Rapport FINAL Janicot UNESCO- Le Rapport

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Rapport Jannicot 2013

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    Rapport au Ministre des Affaires trangres

    La France et lUnesco

    Daniel JANICOT

    21 Octobre 2013

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    Prcisment parce que lUnesco est une finalit pratique, laccord des

    esprits peut sy faire spontanment, non pas sur une commune pense

    pratique, non pas sur une mme conception du monde, de lhomme et de la

    connaissance, mais sur laffirmation dun mme ensemble de convictions

    dirigeant laction .

    Jacques Maritain, dlgu de la France, devant la Confrence gnrale de

    1947.

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    Lettre de mission de Monsieur Laurent Fabius, Ministre des affaires trangres

    28 fvrier 2013

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    Liste des personnalits consultes

    Monsieur Jean AUDOUZE, Prsident de la Commission Nationale Franaise pour lUnesco (CNFU)

    Monsieur Francesco BANDARIN, Sous-Directeur gnral pour la Culture lUnesco

    Madame Sonia BAHRI-GAISSET, Chef de section, section de la rforme et des politiques scientifiques, Secteur des Sciences exactes et naturelles,

    Unesco

    Monsieur Denis BESNAINOU, Expert national dtach auprs de lUnesco, secteur des Sciences humaines et sociales, programme MOST

    Madame Anne BISAGNI, Conseillre diplomatique de la Ministre de lEnseignement suprieur et de la Recherche

    Monsieur Jean-Pierre BLACKBURN, Ambassadeur, dlgu permanent du Canada auprs de lUnesco

    Madame Batrice BOISSON-SAINT-MARTIN, responsable du Ple Patrimoine mondial, Direction gnrale des patrimoines, ministre de la

    Culture et de la Communication

    Madame Irina BOKOVA, Directrice Gnrale de lUnesco

    Madame Jolle BOURGOIS, ancienne Ambassadrice de France lUnesco

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    Madame Lidia BRITO, Directrice de la division des politiques scientifiques et du renforcement des capacits, Secteur Sciences exactes et

    naturelles de lUnesco, ancienne ministre de la Recherche du Mozambique

    Madame Marianne de BRUNHOFF, Conseillre charge des rythmes scolaires, de l'enseignement artistique, de l'action culturelle, des relations

    avec les collectivits territoriales et de la carte scolaire au cabinet de la

    Ministre dlgue la Russite ducative, Mme George Pau-Langevin

    Monsieur Hubert de CANSON, Conseiller des Affaires trangres, Charg de mission auprs du Secrtaire gnral du Ministre des Affaires trangres

    Madame Claire CHASTANIER, Adjointe au sous-directeur des collections, Direction gnrale des Patrimoines ministre de la Culture et de

    la Communication

    Madame Catherine COLONNA, ancienne Ministre, ancienne Ambassadrice de France lUnesco

    Madame Brigitte COUTANT, Directrice de la Dlgation aux affaires institutionnelles, territoriales et internationales de lEtablissement public

    Universcience

    Madame Anne CROZAT, Sous-Directrice des affaires europennes et internationales, Secrtariat gnral, ministre de la Culture et de la

    Communication

    Monsieur Jean-Baptiste CUZIN, Chef du Bureau des Affaires internationales et multilatrales, Secrtariat gnral, ministre de la Culture

    et de la Communication

    Monsieur Yves DAUGE, ancien Snateur, Conseiller spcial auprs du Centre du Patrimoine mondial de lUnesco, Prsident de lAssociation des

    biens franais du Patrimoine mondial

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    Madame Vronique DAUGE, Chef de lUnit des Etats Arabes, Centre du Patrimoine mondial, Unesco

    Monsieur Gilles DELCOURT, Charg de mission, sous-direction des affaires europenne et internationales, Secrtariat gnral, ministre de la

    Culture et de la Communication

    Monsieur Jacques DUBUCS, Chef du secteur Sciences de lHomme et de la Socit, service Stratgie de la recherche et de linnovation, direction

    gnrale pour la recherche et linnovation, ministre de lEnseignement

    suprieur et de la Recherche

    Madame Stphanie DUPUY-LYON, Sous-directrice de la qualit du cadre de vie, Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, Direction

    gnrale de l'amnagement, du logement et de la nature, ministre de

    l'cologie, du Dveloppement durable et de lEnergie

    Madame Laurence ENGEL, Directrice de Cabinet de la Ministre de la Culture et de la Communication, Mme Aurlie Filippetti

    Monsieur Jrme ETIFIER, Charg de mission Patrimoine Mondial, Direction Gnrale de lAmnagement, du Logement et de la Nature,

    ministre de lEcologie, du Dveloppement durable et de lEnergie

    Monsieur Eric FALT, Sous-Directeur gnral pour les relations extrieures et linformation du public lUnesco

    Monsieur Bruno FAVEL, Chef du Dpartement des affaires europennes et internationales de la dlgation gnrale des patrimoines, ministre de la

    culture et de la Communication

    Monsieur Pierre-Antoine GATIER, Architecte en chef des monuments historiques, Prsident dICOMOS France

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    Madame Julie GODIGNON, Coopration audiovisuelle et journalisme, sous-direction de laudiovisuel extrieur et des technologies de

    communication, Direction gnrale de la mondialisation, du dveloppement

    et des partenariats, ministre des Affaires trangres

    Monsieur Jean GUGUINOU, ancien Ambassadeur de France lUnesco

    Madame Claudie HAIGNER, ancienne Ministre, prsidente de ltablissement public Universcience

    Madame Nada Al HASSAN, Spcialiste du Programme, Coordonnateur de linitiative pour la culture et le dveloppement, Secteur de la Culture de

    lUnesco

    Madame Marguerite HITIER, Responsable du Ple audiovisuel extrieur de la France, mission des changes culturels et de laudiovisuel extrieur,

    direction gnrale de la mondialisation, du dveloppement et des

    partenariats, ministre des Affaires Etrangres

    Madame Mireille JARDIN, Comit franais du Programme lHomme et la Biosphre, ancienne spcialiste de programme, Secteur des sciences exactes

    et naturelles (programme MAB), Unesco

    Madame Gretchen KALONJI, Sous-Directrice gnrale pour les Sciences exactes et naturelles de lUnesco

    Monsieur Janis KARKLINS, Sous-Directeur gnral pour la Communication et lInformation de lUnesco

    Monsieur David KESSLER, Conseiller aux Mdias et la Culture du Prsident de la Rpublique franaise

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    Monsieur Chrif KHAZNADAR, Prsident de la Maison des Cultures du Monde, prsident du Comit culture de la Commission nationale franaise

    pour lUNESCO

    Monsieur Stany KOL, ancien secrtaire de la Confrence Gnrale de lUnesco

    Monsieur Georges KUTUKDJIAN, ancien directeur de la Division des sciences humaines, de la philosophie et de lthique des sciences et des

    technologies, Secteur des Sciences humaines et sociales de lUnesco, doyen

    des mdiateurs de lUnesco

    Madame Marie-Christine LABOURDETTE, Directrice des Muses de France, Direction gnrale des patrimoines, ministre de la Culture et de la

    Communication

    Monsieur Pierre LANAPATS, Inspecteur des Affaires trangres, ministre des Affaires trangres

    Monsieur Jean-Paul LEFEVRE, Sous-directeur des changes culturels et de laudiovisuel extrieur, direction de la coopration culturelle,

    universitaire et de la recherche, direction gnrale de la mondialisation,

    ministre des Affaires trangres

    Monsieur Jean-Yves LE SAUX, Directeur adjoint du Bureau de la planification stratgique de lUnesco

    Monsieur Vincent LOUIS, Rdacteur au service des affaires francophones, direction des Nations Unies et des organisations internationales, ministre

    des Affaires trangres

    Monsieur Dov LYNCH, Conseiller au cabinet de la Directrice gnrale de lUnesco

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    Monsieur Charles MALINAS, Directeur de cabinet de la ministre dlgue auprs du Ministre des Affaires trangres, charge de la

    Francophonie, Mme Yamina Benguigui

    Monsieur Pierre MASQUART, Avocat au Barreau de Paris

    Madame Chlo MAUREL, Docteur en histoire contemporaine

    Monsieur Herv-Adrien METZGER, Conseiller Matre la Cour des Comptes, Directeur de laudit externe de lUnesco

    Monsieur Bernard MIYET, ancien ambassadeur, prsident de lAssociation franaise des Nations Unies

    Monsieur Jean MUSITELLI, ancien Ambassadeur de France lUnesco

    Monsieur Xavier NORTH, Dlgu gnral la langue franaise et aux langues de France, ministre de la Culture et de la Communication

    Monsieur Hans DORVILLE, Sous-Directeur gnral pour la planification

    stratgique, Bureau de la planification stratgique de lUnesco

    Madame Isabelle PALMI, Directrice dICOMOS France

    Madame Franoise de PANAFIEU, ancienne ambassadrice de France lUnesco

    Madame Maria del PILAR LVAREZ-LASO, Sous-Directrice gnrale pour les Sciences sociales et humaines de lUnesco

    Monsieur Jean-Franois PLARD, Conseiller technique du Ministre de lEducation nationale, charg des relations europennes et internationales,

    du suivi de l'enseignement l'tranger et des langues rgionales

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    Madame France QUEMAREC, responsable du ple coopration patrimoniale et formation, Direction gnrale des Patrimoines, ministre de

    la Culture et de la Communication

    Monsieur Jacques RAO, Directeur de la Division des relations avec les Etats membres et les Organisations internationales lUnesco

    Madame Franoise RIVIRE, ancienne Sous-Directrice gnrale pour la Culture lUnesco

    Monsieur Nicolas de RIVIRE, Directeur, Direction des Nations Unies, des organisations internationales des Droits de lHomme et de la

    Francophonie, ministre des Affaires trangres

    Monsieur Pascal ROGARD, Directeur Gnral de la Socit des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD), prsident de la Coalition franaise

    pour la diversit culturelle

    Monsieur Daniel RONDEAU, ancien Ambassadeur de la France lUnesco

    Monsieur Benot de SAINT CHAMAS, cabinet du Prsident-directeur de lEtablissement Public du Muse du Louvre

