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Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

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Ezra Pound et Joyce (par Cixous). D Fernandez (sur le structuralisme). Retour de Mauss et Durkheim

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SOMMAIRE

1 LE LIVREDE LA QUINZAINE

4 ROMAJf8ETRANGERS

8

7

14 ROMANS rRANçAIS

10 FANTASTIQUE

13

18 ARTS17

18

19 SOCIOLOGIE20

2122 HISTOIRB

24 ilSPACE

28 FEUILLBTON

28 THBATRE

Miroslav Karléja

Josef SkvoreckyVéra LinhartovaDavid Boyer-

John Kenneth GalbraithErskine Caldwell

Geneviève Serreau

Tzvetan Todorov

André Dhôtel

John Berger

Edgar MorinEmile Durkheim

Marcel Mauss

Dominique Desanti

August StrindbergJacques Kraemer

Je ne joue plus

L'Escadron blindéCanon à l'écrevisseRegards en coulissed'un tueur de pigeonsLe triompheMiss Mamma Aimée

Propos d'Alain

Ce cher point du monde

Introduction à la littératurefantastiqueUn jour vieltdra

Lettres d'Ezra Poundà James Joyceavec les essaisde Pound sur Joyce

Art et révolutionImages tantriquesLe C.N.A.C. propose...Arts japonais d'aujourd'hui

La Rumeur d'OrléansJOl/rnal sociologiqueLa science sociale et l'actionŒuvres

L 'Internationale communiste

Ouvrages sur la Lune

wLa Danse de mortSplendeur et misèrede Minette la bonne Lorraine

par Vladimir Balvanovic

par Claude Bonnefoy

par Jean Wagner

par J. W.par J. W.

par Bernard Pingaud

par Dominique Fernandez

par Lionel Mirisch

par Hélène Cixous

par Marcel Billotpar J.-L. Verleypar J .-L. Verleypar Françoise Choay

par Emmanuel Berlpar Jean Bazin

par Georges Condominas

par Annie Kriegel

par Gilbert Walusinski

par Georges Perec

par Gilles Sandier

Crédits photographiquel

La Quinzainelitteraire

z

François Erval, Maurice Nadeau.

Conseiller : Joseph Breitbach.

Comité de rédaction:Georges Balandier, Bernard Cazes,François Châtelet,Françoise Choay,Dominique Fernandez, Mare Ferro,Gilles Lapouge,Gilbert Walusinski.

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Courrier littéraire :Adelaide Blasquez.

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Directeur de la publicationFrançois Emanuel.çomp. Phot. Graphiques GambonImpression S.I.S.S.Printed in France

p. 3p. 4

p. 8p. 9p. 10p. Il

p. 15p. 16p. 17p. 18p. 19p. 21

p. 22p. 23p.24p.25p. 28

D.R.Gallimard éd.Le Seuil éd.Roger ViolletD.R.Roger ViolletRoger ViolletRoger ViolletD.R.Denoël éd.Le Point CardinalMusée CernuschiBernard CormeraisPresses Universitaires deFranceMinuit éd.Monique BurkeRoger ViolletPayot éd.Bernand

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Un dissident

Un anti.roman, publié en 1938, et qui, déjà, dénon·les aberrations de plus en plus manifestes du

stalinisme.

noir » que Karléja observe ici lemonde qui l'indigne et contre le-quel son personnage sans nom (un« innommable :., comme celui deBeckett) se révolte jusqu'à la dé-mence. Il nous faudrait, pour biendégager ces thèmes, revenir auxnouvelles de l'Enterrement à Thé-résienbourg (3) , et surtout au som-bre Retour de Philippe Latinovicz(4) qui situent l'œuvre de K.arléjadans le contexte d'Europe cen·traIe, à côté de Holmannsthal, deKafka, de Broch, de Musil, deLukacs, voire même de Freud.Le héros anonyme de ce roman

est un isolé, comme l'était La-tinovicz, artiste solitaire, « en-glué :t dans une « vie hrumeuse »et c: sans racine », sentant (en1932!) une ({ nausée» anà-logue celle du Roquentin de Sar-tre, ressemblance perçue aussibien par la critique yougoslavequ'étrangère. Dans le monde sou-terrain de ses personnages à ladérive, c'est encore un êtreconscient d'avoir rompu le pacte,un ({ homme sans qualité », aussipeu c: édifiant » que possible. Sarévolte n'a aucun sens, elle n'apas d'avenir, mais, en mêmetemps, ne débouche·t-elle pas, surune prise de conscience ? Celle del'impossible acceptation de lacruauté et de la bêtise. On re·procha à Karléj.a « l'individua-lisme », l'absence de « perspec-tive historique », son « pessimismeanarchisant », mais l'auteurcroate, continuera malgré tout sonincessante contestation : «Refuserle monde, dira-t-il plus tard, estune manière de raccepter. » Dansce désengagement engagé, l'Hom-me ne se perd point.Sa contestation est située aussi

bien au niveau du langage qu'auniveau de la forme romanesque :Je ne joue plus est construit com-me un puzzle et ressemble plus àun « état de la question » qu'àune fresque, au sens traditionnel.Certains chapitres sont des chefs-d'œuvre d'inspiration multiforme.Ce « visionnaire » des lettres you-goslaves - et slaves - s'offreaujourd'hui au public françaillavec son œuvre peut-être la pluspercutante. La traductrice, JanineMatillon, a su trouver de trèsingénieuses équivalences.

Vladimir Balvanovic

1. « Le Monde Il du 28·12·1968.2. P. Matvejevitch : «Entretiens avecKarléja li, Ed. Naprijed, 1969.

3. Edition de Minuit, 1956.4. Calmann-Lévy, 1957.

Miroslav Karléja

gés :t, voit se déclancher un scan-dale qui lui fera perdre sa situa-tion, sa famille, ses biens, et quile mènera de prison en prison,de l'hôpital à l'asile psychiatri-que.Les concitoyens troglodytes de

ce fauteur de troubles excuseraientà la rigueur son c: inconduite »,mais ne lui pardonnent pas sonextraordinaire insolence : il n'apas honte d'être mis au ban dela société. Comment absoudre cetrouble·fête qui refuse de se dé-battre dans les filets du Code pé.nal, qui se laisse déposséder deses biens sans broncher ? Ils l'ontsali et conspué, il ne se sent paspour autant déshonoré. Ils le font

passer pour fou, il ·ne s'en défendpas. Il refuse la main de sa filleà un grand notable de la ville nonà cause de la dot exigée (<< Lamaison, je la lui aurais donnée »),mais parce qu'il méprise cette fa·mille. Ils l'ont déclaré politique-ment dangereux, communiste, ilsn'en a pas honte. Bref, il ne joueplus, il n'accepte plus la règle dujeu, et commet ainsi le crime ma-jeur aux yeux des défenseurs desvaleurs chrétiennes, bourgoises,progressistes et autres. Ce côtécontestataire frappe même les plusjeunes lecteurs, ceux dont les sou-venirs ne remontent qu'à l'année1968. Je ne joue plus est un texteactuel et percutant.

C'est en réalité par un « côté

les :t, et cette intervention marquele déplut d'une mutation irréver-sible des lettres yougoslaves dansleur ensemble.Ces quelques points semblent

indispensables pour situer dansson contexte le roman Je ne joueplus, qui est, en une sorted'« anti-roman :t, publié en 1938,une année avant l'éclatement del' c: affaire Karléja :., au momentoù celui-ci cessa lui·même de joueret de se taire devant les aberra-tions de plus en plus manifestesdu stalinisme. Dialoguant en pri-son avec un détenu politique, ré·volutionnaire qui prône l'établis·sement d'un c: ordre supérieur :.aux traits singulièrement totaJi-taristes, le héros du roman nepose-t.il pas à son interlocuteurcette question prémonitoirec: Est-ce que" l'assassi1U/.t consti·tuera la base de cet ordre socialimpérieur, comme cela se produitchez nos capitalistes et chez leur!avocats? :. La réponse est lourdede sens en cette seconde annéedes procès de Moscou : « Tantqu'il y a des ulcères, Monsieur leDocteur, ·il y aura des chirur-giens. » Entre le rôle de l'oppres-seur et celui de l'hérétique, Kar·léja choisit le second: «L'artiste,déclare.t-il, semble beaucoup plusproche de Lucifer que de Promé·thée, ·son frère plus jeune et plw

1U/.ïf, auquel on a trop l'habitudede l'assimiler. » (2)Ce roman-symptôme raconte

l'histoire d'un homme « qui dor-mait depuis plus de trente ans,qui se réveille, qui se lève et com-mence à marcher au milieu du dé·sordre sous l'impulsion d'une pe-tite vérité simple, logique et on nepeut plus claire. :. Pour avoir dità un omnipotent d'une capitaleprovincale, à un « bienfaiteur na·tional », qu'il est « criminel etdépravé :. de se vanter du meurtrede quatre paysans qui voulaientlui voler quelques bouteilles devin, le héros sacrilège de Karléja,un avocat qui avait vécu jusquelà toute sa vie c en zéro bien rangédans une foule de zéros bien ran-

• Pour pouvoir faire honnê-tement ·son devoir, l'écrivaina besoin d'être dans un cer·tain sens dissident, voire dé-faitiste, aussi bien à l'égardde l'Etat et des institutions,qu'envers la nation et les au·torités J) (1), déclarait, en1968, l'écrivain croate Miro-slav Karléja, romancier, poè-te, dramaturge, polémiste et,de toute façon, la personna-lité la plus marquante des let-tres yougoslaves contempo-raines.

Miroslav KarléjaJe ne joue plwtrad. du croate

Janine MatillonEd. du Seuil, 272 p.

Pour ce qui est de la dissidence,Karléja en fut toujours l'instiga-teur, aussi bien à l'époque del'Empire austro-hongrois puis pen.dant le Royaume de Yougoslaviequand il s'érigea en accusateurfulgurant d'une société « crimi-nelle :t et avilie, qu'en Yougosla.vie socialiste où il livra, en 1952,sa célèbre bataille contre le c: ca-iigulisme e8thétique :t de Jdanov.D'où un véritable « mytheKarléja :t non seulement en You·goslavie, mais aussi dans certainsautres pays de l'Europe orientale.Si l'on voulait en expliquer au-

jourd'hui la genèse, il faudraitd'abord noter que, militant com-muniste dès 1917, idéologue qui acombattu, pendant l'entre-deux-guerres, pour un « socialisme àvisage humain » avant la lettre,Karléja n'a pourtant jamais cédéà la tentation de soumettre sespositions esthétiques aux motsd'ordre de l'action révolution-naire. C'est cette attitude qui futà l'origine, une décennie avant lec: schisme » yougoslave de 1948,d'un profond conflit dans les rangsdu P.C. yougoslave MiroslavKarléja et ses quelques amis nemanquèrent pas d'être qualifiés dec: déviationnistes », « trotskys-tes », «petits bourgeois» etc.

Immédiatement après la libéra-tion, le grand « incorruptible »eut le courage. de répondre parun silence quasi systématique auxdogmes du « réalisme socialiste »,importé plus ou moins officielle·ment en Yougoslavie. Au congrèsdes Ecrivains tenu à Ljubljana en1952, il n'hésite pas à réclamer ledroit à la « simultanéité sty-

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 man 1970 3

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ROMANS:l:TRANGERS

Du soldat

Rien ne ressemble moins auréalisme truculent de l'Esca-dron blindé que le symbo-lisme subtil de Canon àl'écrevisse. Les titres eux-mêmes indiquent la différen-ce de ton à moins qu'on neprenne le canon, ici accom-modé à l'écrevisse, pour unearme et non pour la formesommaire de la fugue. Ce-pendant, les auteurs de cesdeux livres, Josef Skvoreckyet Véra Linhartova sonttchèques.

Malgré la différence de leursstyles - qui paraîtrait plus atté-nuée si l'on se référait à un texteplus récent de Skvorecky, mais quifut traduit en premier, la Légended'Emoke - ils ont en communle goût d'une écriture libre qui nes'embarrasse pas des règles, et en-core moins des dogmes, pour direce qui est ou ce qu'elle veut. Etsi l'on regarde de près fEscadronblindé et Canon à l'écrevisse, onconstate encore ceci : les défini-tions qui semblent d'abord leurconvenir, réalisme et symbolisme,ne peuvent être qu'approximativeset provisoires. Par-delà les scènesde la vie de caserne, Skvorecky faitle portrait de la bêtise. Derrièrel'onirisme de Linhartova se profilele visage d'un monde, le nôtre, oùtout fait toujours question. Icicomme là, l'écriture dit toujoursplus qu'il ne semble.Le roman de Skvorecky a une

histoire. Ecrit en 1954, ce récitdes aventures du brave soldat Smi-ricky dans une caserne de l'arméepopulaire tchécoslovaque n'auraitpu alors obtenir son visa de cen-sure. Quatre ans après, du reste,son auteur subissait les foudres del'idéologie officielle pour la publi-cation des Lâches. Reconnu depuisla parution de la Légende d'Emokeen 1963 comme un des meilleursécrivains de sa génération, Skvo-recky s'apprêtait à publier fEsca-

Véra LinhartovaCanon à l'écrevisseTraduit du tchèquepar Joseph et DeniseEd. du Seuil, 224 p.

l'armée), sa colère (où rappel durèglement, et références au partise mêlent à une jalousie secrète)prend une dimension comiqueétonnante.L'Escadron blindé est plus qu'un

roman picaresque d'une cocasserieextrême. Sous-titré « chronique dela période des cultes », il dénonceen même temps le formalisme del'instruction militaire et celui del'endoctrinement politique. Icicomme là, Je cadre compte plus quele contenu, l'apparence que la réa-lité. Pris au piège vingt-quatre heu-res sur vingt-quatre, le soldat voittrès vite quelles sont les failles decelui-ci, comment il suffit de fairesemblant, de maquiller son scepti-cisme ou sa désinvolture en sérieuxpour y échapper. Et Skvoreckymontre très bien comment ce jeuse pratique à tous les échelons dela hiérarchie, mais ne s'avoue vrai-ment qu'au niveau des appelés,comment aussi la sclérose des for-mes militaires appelle en retourl'ironie.Paradoxalement, la leçon qu'il

nous donne est celle·ci : plongédans un monde absurde, confrontéà la bêtise militaire et militante, leconscrit n'a d'autre ressources quela ruse, la feinte ou l'humour.Conçues pour l'abêtir, les caser-

politique avec la même subtilitéque le maniement d'armes.Cela nous vaut des Gaîtés de

l'Escadron d'un nouveau genre oùles tics et les non·sens de la viemilitaire sont comme soulignés parl'emploi d'un nouveau vocabulaire

qui, greffé sur l'ancien, devient viteaussi stéréotypé. Quand, à la prisondu quartier, le commandant trouvel'aspirant de garde galammentoccupé dans la cellule d'une pri-sonnière (auxiliaire féminine de

dron blindé lorsque les blindés so-viétiques vinrent lui signifier l'in-congruité d'un tel projet. De sur-croît Skvorecky n'avait-il pas dé-claré dans une interview à AntoninLiehm, et cela avant même le prin-temps de Prague, que sa générationavait longtemps cru au socialismeavant de prendre conscience quele socialisme qu'on lui proposaitn'était qu'un mot auquel il impor-tait désormais de donner « chair »(1)? C'est pourquoi fEscadronblindé voit le jour en France tan-dis que son auteur enseigne dansune université canadienne.Au premier degré, il s'agit d'un

récit d'une bouffonnerie savou-reuse, quelque chose comme la ren-contre sous le portrait de Stalinede Schveik et de l'adjudant Flick.Le tire-au-flanc et la baderne sontici les mêmes que dans toutes lesarmées du monde. Le conscrit nepeut supporter le règlement qu'ens'en moquant; le gradé qui le faitappliquer à la lettre, même s'il sefait craindre, n'échappe pas au ridi-cule. L'introduction de cours desocialisme dans la pratique militairequotidienne ne change rien, maisajoute plutôt un piquant supplé-mentaire. Qu'on imagine Flick ouHurluret, l'un jugulaire, l'autre re-lativement bonnasse, enseignant la

Suchy

1Josef SkvoreckyL'Escadron blindéTraduit du tchèquepar François KerelGallimard, 288 p.

1

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SchveikàKafka

romantraduit de l'albanaisUn roman de stature mondiale...la voix même de l'Albanie millé'.naire. Robert EscarpitAlbin Michel

Bééc1itionsParmi les rééditons, paraîtront la

Gana, de Jean Douassot, chez Losfeld(avec des dessins de l'auteur) ; JacobCOW, le pirate, de Jean Paulhan, pu-blié, dans le cadre de l'édition des.Œuvres complètes de l'auteur, dans lacollection • Le prix des mots • deTchou; Sans annure, premier romande Jean Lorbais, paru autrefois chezPlon et que l'auteur présente chez Gal-limard en même temps qu'un nouveautoman intitulé la MI.. au mond••

Claude Bonnefoy1. Antonin Liehm: Troï. Généraliona

(Gallimard ).

Ismaïl KadaréLB GiNiR1L

DB L'IRMiB MORTB

aux calembours où les mots se cas-sent comme des noix pour révélerdes sens ou des apparentementsinattendus. Canon à l'écrevissenous révèle les facettes multiplesd'un écrivain qui devrait être l'undes plus grands d'aujourd'hui, quine cesse de jouer sur les ambiguï-tés du langage et du monde pourfaire surgir autre chose par l'écri-ture ou dans le recul de l'écritureou encore dans ce temps de l'incer-titude que fait surgir l'écriture. Etsa démarche est comme un échoà la chanson d'Apollinaire :

Incertitude ô mes délicesVous et moi nous nous en allonsComme s'en vont les écrevissesA reculons à reculons

Le 15 mars 1988 paraissait le premiernuméro de

«la Quinu.ine ».La présente livraison, datée du 15 ma...

1970, porte le numéro 91.Profitons de l'occasion pour remeroier

tous oeux qui ont permis à «la Quinzaine»d'entrer dans sa oinquième année d'ezistenoe:

nos leoteurs et nos abonnée <particuliè-rement oeux qui, parmi eux, ont souscrit desamons);

nos aanonoeurs;et, parmi nos 408 oollaborateurs, les 148

qui ont éorit régulièrement dans « la Quin-zaine lit durant les 12 derniers mois.

C'est aussi la liberté ou cette vraievie dont Rimbaud se plaignaitqu'elle fût absente.Les créatures imaginaires, même

celles imaginées par les autres, yont présence et poids. En quelquesenjambées on passe de la Venisedu XVIIIe siècle à la Prague d'au-jourd'hui. Dans le même temps,on rencontre Behrisch qui fut l'amide Goethe, on assiste au spectaclede la comédie italienne, on monteen ballon avec l'astronome CamilleFlammarion. on invente et on tuedes personnages. Dans un autretexte, Divertissement polyphoni-que, la frontière n'existe plus. Lafolie, le délire qui $Ont peut-êtrel'extrême lucidité ou la suprêmeperception l'ont abolie. Dans unemême promenade à travers Pragueapparaissent successivement Char-lie Parker, Verlaine et Rimbaud,celui·ci dissimulant dans sa cham-bre d'hôtel les chameaux de sescaravanes, Dylan Thomas, Ni-jinsky.Comme dans tout ce qu'écrit

Vêra Linhartova, on ne sait jamaissi ce sont la musique, la poésie etla danse qui transcendent la réalitéou bien si, pour les percevoir danstoute leur force, il faut déjà avoirfait le saut avec le narrateur. Undouble saut, à la fois dans le lan-gage et de l'autre côté du miroir.Le narrateur ne dit-il pas, à unmoment: « Le monde quede représenter ressemble à la mortun peu comme un décédé ressembleà un trépassé» ?Vêra Linhartova connait tous les

bonheurs du langage et en pratiquetoutes les ruses, de la phrase caden-cée et comme portée par ses images

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mars 1970

nes, à rebours, éveillent son intel-ligence. Mais contre eUes. Et queP'tit Méphisto, le commandant sa-dique et borné disparaisse à jamaisdans une trappe d'où seul pourraitle sortir le croc à merdre du pèreUbu lui apparaît alors, à l'image del'armée, comme une farce colos-sale et tragique.Avec Véra Linhartova, le ton est

radicalement différent. La réalitén'est plus dénoncée par son outran-ce même, mais par son envers, lerêve, l'irréel. Les textes réunis sousle titre Canon à l'écrevisse et quifurent écrits de 1960 à 1965 -quand l'auteur avait de vingt àvingt-deux ans - jouent sur di-vers registres, réflexions, récits,journal, poème en prose. En fait,aucun n'est uniquement ce qu'ilparait être et tous ont en communde nous faire entendre une sortede narrateur anonyme, tantôt trèsvieux, tantôt très jeune, qui, par-fois, semble se confondre avec l'au-teur (notamment dans Projeetionpicaresque sur arrière.plan et Mai-son Loin) sans pourtant que leféminin, sauf quelques très raresfois et par une sorte d'inadvertancevoulue, soit jamais employé.Cette voix, venu d'un « je »

mystérieux, sans visage, qui sembleconstamment décentré, un peu endehors, au-dessus ou à côté de soi (lethème du décentrement et du rap-port à soi est du reste une desconstantes du livre) est ce qui don-ne unité à l'ensemble. Même sielle feint de n'être pas la mêmeet de nous projeter dans des direc-tions différentes, d'emprunter deslangages différents, elle demeuretoujours reconnaissable. Elle est lelieu où s'articulent les mots, oùleur référence aux choses s'énonce,s'évanouit dans un tremblement, oùils apprennent à se tenir seuls ouà se donner pour le miroir, nond'un monde, mais des multiplesdimensions du monde.Ici nous ne sommes plus chez

Schveik, mais dans cette Praguebaroque et mystérieuse ou Rilkeet Kafka découvrirent, sans passersemble-t.i! par les mêmes rues, quele réel est bien plus que le réel,où Apollinaire rencontrant IsaacLaquedem franchit ensemble lesfactices frontières du temps et del'espace. Comme Apollinaire, bienqu'elle écrive tout autrement, VéraLinhartova franchit ces frontières.Concrètement, le narrateur de Touten Gris nous raconte comment il« fait » le mur de la réalité. Del'autre ooté c'est peut-être le rêve.

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Après la ruptureDavid Boyer -Regarda en coulissed'un tueur de pigeom.Trad. de l'américainpar Jean.Pierre Allen.Caimann.Lévy éd., 228 p.

On le sait, il suffit d'un geste,d'un mot parfois pour qu'un hom-me parfaitement intégré dans unesociété devienne soudain en porte.à·faux. C'est le sujet, par exemple,d'un film récent, Charles mort ouvif qui nous décrit par le menu lemécanisme de la rupture. Regardsen coulisse d'un tueur de pigeomse situe après la rupture lorsque lecomportement quotidien de l'imlivi-du est pour le commun des mortelsanormal.Pour l'écrivain, deux solutions :

l'une dramatique en un schéma ditkafkaïen où le décalage a des consé·quences violentes ou concentration-naires. L'autre est comique et plusspécifiquement burlesque. C'estcelle qui fondait les films deMcSennett et les premiers Chaplin.En littérature, les exemples sontrares: l'aspect visuel du gag ciné-matographique facilite une telle ex·pression. Aussi, le roman de DavidBoyer se distingue-t.il, par le ton,des autres (et très nombreux) ro-mans qui se veulent satires du modede vie américain.Dès le premier paragraphe, nous

connaissons la manière de Boyer :Cl: La bonne femme dam mon taxi

LETTRES

A. LA QUINZAINE

Benjamin PéretL'article de Serge Fauchereau ,ur Péret

est l'un dei plu. jrutes, dam le ton, etdei plru vrai&, dom la pemée, parmi lesClUe: nombreux tutes que la preue acOnlenti à diffruer récemment.Je souhaiterai& cependant qu'une erreur,

grave à certains yelU, soit rectifiée: Péretn'a pas participé à la guerre d'Espagnedam les brigade& internationales mai& domla colonne Durruti. Les brigades étaiententièrement contrôlées par l'appareil sta·linien et leurs chefs (Togliatti, Geroë,Marty... ) agissaient en liaison avec leshommes du G.P.U. afin d'éliminer les révo-lutionnaires anarchistes et trot:r.kystes. Cecin'implique, naturellement, aucune condom·nation ni même srupicion à l'égard descombattants dei dites brigade& qui ne pou·vaient mesurer, à l'époque, l'ampleur de lapeste contre·révolutionnaire stalinienne.MtJis quant à Péret, sa «religion lt étaitfaite.

Jean 5chuster

me dit que mon klaxon ne feraitpas fondre l'embouteillage. Je luidemandai d'où lui venait tant desagesse. Vous êtes jeune, dit-elle, envieillissant vous apprendrer. la ver·tu de patience. Les gem patientsont déjà deux pieda dam la tombe,dis.je, alors que mon klaxon est uncri de rage indomptable. S'il ne faitpas fondre les embouteillages, il mefait en tout cas le plus grand bien.Vous déshonorer. le saint jour deNoël, dit-elle. J'en étais ravi ».Cette atmosphère invraisemblable

et farfelue sera celle du livre jus-qu'à son terme aussi bien dansl'anecdote que dans le ton. Cetteaccumulation de détails cocasses quiheurtent le lecteur, dans le meilleurdes cas, par le rire, désamorce enapparence les cris de rage impuis-sante de l'auteur mais, paradoxale-ment, c'est cette invraisemblancequi donne du poids à la satire. Cha-que personnage possède, au départ,des composantes qu'on pourrait ap·peler réalistes : le héros, chauffeurde taxi, sa mère, sa maîtresse, quel-ques femmes, ses amis, ses collèguesde travail. Ce sont là personnagesquotidiens qui pourraient peuplerun roman naturaliste. Le contexteest tel qu'ils n'existent que par ladimension caricaturale que leurconfère l'auteur. Il suffit d'un légercoup de pouce pour que, ce quiétait normal devienne proche de ladémence.Aussi ce livre où l'on rit souvent

Wyndham Lewi.J'ai été extrêmement heureux de voir

que La Quinzaine Littéraire s'intéressaità Wyndham Lewis. L'utile et complèteprésentation de M. Fauchereau comporteles erreurs auxquelles on s'expose inévi·tablement avec un écrivain aussi mIllexploré par la critique que Lewis.Kandimky n'a jamais participé à Blast :

on relève seulement dons le premier nu·méro une présentation par le peintreWadsworth de «Ueber da& Geistige inder KUnit lt. Ce n'est pas par Blast (1914)que Lewis en vint à la littérature : sespremiers textes furent publiés en 1909par Ford Madox Ford. Quant au RedPriest, ce titre n'a rien de révélateur :les journaux de l'époque étaient pleinsdu Red Dean de Canterbury.Croire que «l'homme qui a pu inti·

tuler un livre les Juifs IlOnt·ils hu-mains ?ou ne saurait jamai& en être blan-chi », c'est tomber dam un piège rhé-torique cher à la satire anglaise : celuique tend Defoe dons The Shortest Waywith Dissenters ou Swift dam A ModestProposaI. Inspiré d'un livre récent deJ.G. Renier (The English, are they hu-man ?), cet ouvrage de 1939, derrièreson titre provocant, constituait une dé·

est·il en fin de compte à peu prèscomplètement désespéré. La seulevaleur fi positive» du livre est lemouvement, l'agitation : l'amour,le travail, l'amitié et les quelquesvaleurs traditionnelles, mais tandispremier rang de ses soucis sontsapés par un humour corrosif quine respecte rien. En outre, dès quele sentiment semble affleurer, unepirouette de Boyer le fait aus-sitôt éclater. Il n'est pas interdit devoir là une sorte de négatif de lamystique beatnik : même besoind'évasion, même contestation desvaleurs traditionnelles mais tandisque les beatniks recherchaient unemystique, Boyer ne cherche plusrien.Et ce roman d'un chauffeur de

taxi ne laisse pas d'inquiéter :David Boyer qui n'a pas trenteans et qui est universitaire, appar-tient à la génération qui suit cellede Mailer, par exemple. A la colèrede ce dernier, Boyer substitue unricanement sec et sans illusion.Aventure indéterminée, roman pi-caresque à rebours, ce livre malcomposé qui progresse sans la moinedre logique interne, n'est peut-êtrepas un grand roman, mais il témoi-gne mieux que cent reportages d'unmalaise qui n'en finit pas de déchi-rer l'Amérique. Que David Boyerait opté pour le burlesque rend cetémoignage plus significatif.

