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JUILLET 2014 www.strategie.gouv.fr Réduction des dépenses publiques : les leçons de l’expérience Cette étude montre qu’un effort tel que celui prévu en France n’a rien d’inédit parmi les pays développés. Entre 1990 et 2007, 17 pays de l’OCDE ont réduit leurs dépenses publiques d’au moins trois points de PIB sur trois ans. En moyenne, l’ajuste- ment dans ces pays a duré cinq ans et a été au total de 7 points de PIB. Nous analysons de quelle manière les réductions ont touché les divers types de dépenses, selon leur nature (rémunéra- tions, transferts sociaux, investisse- ments…) et selon leur fonction (protection sociale, éducation, défense…). La variété des systèmes sociaux-politiques et des préférences nationales rend impossible l’identification d’une stratégie qui fonc- tionnerait à coup sûr. Étudier les épisodes de réduction relativement anciens (des années 1990 à la crise de 2008) et récents (depuis 2009) permet toutefois de mettre en évidence les méthodes qui ont été appliquées. Notre étude 2 montre ainsi que pour attein- dre des objectifs de réduction des dépenses ambitieux, il est souhaitable de préférer les arbitrages stratégiques entre dépenses aux baisses uniformes de toutes les dépenses (méthode dite du « rabot »). La mise en œuvre d’une revue stratégique des dépenses suppose de mobiliser des méthodes permettant d’identifier les domaines d’économies dont les expé- riences étrangères fournissent des exem- ples. Le champ de la revue doit également viser à éviter le report sur d’autres dépenses. L’implication active de l’administration et l’information des citoyens sont essentielles. LA NOTE D’ANALYSE Contraints par des niveaux de déficit ou de dette publics élevés, la plupart des pays déve- loppés cherchent aujourd’hui à mettre en œuvre des stratégies de réduction des dépenses publiques. En France, le Programme de stabilité 2014-2017 présenté en avril 2014 1 pré- voit une diminution de la part des dépenses publiques dans le PIB de trois points au cours des trois prochaines années. Le niveau de dépenses publiques est le reflet, pour partie au moins, de préférences et de choix nationaux. Les stratégies de réduction renvoient aux spécificités de chaque pays. Cependant, l’étude des expériences de réduction des dépenses menées dans les pays développés peut permettre de dégager des principes de portée générale. * Département Économie Finances. 1. www.economie.gouv.fr/grandes-orientations-du-programme-de-stabilite-2014-2017. 2. Note méthodologique qui vient à l’appui des travaux réalisés par France Stratégie, dans le cadre du projet « Quelle France dans 10 ans ? ». ÉPISODES DE RÉDUCTION DES DÉPENSES PUBLIQUES* ÉTUDIÉS (1990-2007) Nicolas Lorach, Céline Mareuge et Catherine Merckling* * Par dépenses publiques nous entendons les dépenses des administrations publiques au sens large (APU par la suite), qui incluent les dépenses de l’État central, des collectivités fédérées ou locales et des administrations de sécurité sociale.

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juILLET2014

www.strategie.gouv.fr

Réduction des dépensespubliques : les leçonsde l’expérience

Cette étude montre qu’un effort tel quecelui prévu en France n’a rien d’inédit parmiles pays développés. Entre 1990 et 2007,1 7 p ay s d e l ’ O C D E o nt ré d u i t l e u r sdépenses publiques d’au moins trois pointsde PIB sur trois ans. En moyenne, l’ajuste-ment dans ces pays a duré cinq ans et a étéau total de 7 points de PIB.

Nous analysons de quelle manière lesréductions ont touché les divers types dedépenses, selon leur nature (rémunéra-tions, transferts sociaux, investisse-ments…) et selon leur fonction (protectionsociale, éducation, défense…). La variétédes systèmes sociaux-politiques et despréférences nationales rend impossiblel’identification d’une stratégie qui fonc-tionnerait à coup sûr. Étudier les épisodesde réduction relativement anciens (desannées 1990 à la crise de 2008) et récents(depuis 2009) permet toutefois de mettreen évidence les méthodes qui ont étéappliquées.

Notre étude2 montre ainsi que pour attein-dre des objectifs de réduction des dépensesambitieux, il est souhaitable de préférer

les arbitrages stratégiques entre dépensesaux baisses uniformes de toutes lesdépenses (méthode dite du « rabot »). Lamise en œuvre d’une revue stratégiquedes dépenses suppose de mobiliser desméthodes permettant d’identifier lesdomaines d’économies dont les expé-riences étrangères fournissent des exem-ples. Le champ de la revue doit égalementviser à éviter le report sur d’autres dépenses.L’implication active de l’administration etl’information des citoyens sont essentielles.

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Contraints par des niveaux de déficit ou de dette publics élevés, la plupart des pays déve-loppés cherchent aujourd’hui à mettre en œuvre des stratégies de réduction des dépensespubliques. En France, le Programme de stabilité 2014-2017 présenté en avril 20141 pré-voit une diminution de la part des dépenses publiques dans le PIB de trois points au coursdes trois prochaines années. Le niveau de dépenses publiques est le reflet, pour partie aumoins, de préférences et de choix nationaux. Les stratégies de réduction renvoient auxspécificités de chaque pays. Cependant, l’étude des expériences de réduction desdépenses menées dans les pays développés peut permettre de dégager des principes deportée générale.

* Département Économie Finances.1. www.economie.gouv.fr/grandes-orientations-du-programme-de-stabilite-2014-2017.2. Note méthodologique qui vient à l’appui des travaux réalisés par France Stratégie, dans le cadre du projet « Quelle France dans 10 ans ? ».

ÉPISODES DE RÉDUCTION DES DÉPENSESPUBLIQUES* ÉTUDIÉS (1990-2007)

Nicolas Lorach, Céline Mareuge et Catherine Merckling*

* Par dépenses publiques nous entendons lesdépenses des administrations publiques au sens large(APU par la suite), qui incluent les dépenses de l’Étatcentral, des collectivités fédérées ou locales et desadministrations de sécurité sociale.