    Monsieur Elias SANBAR, Dlgu permanent de la Palestine lUnesco

    Madame Julie SAURET, charge de mission auprs du Sous-Directeur des changes culturels et de laudiovisuel extrieur, direction de la coopration

    culturelle, universitaire et de la recherche, direction gnrale de la

    mondialisation, ministre des Affaires trangres

    Monsieur Pierre SELLAL, Secrtaire gnral du ministre des Affaires trangres

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    Madame Catherine SOUYRI-DESROSIER, Politique de rgulation audiovisuelle, mission des changes culturels et de laudiovisuel extrieur,

    direction gnrale de la mondialisation, ministre des Affaires trangres

    Madame Katrina STNOU, Directrice de la Plateforme intersectorielle pour une culture de la paix et de la non-violence, Bureau de la Planification

    stratgique (BSP) de lUnesco

    Monsieur Qian TANG, Sous-Directeur gnral pour lducation de lUnesco

    Madame Marie-Ange THEOBALD, Spcialiste principale de la planification stratgique, Bureau de planification stratgique de lUnesco

    Monsieur Jacques TOUBON, Dlgu de la France pour la fiscalit des biens culturels, ancien Ministre

    Monsieur Justin VASSE, Directeur du Centre danalyse, de prvision et de stratgie, ministre des Affaires trangres

    Monsieur Gerrit VAN ROSSUM, Chef de service des Affaires francophones, direction des Nations Unies et des organisations

    internationales, ministre des Affaires trangres

    Madame Danile WOZNY, responsable du ple Patrimoine mondial, direction de la coopration culturelle, universitaire et de la recherche,

    direction gnrale de la mondialisation, ministre des Affaires trangres

    Madame Rama YADE, ancienne Ambassadrice de la France lUnesco

    Minja YANG, Prsidente, Raymond Lemaire International Centre for Conservation, Katholieke Universiteit Leuven, ancienne Directrice adjointe

    du Centre du Patrimoine mondial de lUnesco

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    Monsieur Alexandre ZIEGLER, Directeur du cabinet du Ministre des Affaires trangres

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    Remerciements Pour ltablissement de ce rapport, jai bnfici de laide et du

    soutien de David Fajolles, ancien lve de lEcole normale suprieure de la

    rue dUlm, jusqu rcemment Chef du Dpartement des tudes, de la

    prospective et des statistiques du ministre de la Culture et de la

    Communication et aujourdhui charg de mission auprs du Secrtaire

    gnral du mme Ministre. Il a exerc mes cts la fonction de

    rapporteur. Quil en soit infiniment remerci.

    Le Secrtaire gnral du ministre des Affaires trangres, M. Pierre

    Sellal, ainsi que M. Nicolas de Rivire, directeur pour les Nations Unies et

    les organisations internationales, nous ont accompagns tout au long de

    cette mission et nous les en remercions.

    Madame Laurence Engel, directrice de cabinet de la Ministre de la

    Culture et de la Communication, a galement prt une attention particulire

    nos travaux.

    Monsieur Gerrit Van Rossum a t notre interlocuteur constant et a

    mis notre disposition sa trs grande comprhension des enjeux actuels de

    lUnesco. Notre reconnaissance lui est acquise. Au sein de son service,

    Monsieur Vincent Louis a apport nos travaux son concours efficace et

    constructif : quil en soit remerci galement.

    Je voudrais remercier tout spcialement Chlo Maurel, Franoise

    Rivire et Stany Kol qui mont beaucoup apport dans le droulement de la

    mission, par leur connaissance de lUnesco.

    Un remerciement tout particulier pour Pierre Masquart qui a veill la

    cohrence du rapport.

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    Un mot de reconnaissance lquipe de Pro Cultura qui sest

    investie dans cette mission de rflexion et de propositions. Je veux citer

    Isabelle Levet, Martine Prault et Marion Le Bec qui nous ont

    accompagns, ont prpar les auditions et suivi le manuscrit. Sans elles, la

    date de remise du rapport naurait pas pu tre tenue.

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    Sommaire

    Lettre de mission du Ministre des Affaires trangres, Laurent Fabius, du 28 fvrier 2013

    Personnes consultes

    Remerciements

    Avant-propos

    INTRODUCTION

    PREMIERE PARTIE : La France et lUnesco, une relation privilgie

    1.1 La France, un Etat fondateur de lUnesco

    A. Un Etat prcurseur B. Un Etat organisateur C. Un Etat modrateur

    1.2 La France, le pays du sige de lUnesco

    A. Les btiments parisiens B. La langue franaise C. Les transferts financiers

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    DEUXIME PARTIE : La prsence de la France au sein de lUnesco

    2.1 Le rseau franais de lUnesco

    A. Les administrations

    B. Les oprateurs publics

    C. La Dlgation permanente

    D. La Commission Nationale Franaise

    2.2 La communaut franaise de lUnesco

    A. Le personnel franais de lUnesco

    B. Les partenaires franais

    C. Les Franais et lUnesco

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    TROISIEME PARTIE : Linfluence programmatique de la France

    3. 1. Une influence consolider sur les programmes existants

    A. La Culture : le secteur dominant de notre influence programmatique

    B. LEducation, un secteur sous-investi par la France

    C. Les Sciences exactes et naturelles, un secteur gratifiant pour linfluence franaise

    D. Communication & Information, un secteur au fort potentiel pour la France

    3.2. Quatre opportunits programmatiques saisir

    A. Proposer lUnesco une confrence internationale sur limpact du numrique sur la diversit culturelle et le

    financement de la cration

    B. Simpliquer dans la mise en place du Centre international sur les transformations sociales

    C. Clarifier la position de la France sur la lutte contre le trafic illicite face aux revendications de biens culturels

    D. Promouvoir la diversit linguistique par une recommandation sur lenseignement des langues

    trangres

    Vers une plateforme dvaluation nationale des programmes de

    lUnesco

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    QUATRIEME PARTIE : La France et lUnesco, une relation consolider

    4.1 Vingt mesures court et moyen terme

    A. Dix propositions pour renforcer la prsence de la France au sein de lUnesco

    B. Dix prconisations pour relancer linfluence de la

    France au sein de lUnesco

    4.2 Trois initiatives moyen et long terme

    A. Une initiative politique : vers une refondation de lUnesco

    B. Une initiative intellectuelle : vers une plateforme nationale dvaluation des programmes

    C. Une initiative institutionnelle : pour un dispositif repens articulant Dlgation permanente et Commission nationale

    CONCLUSION

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    AVANT-PROPOS

    Le 28 fvrier 2013, il ma t demand par Laurent Fabius, ministre

    des Affaires trangres dtablir un rapport sur ltat actuel et les

    perspectives de dveloppement de la relation entre la France et lUnesco.

    Lobjectif est clair : il sagit dvaluer les conditions dans lesquelles cette

    relation privilgie pourrait tre approfondie .

    Cette valuation a t conduite dans un tat desprit constructif.

    Comme nous la demand Monsieur Laurent Fabius au moment de nous

    confier cette mission, cette valuation est destine sassurer que la France

    exerce ses responsabilits lgard de lUnesco et identifier les conditions

    pour quelle les exerce de manire encore plus optimale.

    Cette ambition a t rappele Madame Irina Bokova, Directrice

    Gnrale de lUnesco, qui nous a reus le 28 juin 2013. Au cours de cet

    entretien, le rle historique de la France a t remmor et lengagement de

    notre pays au soutien de lOrganisation a t soulign. Des perspectives ont

    t ouvertes sur la meilleure faon, pour notre pays, de rpondre aux

    attentes de lUnesco. Cet entretien nous a conforts dans la certitude quune

    action concerte entre la France et la Directrice Gnrale est lune des cls

    du succs pour lUnesco.

    Parce que lUnesco est un sujet dtude complexe et difficile, il a t

    ncessaire de procder de nombreux entretiens, afin dapprocher au plus

    prs la ralit des questions souleves. Ces entretiens ont tous t

    enrichissants. Ils lont t dautant plus que tous nos interlocuteurs taient

    conscients que lUnesco tait entre dans une priode de son histoire

    particulirement difficile.

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    Un mandat complexe et difficile.

    Il lest dautant plus quil nexiste aucune tude exhaustive sur la

    relation de la France et de lUnesco, mme sil existe quelques ouvrages

    franais de rfrence sur lhistoire de lOrganisation. Deux ouvrages

    universitaires ont trait de notre sujet : celui de Galle Barreau sur La Politique Franaise lUnesco : 1958 1969 (mmoire de matrise sous la direction de R. Franck, 2002, Paris I), et celui dIris J. Bhrle consacr La France et lUnesco de 1945 1958 (mmoire de master sous la direction de

    M. Vasse, IEP, 2005-2006). eux deux, ils couvrent la priode 1945-1969.

    ces publications, il faut ajouter le livre de Chlo Maurel, publi en 2010

    et qui traite de lUnesco pendant les trente premires annes de son

    existence. Afin de disposer dlments plus rcents, nous avons demand

    Chlo Maurel une note retraant lhistoire de la relation entre la France et

    lUnesco et nous avons complt cette demande par un texte que Franoise

    Rivire a rdig sur la priode allant de M. MBow jusquau premier

    mandat de Mme. Bokova. Franoise Rivire est sans doute la personnalit la

    mieux mme de traiter de cette priode, couverte par le dlai de protection

    des archives, puisquelle a t notamment Directrice de Cabinet de M.

    Matsuura. Que leurs deux auteurs soient remercis pour la qualit de leurs

    analyses et leur disponibilit.

    Il lest galement par ce que beaucoup de tmoins qui ont fait vivre cette

    relation ne sont plus aux affaires ou ont disparu. Il y a donc une question de

    conservation de la mmoire de cette histoire privilgie. Heureusement,

    nous avons pu dialoguer avec un certain nombre de nos ressortissants, qui

    ont servi dans le Secrtariat et qui sont aujourdhui la retraite. Nous leur

    exprimons notre reconnaissance, notamment M. Stany Kol, pour les notes

    et les tmoignages quils nous ont fait parvenir.