Jean Wagner

noncwtwn sans équivoque dei perséecutions anti-sémites.D'une façon plus générale, et bien

qu'ü y ait ici amplement matière àcontroverse, il me semble inexact d'assi-miler les attitudes politiques de Lewisdons les années trente à celles de sesamis Eliot, Pound et Campbell. Disonsseulement ceci : le souci cOnltant deLewis était la défeme de la paix. Lors-qu'ü est victime d'un coup de foudrepassager pour Hitler en 1931, c'est qu'ilcroit avoir en lui « un homme de paix lt.Ses attaques contre le communisme desalon typique de l'intelligentsia anglaised'alors, le ton nettement indépendant deses épisodiques contributions à des pério-diques fascistes, tout comme les titresde ses pomphlets les plru significatifs,Left Wings Over Europe (1936) etCount your Dead : They are Alive! Ora new war in the making (1937), con-firment que la préoccupation de cetf18prit libre était la défense des hommescontre la montée des idéologies. Voru àl'échec, le pacifisme de Lewis n'était paspour cela celui de Munich, ni celui, trèstactique, des fascistes britanniques (ou).

Bernard LafourcadeCarthage

Un économiste égaré

1John Kenneth GalbraithLe Triomphetrad. de l'américainpar J. Collin.LemercierGallimard éd., 281 p.

John Kenneth Galbraith, économistecélèbre, voulant traiter de la politiquedes Etat.Unis dans ses rapports avec leipays d'Amérique latine, a choisi le r0-man. Il ne s'agit, en aucun cas, d'un ou-vrage littéraire: roman fonctionnel, fabledidactique ayant pour seul but de nomlivrer les mécanismes intemes de l'Admi·nistration américaine.On ne s'improvise pas romancier, même

romancier u populaire lt. Harold Robbinaou Frank Slaughter appliquent des recet·tes précises, recettes que, du reste, onapprend aux Etats-Unis dans des écolesspécialisées. Ces règles de métier leur per-mettent de parler d'un peu n'importe quoien intéressant à coup sûr leur lecteur.

John Kenneth Galbraith a raté soncoup: jamais le lecteur ne s'intéresae auxmultiples grenouillages qui nous sont re-latés. On confond x et y, on ne voit ja·mais leur rôle exact et on se demande àchaque instant la nécessité profonde deces pages. A nous, profanes, la plupartdes faits racontés semblent tout juste di·gnes d'un paragraphe.

Pourtant, l'intérêt s'éveille dans le der·nier chapitre écrit d'une plume à la foisironigue et lucide. Hélas, il commence àla page 266. On peut, sans inconvénient,le lire sans connaître le début.

I.W.

Le vieux Sud

1Erskine CaldwellMiss Mamma Aiméetrad. de l'américainpar Marie Tadié.Albin Michel éd., 251 p.

Est-ce nous qui avons vieilli? Ou lescouleurs dont nous parions la Route autabac et surtout le Petit arpent du BonDieu n'étaient-elles pas aussi brillantesque nous l'avions cru ? Erskine Caldwellcontinue pourtant à moudre sa chansondu vieux Sud agonisant sans se soucierdes critiques, qu'il ne lit jamais, de sessuccès et de ses insuccès.

Dans Mûs Mamma aimée, tous les in·grédients sont là: le personnage central,une vieille propriétaire qui voit ses ter·res s'en aller au profit des Yankees, lafille prostituée, la belle-fille nymphomane,le fils anormal, l'autre fils qui égrène desfolk-songs sur sa guitare, toute cette mé-nagerie à la fois cocasse et pitoyable estcelle qui peuplait les meilleurs romansde Caldwell. Mais le cœur n'y est plus.

Le procédé se fait jour et l'on sent lemarionnettiste qui tire les ficelles. Noussommes loin de la sève qui jaillissait despremiers livres. A moins que nous soyonsblasés... Nous avons cependant appris unechose: à la düférence de Faulkner, quia transformé le Sud en royaume mythiquede notre malédiction, Caldwell s'est con-tenté de chanter nostalgiquement sa terre.C'est son charme et sa limite.

I.W.

Page 7: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

Propos d'Alain

12 mars 1914.

Comme je lisais l'Histoire d'un Paysan d'Erckmann-Chatrian,je vivais, par l'imagination, au temps de la Révolution française;je cherchais à comprendre comme ce peuple, si longtemps tyran·nisé, dépouillé et méprisé, avait montré soudainement sa puis-sance, simplement par sa confiance en lui-même; mais j'admiraisaussi cette ruse des privilégiés, qui promettaient toujours et puisreprenaient leurs promesses, et qui passaient d'une folle confianceà une terreur folle, selon les acclamations et les grondementspopulaires. Dès que les choses revenaient à une espèce d'équi·libre, ils reprenaient espoir dans le vieil art de gouverner, éprouvépar tant de siècles; toujours la modération glissait à la trahison;toujours le pouvoir absolu se reformait par une espèce de cristal-lisation inévitable:\ L'Empire, la Restauration, l'Empire encore,groupèrent les mêmes forces; toute l'élite toujours se retrouvaau centre, se recruta de la même manière, essaya la même résis-tance enragée; et toujours des succès étonnants lui donnèrentraison. Ceux qui disent que la monarchie est un état naturel auquelon revient toujours, disent une chose assez évidente. Et pour moiles réactionnaires d'aujourd'hUi ressemblent à ceux de ce temps-là.

JI y a une cour, aujourd'hUi comme autrefois. et des courtisans,même sans roi. Il y a une vie riche et ornée; l'homme qui sepermet d'y entrer y perd pour toujours la liberté de son jugement.C'est inévitable. La vie qui se passe au bal, au souper, au théâtre,à la parure, est une espèce de preuve par elle-même, et bienpuissante. Et l'opinion académicienne, qui est celle des femmesles plus brillantes, des écrivains, des danseurs, des avocats, desmédecins, de tous les riches enfin et de leurs parasites, l'opinionacadémiCienne a bientôt décrassé l'esprit de n'importe quel ambi-tieux. Qu'un homme de bonne foi veuille bien réfléchir à ceci,qu'un succès quelconque, dans le monde qui fait le succès, semesure toujours exactement à la quantité d'esprit monarchiqueque l'on peut montrer. Et l'élite, malgré une frivolité d'apparence,sait très bien reconnaître le plus petit grain de trahison; chacunest payé sur l'heure, et selon son mérite. En sorte qu'il faut direqu'à mesure qu'un homme se pousse dans le monde, il est plusétroitement ligoté. • La pensée d'un homme en place, c'est sontraitement.; cette forte maxime de Proudhon trouve son appli-cation dès que l'on a un ascenseur, une auto et un jour deréception. " n'est pas un écrivain qui .puisse vivre de sa plumeet en même temps mépriser ouvertement ce genre d'avantages.On peut en revenir, mais il faut passer par là ; ou bien alors vivreen sauvage, j'entends renoncer à toute espèce d'Importance.On se demande souvent pourquoi les réactionnaires se fient

à des traîtres, qui ont suivi visiblement leur intérêt propre, etvont ingénuement du côté où on sait louer. Mais justement latrahison est une espèce de garantie, si l'on ose dire; car l'intérêtne change point; il n'est pas tantôt ici, tantôt là; il tire toujoursà droite. En sorte que celui qui a trahi le peuple apparaît commedominé pour toujours par le luxe, par la vie facile, par les éloges,par le salaire enfin de l'Homme d'Etat. L'autre parti n'offre riende pareil. " n'y a donc point deux tentations, il n'yen a qu'une.JI n'y a point deux espèces de trahison, il n'yen a qu'une. Toutela faiblesse de n'importe quel homme le tire du même côté. Lapente est à droite.

Un nouveau choix de Pro-pos d'Alain va paraître lemois prochain dans la Biblio-thèque de la Pléiade (et yprendre sa place à côté decelui que Maurice Savin nousa donné déjà en 1956). "comportera, sur l'aventureusehistoire de l'entreprise, une

Trahir

importante documentat ionbiographique, bibliographique,critique. Le classement chro-nologique des textes, de 1906à 1914 puis de 1921 à 1936,donne lieu à une observationsingulière : après deux tiersde siècle parfois (ou pres-Que), on n'a aucune peine à

exhumer encore des Proposécrits pourtant jour aprèsjour, selon les hasards de lacirconstance, de l'instant etde l'humeur - qui gardent in-tacts la naïveté de leur fraî-cheur, le mordant de leur pé-nétration.

La Quinzaine littéraire, du 16 /lU 31 nuIT' 1970 1

Page 8: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

Alain

Je1Ul.. rameauxQuand le Parti radical sera réorganisé fortement, il faudra une

espèce d'initiation propre à former les jeunes et à réchaufferleur courage. Je passe sur les principes et sur les programmes,et je pense surtout à un certain nombre de vérités désagréablesqu'il sera bon d'annoncer en une fols è l'enfant du peuple, dèsqu'il aura pris ses grades.«Tu es assurément, lui dirais-je, un brave ami du peuple; et

ce que tu promets tu le feras. Mais tu es aussi assez ambitieux,et cela est bien naturel. Assez de charlatans et d'aventuriers ontété portés sur le pavois, encensés dans les journaux et considéréspar les rois: tu penses qu'II est temps que les vrais amis dupeuple arrivent aussi à cette gloire, qu'ils auront bien méritée.Tu t'y prépares, sans méditer aucune injustice. Eh bien, il fautque tu le saches, cette gloire, tu ne l'auras pas. Le pouvoir, sansdoute, si tu veux, mais non pas la gloire. La gloire, en politique,est le salaire de l'Injustice.• Songes-y bien, avant d'entrer dans cet enfer. Laisse toute

espérance. Tu n'auras que de rudes amis, fort occupés, très loinde toi, et qui n'écrivent point dans les journaux, Tout le reste,toute l'Académie, tous les lettrés, tous les dramaturges, tous lesécrivains, tous les sociologues, tous les directeurs de théâtre,tous les acteurs, toutes les actrices, tous les marchands et mar-chandes de luxe, tous les marchands et marchandes de plaisir,tout ce beau monde te méprisera d'abord ouvertement, et te jugerainculte, ignorant, paresseux, ivrogne et mal tenu. En vain, tu lirastout ce qu'il faut lire: en vain, tu iras te montrer avec ta femmeà ces spectacles bien parisiens où la salle est ornée d'une guir-lande de femmes jolies et faciles en étalage: en vain, tu serasélégant dans tes discours; en vain, tu citeras Barrès. Ces poli-tesses seront comptées pour rien si tu n'y mêles pas quelquesmarques assez claires de ton mépris pour l'électeur ignorant, etpour la petite mare dont les grenouilles t'ont pris pour roi. Ont'observera; on attendra que tu trahisses.«Alors, comme par magie, ton nom ira de journal en journal,

d'ambassade en ambassade, à travers toute l'Europe. Les femmesbrillantes viendront comme au théâtre pour t'entendre. Tu serasorateur; tu seras homme d'Etat: on te décrira élégant et beau,même si tu gardes ta redingote provinciale et ta moustache d'ou-vrier. Car l'élite juge d'après re cœur et ne trompe jamais. Observebien quel est le plus étonnant succès de ce temps, et commentil a été obtenu. D'après cela, juge de ce qui t'attend si tu restesl'ami du peuple et le défenseur des pauvres et des artisans.•Oui, je dirais tout de suite la chose comme elle est. Une petitepluie enrhume; une bonne douche réchauffe.

7 avril 1913.

L1TTtRATUREIBEAUX.ARTS

les .1 . IDralrlega erl'" 7 RUE DE RENNES PARIS 6'

TËLËPHDNE 548.73-82

L'aD 2000Ils en sont tous à nous parler de l'an 2000, comme s'ils y

étaient; ce ne sont qu'omnibus volants et maisons de cinquanteétages. Ces merveilles, et bien d'autres qu'il n'est pas difficiled'imaginer, n'ont rien qui dépasse la puissance humaine. Toute·fois, il en est de ce luxe comme de tout luxe; il est limité nonpas par la pauvreté de l'imagination humaine, mais par les res-sources qu'une juste répartition nous laissera: et il est inévi-table que toutes ces folles dépenses soient arrêtées un jour oul'autre. Tant que les travailleurs n'auront pas une vie facile, etl'avenir assuré, on peut compter qu'ils réclameront; et certaine-ment ce qu'on leur abandonnera encore sera pris sur toutes cesdépenses de luxe; car comment faire? Mais bien plus; je lessuppose tous bien payés, et assurés contre tous maux et acci-dents; Ils voudront peut-être alors travailler moins, et ces heuresde travail seront prises sur les travaux de luxe, et non sur lestravaux de nécessité. Voilà à quoi Il faut s'atendre.Si l'inégalité des conditions subsistait, sans aggravation, il fau-

drait encore compter avec le Suffrage Universel et les progrès del'instruction; les esclaves seront de moins en moins dociles, ilfaut bien se mettre cela dans la tête. Mais considérez aussi quetoute invention nouvelle, qui n'est pas d'utilité stricte, consommedes journées de travail et réduit la provision des objets utiles;ainsi l'injustice se trouvera aggravée, et il faudra bien que toutcraque à la fin.Comment se fera cette réaction Inévitable contre les gaspilleurs

de la fortune publique? Je ne sais. Peut·être y aura·t·i1 une révo-lution violente, qui ramènera pour un temps l'égalitê des fortunes,et l'heureuse médiocrité pour tous. Je crois plutôt que tout sefera en douceur, par l'effet de crises économiques qui ruinerontles grosses fortunes, et mettront fin à ces folles entreprises, quibâtissent de nouvelles Pyramides avec le pain des pauvres gens.Toujours est·i1 que nous partons trop tôt et trop vite. On n'auraitpas dû organiser les téléphones tant que tous ceux qui travaillentne sont pas convenablement logés et nourris; et il fallait donnerde beaux jardins aux enfants pauvres avant d'élever les mâts dela télégraphie sans fil: cela est de bon sens; il faut penser aupain quotidien avant de s'acheter des diamants.Malheureusement ce n'est pas le bon sens qui règle la produc-

tion: c'est l'ennui des riches, et l'aveuglement Incroyable despauvres. Tous admirent l'homme volant et rêvent aux miracles dela science, sans penser que nous voilà en octobre, et qu'une foulede petits bonshommes n'ont point de chaussons de laine pourl'hiver qui vient. On admire que les Pharaons aient trouvé assezd'esclaves pour bâtir les Pyramides. Ninive a été rebâtie bien desfois, et Babylone avait des jardins suspendus. Mals tous ces payssont maintenant des déserts de sable, sans doute par l'excès duluxe et de "injustice. Nous ne retomberons pas si bas, parce quenous ne volerons pas si haut. Nos esclaves ont appris à lire, etnos Pharaons n'achèveront point leurs Pyramides.

13 octobre 1908.

Page 9: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

ROMANS

L'ennelllÎFRANÇAIS

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 man 1970 •

ture plus attentive découvriradans son récit un autre niveau,que j'appellerai, faute de mieux,celui de la dépossession.Lorris est quelqu'un qui ne s'ap-

partient pas, qui trouve (ou pro-jette) toujours sa vérité hors delui. L'ambiguïté du roman tientà ce flottement fondamental, quinous interdit aU1l8i bien d'y voirune c histoire:t réelle ou imagi-naire' une allégorie politique oumétaphysique, que de considérerson personnage principal commeun «héros positif », dont le com-portement pourrait se ranger sousdes catégories rassurantes, - les

violences aveugles, la dureté deses choix), le dédoublement (quin'est peut-être qu'une fuite, maisqui est peut-être aussi la véritémême, symbolisée par le théâtre,représentation dans la représenta-tion) , et ce complot universel,anonyme, figure la plus profondedu mécanisme social, qui sembleavoir pris, dans nos récits, la pla-ce des vieilles intrigues psycholo-giques. Kafka, Borges, Beckett nesont pas loin.. On pensera aussi, parce que lelivre paraît en 1970, à des événe-ments récents. Il est permis d'ima-giner, par exemple, que l'Organi-sation, c'est le Parti communiste,ou plus généralement le stalinis-me, et que les insurgés des Hau-tes-Fagnes, ce sont les gauchistesde mai 1968. Auquel cas, Lorris,pris entre deux feux (entre deuxjeux) , trahissant involontaire-ment les uns et les autres, et tra-hissant les deux au profit du théâ-tre, représenterait assez bien l'in-tellectuel de gauche d'aujour-d'hui, qu'une sincérité sans em-ploi, une rigueur purement néga-tive, prive du confort de l'efficaci-té sans lui donner la sécurité dela bonne conscience.Ces références grossières ris-

quent de dissimuler l'essentiel, etle reproche qu'on serait tenté defaire à Geneviève Serreau seraitplutôt d'avoir, par une affabula-tion un peu surchargée, un peutrop symbolique, prêté le flanc àdes interprétations qui ne peu-vent être que réductrices. Une lec-

fois les deux trajets : car l'imageinitiale, renforcée par la présenceinvisible de l'observateur-narra-teur, fail peser sur l'ensemble durécit un soupçon d'irréalité qui nese dissipera jamais complètement.Mais pour que ce soupçon soit vé-rifié, pour que Lorris rencontrevraiment lia mort, il faut aussi que

la suite ne soit pas une simpleparenthèse : la mort a besoin dece détour pour être crue.J'ai cité Dans le labyrinthe. Le

lecteur familier du roman moder-ne reconnaîtra au passage plu-sieurs des figures qui obsèdent no-tre univers et resteront vraisem-blablement comme les traits ca-ractéristiques de la littérature deces vingt dernières années : le la-byrinthe, bien sûr (je pense àl'épisode du château de Mortelan-ge, vaste construction marienba-desque où des serviteurs désignéspar de simples numéros accom-plissent silencieusement des tâ-ches mystérieuses et spécifiques),la Révolution (avec son cortège de

Le lecteur reoonnaîtraau 'passage plusieurs de.figures qui obsèdent notreunivers.

Sous une phrase célèbre deRimbaud, qui lui fournit sontitre, le roman de GenevièveSerreau porte cette épigra-phe tirée d'un texte deMichaux : cc L'homme - sonêtre essentiel - n'est qu'unpoint. C'est ce seul point quela mort avale D. VoiJà, d'em-blée, mis en place les troisthèmes du livre· l'action(c'est-à-dire la Révolution),l'homme, la mort.

Trois thèmes, ou plutôt troisquestions: car chacun d'eux souf-fre lui-même d'une ambiguïté.Comment concilier, dans l'actionrévolutionnaire, justice et violen-ce, organisation et vivacité '1 Dequel côté se situe l'homme, icifiguré par un révolutionnaireamateur qui est aussi un comé-dien professionnel : côté théâtreou côté «praxis », côté jeu oucôté discipline? Enfin quandmeurt-on ? Ce qui revient à direoù est la mort, où est la vie ?Aux premières pages du récit,

L.K. Lorris observé par untiers, 1'« imperceptible témoin»entouré de livres, dans lequel onreconnaît, comme aux premièreslignes de Dans le labyrinthe deRohbe-Grillet, le romancier lui-même - fait l'expérience prémo-nitoire de !ta propre mort. Il sevoit à la fois mort et vivant,« chu» et «debout », immobileet en marche. L'image reviendraà plusieurs reprises au cours duroman. Elle s'imposera finalementà la dernière page, justifiée parun probable assassinat, sans qu'onpuisse pourtant affirmer que laréalité confirme la prémonition.Il se pourrait que ces deux mortssoient tout aussi fietives l'une quel'autre. Il se pourrait, comme lesuggère l'auteur, qu'un intervallede quelques secondes seulementles sépare, et par conséquentqu'entre temps, il ne se soit rienpassé. Le livre a ainsi la formed'une boucle reliant deux pointstrès voisins sur une droite; onpeut aller directement d'A en B.On peut aussi suivre toute lacourbe.Lire Ce cher point du monde,

c'est, il me semble, suivre à la

1Geneviève SerreauCe cher point du mondeColl. Les Lettres Nouvelles.Denoël éd., 196 p.

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FANTASTIQUE

Unem.achineplus rassurantes étant, hien sûr,celles de 1'« action Ce n'est pasun hasard si Lorris fait partied'une troupe théâtrale; ce n'estpas un hasard non plus s'il passesa vie à jouer avec des douhles : àcommencer par ce Monsieur Elkaimaginaire qu'il a fahriqué de sesinitiales, et dont les mésaventurescontées avec une tendre ironiecoupent le roman d'épisodes inat·tendus, - pour continuer par Sé-hastien, le jeune neveu retrouvédans une ville quilui offre, à vingt ans de distance,outrr. If' l'ouvenir d'une jeune fem-me autrefois aimée {Anna, douhleelle-même de ces deux douhlesque sont Lucia l'actrice et Tankala conspiratIjce), le miroir' de sapropre incertitude.Les plus helles pages du roman,

écrites dans un style haché, vio-lent, rapide, d'une remarquahleefficacité narrative, sont celles oùse laisse voir à découvert ce filonimaginatif, dont le déroulementobéit davantage aux lois incon-grues du rêve qu'à la pesante dia-lectique révolutionnaire. Ici enco-re, on pense à l'auteur du Châ-teau. Sébastien ne nous est-il pasprésenté comme «un petit FranzKafka au mince sourire»? Cepetit Kafka, rouage minusculed'une organisation qui le manœu-vre, a, en vérité, hien autre choseen tête que la Révolution. Il estplus proche de Peter Ibhetson etdes égarés du romantisme alle-mand que des stratèges de la pri-se du pouvoir ou des théoriciensde la société de consommation.C'est un homme qui rêve et queson rêve tue. C'est un homme quiaime et que son amour tue. «Unhomme, voilà tout ». Mais aussi,«le premier ennemi visible. Leseul appartement ». Celui qui nese laissera pas réduire.La littérature, si elle veut dire

quelque chose, n'a peut-être riende plus à nous dire, en ces tempsde répression, que cette obstiua-tion-là. Rien d'autre à désignerqu'un «point du monde », parmides millions d'autres points, quela mort - ce cortège de répu-gnants coléoptères qui apparaîtà la fin du livre - peut hien«,avaler» : tant qu'il y aura un«imperceptible témoin» poursaluer sa défaite. Même s'il devaitdire· finalement qu'il n'a «rienvu »..La partie ne sera pas jouéeet les nécrophiles de tous bordsn'auront pas vaincu.

Bernard Pingaud

10

Ça y est : l'âme roman-tique et le rêve ont été hap-pés par l'engrenage. Avanttoute discussion raisonnée,disons notre déception desimple lecteur, qui se fichepas mal de la m é t h 0 d eemployée, pourvu que lerés u 1ta t soit intéressant.L'application de la méthode

1Tzvetan TodorovIntroduction à lalittératureLe Seuil éd., 192 p.

Le rôle du crItIque n'a nulle-ment consisté à nous faire péné-trer plus avant dans la compré-hension de ces textes, mais à nousen retirer, pour ainsi dire, lajouissance, à nous forcer à couperles relations personnelles quenous avions pu établir avec eux.Vous croiriez que toute critiquedevrait chercher à nous fournirde nouveaux motifs de nous sen·tir liés aux œuvres que nousaimons ? Erreur ! La grande af·faire aujourd'hui c'est de traiterla littérature comme un tas decailloux ramassés dans le désert.Quelle race étrange de gens !Cuvier, à partir de l'unique ver-tèbre qu'il possédait, recomposaittout un univers disparu. Eux, quiont à leur disposition les monde!\riches et complets de tant d'écri-vains, ils ne s'intéressent qu'à. lavertèbre.

Au reste, Todorov, qui a cetimmense mérite, dans la cohortedes suiveurs, d'être clair, facile,intelligible, d'éviter l'hermétismeet le charabia si fort prisés denos jours et de définir les mots.quand il - les emploie hors del'usage; joint à ces qualités.l'hon-Déteté et la modestie.

«Now comidérom rœuvre lit-téraire comme une structure quipeut recevoir un nombre indé-fini d'interprétatiom; celles-cidépendent du temps et du lieu deleur énonciation, de la personna-lité du critique, de la configura-tion contemporaine des théories

et ainsi· de suite.Notre tâche, en revanche, ladescription de cette structurecrewe qu'imprègnent les inter-prétatiom critiques et deslecteurs. » (p. 101) Naïf que nous

structuraliste à littératurefantastique a b 0 u t i t à unesuite de petits résumés, cor-rects et secs, d'œuvres dontnous attendions, en raison dela personnalité parUculière-ment complexe de leurs au-teurs (Poe, Hoffman, Gogol.Nerval, etc.) et de l'origina-lité du genre choisi, une lec-

étions ! Nous pour qui la moitiéde l'intérêt d'une critique résidedans la personnalité du critique !Et de nous Tappeler, avec unétonnement honteux, toutes lesfois où nous nous sommes laissésrefaire, comme des nigauds : parle Poe de Baudelaire, par le Bau-

dt'>!{ .,;//-;-Yô..; /,,1"••'. :!.J <(,."

delaire de Sartre, par le Lautréa-mont de Bachelard, par le Rim·baud d'Yves Bonnefoy... Mais Te-venons à des pensées plussérieuses.