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FRANCE STRATÉGIEwww.strategie.gouv.fr

2

uNE ANALYSE Sur LES ANNÉES 1990-2007 (PAYS DE L’OCDE)ET 2009-2012 (PAYS DE L’uE)Dans notre analyse quantitative, c’est la variation de ladépense publique en pourcentage du PIB qui est utiliséepour identifier les épisodes de réduction des dépenses(encadré 1). Cet indicateur a en effet l’avantage de traduirel’évolution du poids de la dépense dans le PIB et d’être dis-ponible facilement en comparaison internationale. Il necorrige pas des effets possibles des fluctuations du PIB oude l’inflation, alors même que la réduction des dépensesdans le PIB est facilitée en période de forte croissance oud’inflation élevée.

Nous choisissons d’étudier séparément deux périodes.Dans les pays avancés, les périodes 1990-2007 et 2009-2012 ne peuvent être interprétées de façon homogène :en effet, la période 2009-2012 est marquée par l’ampleurdes déficits hérités de la récession de 2008-2009 et, enEurope, par la crise des dettes souveraines.

Nous étudions les pays de l’OCDE pour la première période(tableau 1) et les pays de l’uE pour la seconde (tableau 2).Pour la période 1990-2007, on retient les baisses d’aumoins 3 points de PIB sur trois ans. Pour la période récentenous retenons les pays de l’uE dont les dépenses ont dimi-nué d’au moins deux points sur la période 2009-2012, carnous ne disposons pas d’un recul historique suffisant pourappliquer la méthode présentée dans l’encadré 2.

Les graphiques 1a et 1b permettent de situer, pour chaquepays, l’épisode de réduction, sur la période 1990-2007.

GRAPHIQUE 1aDÉPENSES TOTALES DES ADMINISTRATIONSPUBLIQUES, EN POINTS DE PIB (1990-2007)

GRAPHIQUE 1bDÉPENSES TOTALES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES,EN POINTS DE PIB (1990-2007)

Pour chaque pays, la ou les périodes de consolidation sont indiquées en pointillés.

Source : OCDE.

Pour les 17 pays retenus, l’ajustement moyen est de7 points de PIB et dure cinq ans.

ENCADRÉ 1MÉTHODES D’IDENTIFICATION DES ÉPISODES DE RÉDUCTION DES DÉPENSES

Le ratio dépenses / PIB

Les comparaisons internationales concernant la soutenabilitéde la dette amènent en général à calculer le ratio des dépensespubliques par rapport à la richesse nationale. Cet indicateurrenseigne cependant de manière imparfaite sur les stratégiesdiscrétionnaires3 de réduction des dépenses puisque le PIB etune partie des dépenses publiques (les dépenses associées auxstabilisateurs automatiques par exemple) dépendent de laconjoncture et non de décisions politiques.

Les dépenses en volume

La seconde manière d’identifier un épisode de réduction desdépenses est de considérer la variation des dépenses envolume, c’est-à-dire corrigées de l’inflation et indépendammentdu niveau de PIB. Le montant des dépenses en volume restetoutefois affecté par la conjoncture.

L’étude des décisions budgétaires

La dernière manière d’identifier les épisodes de réduction desdépenses est d’étudier les décisions politiques telles qu’ellesapparaissent dans les documents budgétaires produits par lespouvoirs publics, en ne retenant que celles qui sont motivéespar la volonté de réduire les déficits. Cette approche est parfoisqualifiée d’event-based ou action-based4. Elle supposecependant de s’assurer que les réductions annoncées ont bien étéréalisées.

LA NOTE D’ANALYSEJUILLET 2014

3. Par réductions discrétionnaires de dépenses, on entend les baisses de dépenses que le gouvernement peut facilement décider au cours d’un exercice budgétaire(par exemple les dotations de fonctionnement aux ministères). Les dépenses qui peuvent être modifiées de la sorte s’opposent à celles sur lesquelles legouvernement a moins de prise (par exemple les dépenses d’assurance chômage qui dépendent essentiellement de la conjoncture économique).

4. Devries P. et al. (2011), « A New Action-Based Dataset of Fiscal Consolidation », IMF Working Paper WP/11/128.

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3FRANCE STRATÉGIEwww.strategie.gouv.fr

TABLEAU 1 1990-2007 - ÉPISODES DE RÉDUCTION DES DÉPENSES TOTALES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES DANS LESPAYS DE L’OCDE*

Début de la Fin de la Dépense Diminution Proportion TCAM*** TCAM***consolidation consolidation en début de la dépense de la dépense des dépenses du PIB

de période en publique totale réduite en volume en volumepoint de PIB en points de PIB (Dtf - Dtd)/ Dtd

(Dtd) (Dtf** - Dtd)

Allemagne 2003 2007 48,4 -4,9 -10,2 % -0,5 % 2,2 %

Autriche 2004 2007 53,9 -5,4 -9,9 % -0,1 % 3,3 %

Canada 1993 2000 51,2 -10,9 -21,3 % 0,4 % 3,9 %

Danemark 1994 1999 60,2 -4,7 -7,8 % 1,1 % 2,8 %

Espagne 1995 2001 44,5 -5,8 -13 % 1,6 % 4 %

Estonie 1999 2004 40,2 -6,2 -15,3 % 3,8 % 7,3 %

Finlande 1993 2000 64,9 -16,5 -25,5 % 0,2 % 4,5 %

Hongrie 1998 2000 51,2 -3,4 -6,7 % 0,2 % 3,7 %

Irlande 1993 1999 44,1 -9,7 -22 % 6 % 9,4 %

Israël 2002 2006 53,2 -7,2 -13,6 % 0,2 % 4,3 %

Italie 1993 1999 56 -8,1 -14,5 % -0,8 % 1,8 %

Norvège 1992 1996 55,8 -7,3 -13,1 % - 2,4 % 2,2 %2003 2006 48,2 -8,1 -16,9 % 0,9 % 5,7 %

Pays-Bas 1995 1999 56,3 -10,3 -18,3 % -1,1 % 4,1 %

royaume-uni 1996 1999 41,5 -3 -7,3 % 1 % 3,6 %

Slovaquie 2002 2007 45,1 -10,9 -24,1 % 1,3 % 7 %

Slovénie 2001 2007 47,3 -4,9 -10,3 % 2,77 % 4,7 8

Suède 1995 2000 64 -9,9 -15,2 % 0,2 % 3,5 %2003 2007 55,6 -4,7 -8,4 % 1,5 % 3,8 %

* Sont retenues les diminutions des dépenses d’au moins 3 points de PIB sur au moins 3 ans, voir encadré 2 pour la méthodologie.** Dtf est la dépense en fin de période.*** TCAM : Taux de croissance annualisé moyen.Source : OCDE.