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    Il lest enfin, parce que tout ce qui touche lUnesco soulve, de la

    part des interlocuteurs, des passions et des polmiques. Cette confusion des

    esprits dj dcrite par Albert Cohen pour la SDN est encore vive dans

    les organisations internationales. Mais lUnesco y est particulirement

    expose : les rumeurs, les indiscrtions, les manuvres y ont lu domicile et

    il faut savoir faire la part des choses. Nous avons dailleurs t surpris par la

    vivacit de certaines ractions. La personnalit des Directeurs Gnraux

    suscite des ractions encore trs vives, parfois bien aprs quils ont quitt

    leurs fonctions. Beaucoup de commentaires colportent des rumeurs ou des

    informations fausses. Cet tat de fait - dont il ne faut pas salarmer mrite

    quelques observations.

    Les personnels des Dlgations permanentes, les personnels du

    Secrtariat ne disposent que dune information parcellaire ou trs technique

    sur les activits de lOrganisation. Il leur est trs difficile de percevoir les

    politiques menes dans leur ensemble. La plupart dentre eux ne disposent

    pas dune vision globale des activits de lUnesco, privilge rserv au

    Directeur Gnral et ses collaborateurs les plus proches. Il y a l une

    difficult. Si des efforts ont t faits pour la communication externe

    lUnesco, les procdures dinformation internes ne sont ni suffisantes, ni

    efficaces. Les secteurs de soutien et de services ne connaissent gure ce que

    font les secteurs de programmes et rciproquement, en dpit des efforts

    notables raliss rcemment. Cette dfaillance des procdures dinformation

    interne rend donc difficile la lecture de ce qui se fait vraiment lUnesco et

    de ce que les personnels peroivent et comprennent du jeu institutionnel.

    Cest pourquoi nous avons privilgi la formule des entretiens plutt

    que le recours aux textes et aux documents.

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    Ces entretiens ont ainsi rendue trs vivante la mission. En les

    croisant, il a t possible de dgager une vue densemble de ce qui se passait

    au sein de lOrganisation, mme si ont survcus de nombreux angles morts.

    Nous avons ainsi pu auditionner quelque 80 personnes, choisies avec

    discernement. Ces personnalits relvent de gnrations diffrentes,

    dhorizons distincts. Elles pratiquent le franais et/ou langlais. Elles sont un

    chantillon de la diversit qui caractrise lUnesco. Diverses, elles ont

    cependant le sentiment dappartenir a une seule communaut . Il nous a paru

    intressant de faire figurer cette liste en ouverture du rapport.

    Des auditions cibles et approfondies.

    Ces personnalits auditionnes avaient toutes un lien spcifique avec la

    France et ont ainsi pu tmoigner de ltat de la relation, privilgie, entre la

    France et lUnesco. Ces personnalits se sont rendues disponibles et ont

    parl avec franchise.

    Ont t auditionns presque tous les Dlgus Permanents franais

    qui se sont succds depuis 1990 ainsi que les Dlgus Permanents

    dautres Etats, soit dans un cadre officiel, soit de faon officieuse. Certains

    ont souhait ne pas tre mentionns.

    Le personnel franais du Secrtariat, le personnel concern des

    administrations franaises ayant en charge lUnesco au titre de leurs

    ministres, des responsables dONG ou dorganismes associs lUnesco,

    des personnalits qualifies nous ont apport leurs analyses et leurs

    recommandations. Il faut ici mentionner lassistance, dont nous avons

    profit, des anciens fonctionnaires de lUnesco.

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    Nous sommes conscients de navoir pas pu tre exhaustifs compte

    tenu du dlai assign notre mission et nous avons fait des choix. Beaucoup

    de demandes dentretien volontaires nous sont parvenues, mesure que

    linformation sur lexistence de cette mission se diffusait lintrieur du

    Secrtariat. Nous navons pas pu donner satisfaction toutes ces demandes.

    * Les personnalits les mieux indiques pour parler de la relation

    entre la France et lUnesco taient les Ambassadeurs qui ont exerc les

    fonctions de Dlgus Permanents de la France. Ceux-ci ont parl de faon

    claire et intressante. Pourtant leurs origines professionnelles, leurs histoires

    personnelles taient trs diffrentes les unes des autres. Tous ont t

    marqus par leur passage lUnesco. La plupart ont regrett de ne pas y tre

    rests plus longtemps. Chacun dentre eux a soulign la grande complexit

    du systme Unesco. Enfin, ils ont tous appel ce que de nouvelles

    initiatives de la France soient prises dans un contexte proccupant pour

    lavenir de lorganisation auprs de laquelle ils ont servi. Quelques

    remarques leur sujet : outre la brivet du mandat de certains, la

    circonstance de leurs remplacements a t parfois brutale ; les modalits de

    leur remplacement ont empch la plupart dentre eux de bnficier dune

    transmission de tmoin entre prdcesseur et successeur. Cest la loi des

    mutations diplomatiques, mais elle fait perdre chaque nouvelle nomination

    un savoir, une exprience, des contacts et des rseaux qui sont difficiles

    accumuler lUnesco. Le rle du Dlgu Permanent adjoint en tant

    quchelon dadministration permanente qui assure la continuit entre les

    Ambassadeurs qui se succdent en devient encore plus crucial.

    * Le personnel du Secrtariat nous a paru trs distanci lgard de

    notre pays. Certains dentre eux russissent tisser des liens avec des

    correspondants franais. Beaucoup dclarent souffrir dun dficit de contact,

    de communication, voire se plaignent dun manque de considration de la

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    France et des Franais leur gard. Une certaine rsignation gouverne leurs

    comportements et ils mesurent leur attachement aux satisfactions quils

    obtiennent de la France. Cest sans doute leur sujet quun changement

    important dans la relation entre la France et lUnesco peut tre not. Le

    personnel de lUnesco a t longtemps un relais privilgi de notre

    influence. Une parent desprit et dambition, une sympathie pour un pays

    daccueil gnreux et dynamique et bien dautres facteurs ont jou pour

    crer une certaine symbiose. Les positions adoptes par la France taient

    aussi apprcies par un personnel en provenance de pays en voie de

    dveloppement. Toutes ces attitudes favorables la France ne sont plus

    aussi fortes et aussi partages quil y a encore une dcennie : a eu lieu un

    dcrochage quil faudrait analyser plus en dtail.

    * Ce dcrochage lgard de notre pays se ressent tout

    particulirement chez les ressortissants franais membres du Secrtariat.

    Ceux-ci souffrent dun sentiment de dcouragement et de solitude. Ils se

    sentent oublis par nos administrations et par la Dlgation permanente.

    Cest un ressenti largement partag. Il y a l sans doute une piste

    explorer : la Dlgation permanente pourrait tre plus attentive la situation

    de nos fonctionnaires. Certes, il y a le principe dontologique qui sapplique

    chaque fonctionnaire international : il doit servir lOrganisation et rester

    indpendant de son pays dorigine. Toutefois cette rgle est transgresse par

    les ressortissants trangers qui travaillent au sein du Secrtariat. Ceux-ci

    aident souvent leurs dlgations un peu perdues dans le ddale complexe de

    lUnesco. Il y a galement la solidarit entre les ressortissants autour de

    leurs groupes rgionaux. Il ny aura bientt que les Franais pour rester

    lcart de leur pays Dune faon plus gnrale encore, il faut quand mme

    rappeler ceux qui se lamentent quils jouissent dune situation privilgie

    et enviable. Un discours qui les ramne la ralit est, pour certains,

    ncessaire et salutaire : ils bnficient de salaires trs confortables,

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    disposent dune immunit diplomatique dans lexercice de leurs fonctions,

    et jouissent dune quasi exonration fiscale qui, si elle a t discute un

    temps, est maintenant confirme et clarifie. En effet, la France a adhr en

    1999 la Convention sur les privilges et immunits des institutions

    spcialises des Nations Unies, sans rserve dordre fiscal. Tous ces

    avantages, auxquels sajoutent des conditions de travail plutt confortables

    et un rythme de travail plutt agrable, doivent tre rappels la mmoire

    de ceux qui se plaignent sur leur sort. Bien entendu, un grand nombre de nos

    ressortissants font honneur la France, travaillant avec enthousiasme et se

    dvouant leur tche. Mais ce nest hlas pas la totalit.

    * Sagissant des reprsentants des Etats membres, leurs sentiments

    envers la France restent partags. Dun ct, ils saluent lattitude de la

    France quand elle sexprime devant les organes dirigeants voire les

    nombreux organes techniques et consultatifs. Ainsi de lAmbassadeur du

    Canada auprs de lUnesco qui dlivre la Dlgation franaise le prix de

    lexcellence. Il sera le seul cit dans notre rapport mais un tel compliment

    ne pouvait passer inaperu : il nous a signal combien les positions

    franaises taient bien prpares comparativement celles dautres Etats

    membres et combien la France tenait son rang dans les activits du

    Secrtariat. linverse, dautres Dlgus Permanents regrettent un temps

    (quils nont pas vcu) o la France tait davantage prsente, voire

    omniprsente. Ils montrent du doigt un certain loignement, une certaine

    distance quils dplorent. Selon eux, la France aurait chang son attitude

    lgard de lUnesco.

    La drive bureaucratique, les difficults de gouvernance, la faiblesse

    des programmes, labsence de vritables rformes, la baisse de niveau des

    spcialistes de programmes, la cration de baronnies fermes et opaques,

    toutes critiques entendues ne sont videmment pas imputables la France.

  • 28

    Elles relvent directement de la responsabilit de tous les Etats qui, dans de

    nombreuses occasions, bloquent les rformes, paralysent la Direction

    Gnrale et demandent toujours plus de contrles et dvaluations au

    dtriment des programmes eux-mmes.

    Mais pour beaucoup de Dlgus Permanents, la France a une

    responsabilit spcifique, un rle tutlaire qui lui imposent de ragir, de

    simpliquer, de dgager des solutions et des moyens. Et ils estiment quelle

    nassume pas entirement ses obligations nes et constitutives dune relation

    privilgie entre la France et lUnesco.

    Le monde a chang depuis lge dor de linfluence franaise qui

    sest concrtis avec le mandat de Ren Maheu. De nouveaux Etats sont

    apparus, certains devenus de nouvelles puissances politiques et

    conomiques. Certains ont dvelopp leurs capacits endognes et nont

    plus besoin de lUnesco autant que sous cet ge dor . Ils deviennent

    leur tour, pays dexpertise, bailleurs de fonds, modles de dveloppement.

    Parce que lUnesco nest plus aussi incontournable, la France garde son

    influence mais devient moins indispensable. Cest ce langage de vrit qui

    doit nourrir les rapports avec les Dlgations permanentes. Moins de

    sentimentalit et plus de ralisme devront sans doute qualifier lavenir des

    relations de la France avec lUnesco.

