Rapport en Finir Avec La Mondialisation Deloyale

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    Rpublique FranaiseY

    Yvon JACOBAmbassadeur de lIndustrie

    Serge GUILLONContrleur gnral conomique et financier

    En finir avec la

    mondialisation

    dloyale !La rciprocit des efforts, la

    convergence des rgles et lquit despratiques, conditions dune relationcommerciale plus quilibre entre

    lUnion europenne et ses partenaires.

    Ministre des AffairesEtrangres et EuropennesMinistre de lEconomie, des Finances et de lIndustrie

    Janvier 2012Rapport

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    Ce rapport a t command par trois ministres:

    Le Ministre auprs du ministre de lEconomie, des Finances et de lIndustrie, charg delIndustrie, de lEnergie et de lEconomie numrique ;

    Le Secrtaire dEtat auprs du ministre de lEconomie, des Finances et de lIndustrie,charg du Commerce extrieur ;

    Le Ministre auprs du ministre dEtat, ministre des Affaires trangres et europennes,charg des Affaires europennes.

    Mais son contenu nengage que ses deux auteurs.

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    Remerciements

    La mission, qui a permis llaboration de ce rapport, a bnfici duprcieux concours dHubert BLAISON pour son organisation matrielle etde lappui de nombreux collaborateurs des ministres concerns. Ladirection gnrale du Trsor, les services conomiques ltranger et ladirection gnrale de la comptitivit, de lindustrie et des services ontapport une aide efficace aux auteurs. La mission naurait pu raliser sestravaux sans la bienveillance des nombreuses personnes qui ont acceptde consacrer du temps des entretiens avec les auteurs.

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    Les temps changent

    Le commerce gurit des prjugs destructeurs; et cest presqueune rgle gnrale, que partout o il y a des murs douces, il y a du

    commerce; et que partout o il y a du commerce, il y a des mursdouces .Charles-Louis de Secondat, baron de Montesquieu (De lesprit deslois,1748)

    "Nous ouvrirons les marchs trangers avec une barre mine o

    cela est ncessaire, mais avec une poigne de main toutes les foiso cela est possible".Carla Hills, reprsentante pour le commerce des Etats-Unis defvrier 1980 janvier 1993 (1991).

    Le ciel qui surplombe le commerce mondial est noir de nuesdorage. Les tambours de guerre battent de plus en plus fort.Certains guettent dj lquivalent de lassassinat de larchiducFranois-Ferdinand. Une tincelle suffirait embraser la plante. The Financial Times (mars 2010)

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    SOMMAIRE

    Plan du rapport

    Rsume du rapport

    Rapport

    Premire partie : le contexte

    Deuxime partie : les propositions

    Annexe 1 : Liste des personnes rencontres

    Annexe 2 : Analyse comparative de la situation de 7 pays au regardde la dsindustrialisation et de la dlocalisation

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    PLAN DU RAPPORT

    INTRODUCTION

    PREMIERE PARTIE : LE CONTEXTE

    1.1/ Lindustrie est un moteur essentiel de la mondialisation

    1.1.1/ Lindustrie a favoris la mondialisation commerciale

    1.1.1.1/ Des innovations industrielles lorigine des deux mondialisations1.1.1.2/ Une mondialisation favorise par la fragmentation de la production1.1.1.3 / Des socits multinationales industrielles au cur de la mondialisation1.1.1.4/ Un secteur industriel moteur du commerce international

    1.1.2/ La mondialisation complexifie lapproche de lindustrie1.1.2.1/ Des interrogations sur le concept dindustrie aujourdhui1.1.2.2/ Des difficults de dtermination de lorigine des produits manufacturs1.1.2.3/ Des dbats sur la pertinence de la mesure des changes commerciaux1.1.2.4/ Des interrogations sur la compatibilit entre mondialisation et rciprocit

    1.1.3/ Lindustrie europenne est confronte de multiples menaces

    1.1.3.1/ Une position toujours dominante de lindustrie europenne dans le monde1.1.3.2/ Une industrie europenne dpendante des performances de lAllemagne1.1.3.3/ Une multiplication de tendances inquitantes en Europe1.1.3.4/ De nombreuses causes internes et externes lUnion europenne

    1.2/ Le systme commercial multilatral nest plus adapt la mondialisation

    1.2.1/ Le systme multilatral a oubli ses ambitions initiales

    1.2.1.1/ Un systme issu dun environnement qui a profondment chang1.2.1.2/ Un projet initial ambitieux mettant en vidence limpratif de rciprocit 1.2.1.3/ Un impratif de rciprocit dans les objectifs de la charte de la Havane1.2.1.4/ Le GATT, une dynamique de dmantlement vers une moindre rciprocit1.2.1.5/ La rciprocit au cur des contestations des pays en dveloppement1.2.1.6/ Le retour de lexigence de rciprocit dans les accords de lUruguay round1.2.1.7/ Doha ou un cycle hauts risques pour les industries europennes

    1.2.2/ Le systme multilatral est confront ses propres limites

    1.2.2.1/ Un systme inadapt aux volutions de la mondialisation commerciale1.2.2.2/ Une croissance du nombre de membres de lOMC source de dbats1.2.2.3/ La Chine exemple dune ngociation dadhsion particulirement difficile1.2.2.4/ Lampleur des effets favorables de son adhsion pour la Chine1.2.2.5/ Les relations avec la Chine symbolisent la politique du Tao Guang Yang Hui 1.2.2.6/ Les enjeux du statut de pays en dveloppement et du statut dconomie de march

    1.2.3/ Le systme multilatral souffre de lorganisation de sa gouvernance

    1.2.3.1/ Une gouvernance pouvant conduire la paralysie du processus de dcision

    1.2.3.2/ Un organe de rglement des diffrends innovant et limit

    1.3/ Les trous noirs de la rgulation favorisent le dveloppement du bilatralisme

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    1.3.1/ Les trous noirs de la rgulation favorisent la concurrence dloyale

    1.3.1.1/ Des politiques de change au service dune concurrence dloyale1.3.1.2/ Labsence de vritable rgulation des financements publics1.3.1.3/ Le non-respect des normes sociales fondamentales1.3.1.4/ Les lacunes de laccord plurilatral sur les marchs publics1.3.1.5/ Les violations des rgles de la proprit intellectuelle

    1.3.2/ Les accords commerciaux rgionaux se multiplient dans le monde

    1.3.2.1/ Larticulation entre le systme multilatral et les accords rgionaux1.3.2.2/ Un bilatralisme original des Etats-Unis fond sur des exigences spcifiques

    DEUXIEME PARTIE : LES PROPOSITIONS

    2.1/ La mobilisation contre la concurrence dloyale doit tre amliore

    2.1.1/ La rciprocit ne rpond pas aux problmes de concurrence dloyale

    2.1.1.1/ La ncessit dun objectif de lutte contre la concurrence dloyale2.1.1.2/ Une mobilisation inadapte dune partie du monde industriel franais

    2.1.2/ Les entreprises ont besoin de correspondants spcifiques

    2.1.2.1/ La mise en place de structure dorientation des entreprises en France2.1.2.2/ La cration dune structure daccueil et dorientation par la Commission europenne

    2.2/ Les politiques internes europenne doivent mieux intgrer la mondialisation

    2.2.1/ Les lacunes de la surveillance favorisent la concurrence dloyale

    2.2.1.1/ Lasymtrie des pratiques normatives de lEurope et de ses concurrents 2.2.1.2/ Une exemplarit normative source de charges pour les entreprises2.2.1.3/ Une concurrence dloyale des produits imports non conformes2.2.1.4/ La ncessit de mesures damlioration de la surveillance du march

    2.2.2/ La politique de la concurrence est lobjet de critiques rcurrentes

    2.2.2.1/ Une politique europenne de la concurrence parmi les plus exigeantes du monde2.2.2.2/ Des critiques souvent infondes lgard de la lutte contre les ententes

    2.2.2.3/ Des dbats sur la politique dencadrement des concentrations2.2.2.4/ Un besoin de flexibilit de la politique lgard des aides dEtat2.2.2.5/ Des amliorations possibles de la politique de la concurrence

    2.2.3/ La rciprocit devrait conditionner laccs aux marchs publics

    2.2.3.1/ Un principe gnral douverture des marchs publics europens2.2.3.2/ Des dissymtries majeures dans laccs aux marchs publics2.2.3.3/ La ncessit de mesures de sauvegarde pour rduire les dissymtries

    2.2.4/ Une protection des investissements directs devrait tre instaure

    2.2.4.1/ Des investissements directs facteurs possibles de concurrence dloyale

    2.2.4.2/ La ncessit dune lgislation europenne pour rpondre aux menaces

    2.3/ La politique commerciale europenne doit mieux rpondre la concurrence dloyale

    2.3.1/ La politique commerciale de lUnion europenne privilgie louverture

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    2.3.1.1/ Une ouverture extrieure fondement de la construction europenne2.3.1.2/ 50 ans dabaissement des barrires tarifaires europennes

    2.3.2/ Les instruments europens de dfense manquent defficacit

    2.3.2.1/ Le renoncement de lUnion europenne aux instruments de rtorsion

    2.3.2.2/ Les trois catgories dinstruments de dfense de lUnion europenne2.3.2.3/ Une utilisation trs modre de ces instruments par lUnion europenne2.3.2.4/ La ncessit de nouvelles rformes pour amliorer ces instruments

    2.3.3/ Une organisation mondiale de la rgulation conomique et commerciale devientindispensable

    2.3.3.1/ Un impratif de mise cohrence des engagements internationaux2.3.3.2/ Des volutions indispensables du mode de fonctionnement de lOrganisation mondiale duCommerce2.3.3.3/ La ncessit dune organisation mondiale de la rgulation conomique et commerciale

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    Rsum du rapport

    LEurope est toujours une puissance industrielle dominante dans le monde mme sisa position se dtriore. Lindustrie europenne regroupe 2,3 millions dentreprises,emploie environ 35 millions de salaris, et produit plus de 1 600 milliards deuros de valeurajoute par an. Elle a mieux rsist que dautres rgions lmergence de nouveauxconcurrents. Avant la crise, en 2006, lUnion europenne reprsentait 21% des changesmondiaux de produits manufacturs face aux Etats-Unis (13,8%) et au Japon (10,5%) dontle poids a considrablement rgress au bnfice notamment de la Chine qui a doubl sapart en 10 ans1. Le dficit des changes de produits manufacturs est rcent. La plupartdes Etats membres de lUnion europenne ont conserv une base industrielle importante.Dans 22 pays europens, la part de lindustrie dans le produit intrieur brut dpassait les

    15% en 2006. Pour 12 dentre eux, dont lAllemagne, la Sude, la Finlande, lAutriche,lIrlande et de nouveaux Etats membres, lindustrie reprsente encore plus de 20% duPIB2. Avec une part denviron 13% du PIB pour lindustrie, la France est donc devenue lundes pays les moins industrialiss dEurope si on retient ce critre.