ENCADRÉ 2MÉTHODOLOGIE D’IDENTIFICATION DES ÉPISODES DE RÉDUCTION DES DÉPENSES PUBLIQUES ENTRE 1990 ET 2007

Afin d’identifier les épisodes de réduction des dépenses, nousavons choisi de faire la différence entre le ratio dépenses/PIBpour l’année n et le ratio pour l’année n+3. Si le résultat estsupérieur à 3 points et qu’il n’y a pas d’augmentation de ladépense en n+4, on retient l’épisode. Cela signifie qu’entre ledébut de l’année n+1 et la fin de l’année n+3, soit trois annéespleines, le ratio dépenses/PIB a diminué de 3 points. On répète

le processus avec les années n+1 et n+4 et ainsi de suite pouridentifier l’épisode dans sa totalité.Cette méthode permet de ne retenir que les épisodessuffisamment intensifs et suffisamment durables pour dénoterune politique de réduction des dépenses. Ainsi, une réductionde 1,5 point sur l’année n+1 puis de 1,5 point sur l’année n+4avec une stabilité du ratio en n+2 et n+3 n’est pas retenuecomme un épisode de réduction des dépenses car ladiscontinuité peut dénoter un simple effet de conjoncture. De même une réduction de 1,5 point en n+1, de 1,5 point enn+2 et une augmentation de 0,5 point en n+3 ne sera pasretenue car la réduction n’est pas jugée assez durable.

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LE MOMENT DE L’AJUSTEMENT : UN CONCOURS DECIRCONSTANCES FINANCIèRES ET POLITIQUES

Le moment de l’ajustement est la plupart du temps dictéen premier lieu par un niveau élevé du déficit et de ladette. Le déficit budgétaire finlandais s’élevait par exem-ple à 7 % du PIB en 1993 du fait d’une crise économiqueprononcée, de l’augmentation des dépenses de protectionsociale et du soutien public apporté aux banques.

Mais l’existence d’une fenêtre d’opportunité politiqueest déterminante dans le déclenchement d’un épisode deconsolidation. Au début des années 1990, le déficit fédé-ral était une des principales préoccupations des Cana-diens, des sondages montrant que jusqu’à 80 % des per-sonnes interrogées étaient soucieuses de son niveauélevé. Durant la campagne des élections législatives en1993, la plupart des partis politiques firent donc de laréduction des déficits une de leurs priorités au même titreque la croissance et la création d’emplois.

En outre, des circonstances supranationales, notam-ment la nécessité de se qualifier pour rejoindre la zoneeuro, peuvent déclencher des initiatives de réduction desdépenses. La crise de 2008, en accroissant la pression desmarchés et des instances supranationales a, pour sa part,renforcé la nécessité des ajustements budgétaires et acontribué à la synchronisation des initiatives de réduc-tion des dépenses publiques.

DES BAISSES PLUS OU MOINS IMPORTANTES

L’ampleur de la réduction est variable selon les pays. Sur lapériode 1990-2007, quatre pays ont pratiqué une réduc-tion de plus de 10 points de la dépense publique (Canada,1993-2000 ; Finlande, 1993-2000 ; Pays-Bas, 1995-1999 ; Slovaquie, 2002-2007). Pour mieux quantifier l’effort des pays, on peut aussi rapporter le nombre depoints de réduction du ratio dépenses/PIB au ratio dedépenses en début de période. Il est en effet plus facile deréaliser une baisse de la dépense d’un nombre de pointsde PIB donné si l’on part d’un niveau de dépenses élevé.D’après ce critère, la performance des Pays-Bas ou celle dela Suède a été légèrement moins bonne, relativement auxautres, puisque ces pays partaient d’un niveau de dépenseélevé.

Entre 2009 et 2012, les dépenses publiques dans l’unioneuropéenne ont diminué de 1,7 point de PIB, celles de lazone euro de 1,3 point. Comme le montre le tableau 2,

douze pays européens ont diminué leurs dépenses de plusde deux points de PIB entre 2009 et 2012 et sept pays lesont diminuées, en valeur, aux prix courants. Pour la Grèce,la Slovénie et la Lettonie, cette baisse en valeur se traduitnéanmoins par une réduction des dépenses en points dePIB très faible, inférieure à 2 points. Ces pays n’apparais-sent donc pas dans le tableau 2 (la baisse est de 0,5 pointde PIB pour la Grèce et la Slovénie ; le cas de la Lettonie estparticulier du fait d’une forte baisse du PIB en 2009). Dans le tableau 2, le cas du Portugal est révélateur : il estun des pays qui ont le plus réduit leurs dépenses en valeur(-6,71 %) mais le recul de son PIB, sur la période, fait qu’ilest, avec la Pologne, le pays qui a les résultats les plusmodestes en termes de nombre de points de réduction duratio (-2,4 points). Ceci révèle l’influence de la contractionde l’activité sur la mesure de la dépense. Notons d’ailleursqu’aucun des épisodes que nous avons identifiés entre1990 et 2007 (tableau 1) n’est caractérisé par une baissedes dépenses en valeur ce qui témoigne de conditions decroissance et d’inflation différentes entre les deuxpériodes.

LES SOURCES D’ÉCONOMIES

Il y a deux manières d’analyser les changements dans lacomposition de la dépense publique :

• en fonction de sa nature : salaires des agents publics ;consommations intermédiaires auprès des fournisseurs ;transferts sociaux aux ménages ; intérêts aux créan-ciers ; investissement ;

• en fonction des politiques et objectifs qu’elle sert : il s’agitdes fonctions classiques des dépenses publiques (COFOG5).

La nature des dépensesPour la période 1990-2007, le tableau 3 fait apparaître,pour chaque épisode de réduction, la nature de la dépensequi a subi la diminution la plus importante en points de PIBet la deuxième la plus importante. Ces chiffres montrentque la baisse des dépenses a porté principalement sur lestransferts sociaux (notamment en Finlande et en Irlande,l’effort dans ce dernier pays est d’autant plus notable qu’ilpartait d’un des ratios les plus faibles de l’échantillon), etsur la masse salariale des employés du secteur public(Canada et Finlande). Les rémunérations et les transfertssociaux étant parmi les natures de dépenses dont lesmontants sont les plus élevés, il n’est pas surprenant queces postes soient concernés par les réductions les plusimportantes, en points de PIB.