    Il faut souligner que la plupart des personnes interroges ont fait

    allusion la circonstance que le prcdent Chef de lEtat ntait pas venu

    honorer de sa prsence lorganisation internationale. Cette situation, en

    effet, ne stait jamais produite. Tous les Chefs dEtat franais successifs se

    sont rendus au moins une fois lUnesco, y compris Charles de Gaulle.

    Cette distance a rendu trs inconfortable le travail de la Dlgation

    permanente, a dstabilis le personnel franais du Secrtariat et a dcourag

    les fonctionnaires de lEtat engags dans la relation entre la France et

  • 29

    lUnesco. Il tait temps de mettre fin une situation indite, interprte de

    faon ngative par les Etats membres.

    Trois initiatives rcentes sont venues gommer sinon effacer cette

    impression ngative :

    - La premire est le dplacement, le 5 juin 2013, de Franois Hollande en sa

    qualit de Chef de lEtat, au sige de lUnesco, pour y recevoir le prix

    Houphout-Boigny pour la paix : initiative apprcie et trs commente.

    - La seconde est la prise en charge par la France du dossier culturel malien

    grce la gestion nergique de notre Ambassadeur, Daniel Rondeau, salue

    par tous, et qui a bnfici du soutien de la Directrice Gnrale et de la

    Ministre de la Culture. linitiative du ministre des Affaires trangres,

    Irina Bokova a accompagn le Prsident de la Rpublique dans son

    dplacement au Mali, la suite de la journe de solidarit organise le 18

    fvrier 2013 par lAmbassadeur Daniel Rondeau, dune tribune commune

    cosigne par Irina Bokova, Aurlie Filippetti et Bruno Maga, et la mise en

    place dun plan daction associant les ministres techniques comptents

    pour la sauvegarde du patrimoine et un renforcement de la lutte contre les

    pillages et le trafic illicite de biens culturels.

    - La troisime enfin, est linitiative de Laurent Fabius de commander le

    prsent rapport sur la relation entre la France et lUnesco et qui, par le seul

    fait quun processus de consultation ait t engag, reoit un cho favorable

    et un soutien important.

    Ce bouquet dinitiatives et dautres gestes comme les visites

    rendues par les ministres concerns du Gouvernement - ont dj marqu les

    esprits et modifi un peu les perceptions diffuses que nous venons de

    dcrire, au profit dun sentiment positif lgard dune reprise dinitiative

    possible de la part de la France.

  • 30

    Un contexte exceptionnel et grave.

    Il faut enfin rappeler que notre mission de rflexion et de propositions

    sest droule dans un contexte trs particulier qui est celui de la crise de

    financement de lOrganisation. La suspension par les Etats-Unis et Isral du

    paiement de leurs contributions ordinaires au budget de lOrganisation

    replonge lUnesco dans des difficults quelle avait connues aprs le retrait

    des Etats-Unis en 1984 suivis par la Grande Bretagne en 1985, mme si les

    deux situations ne sont pas en tous points comparables. Ce nest certes pas

    ce seul contexte budgtaire qui est lorigine de linitiative du Ministre des

    Affaires trangres. Mais bien videmment cette initiative ne pouvait tre

    dveloppe sans que soient pris en considration les lments de cette

    situation. Une rflexion sur la relation France-Unesco tait indispensable.

    Elle en devient encore plus lgitime compte tenu de la gravit de la situation

    de lagence. Nous avons cependant veill ce que lanalyse ne soit pas

    prempte par les seules considrations de gestion, de financement et de

    trsorerie. Celles-ci nous ont t amplement dtailles, ainsi que les effets

    attendus de la session extraordinaire du Conseil Excutif du 4 juillet 2013.

    Une dramatisation est luvre qui trouble latmosphre gnrale, rend

    difficile lexercice de lucidit et freine dans leurs lans les responsables de

    projets, qui sont paralyss et nosent pas avancer.

    Cette dramatisation est en partie justifie.

    Toutefois, il faut aussi garder prsente lesprit la capacit de rsilience

    de ces grandes organisations internationales. Le retrait des Etats-Unis en

    1984 avait eu des consquences financires du mme ordre que celles dont

    on parle aujourdhui. Des licenciements importants sont intervenus. Des

    annulations de programme ont eu lieu. LUnesco sest adapte plutt bien

    que mal. On peut aussi considrer que la crise actuelle que connat lUnesco

  • 31

    offre loccasion de voir des rformes trop souvent reportes enfin mises en

    uvre.

    Mais cette prise de recul, aussi ncessaire quelle soit, est difficile

    voquer tant les acteurs de lUnesco se laissent submerger par les mauvaises

    nouvelles, les annonces catastrophes et les stratgies dvitement, normales

    dans ces situations.

    *

    * *

    Nous sommes trs conscients que lexercice que nous avons conduit ne

    permet pas, dans un dlai si court, de conduire une analyse exhaustive,

    dfinitive et systmatique.

    Le rapport qui suit constitue donc une tape qui appelle un

    approfondissement et des tudes plus dtailles le cas chant. Ce rapport a

    initi une dynamique. Nous avons privilgi un document stratgique,

    ouvert vers lavenir, sans langue de bois et mettant laccent sur les vraies

    difficults ainsi que les atouts importants dont la France peut disposer

    lUnesco. Le rapport contient des clairages et des ouvertures sur ce qui

    nous a paru essentiel. Il comprend une vingtaine de propositions, de

    prconisations et de recommandations, et trois initiatives qui sont destines

    aux autorits politiques franaises qui nous ont demand ce rapport, et dont

    lensemble constitue une vision renouvele de la relation stratgique de la

    France et de lUnesco.

  • 32

    INTRODUCTION

    Oui, il existe une relation particulire entre la France et lUnesco et

    cette relation a t longtemps privilgie. Elle sest construite dans le temps

    et a connu des tapes positives et des priodes plus difficiles.

    Cette relation na pas t linaire. Il y a eu des changements de

    rythme : ainsi, pendant le mandat de Ren Maheu, la France a t

    omniprsente, hyperactive et crative. linverse, sous le mandat de

    Amadou-Mahtar MBow, il semble que la relation de lUnesco avec la

    France se soit relche et ait connu une relative priode de latence.

    La vie dune organisation internationale est ainsi faite de moments

    privilgis et de quotidiens dcevants. La France et lUnesco ont dans

    souvent sur le mme rythme, parfois sur des rythmes diffrents.

    Ce couple, toutefois, na jamais volu dans lindiffrence. La

    relation entre lUnesco et lun de ses Etats fondateurs qui avait accueilli son

    sige, est reste un des axes, sinon laxe autour duquel la vie de cette

    organisation sest droule et structure.

    Il y a dans la relation privilgie entre la France et lUnesco

    quelques aspects qui rappellent la relation entre la France et lAllemagne.

    Cest la dynamique commune de ces couples qui permet dimpulser le

    mouvement de lensemble international pour lUnesco, europen pour la

    France et lAllemagne.

    Trois remarques doivent tre faites quand on aborde cette dynamique

    relationnelle :

  • 33

    - La premire part du constat selon lequel la relation entre la France et

    lUnesco est ne dans un contexte historique trs particulier, celui de

    limmdiat aprs-guerre. Les esprits de cette poque taient en droit de tout

    imaginer car tout tait envisageable : la paix, la dmocratie, lunit du

    monde, la prvalence de la culture, la science source du progrs de

    lhumanit et tant dautres rves dune humanit runie enfin dans la paix.

    LActe constitutif de lUnesco a t rdig dans cet esprit, dans cet tat

    desprit o tous les espoirs semblaient fonds. Lhumanit pouvait

    redmarrer en ayant purg ses dmons ; il suffisait dagir sur les esprits,

    pour que les esprits soient acquis la paix et la prosprit.

    Des intellectuels, des savants et des politiques communiaient dans un

    langage et une esprance communs, soulevant lenthousiasme et faisant

    lunanimit. Pour illustrer cette charge utopique, rappelons que Lon Blum

    demandait lUnesco de gnrer une culture mondiale unique ou bien

    dagir sur la condition spirituelle des peuples et des individus . Archibald

    McLeish demandait lUnesco dtre la conscience morale de

    lhumanit et sous limpulsion des Franais, lide se rpandit que cette

    organisation, aux buts si levs, devait tre dirige par une lite : dix

    personnalits de premire grandeur selon Clarence E. Beeby, une

    poigne de grands hommes selon William B. Benton, un rseau

    dhommes suprieurs, collaborant en contact troit avec lorganisation

    selon Paulo Estevo de Berredo Carneiro.

    Ce rappel permet de mieux mesurer le caractre inou de cette

    poque, qui voyait merger une organisation portant un rve, jamais atteint

    et partag par tous, dune paix dfinitive, fonde sur lducation, la culture

    et la science. La France a t trs implique dans cette mergence dun idal

    universel en apportant exprience, ides et personnalits. Plus que tout autre

    Etat, elle a port sur les fonts baptismaux, la petite dernire du systme des

    Nations Unies. Avec le recul, on peroit mieux combien cette Organisation

  • 34

    tait conue par les Occidentaux, et que lUnesco a t, son origine, une

    projection de la vision occidentale du monde. Il y a comme une surprise

    voir les Etats associs sa cration tre convaincus de la valeur

    universelle de leurs idaux, de leurs convictions et de leurs propositions,

    alors que se prparaient de grands soubresauts de lhistoire, ouvrant la porte

    lmergence dautres Etats, dautres cultures, dautres nations et

    dautres intrts. Une humanit qui ne serait pas unique mais divise,

    plurielle et mieux quilibre se prparait prendre lUnesco la place qui

    lui tait due.

    - La seconde considration dcoule de ce qui vient dtre dit. La

    relation entre la France et lUnesco a volu sans jamais tre menace. Cette

    relation est privilgie prcisment par ce quelle sest inscrite dans la

    longue dure et quelle na jamais t rompue ou interrompue. Cette relation

    sest trs vite retrouve plonge dans les fractures de la Guerre Froide, les

    bouleversements de la dcolonisation, lmergence du Tiers Monde,

    leffondrement du bloc sovitique, la runification de lEurope, les avances

    de la dmocratie, les envoles des pays mergents, lampleur de la

    mondialisation, du numrique et des rseaux sociaux Et elle a survcu

    tous ces chocs historiques.