    Mais cette rsistance industrielle de lEurope repose sur quelques secteurs etprincipalement un pays, lAllemagne. La chimie, la pharmacie, lautomobile et lesmachines-outils notamment, mais des degrs trs diffrents, offrent encore lEuropeune place majeure dans la production mondiale. LAllemagne (16% de la population delUnion) reprsente elle seule prs de 26% de la valeur ajoute industrielle delUnion europenne. Quatre Etats, lAllemagne (25,9%), le Royaume-Uni (14,9%), lItalie

    (13%) et la France (11,1%) sont lorigine des 2/3 de la valeur ajoute industrielleeuropenne.

    La performance de lAllemagne masque une situation proccupante. Lindustrieeuropenne connat un recul, une dvalorisation qui se manifeste par de nombreuxsignaux inquitants : pertes demplois, stagnation de leffort dinnovation, dsquilibrescommerciaux (prs de 1 200 milliards deuros de dficit commercial cumul au dtrimentde lEurope dans les changes de produits manufacturs avec la Chine au cours des dixdernires annes), disparition de certaines comptencesLa France est particulirement concerne par ces tendances ngatives. Entre 1960 et2007, elle navait connu que 5 annes de solde ngatif de ses changes industriels (entre1987 et 1991) avant de retrouver cette situation depuis 2007, en raison principalementdune balance ngative avec la Chine et avec l Allemagne.

    Face des mutations conomiques de nature et dampleur trs diffrentes de cellesdes annes 1980 ou 1990, les industries europennes sont donc la recherche de leurplace dans la nouvelle mondialisation. Les divergences dintrts et de stratgies entreles Etats freinent lmergence dune politique europenne de lindustrie. Instrument deconqute ou de protection des marchs pour certains pays, la concurrence dloyale sedveloppe. Le march intrieur reprsente environ 60% des dbouchs des produitsmanufacturs europens. Les marchs extrieurs constituent le dernier tiers. Les

    conditions de concurrence sur ces marchs sont donc des facteurs de russite ou dchecpour les industries europennes. Trs ouvert, le march intrieur est un terrain de vivecomptition, parfois dloyale. Sur les marchs extrieurs, la concurrence dloyale est

    1Source : Etude du BEPA intitule Competitiveness industrial location (2006).2 Source Eurostat de 2006, les chiffres des annes de crise ntant pas pertinents.

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    encore plus dveloppe. Elle constitue un frein au dveloppement international des petiteset moyennes industries et des entreprises de taille intermdiaire, qui ne disposent pas desmmes moyens dadaptation que les grandes entreprises.

    La situation de lindustrie est une proccupation ancienne de lUnion europenne.La Commission europenne a multipli au cours des annes 2000 les communications

    tmoignant de ses proccupations industrielles. La politique industrielle dans uneEurope largie (2002), Une politique de concurrence proactive pour une Europecomptitive (2004), Accompagner les mutations structurelles une politiqueindustrielle pour lEurope largie (2004), Mettre en uvre le programmecommunautaire de Lisbonne: un cadre politique pour renforcer lindustrie manufacturirede lUnion europenne Vers une approche intgre de la politique industrielle (2005)sont autant de textes qui en tmoignent. Depuis deux ans la Commission a raffirm sonintrt pour les enjeux industriels dans des communications consacres la politiqueindustrielle, linnovation, la normalisation, la politique commerciale par exemple.

    Mais en dpit de ces nombreuses initiatives de la Commission europennes, lesmesures concrtes et spcifiques sont encore limites. Cela sexplique en particulier par ladiversit des situations industrielles et donc des intrts au sein de lUnion europenne.

    Ainsi, lcart de cot horaire moyen de la main duvre en euros varie de 1 15entre les deux extrmes (la Bulgarie et la Sude)3. La part de lindustrie dans la valeurajoute stale de 8% (Luxembourg) plus de 25% (Slovaquie et Rpublique tchque).Celle de lindustrie dans lemploi connat galement des diffrences considrables selonles pays : de 10% (Chypre) plus de 27% en Rpublique tchque. Certains pays sontconfronts une rgression industrielle, dautres rsistent aux effets ngatifs de lamondialisation, voire progressent.

    Face de telles diffrences de situations et divergences dintrts, larecherche dun compromis sur des questions industrielles se heurte denombreuses difficults. Mais ce contexte ne doit pas susciter le dfaitisme. Lesanalyses de la Confrence nationale de lIndustrie (CNI) pour la France sappliquentgalement lEurope. Dans son rapport prpar sous la direction de Jean -FranoisDEHECQ, son vice-prsident, la CNI indique en effet : Les atouts et facteurs favorables la croissance de lindustrie demeurent une base solide pour surmonter les difficults decourt terme et crer une dynamique davenir. La France doit combattre le sentimentdinfriorit quelle ressent pour son industrie et sappuyer sur ses atouts majeurs pourredevenir une grande puissance industrielle .

    La gravit de la situation a toutefois permis de raffirmer rcemmentlimportance du principe de rciprocit, cest--dire de loctroi de concessions enchange de contreparties quivalentes. Ce principe trs ancien est lun desfondements du systme multilatral. Mais il a dabord t lun des objectifs despolitiques bilatrales et notamment de la politique commerciale amricaine. Le Reciprocal Trade Agreement Act , adopt en 1934 a ainsi autoris ladministrationROOSEVELT a ngoci des accords comportant des rductions douanires allant jusqu50% avec des Etats acceptant la mme concession.

    Le Conseil europen extraordinaire du 16 septembre 2010 marque donc une tape

    supplmentaire sur la voie de la raffirmation du principe de rciprocit dans les objectifscommerciaux de lUnion europenne.

    3Source : Eurostat et Conseil conomique, social et environnemental (Repres statistiques sur les donnesconomiques, sociales et environnementales de la socit franaise, 2009 n5).

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    Ses conclusions prcisent en effet les nouvelles ambitions de lUnion europennedans ses relations, notamment commerciales, avec ses partenaires stratgiques : LeConseil europen a examin les moyens d'imprimer un nouvel lan aux relationsextrieures de l'Union, en tirant pleinement parti des possibilits offertes par le Trait deLisbonne. Il a considr que l'Europe devrait dfendre ses intrts et ses valeursavec plus d'assurance et dans un esprit de rciprocit et de bnfice mutuel .

    Cette raffirmation ncessaire du principe de rciprocit nest pas suffisantepour rpondre efficacement aux comportements de concurrence dloyale qui sedveloppent.

    En rponse cette situation, le rapport propose des mesures nationales,europennes et internationales destines amliorer la rgulation de la concurrence. Laplupart des actions recommandes sont concrtes et applicables condition pourcertaines dentre elles dentreprendre une action dinfluence auprs des autres Etatsmembres. Les pratiques dloyales en matire de production et dchange sont dessources de dsquilibres graves qui peuvent prendre un caractre systmique pourlconomie mondiale.

    La rgulation conomique et commerciale est aujourdhui un enjeu aussiimportant que la rgulation financire.

    1/ UN CONTEXTE PREOCCUPANT

    1.1/ La mondialisation a profondment modifi la gographie industrielle

    La mondialisation a complexifi lapproche de lindustrie

    Depuis les annes 1980 et le dveloppement de la deuxime mondialisation, lasphre industrielle est de plus en plus difficile dlimiter. La fragmentation des processusde production, la diversification de la localisation des tapes de conception ou defabrication, lexternalisation de certaines fonctions aujourdhui comptabilises dans lesservices aux entreprises, suscitent des interrogations sur ce quest une industrie. Unepartie de la baisse de la part de lindustrie dans la valeur ajoute et des emplois industrielsest imputable aux stratgies dexternalisation.

    Quest-ce quune entreprise industrielle, quest-ce quun produit franais ou duneautre origine, quest-ce quune entreprise franaise ou dun autre pays ? Ce sont autant dequestions sans rponses fiables et qui incitent sinterroger sur la pertinence despolitiques publiques dont les bnficiaires rels sont de plus en plus difficiles identifier.

    La mondialisation fait merger de nouveaux concurrentsAprs lmergence de lInde comme hub des dlocalisations de services dans

    les annes 1990, la Chine est devenue depuis son adhsion lOMC en 2001, latelierde fabrication du monde au dtriment principalement des Etats-Unis et du Japon, maisaussi de lEurope. Aprs avoir t perue comme une opportunit, la croissance chinoise

    est considre comme une menace dans de nombreux pays. Les marchs mergentsdhier sont les puissances mergentes daujourdhui. Aux Etats-Unis par exemple, la sous-valuation du yuan, lattribution discriminatoire des marchs publics, linsuffisanteprotection de la proprit intellectuelle et lopacit du systme daides dEtat aux

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    entreprises sont dnonces en raison de leur caractre de pratiques de concurrencedloyale de la part de la Chine.

    La diversit des situations constitue un handicap pour lEuropeLa situation de lindustrie est une proccupation ancienne de lUnion europenne.

    Mais en dpit de nombreuses communications de la Commission europennes, lesmesures concrtes et spcifiques sont encore limites. Cela sexplique en particulier par ladiversit des situations industrielles et donc des intrts au sein de lUnion europenne.Ainsi, lcart de cot horaire moyen de la main duvre en euros varie de 1 15 entre lesdeux extrmes (la Bulgarie et la Sude).

    La part de lindustrie dans la valeur ajoute stale de 8% (Luxembourg) plus de25% (Slovaquie et Rpublique tchque). Celle de lindustrie dans lemploi total connatgalement des diffrences considrables selon les pays : de 10% (Chypre) plus de 27%en Rpublique tchque. Certains pays sont confronts une rgression industrielle,dautres rsistent aux effets ngatifs de la mondialisation, voire progressent. Face detelles diffrences de situations et de telles divergences dintrts, la recherchedun compromis sur des questions industrielles se heurte de nombreusesdifficults. Cela explique limpossibilit actuelle concevoir une relle politiqueindustrielle europenne.