LA NOTE D’ANALYSEJUILLET 2014

5. La classification COFOG, en français CFAP (classification des fonctions des administrations publiques) constitue la référence pour le classement des fonctions desactivités publiques.

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TABLEAU 2 2009-2012 – ÉPISODES DE RÉDUCTION DES DÉPENSES APU* TOTALES DANS LES PAYS DE L’UNION EUROPÉENNE

Dette brute consolidée Dépenses en points de PIB Dépenses TCAM ** TCAM** en points de PIB en valeur du PIB des dépenses

2008 2012 2009 2012 Variation (prix courants) en volume en volumeentre 2009 - variation sur la période sur la période

et 2012 entre 2009et 2012

Bulgarie 13,7 18,5 41,4 35,9 -5,5 -1,56 % 0,9 % -3,9 %

Allemagne 66,8 81 48,3 44,7 -3,6 3,94 % 2,7 % 0,1 %

Estonie 4,5 9,8 44,7 39,5 -5,2 9,94 % 5,3 % 1,0 %

Irlande 44,2 117,4 48,1 42,6 -5,5 -10,65 % 0,4 % -3,6 %

Lituanie 15,5 40,5 44,9 36,1 -8,8 -0,69 % 3,8 % -3,5 %

Hongrie 73 79,8 51,4 48,7 -2,7 3,60 % 0,3 % -1,5 %

Pologne 47,1 55,6 44,6 42,2 -2,4 12,28 % 3,5 % 1,5 %

Portugal 71,7 124,1 49,8 47,4 -2,4 -6,71 % -0,9 % -2,5 %

roumanie 13,4 37,9 41,1 36,6 -4,5 4,37 % 0,6 % -3,2 %

Slovaquie 27,9 52,4 41,6 37,8 -3,8 2,89 % 3,1 % 0,2 %

Suède 38,8 38,2 54,9 52 -2,9 8,08 % 3,4 % 1,5 %

royaume-uni 51,9 88,7 50,8 47,9 -2,9 4,12 % 1,0 % -0,8 %* Dépenses des administrations publiques – ** TCAM : Taux de croissance annualisé moyen.

Source : Eurostat.

TABLEAU 3ÉVOLUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES PAR NATURE, 1990-2007 (EN POINTS DE PIB)

rémunérations Consommations Transferts revenus Investissementintermédiaires (1) sociaux (2) de propriété (3)

Allemagne -0,89 0,02 -2,93 -0,20 -0,16

Autriche -0,33 -0,17 -1,33 -0,09 0,01

Canada -3,88 -0,77 -3,20 -2,05 -0,43

Danemark 0,26 0,33 -3,22 -1,99 -0,13

Espagne -1,12 -0,20 -1,61 -2,08 -0,43

Estonie -0,29 -2,08 -0,65 -0,31 -1,10

Finlande -3,41 -1,03 -7,16 -1,60 -0,35

Hongrie 0,13 -0,01 -0,47 -1,77 0,19

Irlande -2,39 -0,29 -5,22 -4,10 0,89

Israël -1,59 -1,56 -1,44 -1,74 -0,78

Italie -1,47 -0,38 0,08 -6,00 -0,15

Norvège 1992-1996 nd nd nd nd nd2003-2006 -2,08 -1,39 -3,43 -0,29 -0,15

Pays-Bas -0,88 0,03 -3,56 -1,35 -0,13

république slovaque -2,50 -1,64 -0,48 -2,17 -1,29

royaume-uni -0,78 0,30 -1,60 -0,68 -0,19

Slovénie -1,21 -0,99 -1,68 -1,09 1,00

Suède 1995-2000 -1,10 -1,35 -1,86 -1,81 -1,022003-2007 -1,10 -0,62 -2,14 -0,47 0,14

Moyenne -1,37 -0,65 -2,33 -1,65 -0,23

Note : La réduction de la dépense la plus importante : en orange ; et la deuxième la plus importante : en rose.(1) Il s'agit des dépenses imputables aux phénomènes de sous-traitance (acquisition de biens et services par les administrations publiques) – (2) Il s'agit des dépenses allouées à desremboursements – (3) Il s'agit essentiellement des charges attenantes à la dette publique.

Source : Eurostat.

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TABLEAU 4 - ÉVOLUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES PAR POSTE POUR LES ÉPISODES DE LA PÉRIODE, 1990-2007 (EN POINTS DE PIB)

Services Défense Ordre et Affaires Protection de Logement et Santé Loisirs Enseignement Protection généraux sécurité économiques l'environnement équipement culture sociale

collectif et culteAutriche -0,23 -0,04 -0,08 -3,58 -0,04 -0,08 -0,07 0,09 -0,11 -1,21Canada -3,40 -0,43 -0,41 -0,97 -0,10 -0,17 -0,73 -0,20 -2,10 -2,41Danemark -1,83 -0,20 -0,10 -0,15 0,11 -0,18 0,03 -0,06 0,38 -2,70Estonie -1,20 0,22 -0,74 -0,44 0,03 -0,29 -0,79 -0,03 -1,16 -1,75Finlande -1,40 -0,57 -0,14 -3,78 0,00 -0,23 -0,89 -0,11 -1,41 -8,00Allemagne -0,44 -0,11 -0,13 -0,79 -0,08 -0,27 -0,46 -0,07 -0,25 -2,33Hongrie -1,76 -0,03 0,09 -1,16 -0,13 -0,15 -0,30 0,16 0,08 -0,25Irlande -4,16 -0,34 -0,43 -0,69 0,14 0,29 -0,12 0,04 -1,20 -3,22Israël -1,92 -1,49 -0,10 -0,10 -0,03 -0,34 -0,43 -0,18 -0,93 -1,73Italie -5,49 -0,35 -0,09 -1,38 0,04 -0,20 -0,39 0,16 -0,60 0,17Pays-Bas -1,70 -0,15 0,07 0,19 -0,10 -5,18 -0,12 -0,05 -0,22 -3,06Norvège -1,36 -0,62 -0,11 -2,38 0,01 0,01 -0,13 -0,37 -0,12 -2,20*

-0,82 -0,32 -0,25 -0,79 -0,02 -0,16 -1,34 -0,18 -1,31 -2,93**république -3,43 -0,58 -0,76 -2,56 -0,25 -0,27 1,39 -0,27 0,22 -4,33slovaqueSlovénie -1,50 0,26 -0,30 -0,33 -0,02 -0,06 -0,68 -0,02 -0,59 -1,64Espagne -1,86 -0,27 -0,13 -1,15 0,08 -0,03 -0,20 -0,01 -0,31 -1,92Suède -1,16 -0,15 -0,12 -2,07 0,07 -1,86 -0,16 -0,78 -0,26 -3,37***

-0,30 -0,41 0,01 -0,20 0,05 -0,14 -0,32 0,01 -0,55 -2,70****royaume-uni -0,73 -0,42 -0,07 -0,49 0,13 -0,29 -0,08 0,11 0,07 -1,36Moyenne -1,82 -0,32 -0,20 -1,20 -0,01 -0,51 -0,31 -0,09 -0,54 -2,47* Ligne 1992-1996 ; ** Ligne 2003-2006 ; *** Ligne 1995-2000 ; **** Ligne 2003-2007Note : La réduction de la dépense la plus importante : en orange ; et la deuxième la plus importante : en rose.Source : OCDE.