    LUnesco a fait preuve dune rsilience forte et dune trs grande

    capacit dadaptation. Elle a survcu des vnements graves qui auraient

    pu la voir exploser. Mais il est vrai que si lUnesco a travers ces

    bouleversements, elle a t prise en otage de multiples reprises. Qui se

    souvient que lUnesco a connu lexprience du retrait, certes provisoire, en

    1952, de la Pologne, de la Tchcoslovaquie, et de la Hongrie, en signe de

    protestation contre ladmission de la Rpublique Fdrale dAllemagne ?

    Elle a connu en 1954 une chasse aux sorcires sous la pression de

    ladministration amricaine. Elle na pas su viter les dparts de lAfrique

    du Sud en 1955 et du Portugal accus de colonialisme en 1971. Et enfin, au

  • 35

    1er janvier 1985, les Etats-Unis se sont retirs jusquen 2003, suivis par la

    Grande-Bretagne qui avait donn lUnesco son premier Directeur Gnral.

    Et aujourdhui, elle est confronte nouveau aux consquences graves de la

    dcision des Etats-Unis et dIsral de suspendre le paiement de leurs

    contributions ordinaires. Bien videmment cette dernire crise trouvera son

    dnouement une plus ou moins longue chance. En dpit de toutes ces

    preuves, lUnesco est reste vivante et debout. Mais ce qui frappe cest

    que, dans ce flux ininterrompu de mutations et de bouleversements, la

    France a conserv sa relation privilgie avec lUnesco. Cela sexplique par

    le fait que la France a toujours considr lUnesco comme une organisation politique, symbolique et stratgique.

    - Une organisation politique, lUnesco lest par essence. Ne de la politique, elle est en dehors de lONU elle-mme lagence des Nations

    Unies la plus politique. Son mandat, son caractre intergouvernemental, ses

    personnels et ses programmes sont politiques et non techniques. Cest une

    erreur danalyse que de croire que lducation, la culture, la science et la

    communication sont des donnes techniques et non politiques. Tous les

    jours lactualit le dmontre et en particulier lactualit de lOrganisation.

    La rvision des curricula palestiniens, la sauvegarde de Jrusalem, lavenir

    de leau, la libert de la presse, par exemple, sont autant des questions

    politiques que des questions de programme. La lecture du programme de

    lUnesco offre de multiples illustrations de cette dimension de lUnesco

    dont la France a toujours t consciente. Tous les Prsidents du Conseil,

    puis de la Rpublique lexception dun seul ont t vigilants et

    proactifs sagissant de lUnesco. La France a beaucoup aid cette

    Organisation surmonter ses preuves et traverser les obstacles. On y

    reviendra. Mais citons deux exemples :

  • 36

    Labandon du NOMIC (Nouvel ordre mondial de linformation et de la communication) fut un chef-duvre de ngociation avec le

    groupe des 77. Cest lAmbassadeur de France dalors, agissant avec

    le plein soutien du Directeur Gnral de lpoque, Federico Mayor,

    qui obtint cet abandon, exig par les Etats-Unis, pour leur retour au

    sein de lUnesco. Et cest Franois-Rgis Bastide qui trouva la

    compensation que constituera le PIDC, le Programme

    international pour le dveloppement de la communication.

    La ngociation devant aboutir lapprobation de la Convention de 2005 sur la diversit des expressions culturelles, a t couronne de

    succs grce notamment lhabilet et au savoir-faire de deux

    Ambassadeurs de France qui se sont succds, Jean Musitelli et Jean

    Guguinou. Ce parcours exemplaire a t un modle de compromis

    politique et une initiative conventionnelle porter au crdit de notre

    pays.

    - Une organisation symbolique, cest vident. Ce qui se passe lUnesco va bien au-del des activits que lon y mne. LUnesco est une

    place symbolique universelle. Son autorit est immense. Le monde ne

    peroit pas ses blocages, sa bureaucratie, ses luttes internes. On peut mme

    dire que, lexception du patrimoine mondial, des rserves de biosphre, du

    patrimoine immatriel, le monde ne peroit lactivit de lUnesco que de

    trs loin, de faon confuse et avec un intrt trs limit. Mais lUnesco est

    mondialement connue par ce quelle est un symbole commun, partag par

    toute lhumanit. Ainsi, pour ne donner quun exemple : ladministration de

    la Palestine a choisi lUnesco pour entrer dans lunivers des Nations Unies

    comme un Etat de plein exercice et non plus sous un statut dEtat associ.

    En visant lUnesco, les Palestiniens ont privilgi la dimension symbolique

    une dimension dont la France sest toujours voulu galement porteuse,

  • 37

    avec son attachement lesprit des Lumires, la force de la culture,

    limportance des Droits de lHomme et aux valeurs dmocratiques. Or cest

    prcisment ce corpus de valeurs partages qui donne lUnesco son poids

    symbolique. Cette confluence sincarne dans le fait que la France soit lEtat

    du sige.

    - Une organisation stratgique aux yeux de la France, cela est aussi une vidence. Ne serait-ce que par lusage de notre langue, le franais, une

    des six langues officielles de lUnesco et une des deux langues de travail.

    LUnesco est une arne essentielle pour y jouer le multilinguisme et donc la

    place du franais dans le monde ; ne serait-ce que parce que lUnesco est la

    seule organisation importante du systme des Nations Unies avoir Paris

    pour sige et linscrire comme place internationale - un moment o la

    dynamique de ces places est soumise des pressions trs fortes de nouveaux

    Etats.

    *

    * *

    Ainsi, la relation privilgie entre la France et lUnesco est un fait

    tabli, une ralit tangible et une situation acquise. Il y avait longtemps que

    cette relation navait pas t soumise un examen attentif et une rflexion

    prospective. Car si lesprit de ce rapport est dvoquer le pass et le prsent,

    il nous a paru essentiel de rflchir au futur de cette relation entre la France

    et lUnesco.

    LUnesco est une composante de notre politique dinfluence. Elle

    permet notre pays de faire parvenir prs de 200 Etats ses messages

    politiques et ses ambitions pour lavenir. Le prsent rapport doit tre

  • 38

    rattach cette vision prospective de la politique trangre de la France.

    Cest au fond une dmarche de mme nature que celle qui a conduit le

    Prsident de la Rpublique, en 2012, sinterroger sur lavenir de la relation

    transatlantique1.

    Le prsent rapport rappelle dans une premire partie ce qui est

    lorigine de cette relation privilgie : la France a dune part le statut dun

    Etat fondateur. Elle est dautre part, le pays du sige de lUnesco. Cette

    double qualit a suffi fonder cette relation sur des bases exceptionnelles.

    Dans une seconde partie, le rapport analyse comment cette relation

    pourrait tre approfondie en termes de prsence institutionnelle de la France

    au sein de lUnesco.

    Dans une troisime partie, le rapport cherche valuer linfluence de

    la France sur les programmes de lUnesco.

    Enfin, dans une quatrime partie, sont formuls les lments dune

    stratgie franaise pour lUnesco.

    1 Hubert Vdrine, Les consquences du retour de la France dans le commandement militaire intgr de lOrganisation du Trait de lAtlantique Nord (OTAN), lavenir de la

    relation transatlantique et les perspectives de lEurope de la dfense , novembre 2012.

  • 39

    PREMIERE PARTIE : La France et lUnesco : une relation privilgie

    1.1 La France, un Etat fondateur de lUnesco A. Un Etat prcurseur B. Un Etat organisateur C. Un Etat modrateur

    1.2 La France, le pays du sige de lUnesco A. Les btiments parisiens B. La langue franaise C. Les transferts financiers

  • 40

    Aux cts dun petit nombre dEtats fondateurs, la France a jou un

    rle dterminant dans la cration puis dans le dveloppement de cette

    institution. Des liens troits se sont tisss entre les scientifiques, les

    intellectuels franais et les politiques chargs de tracer les contours de

    lUnesco.

    Notre diplomatie a t conqurante. Nos conceptions culturelles ont

    t prises en considration. LUnesco a t en partie faonn par la France.

    Et lon peut affirmer quaucune autre agence spcialise du systme des

    Nations Unies na connu une telle complicit, une telle proximit avec lEtat

    qui devait laccueillir.

    Cest cette situation exceptionnelle qui a confr la France un

    statut spcifique : celui dun Etat fondateur de lUnesco. Et cest cette

    situation qui explique que la France ait t choisie pour accueillir le sige de

    la nouvelle organisation.

  • 41

    1.1 La France, un Etat fondateur de lUnesco

    LUnesco a t cre Londres, en novembre 1945, par un ensemble

    dEtats dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France.

    Ses statuts furent le rsultat de ngociations difficiles et traduisent un

    compromis final dans lequel la France a jou un grand rle. Ne dun

    compromis politique, lUnesco a gard, depuis ses origines, cette culture du

    compromis qui encore aujourdhui est sa marque de fabrique.

    Une personnalit a jou un rle dterminant dans la conduite des

    ngociations : Lon Blum, qui a dirig la dlgation franaise Londres.

    LUnesco daujourdhui lui doit beaucoup. Et il me paratrait judicieux que

    son souvenir soit mieux associ aux origines de lUnesco.

    La France aura jou, au sein dun groupe restreint dEtats fondateurs,

    un rle trs important dans le processus de cration de lorganisation, en

    imprimant sa marque lors des diffrentes tapes qui ont conduit laccord

    intergouvernemental. Il faut donc, en prambule aux rflexions qui vont

    suivre, mettre en vidence les apports de la France, qui lui sont spcifiques,

    pour bien comprendre pourquoi il est fait tat dune relation privilgie

    entre la France et lUnesco.

    Linfluence franaise sest dabord fait sentir au moment de la

    rdaction du Prambule de lActe constitutif de lUnesco. Lon Blum a

    contribu cette rdaction de faon dterminante en assignant la future

    organisation des missions ambitieuses. Grce lui, lUnesco sest associe

    de faon irrversible aux valeurs fondamentales, hrites des Lumires : la

    comprhension internationale, la solidarit intellectuelle et morale de

    Guillaume Kasperski

  • 42

    lhumanit, le respect universel de la justice, des droits de lhomme et des

    liberts fondamentales.