    1.2/ Le systme multilatral a une efficacit encore limite

    Les trous noirs de la rgulation encouragent la concurrence dloyale

    La concurrence par les politiques de change, le respect des huit normes socialesfondamentales de lOrganisation internationale du travail, le financement quasi-gratuit ducapital, le respect de la proprit intellectuelle, louverture rciproque des marchs publics,la mise en uvre effective des engagements environnementaux, la convergence desrgles dinvestissement font partie des sujets qui mriteraient une ngociationinternationale en vue dune meilleure rgulation permettant de lutter contre les pratiquesde concurrence dloyale. Certains dentre eux font lobjet daccords internationaux. Maisleur porte est gnralement trs limite (cf exemple de laccord plurilatral sur lesmarchs publics).

    Lorganisation et le fonctionnement de lOMC nuisent son efficacit

    Depuis la cration du GATT, le nombre dEtats membres du systme multilatral at multipli par 6. LOMC comprend aujourdhui 153 membres. Ces adhrentsreprsentent 96,4% du commerce international, 96,7% du PNB mondial et 90% de lapopulation. Les changes de 5 pays ou zones (Union europenne, Etats-Unis, Japon,Chine et Canada) atteignent eux seuls 68% du commerce mondial. Dans uneorganisation qui fonctionne selon le principe un Etat = une voix et au consensus dans lesgrandes ngociations, le nombre est un handicap. Le processus de dcision dans lescycles de ngociation multilatrale explique les difficults obtenir un accord illustres parlenlisement du cycle de Doha.

    1.3/ Le respect de la rciprocit est ncessaire sans tre suffisant

    La rciprocit est lun des fondements du GATT

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    La rciprocit a t longtemps un des fondements des accords commerciauxbilatraux et du systme multilatral de rgulation du commerce international. Ce dernier at fond sur deux grands principes : la rciprocit des concessions permettant despays partenaires de bnficier davantages mutuels et la clause de la nation la plusfavorise grce laquelle ces concessions sont tendues tous les autres pays membresdu systme.

    Les consquences de ce principe sont explicites larticle 17 des statuts duGATT : Aucun Etat Membre ne sera tenu de faire des concessions unilatrales, ni defaire des concessions dautres Etats Membres pour lesquelles il ne recevrait pas enretour de concessions suffisantes .

    La rciprocit est perue comme un masque du protectionnisme

    Limage dinstrument dun protectionnisme dguis est attache au concept derciprocit. Nombreux sont les gouvernements qui le considrent comme un cheval deTroie du protectionnisme. Ce sont notamment les pays en dveloppement qui ontvhicul cette rputation ngative de la rciprocit. Le cycle de Doha est dailleurs fondsur la moindre rciprocit .

    La position du gouvernement britannique illustre ces craintes. Dans son livre blancsur le commerce (fvrier 2011, Ministre de lconomie), il indique en effet : Bien que ceconcept soit en apparence raisonnable, il peut en ralit ouvrir la porte auprotectionnisme. Il est certainement vrai que, si les pays tiers deviennent plus ouverts,nous devrions galement ouvrir nos marchs, mais le gouvernement ne pense pas quelUnion Europenne devrait fermer ses marchs si ceux des autres ne sont pas ouverts.Ceci pourrait affaiblir la comptitivit, augmenter les cots et (en matire de marchs

    publics) rduire la valeur de largent du contribuable europen. La rciprocit a une porte limite aux tarifs et aux marchs publics

    Les problmes dvaluation de la ralit de la rciprocit ne plaident pas en faveurde ce concept. La rciprocit voque dans les textes fondateurs sappliquait aux droits dedouane. Il tait possible de mesurer la ralit de la rciprocit des concessions. La loiamricaine de 1934 sur la rciprocit autorisait ainsi le Gouvernement amricain signerdes accords commerciaux prvoyant des baisses rciproques de droits de douanes dansune limite de 50%. En matire tarifaire, la rciprocit svalue et se mesure. Mais lesenjeux de rduction des droits de douane ont moins dimportance aprs sept cycles de

    ngociations commerciales multilatrales. Les barrires non tarifaires sont des obstaclesplus proccupants. Or la rciprocit de concessions sur des barrires non tarifaires estbeaucoup plus difficile apprcier, lexception de celles concernant les marchs publics.Le concept de rciprocit est donc beaucoup moins pertinent lorsquil est appliqu auxnouvelles formes dobstacles commerciaux.

    2/ UNE POLITIQUE EUROPEENNE INADAPTEE

    2.1/ Linsuffisance de mobilisation concerne tous les acteurs

    Une grande partie des industries sont insuffisamment mobilises

    Une grande majorit des entreprises industrielles sont dans lincapacit didentifierles causes de leurs problmes et les canaux franais ou europens mobiliser pourapporter des rponses leurs questions. Lorganisation complexe du traitement des

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    questions industrielles en France les dsaronne. LUnion europenne leur est totalementtrangre. Les spcialistes des affaires europennes sont rares au sein des centaines depermanents des organisations professionnelles industrielles. Ce constat ne concernevidemment pas les grandes entreprises transnationales ou des organismesprofessionnels tels que le Cercle de lIndustrie, le MEDEF, lAFEP ou certainesfdrations professionnelles (Textile, BTP ...).

    En dpit de rels progrs (cf les helpdesks de la Commission europenne), lebesoin de structures daccueil et orientation tant Bruxelles qu Paris est exprim par laplupart des entreprises.

    2.2/ La volont dexemplarit europenne pnalise les entreprises

    Les produits non conformes pntrent facilement le march intrieur

    Le surcrot de charges rsultant de la rglementation produite par lUnioneuropenne serait mieux accept par les industriels europens si les fabricants trangersexportant en Europe le subissaient galement pleinement. Or les dfaillances de lasurveillance du march permettent limportation de produits non conformes aux normeseuropennes qui font subir une concurrence dloyale aux biens fabriqus dans les paysmembres de lUnion. Des rseaux dalerte, essentiellement au service desconsommateurs, existent, mais leur domaine est gnralement limit la scurit et leurefficacit dpend dadministrations nationales aux moyens trs diversifis selon les pays.

    Faute dune vritable association des administrations douanires son laboration,le rglement REACH, qui sapplique sous conditions des produits imports, est

    difficilement contrlable. Les industriels europens de la chimie subissent donc un doubleeffet ngatif : un surcot de production en Europe et une concurrence dloyale de la partdentreprises de pays tiers. Le secteur des pneumatiques et celui des briquets sontdautres exemples de biens fabriqus en Europe et concurrencs sur le march intrieurpar des produits non conformes aux normes europennes.

    Les marchs publics europens sont largement ouverts

    Lenjeu est de permettre aux acheteurs publics dacheter au meilleur prix et auxmeilleures conditions. Les achats publics reprsentent en effet 17% du PIB de lUnioneuropenne. LUnion europenne offre donc ces partenaires le plus grand march

    public du monde . Selon la Communication de la Commission europenne sur croissance, commerce et emploi , le total des marchs publics europens a atteint2088 milliards deuros en 2009 comparer un total de 1077 milliards deuros aux Etats-Unis, 700 milliards en Chine et 565 milliards au Japon. Mais faute notamment deladoption dun instrument et dune politique de rciprocit, les marchs publics europenssont largement ouverts sans contreparties.

    La politique de la concurrence est particulirement exigeante

    Indispensable au bon fonctionnement du march intrieur, la politique europennede la concurrence est lune des plus exigeantes du monde. Rares sont les pays qui

    disposent dune lgislation aussirestrictive sur les aides dEtat. En ce qui concerne la luttecontre les ententes et abus de positions dominantes, les sanctions financires sont deplus en plus leves. Quant aux concentrations, les obligations imposes aux entreprisessont galement mal vcues par leurs dirigeants.

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    2.3/ Une politique extrieure marque par une insuffisance de contreparties

    Louverture unilatrale est un sujet de dbat depuis les annes 1950

    Ngociateur franais du trait de Rome, Jean-Franois DENIAU raconte en effet :

    Quand jargumentais quil valait mieux, ne serait-ce que pour des motifs de ngociationvidents, partir dun tarif srieux et obtenir des concessions en contrepartie de la part desautres pays du monde, le professeur ERHARD, ministre de lEconomie et des Finances dela Rpublique fdrale, me rtorquait que le protectionnisme tait un mal en soi, et unebaisse des tarifs douaniers un bien en soi, mme sans contrepartie ngocie .

    Outre son ouverture unilatrale aux pays les moins avances rsultant de linitiativedite tout sauf les armes , lUnion europenne ne pratique que par exception laprfrence communautaire et laccs son march est ais. Elle sest efforc dtreexemplaire dans les ngociations multilatrales et a souvent anticip les concessions pourcontribuer au progrs des discussions. Il est donc aujourdhui beaucoup plus difficile pourelle de ngocier en position de force avec des partenaires extrieurs. Cette conceptionancienne de linsertion de lUnion europenne dans le commerce mondial explique quelessentiel de ses exportations de produits industriels ne soient pas couvertes par desaccords de libre-change.

    Louverture du march europen aux importations de pays tiers nest donc pas lacontrepartie de concessions obtenues dans le cadre de ngociations. Le contenu desaccords commerciaux (avant les rcentes volutions) en tmoigne. Elle est le rsultat,pour lessentiel, de mesures unilatrales qui concrtisent sa volont dexemplarit enmatire de commerce international. La mise en uvre de cette politique explique que le

    niveau moyen des droits appliqus aux importations industrielles dans lUnion europenne(4%) soit lun des plus bas du monde.

    Les outils de dfense commerciale sont insuffisamment efficaces

    Malgr plusieurs rformes, les instruments europens ont une efficacit moindreque ceux de nombreux autres pays (cf Etats-Unis notamment). Linsuffisance des moyensconsacrs la dfense commerciale, les dlais dinstruction, les modes de calcul, le faibleniveau des ractions, la limitation de leur dure expliquent notamment ce diffrentieldefficacit.

    3/ DES PROPOSITIONS

    3.1/ Les mesures nationales devraient organiser une meilleure mobilisation

    Faire voluer le discours franais pour favoriser les alliances

    Proposition n1 : Faire voluer le discours franais sur la rciprocit en mettant enavant limpratif de lutte contre la concurrence dloyale organise par certains Etats la fois sur le march intrieur et sur les marchs tiers.