LA NOTE D’ANALYSEJUILLET 2014

La fonction des dépensesEntre 1990 et 2007, trois postes ont essentiellementcontribué à la réduction des dépenses : la protection sociale,les services publics généraux (qui incluent l’administrationgénérale, les intérêts de la dette, l’aide économique exté-rieure…) et les affaires économiques (tableau 4). C’est enFinlande et au Danemark que les efforts de consolidationont le plus porté sur la protection sociale (contributionsupérieure ou égale à 50 %) ainsi qu’en Suède et aux Pays-Bas (à hauteur d’un tiers). Les services généraux ont essen-tiellement contribué à la consolidation sur la deuxième moitié des années 1990, avant le passage à l’euro (Italie etIrlande notamment). De manière générale, les fonctionsrégaliennes et la santé sont relativement préservées.

Pour la période 2009-2011, la charge de l’ajustement,mesurée en termes absolus, porte essentiellement surl’emploi public, la dépense sociale (protection sociale etdans une moindre mesure éducation et santé) et le poste« affaires économiques » (tableau 5). Les coupes dedépenses de protection sociale représentent, de manièregénérale, la moitié de la réduction des dépenses publiquespar pays.

COUPES STRATÉGIQUES OU RABOT ? (2009-2011)

Il est possible d’analyser les arbitrages stratégiques effec-tués entre 2009 et 2011 en considérant les évolutions dela part de chaque poste dans la dépense totale entre 2009et 2011 (tableau 6).

En sommant les valeurs absolues des variations despostes en points de pourcentage de dépense totale, onobtient un indice dont la valeur sera d’autant plus élevéeque le poids de chacun des postes dans la dépense totaleaura varié entre 2009 et 2011. un indice élevé indiquedonc une présomption d’arbitrage stratégique et un indicefaible de la prédominance de coupes uniformes dans lesdépenses (méthode dite du « rabot »). Il y a bien sûr d’au-tres manières de calculer un tel indice mais les différentessolutions que nous avons étudiées donnent des résultatsassez similaires en termes de classement des pays. Par ail-leurs cet indice est très simple à construire. un de ses dés-avantages est que les réductions sur les postes impor-tants (par exemple la protection sociale) peuvent tirerfortement sa valeur vers le haut même si le poste estréduit dans des proportions modestes par rapport à la

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valeur de l’indice en début de période (par exemple, si unposte compte pour 20 % de la dépense en début depériode, faire passer sa part à 18 % augmente l’indice de 2points, ce qui est assez important, bien que cela ne corres-ponde qu’à une modeste réduction de 10 % à dépensetotale constante).

D’après cet indice, les pays dont la composition desdépenses a le plus varié sont la Bulgarie, la Slovaquie, laLituanie et la Roumanie. La Suède, la Pologne et l’Alle-magne ont, elles, opté plus souvent pour la méthode du« rabot ».

QuELQuES ENSEIGNEMENTS DES EXPÉrIENCES INTErNATIONALES EN MATIèrE DE MÉTHODEET DE PrINCIPES D’ACTIONune réduction des dépenses réussie et susceptible d’êtrebien acceptée doit limiter autant que faire se peut ladégradation des services publics dans le respect des choixsociaux et des préférences des citoyens. Or une informa-tion suffisante peut manquer aux décideurs politiquespour prendre la décision optimale : choix sociaux inobser-vables, incertitude quant à la frontière d’efficience6 (si le

pays se trouve déjà sur la frontière, une diminution descrédits se traduira inévitablement par une dégradation desservices publics), interaction entre les postes de dépenses(si deux dépenses sont complémentaires, la diminution del’une peut réduire la qualité des services publics associés àl’autre). Par ailleurs, des problèmes classiques d’économiepolitique rendent difficiles la conception et la mise enœuvre des programmes de réduction des dépenses : asy-métrie d’information au sein de l’administration et du gou-vernement et faibles incitations pour les ministères ditsdépensiers à proposer des options de réduction desdépenses.

Quelle méthode pour réduire les dépenses ?

Plusieurs configurations de propositions sont alors possi-bles selon le rôle joué par le ministère des Finances et lesministères dits « dépensiers » :

• Au royaume-uni en 2010 et au Canada, le principe estque chaque ministère propose des scénarii au gouver-nement, sans implication dans un premier temps duministère des Finances. Là où les responsabilités desprogrammes sont partagées, les propositions conjointesentre ministères dépensiers peuvent être encouragées.C’est le cas dans la revue des dépenses faite en 20107 auroyaume-uni.

TABLEAU 5ÉVOLUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES PAR POSTE ENTRE 2009 ET 2011 (EN POINTS DE PIB)