«En poétique, on se contented'établir la présence de certaiméléments dam rœuvre; mais onpeut acquérir un degré élevé decertitude,· cette connaissance selaissant vérifier par UM série deprocédures. Le critique, lui, sedonne une· tâche plw ambitiewe :nommer le sem de rœuvre; maisde cette activité, le résultat nepeut se prétendre ni scientifiqueni c objectif'.' (p. 149)n faudra un jour étudier pour-

quoi la frénésie de rivaliserles hommes de science a saisi les

ture radieusement. agressjve-ment moderne. les voici aucontraire non seulement clas·sées et étiquetées selon unsystème assez tâtillon et em-brouillé. mais encore dépouil-lées de toutes jes interpréta-tions suggestives qu'on avaitpu en donner, et douéescomme des papillons mortsdans leurs boîtes de verre.

hommes de lettres. Les réponses,hélas, seront hien déprimantes.On voit partout, dès aujourd'hui,les effets de cette obsession : unconformisme ahurissant de la cri-tique dite d'avant-garde, uneobéissance servile au vocabulairede l'école, une peur horrible d'a-voir l'air original. Qui oseraitécrire encore des essais avec laliherté, la sensibilité, la pulpeusenonchalance d'un Marcel Moré,le dernier amateur, dont le recueilposthume La Foudre de Dieu au·ra été le plus beau livre critiquede l'année? Pour un .Roland'Barthes, qui étincelle de talentet sait faire naître en quelquesphrases qui n'appartiennent qu'àlui le monde tout entier d'unécrivain, avec ses vertèbres et seslois peut-être, niais aussi avec.B.OJ1épaisseur et sa saveur, ses cir-cuits souterraÎlis et 1le8 dimen-sions mystérieuses (cf. l'amusantaperçu sur Jules Verne dans lepremier numéro de la revue« Poétique »), que de Vadius etde· Trissotins ! Todorov, certes,n'est ni l'un ni l'autre; je trouvequand même comique qu'il repro-che à Northrop Frye de faire unusage trop fréquènt du mot MI.vent : péché capital contre ledevoir de n'imprimer que descertitudes indiscutables- ! (Notonsà ce propos que Todorov est undes rares critiques français àavoir une connaissance de pre-mière main du Formalisme russeet du New Criticism américain).Le sem étant dédaigneusement

abandonné aux critiques,men de la structure revient doncaù poéticien. Par structure, ilfaut comprendre tous les élé-ments littéraires de l'œuvre"-nonseulement respect verbal et syn-taxique (s'arrêter là seraither dans les vieilles distinctionsentre formes et contenw) , maissurtout l'aspect sémantique, c'est-à-dire les thèmes. Naturellement,nous attendions l'auteur à l'étude

Page 11: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

•qUI lDoud du vide

La Quiuaine littéraire, du 16 au 31 _. 1970

structuraliste des thèmes. Puisquele mot de thème est gardé, querecouvre-t-il de nouveau,- qui avaitéchappé à la critique thématique ?Tout de 8uite nOU8 pre88entons

que la réussite ou l'échec du livreva se jouer dans la 8econde partie,consacrée aux thèmes. Et en effet,après les cent premières pages,arides et chipoteuses, employée8surtout à réfuter l'interprétationdes précédents exégètes du fantas-tique et à préciser le credo mé-thologique (anathème sur RogerCaillois, indulgence pour Jean-Pierre Richard, dithyrambe8 pourle groupe 8tructuraliste français),voici tout à coup une matière net-tement plus abondante, un peu dechair autour de la vertèbre.

Il y aurait deux séries de thè-mes dans la littérature fantasti-que. D'une part les thèmes duje, qui mettent en question le8relations de l'homme avec l'uni-vers, ses notion8 de temps et d'es-pace, et condui8ent au monde desmétamorphoses, du dédoublementet de la folie. D'autre part lesthèmes du tu, qui mettent enquestion les relations de l'hommeavec son désir et avec son incons-cient, et conduisent au monde dela sexualité, de la cruauté et dela mort.

Cette di8tinction éveille aussitôten nous un souvenir que -Toda-rov, il faut le reconnaître; va unpeu plus loin, honnêtement, nOU8remettre précis en mémoire. Pourle moment, enchantés d'avoir en-fin quelque chose de substantielà déguster, nous risquerions dene pas prendre garde que cetterévélation ultrascientifique des8tructures n'est pas moins sujetteà caution, pas moins arbitraire,pas moins louche que le dépistagedes thèmes par les vieux moyensempiriques. Pourquoi ces deuxséries du je et du tu ? Pourquoices deux-là seulement ? Pourquoipar exemple (p. 146), les préoc-cupations relatives aux cadavreset au vampirisme seraient-ellesliées au thème de l'amour ? Oùest la différence entre les thèmesetructuraux d'une œuvre et lesthème8 appartenant en propre àl'écrivain, sinon dane la fantaisiede l'exégète? A quoi bon uneméthode qui tout en brimantcette fantaisie par les restrictionsbureaucratiques qu'elle lui im-pole, n'offre pae plus de garantiesecientifiques qu'aucun des autres

systèmes imaginés depuis Taine ?Voici un exemple précis de con-

tre-vérité. Puisque les thème8duje, selon Todorov, ressortissent àune perception du monde plutôtqu'à une interaction avec lui, les-voilà liés plus particulièrement ausens de la vue. Or les contes deHoffmann révèlent en plein lesstructures du je. Donc Hoffmannest l'écrivain fanta8tique où tout'se ramène au regard. Pas dechance. Hoffmann composait dela musique en même temps qu'ilécrivait des récits, et c'est lui quia formulé la théorie des corres-pondances que Baudelaire a citéedans le Salon de 1846 : c L'odeurdes soucÏ& bruns et rouges produitsurtout un effet magique sur mtIpersonne. Elle me fait tomberdans une profonde rêverie, et j'en-tends alors comme dans le lointainles sons graves et profonds duhautboÏ&. » Pas une seule ligne de

Deein exécuté par Poe

Todorov sur Hoffmann ne pour-rait faire croire que cet écrivainétait capable d'écrire une phrasecomme celle-là, pourtant si mer-veilleusement révélatrice de songénie. A force de ne vouloir tâterque du certain, la méthode fa-brique du faux, et e8camote l'im-portant.

Ainsi, les thèmes de l'incesteet de l'homosexualité, 8i fréquents

la littérature fanta8tique,sont expédiés ensemble en deuxpages. Rien à dire sur le sujet,pas plus que sur le nez de GogoL«NofU n'avOlU pas cherché ci don-ner une interprétlrtion du dém,

tel qu'il se manifeste dans leMoine, ou de la mort, dans laMorte amoureu8e, comme rauraitfait une critique des thèmes;nous nOllS sommes contenté de si-g",aler leur existence. Le résultatest une connaissance à la fois pluslimitée et moins dÏ&cutable. :.(p. 149). Merci bien! Quand je lisle Nez de Gogol, je vois bien qu'ils'agit d'un nez, je n'ai pas besoinqu'un autre me c désigne:t cenez. Chercher la 8tructure et rienque la structure revient souvent àla pure tautologie.

Reste l'objection majeure. Ladistinction des thèmes du je etdu tu correspond, ainsi que lerappelle Todorov, à la distinctionétablie par Freud entre le mondedè la psychose et celui de la né-vrose. C'était donc cela, la rai·son pour laquelle on avait toutà coup senti passer un souffie vi·vifiant ! La bonne vieille théoriepsychanalytique était venue prê-ter renfort, encore verte malgréson âge, et bourrée de choses àdire, et ravie de communiquerun peu de sa vitalité à sa cadetterabougrie et pâlote.

Mais ici, coup de pied de l'âne :après avoir rendu son hommage,Todorov se demande s'il ne vientpas de commettre l'hérésie deshérésies. Le crime de Freud, etde ceux qui essayent d'appliquerla psychanalyse à la critique lit-téraire, consiste, on le sait, àcroire que le texte désigne autrech08e que le texte, qu'il renvoieà un auteur, qu'il est l'expressionde pensées, de sentiments ou defantasmes. Stupide crédulité ! Letexte n'est que le texte ! Le texte,mot-talisman, mot-tabou de l'é-cole,_ Ils répètent «le te-exte:.avec une ferveur tremblante,comme l'immortel Brid'Oison ré-pétait «la fa-orme :t. On rit, d'ac-cord, mais c'est plutôt conster-nant. Consternant d'entendre quel-qu'un d'intelligent déclarer quepour préserver la 8pécificité dela littérature il faut étudier celle·ci à part de8 hommes qui l'ontécrite : comme si le meilleurmoyen, justement, de nier cette_spécificité n'était pas d'examinerles œuvres d'art du même œilque n'importe quel autre produitde l'industrie humaine, commedes moteurs de voiture, parexemple. Dire d'un côté que l'am-biance de la nouvelle critique estde «considérer rœuvre comme

une totalité et unité dynamique:.(p. 100) et Ile refuller absolument,d'autre part, à tenir compte del'interaetion entre l'écrivain etson œuvre, n'est-ee pas Ile condam·ner à ne qu'un tout petitbout de celle-ci ?

Cette position est si intenablequ'elle POU8llC le plus honnête àla mauvaÎIle foi. Il le trouve quel'objet de la controverse va êtreencore Hoffmann. Citation deFreud : «E.T.A. Hoffmann étaitrenfant d'un marÙJge malheu-reux. Lorsqu'il avait troi, ans, sonpère .e sépara de sa petite f.miUe et ne revint plus jamais au·près d'elle:., etc. (p. 159 : le «etcaetera:. est de Tedorov. Corn.mentaire de Todorov : «Holf-mtlnn, qui a été un enfant mol.heureux, décrit les peurs de ren-fance; maù pour que celteconstatation ait une valeur expli-cative, il faudrait prouver soit quetous les écrivains malheureux dansleur enfance font de même, soitque toutel les descriptions Jepeurs enfantine, viennent d'écri-vains dont r enfance a été mal-heureuse :.

Non, non et non! Freud n'ajamais voulu «expliquer:t l'œu-vre de Hoffmann par le traumade 8a troisième année ! Il est vraique de nombreux disciples deFreud, avec leur zèle un peu pri.maire, ont donné crédit à cetteopinion ridicule que la psycha-nalyse fournirait, à la demande,des clefs pour ouvrir les portes.Mai8 pas tOU8 le8 disciples deFreud : qu'on se rapporte seule-ment à l'C88ai magistral de Mar-the Robert 8ur Van Gogh : ellene se contente pa8 de «désigner_le soleil et les cyprès, elle les in·

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Todorov Les revuestègre dans l'ensemble d'une vieet d'une œuvre, avec un égal sen-timent de ce qu'est la psychologieet de ce qu'est la peinture. Detoute façon, rendre responsabledes abus de ses émules Freudlui-même (lui qui savait parlerdes écrivains avec une compré-hension si mesurée et avec unetelle méfiance envers sa propreméthode), c'est commettre unefalsification volontaire. Freud nepense pas que parce qu'on a étémalheureux à trois ans on écriraà quarante-cinq ans la PrincesseBrambilla, ni que tous les en-Iants placés dans la même situa-tion doivent avoir le même destin.Mais il pense qu'un homme nepeut pas être tout à fait le mêmesi son père l'a abandonné tropjeune, et il suggère que si onveut comprendre à fond et l'hom-me Hoffmann et l'œuvre (les deuxétant liés à vrai dire), il faudraitsuivre dans le développement dela biographie de Hoffmann etdans la construction de son œu-vre, parallèlement, les répercus-sions du choc infantile, indiquéici comme l'élément de départqui en se mélangeant à tous lesautres épisodes de la vie auradonné sa coloration particulièreà la personnalité du conteur. Laseule réponse à cette suggestionde Freud consisterait à écrireune psychobiographie et une psy-chocritique de Hoffmann, tâchebien évidemment plus longue etdifficile que de dégager au ha-sard quelques thèmes coupés ducontexte vital et tendancieuse-ment regroupés.

Mais trêve de cette guerre d'u-sure entre différentes méthodes.La critique moderne étouffe sousla méthodologie. L'œuvre de l'é-crivain ne sert plus que de loin-tain prétexte à des disputes entredocteurs qui savent à peine dequoi ils parlent. A lire cette In-troduction à la littérature fantas-tique, à voir une machine si mi-nutieusement mise au point mou-dre du vide pendant deux centspages, on se dit que pour fairede la bonne critique tempéra-ment vaut mieux qu'instruments,et que nul ne devrait se mêler delittérature avant d'être sûr de pos-séder, en même temps qu'un nepour sentir le parfum des soucis,des oreilles pour entendre le sondes hautbois.

Dominique Fernandez

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Poétique

La création aux éditions du Seuil d'unenouvelle revue, Poétique, illustre le pro-fond changement intervenu en Francedans les méthodes, comme dans les inten-tions, de la critique littéraire. Le sous-titre précise ces intentions: revue dethéorie et d'analyse littéraires. C'est direque les animateurs de la revue - HélèneCixous, Gérard Genette et Tzvetan Todo-rov - entendent le mot Poétique dansl'acception d'Aristote. Ils veulent considé-rer les formes et les genres en tant quetels, dans le dessein d'établir une théoriedu discours littéraire.

Ils rompent avec des habitudes criti-ques nées du mouvement romantique etqui distribuaient toute la lumière sur l'in-dividu créateur, sur sa psychologie ou surl'insertion de l'œuvre dans l'histoire.

Un tel programme effarouchera cer-tains qui verront se dessiner, derrière detelles notions, celle, plus rébarbative etpeut·être inquiétante, de science de la lit-térature. Mais la lecture du premier nu-méro (il en paraîtra quatre par an) ferajustice de ces alarmes. La revue est étran-gère à tout dogmatisme. Elle se montreaccueillante et ne s'enferme pas dans uncarcan. Il est vrai que la majorité desarticles manient les méthodes de la lin-guistique, de la rhétorique, de la stylisti-que ou de la sémiologie. Certaines étudesopèrent par d'autres voies. C'est avec lesoutien de la psychanalyse qu'HélèneCixous analyse la fonction de l'écritur.echez Henry James.

Il était légitime qu'une revue de cettesorte fût ouverte par Roland Barthes.« Par où commencer?» s'interroge-t-il etquel critique, en effet, ne s'est pas posécette question? Comment choisir le fil- ou la pertinence - qui permettra dedévider les réseaux secrets d'une œuvre ?Il n'est pas certain que Barthes apporteréponse décisive à travers l'exemple qu'iltraite - L'Ile mystérieuse, de Jules Ver-ne, mais le décodage qu'il fait de laprose vernienne est fascinant. Au pointqu'cn se demande, au risque de déplaireà Poétique, si le talent de celui qui maniela méthode structurale n'est pas plus ef-ficace que la méthode elle·même.

Le renouveau critique dont témoignePoétique a été précédé - ou bien il estaccompagné - par des recherches étran-gères: Formalisme russe, New Criticismanglo-saxon, Literaturwissenschaft alle-mande. Dans Poétique, Harald Weinrichexamine les structures narratives du my-the. Texte pénétrant dont la conséquenceest de corriger les lectures que nous fai-sons ordinairement des mythes. Le mythe,selon Weinrich, est narration, non argu-mentation logique. Or, l'occident modernene peut pas s'interdire d'infuser, à l'inté-rieur d'un code narratif, des codes argu-mentatifs et rationnels. Pour Weinrich,même un homme aussi scrupuleux queLévi.Strauss n'échappe pas toujours àcette tentation. C'est que la linguistiquestructurale de la «première génération JI

n'offre de méthode que pour une linguis-tique de la lanBU6, alors que le mythe- s'il est stricte narration, comme le

veut Weinrich - possède le statut de laparole.

La part insolite de ce numéro revient àune autre œuvre étrangère, les extraitsd'un ouvrage de Khlebnikov, Livre de.préceptes, présentés par T-odorov. Khleb-nikov, chef de file des futuristes russes,était un esprit étrange, à mi·chemin dudélire et de la logique. Hanté à la foispar les nombres et par le langage, il a lais-sé des teJttes surprenan18 où s'entend unécho bizarre de certaines intuitions deMallarmé ou de Jarry. Ainsi, Khlebnikovfait·il apparaître des séries gouvernant leretour, dans l'histoire, des événements demême nature. Par exemple, les débuts detous les Etats sont séparés par un nom-bre d'années constant (365 + 48) n =413 n (Angleterre 827 • A Il e ID a g n e1.240 • Russie 1.653). On voit ce qui apu intriguer un homme comme Todorovdans ce poète mathématicien : la présenced'un ordre, d'un code, qui informeraitl'histoire comme un code sous·tend lediscours.

A cel inventaire trop rapide, on vou-drait ajouter deux remarques. La premièreconcerne les relations de telles rechercheset de l'histoire. Certes, Poétique veutrompre avec la critique romantique, ob-sédée par l'histoire littéraire. Mais, l'his-toire n'est pas pour autant escamotée. Elleest présente, même si son objet est dé-placé: « Nous ne voulons ptU, écrit Poé-tique, i&norer que (cette) littéralité, damlu éléments comtitutifs de son jeu com-porte, ou plutôt constitue elle.même unehistoire, qu'aucune théorie ri&oureU&e-ment conduite ne peut lon&temps mécol'}-naître. Cette histoirè de la littératurequi, après plus d'un demi-siècle d'histoirelittéraire, nous fait encore si lourdementdéfaut, nous voudriom aussi favoriser sonélaboration ».

De ce souci théorique, le premier nu-méro présente quelques illustrations.Hans-Robert Jauss étudie la littératuremédiévale en fonction de la théorie desgenres. En réalité, il apporte une contri-bution à l'histoire des genre.. Il est vraique les formalistes russes avaient déjàperçu que les genres ont une histoire, maiscelle·ci était conçue comme un processusimmanent à l'évolution des systèmes litté-raires en tant que tels. Au contraire, Jausstient que l'historicité d'un genre nes'épuise pas dans une succession de sys-tèmes et qu'il faut tenir compte de lafonction exercée par la littérature dansla société ou dans la vie.

La dernière remarque nous reporteraau titre choisi pour la revue. Pour Aris-tote et pour tous les critiqJl.es classiques,la théorie littéraire analysait formes etgenres en vue d'ériger en norme la tra-dition existante. Le vécu littéraire se trou-vait canonisé et tout décodage s'opéraità travers la grille de la norme. Les criti-ques de Poétique renversent ce parti. Ilsmettent l'accent moins sur le discoursque sur les possibles du discours. Autre-ment dit, les œuvres écrites sont regar-dées comme des modèles réels qui n'ex-cluent pas d'autres combinaisons. Il de-meure toujours un autre passible du dis-cours littéraire, derrière le réel des œu-vres écrites. L'objet de la théorie litté-raire - et l'on voit a leurer ici un thè-me cher à Roman Jakobson - devientalors, au-delà du réel littéraire, tout le vir-tuel de la littérature.

G-. L.

Tel Quel(N° 40 - Hiver 1970). -

L'essentiel de ce numéro est constitué parun inédit de Georges Bataille: Le Ber-ceau de l'humanité consacré aux décou-vertes archéologiques de la Vézère. PauleThévenin poursuit sa lecture d'AntoninArtaud tandis que Marcelin Pleynetnous donne des extraits d'un long texte :Incantation dite au bandeau d'or. Outreun entretien avec le romancier JacquesHenric, qui nous donne sa conception del'avant.garde révolutionnaire, PhilippeSollers dont on ignorait les qualités desinologue, nous donne la traduction dedix poèmes récents de Mao-Tse·Tung.

La Revue de Paris(Février 1978).

- Au sommaire, René Huyghe, Margue-rite Yourcenar, Marcel Thiry, Roger Cail-lois, Gérard Mourgue ainsi que des étu-des sur Jule. de Goncourt (par FloricsDulmet) et sur Hector Berlioz (par B.éa-trice Didier et Françoise de la Sablière).

SJ'llepses(N°s 1 et 2). - Une jeune

revue créée par les étudian18 grenoblois.Voix très jeunes et maladroites où, au mi-lieu de réminiscences presque obligatoires,des voix fraîches se font entendre, cellesnotamment de Marc Degryse et de Ber-nard Gautheron. L'important est surtoutque cette revue est imprimée &"Jtuitementpar l'imprimerie de la faculté des Lettreset des Sciences de Grenoble. Cet exempled'une université s'intéressant à la créa-tion poétique est suffisamment exception-nel pour qu'on le souligne...

J.W,

L'AraSortant d'un musée où trop de com-

mentaires l'avaient depuis longtemps re-clus, Beethoven, deux siècles après lianaissance, cesse d'être un événement etreprend vie à notre lumière. « Beethovenau présent JI pourrait être le titre du der-nier numéro de l'ARC, et non par leseul fait qu'elle ait été rédigée par desauteurs contemporains, mais aussi par lavolonté de ceux-ci de ne considérer quela permanence d'une œuvre musicale.« Ce n'est ptU moi qui parle de Beetho-ven, c'est Beethoven qui parle de moi.Il parle de 1I0US Il, écrit André Boucou-rechliev dans sa préface. celle

A travers une quinzaine d'articles réu-nissant les signatures de compositeurstels que Stravinsky, Pousseur, Stockhau-sen, de musicologues ou de sociologues,se recompose la quête d'un musicien, à lafois précise et ineffable comme le tempsqui ne l'a pas mesuré.

La conscience politique de Beethoven,révolutionnaire tel que le décrivent Bri-gitte et Jean Massin, la relation de sonœuvre au monde, interrogation de RolandBarthes, ou encore la lente recherche deson identité (comme celle d'un Perceval)retracée par Alfred Kern, tous ces actesd'une pensée révélée se confondent avecnos exigences les plus profondes et lesplus obscures.

Si un tel parti pris a pu entraîner quel-ques auteurs dans des considérations par-fois aventureuses (Dominique Jameux ouStockhausen notamment), la plupart desétudes s'appuient sur des faits précis.

L.D.

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Vie secrète

d'EdouardMattéi

LAFfONT

•quatre psychanalyses

un médecin,un prêtre,

un officier supérieur américain,une jeune eurasienne

CrS.FANTI

COITIILB

FLAMMARIDN

une descente aux enfersde l'inconscient...

qu.i remet en cause l'homme normalparmitous les romansparus en 1969...

les lauréatsdes prix defin d'annéeont décernéle

PRIX HERMESà

l'AMATEURDE CAFE

petite fille aimée et lointaine,viendrait-elle ? Irait-il là-bas ?..Antoine, repris par son «insou-

semhle s'en désintéres-ser. Etendu dans sa prairie, ilrevoit les images saintes de f égli-se de Bloise, et c'est alors qu'ilest saisi d'une joyeuse et inébran-lable certitude.Confiance dans les images, con-

fiance dans les mots. Tel l'Enfantqui disait n'importe quoi pour si-gnifier qu'il y avait en lui ou au-tour de lui quelque chose d'inex-primable, André Dhôtel écrit deslivres admirablement saugrenus,au double pouvoir d'évocation etd'invocation. Son étrangeté, c'estla simplicité que nous ne savonsplus voir. Dhôtel, dans Un jourviendra comme dans tous ses li-vres, nous fait découvrir une vietissée de secrets, qui sont les nô-tres comme les siens, mais que luiconnaît par cœur.

Lionel Mime

1André DhôtelUn jour viendraGallimard éd., 194 p.

Un nouveau livre d'André Dhô-tel, c'est l'espoir d'un voyage, derencontres inattendues, de paysa-ges d'enfance retrouvés, d'uneamitié secrète, et toujours, tout aubout, tout à la fin, d'une silhouet-te de jeune fille qui dit «Ouisans cesser d'être, délicieusement,mystérieuse. Et Dhôtel ne déçoitjamais cet espoir, même s'il serépète, même si ses itinéraires etses visages ne sont plus, ne veu-lent plus être, tout à fait une sur-prise.L'enfant, le jeune homme, puis

l'homme d'Un jour viendra faitpartie de ces enchanteurs enchan-tés. Parce qu'il recherche, parcequ'ils pressent, une grâce enfouieau plus profond (et en mêmetemps au delà) des billes de ver-re, des cartes postales, en sommedes images. (Il n'était pas capablede s'intéresser à autre chose qu'àdes images), Antoine éprouve lebesoin irrésistible de s'emparerde celles-ci. Objets «sans prix:t :pour les habitants de la petiteville, Antoine n'est pas un voleur.mais un kleptomane. On ne lecraint pas, mais on se méfie delui. Comme le petit Gallpard Fon-tarelle du Pays où fon n'arrivejamais, qui suscitait malgré luides catastrophes, Antoine estc: marqué :t, mis à l'écart.Car longtemps le merveilleux

qui pèse sur sa volonté lui aurasemblé une malédiction. Et puistribulations, voyages fantastiquescomme ceux de lulin Grainebis,ne sont pas son fort. Son fantas-tique est plus intérieur : à quisait rêver sur une image le voyageparaît inutile. Antoine rêve, etalors son rêve lui apporte unebrusque insouciance : les chosessont toujours pleines de promes-ses. Il suffit de contempler, inter-minablement, certaine prairie,pour y découvrir un monde, l'ima-ge du monde, peut-être le monde.Pour le reste, la vie, le bonheur,après tout un jour viendra...Etre heureux ne veut sans dou-

te rien dire pour André Dhôtel,dans la mesure où le bonheur ré-sulte d'une quelconque c: satis-faction ». Il est en quelque sortele poète des mains vides, et descœurs qui débordent. Trop pleinsd'un amour qui, ici en particulier,tend à dépasser son but le plusimmédiat, même si ce but fut lon-guement poursuivi. Clarisse, la

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PoundPOIIDAIIC.8

1Lettres d'Ezra Poundfi James Joyceavec les essaisde Pound sur JoyceMercure de France, éd. 350 p.

Pound est à Londres depuis1908, Joyce en exil italien de-puis 1904. Ils n'ont pratique-ment rien publié. Mais Joycetravaille déjà à Dédalus lors·qu'en 1913, Pound lui écritpour la première fois, à l'ins·tigation de W.B. Yeats, pourlui demander de contribuer àson anthologie des Imagistes,Alors commence une corres-pondance qui se constitue enhistoire de la Bataille de la

entre 1912-13 et 1941,bataille dont Pound fut l'ani·.mateur et le théoricien iné-puisable.