    Demble et ds le stade de la dfinition des principes directeurs de

    lUnesco, la France a fait prvaloir des exigences, des valeurs quelle a

    proposes lensemble des Etats, au nom de luniversalit.

    Lavantage de la France tient dune part, au fait que la culture

    franaise toujours t marque par une tendance luniversalit, quil

    existe en France une tradition sculaire de gnrosit, de libralit dans lordre de la pense, qui sont bien dans lesprit de la future organisation et dautre part, que toutes les branches, toutes les formes de la civilisation

    humaine sy sont toujours dveloppes de pair et en liaison rciproque .

    (Lon Blum, Confrence de Londres, 1-16 novembre 1945)

    Rtrospectivement on saisit mieux le caractre audacieux de la

    dmarche de Lon Blum, de faire prvaloir luniversalit et la libert un

    moment de lhistoire mondiale o venait de sachever un conflit dune

    violence inoue et o apparaissaient dj les prmices de nouvelles divisions

    idologiques qui allaient nouveau dresser les Etats et les peuples les uns

    contre les autres.

    Ce rle dEtat fondateur de lUnesco a revtu plusieurs aspects

    mesure que le projet dune organisation de coopration intellectuelle prenait

    forme. La France, il faut le rappeler, avait une exprience passe. Cette

    exprience fut mise la disposition des Etats. La France a donc t un

    prcurseur.

    Londres, la France sest implique dans la direction mme du

    processus devant aboutir la cration de lUnesco. Elle joua un rle

    dorganisateur efficace et dtermin.

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

  • 43

    Par la suite, lOrganisation connut des difficults dues aux

    affrontements idologiques qui se dveloppaient sur la scne internationale.

    La France, pendant cette priode joua un rle apprci de modrateur et

    Ren Maheu en fut linspirateur.

    Ainsi, la stature dEtat fondateur de lUnesco se construisit par

    tapes. On peut donc en distinguer au moins trois : un rle prcurseur, un

    rle dorganisateur et un rle de modrateur.

    A. Un Etat prcurseur

    Linfluence franaise a t dautant plus grande quelle reposait sur

    une exprience, remontant la priode de lentre-deux-guerres, en matire

    de coopration intellectuelle et scientifique et dchanges internationaux. En

    effet, ce sont des Franais qui, dans le cadre de la SDN, ont mis en place

    trois structures successives qui ont permis de prfigurer la future Unesco :

    lOrganisation de Coopration Intellectuelle (OCI), la Commission

    Internationale de Coopration Intellectuelle (CICI) et enfin, lInstitut

    International de Coopration Intellectuelle (IICI). Lobjectif poursuivi, au

    travers de ces structures, tait de favoriser la comprhension internationale,

    par le rapprochement entre les intellectuels de diffrents pays, par la

    cration dune Socit des esprits , expression forge par Paul Valery.

    LInstitut International de Coopration Intellectuelle, prsid par le

    franais Franois-Henri Bonnet et dont le Secrtaire gnral tait Emile

    Brmond russit par les Entretiens de lInstitut notamment

    associer ses travaux les plus grands noms des Arts et des Lettres franais

    comme Henri Bergson, Georges Duhamel, Jules Romains, Paul Langevin ou

    internationaux comme Albert Einstein, Sigmund Freud, Thomas Mann ou

    Bela Bartok.

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

  • 44

    Lorsquen 1944, le gouvernement provisoire de la Rpublique

    Franaise cherche remettre en route lInstitut International de Coopration

    Intellectuelle mis en sommeil aprs la capitulation de 1940 la France se

    fonda sur lexprience acquise pour exercer une influence lgitime.

    B. Un Etat organisateur

    Ensuite et pour mieux saisir le rle que la France joua au dmarrage

    de lUnesco, il faut rappeler ici quelle ne se contenta pas den dicter les

    contours. Elle se saisit, dans la foule, des postes importants de

    lOrganisation et elle engagera dans les travaux mmes de lUnesco, ses

    intellectuels, ses savants et ses crateurs.

    Il parait utile de rappeler la lumire de notre lettre de mission

    que la Dlgation franaise, la premire Confrence Gnrale, prside par

    Lon Blum, tait compose de Jean Sarrailh (Recteur de lUniversit de

    Montpellier), Paul Rivet (Directeur du Muse de lHomme), Pierre Auger

    (Directeur de lEnseignement Suprieur), Jean Cassou (Conservateur du

    Muse de lHomme), Henri Wallon (Professeur au Collge de France),

    auxquels se joignirent notamment Jacques Maritain, Lucien Febvre, Ren

    Cassin, Frdric Joliot-Curie, Franois Mauriac, Paul Langevin, et cette liste

    est loin dtre exhaustive.

    On ne peut qutre impressionn par cet lan franais qui rassemble

    les meilleurs esprits de laprs-guerre.

    Cette manifestation de force fut rcompense : Jean Piaget deviendra

    sous-directeur gnral pour lducation lUnesco, Lucien Febvre et

    Charles Moraz lanceront la rdaction de lHistoire du dveloppement

    scientifique et culturel de lhumanit, Roger Caillois fondera et dirigera

    Diogne, Jean Stoetzel prsidera le Conseil International des Sciences

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

  • 45

    Sociales. Jacques Rueff dirigera le Conseil International de la Philosophie et

    des Sciences Humaines, tandis que Pierre Auger, directeur du dpartement

    des sciences de 1948 1959, sera lorigine du CERN.

    Autour de lUnesco se mobilisrent beaucoup danciens de lEcole

    normale suprieure, ainsi que de grands intellectuels tels que Jean-Paul

    Sartre et Andr Malraux.

    Cette prise en main, par la France, du Secrtariat de la nouvelle

    Organisation marquera dune empreinte durable les programmes de

    lUnesco, installera la langue franaise au cur de son fonctionnement et

    donnera la France un poids trs lourd dans les dbats internationaux.

    Ayant ainsi marqu de son influence intellectuelle le cadre et les

    principes de la naissance de lUnesco, ayant se prvaloir de son rle de

    prcurseur de la coopration culturelle internationale et ayant fortement

    contribu llaboration des premiers programmes et projets de lUnesco, la

    France a construit ds lorigine un socle de reconnaissance envers notre

    pays qui lui a donn un rle, une influence, une position spcifiques.

    Ainsi reconnait-on la France une autorit singulire, et un

    magistre moral sur lesquels se sont dveloppes ces relations

    privilgies voques par le ministre des Affaires trangres.

    Ce capital exclusif a t gr de faon plus ou moins inspire par les

    gouvernements successifs de la France.

    Deux hommes ont beaucoup contribu prolonger et consolider

    lhritage laiss par Lon Blum.

    Le premier est le Gnral de Gaulle qui, en dpit de ses rticences

    bien connues lgard du multilatralisme et de sa mfiance lgard des

    machineries onusiennes, a soutenu avec constance et attention les activits

  • 46

    de lUnesco. On lui doit la dfinition la plus claire de la doctrine demploi

    de lUnesco par la France, fonde sur des intrts mutuels bien compris.

    Cette doctrine demploi, quil est utile de rappeler, a t formule

    loccasion de sa venue lUnesco pour la Confrence Gnrale de 1966.

    Ce qui inspire la France une exceptionnelle sympathie pour vos travaux

    et pour vos actes, cest quils ont pour raison dtre de servir lunit

    humaine, ce qui rpond essentiellement sa propre vocation. Car, sil est

    vrai que la France a de tout temps labour avec patience le champ de

    lintelligence et offert la terre ancienne dassez prcieuses rcoltes, sil est

    vrai quelle met la disposition du monde une langue adapte par

    excellence au caractre universel de la pense, il lest aussi que le but que

    vise sa politique et qui nest rien que lunit nationale, europenne et

    mondiale est en conformit profonde avec celui que poursuit votre

    organisation lchelle de lhumanit .

    Par ces quelques phrases certes dates, le Gnral de Gaulle rappelle

    que la France et lUnesco poursuivent des objectifs communs et contribuent,

    chacune pour sa part spcifique, la construction dun monde uni. Les

    principes qui guident cette vision restent valables et servent juste titre de

    fondement la relation entre la France et lUnesco. Une autre personnalit

    sest inscrite dans cette vision globale et a marqu lUnesco dune empreinte

    encore forte aujourdhui. Il sagit de Ren Maheu (1905-1975), ancien lve

    de lEcole normale suprieure, pur produit de la mritocratie rpublicaine,

    tmoin de la monte du fascisme en Allemagne, dcrit par Jean-Paul Sartre

    dans Les Mots comme un corch vif rebelle toute autorit et tout conformisme. Pacifiste, internationaliste, professeur au Maroc pendant la

    Guerre puis Londres o il rencontre Julian Huxley, responsable de la

    rforme de lenseignement au Maroc et partisan des indpendances, cest lui

    qui, devenu Directeur Gnral de lUnesco en 1961 poste quil occupera

    jusquen 1974 -, assignera notamment lOrganisation une mission

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

  • 47

    dassistance au Tiers-Monde, adossant ainsi la lgitimit de lagence sur un

    objectif denvergure globale et aux implications concrtes. Le seul Franais

    avoir t la tte de lOrganisation y aura donc jou un rle dcisif dans

    son adaptation aux changements du monde contemporain, pendant une

    priode charnire de son histoire.

    La France, enfin, a jou un rle modrateur dans une organisation

    qui est entre trs rapidement dans une phase de maturation tumultueuse.

    C. Un Etat modrateur

    LUnesco a t le thtre daffrontements trs vifs, et qui perdurent

    encore, entre les tenants dune mission intellectuelle de lorganisation et

    ceux qui ont voulu quelle soriente vers le terrain de la coopration

    technique.

    On a du mal aujourdhui saisir lintensit de cette opposition entre

    la France et les Etats-Unis, rejoints lune et lautre par de nombreux Etats au

    point de voir apparatre deux clans le clan latin (avec notamment

    lItalie mais aussi les pays latino-amricains et du Proche-Orient) et le

    clan anglo-saxon (Etats-Unis, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-

    Zlande, Canada). Le premier dfend la place de la culture, la coopration

    intellectuelle, dans la ligne de lIICI ; le second dfend lducation,

    linformation des masses.

    Laffrontement oppose Jean Thomas, Directeur Gnral Adjoint

    pour les affaires culturelles au nom du clan latin et Walter Laves, le

    Directeur Gnral Adjoint pour les finances, porte-parole du clan anglo-

    saxon.