    Proposition n2 : Organisation Paris dun sminaire europen consacr lalutte contre la concurrence dloyale et destin pour lessentiel au monde industriel trs enretard dans la prise en compte de ce type denjeux. La Commission europenne, leParlement europen, les Etats membres et leurs patronats industriels devraientnotamment y tre associs.

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    Proposition n 3 : Ce sminaire devrait tre loccasion de crer, linitiative duministre franais, un groupe des amis de lindustrie sur le modle des nombreuxgroupes de ce type crs entre des Etats membres.

    Amliorer les relations avec les entreprises industrielles

    Proposition n4 : Organisation dun dialogue avec les organisations ouassociations professionnelles volontaires pour valuer leurs besoins de formation auxenjeux europens et leur prsenter des offres publiques.

    Proposition n5: Cration au sein de la Confrence Nationale de lIndustrie duneCommission Europe qui pourra auditionner les administrations concerns sur les sujetseuropens ayant des incidences sur le secteur industriel.

    Proposition n6 : Mise en place dune mission concurrence dloyale (ougnraliste) au sein de la DGCIS (ou avec un autre positionnement). Elle serait chargede recevoir les tmoignages des entreprises industrielles et de les orienter vers lastructure franaise ou europenne comptente pour les traiter.

    3.2/ LEurope devrait privilgier la lutte contre la concurrence dloyale

    Organiser la remonte des informations issues des entreprises

    Proposition n7 : Entreprendre un travail dinfluence pour convaincre laCommission europenne de mettre en place, au sein de la direction gnrale des

    entreprises, une structure daccueil et dorientation des entreprises subissant desproblmes de concurrence dloyale (ou connaissant tout autre type de problme) et quifonctionnerait en rseau avec les structures nationales.

    Mettre en place une vritable surveillance du march intrieur

    Proposition n8 : Entreprendre une action dinfluence pour convaincre laCommission europenne et nos partenaires dintroduire une clause de surveillance dumarch intrieur et une clause de sauvegarde dans toute nouvelle lgislation imposantune nouvelle norme tous les produits mis en vente sur le march intrieur.

    Proposition n9 : Entreprendre une action dinfluence pour convaincre laCommission europenne et nos partenaires de rformer le marquage CE dans le sensdune amlioration de la protection des consommateurs en mettant en place uneprocdure spcifique de contrle de la conformit des produits imports.

    Proposition n10 : Entreprendre une action dinfluence pour convaincre laCommission europenne et nos partenaires de crer un office europen de surveillancedu march intrieur. Inspir de lOffice de lutte anti- fraude (OLAF) et de loffice desurveillance des contrefaons, cet office sassurerait du partage de linformation entre lesautorits nationales, prendrait en charge les tests de prsence de produits non conformessur le march ou les organiserait en liaison avec le rseau des administrations nationales.

    Amliorer certains aspects de la politique de la Concurrence

    Proposition n11 : Entreprendre une action dinfluence pour convaincre laCommission europenne de mieux prendre en compte la situation concurrentielle des

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    marchs et en particulier la situation des entreprises concurrentes des pays tiersdans lanalyse des aides dEtat. Cela pourrait se faire en gnralisant et en rendant plusoprationnelle la clause dalignement prvue par lencadrement des aides la recherche,au dveloppement et linnovation (RDI)qui na jamais t utilise et de prvoir desclauses similaires dans les autres encadrements ou lignes directrices.

    Proposition n12 : Dans lhypothse o les actions entreprises par lUnioneuropennes lOMC pour obtenir la condamnation des subventions chinoisesnaboutiraient pas dans un dlai raisonnable, entreprendre une action dinfluence pourconvaincre la Commission europenne de rendre plus flexible le droit des aides dEtatspar des mesures concrtes.

    Proposition n13 : Entreprendre une action dinfluence pour convaincre laCommission europenne (Direction gnrale de la Concurrence) dorganiser des dialogues annuels de la concurrence sur 1 2 jours permettant de confronter lesanalyses entre la Commission europenne, les Etats, les fdrations professionnelles etles entreprises sur la politique de la concurrence.

    Imposer la rciprocit pour les marchs publics et investissements directs

    Proposition n14 : Entreprendre une action dinfluence pour convaincre laCommission europenne de gnraliser lensemble des marchs publics les dispositionsde certains textes permettant de rejeter une offre anormalement basse .

    Proposition n15 : Adoption dun instrument juridique de rciprocit efficace (cffermeture des marchs publics europens en cas de non rciprocit) afin dintgrer dansle droit de lUnion les facults offertes par les notes gnrales annexes laccord sur les

    marchs publics sous rserve que la procdure de dcision permette une mobilisationfacile de cet outil.

    Proposition n16 : Ralisation dun travail dinfluence auprs des Etats membres,de la Commission europenne et du Parlement europen destin les convaincre de lancessit de la mise en place de structures nationales et dune structure europennede coordination ddies la surveillance des intentions dinvestissements directsdEtats tiers dans les secteurs stratgiques et de ragir au cas par cas.

    Rformer la politique commerciale europenne

    Proposition n17 :Entreprendre une action dinfluence auprs de la Commissioneuropenne et de nos partenaires pour obtenir de nouvelles amliorations de la procdureantidumping aprs avoir valu le contexte de la ngociation.

    Proposition n18 : Soumettre louverture des ngociations pour un accordcommercial de lUnion europenne une tude dopportunit conomique et sociale etlimiter les perspectives daccords aux pays qui appliquent au moins une partie desconventions internationales dont le respect est une condition dligibilit au SPG+, c'est--dire du systme dit de prfrences gnralises qui permet daccorder des avantagescommerciaux aux pays en dveloppement sous rserves de conditions remplir(conventions sur les normes fondamentales de lOrganisation internationale du Travail,

    conventions environnement etc).

    Proposer de transformer lOMC en Organisation mondiale de la RgulationEconomique et Commerciale

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    Proposition n19 : Lancement dune tude juridique sur la possibilit dtendreautomatiquement aux membres de lOMC les engagements internationaux signs par unminimum dEtats reprsentatifs dans dautres domaines.

    Proposition n20 : Entreprendre des discussions dans le cadre europen ou lecadre dune G20 en vue dune dclaration sur la transformation ncessaire de

    lorganisation mondiale du commerce en organisation mondiale de la Rgulationconomique et commerciale ayant un mode de gouvernance amlior plus efficace.

    Ces propositions sont prsentes dans le tableau ci-dessous qui les rpartit en troiscatgories :

    Mesures nationales ; Mesures europennes ; Mesures internationales.

    PROPOSITIONS DU RAPPORT SUR LA LUTTE CONTRE LA CONCURRENCE DELOYALE

    Propositions franaises Propositions europennes Propositions internationales

    Proposition n1 : Fairevoluer le discours franais surla rciprocit en mettant enavant limpratif de lutte

    contre la concurrencedloyale organise par

    certains Etats la fois sur le

    march intrieur et sur les

    marchs tiers

    Proposition n7 : Entreprendre untravail dinfluence pour convaincre laCommission europenne de mettre

    en place au sein de la direction

    gnrale des entreprises unestructure daccueil et dorientationdes entreprises subissant des

    problmes de concurrence dloyale

    et qui fonctionnerait en rseau avecles structures nationales.

    Proposition n19 :

    Lancement dune tudejuridique sur la possibilit

    dtendre automatiquement

    aux membres de lOMC lesengagements internationaux

    signs par un minimum

    dEtats reprsentatifs dansdautres domaines. Lobjectifserait ensuite de proposer cedispositif juridique dans lecadre le plus appropri dansune premire tape (G20,Union europenne ou OMC).

    Proposition n2 :

    Organisation Paris par le

    ministre en charge de

    lindustrie dun sminaire

    europen consacr la luttecontre la concurrence

    dloyale et destin pourlessentiel au monde industrieltrs en retard dans la prise encompte de ce type denjeux. LaCommission europenne, leParlement europen, les Etatsmembres et leurs patronatsindustriels devraientnotamment y tre associs.

    Proposition n8 : Entreprendre uneaction dinfluence pour convaincre laCommission europenne et nospartenaires dintroduire une clause

    de surveillance du march intrieuret une clause de sauvegarde dans

    toute nouvelle lgislation imposant

    une nouvelle norme tous les

    produits mis en vente sur le march

    intrieur.

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    Proposition n9 : Entreprendre une

    action dinfluence pour convaincrela Commission europenne et nos

    partenaires de rformer le marquageCE dans le sens dune amlioration dela protection des consommateurs par

    une procdure spcifique de contrledes produits imports.

    Proposition n3 : Ce

    sminaire devrait tre

    loccasion de crer, linitiative du ministrefranais, un groupe desamis de lindustrie sur lemodle des nombreux groupesde ce type cre entre des Etatsmembres (contributeurs nets,amis de la pche, amis de lacohsion, amis de la banane).Ce groupe se runirait aumoins une fois par semestre.

    Proposition n10 : Entreprendre

    une action dinfluence pourconvaincre la Commission

    europenne et nos partenaires de

    crer un office europen de

    surveillance du march intrieur.

    Inspir de lOffice de lutte anti-fraude (OLAF). Cet office sassureraitdu partage de linformation entre lesautorits nationale, prendrait encharge les tests de prsence deproduits non conformes sur le marchou les organiserait en liaison avec lerseau des administrations desurveillance. Il pourrait intgrer lessystmes qui existent dj au bnficedes consommateurs de certainsproduits (cf le RAPEX).

    Proposition n11 : Entreprendre une

    action dinfluence pour convaincre laCommission europenne de rendreplus flexible le droit des aides

    dEtats par des mesures concrtes.

    Proposition n4 : A linitiativedu ministre charg delIndustrie, organisation dundialogue avec les organisationsou associationsprofessionnelles volontairespour valuer leurs besoins deformations aux enjeuxeuropens.

    Proposition n12 : Entreprendre uneaction dinfluence pour convaincre laCommission europenne de mieux

    prendre en compte la situationconcurrentielle des marchs et enparticulier la situation des entreprisesconcurrentes des pays tiers danslanalyse des aides dEtat. Celapourrait se faire en rendant plusoprationnelle la clause dalignementprvue par lencadrement des aides la RDI qui na jamais t utilise et deprvoir des clauses similaires dans lesautres encadrements ou lignes

    directrices

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    Proposition n5 : Crer au

    sein de la Confrence

    Nationale de lIndustrie uneCommission Europe quipourra auditionner lesadministrations concerns sur

    les sujets europens ayant desincidences sur le secteurindustriel.