Son but : la libération de l'écri·ture par la libéralisation de l'édi-tion, donc du système social quil'assume. Pound attaque sans répitl'écriture bourgeoise, conformiste,avare, représentée par Shaw •Bennett - Chesterton, et prône les« révolutionnaires » T.S. Eliot -Lewis • Joyce, désignant bientôtcomme triade responsable de lacoupure de l'écriture e.e. cummings- Lewis • Joyce, meurtriers dela molle prose anglo-saxonne;Joyce jouissant du privilège d'êtrele premier, le plus monumental,et le successeur de Flaubert qu'ilprolonge et dépasse en tout.Introduite par Forrest Read qui

fournit leur contexte biographiqueet insère les essais critiques dePound sur Joyce, cette correspon.dance met en scène les épisodesd'une relation ambiguë entre deuxpersonnalités dissemblables jus-qu'au contraste. La relation vaut

surtout parce qu'elle renvoie delettre en lettre au rapport de cha-cun d'eux à son art, et plus généra-lement à la conception et l'élabo-ration de l'écriture, en métamor-phose surtout dans l'entre-deuxguerres. Le dévouement de Poundà Joyce est moins le fait de l'amitiéque d'un procès d'identification dupoète à celui dont il reconnaît, avecune immédiateté surprenante, qu'ilest le maître unique du texte enprose. L'identification vire assez viteà la frustration, lorsque le maîtreprend son dû sans jamais recon·naître la valeur créatrice de celuiqui lui fraie un chemin, jusqu'àprendre soin de sa santé, de se"enfants, en faisant son affaire lit-téraire, par un respect suprêmepour l'état d'écrivain. Il faut queJoyce écrive dans les conditions deson choix même si ce choix res-semble à un parasitisme organisé.C'est Joyce le précurseur que Pound

protège beaucoup plus que l'homme.Quant à Joyce il concède à

Pound, - dont il semble oublierl'entreprise poétique, - une grandeintelligence. Leur rencontre aubout de sept ans de correspon-dance (et sur l'insistance de Pound),est un simulacre : facticité, signeque s'ils se trouvent ce n'est jamaisqu'au lieu où tous deux font causecommune contre l'interdit qui veutmaintenir la littérature sous le jougde « la bigoterie bestiale » du lce-teur, de l'avarice des « pourvoyeursen littérature » et de la censure dontle chantage est tel que, depuis 1907,Joyce n'a pu encore trouver l'édi-teur qui se risquerait à publier Gemde Dublin. Jusqu'à la publicationdifficile d'Ulysse par la Little Re-view (deux fois saisie) les lettresde Pound sont d'abord l'écho d'unelutte incessante pour publier, diffu-ser Joyce, en mettant à contributionun réseau d'influences hétéroclites,

INFORMATIONS

Jean DubuffetLes faSCicules XI et XII du Cata-

logue des travaux de Jean Dubuffetviennent de paraître (distributionWeber). Le faSCicule XI rassemble ceqùl se rapporte à • charrettes. jardins,personnages monolithes, le XII estconsacré aux • Travaux d'assem·blages •.

Au oommencement...

Les Editions Paul Castella, à Albeuve(Suisse) . publient en allemand. fran-çais et anglais les premiers versetsdu premier chapitre de la Genèse,avec des i1Iustratlons d'Adrian Frutl·ger. 400 exemplaires à 61,50 francsfrançais l'un.

L'Atlantide

L'Atlantide, la vérité derrière la lé-gende, tel est le titre d'un ouvrageen forme d'album remarquablementIllustré qu'ont écrit MM. Galanopouloset Edward Bacon et qu'a traduit .del'anglais Tanette Prigent pour AlbinMichel. Les deux autetJrs, un archéo-logue et un physicien, qui ont décelél'existence d'une énorme éruption ·'vol·CanlqUe à l'Age du Bronze. prétendentque ce désastre balaya en 24 heuresune civilisation qui existait quelque

1.

part dans la mer Egée et plus préci-sément sur l'île volcanique de San-torin. Ce sont les restes de cette civi-lisation, en particulier l'admirable pa-lais de Cnossos, qui aurai.ent alimentéla légende de l'Atlantide. Une légendedont le premier propagateur s'appellePlaton, dans le Critias, et qui plaçaitdéjà l'Atlantide (du nom d'Atlas) enMéditerranée.

L. Moyen Age

La nouvelle Histoire de la littéra-ture française, dirigée par Claude Pi-chois aux Editions Arthaud, s'enrichitd'un nouveau volume : L. Moyen Age,tome l, • Des origines à 1300 •. Il estde M. Jean-Charles Payen, professeurà l'université de Caen. Comme lesvolumes précédemment publiés dans lamême collection, il comprend uneAnthologie, un Dictionnaire des au-teurs et des œuvres, une Bibliographieet une Chronologie.

L. plus grand inoonnudu XIX- aiècl.

Ouel est le plus grand Inconnu duXIX' siècle? M. Alain Rey, qui dirigela rédaction du dictionnaire Robert,a répondu : Littré. Littré, théoriciende la médecine, historien des Idées.philosophe, poète, traducteur, témoinpolitique et auteur, bien sûr, du fa-meux dictionnaire. Dans le volumequ'il lui consacre SOUI le titre : Littré,l'humanllte et les mots (Gallimard.les Essais), il montre comment le• Littré. cache une épopée : la • célé-bration de l'Homme en proie auTemps et aux Mots Immortels •. '

Jaok London

Les amateurs des romans de JackLondon (récemment réédités par Gal-limard) liront avec intérêt et profitun Jack London, l'aventurier des mers,d'Irving Stone, aux éditions Stock. Ilsy liront ie récit d'une vie assurémentplus mouvementée que celle de Pa·pillon et vouée à des Idéaux, disonsmoins terre à terre. Ce vagabond quicommence à écrire à 19 ans et qui,très jeune, conquiert la gloire, aconnu à peu près tout de ce que pou-vait offrir la vie d'un XIX' siècle finis-sant à un aventurier de son espèceet qui, originalité supplémentaire,était devenu socialiste avant d'attein-dre sa majorité. Plusieurs fois à latête de fortunes considérables (ga-gnées par ses livres), il en fit pro-fiter trop d'amis pour finir dans lapeau d'un nanti. A 41 ans, à courtd'argent, pessimiste et alcoolique, Ilse donne la mort.

Alice

Henri Parisot, qui a passé un bonnepartie de son temps à traouire et re-traduire Allee au pays des merveilles,en donne une version remaniée et qu'ilsouhaite • définitive. pour la collec-tion bilingue Aubier·Flammarion.

Trotsky

Après avoir publié La Révolutionfrançaise et nous, de Daniel Guérin,La crise de la social-démocratie suiviede sa critique par lénine, de RosaLuxemburg. les Editions la Taupe, àBruxelles (106, rue Augustln-Delporte)font paraTtre un recueil d'articles de

Léon Trotsky, tous relatifs à la der-nière Guerre mondiale : Sur la Deuxiè-me Guerre mondiale. Dans sa préfaceà ce recueil, Daniel Guérin fait unrapide décompte des prophéties deTrotsky et constate qu'elles se sontpresque toutes réalisées. Toujours deTrotsky, Buchet-Chastel réédite leMarx.

Jésus, par un Juil

Un livre sur Jésus, écrit par unJuif, est publié par le Seuil. Il s'agitdu Jésus, de David Flusser, professeurà l'université hébraïque de Jérusalemet spécialiste de l'époque du NouveauTestament. M. B.D. Dupuy, a.p. quipréface le volume dans sa traductionde l'allemand, se déclare satisfait despositions de l'auteur et pense que• s'II est certain que l'ouvrage inté-ressera les juifs, Il ne sera pas moinsprécieux pour les chrétiens -. Lapréfacier va plus loin encore: • L'ess&ide D. Flusser, s'adresse auxlibres penseurs comme aux croyants,aux chrétiens comme aux juifs, etInterpelle les uns et les autres éga-lement.. Oui eût osé rêver d'Url• oecuménisme - aussi large?

Albert-Marie Sohmidt

Les Editions Rencontre Inaugure,..t la• Bibliothèque des Lettres ancienneset modernes. par la réédition d'unouvrage Introuvable ; La poésie scIen·tiflque en France au XVI' siècle, thèsede doctorat ès-Iettres 'soutenue en1938 par le regretté Albert-MarieSchmidt. Le même éditeur a recueillidu même auteur ses alertes chronl·ques hebdomadaires : Chroniques de• Réforme ••

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et Joyce

Joyce et Pound, à Parill en 1923.

depuis le Fonds Royal Anglais, jus·qu'aux mécènes de tout plumage.lutter pour Joyce c'est aussi luttercontre les institutions réactionnaireset leur langage.D'où l'intérêt des essais critiques

qui portent sur Joyce et, à partir deJoyce, sur l'objectif du texte, sur lesdroits du langage à dire vrai, mêmesi c'est faire violence, sur l'économiedu détail dans le récit en prose, breftout ce « dossier du réalisme », qu'àpropos de Joyce, Pound constitueen doctrine.Depuis le premier essai de Pound

sur Gens de Dublin (The Egoist,juillet 1914) jusqu'aux articlesdont il accompagne la puhlicationde Dedalus et Ulysse, et jusqu'aubilan qu'il donne (1933) à TheEnglish Review, avec ses deux ver·sants, l'un portant Joyce au som·met, l'autre le précipitant avec harogne, en passant par des fléchisse·ments, se déploie une lecture deJoyce, modèle d'une lecture mili·tante qui veut faire loi : « Tousles hommes doivent s'unir pourcélébrer Ulysse» (The Dial, juin1922). Il: Ulysse résume l'Europed'avant.guerre, la noirceur, la fan.ge, la pagaüle d'une « civüisation })mue par ses forces déguisées et unepresse vendue, la mollesse géné.rale, la condition réservée à l'intel·ligence individuelle dans ce ga·chis! Bloom, pour une grande part,est cette fange. le crois que celuiqui ne lit pas Gens de Duhlin,Dedalus et Ulysse pour sonest un imbécile, et pour revenirau public... - celui qui n'a paslu ces trois livres est impropre àl'enseignement de la littératuredans un lycée... le ne parle pas sim·plement de la littérature anglaiseou américaine, mais de toute la lit·térature, car la littérature n'est pasmorcelée par les frontœres politi.ques ».Se montre ICI la démarche

didactique de Pound: il s'agit defaire bénéficier autrui (de force)de sa découverte; et d'abord sescollègues écrivains, pour les inciterà bien écrire; puis les enseignantset étudiants de la littérature. Lamarche est un aller·retour de l'écri·ture·lecture, un acte total. « Sacritique et sa poésie, disait T.S.Eliot, sa théorie et sa pratique cam·posent une seule œuvre ». La direc·tion se fait de plus en plus impé.rieuse : change, make new. Lors·que Pound se retournera contreJoyce, il le fera au nom de « laconscience du présent» dont Joyceserait dépourvu: « Les temps que

nous vivons me semblent plus inté·ressants que la période qui me pa.raît appartenir à la réminiscence- telle qu'elle me semble domi·ner Anna Livia et le reste desméandres joyciens ». FinnegansWake serait l'erreur et aussi lafaute de Joyce qui démontre unepassivité répugnante et un refus dece que la terminologie fascisante dePound appelle « le sain » : « üs'est accroupi dans le buisson deses pensées, ü s'est murmuré deschoses, il a entendu sa voix enre·gistrée sur disque, et ü a pensé àdes sons des sons, murmurés dansson gilet... Il est tout à fait incons·cient des idées dominantes et ré·volutionnaires de ces dix dernièresannées. »La métaphore scatologique,

l'âpreté du ton, indiquent bien quele prétexte politique est l'écrand'une aversion latente qui se révé·lait dès l'origine sous le couvertdes deux écritures, en-deçà de l'His·toire et du changement: lorsqu'en1918 Pound évoquait ses déhoires,il signalait en clair son propre re·foulement : « l'espère que tu aime·ras mon Propertius. - l'ai autantde difficulté que toi à me fairepublier - bien que je sois beau·coup plus modéré et bien moinsindécent - au moins je suis peut.être un peu plus phallique, maism'intéressent moins les excrémentset les fèces humains et les pucesparaissent peu, etc. - même ceUesde l'éditeur - le public lecteursemble être horripilé par les trèsimprévisibles tournures du lan·gage - toute référence à une habi·tude ancutrale ». Les premierschapitres d'Ulysse lui avaient paruêtre la catharsis attendue. Maisune catharsis doit s'épuiser d'elle·même : elle met un terme, tout est

dit une fois pour toutes, puis doitse figer en ce moment des tempsmodernes que Pound appelait dès1912.Pound se défait de Joyce avec le

sentiment d'être devenu l'instru·ment d'une gloire et d'une perver·sion au lieu d'être l'agent d'unerévolution virile et réaliste. TI se

fait, alors le héraut de l'avènementmussolinien et s'engage dans l'im.mense discours radiodiffusé qui lemènera jusqu'aux Cantos Pisans.Le silence de Joyce est l'accompa.gnement de la partition ironique deFinnegans Wake où se joue une cri·tique des fausses valeurs, fiers àbras muscoliniens. Reste à lire lesvéritables « correspondances » entreJoyce et Pound: elles ont lieu dansleur écriture par le système de lacitation et de la référence culturelle,fin en soi pour Pound, renvoi iro·nique pour Joyce qui ne croit pasà la culture mais au jeu de sa re·présentation, qui ne croit pas àl'argent mais le prend à son signe,et s'amuse de voir Pound (la livre,le livre) prendre son propre nomà la lettre. L'y prenant à son tour,avec cette maitrise du travesticomme caricature du changement,qui fait paraître et dispàraîtrePound, son repoundant, porteur deses lettres, dans le rôle du porte.parole braillard et furieux, frèrefacteur du rusé scripteur qui est,n'est pas, Joyce.

Hélène Cixous

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mars 1970 15

Page 16: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

ARTS

Un sculpteur • # •SOVIetique

Neizvestny: Homme bleué, bronze 1957.

1John BergerArt et Révolution80 illustrationsDossiers des Lettres NouvellesDenoël éd., 205 p.

c Aujourd'hui, la vérité estnée », dit John Berger. Cette vé·rité, c'est la conquête par des mil·lions d'exploités de leur liherté,de leur personnalité. C'est la con·quête de l'égalité indispensable àla civilisation qui s'élabore à par-tir des facultés nouvelles que larecherche fait naître dans tous lesdomaines, tant scientifiques queculturels ou spirituels. Cette véri·té nous concerne tous. Ne pas lareconnaître c'est nier les valeursdont nous nous réclamons, c'estcourir au suicide que d'en entra·ver la marche et c'est combattrepour tout ce qui a une significa.tion humaine que de participer àla lutte qu'elle implique.Pas un continent n'échappe à

cette revendication, à cette néces-sité. La planète entière est désor·mais ouverte. Nul ne peut ignorerles exactions actuelles de l'impé.rialisme, même si ses méthodesse renouvellent. Il y a toujoursune voix qui s'élève pour les stig.

II

matiser et c'est le plus souventcelle d'un peuple entier qui entredans la lutte, conscient de l'enjeude son combat, de sa durée, prêtà toutes les souffrances et décidéà les surmonter. Face à cette dé-termination, l'impérialisme, endépit de son pouvoir et de ses ri·chesses, ne signifie plus rien. L'jr.résistible besoin d'exister des peu-ples opprimés, de nier l'altéritéqui leur est imposée depuis dessiècles, le condamne de façon iné·luctable, et la décadence de no-tre société n'est rien d'autre quele signe de cette condamnation. Iln'est d'autre alternative qu'unmonde où règne l'égalité. cOucette exigence est satisfaite, ditBerger, ou il ne nous reste plusqu'à renier nos facultés et à rédui-re à rien notre existence même ».Le constat est lucide, le cri

d'alarme salutaire. La Révolutionest œuvre de civilisation et parce qu'il peut avoir de visionnaire,de prophétique, l'Art a vocationd'y participer. Cela n'est jamaistant apparu qu'aujourd'hui, maisaussi dans le plus grand désarroi.La prise de conscience certaine etrécente de cette situation révolu·tionnaire conduit même certains

artistes à renier cette vocation età se vouloir avant tout révolution·naires. D'autres, plus lucides peut.être, entendent mettre au servicede la Révolution les moyens quisont les leurs, soit qu'ils sapentle monde impérialiste en dénon·çant par leurs œuvres ses tares etses crimes, soit que par des re-cherches formelles ils participentà l'élaboration d'un nouveau lan·gage qui sera celui de l'homme dedemain.Ces deux attitudes répondent

l'une comme l'autre à l'appel deJohn Berger. Pourtant c'est à unetroisième qu'il se réfère pouraborder les rapports de l'Art etde la Révolution, et qui paraît unpeu en retrait. La raison en estprobablement que lorsque cet es·sai a été écrit, en 1966-67, le faitrévolutionnaire n'avait pas dansle monde occidental, la résonancequ'il a aujourd'hui. Il en résulteun décalage qui restreint l'étudede ces rapports à un aspect quel'on pourrait presque dire classi·que : la résistance à l'oppression.Décalage encore accentué parl'exemple proposé, lequel ne re-lève pas spécifiquement de la lut·te anti.impérialiste.

Neizvestny est un sculpteur so-viétique auquel John Berger s'estattaché, malgré quelques réticen-ces à l'égard de son œuvre sur leplan esthétique. Il a 43 ans et vità Moscou. Bien qu'officiellementcondamné pour ses vues «déca.dentes et antipatriotiques », ilcontinue cependant à travailler,accumulant les projets et les ma·quettes d'œuvres monumentales,réussissant à vendre, particulière.ment dans les milieux scientifi·ques, des sculptures de petit for.mat qui lui permettent de vivre.Privé de commandes officielles, seprocurant par ruse les matériauxnécessaires, prêt à renoncer à unevie qu'il sait constamment mena·cée : c Vous parlez à un hommecapable de se tuer à tout moment.Vos menaces n'ont pas de senspour moi », répond.il à Kroucht.chev. Il est une figure de prouede l'opposition au régime.Apparemment, son œuvre n'a

rien de révolutionnaire. De l'aveumême de Berger, elle relève d'uneesthétique dépassée. Le paradoxeest qu'elle apparaisse telle parceque condamnée par un régimedont la vocation est précisémentla Révolution. Mais on connaît lesconceptions du stalinisme en ma·tière d'art et il est évident que,face au réalisme socialiste, lasculpture de Neizvestny, qui veutexprimer l'homme dans sa mou·vante totalité, ne peut qu'êtreclandestine, ce qui ne signifie passilencieuse. Son existence mêmeest parole et ce que les statues nepeuvent que murmurer fauted'être publiquement érigées, la té-nacité, l'opiniâtreté de Neizvestnyà poursuivre son œuvre envers etcontre tout, le proclament. Il re·joint, par ce comportement, la lut-te des peuples exploités dont l'areme la plus sûre est l'endurance,cette forme nouvelle du courage,dit l'auteur, qui n'est plus liécomme autrefois au libre choixdu héros, mais à l'idée de libertéqui lui donne son sens.Pour John Berger, l'œuvre de

Neizvestny est un «monument in-térimaire à l'endurance ». On nepeut mieux indiquer sa portée :elle symbolise un stade premierde l'action révolutionnaire quedéfinissent des conditions malheu-reusement trop précises pour po-ser dans toute leur lesrapports de l'Art et de la Révolu·tion.

Marcel

Page 17: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

Images tantriquesL'amateur d'analogies s'en donnera

à cœur joie devant la «modernité *de certaines œuvres tantriques expo-sées actuellement au Point Cardi-nal (1) : et de parler d'art optique àpropos de ces images constituées depetits carrés rouges, verts et jaunes,de Sonia Delaunay devant ces disquesde couleur qui se recouvrent partiel-lement, voire d'Arman devant ce rec-tangle entièrement rempli de signesidentiques (vir9ules, personnages?).C'est en tout cas un non-sens de

regarder ces Images comme si ellesavaient été conçues pour orner lespalais de quelques amateurs « éclai-rés " assez raffinés pour apprécierVasarely avec deux siècles d'avance...Il ne s'agit pas Ici d'œuvres achevéesdestinées à être montrées, commecertaines peintures du Tibet ou duNépal que l'on a pu voir en Occident,mals de schémas et de diagrammes(yantras) destinés à illustrer et àenseigner des points de philosophie etde science : explications astrono-miques ou métaphysiques. La réalisa-tion d'un yantra est un acte de médi-tation, qui se rattache· à la pratiquedu yoga, et qui donne à son exécu-tant un pouvoir proportionnel àtitude et à l'abstraction de la repré·sentatlon. Dans ces peintures, toutest surdéterminé et les lignes etsignes graphiques constituent un lan-gage symbolisant les rapports del'homme et de l'univers :labyrInthes où s'Inslnuent et ser,pentent

les Impératives hampesde l'alphabet de la langue des dieux.

comme le dit Henri Michaux dans lemagnifique poème Inédit «Vantra"qui préface le catalogue de cetteexposition.Tantra est à la fols une cosmogonie

unifiant toutes les connaissances hu-maines et une méthode scientifiquepar laquelle l'homme est censé libérerson pouvoir spirituel et accroître saconnaissance (Tantra dérive de la ra-cine sanscrite tan qui signifie expan-sion). Certains yantras sont des re-présentations graphiques (dont leslignes sont harmonisées comme lesnotes d'e musique d'une raga) des« sons mentaux" (mantras), vibra-tions fondamentales qui interviennentà la fois dans la création et la destruc-tion de toute forme et sont à la basedu système tantrique d'explication dumonde.Tout mantra est lié à des groupe-

ments de .Iettres de l'alphabet sans-crit et à des parties du corps; il luicorrespond une couleur et une forme.On verra à l'exposition du Point Car-dinal quelques-unes de ces pierres(lingam, pierre-phallus) qui sont desexpressions modernes d'une formetraditionnelle « sans âge" et rèprésen-tant un son primaire intervenu dans lacréation du monde.

J.-L. Verley

1. 3, rue Jacob, 3, rue Cardinale.

Le C. N.A. C.propose •..

Pour la seconde fois. le cen-tre national d'art contemporain(C.N.A.C.) présente un choix(1) groupant une quarantainede dessins, peintures et sculp-tures acquis ces dernières an-nées par l'Etat sur propositiondu C.N.A.C. Une des vocationsde cet organisme est en effet deconstituer un fonds nationald'art contemporain destiné à ali-menter les musées, maisons dela culture et expositions et àconstituer les premiers élé-ments pour un " musée du XX·siècle" dont la création est en-visagée dans les six années àvenir.Ce qui frappe dès l'abord est

la volonté d'une prospection in·ternationale, à la recherched'œuvres significatives de notretemps. La présente expositionréunit un tiers d'artistes fran-çais, un tiers d'artistes étran-gers et un tiers d'artistesétrangers vivant hors de France.C'est ainsi qu'on découvre

avec étonnement qu'aucune œu·vre de Mark Tobey (né en 1890;rétrospectives dans les plus

grands musées du monde, ycompris au Pavillon de Marsanen 1961) ne figurait dans lesmusées français : une grandetoile de 1966 représente ici cetartiste. Quant à Asger Jorn, undes fondateurs du groupe Cobraen 1948, il a fallu attendre 1968pour le voir figurer dans l'inven·taire officiel. On remarqueraune grande pièce de Lee Bonte-cou, où à la toile tendue sur desarmatures se mêlent des élé-ments polychromes de cuir tan-dis que le polyester recouvred'un parchemin les protubéran-ces de l'œuvre; un mur deLouise Nevelson lui fait face.Quelques semaines après samort, on est heureux de trou-ver une peinture de MarkRothke qui surprendra peut-êtreles amateurs habitués à des toi·les très colorées et très vi-brantes.Qu'y a·t-il donc de changé, de

différent, dans la politique desachats de l'Etat? Sans remon-ter au scandale des impression·nistes, disons que le budget desachats était intégré au tradition-nel budget des Beaux-Arts etsoumis comme tel à toutes lesinterventions et sollicitationsmondaines ou parlementaires;soumis aussi aux demandes des

ambassades, préfectures etc....par l'intermédiaire du mobiliernational. La part de l'art contem·porain dans ce budget étaitd'ailleurs très réduite et lesachats étaient faits d'abord enfonction, non des œuvres, maisdes artistes : c'est ainsi quecertains émargeaient régulière-ment (en 1960, on avait acheté65 tableaux de Brayer et 40 ta-bleaux de Chapelain-Midy pourun seul Matisse) tandissous prétexte de " présence del'Etat ". les inspecteurs desBeaux-Arts achetaient au rabaisdes œuvres mineures aprèschaque exposition de galerie -avec exclusion, bien entendu,des artistes étrangers et desgaleries d'avant-garde -. Onaboutissait ainsi, alors que cer-taines toiles s'entassaient dansla poussière des réserves, à uneignorance systématique de tou-te une partie de l'art en train dese faire. A partir de 1960, avecle ministère Malraux et la pré·sence de Gaétan Picon à la di-rection générale des Arts et let-tres, on assiste à un redresse-ment, mais limité à certains ar·tistes et là encore presque ex-clusivement français. C'est ce-pendant ce qui a permis auC.N.A.C. d'être. Il a été conçu

en fait comme un organisme deprospection, destiné d'abord àréorganiser le dépôt des œu-vres de l'Etat en répartissantles collections existantes entrele Mobilier national et le fondsnational d'art contemporain dontil a la gestion, à combler les in-nombrables lacunes des collec-tions actuelles d'art moderne età rendre compte de l'art vivant

toutes ses expressionsplastiques. Le C.N.A.C. n'est pasun musée : pour lui les problè-mes de conservation n'existentpas; il se situe, au-delà dumusée, dans une prospectived'information, de stimulation, decommunication et il lui importepeu d'avoir des collections pré-sentées de manière permanen·te. Ajoutons à cela son existen·ce précaire, le renouvellementpériodique de son directeur quidoit être en mesure de dire,avec son équipe : vous m'aveznommé pour six ans maximum,je crois que finalement, c'estcela qui est important pendantces six ans. Cette solution dansle temps est essentielle pourgarder un contact continuelavec la réalité artistique.

J.-L. Verley1. 11, rue Berryer, Paris· S', dll

6 mars au 30 mars 1970.

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mars 1970 1'1

Page 18: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

Arts japonaisd'aujourd'hui

La main, de YaiJl.amoto, 1934.