Services Défense Ordre et Affaires Protection de Logement et Santé Loisirs Education Protection généraux sécurité économiques l'environnement équipements culture sociale

collectifs et culte

Bulgarie -3,5 0,0 -0,5 -0,2 -0,4 -0,2 0,4 0,0 -0,7 -0,7

Allemagne -0,2 0,0 -0,1 -0,4 -0,1 -0,1 -0,3 0,0 -0,2 -1,7

Estonie -0,3 -0,7 -0,2 -0,7 -1,4 0,5 -0,6 -0,4 -0,7 -2,7

Irlande 0,9 -0,1 -0,2 0,5 -0,2 -0,7 -1,0 -0,1 -0,8 0,1

Lituanie 0,2 -0,3 0,0 0,0 -0,3 -0,2 -0,4 -0,2 -1,0 -4,2

Hongrie -1,5 0,2 -0,1 1,4 0,0 -0,5 0,1 0,4 -0,1 -1,4

Pologne 0 0,1 -0,2 0,1 0,0 -0,3 -0,4 0,0 -0,1 -0,5

Portugal 1,1 -0,2 -0,1 -0,4 -0,1 -0,2 -0,4 0,0 -0,5 0,2

roumanie 0,7 -0,8 0,0 -1,5 0,2 -0,3 -0,7 -0,1 -1,1 -1,0

Slovaquie 0,5 -0,5 0,0 -1,5 0,3 0,2 -1,9 0,0 -0,3 -0,3

Suède -0,2 -0,1 -0,1 -0,3 -0,1 -0,1 -0,3 -0,1 -0,4 -1,5

royaume-uni 1,2 -0,2 -0,3 -1,9 0,0 -0,5 -0,4 -0,1 -0,4 -0,1

Note : La réduction de la dépense la plus importante : en orange ; et la deuxième la plus importante : en rose.

Source : Eurostat.

6. Mareuge C. et Merckling C. (2014), «Pourquoi les dépenses publiques sont-elles plus élevées dans certains pays ?», La Note d’analyse, juillet, France Stratégie. 7. HM Treasury (2010), « The Spending Review Framework », Cm 7872, juin.

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TABLEAU 6ÉVOLUTION DE LA PART DES POSTES DANS LA DÉPENSE PUBLIQUE TOTALE ENTRE 2009 ET 2011 (EN POINTS DE POURCENTAGE)

Services Défense Ordre et Affaires Protection Logement et Santé Loisirs, Education Protection Somme ranggénéraux sécurité éco. de l'envt équipements culture sociale des valeurs

collectifs et culte absolues -indice

d’intensité stratégique

Bulgarie -7,1 0,4 -0,2 1,2 -0,7 0,1 2,7 0,4 -0,2 3,4 16,3 1

Allemagne 0,6 0,1 0,1 -0,4 -0,3 -0,4 0,5 0,0 0,6 -0,7 3,7 10

Estonie 0,8 -0,9 0,5 0,3 -3,3 1,4 0,9 -0,2 1,0 -0,5 9,8 7

Irlande 2,4 -0,1 -0,2 1,6 -0,4 -1,4 -1,5 -0,3 -1,2 1,2 10,3 5

Lituanie 2,1 -0,3 0,7 1,5 -0,2 -0,4 1,3 -0,2 -0,1 -4,5 11,4 3

Hongrie -2,6 0,4 0,0 3,1 0,2 -0,9 0,5 0,8 0,1 -1,7 10,3 6

Pologne 0,4 0,3 -0,2 0,7 0,0 -0,6 -0,6 0,0 0,2 -0,3 3,4 11

Portugal 2,4 -0,4 -0,1 -0,7 -0,1 -0,2 -0,7 -0,1 -0,8 0,8 6,3 9

Slovaquie 2,3 -0,9 0,6 -2,8 1,1 0,8 -3,3 0,4 0,1 1,7 13,9 2

Suède 0,4 0,0 0,1 0,0 0,0 -0,1 0,2 -0,1 0,0 -0,5 1,4 12

royaume-uni 2,9 -0,2 -0,2 -3,3 -0,1 -0,9 0,2 -0,1 -0,1 1,9 9,8 8

roumanie 2,6 -1,3 0,7 -0,5 1,1 0,0 -0,2 0,3 1,2 2,6 10,6 4

Source: Eurostat. Les données pour la Suède et la Roumanie sont calculées pour 2012/2009.

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LA NOTE D’ANALYSEJUILLET 2014

• Aux Pays-Bas, une revue conjointe entre les minis-tères dépensiers et le ministère des Finances a égale-ment donné de bons résultats (les équipes de révisionpour chaque sujet étaient constituées de représentantsdes ministères concernés et du ministère des Finances).Depuis 2009, une instance indépendante du gouver-nement joue un rôle central dans la conduite de cetterevue.

La méthode qui génère les réductions les plus substan-tielles est la revue stratégique des dépenses publiques.Lors d’une revue stratégique, des choix sont faits quantaux dépenses auxquelles il faut renoncer et quant à cellesqu’il faut au contraire sauvegarder, ce qui s’oppose auxdémarches peu discriminantes visant à réduire chaquetype de dépenses dans les mêmes proportions. Les choixstratégiques effectués dépendent bien évidemment de laconception de l’intérêt général et des priorités des autori-tés politiques.

Le processus de revue stratégique des dépensespubliques peut être représenté sous la forme d’un algo-rithme ou flow-chart. La spending review canadienne réa-lisée pour les années 1994-1999 a formalisé cette

approche pour les dépenses de l’État fédéral. Les ques-tions suivantes étaient posées successivement pourchaque programme :

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9FRANCE STRATÉGIEwww.strategie.gouv.fr

Un cadre opérationnel : principes et bonnespratiques de la réduction des dépenses

Afin de maximiser le rendement de la revue des dépenses,plusieurs principes ont été appliqués, touchant à la confi-guration de l’opération ou à la motivation des acteurs.

A. Principes d’efficacité : comment générer desréductions de dépenses substantielles ?

• Identifier les programmes qui nécessitent le recours à ladépense publique et abandonner ou réduire les autres

Ce principe de revue stratégique s’oppose à la méthode du« rabot » qui répartit les coupes de manière non discrimi-nante sur l’ensemble des postes de dépenses. Si le rabotest en effet plus simple à mettre en place, et apparemmentplus égalitaire, il est également susceptible de produired'importants effets pervers, réduisant la qualité du servicepublic et la confiance des citoyens en ne distinguant pasou peu entre les programmes efficaces et ceux qui sont lesmoins utiles. Toutes les dépenses publiques n’ont pas lamême utilité sociale. Par exemple, certaines dénommées« dépenses palliatives » dans le rapport Quelle Francedans dix ans ?8 n’ont pour seule raison d’être qu’elles com-pensent les effets de politiques publiques structurelle-ment inefficaces. Le cas d’école de la méthode stratégiqueest la revue de dépenses canadienne des années 1990.

Bien que la plupart des revues stratégiques arbitrent entreles dépenses de plusieurs ministères, il est égalementpossible de réaliser les arbitrages stratégiques au sein desministères. La revue stratégique canadienne faite en2009 prévoyait que chaque ministère identifie les 5 % deses dépenses prioritaires et les 5 % les moins prioritaires.