  • 48

    Andr Siegfried publiera en mars 1948, en premire page du Figaro,

    un article sur la France lUnesco qui fera tat de cette rivalit.

    Laudience du clan latin slargira progressivement, au dtriment de

    celle du clan anglo-saxon grce laction efficace de franais comme

    Jacques Havet, Jean Thomas, Jean-Jacques Mayoux, Robert Schuman,

    Georges Bidault.

    Cest dans ces combats de lombre que la France va gagner ses

    galons dEtat modrateur de lUnesco sous les mandats de Torres Bodet, de

    Vittorio Veronese, et bien sr de Ren Maheu qui aura cur de chercher

    lapaisement et de trouver des compromis entre les deux clans. Il reste

    encore quelque chose de ces affrontements mais la ligne de partage entre

    clan latin et clan anglo-saxon seffacera partir des dcolonisations qui

    institueront de nouveaux clivages entre les Etats membres.

    Maheu saisira en effet le virage de la dcolonisation : ils sera le

    premier directeur dune agence des Nations Unies a faire tape dans la

    capitale de lAlgrie devenue indpendante.

    Maheu poursuivra cette politique malgr les hsitations du

    gouvernement franais devant cette monte du tiers-monde. En 1969, Jean

    Fernand Laurent exprima ses inquitudes de voir les pays du tiers-monde

    orienter de plus en plus laction du Conseil Excutif de lUnesco. Les

    positions courageuses et prmonitoires de Ren Maheu lui permettront

    dtre rlu sans le soutien de la France.

    Sous le mandat du Sngalais Amadou-Mahtar MBow (1974-1987),

    la France souffrira de ses hsitations et de ses rserves.

    Mais elle jouera encore un rle de modrateur partir de 1990, avec

    lappui de Federico Mayor en loccurrence sur le dossier trs sensible du

    Nouvel Ordre Mondial de la Communication (NOMIC) qui avait conduit les

  • 49

    Etats-Unis se retirer de lOrganisation. Cest un Franais, aujourdhui

    disparu, Franois-Rgis Bastide, qui a pris linitiative avec le soutien de

    Federico Mayor dune ngociation avec le G77 visant obtenir des pays du

    Sud labandon de la revendication du NOMIC contre la promesse dun

    renforcement des moyens du Programme International de Dveloppement

    de la Communication (PIDC), cr au dbut de 1980.

    La ngociation fut un succs et il faut souligner quEmmanuel de

    Calan, le Dlgu Permanent adjoint franais, y joua un grand rle.

    Aujourdhui, la France bnficie de ce titre envi dEtat fondateur de

    lUnesco. Notre diplomatie sen est prvalu juste titre. Mais il est vident

    que notre influence nest plus la mme aujourdhui qu lpoque de la

    fondation de lUnesco, voire de sa maturit.

  • 50

    1.2. La France, le pays du sige de lUnesco

    En se saisissant du sige de lUnesco, la France a ajout son

    influence intellectuelle et politique dEtat fondateur, un levier trs important

    pour ses intrts propres.

    Sans doute, lpoque ou cette dcision tait prise, laffrontement

    entre les Etats pour accueillir des organisations internationales ntait pas

    aussi intense quil lest actuellement. Dans le jeu de la mondialisation, le

    fait pour un Etat daccueillir le sige dorganisations internationales

    contribue lui confrer un statut de place internationale et joue en faveur de

    son attractivit.

    Dans un contexte de comptition entre mtropoles culturelles

    mondiales, laccueil dun fleuron du systme des Nations Unies contribue

    asseoir le rayonnement de la mtropole qui en est bnficiaire. Cest le cas

    de la France et de Paris avec lUnesco.

    La localisation dune organisation internationale sur le territoire

    dune ville de nombreuses consquences : en termes politiques bien

    videmment mais aussi en termes conomiques, financiers, sociaux. Ces

    consquences, bien connues, contribuent faire natre un effet de sige .

    Et la France bnficie de cet effet de sige. Nous avons dcid de nen

    exposer que trois aspects parmi dautres, afin de ne pas alourdir notre texte.

    La premire composante de cet effet de sige est lexistence dun

    btiment ou dun ensemble de btiments, situs dans un territoire urbain

    dtermin et qui ajoute la ville daccueil une architecture, des

    quipements, une activit, une animation qui enrichissent une ville et la

    rendent plus attractive. Un sige physique, cest ncessairement un projet

  • 51

    darchitecture prestigieux, un chantier important, des travaux, un

    fonctionnement ultrieur et la cl des marchs de maintenance, de

    fournitures, de services, dnergies, etc.

    Un sige physique dune grande organisation internationale, cest la

    certitude quil accueillera des diplomates, des spcialistes de diffrentes

    disciplines, des confrenciers, des hommes politiques. Mais ceux-ci

    sajouteront des visiteurs, des touristes passionns par larchitecture par

    lhistoire ou par la vie internationale.

    La seconde composante est de nature linguistique. Notre langue, le

    franais, bnficie dun statut particulier au sein de lUnesco. Pour des

    raisons pratiques, elle est la langue utilise dans le fonctionnement quotidien

    de lorganisation. Elle bnficie du statut de langue de travail. Mais au-del

    des activits programmatiques, ce sont toutes les activits de soutien,

    dintendance, de gestion qui utilise le franais dans les relations de lUnesco

    avec lunivers parisien qui lentoure.

    La dernire composante est de nature conomique et financire. La

    France contribue au budget de lUnesco. Et elle contribue beaucoup

    puisquelle se situe en quatrime position dans lchelle des Etats

    contributeurs. Mais elle rcupre bien au-del de sa contribution, par toutes

    les dpenses quengendre le sige de lOrganisation. La balance des

    transferts lui est favorable.

  • 52

    A. Les btiments de lUnesco

    En obtenant de haute lutte de la Confrence de Londres la dcision

    dimplanter le sige de lUnesco Paris, Lon Blum a beaucoup contribu

    au renforcement de la relation entre la France et lUnesco. Cette dcision a

    engag la France envers lorganisation. Mais au-del des obligations

    souscrites, elle a engendr de nombreuses retombes pour notre pays.

    partir de septembre 1946, lUnesco sinstalle dans lHtel

    Majestic, ancien quartier gnral des autorits militaires allemandes

    doccupation, situ avenue Klber dans le 16e arrondissement de Paris. Le

    confort est trs relatif : les chambres les plus spacieuses sont attribues aux

    secrtaires, qui les partagent plusieurs et rangent les dossiers dans les

    penderies, les professionnels de rang moyen se voyant dcerner les salles de

    bains dsaffectes, o les baignoires accueillent les documents. Derrire le

    papier peint htivement mis en place, le carrelage des murs ne permet de

    punaiser aucun planning .

    (Htel Majestic, avenue de Kleber, Paris)

  • 53

    Le fait doccuper un lieu anciennement utilis par lennemi nazi est

    quelque peu perturbant pour le personnel de lUnesco. Ainsi, Jaime Torres

    Bodet, deuxime DG de lorganisation, voque dans ses mmoires le trouble

    quil ressentait en pensant au prcdent occupant de son bureau : lide

    que [mon bureau] ait t probablement occup, avant la victoire des Allis,

    par quelque adorateur de la croix gamme [...] ne cessait de me gner 2.

    LHtel Majestic nest cependant quun sige provisoire pour

    lUnesco, qui ambitionne de jouir dun btiment construit spcialement pour

    elle. LHtel Majestic, pour sa part, sera repris par le ministre des Affaires

    trangres qui sen servira pendant de nombreuses annes comme Centre de

    confrences internationales.

    La France a pris ses responsabilits cette poque afin doffrir

    lUnesco un sige permanent digne de sa stature intellectuelle et

    internationale. Tout au long des annes qui suivent son inauguration, des

    visites organises sont proposes au grand public ; de nombreux groupes

    dcoliers et de lycens sy rendent.

    Le nouvel ensemble doit notamment beaucoup Bernard Zehrfuss.

    Et cest logiquement que lui revient la reconnaissance internationale pour le

    travail accompli. Il recevra dailleurs, et plus tard, des mains de Amadou-

    Mahtar MBow, son pe dAcadmicien au sige de lUnesco, le 17

    octobre 1984. Linauguration du nouveau sige le 3 novembre 1958 permit

    de raffirmer lengagement de la France envers lUnesco. Jean Berthoin,

    ministre de lEducation nationale nhsita pas souligner cet engagement :

    les tches qui attendent encore lUnesco dans un monde imparfait sont

    assurment crasantes. Mais sa part deffort dans le labeur commun, la

    2 J. Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 15 (traduction de lespagnol par Chlo Maurel)

  • 54

    France continuera de lassumer avec une ardeur qui ne pourra que

    saccrotre .

    (Sige de lUNESCO, Place de Fontenoy, Paris)

    La France sortit gagnante de cette entreprise. Dabord larchitecture

    et lingnierie franaises furent encenses et cest toute la profession qui en

    bnficia. Ensuite, les retombes conomiques du chantier furent

    consquentes et notre pays en profita. Enfin, la France outre sa quote-part

    du financement ne cda que lusage du territoire, et non sa proprit. Cette

    distinction, qui figure dans le contrat du 25 juin 1954, assure la France la

    proprit du terrain qui accueille lUnesco. Il est vrai que lUnesco reut ce

    droit dusage quasi gratuitement, puisquelle sacquitte dun loyer

    symbolique. Mais il est vrai aussi que la France prta sans intrts le

    montant ncessaire la construction et lquipement du sige (2.100.000

    francs) remboursable en 30 annuits.

    Aussi prestigieux quil ltait, le site de Fontenoy savra trs vite

    insuffisant. Il fallut donc chercher un site alternatif puisquil tait impossible

  • 55

    de construire davantage sur le site existant. Ce fut la cration du site de

    Miollis situ dans le 15me arrondissement.

    Aussi moderne quil avait t pens, le site de Fontenoy vieillit

    rapidement. Le btiment tait notamment mal isol et les matriaux, les

    revtements, les services techniques taient uss. Ces dysfonctionnements

    avaient aliment beaucoup de protestations et de rclamations de la part du

    personnel du Secrtariat et de la part des reprsentants des Etats membres.