Une exposition intéressante au pre·mier chef par ies questions qu'ellepose. Elle réunit une sélection desoixante-seize œuvres de l'avant-gardejaponaise, celle que nous ne connais-sons pas, parce que ses représentantsne se sont pas expatriés et demeurentau Japon.Ce n'est point cependant que leur

écriture ne nous soit familière. I.adiversité de ces œuvres bi et tri-dimensionnelles reflète celle qui ca·ractérise aujourd'huI la production• artistique • de l'Occident. D'où l'oc·casion d'une interrogation générale surl'art dans la société industrielle et'd'un questionnement plus particuliersur son avatar japonais. Ouel sera ledestin de la maîtrise technique affir.mée dans la majorité de ces peintures,sculptures et œuvres graphiques? lepatient artisanat dont ellesest-il, comme le pensait Mathieu, con·damné à mort par l'Occident? D'autrePart, une tradition du signe et de lacontemplation qui nous est étrangèren'aura-t·elle pas le pouvoir de donnerau minimal et parfois même à l'Op artun poids et un sens qui, à l'origine,leur faisaient défaut? En revanche, onse demandera si le pop peut avoir au

Japon un autre destin que le forma-lisme montré à Cernuschi et où l'oncherche en vain le type d'humour etd'ironie qui ont fondé le pop art etque sut pourtant manier magistrale-ment un Japonais de Paris, TetsumlKudo. Bref, l'exposition du Musée Cer-nuschi incite li s'interroger sur le des·tin des cultures originales dans legrand brassage planétaire d'auJour-d'hui.Mais elle livre aussi quelques cer·

titudes : la pérennité de la calilgra.phie, la vigueur tranquille de quelquesœuvres, telles les merveilleux para·vents de Sato et les grandes construc·tions de Asal et enfin l'art consomméde l'accrochage dO li Vadlm Ellsséefli qui sa science de la civilisation nip-pone a permis de dépasser le dispa-rate de ces témoignages pour nousen faire percevoir et nous en impo-ser l'unité.

Françoise Choay

(f) Musée Cernuschi, JUSqu'oU12 avril. Du 14 au 19 mars seront pré·sentées des démonstrations de lacérémonie du thé. A partir du 20 marsdémonstrations d'arrangements defleurs.

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Page 19: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

SOCIOLOGIE

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France. On n'a pas l'idée d'unTartarin d'Orléans...

Emmanuel Berl

Il n'est pas possible de laisserla recherche et la technique déve·lopper de plus en plus vite lespouvoirs de l'homme, si on neparvient pas à diaguostiquer, àprédire, à combattre les maladiesde l'esprit humain et des sociétéshumaines. La sociologie, à cetégard n'est malheureusement pasplus avancée que la médecine autemps de Molière. Les idées absur-des et délirantes courent les rues,comme les microbes. Pourquoi,tantôt sont-elles sans effets graveset tantôt se propagent-elles jus-qu'à produire les épidémies lesplus effroyables?' La France acondamné l'antisémitisme de l'af-faire Dreyfus comme l'Allemagnecelui de Hitler; elles ne l'ont ,pasdu tout expliqué. Je comprendsqu'on ait pu croire Dreyfus unespion allemand, quoique ce fûtpeu vraisemblable ; mais pas quemême dans la meilleure sociétéparisienne, on ait pu croire quel'empereur Guillaume II lui écri·vait des lettres personnelles. Pour-tant, la logique devait sans cesseexposer que c'était absurde. Dansaucune civilisation la folie n'a sé·vi plus terriblement que dans lanôtre. Et aucune ne l'a aussi peuredoutée...

Il faut rendre grâces à EdgarMorin de n'avoir fait aucune ten·tative - vaine - pour rassurer,et fait de son mieux pour raviveren nous la juste crainte de ladémence.

M.

VilleDaw

Edgar Morin

mand, accablé par la crise mon-diale, je sais que si en 1913 etmême en 1922, j'avais, à Fribourgen Brisgau, prophétisé le racismenazi, je n'eusse trouvé ni un pro-fesseur, ni un étudiant, ni unbalayeur de rues pour douter queje sois fou.

La Rumeur crOrléans nousavertit que le pire est toujourspossible et que la folie menace àtout moment chacun. On le saitbien, Voltaire l'a beaucoup répé-té. Encore faudrait-il ne pas cons-tamment l'oublier. Orléans, dontEdgar Morin nous montre la cri-se de délire, la province qui l'en·vironne, le peuple, qui l'habitesont parmi les plus sensés, les plusdoux, les plus raisonnables de

Un risque atrooe

aussi petite et, d'ordinaire aussicalme qu'Orléans, ait pu êtrefrappée d'une telle hallucination.Et, bien sûr, que les commerçantsvictimes de cette rumeur halluci·natoire aient tous été des Juifs.Le catalogue des persécutions an·tisémites est, certes, volumineux.Mais 'à chacune, on avait trouvé- sinon des justifications - aumoins des explications rationnel·les qui - en un certain sens -rassuraient : les pogroms tsaristesétaient des crimes, mais ne po-saient pas de problèmes : com-plots policiers ourdis afin de dé-tourner sur les communautés jui.ves les colères des populations ex-cédées par leurs difficultés écono-mique.. et par les abus de gouver-nements despotiques.

A quelle diathèse, à quel virusimputer le mal ? Et où en trouverle remède? Je regrette que lenazisme ait suscité plus d'horreuret de réquisitoires que d'analyses.On a beau me dire : Hitler procè-de de la misère du aIle·

« La rumeur est d'autant plustroublalite et éclairante. Touteville, tout village peut être victi-me d'une hallucination collectiveanalogue à celle d'Orléans. Toutepersonne, tout groupe de la villeou du village sont par là menacéspar un risque atroce - auquel lesJuifs semblent particulièrementexposés - mais dont ils n'ont pasle monopole. Il y a l'affaire Drey-fus, mais avant elle l'affaire Ca-las. Il y a «la nuit de cristaldans l'Allemagne de Hitler, mais«les possédés de Loudun dansla Fiance de Richelieu.

A Orléans, on note, certes, larancœur - bien connue - dupetit commerce déclinant contreles magasins aux succursales mul-tiples ou autres dont ils ne peu-vent soutenir la concurrence. Maissi ces commerçants se trouvaientainsi conditionnés pour croire larumeur, rien ne permet de pen-ser qu'ils l'aient inventée. Elle nefut pas l'effet d'un complot pré-conçu : puisqu'il sera facile deconstater que de toutes les jeu-nes filles «enlevées aucune n'aquitté la ville. Et cette ville nes'est jamais révélée particulière-ment antisémite.

Chacun son goût. Le mien neme porte pas particulièrementvers la sociologie, les sociologuesse sont beaucoup plus multipliésque la sociologie elle-même.Edgar Morin serait à juste tI-

tre fâché si on ne regardait pasla Rumeur comme une enquêtesociologique parmi les autres.Mais son livre prend une impor.tance et un intérêt exceptionnels- sans doute à cause du sujetqu'il traite - et qui, d'autre partne permettait pas un développe.ment trop vaste, et un volumetrop massif.

Un phénqmène bizarre

Il est. déconcertant lIll'une ville ,

Elle cessera d'ailleurs aussi viteet bizarrement qu'elle s'est propa·gée. En effet, aucune jeune filled'Orléans n'a disparu : la seuledifficulté de l'enquête - dontelle viendra d'ailleurs vite à bout- c'est qu'il ne s'est rien passé.Ceux 'même qui ont le plus contri·bué à la propagation de la rumeurse défendent d'y avoir jamais cru.Ils finissent par soupçonner lescommerçants juifs de l'avoir eux-mêmes propagée - pour se fairela publicité !

Un phénomène bizarre s'estproduit l'an passé, à Orléans. Lebruit soudain court que des jeu-nes filles disparaissent. Victimesd'une «traite des blanches donton ignore d'ailleurs les bénéficiai-res et les destinataires. On ditseulement qu'elles ont été enle-vées -pour les livrer à la pros-titution, selon toute vraisemblan-ce - et que les enlèvements sesont opérés dans les arrière-bou-tiques de magasins de nouveautésJÙtramodernes. Leurs éventairesscintillants attiraient la jeunesse,chacun d'eux comportait un ouplusieurs salons d'essayage : lesjeunes filles y entraient et n'en. revenaient pas. Disparues. Tousces magasins, cinq, dans l'espèce,étaient tenus par des Juifs. La ru·meur s'enfle comme la calomniedans le Barbier de Séville - aupoint de surexciter la populationet de menacer l'ordre public.

1Edgar MorinLa rumeur crOrléansLe Seuil éd. 232 p.

La QuiDzaine littéraire, du 16 /lU 31 JJUIT' 1970 1.

Page 20: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

Durkheim La sociologie1Emile DurkheimJournal SociologiquePUF éd., 725 p.La science sociale et r actionPUF éd., 334 p.

En-deçà d'une pensée figéedans la rigide cohérence deses grands produits acadé-miques, on trouvera ici da-vantage l'expression de soncheminement au fil desconfrontations multiples avecson environnement théoriqueou politique. D'où une foi-sonnante diversité de pro-pos; le premier recueil (lescontributions de Durkheim à« L'année sociologique» (1)est pour une large part sousle signe d'une régression auxorigines (. pour savoir com-ment une réalité sociale estfaite. il faut savoir commentelle s'est faite »): le toté-misme et les systèmes deparenté y tiennent une placede choix. les textes du se·cond s'organisent plutôt au-tour de ce sujet de thèse queDurkheim encore normaliendépose en 1881 : « Les rap-ports de l'individualisme etdu socialisme ».

Dans les deux cas pourtant l'es-sentiel est ailleurs : en un dis-COUI'! épistémologique d'une éton-nante rigueur, Durkheim tient icile journal de la genèse d'unescience et de la constitution deson objet.Deux phases dans cette genèse,

l'une qui le précède, l'autre qu'ilinaugure. l>e «cene sCience neetrhier et qui ne compte encorequ'un petit nombre de principeldéfinitivement établis..., Durkheimrefait d'abord le parcours préala-ble (des économistes classique8 àComte et à Spencer). Contre le«préjugé dualiste ..., contre «fes-prit habitué depuis des siècles àconcevoir un abîme entre le mon-de physique et ce qu'on appellele monde humain ..., Durkheim re-prend à 80n compte le geste fon-dateur, « très légitime induc-tion... : «tous les êtres de la na-ture relèvent de la scieMe posi-tive, c'est·à-dire que tout s'y passesuivant des lois nécessaires ... ; or«les sociétés sont dans la nature...,mieux, étant «une sorte d'orga-ni!me ..., elles sont nature. Ge8teinverse en apparence de celui deC. Lévi-Strauy et le pIns proche

de celui de Marx dans la premiè-re préface du Capital. Du mêmecoup la société cesse d'être «œu-vre humaine ..., instrument entrenos mains, et donc objet d'un artart politique pour devenir pur ob-jet de i:héorie. '< La science n'ap-parait que quand l'esprit, faistmtabstraction de toute préoccupa-tion pratique, aborde les chQses àseule fin de se les représenter ....Pourtant ce modèle biologique estpar lui·même perturbant, «rêtresocial n'étant réductible à aucunautre.... A l'issue de ce premierparcours, l'objet social a conquis«ses deux caractères les plus es-sentiels... : «sa positivité et saspécifité .... (2, 1re partie).

Ce n'est là encore que la préhis-toire «métaphysique... de la so-ciologie. Avec Comte et Spenceron n'a guère «qu'une méditationphilosophique sur la sociabilitéhumaine en général plutôt qu'uneétude spéciale des faits sociaux ....Dénoncer ce < scandale ...du pseu-do-sociologue s'abstenant de doutcommerce avec le détail des faitssociaux ... et pour qui la sociologien'a pas encore «cessé trêtre uneforme de la littérature purementdialectique ... ; démolir l'édificecreux de ces «histoires universel·les... qui ne voient pas que «ledéveloppement humain doit êtrefiguré non sous la forme trune li-gne où les sociétés viendraient sedisposer les unes derrières les au-tres, mais comme un arbre auxrameaux multiples et divergents ... ;réaliser l'union entre d'une partla multitude incohérente desquasi-sciences, inconscientes del'unité profonde de leur objet, ac-cumulation8 de données sans mé-thode ni concepts et de l'autrela sociologie «planant trop hautau-dessus faits ... ; rendre po-sitive cette curieuse divi8ion in-ternationale du travail entre la llO-ciologie «science essentiellementfrançaise... et «les écoles histori-ques et ethnographiques de l'Al-lemagne et de l'Angleterre ..., tel-les sont les tâches que Durkheimse donne en fondant en 1896« r Année sociologique ..., .labora-toire permanent d'ethnologie .enchambre (mais on sait qu'au direde Lévi-Strauss, Durkheim recons-truit les sociétés australiennesplu8 fidèlement qu'on ne les avaitobservées) où se tient une sortede discours intermédiaire, chargéde soumettre le matériau brut «àune première élaboration indi-quant aux lecteurs quels enseigne-

ments s'en dégagent pour le socio-logue ....Cependant, ce double dépasse-

ment de l'idéologie philosophi-que est sans doute plus apparentque réel. Si, en effet « les sociétés:jont des organismes, elles se dis-tinguent des organismes purementphysiques en ce qu'elles sont es·sentiellement des consciences ... ;la réalité sociale «est d'ordre psy-chique, et robjet essentiel de lasociologie est de rechercher com-ment se forment et se combinentles représentations collectives ...(<< L'ethnologie est d'abord unepsychologie ..., dira Lévi-Strauss),et tout spécialement celles quiont force morale ou force de loi.Pour Durkheim la cohérenced'mie société réside avant toutdans ses institutions et dans sesnormes. D'où la myopie d'uneethnologie qui sous la société lé·gale du clan ou de la phratrie,souvent ne voit pas ces «agrégatsde fait ... autour desquels s'organi.sent la vie économique ou les ten·sions politiques. Non qu'il «failleétudier une croyance ou une ins-titution en la laissant en l'air,sans la relier au système socialdont elle fait partie », commeDurkheim reproche à Frazer dele faire; non pas que «la viesociale doive s'expliquer par ]aconception que s'en font ceux quiy participent... : la critique mar-xiste est sur ce plan féconde. Maisen-deça des consciences indivi·duelles ou des rationalisations aposteriori, il y a les systèmes dereprésentations : «les sociétés nesont rien si elles ne sont pas dessystèmes de représentations ... ; en-deça des «pratiques ..., il y a le«schème conceptuel... qui les or-ganise, dirait Lévi-Strauss. La lec-ture de ce Journal sociologiquene peut manquer de suggérer l'im·pres8ion que la nouveauté de latechnique 8tructurali8te est peut-être le masque d'une profondecontinuité sous-jacente.Certe8, la belle unité du toté·

misme' s'est dissoute; mais l'ad-mirable texte de «l'Année... sur«les formes primitives de classi-fication:. indique que la rupturen'est pas si nette.. En montrantqu'un même modèle préside à larépartition des homme8 en grou-pes et à la classification des cho-ses, que «la hiérarchie logiquen'est qu'un autre aspect de la hié-rarchie sociale et funité même dela collectivité étendue à funi-tiers ..., Durkheim annonce un

Lévi-Strauss (tel celui de la GestetrAsdiwal) chez qui le système se-rait encore étroitement mêlé àl'histoire. Car pour Durkheim -heureuse conséquence d'un évolu-tionisme par ailleurs périmé -les peuples primitifs « ont unehistoire », ils ne sont pas seule-ment dedans. Certes la religionn'est plus considérée comme lephénomène social par excellencedont tous les autres découlent;pourtant Louis Dumont n'est-ilpas à cet égard un fidèle disciple?De Durkheim à cette ethnologiestructuraliste contemporaine unmême découpage de l'objet socio-logique privilégié, un même avan·tage donné aux systèmes de repré-sentations sur les structures 8ocia-les qui s'y expriment.

TI est vrai que Lévi·Strau8s pro-clame hautement le «primat de!infrastructures ... ; mais au gestemagnanime par lequel il en délè-gue l'étude à la cohorte des démo-graphes, historiens... il est, SOU8un marxisme des mots plus quedu projet, étrangement proche deson maitre Durkheim. Sans doutele concept durkheimien de «sub-strat ... conviendrait-il mieux ici.De même que la structure < réa·git... à l'événement, de même le« substrat» «affecte les phéno-mènes sociaux », sans pour autantque les «causes sociales, partantd'ordre moral ... Cessent d'être pré-dominantes. D'un geste très paral-lèle Durkheim fait de ce substratl'objet d'une «morphologie socia-le >, science annexe et complf-mentaire, mais subordonnée et !lé-parée de la sociologie proprementdite.Dans l'édifice global de la socio-

logie tel que le construit Dur·kheim (<< une science n'est vrai-ment constituée que quand elles'est divisée et subdivisée»), lae physiologie sociale» doit 1'6m-porter sur la «morphologie ...,l'étude des fonctions sur l'étudedes organisations. Ainsi la reli-gion en tant que telle (institu-tions, croyances...) n'intéresse pa8le sociologue : «si elle appartient.à la sociologie, c'est en tant qu'el-le exerce une influence régulatri-ce sur les sociétés ... (2 p. 193). Ala limite l'objet n'est plus la so-ciété, mais plutôt la cohésion so-ciale, ce «consensus universel quela vie sociale manifeste nécessai-rement au plus haut degré»(Comte). Le conflit, asocial, e8tdonc extra-sociologique. La con-frontation avec le marxisme (2,

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Mauss

Emile Durkheim

textes 9 et 12) est ici fort éclai-rante : le capitalisme est un dé-veloppement normal, il ne peutdonc être dysharmonique et s'au-todétruire. «L'homme est hommeparce qu'il a une vie sociale» :il ne peut donc vouloir détruirela société, vouloir la barbarie.

Le socialisme révolutionnaireest donc sans fondement et quiplus est négation de tout «socia-lisme », puisqu'il met l'accentplus est, négation de tout «socia-que sur ce qui l'unit, sur «l'inso-lidarité » des classes plus que surla solidarité des hommes. Mieuxvaut tenter de faire que cette so-ciété écartelée par «ce triste·conflit de classes» «reprenne coJ],s-cience de son unité organique» ;telle est la tâche pratique assi-gnée à la sociologie : «c'est elle

qui apprendra à findividu qu'iln'est pas un empire dans un em-pire, mais f organe d'un organis-me et lui montrer tout ce qu'il ya de beau à s'acquitter conscien-cieusement de son rôle d'organe ».La cohésion sociale est objet pri-vilégié parce qu'elle est d'abordvaleur suprême.

On verra très nettement dans cedeuxième recueil (fort bien éclai-ré par l'introduction de J .-C. Fil-loux) comment, au moment mê-me où elle découpe le plus rigou-reusement son objet, la théoriedurkheimienne bascule en idéo-logie conservatrice.

1. Tous les articles sont repris. Parmiles comptes rendus d'ouvrages, J. Duvi·gnaud a choisi ceux qui présentent un in·térêt méthodologique. L'absence d'un in-dex thématique. est regrettable.

Marcel MaussŒuvresPrésentation de Victor KaradyT. 1 : les fonctions sociales dusacré, 633 p.

T. II. : Représentations collecti-ves et diversités des civilisa-tions, 739 p.

T. III. : Cohésion sociale et divi·sions de la sociologie, 734 p.

Minuit éd.

Voici l'un des ouvrages lesplus importants publiés cesdernières années : il rendenfin accessible la totalité del'œuvre de Mauss.

Déjà, la parution en 1950, l'an-née même de sa mort, de Sociolo-gie et Anthropologie, (précédé d'uneintroduction par Claude Lévi·Strauss) qui marque une date im.portante dans la connaissance del'œuvre maussienne, avait offert enun volume six textes majeurs (dontle célèbre Essai sur le Don) de l'undes tout premiers parmi les fonda-teurs de l'Ethnologie moderne.D'autres études, qui méritaient toutautant une nouvelle publication,restaient enfouies dans des numé-ros depuis longtemps épuisés dedifférentes revues scientifiques. LesŒuvres que M. Victor Karady areçueillies et regroupées dans lestrois volumes que publient les édi·tions de Minuit nous les restituent,mais enrobées de tout ce que Maussa écrit sous les formes les plus di·verses : notes, compte.rendus, parti-cipation à des débats, etc. Aucun deces textes ne laisse indifférent, touss'avèrent, au contraire, utiles pourla reconstitution de danssa totalité.Le rassemblement de cette pro-

duction disparate ne manque pasd'être impressionnant. Ceux quin'ont pu jusqu'ici approcher qu'enpartie l'œuvre de Mauss seront frap-pés par son érudition prodigieuse,d'autant qu'elle a abordé les do-maines les plus variés; ethnologieet sociologie, psychologie et linguis-tique, indologie et études hébraÏ-ques, économie, droit et sciencespolitiques. Erudition servie par ]aconnaissance d'un nombre consi.dérable de langues écrites (il suffitde consulter les titres des ouvragesanalysés par Marcel Mauss pours'en rendre compte). Contrairementà ce qu'on rencontre chez la plu-part des érudits, cet immense sa-voir n'est jamais payé de lourdeur.Beaucoup,. j'en suis sûr, découvri-

ront en Mauss un homme de cu]·ture ouverte.J'ai trouvé dans cet ouvrage ce

qui m'attirait lorsque, étudiant, jem'étais mis à rechercher tout cequi était sorti de sa plume. Cet ac·cord entre la richesse foisonnantedes idées et le goût et le sens duconcret, ce flair aigu pour décelerle fait pertinent qui impose l'ima·ge et le geste à l'argument.On sait que Mauss n'a jamais

de son vivant publié d'étude dela taille d'un livre. Les Mélangesd'histoire des religions (1909, ré-édité en 1929) sont un recueild'article écrits en collaboration avecHenri Hubert, et le Manuel d'ethno·graphie (1947, réédité en 1967),a été rédigé. par Denise Paulmed'après les sténotypies des coursqu'il a professé à l'Institut d'Ethno-logie. La Prière, qui devait consti-tuer sa thèse d'Etat, n'a jamais étéachevée, de même que la Nation.Sociologie et Anthropologie (1950,réédité en 1966), si important pourla diffusion des idées maussiennesest, comme le premier volume cité,un recueil d'études.Les Œuvres apparaissent comme

le livre reconstitué dont Maussaurait éparpillé les différents cha-pitres. Et pourtant, cet ouvrage,par la force des choses; rassemllle

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mari 1970 21

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Marcel Mauu

lui aussi des articles célèbres dontcertains sont achevés, comme celuiqu'il écrivit avec Emile Durkheimsur .« quelques formes primitivesde classification », ou avec HenriHubert sur « la nature et la fonc-'tion du sacrifice ». Ces textes (j'aipris à dessein deux études faites·en collaboration), entourés etappuyés d'autres écrits de tous gen-res et de formes variées réintègrentun ensemble cohérent.

Ces trois volumes restituent leclimat réel de l'œuvre maussienne :une recherche passionnée, ouvertesur les domaines les plus divers,abordant toutes les disciplines dessciences humaines, une rechercheen perpétuel renouvellement où lesécrits de circonstance (notices, inter-ventions à des débats, etc.), jouentun rôle souvent de premier plan.Comme le dit fort justement VictorKarady dans sa présentation: «Defait, si l'on prend en compte cesécrits divers, non seulement les di-mensions de l'œuvre s'étendent dé·mesurément, mais la distinctionmême entre écrits majeurs et mi-neurs s'émousse pour laisser appa-TGÎtre, à la limite, un continuumde thèmes plus ou moins dévelop-pés dont les unités de structurationsemblent être moins les articlesGChevés que des constellations delextes thématiquement divergents. »Parmi ces écrits divers, prenons

comme exemple les compte-rendusd'ouvrages: leur importance a étécapitale dans le travail de cetteéquipe que constitue l'école socio-logique française, et Victor Karadyrappelle justement que « certainsgrands thèmes de l'Ecole - tellela théorie des mythes - ne subsis-

tera que sous la forme d'analysescritiques ». Ils font partie inté·grante de l'œuvre maussienne oùils forment souvent le point de dé·part de réflexions servant de baseà des essais ultérieurs. La majoritéd'entre eux méritent d'être consi-dérés en eux-mêmes. J'avoue quec'est presque autant la lecture deces analyses critiques que celle desarticles originaux qui m'a pousséà acheter sur mon maigre péculede matelot, les uns après les autres,les différents numéros de l'Annéesociologique.

Des études et des articlesrassemblés qui eonstituentun des plus grands ouvragesde sociologie.

Paradoxalement, ce savant decabinet, qui n'a guère voyagé quepour participer à des Congrès oupour donner des conférences, a étél'un des plus grands promoteurs, dela recherche sur le terrain. C'estlui qui est pour ses élèves à l'ori·gine de la première école anthro-pologique française qui ait pu riva-liser en ce domaine avec les écolesanglo-saxonnes.Comment entrer dans le détail

de cette œuvre considérable en unsi court espace ? Sa variété est telleque même si la dominante restesociologique, .ou ethnologique, lestenants des autres sciences humai-nes y trouvent leur bien, qu'ils'agisse des psychologues, des lin·guistes ou des philologues, des spé.cialistes de littérature comparée,etc., Si la matière rend parfois lesujet austère, tout y est exprimé« en elair », sans jargon. Cette œu·vre anthropologique, dans le sensplein du terme, a été constammenten avance sur son époque et cen'est qu'aujourd'hui qu'elle peutêtre estimée à ses justes dimen·sions : l'œuvre d'un géant.On ne peut qu'admirer le travail

accompli par Victor Karady, nonseulement dans la collecte, maisdans le regroupement de cetteœuvre multiforme, pour l'appareilcritique qu'il a fourni et sa solideprésentation de l'œuvre. Il fautégalement féliciter l'éditeur d'avoirconsenti, fait malheureusementtrop rare en France et qui mérited'être souligné, à publier les volu·mineux index qui accompagnentl'ensemble.

Georges Condominas

HISTOIRE

Deux 1ivres consacrés àla Troisième internationale :l'un, publié par Editori Riuniti- maison qui appartient auParti communiste italien -est la traduction italienned'une étude due à un jeuneuniversitaire tchèque, MilosHajek, dont le travail a paruen tchèque à l'automne 1969sous un titre plus rigoureux,Front unique. Les orientationspolitiques de l'Internation4decommuniste de 1921 à(1); l'autre. L'internatio"aleCommuniste, dû à DominiqueDesanti, est la version enri·chie d'un ouvrage d'abordécrit pour la Bibliothèque dela Culture historique et· pu-bliée par elle l'an dernier enédition-club.

1·1 Dominique Desanti.L'Internationale Communiste.Coll. Etudes et documents.Payot, éd. 400 p.