• Appliquer la revue stratégique à un ensemble aussi largeque possible de politiques publiques

On maximise ainsi la probabilité de déceler les sourcesd’économies. Dans les années 1990, on a appliqué auCanada le principe du nothing off the table : tous les minis-tères sont potentiellement concernés par la baisse desdépenses. Au sujet du Canada, Bourgon9 note qu’unerevue aussi large que possible favorise l'acceptabilité de labaisse des dépenses, au sein de l’administration mais éga-lement auprès de l’opinion.

• Ne pas fixer trop tôt de cibles par ministère. Puis « viserhaut » en proposant des options de réduction ambitieuses

En effet, fixer une cible chiffrée à un ministère au début duprocessus lui permet de limiter ses propositions au strict

minimum et de ne pas révéler l’ensemble des mesuresd’économie qui sont théoriquement réalisables.

une fois que les ministères ont fait des propositions préli-minaires, il est possible de fixer des objectifs chiffrésambitieux, quitte à les atteindre seulement partiellement.Aux Pays-Bas, de 1981 à 1991, le programme de réduc-tion des dépenses a été une réussite bien que les écono-mies effectives n’aient représenté que 25 % des écono-mies proposées.

• Ne rien décider jusqu’à ce que tout ait été décidé

Cette stratégie permet d’éviter les comportements atten-tistes de certains ministères qui espèrent que la pressionà la baisse des dépenses diminuera à mesure que lesautres ministères dévoileront leurs projets d’économies.

• Introduire une périodicité fixe des exercices de révisiondes dépenses pour inscrire l’effort dans la durée et/ouempêcher l’augmentation de la dépense ultérieurement

une manière de rendre récurrent le processus de révisiondes dépenses est de l’intégrer au calendrier budgétaire.une telle annualisation peut cependant s’avérer trèsconsommatrice d’énergie pour les administrations. unesolution est de recourir à une fréquence moindre qu’an-nuelle (aux Pays-Bas, depuis 2010, la revue des dépensesdoit s’effectuer tous les quatre ans).

• Appuyer la revue stratégique des dépenses sur unerecherche de gains d’efficience

Ces gains d’efficience, systématiquement recherchés dansles revues stratégiques, jouent un rôle d’appui et peuventdifficilement être la composante principale d’un programmede réduction ambitieux. Certains pays ont cependant fait lechoix de mettre en place des programmes dédiés à larecherche de gains d’efficience. C’est le cas de la GershonEfficiency Review de 2004-2007 au royaume-uni ou du Productivity Program finlandais pour 2005-2015.

B. Principes de complétude de l’exercice : comment éviter le report de la dépense surd’autres postes ?

• Limiter la propension des échelons locaux à s’endetter ou à augmenter les impôts dans les années suivant ladiminution des transferts du gouvernement central

Ce principe est d’application délicate si l’on attend des col-lectivités qu’elles continuent de fournir le même niveau deservices suite à une diminution des transferts. Son effec-

8. France Stratégie (2014), Fayard.9. Bourgon J. (2009), « Program Review: The Government of Canada’s Experience Eliminating the Deficit, 1994-1999 - A Canadian Case Study », septembre.

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LA NOTE D’ANALYSEJUILLET 2014

tivité est par ailleurs liée à la capacité du gouvernementcentral d’influer sur les décisions financières des collectivi-tés locales. Ainsi, au Canada dans les années 1990, laréduction des transferts fédéraux aux provinces aentraîné une hausse de leur endettement et des dépensesd’intérêt dans les années qui suivirent10. En Finlande,entre 1993 et 2000, il semble que la diminution des trans-ferts aux municipalités ait conduit à une augmentationdes taxes locales et sans doute de la dépense locale11.

• Faire participer les citoyens à la production des servicespublics

Le projet « Big Society » (2010), au royaume-uni, a iden-tifié des services publics qui pourraient être co-produitspar les citoyens, les ONG ou le secteur privé. En Italie(2009), des "réseaux amis" se développent qui permettentla délivrance de services publics par des acteurs de distri-bution privés (postes, tabac, banques etc.)

C. Principes de mobilisation et d’acceptabilité

• Associer les fonctionnaires en amont du processus

Au Canada, dans les années 1990, l’association des minis-tres et deputies (fonctionnaire de rang le plus élevé dansle ministère) a permis de limiter les comportements tac-tiques entre le politique et l’administration (le politiquepouvant être tenté de faire peser sur l’administration laresponsabilité d’un échec et vice versa).

• Solliciter l’appui des consultants du secteur privé si lanature de la réduction des dépenses le justifie

La contribution des consultants peut être fructueuse(exemple de la revue d’efficience Gershon en 2004 auroyaume-uni). Mais en général les intervenants exté-rieurs ne jouent qu’un rôle d’appui. Il est également possi-ble de recourir à des compétences externes à l’administra-tion de manière indirecte et innovante. La revue faite en2010 au royaume-uni a débouché sur la mise en placed’un groupe d’experts indépendants issus de l’administra-tion, du secteur privé et du monde académique dont le rôleétait de questionner et de « challenger » de manière créa-tive les projets de réduction proposés par les ministères(HM Treasury, 2010).

• Offrir des incitations aux ministères en permettant leredéploiement d’une fraction des coupes qu’ils réalisent

Cela permet aux ministères de mieux financer leurs nou-velles priorités et les fait entrer de plain-pied dans ladémarche stratégique de priorisation.

• Informer les citoyens

Cette nécessité, évidente au premier abord, est présentéecomme un facteur clé de la réussite de la révision desdépenses canadienne dans les années 1990. La communi-cation sur les projets de réduction peut aussi s’accompa-gner d’un effort d’information accru sur les dépenses indi-viduelles. Le gouvernement britannique s’est engagé àpublier sur Internet, à partir de novembre 2010, toutenouvelle dépense du gouvernement central supérieure à25 000 livres (HM Treasury, 2010).

• Amener les partis politiques à se prononcer sur lesmesures d’économies proposées et à identifier cellesqu’ils retiendraient

Aux Pays-Bas, les résultats de la revue des dépenses réa-lisée en 2009 ont nourri les programmes de tous les can-didats à l’élection législative de 2010, chacun choisissantparmi les mesures, selon sa sensibilité.

