouvertes, indépendantes de tout a priori conceptuel. On recherche donc ici un minimum rationnel et organisé avec un zeste d'intuitif improvisé. Faire peu mais bien, l'essentiel exigeant la perfection. Le terrible danger à éviter étant de ne mesurer que ce qu'on sait mesurer, mesurer ce qu'on sait interpréter (ou croit savoir), et finalement ne jamais rien apprendre. L'immense majorité du site naturel nous demeurant caché, le risque est ici grand de croire observer alors qu'on ne fait qu'observer ce qu'on croit.

Parmi ces paramètres, quelle dynamique faut-il étudier? Suffit-il d'étudier les cycles qui sont présents dans la nature et bien pratiques (cycles diurnes, saisonniers, marées terrestres et barométriques), ou les cycles d'origine humaine (cycles diurnes, hebdomadaires). L'analyse des séries temporelles, telle que développée dans les études climatiques et météorologiques,

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doit être adaptée au contexte particulier des sites naturels. Elle en sera la clef, comme en sera l'outil fondamental le concept de fonctions de transfert. Clef de la série temporelle à relier à la clef de la cartographie spatiale, qui en est l'outil dual. Et nous avons à notre disposition, outre la possibilité d'observer, la possibilité d'agir, de droit d'imaginer plus que simplement celui de méditer et rêver, l'incroyable et illimitée liberté d'expérimenter, et c'est de la combinaison subtile des variations spontanées avec les variations provoquées que surgira la réponse à la question posée. Et, aussi, voire même surtout, la possibilité de tester notre capacité de prédire, et le site tranchera.

Une question intimement liée à la précédente est la caractérisation de l'état dynamique d'un site naturel. Un site a-t-il une fonction d'état, une quantité thermodynamique qui rend compte de son intégrité, et qui pourrait avoir des valeurs discrètes? La complexité d'un site naturel peut-elle être décrite par les valeurs propres d'un champ dont il est inutile de connaître toutes les valeurs? Les idées de la mécanique quantique trouvent ici une pertinence immédiate et inattendue. Les sites naturels semblent avoir des états quasi-stationnaires bien définis, et des transitions rapides, voire catastrophiques, entre ces états. Y a-t-il des indices des comportements pathologiques des sites naturels? En outre, l'état d'un site est-il dans l'ensemble des fonctions de réponse à des perturbations élémentaires? Est-ce que cela suffit? Est-ce que le théorème fluctuation-dissipation est valable pour un site naturel? Autrement dit, est-ce que les petites fluctuations renseignent sur la réaction à un transitoire fini donné? Notre réflexion sur les petits sites de notre petit environnement nous conduit ainsi à vouloir mobiliser bien plus que quelques outils de la géophysique et de la géochimie, mais tout l'éventail des concepts de la physique moderne. C'est plus qu'une ambition, il semble que cela soit aussi une nécessité.

Mais, plutôt que d'adapter les recettes venant d'autres horizons, qui est certes une approche qui a toujours été fructueuse dans les sciences, au contraire, ne faut-il pas fermer les livres et imaginer des outils intellectuels complètement nouveaux avec un cadre unificateur qu'on pourrait appeler métathermodynamique. N'est-ce pas en écoutant la nature que la physique toujours a révélé ses surprises et ouvert ses nouveaux chapitres de la pensée? Le site naturel ne doit-il pas d'abord être l'objet de notre respectueuse écoute, lui qui nous dira lui-même, si nous savons l'entendre, sur quel chemin nouveau il faut s'engager.

Toutes ces questions sont l'objectif de notre recherche. Non pas telle ou telle chose rigolote sur tel ou tel site particulier, mais la construction, de façon cohérente en quelques sites, d'un corpus intellectuel commun. L'objet de notre travail ainsi n'est pas la collection de nos sites, qui sont nos terrains de jeux, mais leur dynamique commune, leur mode particulier de comportement et d'évolution, un et universel, qui est ce que, donc, nous appelons la physique des sites naturels.

Frédéric Perrier