Deux ouvrages, certes, diffé-rents : les auteurs n'avaient niles mêmes ambitions ni les mêmesméthodes, moins encore les mê-mes techniques. Et pourtant deuxouvrages qui -ont un air de pa-renté. D'àhord parce qu'ils sonttous les deux marqués par unemême démarche intellectuelle :ils n'entendent ni légitimer à toutprix ni dénoncer, mais saisir del'intérieur la part de l'8tionalitéà laquelle obéit dans ses objectifs,ses décisions et ses structures touteinstitution politique quelle qu'ellesoit. Ensuite parce qu'ils sont fon-dés sur les mêmes sources - lelivre tchèque ne fait aucune réfé-rence à des sources inconnues àl'Ouest, mais, au contraire, s'ap-puie pleinement sur des sourcesqui ont été mises à jour dans lesdernières années soit en Europeoccidentale soit en Amérique : cequi revient à dire que l'historientchèque n'a pas eu accès aux ar-chives du Komintern dont toutlaisse pourtant penser qu'ellesexistent bel et bien, au moins enpartie (2).

Dominique Desanti, quand elleprit la décision, hasardeuse aupremier abord, de se lancer danscette vaste entreprise : écrire unehistoire synthétique de l'Interna-

tionale communiste a eu finale-ment raison : elle a écrit, et celadevient de plus en plus rare, unlivre qui n'existait pas.

Cette réussite essentielle est lefruit d'une série de partis judi.cieux. Elle a d'abord écarté le.partj qui guide trop souvent leshistoriens des institutions supra-nationales : les réduire à la suc-cession de leurs congrès. Elle aen effet d'entrée de jeu marquéque l'Internationale c.ommunislen'était pas une fédération plus oumoins lâche de groupes et de cou-rants dont les représentants se ren-contraient périodiquement auKremlin : mais une organisationfortement centralisée et hiérarchi···sée dont les décisions, prises endernier re8sort au centre mosco-vite, commandaient non de ma-nière épisodique mais en perma-··nence la pratique des

Il en résulte que, si lescongrès sont des moments forts oùpeut être repérée la part puhliquedes hilans et des perspectivell quel'Internationale souhaitait dresserpour sa propre édification, il. nesauraient accaparer l'attention etla substance d'une histoire de l'ins-·titution dans ses profondeurs et 88continuité réelles.

a ensuite très tôt aper·çu que '*-cune des grandes déci·sions stratégiques prises parl'Internationale avait eu un im·pact privilégié dans un pays parti.culier : au lieu donc de tenterla gageure impossihle de rendrecompte et du mouvement com·muniste, vu d'en haut, à l'écheDeinternationale et de ses innom-brables sections, légales ou clan·destines, vu par en has, DominiqueDesanti, à chaque étape, a concen·tré le faisceau de ses analyses surle secteur-clef de l'époque: l'Alle·magne au début des années 20,la Chine en 1925-1928, la Franceet l'Espagne au temps du Frontpopulaire. Ce parti a permis qu'enmoins de 400 pages l'essentiel soitmis en place, fermement dessiné,et que le lecteur puisse enfins'orienter dans la hroussaille desaffaires, querelles, procès dont lesavoir communiste diffus a vague·ment gardé la trace sans bienêtre au clair de ce dont il retour-nait.

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L'Internationale communiste

(2) Outre qu'en effet qu'un jeune' cher-cheur français a pu récemment étudier àMosœu' un fonds inédit portant sur les re-lations entre la C.G.T.U. et l'lnternati&-nale Syndicale Rouge dans' les année.s20 et 30, un second indice est formel :en 1969 a été publié à Moscou, par l'Ins-titut du Marxisme-léninisme auprès duComité central du P.C.U.s. un volumede 600 pages : L'Internationale com-muniste. Un bref aperçu historique. Cetteversion officielle (en russe) de l'his·toire du Komintern, à la rédaction delaquelle ont participé Jacques. Duclos etGeorges Cogniot - leur nom se trouveparmi une quinzaine d'autres collabora·teurs - confirme par exemple, en s'aprpuyant explicitement sur des références

des points importants quifurent longtemps débattus à l'Occident.Entre autres, le moment exact où lastratégie antifasciste du Front Populairefut adoptée par les instances dirigeantesde l'Internationale : c'est ·le 14 ju'n1934 qu'au nom du Parti bolchevik,D. Manouilsky présenta, à la 1" séancede la session préparatoire du 7' congrè!du Komintern, le rapport sur «Lestâches primordiales de la classe ouvrièredans les pays capitalistes développés).Recoupement qui vient authentifier demanière indiscutable le témoignage d'Al.bert Vas88rt (déposé à la Librairie Hoo-ver) selon lequel Manouilski lui avaitdéclaré en mai 1934 que c le P.C. fran.çais devait adopter une nouvelle poli-tique sous le signe du mouvement anti·fasciste aux environs du milieu de juin(1934) :. et lui avait révélé au début dejuin que Staline avait approuvé ce tour.nant. Cf Daniel Brower. The ReID ]QI;Oobina•.The French communiat party andthe Popular Front. Cornell Univ. Pres..1968, p. 9 et 50.

tiels et sectoriels qui finissent parne plus se subordonner au desseingénéral.Il apparaît maintenant que ce

schéma doit être raffiné : deuxfacteurs, opposés dans leur es-sence, semblent s'ajouter pour ex-pliquer la disparition de la III·Internationale. L'un est bien lerenversement, dans le cadre del'accession à la maturité, d'un cer-tain nombre de sections nationa-les, d'une tendance à l'autre, lepassage de la phase A à la phaseB : de la convergence et de l'ho-mogénéité unitaires à l'hétérogé.néité et la dispersion pluralistes.Ce facteur s'exerce en particuliersur les marges et explique que l'onpasse d'une période d'adhésionsretentissantes cumulatives à unepériode de départs fracassants etde scissions. Mais, dans le mêmetemps, un second facteur, fonda-mentalement différent, contribuelui aussi à la disparition institu-tionnelle de la Troisième Inter-nationale : c'est l'intériorisationdu modèle qu'a constitué le particommuniste bolchévik pour toutes

les sections adhérentes à l'I.C. Apartir du moment en effet où cemodèle est suffisamment intério-risé, il n'est plus nécessaire dele soutenir par une infrastructureinstitutionnelle lourde. Un systèmeplus léger de rencontres et de.confrontations a-périodiques, leplus souvent bilatérales, et parfoismondiales, suffit à maintenir lafidélité au modèle.Le moins qu'on puisse dire, c'est

que ce processus d'intériorisationdu modèle, la III" Internationalele réyssit magistralement, en toutcas en ce qui concerne la sectionfrançaise. C'est le mérite du livreattachant de Dominique Desantide noue rappeler le prix qui futpayé pour cette réussite.

Annie Kriegel(l) Milos Hajek. Storia deU interrunio-n:ale comunista (1921.1935). Roma, Edi.tion Riuniti : 1969.

L'Internationale oommuniste fut, dans le nOJ'au deses dirigeants, fonctionnaires, représelltants et manda-taires, une société étroite et olose d'hommes sans rivage.

tionales sont, relativement auxphénomènes qu'elles incarnent,beaucoup plus résistantes : en par-ticulier la IV Internationale,malgré bien des avatars et comptetenu d'une tendance insurmonta-ble à la scissiparité interne, la-quelle peut d'ailleurs être para-doxalement vue comme la causemajeure de la remarquable en-

Dominique Desanti

durance d'une institution pourtantultra-minoritaire et battue parbien des vents contraires. On se-rait donc tenté de chercher le fac-teur primordial commun à la fai-ble longévité Internationales 1et III dans la conception initialequi a également commandé leurstructure : l'une et l'autre se veu-lent des organisations où l'homo-généité due à l'autorité du pou-voir central doit l'emporter sur lesferments particularistes et centri-fuges qui travaillent les sectionsnationales. Bref, leur mort et leurdisparition seraient le produit dela contradiction inéluctable entre'les deux phases de tout mouve-ment révolutionnaire : la phaseA où toutes les forces de subver-sion semblent converger dans un·dessein unique, la phase B où ledesseip. primitif se dissocie et seramifie en série de desseins par-

Enfin, l'Internationale commu-niste, et c'est le troisième partide l'auteur, fut, dans son noyaudur, le noyau de ses dirigeants,fonctionnaires, représentants etmandataires - ceux que Domini-que Desanti appelle les « komin-terniens :. - une société étroiteet close d'hommes sans rivage quitentèrent de donner à la dimen-sion révolutionnaire la priorité surtoutes les autres, par lesquellesl'individu ou le groupe social peutse définir. Ce pari, il ne s'agit pasde savoir s'il a été gagné ou perdu,mais d'abord d'observer ce qu'il aproduit : un certain type d'hom-mes uniformément marqués parun destin tragique.Dominique Desanti a bien senti

qu'on ne pouvait en rester au dé-chiffrement des résolutions et desdiscours, des tactiques et des stra-tégies, des calculs et des objectifs,qu'il fallait restituer et dépeindrela rencontre d'une certaine formede logique et de raisonnement -la' théorie bolchévique - avec destempéraments : elle a trouvé làun terrain où son expérience dejournaliste et son ancienne fami-liarité avec les hommes et les cho·ses du monde communiste d'aprèsla seconde guerre mondiale luiont donné une savoureuse aisance.Le lecteur ne saurait qu'apprécierle soin avec lequel elle établit desfigures dont, en attendant la pu-blication prochaine, par BrancoLazitch, d'un dictionnaire biogra-phique de l'Internationale commu-niste qui constituera une contri-bution érudite majeure, le portraitest souvent difficile à tracer enraison des couches successives, ha·giographiques ou démonologiques,qui les recouvrent dans la mé·moire collective.Seul devait être nécessairement

absent de cette galerie de por-traits, le portrait de celui qui,pourtant leur modèle à tous etleur recours, n'a pas à paraîtredans une histoire du Komintern :Staline. Comme le Sacré est horsdu champ d'une histoire de l'ins-titution chargée d'administrer leSacré.Comme la r· Internationale,

celle de Marx, la Troisième Inter-nationale eut, relativement à laStabilité du phénomène commu-niste maintenant cinquantenaire,une faible longévité : elle dispa-raît en 1943 après vingt-quatre ansd'existence. D'une certaine ma-nière, la III" et la IVe Interna-

La Quinzaine littéraire, du 16 aù 31 marI 1970 23

Page 24: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

La lune

La lune telle que l'a vue et dessinée Galilée en 1610.

F/g.1.

Il semble qu'II soit tout demême plus facile d'écrire deslivres sur la lune que d'y al·1er : la production littérairede ces derniers mois le prou-verait. Il serait absurde des'en plaindre; chacun trou-vera à satisfaire ses goûts ousa curiosité, depuis la plussimple vulgarisation jusqu'àl'ouvrage scientifique en pas-sant par le farfelu ou la ré-flexion politleo-économlque,l'un n'excluant pas l'autre, ons'en doute.

Aucune émission télévisée n'a at·tiré autant de monde que, ce 20juillet 1969, le premier pas de NeilArmstrong sur la Lune. Excellentprétexte pour offrir à la curiositédu grand public des alhums d'ima-ges. P. de Latil, dans la Lunè etles planètes (1), en profite pourdonner à ses lecteurs que j'imaginejeunes, une information généralesur l'astronomie. La rédaction quiveut être simple n'évite pas certai-nes déclarations excessives (dire parexemple que Galilée est le créateurde l'astronomie). L'Atlas de laconqùête de la Lune (2), par Pa-trick Moore, est à la fois mieux do-cumenté, largement illustré de do-cuments bien choisis relatifs, pourune bonne part, au premier débar-quement et commentés de façonplus précise. Seul débordement dusujet annoncé par le titre: la pré-sentation des remarquables clichésde Mars pris par Mariner VI ; c'estpréparer le lecteur à l'étape suivan-te, envisagée par l'astronautiqueaméricaine, envoyer deux hommessur Mars en 1980 !Après ces deux albums qui s'in-

téressent plus à l'objet visité qu'auvoyage, il y a les livres consacrés àcelui-ci : sa préparation sur le planscientifique; obtenir du gouverne-ment américain qu'il prenne la dé-cision, c'est-à-dire qu'il donne unbudget à la NASA; la fabricationdes engins, l'entraînement des hom-mes, la programmation méticuleu-se des opérations de montage, delancement, de récupération. Le groslivre de H. Pichler, Conquête de laLune (3), envisage tous ces épiso-des depuis l'origine du projet Apol.10 jusqu'au premier débarquement.Faisant pendant au précédent, le'même éditeur donne l'Explorationsoviétique de l'espace (4) par W.Shelton à l'objectivité duquel l'as-tronaute russe Titov 'rend homma-ge. On regrette ici qu'il n'y ait pasde photographies mais on sait assez

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que l'Etat soviétique est très dis-cret sur ses installations ou ses pro-jets. Les réalisations ont été pour-tant assez impressionnantes pourpour autoriser une plus large etplus libre puhlicité. Mais tout setient et la science n'est pas libre làoù des écrivains sont emprisonnésou pourchassés.Remarque qui nous amènerait à

la question « Pourquoi la Lu-

1. P. de Latil: La Lune et le! pla-nète!, 190 p., 200 photographies ennoir et en couleur, Hachette.

2. Patrick Mool'e : Atlas de la conquêtede la lune, traduit de l'anglais, 48 p.grand format, P"yot, Lausanne.

3. Herbert Pichler : Conquête de laLune, traduit de l'américain, avecune préface de Wernher von Braun,320 p., 56 photographies, Buchet·Chastel.

4. William Shelton : L'Exploration !o'viétique de l'e!pace, traduit de l'amé-ricain. avec une préface de Guer·man Titov, 348 p., Buchet-Chastel.

5. Jean E, Charon : Pourquoi la Lune ?256 p., collection Planète.

6. W. von Braun : Voici l'e!pace,256 p., collection Planète.

7. François de Closets: La Lune està vendre, essai, 216 p., Denoël.

8. Alain Bosquet: Adieu à la Lune,

ne? » (5). Sous ce titre, J .•E. Cha-ron donne, dans une collection tropsouvent suspecte, un exposé intéres-sant des raisons qui justifient cettecoûteuse expédition lunaire. Enpassant, je sais gré à l'auteur deciter les passages du Sidereus Nun-cius dans lesquels Galilée rendcompte de ses observations de laLune. Conformément au. genre dela maison, l'ouvrage n'est pas

avec des dessins de Politzer et Pichon,232 p., Calmann.Lévy. .

9. Armstrong, Aldrin, Collins: Le dialo-gue Lune-Terre, présenté par AlJ:iertDucrocq, 232 p., Calmann.Lévy.

10. Jean·Claude Pecker: L'œtronomieexpérimentale, collection (l la Sciencevivante D, 156 p., Presses Universitai·l'es de France.

11. Jean·Claude Pecker: Le. ob!eTtlll-toire! !patiaux, collection (l la Scien.ce vivante li, 180 p., PresseS Universi·taires de France.

12. Pierre Bourge et Jean Lacroux:A l'affut de! étoile!, manuel pratiquede l'astronome amateur, 302 p., Du·nod.

13. L'A!tronomie, revue mensuelle de laSociété Astronomique de France (28,rue St·Dominique, Paris-7e ).

14. 1.·B. Biot: Etudu !ur l'œtronomieindienne et !ur l'œtronomie chinoUe,400 p., Albert Blanchard,

exempt de remarques aventureuses,par exemple sut « l'homme d'ail·leurs ». Je préfèl'e pourtant ce livreau Voici l'espace (6) par W. vonBraun qui, dans la même collec-tion, reprend sans changement desexposés dits de grande vulgarisa-tion : ce n'est, certes, pas dans eegenre d'ouvrage que vous réviserezles grands principes de la mécani-que.

Sous le titre accrocheur la Luneest à vendre, François de Closets,bien connu des téléspectateurs, trai·te un sujet précisé par le sous-titre : « ... mais les bénéfices sonten orbite terrestre ». Avec compé-tence mais sans prétention, l'auteur.examine tous les problèmes politi-ques ou économiques posés par unprojet tel qu'Apollo. Comment lepays de la libre entreprise devait-iltransformer ses habitudes, modifierses structures pour mener à bienune telle entreprise ? On a dit qUela NASA était devenue un Etatdans l'Etat. En tout cas, le défi lan-cé par Kennedy a été tenu ; ce quiest loin de régler tous les problè-mes; ceux du devenir de la NASA.le projet Apollo achevé, sont encoreen suspens. Faut·illaisser aux seulscitoyens américains la charge d'endécider? Si l'exploration des pla.nètes ne peut se concevoir qu'aunom de l'humanité toute entière;est-il Possible. de laisser au seulcontribuable américain l'honneurd'en assurer l'énorme budget ? Iln'est pas besoin d'une longue ré-flexion pour mesurer combien lesstructures nationales de nos paysterriens sont anachroniques euégard aux problèmes que la scienceenvisage.

Des journaux comme EconomÎ&tde Londres ont déjà posé la ques-tion et nous aurions tous avantageà nous la poser : il n 'y a que périlsà attendre d'un nouveau clivageentre pays développés et sur-déve-loppés. Il est déjà bien tard pourfaire revivre un vrai esprit de coo-pération entre tous les peuples ; lesdifficultés du choix de l'emplace-ment du grand accélérateur de par·ticules européen justifient toutesles craintes; des égoïsmes d'un au-tre âge, une difficulté insurmonta-ble à concevoir un avenir ne peu-vent s'expliquer que par une pro-fonde ignorance des possibilités dela science.

Faut-il ranger dans le genre far·felu annoncé au début le recueilAdieu à la Lune (8) où Alain Bos-quet a réuni des poèmes inspirés

Page 25: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

et les astronomes

La lune telle que l'ont photographiée les astronautes d'Apollo VIII en décembre 1968.

par la Lune, des citations d'auteursde tous les temps et de tous lespays, y compris Cyrano de Bregeracet Fontenelle. Farfelu, ou n'oseraitpas le dire si les références pourchaque texte cité étaient données;cela n'aurait rien enlevé au carac-tère amusant du livre illustré dedessins par Politzer et Pichon. Dufarfelu authentique, im voici pour-tant, et -de l'involontaire, sous laplume du préfacier à Le dialogueLune-Terre (9) qui reproduit (onfait livre de tout) les propos échan-gés entre le véhicule et la NASAtout au long de ce voyage histori-que : « ...c'est un événement plusimportant même que l'apparitionde l'homme .sur la Terre », déclarece préfacier enthousiaste, soucieuxpourtant de renvoyer le lecteur,pour plus ample information à sespropres ouvrages.Après tout cela, il ne reste plus

qu'à se demander s'il existe encoreune recherche astronomique. Ou,pour poser mieux la question :l'avènement de l'astronautique a-t-ilune répercussion sur l'astronomieproprement dite? « L'intersectiondes deux ensembles « astronomie »et « recherche spatiale» est enco-re... de peu d'étendue. Mais cetteétendue augmente régulièrement. »Cette phrase de J.-C. Pecker, pro-fesseur au Collège de France, situel'intérêt de son livre L'astronomieexpérimentale (10):L'astronomie était-elle fondée

sur la seule observation, l'expéri-mentation n'y jouait-elle aucun rô-le? Pecker montre d'abord que ladistinction entre observation et ex-périmentation est parfois subtile.Cependant,. il faut reconnaître queles satellites artificiels ont introduitune mécanique céleste expérimenta-le à laquelle les Laplace ne pou-vaient penser. Dans ce domaine,l'apport de l'astronautique est évi-dent. L'exploration directe du mon-de extra-terrestre, - l'analyse desroches lunaires rapportées par lesdeux équipages ayant débarqué -,fournit des renseignements d'un in-déniable' intérêt. Cela conduit Pec-ker à reprendre le vieil et séduisantproblème de la pluralité des mondeshabités où· il présente des projets sé-rieux de communication extra-ter-restre (le projet Ozma auquel il afallu renoncer et qui consistait àcapter, s'il existait, un rayonnementradio-électrique émis par des êtresayant comme nous connaissance del'importance dans la nature durayonnement de 21 cm de longueurd'onde). Il met en garde, aussi et

à juste titre, contre les hypothèsesaventureuses exploitées sans vergo-gne par une certaine presse : cesatellite creux de Mars, par exem-ple.J.-C. Pecker, qui fut pendant

plusieurs années secrétaire généralde l'Union Astronomique Interna-tionale est bien placé pour juger dela « contamination » que la recher-che spatiale a valu à l'astronomie.Des intérêts (ou des égoïsmes) na-tionaux, le secret (en raison d'im-plications militaires) sont venuscompromettre l'heureux climat decoopération internationale qui ré-gnait dans la recherche astronomi-que (même si ce n'était pas tou-jours le paradis de l'entente cordia-le). Même du point de vue techni-que, la recherche spatiale, dans lafougue qui tient à sa nouveauté,n'est pas encore intégrée dans larecherche astronomique généralecomme la radio-astronomie en quel-ques vingt ans a su le faire. Maiscela viendra.Dans un deuxième ouvrage aus-

si solide et aussi passionnant quele précédent, J .-C. .Pecker étudiepourquoi et comment les Observa-toires spatiaux (11) ajouteront auxpuissants moyens dont nous dispo-sons déjà pour explorer l'Univers.

A partir de la Terre, à travers l'at-mosphère, nous ne pouvons toutvoir : opacité de cette atmosphèrepour les petites longueurs d'onde(dans l'ultra-violet), turbulence, dif-fusion. Par ailleurs, le champ ma-gnétique terrestre fait un barrageaux particules (la figure, p. 74,montre assez dans quelle situationétrange nous nous trouvons grâceà l'action conjuguée du champ ma-gnétique terrestre et du « vent so-laire », ce courant de particulesdont, il y a seulement vingt ans, onsoupçonnait à peine l'importance).

Sans abandonner les grands ob-servatoires terrestres dont les instru-ments resteront indispensables (neserait-ce que pour servir de bancsd'essai à de plus amples projets spa-tiaux forcément plus coûteux), lesobservatoires spatiaux, lunaires oucircum·terrestres ne manquerontpas d'ajouter à notre connaissancede l'Univers des informations quenous ne pouvons soupçonner. Ce nesera encore qu'une étape : se déga-gera-t-on jamais 'de cette « poussiè-re » qui, non seulement remplit lesoit-disant vide interplanétaire maisobscurcit encore les espaces inter-stellaires à l'intérieur de notre Ga-laxie et établit· comme de frêlesponts de matière entre galaxies

« voisines » (un pont que la lumiè-re franchit en 100 000 ans...) ?Après avoir examiné les livres

sur le débarquement lunaire, livresforcément axés sur l'événement etpar conséquent un peu obnubiléspar la prouesse technique ou spor-tive, j'ai trouvé ou retrouvé dansles deux livres de Pecker de' vérita-bles ouvrages scientifiques. Ecrits,non pour les astronomes profession-nels (qui suivent les revues savan-tes spécialisées), mais pour les nom-breux amis de la science qui aimentsavoir, par un informateur direct,où en est la recherche. Rares sontles spécialistes qui prennent surleurs occupations le temps d'écrirede tels livres. L'existence d'uneculture est pourtant à ce prix.Je voudrais citer encore deux li-

vres récents qui doivent participerà cette heureuse action culturelle.Celui de P. Bourge et J. Lacroux.A l'affût des étoiles (12) est un ma-nuel pratique de l'astronome ama-teur écrit par des hommes qui ani-ment des groupements populaires.L'usage de ce livre complété parla lecture suivie de l'Astrono-mie (13), l'excellente revue men·suelle de la Société Astronomiquede France, devrait aider beaucoupde jeunes gens à prendre un contactdirect avec l'observation : n'ou-blions pas que le ciel est à tout lemonde!L'autre livre est d'un genre tout

différent; c'est la réédition des Etu-des sur l'astronomie indienne et surl'astronomie chinoise (14) par J.-B.Biot. Si, sur la Chine, les ouvragesde Needham (en anglais) ont appor-té de plus amples renseignements,la réédition du livre classique deBiot sera néanmoins appréciée. Ilne faut pas croire, en effet, quetout est dit dans l'histoire de l'as-tronomie. Ne lisait-on pas récem-ment, dans notre excellent confrè-re The Times Literary Supplement(23-10-69) que l'Anglais ThomasHarriot avait utilisé la lunette plu-sieurs mois avant Galilée ? Il sem-ble que ces admirateurs de Hamotaillent un peu loin; mais il n'estpas douteux que leur homme aitdessiné, dès 1610, une carte de laLune où l'on peut facilement repé-rer cette «Mer de la Tranquilité »où le 20 juillet 1969 Armstrong etAldrin sont venus mettre un peudu trouble ou de l'émotion qui agi-tait les millions d'hommes specta-teurs de leur exploit.L'astronomie continue.

Gilbert Walusinski

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 maTS 1970 25

Page 26: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

ESPRITPOUR ARREnR UN

L'extermination desIndiens

•LE CAPITALISMEAUJOURD'HUI

•SYNDICATS ET

PARTIS

•DU

COMMUNISMEL'U.R.S.S. et la scienceLe socialisme de RichtaLe tournant de Garaudy

La foi de Diilas

•MARS 1970 : 8 F

E\1ltRIT19, rue Jacob, Paris 6el' c.c.P. Paris 1154-51

COLLECTIONS

L'aventuredes civili.ations

• L'aventure des civilisations - estle titre d'une collection internationaled'histoire qui sera Inaugurée sous peuchez Fayard. Conçue par une équiped'universitaires venus du monde en-tier, elle se propose de mettre enrelief. Il travers l'histoire de ces dra-mes collectifs que sont toutes les civi-lisations, le dynamisme de toute so-ciété humaine, son génie créateur. sacapacité de renouvellement.Elle entend ainsi ajouter à l'intérêt

scientifique des ouvrages qui. del'Egypte ancienne ou de la Chine jus-qu'aux sociétés Industrielles néo-techniques des pays en pointe, s'arti-culeront en un vaste tableau d'en-semble, un coefficient pratique sus-ceptible de leur gagner la faveur detous ceux qui recherchent auourd'huldes exemples d'adaptation et de créa-tivité ou qui s'Interrogent sur les volesde celle-cI.• L'aventure des civilisations - sera

divisée en trois grandes quicomprendront chacune une dizaine devolumes abondamment Illustrés :• Antiquité -, • Moyen Age et Tempsmodernes -. • l'Epoque contempo-raine -. Parmi les premIers titres àparaître : l'Univers du Moyen Age, parFrIedrich Heer, professeur d'histoire

des idées Il l'université de Vienne, quinous offre Ici une vivante peinturedes conditions sociales et Intellec-tuelles, ainsi que des forces en évo-lution, prédominantes en cette pé-rlode; l'Expérience grecque, par CecilMaurice Bowra, historien et poète,professeur Il l'Université d'Oxford, eldont l'ouvrage a été salué comme unI"œuvre d'art par la presse britannique;l'Epopée des Phéniciens, par SabatlnoMoscatl, étude exhaustive sur unecivilisatIon des plus énigmatiques dueè un des plus grands spécialistesmondiaux en la matière, professeur dephilologIe sémitique Il l'Université deRome; l'Ere des révolutions (1789-1848), par Eric J. Hobsbawm, auteur,notamment, d'un ouvrage paru che7.Fayard et intitulé les Primitifs de larévolte dans l'Europe moderne (voir len" 3 de la Quinzaine).