    Proposition n13 : Entreprendre uneaction dinfluence pour convaincre laCommission europenne (Directiongnrale de la Concurrence)dorganiser des dialogues annuelsde la concurrence sur 1 2 jours

    permettant de confronter les analysesentre la Commission europenne, lesEtats et les fdrationsprofessionnelles sur la politique de laconcurrence.

    Proposition n20 :

    Entreprendre des

    discussions dans le cadre

    europen ou le cadre duneG20 en vue dunedclaration sur la

    transformation ncessairede lorganisation mondialedu commerce en

    organisation mondiale de la

    Rgulation conomique et

    commerciale.Proposition n6 : Mise en

    place dune missionconcurrence dloyale au

    sein de la DGCIS (ou avec un

    autre positionnement). Elleserait charge de recevoir lestmoignages des entreprisesindustrielles et de les orientervers la structure franaise oueuropenne comptente pourles traiter. Compose dequelques fonctionnairesexprimentes et affectes parredploiement, cette missionsuivrait galement la rponseapporte au problme pos.

    Proposition n14 : Entreprendre uneaction dinfluence pour convaincre laCommission europenne de proposerun texte permettant dtendre lechamp de larticle 57 de la directivedu 31 mars 2004 lensemble desmarchs publics afin de permettre derejeter une offre anormalement basse.

    Proposition n15 : Adoption delinstrument juridique de rciprocitpropos par la Commissioneuropenne afin dintgrer dans ledroit de lUnion les facults offertes parles notes gnrales annexes laccord sur les marchs publics sousrserve que la procdure de dcision

    permette une mobilisation facile de cetoutil.

    Proposition n16 : Ralisation duntravail dinfluence auprs des Etatmembres, de la Commissioneuropenne et du Parlement europendestin les convaincre de lancessit de llaboration dunelgislation europenne harmonise surla limitation des investissements

    directs dEtats tiers dans les secteursstratgiques.

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    Proposition n17 Entreprendre uneaction dinfluence auprs de laCommission europenne et de nospartenaires pour obtenir de nouvellesamliorations de la procdure

    antidumping afin notamment : de

    permettre la mise en place de droitsprovisoires dans un dlai de deux mois(un mois le plus souvent aux Etats-Unis) ; daugmenter le taux depnalisation des importations par lesdroits anti-dumping; dallonger la duredes mesures anti-dumping ; daccrotreles moyens en effectifs de la directiongnrale du commerce consacrs auxinstruments de dfense commercialeafin dacclrer les procdures

    dinstruction (environ 170 agentsactuellement comparer 375 auxEtats-Unis).

    Proposition n18 : Soumettrelouverture des ngociations pour unaccord commercial de lUnioneuropenne une tudedopportunit conomique etsociale et limiter les perspectivesdaccords aux pays qui appliquent aumoins une partie des conventions

    internationales dont le respect est unecondition dligibilit au SPG+ .

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    Rapport

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    Introduction

    LEurope est toujours une puissance industrielle dominante dans le monde mme sisa position se dtriore. Lindustrie europenne regroupe 2,3 millions dentreprises,emploie environ 35 millions de salaris, et produit plus de 1 600 milliards deuros de valeurajoute par an. Elle a mieux rsist que dautres rgions lmergence de nouveauxconcurrents. Avant la crise, en 2006, lUnion europenne reprsentait 21% des changesmondiaux de produits manufacturs face aux Etats-Unis (13,8%) et au Japon (10,5%) dontle poids a considrablement rgress au bnfice notamment de la Chine qui a doubl sapart en 10 ans4. Le dficit des changes de produits manufacturs est rcent. La plupartdes Etats membres de lUnion europenne ont conserv une base industrielle importante.

    Dans 22 pays europens, la part de lindustrie dans le produit intrieur brut dpassait les15% en 2006. Pour 12 dentre eux, dont lAllemagne, la Sude, la Finlande, lAutriche,lIrlande et de nouveaux Etats membres, lindustrie reprsente encore plus de 20% duPIB5. Avec une part denviron 13% du PIB pour lindustrie, la France est donc devenue lundes pays les moins industrialiss dEurope si on retient ce critre.

    Mais cette rsistance industrielle de lEurope repose sur quelques secteurs etprincipalement un pays, lAllemagne. La chimie, la pharmacie, lautomobile et lesmachines-outils notamment, mais des degrs trs diffrents, offrent encore lEuropeune place majeure dans la production mondiale. LAllemagne (16% de la population delUnion) reprsente elle seule prs de 26% de la valeur ajoute industrielle de

    lUnion europenne. Quatre Etats, lAllemagne (25,9%), le Royaume-Uni (14,9%), lItalie(13%) et la France (11,1%) sont lorigine des 2 /3 de la valeur ajoute industrielleeuropenne.

    La performance de lAllemagne masque une situation proccupante. Lindustrieeuropenne connat un recul, une dvalorisation qui se manifeste par de nombreuxsignaux inquitants : pertes demplois, stagnation de leffort dinnovation, dsquilibrescommerciaux (prs de 1 200 milliards deuros de dficit commercial cumul au dtrimentde lEurope dans les changes de produits manufacturs avec la Chine au cours des dixdernires annes), disparition de certaines comptencesLa France est particulirement concerne par ces tendances ngatives. Entre 1960 et2007, elle navait connu que 5 annes de solde ngatif de ses changes industriels (entre1987 et 1991) avant de retrouver cette situation depuis 2007, en raison principalementdune balance ngative avec la Chine et avec lAllemagne.

    Face des mutations conomiques de nature et dampleur trs diffrentes de cellesdes annes 1980 ou 1990, les industries europennes sont donc la recherche de leurplace dans la nouvelle mondialisation. Les divergences dintrts et de stratgies entreles Etats freinent lmergence dune politique europenne de lindustrie. Instrument deconqute ou de protection des marchs pour certains pays, la concurrence dloyale sedveloppe. Le march intrieur reprsente environ 60% des dbouchs des produits

    manufacturs europens. Les marchs extrieurs constituent le dernier tiers. Lesconditions de concurrence sur ces marchs sont donc des facteurs de russite ou dchecpour les industries europennes. Trs ouvert, le march intrieur est un terrain de vive

    4Source : Etude du BEPA intitule Competitiveness industrial location (2006).5Source Eurostat de 2006, les chiffres des annes de crise ntant pas pertinents.

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    comptition, parfois dloyale. Sur les marchs extrieurs, la concurrence dloyale estencore plus dveloppe. Elle constitue un frein au dveloppement international des petiteset moyennes industries et des entreprises de taille intermdiaire, qui ne disposent pas desmmes moyens dadaptation que les grandes entreprises.

    La situation de lindustrie est une proccupation ancienne de lUnion europenne.

    La Commission europenne a multipli au cours des annes 2000 les communicationstmoignant de ses proccupations industrielles. La politique industrielle dans uneEurope largie (2002), Une politique de concurrence proactive pour une Europecomptitive (2004), Accompagner les mutations structurelles une politiqueindustrielle pour lEurope largie (2004), Mettre en uvre le programmecommunautaire de Lisbonne: un cadre politique pour renforcer lindustrie manufacturirede lUnion europenne Vers une approche intgre de la politique industrielle (2005)sont autant de textes qui en tmoignent. Depuis deux ans la Commission a raffirm sonintrt pour les enjeux industriels dans des communications consacres la politiqueindustrielle, linnovation, la normalisation, la politique commerciale par exemple.

    Mais en dpit de ces nombreuses initiatives de la Commission europennes, lesmesures concrtes et spcifiques sont encore limites. Cela sexplique en particulier par ladiversit des situations industrielles et donc des intrts au sein de lUnion europenne.

    Ainsi, lcart de cot horaire moyen de la main duvre en euros varie de 1 15entre les deux extrmes (la Bulgarie et la Sude)6. La part de lindustrie dans la valeurajoute stale de 8% (Luxembourg) plus de 25% (Slovaquie et Rpublique tchque).Celle de lindustrie dans lemploi connat galement des diffrences considrables selonles pays : de 10% (Chypre) plus de 27% en Rpublique tchque. Certains pays sontconfronts une rgression industrielle, dautres rsistent aux effets ngatifs de la

    mondialisation, voire progressent.Face de telles diffrences de situations et divergences dintrts, la

    recherche dun compromis sur des questions industrielles se heurte denombreuses difficults. Mais ce contexte ne doit pas susciter le dfaitisme. Lesanalyses de la Confrence nationale de lIndustrie (CNI) pour la France sappliquentgalement lEurope. Dans son rapport prpar sous la direction de Jean -FranoisDEHECQ, son vice-prsident, la CNI indique en effet : Les atouts et facteurs favorables la croissance de lindustrie demeurent une base solide pour surmonter les difficults decourt terme et crer une dynamique davenir. La France doit combattre le sentimentdinfriorit quelle ressent pour son industrie et sappuyer sur ses atouts majeurs pour

    redevenir une grande puissance industrielle .

    La gravit de la situation a toutefois permis de raffirmer rcemmentlimportance du principe de rciprocit, cest--dire de loctroi de concessions enchange de contreparties quivalentes. Ce principe trs ancien est lun desfondements du systme multilatral. Mais il a dabord t lun des objectifs despolitiques bilatrales et notamment de la politique commerciale amricaine. Le Reciprocal Trade Agreement Act , adopt en 1934 a ainsi autoris ladministrationROOSEVELT a ngoci des accords comportant des rductions douanires allant jusqu50% avec des Etats acceptant la mme concession.

    Le Conseil europen extraordinaire du 16 septembre 2010 marque donc une tapesupplmentaire sur la voie de la raffirmation du principe de rciprocit dans les objectifscommerciaux de lUnion europenne.

    6Source : Eurostat et Conseil conomique, social et environnemental (Repres statistiques sur les donnesconomiques, sociales et environnementales de la socit franaise, 2009 n5).

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    Ses conclusions prcisent en effet les nouvelles ambitions de lUnion europennedans ses relations, notamment commerciales, avec ses partenaires stratgiques : LeConseil europen a examin les moyens d'imprimer un nouvel lan aux relationsextrieures de l'Union, en tirant pleinement parti des possibilits offertes par le Trait deLisbonne. Il a considr que l'Europe devrait dfendre ses intrts et ses valeursavec plus d'assurance et dans un esprit de rciprocit et de bnfice mutuel .

    Cette raffirmation ncessaire du principe de rciprocit nest pas suffisantepour rpondre efficacement aux comportements de concurrence dloyale qui sedveloppent.