• Recourir aux gains d’efficience pour éviter de détériorerla qualité du service aux usagers

La question du niveau optimum de dépense est délicate(encadré 3). Ainsi, certaines opérations de réduction descoûts ont amené une dégradation substantielle du service.En Finlande, l’administration a tendance à considérer leProductivity Program (2005-2015) comme un programmede réduction du personnel plutôt que comme unedémarche visant à générer de réels gains d’efficience àtravers des innovations organisationnelles12. Le cas aus-tralien montre que la taille des structures administrativesimporte dans le cadre de la recherche de gains d’efficience.Ces gains se sont en effet révélés difficiles à obtenir dansles structures de petite taille (OCDE, 2011).

ENCADRÉ 3EFFETS DE LA RÉDUCTION DES DÉPENSES SUR LA QUALITÉ DES SERVICES PUBLICS

- Au Canada (années 1990) : certains observateurs soulignentque les réductions de transferts aux provinces ont eu un effetnégatif (difficile à quantifier) sur la qualité des services dansles hôpitaux et le secteur de l’éducation13.

- En Suède, en raison de coupes dans le secteur de la santé,fort mécontentement du public et allongement important des listes d'attente. Les coupes ont cependant encouragé la collaboration entre agences et, de ce fait, amélioré dans certains secteurs la délivrance des services publics(HM Treasury, 2009).

10. IGF (2011), « Étude des stratégies de réforme de l’État à l’étranger », rapport.11. HM Treasury (2009), « International Examples of Spending Consolidations », presentation, 1er février.12. OCDE (2011), “Typology and implementation of spending reviews”, Public governance committee discussion paper, novembre.13. Bourgault J. (2010), Les réformes de gestion au gouvernement fédéral du Canada : un mouvement continu dans Robert Bernier (dir.) : L’espace canadien :

mythes et réalités, pp. 263-305. Bourgault J. (2011), Les réformes administratives au gouvernement : la pratique canadienne.

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11FRANCE STRATÉGIEwww.strategie.gouv.fr

• Sanctuariser certaines dépenses

Les opérations de réductions budgétaires peuvent aller depair avec la sanctuarisation, assumée, de certaines dépensesconsidérées comme efficientes et prioritaires. Ainsi, les budgets de la santé et de la justice ont été peu réduits auCanada dans les années 1990 (mais la santé est essentielle-ment du ressort des provinces). En Finlande (1993-2000), la recherche-développement, considérée comme un investis-sement stratégique, a été sanctuarisée. Dans le document decadrage de la revue de dépense britannique faite en 2010(HM Treasury, 2010), le gouvernement britannique s’estengagé à ce que les dépenses de santé continuent de croîtreen termes réels durant la législature et a réaffirmé un objectifde dépenses en aide internationale de 0,7 % du PNB. Engénéral, et sauf cas exceptionnels (Irlande 2008-2011,royaume-uni, 2010), les révisions des dépenses ne concer-nent pas les projets d’investissement en cours.

D. Principes de mise en œuvre opérationnelle

• Agir rapidement une fois les décisions prises

S’il est possible de prendre le temps de la réflexion et de la décision, il faut ensuite mettre rapidement en place les mesures d’économies décidées. Dans le cas contraire,

les ministères dits dépensiers et l’administration peuventêtre tentés de rediscuter les décisions.

• Étaler dans le temps la mise en œuvre des réductions

Ce principe est surtout valable quand les revues dedépenses sont bien intégrées dans la culture de l’adminis-tration et des pouvoirs publics et que l’objectif n’est pasune réduction drastique. Dans le cas contraire, il peut êtrepréférable de revoir l’ensemble des programmes en mêmetemps pour limiter les comportements stratégiques etatteindre des économies substantielles. Au Canada, entre2008 et 2010, un tiers des administrations fédérales ontété revues chaque année. Cela permet de limiter la pres-sion sur l’administration si bien sûr le processus n’est pasperpétuel.

• Ne pas surcharger l’agenda gouvernemental d’autresréformes

une revue des dépenses est évidemment un exercice trèscontraignant et consommateur d’énergie, pour le gouver-nement, le parlement, l ’administration et l ’opinionpublique. Bourgon (2009) insiste particulièrement sur cepoint dans le cadre de l’expérience canadienne des années1990.

CONCLuSION À l’étude quantitative de la baisse des dépenses en points de PIB, il faut adjoindre une approche en termes d’éco-nomie politique qui recense les principes qui ont pu guider les décisions politiques aux différentes étapes d’un pro-gramme de réduction des dépenses.

Cette note souligne la diversité des principes qui ont été appliqués à un moment donné, dans un ou plusieurs pays.Chacun répond à l’une des quatre exigences suivantes : réduire de manière substantielle les dépenses ; diminuerles dépenses des administrations publiques au sens large ; faire accepter la réduction auprès de l’administrationet de l’opinion publique ; réussir la mise en œuvre opérationnelle des réductions.

Les principes guidant l’action politique dépendent du contexte de chaque pays, il est donc difficile d’identifier ceuxqui devraient être appliqués en toute occasion et ceux qui seraient optionnels. On peut néanmoins penser que cer-tains revêtent une importance particulière.

Il apparaît ainsi pertinent de :

• revoir un nombre aussi élevé que possible de dépenses et d’opérer des arbitrages stratégiques entre les postes ;

• d’impliquer pleinement l’administration dans le processus de telle sorte qu’elle propose et mette en œuvre desréductions de dépenses ambitieuses ;

• d’informer les citoyens sur les choix stratégiques qui sont faits et qui engagent pour partie l’avenir du pays.

Mots clés :dépenses publiques, consolidationbudgétaire, comparaisonsinternationales, économie politique.

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La Note d’analyse « Réduction des dépenses publiques : les leçons del’expérience » de France Stratégie est publiée sous la responsabilité éditoriale du commissaire général.

Les opinions qui sont exprimées dans la Note d’analyse engagent leursauteurs.

Quelle France dans 10 ans ? L’exercice, dès son origine en août 2013, aura été jalonné de parutions diverses que le lecteur trouvera surhttp://www.strategie.gouv.fr/blog/france-10-ans/Parmi celles-ci, une série de travaux où les membres des cinq chantiers thématiques qui ont structuré cette réflexion détaillent et présentent un ou des aspects particuliers de la démarche et des résultats qui n’auraient pas trouvé place dans les autres supports. Ces contributions, parfois techniques, développent chacune un aspect particulier des questions abordées dans le rapport final Quelle France dans dix ans ? publié chez Fayard.