Chez le même éditeur (associé avecDenoël pour la circonstance), dans lacollectIon • Le trésor spirituel de"humanité -, René Labat, André Ca·quot, Maurice Sznycer et MauriceVleyra publient, sous le titre les Reli·glons du Proche-Orient asiatique, unouvrage où se trouvent rassemblés,traduits et expliqués tout un ensemblede textes religieux de cette régiondont certains n'ont été exhumés quedepuis quelques années, et qui éclai-rent le milieu spirituel dans lequel laBible hébraïque a pris naissance ets'est développée. Ces documents,replacés ainsi dans leurs contextes

historique et doctrinal et dont la plu-part n'avalent jamais été traduits enfrançais jusqu'Ici, témoignent en outred'une pensée originale par rapport aujudaïsme et nous permettent de re·trouver, Il travers les rites, les mytheset les légendes des civilisations an-ciennes de Mésopotamie, de Canaanet des Hittites, nos propres sourceslointaines. L'ouvrage, en tout état decause, Illustre bien le but et les cri-tères de la collection qui sont de réu-nir les traditions et textes fondamen·taux des grandes religions ou mou-vements spirituels du monde en desouvrages d'une haute l'Igueur scienti·flque et d'une grande tenue littéraire.

Rappelons que la collection - Letrésor spirituel de l'humanité - com-prendra au total une quinzaine devolumes qui vont de l'hindouisme auxreligions traditionnelles de l'Afriquenoire, de "Amérique précolombienneet de l'Océanie, en passant par lebouddhisme, l'Islam, les religions dela Chine et du Japon, les religions

La librairie du Drugstoredes Champs Elysées a le plaisirde vous inviter à rencontrerALBERT MEMMI qui signeral'ensemble de ses livres à l'oc-casion de la parution de son ro-man cc LE SCORPION », le mer-credi 18 mars de 18 à 20 heures.

par Georges Perec

Dès la fondation de W, il fut décidé que le nom desvainqueurs serait pieusement conservé dans la mémoire deshommes et qu'ils seraient donnés à tous ceux qui leur succède-raient au palmarès. L'usage s'imposa dès les secondes Olym-plades: le vainqueur du 100 m reçut le titre de Jones, celui du200 le titre de Mac Millan ; ceux du 400, du 800, du marathon, du110 m haies, du saut en longueur, du saut en hauteur, etc., furentrespectivement appelés Gustafson, Müller, Schollaert. Kekkonen,Hauptmann, Andrews, etc.

La coutume se généralisa bientôt, non seulement à toutes lescompétitions, mais aussi aux seconds et troisièmes qui, d'abordglorifiés par l'adjonction à leurs noms des qualificatifs honorifiques• d'argent .. et • de bronze ", se virent à leur tour décerner pourtitre le nom du plus ancien de ceux qui avaient occupé leur place.

Il était évident que ces titres, comme des médailles,symboles de victoire, n'allaient pas tarder à devenir plus impor·tants que le nom des Athlètes. Pourquoi dire d'un vainqueur : ils'appelle Martin, il est champion olympique du 1.500 m, ou Ils'appelle Lewis, il est second au triple saut dans le match localW-ouest W, alors qu'il suffit, et qu'il est plus glorieux de dire: ilest le Schreiber, ou il est Van den Bergh. L'abandon des noms

propres appartenait à la logique W : bientôt l'identité des Athlètesse confondit avec l'énoncé de leurs performances. A partir decette idée-clé : un Athlète n'est que ce que sont ses victoires,s'est édifié un système onomastique aussi subtil que rigoureux.

Les novices n'ont pas de nom. On les appelle simplementNovices. On les reconnaît à ce qu'ils n'ont pas de W sur le dosde leurs survêtements, mais un large triangle d'étoffe blanche.

Les Athlètes en exercice n'ont pas de nom, mais, tout au plus,des sobriquets qui, à l'origine, faisaient allusion à des particula-rités physiques (le Fluet, Bec-de-Lièvre, le Rouquin), morales(le Rusé, le Lourdaud, le Bouillant, le Trouillard), ethniques ourégionales (le Frison, le Sudète, l'Insulaire) ou même s'inspiraient,sinon de l'anthroponymie indienne, du moins de son Imitationscoute (Cœur de Lion, Bison Ravi, Jaguar Véloce, etc.). Malsl'Administration n'a jamais vu d'un bon œil l'existence de cessobriquets qui, extrêmement populaires chez les Athlètes, ris-quaient de dévaloriser l'usage des noms-titres. Non seulementelle ne les accepta jamais officiellement (pour eUe un Athlète,en dehors des noms que peuvent lui valoir ses victoires, n'est quel'initiale de son village assorti d'un numéro d'ordre), mais elle 8même réussi, d'une part à en limiter l'usage à l'intérieur desvillages, évitant par là qu'ils se popula'risent auprès du publicdes stades, d'autre part à interdire leur renouvellement. Lessobriquets sont désormais héréditaires : l'Athlète qui quitte sonéquipe laisse au novice qui le remplace son nom officiel (sonnuméro d'ordre dans le vil liage) et son surnom. On a pu l'Ire,quelque temps, de voir un géant baptisé. le Nabot .. ou un obèserépondant au nom de Maigrichon. Mais, dès la 3- génération, lessobriquets avaient perdu tous leurs pouvoirs évocateurs; Ilsn'étaient plus que des repères atones, à peine plus humains queles matricules officiels. Désormais, seuls comptaient les nomsdonnés par les victoires.

Page 27: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

anciennes du Proche et du Moyen·Orient, les religions des Celtes, desGermains, des Scandinaves, des Eu·rasiens. Premier titre paru : les Rell·glons d'Afrique noire, documents choi·sis et présentés par Louis Vincent·Thomas, Bertrand Luneau et JeanDoneux.

Le Livre de Poohe

Le Livre de Poche ressuscite le ro-man • populaire • dont les deux maî-tres incontestés furent Alexandre Du-mas et Michel Zévaco. Repris parArthème Fayard en 1917 dans sa col·lection du • Livre populaire ., rééditésvingt ans plus tard et épuisés depuisplusieurs années, la célèbre série defeuilletons de Michel Zévaco est au-Jourd'hui relancée par le Livre dePoche qui· publiera en mars : les Par·daitlan, l'Epopée d'amour, la Fausta,les Amours de Chlco, puis, en juin :le Fils de Pardaman, le Trésor deFausta, la Fin de Pardaman, la Fin deFausta.

Initiationà la linguistique

Sous la direction de Pierre Guiraudet d'Alain Rey, la collection • Initia-

tlon à la linguistique ., chez Klinck·sleck, se présente comme un instru-ment de travail synthétique et péda-gogique destiné .aux étudiants, auxenseignants ainsi qu'à tous ceux quis'intéressent aux développements ré-cents de cette science. Elle sera com·posée de deux séries : la série Aou • Lectures • comprendra des ouvra-ges consacrés à une discipline ou àun problème majeur de la linguistiqueet présentant chacun un ensemble detextes particulièrement éclairants.commentés et confrontés de façon àmettre en relief les postulats, lesméthodes, les résultats et les prolon·gements de telle ou telle rechercheen la matière; la série B ou • Pro-blèmes et méthodes • proposera desvolumes complémentaires qui, sousforme d'essais systématiques ou demanuels, présenteront sous un jouractuel les doctrines et les' méthodesque l'étudiant doit maîtriser. Premierstitres : la Stylistique, par Pierre Gui-raud et Paul Kuentz, la Lexicologie,par Alain Rey, dans la série • Lectu-res .; Essais de stylistique, par PierreGuiraud, dans la série • Problèmes etméthodes •.

Carrefour des jeunes

Deux nouvelles collections chezBeauchesne : • Carrefour des jeu·nes ., qui veut être le lieu d'une con-

frontation ouverte où les jeunes pour·ront exposer les raisons de leursengagements en un dialogue contra-dictoire; • Recherches d'histoire reli·gieuse ., réalisée avec le concours duC.N.R.S. et qui s'appuiera sur de nom·breux documents pour la plupart iné-dits. Premiers titres à paraître dans lacollection • Carrefour des jeunes. :Problèmes des jeunes, par Yves Gen-til-Baichis qui analyse les résultatsde la première enquête effectuée pardes jeunes sur les jeunes depuis lemols de mai 1968; la Révolution 1,dialogue entre un maoïste et un mau-rassien; Dieu, débat entre un athéeet un croyant; la Politique au lycée,discussion entre un responsable del'U.N.I. et un délégué des CAL. (cha·cun de ces volumes, et c'est là uneconstante de la collection, comporteun compte rendu du dialogue, un essaide synthèse présenté par Guy Baret,animateur de la collection et quelquesthèmes de réflexion sur le problèmetraité. Premiers titres à paraître dansla collection • Recherches d'histoirereligieuse. : Albert de Mun (1872·1890), par Charles Molette ou l'exi·gence doctrinale et les préoccupationssociales d'un laïc catholique; Reli·glons sans frontières 1, par Paul TOI-net, étude compàrée sur le Judaïsme,l'islamisme, l'orthodoxie, la Réforme,l'anglicanisme, le Vieux Catholicisme,l'Eglise des Mormons; Paix dans latempête,' document sur la crise ac-tuelle des catholiques.

Le mode de classement des athlètes et l'organisation des compé-titions font qu'il y a moins de noms que d'athlètes et que, c'estlà une particularité remarquable du système de noms W, un athlètepeut porter plusieurs noms, ou encore, peut en changer.

Des championnats de classement sortent 264 vainqueurs, c'est-à-dire 264 noms, 66 par village, correspondant aux trois premiersdans chacune des 22 disciplines pratiquées. Les quatre champion-nats locaux en fournissent 4 fois 66 autres; les deux épreuvesde sélection en redonnent 2 fois 66. Les Olympiades et les Sparta-kiades ont chacunes 66 vainqueurs, soit à nouveau 132 noms. LesAtlantides, enfin, qui consistent en une course tout à fait parti-culière, ont un nombre indéterminé de vainqueurs (généralementde 50 à 80) qui ont tous droit au même nom, celui de Casanova.Il ya donc, au total, dans tout W, 793 noms. Mais les championnatslocaux, les épreuves de sélection, les Olympiades et les Atlan-tiades étant courues par les 264 vainqueurs des championnats declassement, il s'ensuit que ces 264 athlètes classés se disputent463 des 529 titres restants, alors que les 1.056 athlètes non classésn'ont à se partager que les S6 titres mis en jeu aux Spartakiades.Sur les 1.320 athlètes en exercice, 330 en tout auront droit à uneidentité officielle, 66 grâce aux Spartakiades, 264 grâce aux cham-pionnats de classement et aux autres compétitions. Les vainqueursdes Spartakiades, étant par définition des non classés, ne pourrontavoir d'autre nom que celui qu'ils auront conquis dans ces courses;les autres, au contraire, pourront cumuler jusqu'à 6 titres. Ainsi, uncoureur de 400 du village Nord W peut être Westerman (1 er auchampionnat de classement Nord W). Pfister (2" au championnatlocal Nord W - Nord-Ouest W), Cummings (2" au championnat localNord W· W), Grunelius (1",r aux épreuves de sélection Nord W-Ouest W) ; il peut, en outre, se classer 1",r aux Olympiades et rece-voir le titre prestigieux du Gustafson (pour les vainqueurs desOlympiades, comme pour les grandes cantatrices, on fait précéderle nom de "article défini, et l'on dit « le Gustafson »). Il peut,

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mar, 1970

enfin, être un des 50 ou 80 vainqueurs des Atlantiades, ce qui luidonne le titre de Casanova.

Ce sont ces 6 noms qui seront inscrits sur son palmarès. quiconstitueront son identité officielle, et que, respectant une hiérar-chie traditionnelle, il prononcera ainsi quand il aura à se présenterdevant les officiels :

Le Gustafson de Grunelius, de pfister, de Cummings, de Wester-man-Casanova.

Il va de soi, évidemment, que ces dénominations, pour officiellesqu'elles soient, sont de durée variable. Le titre de champion olym-pique est l'un des plus solides, puisqu'il n'y a qu'une Olympiadepar an ; le titre de Casanova est mis en jeu tous les mois, à chaqueAtlantiade; les titres issus des victoires remportées dans lesépreuves de sélection, les championllats locaux et les épreuvesde classement doivent être défendus presque chaque semaine.

Le titre de champion olympique, le plus stable, et. partant, leplus disputé, représente un sommet dans la carrière d'un athlète.L'usage s'est assez vite établi d'en conserver le privilège à celuiqui l'avait une fois conquis. même s'il ne parvenait plus à renou-veler son exploit. De même que l'on appelle à vie « Monsieur lePrésident» celui qui a été, ne fut·ce qu'une semaine, Président duConseil, de même appelle-t-on à vie « le Kekkonen » celui qui aune fois remporté le 110 haies aux Olympiades. Néanmoins, pourne pas confondre ce Kekkonen d'honneur avec le Kekkonen enexercice, on transforme légèrement le titre, généralement en re-doublant la première syllabe. On dit ainsi le Kekkonen, le Jojones,le Mamacmillan, le Schochollaert, l'Andrandrews, pour signaler lesanciens vainqueurs olympiques du 110 m haies, du" 100 m, du200 m, etc.

(A suivre)

Page 28: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

THEATRE

Strindberg1StrindbergLa danse de mort

T.N.P.

1Jacques KraemerSplendeur et misèrede Minette la bonne LorraineThéâtre de Gennevilliers

Quand on a vu, d'un soir aulendemain soir, la Danse demort et Splendeur et misère deMinette, la bonne Lorraine,spectacles présentés tous lesdeux dans des salles • à voca-tion populaire -, le Palais deChaillot et la Salle des Fêtesde Gennevilliers, on est conduitnécessairement à quelques ré-flexions. D'un côté, un phéno-mène très considérable denotre culture théâtrale, puis-que la pièce de Strindberg -c'est écrit partout et ce n'estpas inexact - peut passer pourl'Eve, en quelque sorte, de toutun théâtre contemporain. Del'autre Un spectacle d' • agit-prop - quasiment, une pièceconçue, pour s'adresser auxtravailleurs des usines et desmines de Lorraine, puisqu'ellea pour sujet la crise du mineraide fer lorrain et la mise encause des patrons de la sidérur-gie française. Le cul entre deuxchaises, coincé entre un théâ-tre de culture et un théâtre d'in-tervention et mal content desdeux, comme étranger à "un età l'autre, le critique théâtral quientend rester engagé dans laréalité contemporaine éprouvelà devant, plus vivement quejamais, le sentiment d'être,comme dit Sartre, un • bâtard -.

Un olassique du théâtreet un speotaole d'agit-prop.Deux exemples à méditer.

Soit : cette Danse de mort,qui ouvre le siècle (1900), tien-dra une place capitale dansl'histoire du théâtre. Freud etNietzsche sont là et toute unepostérité se bouscule à laporte: Kafka, Beckett et Iones-co, et l'enfer sartien, et Pinteret Albee, la psychologie des

28

Maria Casarès

profondeurs, le théâtre de lacruauté et tout le bataclan.Reste que cet étripage conjugal,même porté à la dimension my-thique, relève encore du théâtrede chambre, qui ne saurait plusnous combler; sans compterque ce naturalisme paroxysti-que n'épargne pas le mélo ni lagrandiloquence, porte le ca-chet d'une époque, et que dansl'œuvre même de Strindberg onpeut préférer à cette pièce despièces aussi méchantes maismoins closes sur elles-mêmes,comme les Créanciers ou Made-moiselle Julie. Il est vraique le mécanisme de la tortureparanoïaque fonctionne ici demanière assez exemplaire. Dansle huis-clos de cette forteresseposée sur une île aux confinsdu monde, la haine et l'exercicede la torture, pour ce capitaineraté et demi-fou, aigri dans l'ar-tillerie de forteresse et pourl'ancienne théâtreuse son épou-se, sont devenues la matièremême de leur vie, et la véritéde leur communication. Cesdeux êtres, dans leurîle et leur haine, - tout ayantfui, domestiques et enfants -s'acharnent avec une cruautéd'insectes sur le cadavre deleur amour aussi encombrantque le cadavre d'Amédée chezIonesco; une haine tour à tourfeutrée et hystéHque, lutte àmort entre deux êtres dont cha-cun veut se nourrir de l'autre enle vidant de sa substance, vam-pires comme Strindberg les ai-me et les a peut-être vus quandil a côtoyé la folie. Entre cethomme de caste, absolutiste etsolitaire, ce raté nietzschéen en-fermé dans le mensonge et l'al-cool et fasciné par un néantdont pourtant il a peur, entre le

héros de Stroheim, et cette co-médienne ratée, inassouvie etenragée, à la fois bourreau etvictime, le jeu vertigineux de lahaine les unit d'un tel lien queles deux partenaires, usés parleur propre férocité et l'appro-che de la mort, découvrent à lafin, dans leur complicité d'âmesde proie, une sorte d'étrangetendresse qui referme sur euxle monde.Nous qui n'avons pas l'admi-

ration historique, ce duel quasi-clinique, pour exemplaire qu'ilsoit, nous laisse assez étranger.D'autant que la mise en scènede Claude Régy, intelligente etforte certes, au lieu de jeter l'uncontre l'autre avec une espècede violence animale les deuxmonstres sacrés dont elle use,Cuny et Casarès, a choisi, surun rythme ralenti comme la du-rée des rêves, de les analyseret décomposer séparément jus-qu'à ne plus laisser d'eux quedes spectres séparés par unedistance qui nous sépare d'euxdavantage encore.Il est hors de doute que nous

attendons aujourd'hui du théâtreautre chose que l'analyse spec-trale de nos affrontements indi-viduels, à quelque hauteur mé-taphysique qu'ils se haussent,et que, dans le tumulte de l'His-toire qui est la nôtre, Genet etBrecht, par exemple, nous com-blent davantage que les landesbrûlées de Beckett. Encore nousparlent-ils par le truchementd'une culture dont nous restons,même malgré nous, tributaires.Le spectacle du Théâtre po-

pulaire de Lorraine parle évi-demment un autre langage,moins séduisant pour nous au-tres, la gent-quj-va-au-théâtre,mais directement intelligible

par ceux-là qui n'y vont pas, etqui découvrent que le théâtrepeut leur parler. Minette est unejeune fille que des truands met-tent au turbin, et c'est aussi leminerai lorrain, pauvre commechacun sait, que les patrons dela sidérurgie, le trouvant peurentable, commencent à délais-ser pour les minerais plus richesdu Gabon et de Mauritanie, aurisque de tuer l'industrie lorrai-ne au profit des complexes in-dustriels que Usinor et Wendel-Sidélor installent à Dunkerqueet près de Marseille : si bienque. le Texas français - qu'oncélébrait vers 1950, voit ses usi-nes fermer, le chômage s'instal-1er; la grève de Mai 68 a été uncoup d'arrêt donné aux fraudeset petites manœuvres des maî-tres de forge; la pièce vise àpoursuivre cette action.Certes, Kraemer, l'auteur-met-

teur en scène n'est pas Brecht,et Minette n'est pas Arturo Uini l'Opéra de Quat'Sous, à quoielle se réfère expressément;on peut trouver le symbolismeun peu simpliste et insistant,trouver que le jeu c1oV\lnesquedes acteurs n'est pas toujourssans maladresse. Mais que va-lent nos critères en face d'untravail de théâtre qui se veut,et qui est, un moyen d'interven-tion, intelligent et efficace? Cequi compte, c'est que l'équipedu T.P.L., dans un langage théâ-tral simple, direct, et moderne,et à mille lieues de tout patro-nage ouvriériste, parle à desouvriers - puisque 80 % deleur public lorrain sont des tra-vailleurs - des problèmes quisont les leurs : mécanisme del'exploitation, gangstérisme pa-tronal, retards dans la moderni-sation de la sidérurgie, avanta-ges de la nationalisation desmines, dénonciation de la dy-nastie Wendel, etc. Voilà l'exem-ple d'un théâtre non médiocrené du combat même de la classeouvrière et susceptible d'entre-tenir ce combat. Voilà l'exempled'un théâtre qui, analysant desfaits sur le mode comique, estde nature à montrer à ceuxqu'on exploite que cette exploi-tation n'est pas fatale, et qu'unmonde peut être changé, donton voudrait nous faire croirequ'il participe de la nature deschoses.

Gilles Sandier

Page 29: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

Livres publiés du 20 février au 5 mars

G. Lutte, D. Plveteau,J. Carrel et S. SartlJeunesse européenned'aujourd'huIEd. OuvrIères,248 p., 18 FUne vaste enquêteauprès de 32 000garçons et filles,appartenant à 7 nations.sur leur idéal et leurmodèle dE> vie

Michèle Perron-BorelllL'examen psychologiquede l'enfantP.U.F., 240 p., 14 FUne réflexion critiquesur les techniques etles pratiques usuellesdes examenspsychologiques.

N. Rauschde TraubenbergLa pratiquedu RorschachP.U.F., 208 p.• 12 Fla valeur Interprétativedes facteursquantitatifs etqualitatifs du test deRorschach et de leurdéroulement.Pierre VachetRemltde à lavie moderneGrasset. 224 P" 18 rUn médecin expliqueaux hommesd'aujourd'hui comment

Claude KohlerLes états dépresifschez l'enfantDessart, 128 p., 23,25 FUne étude basée sur17 observationsrecueillies dans lesservices hospitalierslyonnais.

G. lanterl-LauraHistoire de laphrénologieP.U.F., 264 p., 30 FL'œuvre anatomique etphysiologique deF..J. Gall.

François GauquellnSavoir communiquerPréfacede F. RlchaudeauDenoël, 256 p., 28,50 FComment utiliserefficacement lesInstrument de base dela communication.

questions posées dansle silancfJ de soncabinet.

Frank Caprio101 tabous sexuelsPréface d'Ho AmorosoEd. de la PenséeModerne, 116 p., 9,60 FUn médecin répond aux

SOCIOLOGIEP8YCHOLOGIE

Kléber HaedensUne histoire de lalittérature françaiseGrasset, 418 p.. 35 FRéédition d'un ouvrageparu sous l'occupation,augmentée de deuxchapitres sur quelquesécrIvains del'après-guerre et duroman actuel.

La poUle et la musiqueen IndeGallimard, 216 p., 18 FUn recueil des essais etétudes que Daumalconsacra à la littératurehindoue, complétés detraductions Inédites detextes sacrés etprofanes.

EtlembleJeannine EtlembleL'art d'écrireSeghers, 640 p., 36 F • W.-H. GrlerUn ensemble de textes P.-M. Cobbs. de tous les temps et La rage des noirsde tous les pays sur américainsle métier d'écrivain. Payot, 212 p., 18,80 F

Par deuxnoirs, une analyse desmécanismes profondsqui expliquentaujourd'hui la révoltedes Noirs auxEtats-Unis.

• Josué MontelloUn maître oubliéde StendhalSeghers, 152 p., 19,50 FPar un beyllste fervent,une étude sur unécrivain oublié quipeut être considérécomme l'un desprécurseurs du romanstendhalien :

Saint-Réai (1639-1692).Jacques PetitJulien Green,l'homme qui venaitd'ailleursDesclée de Brouwer,350 p., 29 FL'univers obseSSionnelde Julien Green.

.C. PicholsR. KoppLes années BaudelaIreEd. de la Baconnière,208 po, 22,80 Fle premier volumed'une nouvellecollection qui sepropose d'offrir auxbaudelalrlens un lieu derencontre.

Enid StarkieFlaubertJeunesse et maturlt6Trad. de l'anglaispar E, GasparMercure de' France,456 p., 29 FUne étude biographiqueet critique,

Voir les nO' 65 et 86 dela Quinzaine.Restif de la BretonneLa vie de mon pèreTexte établi, avecintroduction,chronologie,bibliographie, notices,relevés de variantes,notes et glossairespar Gilbert Rougler18 reproductionsGarnier, 400 p., 19,90 F

George SandŒuvresautobiographiquesTome 1Histoire de ma vieTexte établi, présentéet annoté par G. LubinBibliothèque deLa PléiadeGallimard, 1536 p., 58 F

Léon TrotskyKarl MarxBuchet-Chastel,283 p., 9,75 FLa révolte des• canuts " étapeessentielle dansl'histoire de la Franceet même dans l'hIstoireuniverselle.

R.-M. AlbérèsLe roman d'aujourd'hui1960-1970A. Michel. 280 p.,19,50 FA travers une centainede • flashes •Instantanés, le filmd'actualité du romancontemporain.

René DaumalBharataL'origine du théitre -

BIOGRAPHIESMEMOIRES

CRITIQUEHISTOIRELITT*RAIRE

• Victor ChlovsklLéon ToistoiTome Il : 1810-1910Trad. du russe parAndrée RobetGallimard, 424 p., 28 FPar le • père duformalisme russe -,la deuxième part!e d'unegrande biographiede Tolstoï. la seuleécrite par unSoviétique.F. Mallet.JorlsLa maison de papierGrasset, 276 p., 21 FUne chronique sur le vifde cette comédie auxcent actes diversqu'est la viequotidienne d'unefamille.

REEDITIONS

Chefs-d'œuvre de latradégle grecqueProméth6e enchaïnée,d'Eschyle, Oedipe Roi,de Sophocle, Alceste,d'EuripideTraduction d'AndréBonnardTraductiond'André BonnardRencontre,296 p., 17,60 FTrois tragédiesgrecques dans laversion réputée d'ungrand helléniste.T.-S. EliotLes hommes creuxEdition bilingueTraduction dePierre LeyrlsEd. P. Castella, Suisse,15 FErnst JüngerJeux africainsPréface deM. JouhandeauGallimard,248 p., 15,50 F

M. W. Waringles témoinsTrad. de l'anglaispar C.-M. HuetA. Michel, 484 p., 30 FUne fresque historiquesur la dernière guerre.

Lisa MorpurgoMadame aller et retourTrad. de l'Italienpar C. de Lignac etH. de MarlassyGrasset, 208 p., 18 FUn premier roman quia pour cadre unchâteau des Pyrénéeset pour héros lesmembres d'une étrangefamille.