    En rponse cette situation, le rapport propose des mesures nationales,europennes et internationales destines amliorer la rgulation de la concurrence. Laplupart des actions recommandes sont concrtes et applicables condition pourcertaines dentre elles dentreprendre une action dinfluence auprs des autres Etatsmembres. Les pratiques dloyales en matire de production et dchange sont dessources de dsquilibres graves qui peuvent prendre un caractre systmique pourlconomie mondiale.

    La rgulation conomique et commerciale est aujourdhui un enjeu aussiimportant que la rgulation financire.

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    Premire partie

    Le contexte

    La rciprocit des rgles et des pratiques dans les changes internationaux estindissociable du dveloppement des changes internationaux. Sans avantages mutuelsdampleur comparable, le libre-change perd une partie de sa justification. Ledveloppement de la mondialisation a donc accentu les dbats autour de ce principefondateur du commerce international.

    Lindustrie tant lun des moteurs essentiels de la mondialisation commerciale, laquestion de la rciprocit ne peut donc tre traite sans analyse de la place de lindustriedans la mondialisation. Cette dernire rend encore plus indispensable le respect de larciprocit pour viter un repli des Etats sur eux-mmes. Une mondialisation organiseautour dune concurrence dloyale et multipliant les dsquilibres dans les changesfavorisent en effet les tentations protectionnistes. Mais dans le mme temps, enbouleversant les capacits dvaluation des phnomnes, la mondialisation rend encoreplus difficile la dfinition du contenu du principe de rciprocit et dresse des obstacles samise en uvre.

    Le systme multilatral est aujourdhui confront ses propres limites et ne permetpas de rpondre aux effets ngatifs de la monte de la concurrence dloyale.

    Cette premire partie met donc en vidence trois lments de contexte :

    Lindustrie est un moteur essentiel de la mondialisation commerciale.

    Le systme multilatral nest plus adapt la mondialisation.

    Les trous noirs de la rgulation multilatrale favorisent le dveloppement dubilatralisme commercial.

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    1.1/ Lindustrie est un moteur essentiel de la mondialisation

    Les priodes historiques de mondialisation sont nes de rvolutions industrielles.Sans les innovations techniques qui ont favoris la circulation des biens, la mondialisation,y compris la dernire, ne se serait pas dveloppe. Mais la mondialisation a profondmentmodifi les processus de production aujourdhui fragments et disperssgographiquement.

    Cette volution a multipli les difficults dapprocheet danalyse des phnomnesindustrielles. Les nombreux problmes de dfinition statistique incitent la prudence lgard des analyses sur une prsume dsindustrialisation de lEurope.

    Lanalyse de la situation actuelle de lindustrie europenne pourrait dailleurs laisserpenser quelle ne souffre pas de concurrence dloyale. LUnion europenne demeure eneffet dans le trio des premires puissances industrielles du monde avec la Chine et lesEtats-Unis. Sa domination est dailleurs considrable dans certains secteurs. Mais cepositionnement est obtenu grce au poids de lindustrie allemande.

    Cette place masque dailleurs des tendances dfavorables. De nombreux

    indicateurs mettent en vidence un affaiblissement de lindustrie europenne qui incitecertains analystes qualifier de dsindustrialisation ce phnomne. Cette volution,imputable de nombreux acteurs, rsulte galement dun redploiement mondial de laproduction et des changes de produits manufacturs. La monte des dsquilibres dansle commerce international contribue expliquer cet affaiblissement europen.Lmergence dune concurrence peu loyale de certains Etats est une cause majeure de cechangement.

    Il est gnralement attribu des Etats dsigns par lexpression grandespuissances mergentes . Mais la plupart de ces pays ne sont plus des puissancesmergentes, mais merges .

    Ce premier chapitre souligne donc trois lments de contexte qui influencentaujourdhui les rflexions sur le principe de rciprocit :

    Lindustrie a favoris la mondialisation commerciale. La mondialisation a complexifi lapproche de lindustrie. Lindustrie europenne est confronte de multiples tendances inquitantes.

    1.1.1/ Lindustrie a favoris la mondialisation commerciale

    1.1.1.1/ Des innovations industrielles lorigine des deux mondialisations

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    Les deux priodes de mondialisation identifies par les conomistes sont nes dervolutions industrielles qui ont favoris la mondialisation en rduisant les barriresphysiques la circulation des marchandises.

    Selon les conomistes, deux ou trois priodes de mondialisation sont identifisdans lhistoire du monde.

    La premire mondialisation a dur prs de 50 ans entre 1870 et 1914. Linternationalisation de lconomie y atteignit, dans les domaines du commerce et de lamobilit des capitaux, un niveau quelle ne retrouverait quau milieu des annes1980 (). De 1887 1913, le volume net des investissements franais ltrangerreprsentait environ 3,5% du revenu national, soit une proportion plus importantequaujourdhui (). Et dj les industriels franais dlocalisaient la production poursimplanter en Europe de lEst, en Asie mineure et ailleurs 7. La rduction des temps detransports grce aux navires vapeur (5,5jours pour traverser lAtlantique en 1912 au lieude 42 jours un peu plus dun sicle plus tt), le dveloppement du tlgraphe et dutlphone ont favoris cette premire mondialisation.

    Ds cette premire mondialisation, les problmatiques dquilibre dans leschanges ou laccs au march ont t sources de dbats. Le terme de rciprocit ntaitpas utilis mais cest bien autour de cette notion que ces dbats se sont dvelopps. Lamonte en puissance du Japon, les dbuts dune industrialisation de la Chine grce desinvestissements trangers taient en effet des facteurs de proccupation pour lesconomistes et les dirigeants politiques. En 1901, lconomiste Edmond THERY crivait : Le pril jaune qui menace lEurope peut donc se dfinir de la ma nire suivante : ruptureviolente de lquilibre international sur lequel le rgime social des grandes nationsindustrielles de lEurope est actuellement tabli, rupture provoque par la brusque

    concurrence, anormale et illimite dun immense pays nouveau 8

    . Faute dun quilibreentre les changes, cette premire mondialisation a suscit des ractions protectionnistes.En Allemagne, la coalition du fer et du seigle entre les industriels et les agriculteursobtint le vote de mesures protectionnistes en 1879. En France, cest en 1892 que lespartisans du protectionnisme russirent faire voter une rvision la hausse du tarifdouanier (le tarif MELINE).

    La deuxime mondialisation dveloppe partir des annes 1980 est galementissue de progrs technologiques rsultats dinnovations qui arrivent maturit au cours decette dcennie. Linformatique est la base de ces progrs dans la circulation delinformation, lorganisation des entreprises, la logistique et les transports. La numrisation

    des donnes, leur acheminement via Internet, lintroduction de linformatique dans lalogistique, son application au transport conteneuris sont des bouleversements pour lesprocessus de production et dchanges.

    1.1.1.2/ Une mondialisation favorise par la fragmentation de la production

    Depuis quelques dizaines dannes, les processus de production ont volu. Lafragmentation des chanes de production offre dsormais des choix stratgiques auxentreprises et leur permet une grande flexibilit dans la localisation des diffrentes tapes

    dun processus de production. Cette dernire repose en effet sur une approche modulaire.Les grandes fonctions de la chane de production peuvent tre dissocies et exerces par

    7 Source : Notre premire premire mondialisation : leons dun chec oubli de Suzanne BERGER(Seuil, 2003).8Source : Le pril jaune dEdmond THERY (Flix Juven, 1901) cit par Suzanne BERGER.

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    des acteurs diffrents lis par des relations contractuelles. Suzanne BERGER, dans Made in Monde identifie trois modles dorganisation des entreprises dans lamondialisation :

    Les entreprises organisation verticale intgre. Ce modle traditionnel, que lefordisme a dvelopp, repose sur la centralisation des diffrentes tapes duprocessus de production. Une seule entreprise assure la fois la recherche etlinnovation, la conception, la fabrication des composants, lassemblage, lemarketing et souvent la distribution. La socit FORD a longtemps t le plusparfait exemple de ce modle dintgration verticale. Elle possdait des units larendant autonome dans le processus de fabrication (fonderies, laminoirs, fabriquede pneus, usine de trempage etc).

    Les entreprises organises en rseaux serres dentreprises sur un petitprimtre gographique (cluster economies). Ce modle repose sur des

    communauts de PME proches gographiquement et pratiquant la coopration et lacoordination des processus de production en particulier dans le domaine des biensde consommation. Inventeur du concept de competitive clusters , MichaelPORTER souligne limportance de la masse critique de ressources et decomptences dans les domaines de la recherche, de la fabrication et dufinancement. Les 150 districts industriels italiens crs au cours des annes 1970et 1980 en sont un excellent exemple dans les secteurs de la chaussure, delhabillement, des lunettes ou des meubles par exemple.

    Les entreprises ayant opt pour la fragmentation des processus de

    production. Les nouvelles technologies de linformation et de la communicationetnotamment les techniques de numrisation sont lorigine de cette modularisationdes chanes de production. Ces dveloppement datent des annes 1990 et ontboulevers les stratgies des grandes firmes industrielles. La fabrication estdevenue un service faibles marges. Les industries ont commenc sedbarrasser de leurs units de production et les remplacer par des fabricantscontractuels souvent installs dans les pays en dveloppement. Une nouvelledivision internationale du travail sest mise en place et le mouvement dedsindustrialisation amorc dans les annes 1980 dans le monde dvelopp sestacclre.

    Ces transformations ont profondment transform lapproche de lindustrie (Cf ci-aprs). Au-del, elles ont galement modifi la nature des changes qui ne portent plussur le mme type de produits, les composants et modules circulant autant, sinon plus queles produits finis.

    1.1.1.3 / Des socits multinationales au cur de la mondialisation

    Depuis les annes 1960, se sont dveloppes des socits transnationales. Pour laCNUCED, une firme transnationale (FTN) est une entreprise dune certaine tailleconomique prsente simultanment dans au moins cinq Etats diffrents, grce desfiliales productives ou commerciales. Le nombre de socits mres a explos encinquante ans : il est pass de 6 000 en 1967 79 000 en 2009. Le nombre de leursfiliales trangres a t multipli par prs de 30 au cours de la mme priode (27 000 en1967, 790 000 en 2009).