    Le Comit du sige, cr en 1949 et devenu permanent en 1997, fit

    pression sur la France et sur les autres Etats et emporta finalement la

    dcision de rnover Fontenoy. Et linstar du rle jou par Bernard

    Zehrfuss dans la phase initiale, cette nouvelle tape fut confie un autre

    architecte franais, Joseph Belmont, hlas aujourdhui disparu. Reconnu

    internationalement, il prconisa une stratgie de rnovation par tapes.

    Le projet prsent par Joseph Belmont comprenait deux phases : la

    mise en conformit des btiments du site Fontenoy aux normes de scurit

    franaises ; la rnovation des espaces de bureau et la valorisation de certains

    espaces publics. La premire phase a cot 21,5 millions de dollars (prix en

    1999), financs sur le budget rgulier, et a bnfici de contributions

    volontaires exceptionnelles de la France (4 millions de dollars) et du Japon

    (3,6 millions de dollars). La seconde phase a t finance par un emprunt

    dune dure de 17 annes et souscrit hauteur de 79,8 millions de dollars

    (valeur de 84 millions de dollars aujourdhui). Un contrat a t cosign entre

    la Caisse des Dpts et Consignations et lUnesco, et la France sest porte

    garante, prenant en charge lintgralit des frais dintrts soit plus de 20

    millions deuros.

    Le 25 septembre 2009, linauguration des locaux rnovs du sige

    donna lieu une crmonie durant laquelle la France fut reprsente par

  • 56

    Martin Hirsch, Haut Commissaire aux Solidarits actives contre la pauvret.

    Aucun ministre ne daigna se dplacer.

    Les quatre btiments du site Miollis appellent galement une

    rnovation profonde qui a t estime 92 millions deuros (valeur en

    2008).

    Le 5 juin 2012, le Comit du Sige a pris acte que la Confrence

    Gnrale navait pas donn suite aux propositions du Plan Directeur de

    rnovation de lensemble Miollis, compte tenu de la situation financire

    globale de lUnesco.

    Ces quelques rappels montrent la trs grande implication de la

    France dans la construction et la gestion des btiments du sige de lUnesco.

    Le Plan Belmont fut bien accueilli et les Etats membres en sont

    reconnaissants envers notre pays. La relation privilgie entre la France et

    lUnesco sest donc joue aussi sur ce terrain et elle en sort plutt raffermie.

    Mais si une tape importante a t franchie, il faut faire preuve de vigilance.

    La France doit en effet tre attentive la concurrence des autres

    places internationales. La rpartition entre les capitales du monde des sites

    des organisations internationales a beaucoup favoris les grands Etats

    fondateurs : New York bien sr, Paris grce Lon Blum et son rle

    prcurseur dans la coopration intellectuelle, Genve qui avait accueilli la

    SDN se sont tailles la part du lion. De nouveaux Etats considrent cette

    rpartition injuste et cherchent leur tour attirer des organisations

    existantes.

    Tout rcemment Copenhague a offert lUnicef dtre loge

    gratuitement. Dautres villes viennent frapper la porte avec des offres

    allchantes : Vienne, Budapest, Madrid, Abou Dabi, Doha et Soul sont sur

    la liste des villes demanderesses.

  • 57

    Paris et les organisations quelle accueille ne parat pas pour

    linstant menace. Mais il est utile de rappeler certains lments, qui tous

    justifient que soit porte ce dossier une attention particulire.

    Dabord Paris, en tant que ville internationale, naccueille quun petit

    nombre de ces institutions. Sagissant des organisations mondiales, Paris

    accueille lOCDE, lOrganisation Internationale de la Francophonie,

    lOrganisation Mondiale de la Sant Animale et lOrganisation Europenne

    et Mditerranenne pour la Protection des Plantes. Et sagissant des

    organisations europennes, lInstitut dEtudes de Scurit de lUnion

    Europenne et la Confrence Europenne de lAviation Civile.

    Cest videmment peu si lon compare Paris et Genve, qui abrite 31

    organisations internationales ; et cest donc bien lUnesco qui est ltendard,

    et la seule importante organisation de la place parisienne. LUnesco est le

    fleuron qui appelle donc attention et probablement davantage dinitiatives.

    En effet, le site de Fontenoy est loin dtre un site la hauteur des

    exigences en termes dattractivit. Le btiment de Zehrfuss nattire plus

    lintrt et la curiosit comme ce fut le cas dans les annes qui ont suivi sa

    construction. Le site ne figure plus que rarement sur le parcours touristique

    du visiteur tranger. Rappelons dailleurs ce sujet que si les visites du site

    restent possibles et gratuites, cest uniquement parce que la Commission

    nationale franaise a accrdit une personne comptente et bnvole pour

    assurer ce service. Il est vrai que la place de Fontenoy est dans un tat

    dabandon relatif. La Directrice Gnrale a saisi le 26 avril 2013 le Maire de

    Paris de cette situation alors que la Confrence Gnrale de novembre

    prochain va rassembler plus de 5 000 personnes. Elle semble ne pas avoir

    reu de rponse ce jour. Lutilisation du hall nobit pas des critres

    dexigence et de qualit ; et il manque lUnesco une vraie galerie

    dexpositions.

    Guillaume Kasperski

  • 58

    Devant tant de problmes, le choix suivi par les Etats membres de

    rnover par tapes le btiment existant est sage et cohrent avec ltat des

    finances de lUnesco. Mais lamnagement du quartier dans lequel se situe

    lUnesco relve de la comptence des autorits franaises. On manque

    Paris dun centre de confrences internationales et lUnesco ne peut pallier

    en ltat actuel de ses capacits cette carence. Le site de Fontenoy, saisi dans

    son ensemble, pourrait offrir un grand projet. Il faudrait y regrouper

    lensemble des personnels du Secrtariat et des Etats membres, dans les

    btiments occups par ladministration franaise et difier en sous-sol un

    centre de confrences internationales digne de ce nom.

    Bien sr de tels projets denvergure exigent temps, moyens et

    volont politique. Mais ce plan densemble viserait de nombreux objectifs et

    apporterait une nouvelle pierre la place internationale que constitue Paris.

    Nous suggrons quune mission exploratoire soit constitue et en

    concertation avec la Ville de Paris, et quelle analyse la faisabilit, moyen

    terme, dun tel projet.

    B. La langue franaise lUnesco

    Lusage de la langue franaise au sein de lUnesco est un bon

    baromtre de linfluence que lon y exerce. Lon Blum, normalien et

    crivain distingu, en tait sans doute persuad mme si lpoque de la

    Confrence de Londres, le franais en sa qualit de langue diplomatique par

    excellence ne paraissait ni contest, ni menac. Or, le seul fait que le sige

    de lOrganisation a t fix Paris, a assur au franais, pendant de longues

    annes, une place minente au sein des langues utilises par lUnesco.

    Plusieurs lments ont concouru au maintien de cette place

    privilgie.

    Guillaume Kasperski

    Guillaume Kasperski

  • 59

    Tout dabord, la langue franaise, en vertu des dispositions de

    larticle 54 de son rglement intrieur, est une des langues officielles de la

    Confrence Gnrale (avec langlais, larabe, le chinois, lespagnol, lhindi,

    litalien, le portugais et le russe). En vertu de ses articles 50 et 21 de leurs

    rglements intrieurs, le franais est une des six langues de travail de la

    Confrence gnrale et du Conseil Excutif. Le Secrtariat de lUnesco a

    quant lui deux langues de travail : langlais et le franais.

    Ensuite, lensemble des documents officiels destins la Confrence

    Gnrale et au Conseil Excutif sont traduits en franais, de mme que les

    documents destins aux runions intergouvernementales.

    Ajoutons que la quasi-totalit des Directeurs Gnraux qui se sont

    succds la tte du Secrtariat de lUnesco parlaient le franais : Julian

    Huxley, francophile et francophone installa le franais ds le dbut de son

    mandat ; Jaime Torres Bodet, Franais par sa mre, et qui fit du franais la

    langue dominante de lUnesco au point de susciter des ractions indignes

    des Etats-Unis. Ceux-ci prirent leur revanche avec John Wilkinson Taylor,

    qui ne resta que deux ans, et auquel succda un autre amricain, Luther

    Evans. Les deux ne maitrisaient pas du tout notre langue et firent aller le

    balancier dans le sens oppos. LItalien Vittorino Veronese ne sexprima

    quen franais. Ren Maheu fit du franais la langue privilgie. Les trois

    Directeurs Gnraux suivants Amadou- Mahtar MBow, Federico Mayor

    et Kochiro Matsuura veillrent un certain quilibre.

    Par ailleurs, la nouvelle Directrice Gnrale, Irina Bokova, matrise

    parfaitement le franais et lutilise au mme titre que langlais. de

    multiples reprises elle a encourag le Secrtariat sexprimer dans les deux

    langues de travail, mme si ces encouragements se sont espacs depuis

    quelque temps.

  • 60

    Ce bref rappel historique est destin montrer combien la

    personnalit, la culture et les qualits linguistiques du Directeur Gnral

    constituent lun des leviers essentiels pour garantir lusage du franais au

    sein du Secrtariat. La France doit veiller en faire une conditionnalit

    absolue lors de llection de tout nouveau Directeur Gnral.

    La prsence dun contingent important de fonctionnaires franais au

    sein du Secrtariat assure une masse critique pour lutilisation de notre

    langue dans le travail quotidien, dans les changes interpersonnels, dans les

    runions informelles de travail. On rappellera ici que la prsence franaise

    reste importante : 392 agents sont franais, soit 24,1% de leffectif en 2012,

    et la France reste surreprsente loin devant les Amricains (59 agents) et

    les Britanniques (42 agents).

    Sagissant de la traduction, le desk franais dispose de six traducteurs soit le double des desks anglais et arabe. Nanmoins il faut y voir davantage limportance croissante des documents rdigs en anglais

    qui doivent tre traduits que la reconnaissance de la place du franais dans

    la hirarchie des langues officielles et des langues de travail de lUnesco.

    Le fait que lUnesco occupe plusieurs btiments Paris rend

    ncessaire lutilisation du franais comme langue contractuelle pour tous les

    marchs de fournitures, de conseils, de services, de maintenance qui

    intressent les btiments.

    Paralllement, lexistence dun groupe francophone puissant, au sein

    des Etats membres, est galement