A. Michel, 192 p., 15 FPar le Prix Nobel deLittérature 1968.Heinz G. KonsallkManœuvres d'automneTrad. de l'allemandpar Max RothA. Michel, 336 p.,15,90 FLes aventures cocasseset émouvantes d'unofficier allemand,depuis l'AllemagneImpériale jusqu'àla chute du troisièmeReich.

Axel JensenEppTrad. du norvégienpar Carl-Ove Bergmanet Marc de GouvenalnGallimard, 144 p., 12 FUne parabole puissanteet simple, dont lehéros, • retraité del'automation " est unesorte de Bouvard destemps futurs.

Frank ConroyUn cri dans le désertTrad. de l'anglaispar Suzanne MétillardGallimard,352 p., 25,50 FUne poétique évocation .Pablo Nerudadu chemin qui conduit Mémorial de l'Ile Noirede l'enfance à la Trad. de l'espagnolmaturité. par Claude Couffon

Gallimard, 344 p., 24 Fl'autobiographiepoétique du grandpoète chilien.

ROMANSETRANGERS

Mercure de France,184 p., 15 FUn conte philosophiquedont le héros est unesorte de • Candide •moderne.

• Valentin KatalevLe puits sacréGallimard, 172 p., 16 FLe monde contemporainà travers la visiontrès personnelle etpleine de verve d'unromancier desoixante-dIx ans.

elsmaïl KadaréLe général del'armée morteTrad. de l'albanaisPréface de R. EscarpitA. Michel, 288 p.,16,50 FUn roman de guerred'une grande Intensitédramatique et d'unhumour savoureux.

• Karen BlixenContes d'hiverTrad. de l'anglaispar Marthe MetzgerGallimard, 320 p., 22 FUn recueil de contesécrits en anglaispendant \'ocupationallemande par lagrande conteusedanoise.

ROMANS.,RANÇAIS

• Mathieu BénézetBiographiesGallimard, 204 p., 14,75 FUn roman à plusieursniveaux où la viequotidienne, l'histoire,la recherche d'uneIdentité et la créationlittéraire tissent de • José Maria Arguedaspoétiques entrelacs. Tous sangs mêlésHenri Bosco Trad. de l'espagnolUn rameau dans par J.-F. Reillela nuit Gallimard,Gallimard, 416 p., 496 p., 34 F28,75 F A,utour de personnagesRéédition d'un roman dune_démesureparu chez Flammarionen 1950 1épopée Pérou

contemporain.Henri BoscoSylvlusGallimard104 p., 9,50 FRéédition d'un romanparu en 1949François BoyerLe petit bougnat30 dessins deSerge BoyerDenoël, 224 p., 15 FL'aventure poétiqueet joyeuse d'un garçonde dix ans en rupturede ban (le film tirédu roman sort cesjours-cl) .

• Marcel BrionL'ombre d'un arbremortA. Michel, 352 p., 24 FUn roman fantastiqueoù les thèmes oniriqueset ceux de la viequotidienne se mêlentconstamment

• Yves BulnLa nuit verticaleGrasset, 176 p., 18 FVoir les nO' 10 et 51de la Quinzaine

• Jean GionoL'Iris de SuseGallimard,248 p., 19,25 FUn récit romantique,dans un langage pleinde charme et de saveur,par l'auteurd' • Ennemonde etautres caractères •(voir le n° 48 de la

• Quinzaine).François LejeunePlogMercure de France,144 p., 12 FUn roman d'unefacture très nouvelleJean-François SteinerLes méttquesFayard, 192 p., 16 FUn conte symboliqueet érotique, parl'auteur de • Treblinka •(voir le n° 3 de la eYasunarl KawabataQuinzaine) . Les belles endormiesJacques Zibi Trad. du JaponaisLe clnqul6me singe par René Sieffert

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 marI 1970 29

Page 30: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

Livres publiés du 20 février &u li mars 1970

Jean VergeotLe. pl....dans le mondePréface d'Emile RochePostfacede R. MontjoieFrance-Empire,328 p., 25,50 FLa politique deplanificationà travers le mondeet les grandes optionsde base de la Franceen ce domaine.

DOCUM.NTS

Jacques DerogyLa 101 du retourLe roman vraide l' • Exodus •Fayard, 448 p., 28,50 FD'aprèsles témoignagesdes acteurs dela tragédie etles archives secrètesd'Israël, un documenthallucinant surl'immigrationclandestine des Juifsla guerre.au lendemain de

Dominique LoiselJ'étais leCommandant XPréface duGénéral GrosslnFayard, 384 p., 25 FLa vie etles aventuresd'un des asdu contre-espionnagefrançais.

Georges MénagerLes quatre véritésde PapillonTable Ronde, 240 p.,18 FLe document qui està l'origine du procèsIntenté par

André SiegfriedLa Sul....démocratle-témolnEd. de la Baconnière,308 p., 22,80 FUne réédition revueet augmentée de«Points de rupture-,par Pierre Béguin.

J. Suret-CanaleLa Républiquede GuinéeEd. Sociales, 432 p.,50FUn tableau des réalitéséconomiques etsociales de la Guinéedepuis son accessionà l'Indépendance.Michel TardieuLa BourseGrasset, 304 p., 21 FLe mystère de la Bourseélucidé à l'intentionde tous les publicspar le commentateurde l'O.R.T.F.

Jean PoncetLe sous-développementvaincu? Italie •Tunisie • Roumanie. Ed. Sociales, 18,25 FLe sous-développementconsidéré commel'inévitablecontrepartie ducapitalismemonopolistiqued'Etat.

René RoyElémentsd'économétrieP.U.F., 352 p., 20 FUne Introductionà cette science quimet en jeu lescomportementsparticuliers des sujetset le résultatdes décisionsindividuelles.

François SellierDynamique desbesoins sociauxEditions Ouvrières,256 p., 22 FL'enquête d'unéconomiste, enEurope et auxEtats-Unis, surl'origine, lesmodalités et l'évolutionde ces besoinsnouveaux qui fontéclater les vieillessociétés.

• J.-J. Servan-SchreiberLe manifesteciel et terreDenoël, 304 p., 19,50 FLe manifeste radical.

au développementdialectique et àdu matérialismela théorie marxistede là révolution etde l'Etat socialistes.Rizkallah HllanCulture etdéveloppementen Syrie et dusle. peys retardésAnthropos, 388 p., 37 FUne étude théoriqueétayée surune documentationconsidérable.Philippe LarèreUne nouvelle c.....moyenneEditions Ouvrières,128 p., 9,50 FL'avènement destechnicien••

• MarxEngelsLénineSur lu socl6tésprécapltallstuEd. Sociales, 416 p.,26 FUn recueil de texteschoisis, publiés sousl'égide du Centred'Etude etde RecherchesMarxistes.

Georges CogniotPrésence de LénineTome 1: La tramed'une vie héroïqueTome Il:Les destinéeshistoriquesdu léninismeEd. Sociales, 256et 160 p., 7,10F et 5 FLa contribution. de Lénine

POLITIQUEECONOMIE

Les rapports entfeles Institutions etles structures dela société sousl'Ancien Régime.Daria OlivierCatherine la grande32 III. hors-texteRencontre, 408 p.,17,60 FUn portrait approfondide celle qui fut,pendant trente-quatreans, tsarine de toutesles Russles.

• Leo OppenheimLa MésopotamieTrad. de l'anglaispar P. MartoryGallimard, 456 p., 38 FLe portrait d'unecivilisation quis'est épanouie entrele Tigre et l'Euphrate,des débuts du secondmllllnéraire au milieudu premier millénaireavant Jésus-Christ.

• Henri PirenneM3homet etCharlemagne3 cartesP.U.F., 236 p., 20 FL'évolution de l'Europeseptentrionale versla féodalité sousl'action des invasionsislamiques.

• Fernand RudeL'Insurrection lyonnaisede novembre 1831Le mouvementouvrier à Lyonde 1827 à 18328 hors-texteAnthropos, 796 p.,51,50 F

Jacques Saint-GermainLouis XIV secmHachette, 286 p., 30 FLa vie quotidiennedu Roi Soleil.

• Joël SchmidtLe christ desprofondeursColl. «R.A. Balland, 188 p., 15 FUne étude historiquesur la naissance duchristianisme etl'épopée de sesfondateurs.

le célèbre biologiste,répondant àses correspondants,expose ses Idéessur l'homme, le mondeet la science.

HISTOIRE

Philippe BourdrelLa CagouleTrente ans decomplots26 documents h.-t.A. Michel, 288 p., 25 FL'histoire dece mouvement Inspiré .du fascisme Italienet dont nous trouvonsles prolongementsdans un passé récent.Madeleine FoisilLa r6volte de. nu-pIedset les r6volte.normande. de 1639P.U.F., 368 p., 40 FPublications dela Facultédes Lettres et Scienceshumainesde Paris-Sorbonne.Guy Fourqulnseigneurie et f60dalltéau Moyen AgeP.U.F., 248 p., 12 FL'Interaction dela seigneurie et dela féodalité etleurs divergences àpartir du XIV' siècle.

A.G. GalanopoulosE. BaconL'Atlantide(La vérité derrièrela légende)Trad. de l'anglais parTanette Prigent27 photographiesen coul.97 photographieset documents en noir,16 cartes et plansin-texteA. Michel, 220 p., 59 FUne étude fondée surles recherchesgéologiques et

. archéologiquesles plus récentes.

Paul MinotLa princesse Palatineet sa sœurHachette, 192 p.,16,50 FLa vie decette princesseallemande qui épousaPhilippe d'Orléans etdont les lettres surla cour de Louis XIVsont fort célèbres.Roland MousnlerLa plume. la faucilleet le marteauInstitutions et Sociétéen Francedu Moyen Ageà la RévolutionP.U.F., 408 p., 40 F

Payot, 256 p., 30,10 FUne introduction auxprincipales théorieset découvertes de lalinguistique moderne.

Les cerveauxnon humainsOuvrage collectifréalisé par une équipede journalistesS.G.P.P. éd., 320 p.,31 FIntroduction àl'Informatique.

• Jean RostandLe courrierd'un biologisteGallimard, 236 p., 19 FUn ouvrage où

Joseph BasileLe. atoutsde l'EuropePréface de L. ArmandFayard, 224 p., 18 FPour un équilibredes capacitéstechniques, socialeset spirituellesde l'Europe.

• Auguste CornuKarl Marxet FriedrichEngels. Leur vie etleur œuvre • Tome IV:1845-1846P.U.F., 320 p., 30 FLa formationdu matérialismehistorique.Robert EscarpltLa révolution du livre3 diagrammeset 11 tableauxP.U.F., 168 p., 15 FRéédition, revueet mise à jour,d'une étude surles mécanismeséconomiques,techniques etintellectuels del'édition.Maurice LamyTempéramentset prédispositionsaux maladiesHachette, 160 p..17,40 FUn bilan desdécouvertes dela génétique et dela biologie ence domaine.

ils peuvent se protégercontre les agressionsde la vie moderne.

PHILOSOPHIE

Daniel BabutPlutarque et lestoiclsmePublication de"Université de LyonP.U.F., 612 p., 60 F

• Gaston BachelardLe droit de rêverP.U.F., 256 p., 15 FUn recueil de tp.xtesécrits entre 1942 et1962 et où Bachelardcélèbre les valeursoniriques à traversl'art et la littérature

• François ChâteletLa philosophie desprofesseursGrasset, 280 p., 18 FVoir le n° 90 de laOuinzalne.

Gilles DeleuzeSpinozaP.U.F., 128 p., 1 FUne présentation desthèses contestatairesde Spinoza, par l'auteurde «Spinoza et leproblème del'expression. (Ed. deMinuit, voir le n° 68).

• Edmund HusserlExpérience et jugementRecherches en vued'une généalogie dela logiqueTrad. de l'allemand parD. SoucheP.U.F., 500 p.. 30 F.YI KingLe livredes mutationsTraduit du chinoiset annoté parR. de BeckerPlanète, 304 p., 25 FLe livre de chevetde tous les hippieset un grand classiquede la tradition chinoise.

Yuen Ren ChaoLangage et systèmessymboliques

• Louis WolfsonLe schlzo et les languesGU la phonétique chez .Alain Reyle psychotique Littré(esquisses d'un étudiant L'humanlsme etde langues. les motsschizophrénique) Gallimard, 352 p..Préface de 22,25 FGilles Deleuze Un commentaireGallimard, 280 p., du célèbre dictionnaire,28,50 F par un lexicographeUne froide analyse (Alain Rey dirigeclinique la rédaction duUn témoignage dictionnaire Robert).particulièrementoriginal en ce qu'II seprésente non commel'exposé d'un délire, ESSAISmais comme une froloe ---------description clinique.

Page 31: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

Henri Charrièreà l'auteur.

R.LIGIOH

Au commencement(Genèse l, 1·24)Textes hébreu,français, allemand etTrad. française deanglaisde René Rognonillustrationsoriginalesd'Adrian FrutlgerEd. Paul Castella,Albeuve, Suisse,61,50 F

Daniel BoureauLa mission des parentsPerspectivesconciliairesde Trente à Vatican IlCerf, 400 p., 52 FUne étude du rôledes parents dans lacatéchèse des enfantssuivie d'une analyseà travers les sièclesde la perspectiveouverte à ce sujetpar Vatican II.H. ChavannesL'analogie entre Dieuet le mondeselon Saint Thomaset Karl BarthCerf, 336 p., 30 FComment réconcillercatholiqueset protestantssur la possibilitéde ta théologienaturelle

Vves CongarL'Eglise,de Saint Augustinà l'époque moderneCerf, 488 p., 42 FUne vaste synthèsehistoriqueLuitpold A. DornPaul VIPortrait familieren 100 anectodes11 photos hors-texteA. Michel, 192 p., 15 FUn portrait Inattendu,vivant et familier,du successeurde Jean XXIIICharles de FoucauldLettres .. mes frèresde la TrappeCerf, 352 p., 26 F.Cent-vingt lettresInédites, présentées parA. Robert et J.·F. SixJules GlrardlAmour chrétienet violencerévolutionnaireUn chrétienà la recherchedu dialogue,• conqu6te définitivede l'humanité»Th SchuellerLa femme et le Saint

Editions Ouvrières,312 p., 27 FLa femmeet ses problèmesd'après Saint-Françoisde SalesMasumi ShibataLes maîtres du Zenau Japon,suivi de la traductionfrançaise des Sermonssur le Zen de Tetsugenet de BassulMaison neuveet Larose éd.,248 p., 30 F.Un ouvrage d'ensemblesur les doctrineszénistesde leurs origines,au XII· siècle,à nos joursSamuel StehmanCe Dieu que j'IgnoraisUn Juif rencontrele ChristFayard, 128 p., 15 F.L'itinéraire spiritueld'un Juif devenu moinebénédictinM. XhaufflalreFeuerbachet la théologiede la sécularisationCerf, 400 p., 39 F.Les contradictionsde la théologiecontemporaineà la lumièrede l'antithéologiede Feuerbach

ARTSURBAHISM.MUSIQU.

Sarane AlexandrianL'art surréaliste18 i11. couleurs170 i11. en noirHazan, 256 p., 30 F.Jean-François BessonL'Intégration urbaineP.U.F., 312 p., 35 F.Les conceptsd'intégration,de politiqueet d'écologie socialeet leurs applicationsdans le monded'aujourd'huiDepuis 45-T. 1Ouvrage collectifPréface de J. Leymarle,304 i11. dont 30en couleursLa Connaissance éd.,302 p., BruxellesPremierdes trois volumes(celui-ci consacréà l'art abstrait),où sera analysé"art des 25 dernièresannéesRené EtlembleYun YuColl.

• Trésors Inconnus»110 reproductionen coul.,50 III. en noirNagel, 170 p., 194, 80 FUn essaisur les représentationsérotiques chinoisesHommageà Henri Matisse32 pl. en couleurs120 reproductionsen noir et bianc1 linoléum de MatisseXX' siècle éd., 128 p.,Prix de souscriptionjusqu'au 15 avril : 60 FA l'occasionde la granderétrospectivequi aura lieu en avrilau Grand Palaispour le centièmeanniversairede la naissancedu peintreVeronica IonsMythologie égyptienne107 ill. en noir25 pl. en couleursO.D.E.G.E., 142 p.,21,30 F.L'Egypte vue à traversses dieuxet ses déesseset leurs figurationsdans l'artEugénie de KeyserArt et mesurede l'espace16 hors-texteDessart, 256 p., 19,50 FUn ouvrage de réflexionqui jette un journouveausur les techniquesde l'art moderne

Brigitte et Jean MassinRecherchede BeethovenFayard, 384 p., 40 F.A travers l'étudede 32 sonates,la recherched'un thème unique;celuide la • bien-alméelointaine»

Emmanuel SougezLa photographie,son univers460 reproductionsdont 30 en couleursEditionsde l'illustration,220 p., 48 FL'universde la photographieet ses innombrablesapplications

.ROTISM.

Elisabeth ChandetCataclysme sexuelLosfeld, 96 p., 9 F.Léonne GuerreLes dix JaponaisLosfeld, 136 p., 15 F

Lucifer IIjeLa salive de l'éléphantLosfeld, 320 p., 24 FPhilippe de JonasEros existe,je l'al rencontréLosfeld, 248 p., 18 FJean-Claude LauretLa foire au sexeA. Balland 212 p.,19,50 FUn documentet une réflexionsur la première foiremondiale du sexequi s'est tenuerécemmentà CopenhagueRobert SermaisePrélude charnelL'Or du temps, 200 p.,31FRéédition d'un romanparu dans les années 45SilvagniL'IconolâtreLosfeld, 288 p., 18 FAlain SpirauxDelirium à la uneLosfeld, 288 p.,15,40 FFrançois ValorbeL'apparition tangibleLosfeld, 218 p., 10,20 FFrance VlceroyL'organisteTable Ronde, 256 p., 24 F

BUMOURSPORTSDIV.RS

ChavalL'hommePrésenté par :L.-F. Céline, J. Cocteau,M. Duverger24ct dessins de ChavalA. Michel, 192 p., 29 F

Lionel ChouchonGuide de l'homme seulen provinceillustrationsde KokkosTchou,536 p., 35 FUn guide pratiqueoù se trouventrecenséestoutes les ressourcesoffertes par les 167villes les plusfréquentées de FranceRichard FitterLes animaux sauvagesen vole de disparitiondans le monde43 aquarelles deJ. Lelgh·Pemberton29 dessins, 55 cartesArthaud, 144 p., 55 FLa lune• Encyclopédiesde voyage»96 reproductionsen noir dont 4 h.-t.,

7 III. en couleursNagel, 180 p., 35,50 FLa sélénologieet son expressionà tr<8vers les âgesM. et H. LarsenBrousse maléfique53 photos hors-textedont 6 en couleursA. Michel, 212 p., 27 FA la découverted'une île désoléedes Nouvelles-Hébridesdont les auteursnous décriventavec passionla sauvage grandeurFreddy TondeurLa Libye,royaume des AblesColl. • Pays et citésd'art »Nombr. photographiesNathan, 160 p., 17,05 FUn documentet un témoignagesur cet immense paysqui, en dix ans,est passé du Moyen-Ageà une fabuleuserichessePierre-Jean VaillardLe hérisson vertTable Ronde,216p., 17,50FLes chroniquessouriantes ou piquantesd'un chansonnieret d'un noctambule

LivresdepocheLITT.RATUR.

H. de BalzacLes paysensGarnier/FalmmarlonBaudelaireLes paradisartificielsGarn1er/FlammarionLewis CarollLes aventures d'Alleeau pays des merveillesAvec 37 dessinsde l'auteurVersion françaised'Ho ParisotBilingueAubler/IFammarionJules VallèsLe bachelierGarnier/Flammarion

TBa&TRB

Pierre BourgeadeLes Immortelles

Gallimard/Manteaud'Arlequin

Poèmes à direchoisispar Daniel GélinPréface de J. VilarSeghers/P.S.Un ensemblede poèmes françaisde tous les temps,choisis en fonctionde leur qualité musicaleet de leurs propriétés• verbales»Les poètesde la CommunePrésentéespar Maurice ChouryPréfacede Jean-Pierre ChabrolSeghers/P·.S.Un remarquabledocument politiqueet littéraire

.SS&IS

Alfred AdlerLe tempéramentnerveuxElémentsd'une psychologieIndividuelleet appllcetlonà la psychohtéraplePetite BibliothèquePayotRaymon AronMarxismes ImaginairesD'une sainte famille.. l'autreGallimard/IdéesPhilippe AudouinBretonGallimardPour une BibliothèqueIdéaleAlbert CamusL'envers et l'endroitGallimard/IdéesP.-H. Chombardde LauweDes hommeset des villesPetite BibliothèquePayotLucien FebvreLa terreet l'évolution humaineA. Michel/L'évolutionde l'humanitéFrederiC NietzscheLe crépusculedes IdolesTrad. de l'Allemandpar Henri AlbertGonthier/MédlationsHenri PoincaréLa valeur de la scienceFlammarion/Science

Jean-Françols RevelSur ProustGonthler

La Quinzaine littéraire, du 16 IIU 31 ma,., 1970 SI

Page 32: Quinzaine littéraire, 91, mars 1970

SEUILfbétiQue

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Seuil

" POÉTIQUE"• REVUE DE THÉORIE ET D'ANALYSE LITTÉRAIRESPubliée avec le concours du Service des publications de Paris - Sorbonne. N° 1 : RolandBarthes, Jean-Pierre Richard, Harald Weinrich, Hélène Cixous, Philippe Lacoue-Labarthe,Christiane Veschambre, Hans Robert Jauss, Tzvetan Todorov, Vélimir Khlebnikov.Revue trimestrielle. Le numéro : 15 F. Abonnement à 4 : 55 F, étranger : 60 F. 27, rue Jacob,Paris-6·. C.C.P. 3.04204.

• COLLECTION "POÉTIQUE" :INTRODUCTION A LA LITTÉRATURE FANTASTIQUE, par Tzvetan TodorovPotocki, Nerval, Gautier. Villiers de l'Isle-Adam... Un essai où la rigueur de la "poétique"structurale ne veut jamais demeurer en reste sur le plaisir et l'aventure du lecteur. 18 F.

ROLAND BARTHES : SIZRECHERCHE SUR LA "SARRASINE" DE BALZACS!Z se Présente comme un "commentaire" sur plusieurs registres d'une nouvelle parti-culièrement énigmatique de Balzac : Sarrasine. Par tout un jeu de lecture serrée, asso-ciatif vertical, Roland Barthes en déploie les virtualités, les interdits, les prolongementssignifiants, l'inconscient littéral. Modèle de ce qu'est désormais - et sera de plus enplus - une lecture active de l'écriture moderne.Collection" Tel quel", 280 pages, 21 F.

la nouvellecollectionde poche

pointsHerbert

MARCUSEL'homme unidimensionnel

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Le phénomène humain9 F

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Ecrits 1- 7,50 FBronislaw

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LE CONGRESCLANDESTINProtocole Secret et documentsdu 14" congrès extraordinaire duPC tchécoslovaque, réuni clan-destinement, 'Ie 22 août 1968,dans une usine de Prague.Collection" Combats".Un volume de 384 pages, 25 F.

SAMIZDAT 1La voixde l'oppositioncommunisteen U.R.S.S.Plus de 600 pages de documentscirculant sous le manteau enU.R.S.S., réunis par l'équipe dujournal "La Vérité".Collection" Combats".Un volume de 616 pages, 25 F.

SIZ

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TEL QUEL no 40Marcelin Pleynet Incantationdite au bandeau d'or - Jean-Michel Rey : La figuration et lamort - Georges Bataille Leberceau de l'humanité - dixpoèmes de Mao Tsé-toung (luset traduits par P. Sollers) - Jac-ques Henric Pour une avant-garde révolutionnaire - PauleThévenin: EntendrelVoir/Lire (fin).Revue littéraire trimestrielleLe numéro: 15 F

BORGESpar lui-mêmepar E. Rodrigez MonégalLes Fictions de Borgès sont àl'origine de tout un courant lit-téraire et artistique, pour ne pasdire philosophique, qui n'avaitpas été jusqu'à présent ressaisi.Collection de poche illustrée."Ecrivains de toujours" n" 86, 7 F.

MARTCHENKOMon témoignage"Dans les prisons et camps so-viétiques d'aujourd'hui, le déses-poir me prit souvent. Une seulechose me donna la force de vivrece cauchemar: l'espoir que j'ensortirais et que je raconteraisaux quatre vents ce que j'avaisvu, ce que j'avais subi"(MARTCHENKO).Collection "Combats".Un volume de 336 pages, 21 F.

L'INSTITUTIONEN NEGATION'Rapport sur l'hôpitalpsychiatrique de Gorizia,sous la direction deFranco BasagliaUne entreprise sensationnelle decontestation menée à l'intérieurd'un asile par le médecin-cheflui-même.Collection "Combats'"Un volume de 288 pages, 21 F.

LES FONDEMENTSDE L'par Gottlob FregeUn ouvrage historiquement capi-tal où s'inaugure toute la logiquemoderne avec la conquête desmathématiques par la logique, etla transformation de la logiqueelle-même à cette fin.Collection" L'Ordre philosophique ".Un volume de 240 pages, 25 F.

DU SENSEssais sémiotiquespar A.-J. GreimasQu'est-ce que le sens? Et com-ment en parler sans recourir ausens? Existe-t-il une approchenaturelle du sens (par exempledans le geste) ? Comment peut-on, sur la trace de Lévi-Strauss,repérer l'organisation de cesmodes particuliers de signifierque sont le conte folklorique oul'œuvre littéraire.Un volume de 320 pages, 25 F.

LA RESISTANCEPALESTINIENNEparGérard ChaliandAu retour de plusieurs séjoursparmi les "fedayin", Gérard Cha-liand décrit leurs combats, ana-lyse leurs stratégies, donne laparole aux responsables.Collection" Combats".Un volume de 176 pages, 15 F.

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LES TROYENSparJean-Pierre FayeTroies, Troyes: ou le siège -du narrateur ou du lecteur : en-tourés de récits qu'ils ne per-çoivent pas, mais dont ils necessent de subir les effets.Série" Change".Un volume de 368 pages, 27 F.

MOTS D'ORDREparPhilippe BoyerAutour de 3 hommes et de 2 fem-mes, se déroule le jeu d'uneOrganisation ambiguë. Jeux d'unesingulière circulation érotique.Mais aussi du rapport violent en-tre servilité et oppression.Série" Change".Un volume de 224 pages. 21 F