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    Ces entreprises ont connu une croissance exceptionnelle au cours des 30 derniresannes. Leurs chiffres daffaires raliss ltranger ont t multipli par 10, leursinvestissements par 82, et le nombre de leurs agents est pass de 17 millions 82millions. Ces chiffres concernent lensemble de lconomie. Mais lindustrie est un secteurdactivit privilgi de ces entreprises.

    Certaines de ces entreprises transnationales sont qualifies de firmesnationales par la CNUCED. Depuis 1995, cette dernire calcule un indice detransnationalit qui permet dvaluer le degr de mondialisation des grands groupes.Une entreprise est considre comme mondiale si au moins deux des trois indicateurssuivants dpassent les 50% :

    Part des actifs situe ltranger; Part des emplois implants ltranger; Part du chiffre daffaires ralis ltranger.

    En 1997, la CNUCED a ajout un quatrime critre, le nombre de pays danslequel le groupe est prsent.

    Selon cette dfinition, la moiti seulement des 100 premires entreprisestransnationales sont des firmes multinationales. Au sein de ce groupe, seule 38% des 28premires entreprises amricaines sont multinationales la diffrence des entrepriseseuropennes. Lancrage national des grandes entreprises amricaines est doncsuprieur celui des entreprises europennes.

    Cette situation rsulte principalement de trois facteurs :

    - Bien que le march intrieur europen soit plus large que lamricain (500 mil lionsdhabitants au lieu de 350 millions), il comporte encore de nombreuses entraves internesqui nuisent au dveloppement des ventes.

    - Le march intrieur europen ne dispose pas des protections mises en place parles Etats-Unis. Il est donc trs ouvert la concurrence extrieure ce qui ne favorise paslancrage des grandes entreprises transnationales.

    - La politique europenne de la concurrence ne favorise pas les concentrations surle march intrieur.

    1.1.1.4/ Un secteur industriel moteur du dveloppement du commerce international

    Le dveloppement du commerce mondial depuis les annes 1950 estprincipalement imputable au secteur industriel. Le taux de croissance des exportationsindustrielles a en effet t suprieur celui de la croissance conomique mondiale.Moteur du commerce mondial, lindustrie manufacturire a contribu modifi sastructure. Ainsi que le montre le graphique de lencadr ci-dessus, la part des produitsagricoles na cess de diminuer, passant de 45% environ en 1950 moins de 10% au

    dbut des annes 2000, chiffre relativement stable depuis. La part des minraux etproduits nergtiques, dont les prix sont volatils, a souvent vari au cours de ces 50dernires annes.

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    La part des produits manufacturs a doubl entre 1950 et le dbut des annes2000. Elle est passe de 40% prs de 80% du commerce mondial de marchandises(cf encadr ci-dessous).

    Lvolution de la part des produits manufacturs dans le commerce mondial demarchandises

    Lgende :BLEU : Produits agricolesROUGE : Minraux et produits nergtiquesVERT : Produits manufacturs

    Source : Graphique ralis par les auteurs partir de donnes OMC.

    1.1.2/ La mondialisation complexifie lapproche de lindustrie

    1.1.2.1/ Des interrogations sur le concept dindustrie aujourdhui

    Une brve histoire du mot industrieLhistorien Fernand Braudel a consacr un chapitre de son ouvrage intitul

    Lidentit de la France lvolution de lindustrie et de sa dfinition9. Pendant denombreux sicles, le mot industrie signifiait habilet faire quelque chose, invention,savoir-faire et par extension mtier. Avant de prendre son sens moderne, il a d dabord

    supplanter les expressions arts et mtiers et arts et manufactures . Mais sadfinition est longtemps demeure trs ambigu. Au XIXme sicle, le mot dsigne touteforme de production. Il est appliqu de nombreux secteurs. Des conomistes voquent

    9Cf chapitre Industrie et industrialisation dans le tome 2 de Lidentit de la France : les hommes et leschoses (Arthaud-Flammarion, 1986).

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    ainsi lindustrie viticole, lindustrie agricole, lindustrie commerciale etc. Cet usage estdailleurs rapparu il y a quelques annes avec de nouvelles utilisations : industriefinancire, industrie du sport etc. Il en est de mme du mot industriel apparu en 1770et qui signifiait chef dentreprise au XIXme sicle. Cest au XXme sicle seulementque le concept dindustrie a t prcis.

    Jean-Baptiste SAY, anticipant les volutions du mot, en a donn trs tt unedfinition la plus valorisante : Tous nos biens physiques sont crs par lindustrie etnous induisent ainsi regarder lindustrie comme lactivit humaine considre danstoutes ses applications utiles comme lobjet fondamental de la socit 10.

    Limportance du champ dans les statistiques industriellesMais depuis les annes 1980 et le dveloppement de la deuxime

    mondialisation, la sphre industrielle est de plus en plus difficile dlimiter . Lesinterprtations divergent selon la conception de lindustrie. Les chiffres sont autant depiges. Les statistiques correspondent en effet parfois des champs diffrents. Ladistinction entre les industries dextraction et les industries manufacturire est essentielle ce titre. La volatilit des prix des matires premires est telle que toute statistiqueindustrielle incluant les industries dextraction est difficile interprter. Cela incite donc limiter le champ industriel aux industries manufacturires dans les analyses.

    Les Recommandations internationales concernant lindice de productionindustrielle nonces par la Commission de la Statistique des Nations-Uniesprconisent de dfinir le secteur industriel comme tant laddition de quatredomaines excluant la construction :

    Activits extractives ;

    Activits de fabrication ; Production et distribution dlectricit, de gaz , de vapeur et de climatisation ; Approvisionnement en eau, activits dassainissement et de gestion des

    dchets, dpollution.

    Mais les statistiques des Nations-Unies prsentent la fois un indice de laproduction industrielle en gnral et un indice de la production industrielle manufacturiresouvent plus pertinent.

    Lmergence de problmes de dlimitation du secteur industrielLa fragmentation des processus de production et la diversification de la localisation

    des tapes de production suscitent aujourdhui des interrogations sur ce quest uneindustrie. De nombreuses entreprises industrielles limitent aujourdhui leur rle laconception, lassemblage et la commercialisation de leurs produits. Cest le cas deNike par exemple.

    Lindustrie automobile est un autre exemple de ces volutions. Certains fabricantsne sont plus que des concepteurs, des assembleurs et des distributeurs. Les composantsdune automobile sont produits par des sous-traitants qui sont lorigine dune partessentielle de la valeur ajoute dun vhicule. Cela conduit des statisticiens sinterrogersur la pertinence de leur classification. Certaines entreprises automobiles pourraient ainsitre considres comme des commerces et non des industries.

    10Cf Cours complet dconomie politique de Jean-Baptiste SAY.

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    Lvolution des procds de vente modifie galement lapproche des produitsindustriels. Lassociation de la vente de produits des services a boulevers lavalorisation des biens. Cest le cas par exemple des tlphones portables. La valeurmarchande de ces produits diffre selon les conditions de sa vente (association ou non un abonnement tlphonique), et de la nature du service qui lui est associ. Il devientdonc de plus en plus difficile de dissocier la part du service de celle du produit pour les

    consommateurs.

    Des produits aussi complexes que les avions sont galement concerns parlvolution de ces relations entre industries et services. Le produit avion est de plus enplus associ des services de maintenance et parfois des programmes de formation,notamment en matire militaire.

    Les exemples de ce type se multiplient (cf par exemple les ascenseurs et leurcontrat de maintenance associs ou dissocis selon les types de vente). Ils tmoignent delabsurdit dune opposition industrie et services tant les deux secteurs sontcomplmentaires quand ils ne sont pas imbriqus.

    1.1.2.2/Des difficults de dtermination de lorigine des produits

    Lorigine des produits est un autre de ces concepts de plus en plus difficile dfinir.Cette situation ne facilite pas les analyses sur les volutions du commerce mondial.

    Pour lOMC, les rgles dorigine sentendent des lois, rglementations etdterminations administratives dapplication gnrale appliques par tout Etat membrepour dterminer le pays dorigine des marchandises, condition que ces rgles dorigine

    ne soient pas lies des rgimes commerciaux contractuels ou autonomes qui donnentlieu loctroi de prfrences tarifaires allant au-del des critres permettant de dterminerle pays dorigine dun produit. Elles constituent une approche douanire de lorigine.

    Ces rgles dorigine sont dterminantes dans de nombreuses situations concrtes :

    Lapplication de mesures ou dinstruments de politique commerciale tels que lesdroits antidumping et les mesures de sauvegarde ;

    La mise en uvre de la clause de la nation la plus favorise ou dun traitementprfrentiel ;

    Lapplication de prescriptions en matire dtiquetage et de marquage ; La mise en uvre de dispositions spcifiques en matire de marchs publics ;

    Ces enjeux ont justifi le lancement de ngociations spcifiques qui se sonttraduites par la signature le 20 septembre 1986 de laccord sur les rgles dorigine. Cetaccord ne constitue cependant, aujourdhui, quun embryon dharmonisation des rglesdorigine dans le commerce international. Il se limite fixer un programme de travail afinde progresser sur la voie de lharmonisation de la dfinition des rgles dorigine.

    Ces travaux sont conduits par le comit des rgles dorigine de lOMC et par uncomit technique de lOrganisation Mondiale des Douanes (OMD). Inities il y a quatorzeans, ces ngociations ont progress, mais sont toujours en cours ce jour et ne devraientpas aboutir avant de nombreuses annes. Elles portent en effet sur plus de 6 000catgories de produits et rvlent des oppositions majeures entre pays.

    A titre transitoire dans lattente dun accord sur des rgles communes, laccordimpose aux Etats membres de lOMC de respecter la transparence dans ladoption de

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    rgles qui ne doivent pas avoir deffet de restriction, de distorsion ou de dsorganisationsur le commerce international.

    1.1.2.3/ Des dbats sur la mesure du commerce mondial

    Lmergence de critiques sur la mesure du commerce international La mesure du commerce international est un enjeu majeur pour les dcideurs

    publics. De nombreuses politiques publiques sont fondes sur des analyses desperformances dans le commerce international. La problmatique de la rciprocit est elle-mme mise en vidence par lampleur des dsquilibres constats dans les changesinternationaux. Le suivi des dsquilibres mondiaux est dailleurs un objectif que sesont fixs les dirigeants des Etats membres du G20 lors de leur runion de Soul en2010.

    Mais les analyses de lvolution des changes commerciaux ncessitent deschiffres exacts. Or les difficults de dtermination de lorigine des produits, lafragmentation des processus de production, la multiplication des franchissements defrontires par un produit ou lun de ses composants diffrentes tapes de sa fabricationconduisent dimportants biais statistiques. Un mme produit sera comptabilis plusieursfois au titre de ses composants puis lors de lexportation du produit fini. Cela conduit deux problmes dvaluation :

    Le commerce mondial est survalu. Pour viter cette consquence, chaque

    composant devrait tre comptabilis sa valeur ajoute lors dun change. Les dsquilibres commerciaux entre pays ont une signification relative ds lors que

    lorigine dun produit est difficile dterminer et quil nest pas comptabilis sa valeurajoute. A titre dexemple, dans lhypothse o seule X% de la valeur ajoute dunAirbus serait produite en France, lexportation devrait tre comptabilise cette hauteuret non pour sa valeur totale.

    De nouvelles recommandations des experts

    Ce problme est devenu un sujet de proccupation internationale. En fvrier 2011,la Division de statistique de l'Organisation des Nations Unies et l'Office statistique del'Union europenne (Eurostat), en collaboration avec l'OMC et la CNUCED, en ont fait lethme central du Forum mondial sur les statistiques du commerce intitul Mesurerle commerce mondial Disposons-nous des bons chiffres. Les 200 statisticiensqui ont particip ce sminaire se sont accords sur la ncessit damliorer leschiffres du commerce extrieur pourrendre mieux compte de la relation directe entreles chanes de valeur mondiales, le commerce des marchandises et des services, l'emploiet l'interdpendance croissante des conomies

    A lissue de cet atelier, les experts ont recommand la cration de registres

    nationaux permettant de relier entre elles les sources de donnes disponibles commeles statistiques du commerce des marchandises fondes sur les donnes douanires, lesregistres du commerce et des entreprises, les donnes des recensements conomiques,les enqutes auprs des entreprises et les autres registres administratifs. Les statisticiensont aussi suggr de revoir les classifications actuelles des marchandises et des services

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    pour mieux tenir compte des changements intervenus dans la production mondiale et del'apparition de nouveaux produits et de nouvelles fonctions commerciales. De telstableaux de correspondance seraient tout particulirement utiles pour mesurer etcomprendre le commerce du point de vue des chanes de valeur ajoute et des chanesde valeur mondiales .

    Les enjeux conomiques et politiques dun dbat techniquePralablement cette runion, le directeur gnral de lOMC avait soulign lenjeu

    de ce travail sur lvaluation des changes (cf encadr ci-dessous).

    Lexemple donn par Pascal LAMY du traitement statistique dun IPOD import de Chine

    Par exemple, chaque fois qu'un iPod est import par les Etats-Unis, l'intgralit de la valeurdclare en douane (150 dollars) est impute comme importation en provenance de Chine, creusant unpeu plus le dsquilibre commercial entre les deux pays. Or, si on regarde l'origine nationale de la valeurajoute incorpore dans cette importation, on remarque qu'une partie consquente correspond une re-importation amricaine et que pour le reste, c'est le solde bilatral avec le Japon ou la Core qui devraittre imputs en fonction de leur contribution la valeur ajoute. De fait, selon des chercheurs amricains,sur ces 150 dollars, moins de 10 proviennent actuellement de Chine, tout le reste n'est que rexportation.

    Quant l'impact sur l'emploi, sujet qui fche, juste titre, en ces temps de crise conomique, le bilan peutaussi tre surprenant. Reprenant le cas de l'iPod, une autre tude des mmes auteurs estime que safabrication reprsentait l'chelle mondiale 41 000 emplois en 2006, dont 14 000 emplois seraientlocaliss aux USA, parmi lesquels 6 000 postes de spcialistes. Comme les travailleurs amricains sontplus qualifis et mieux pays, ils ont peru plus de 750 millions de dollars, alors que seulement 320millions, moins de la moiti, sont alls aux travailleurs l'tranger.

    Dans cet exemple, les tudes de cas montrent que le pays innovant peroit la majorit des bnfices,alors que les statistiques traditionnelles mettaient elles l'clairage sur le dernier maillon de la chane, celuiqui, in fine, reoit le moins .

    Source : Discours prononc par Pascal Lamy devant le Snat franais Paris le 15 octobre 2010.

    1.1.2.4/ Des interrogations sur la compatibilit entre mondialisation et rciprocit

    La mondialisation de la production industrielle suscite des interrogations sur lapossibilit dappliquer le principe de rciprocit dans ce nouveau contexte. Ce derniersest dvelopp dans un environnement international profondment diffrent. Lesindustries taient encore rattaches un territoire dimplantation. Les bnficiaires de lamise en uvre de la rciprocit dans les changes taient identifiables.

    Aujourdhui la nouvelle mondialisation instaure des limites au principe derciprocit.

    La premire concerne le champ des changes. Environ un tiers du commercemondial rsulte de flux intra-groupes. Ces changes entre filiales de socitsmultinationales chappent la logique de la rciprocit. La seconde rsulte de la difficult dfinir lorigine dun produit. Le concept de relations commerciales bilatrales perd une

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    partie de son sens dans ce nouvel environnement issu de la mondialisation. Or larciprocit implique de pouvoir mesurer limpact des mesures prises sur des produits dontlorigine est identifiable.

    Ces volutions suscitent des dbats sur la pertinence et lefficacit dun principe derciprocit dans les changes qui sest dvelopp dans un contexte profondment

    diffrent.

    1.1.3/ Lindustrie europenne est confronte de multiples menaces

    1.1.3.1/ Une position toujours dominante de lindustrie europenne dans le monde

    Le maintien dune position importante de lindustrie europenne

    Il nexiste pas de dfinition de ce quest un Etat industriel. Mais la part de marchdes exportations de produits manufacturs, le pourcentage de la production industrielledans la valeur ajoute et celui de lemploi industriel dans lemploi total sont des critres quipermettent dapprcier limportance de lactivit industrielle dans un pays ou un zone.

    Lapplication de ces critres lUnion europenne met en vidence le maintien desa puissance industrielle en dpit de son recul rgulier depuis une trentaine danne.

    Lindustrie europenne regroupe 2,3 millions dentreprises, emploie environ 37millions de salaris, et produit plus de 1 900 milliards deuros de valeur ajoute par an.Elle a mieux rsist que dautres rgions lmergence de nouveaux concurrents. Avant

    la crise, en 2006, lUnion europenne reprsentait 21% des changes mondiaux deproduits manufacturs face aux Etats-Unis (13,8%) et au Japon (10,5%) dont le poids aconsidrablement rgress au bnfice notamment de la Chine qui a doubl sa parten 10 ans11.Le dficit des changes de produits manufacturs de lUnion europenne estrcent.

    Ainsi que le souligne le tableau ci-dessous, les indicateurs mentionns ci-dessusvarient selon la dfinition retenue pour lindustrie. Au sens strict, cest--dire en la limitantaux entreprises de fabrication, lindustrie reprsentait 16,8% de la valeur ajoute delUnion europenne en 2008. Au sens large (en y ajoutant les industries extractives, laproduction et la distribution dnergie et la construction), ce pourcentage slevait 26,5%.

    Selon sa dfinition, lindustrie europenne fait vivre entre 37 et 57 millions depersonnes. Si l'on prend en compte l'effet multiplicateur, chaque emploi dans l'industrieengendre environ deux emplois supplmentaires dans les services connexes.

    11Source : Etude du BEPA intitule Competitiveness industrial location (2006).

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    Lindustrie dans lEurope des 27

    % Valeurajoute

    brute (2008)

    Emploi (2008)% du total en millions

    Nombred'entreprises(en milliers) -

    2007Industries extractives 1 0,4 0,8 21

    Fabrication 16,8 16,8 37,0 2 323

    Production et distributiondlectricit, de gaz etdeau

    2,3 0,8 1,7 36

    Construction 6,4 8,4 17,0 3 090

    TOTAL 26,5 26,4 56,5 5470

    SOURCE :EUROSTAT

    Lindustrie europenne a galement multipli les succs sectoriels. En 2009,lUnion europenne demeurait lun des deux principaux producteurs mondiaux davionscivils grce EADS et ses filiales Airbus et Eurocopter confrontes la concurrence de

    Boeing. Elle occupe la seconde place en ce qui concerne laviation militaire europenneface la concurrence amricaine.

    LEurope est galement le deuxime producteur mondial dautomobiles avec prsde 17 millions de vhicules en 2010 selon lorganisation internationale des constructeursdautomobiles. LAllemagne produit 5,9 millions de vhicules, la France 2,2 millions etl'Espagne 2,4 millions (La France et lEspagne ont produit le mme nombre de voituresparticulires, mais la production espagnole de vhicules utilitaires est suprieure).Plusieurs des principaux groupes mondiaux dautomobiles (classement selon le CA,Fortune Global 500) sont europens: Volkswagen (2e), Daimler (5e), Renault-Nissan (6e).

    Avec la socit franaise Areva, lEurope dispose du leader mondial du nuclairecivil grce la matrise intgrale du cycle nuclaire : installation, gestion, retraitement.LUnion europenne est galement le principal producteur dnergies renouvelables de laplante. Elle possde 44 % de la puissance olienne installe dans le monde en2010, dont la plus grande partie produite en Allemagne et en Espagne12.

    Lindustrie pharmaceutique est galement lun des secteurs industriels phares delUnion europenne. La balance commerciale de lUnion europenne dans les changesde mdicaments est largement positive. Entre 2000 et 2009, l'excdent de lEurope enmatire de mdicaments a plus que doubl, passant de 15 37 milliards de dollars. Dansle mme temps, les tats-Unis ont vu leurs importations nettes de mdicaments bondir de

    2 17 milliards.

    12Source : The wind power

    http://fr.wikipedia.org/wiki/EADShttp://fr.wikipedia.org/wiki/Airbushttp://fr.wikipedia.org/wiki/Eurocopterhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Arevahttp://fr.wikipedia.org/wiki/Arevahttp://fr.wikipedia.org/wiki/Arevahttp://fr.wikipedia.org/wiki/Eurocopterhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Airbushttp://fr.wikipedia.org/wiki/EADS
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    Par rapport aux firmes amricaines (Microsoft, IBM,Apple,Sun, Intel...), le retardeuropen est important dans le domaine des technologies de linformation. Mais lUnioneuropenne possde encore le premier producteur mondial de tlphones mobiles (Nokiaest le premier fabricant mondial et la norme GSM est la plus rpandue) et dan