18
Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane Author(s): Valérie Golaz Source: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol. 40, No. 3 (2006), pp. 426-442 Published by: Taylor & Francis, Ltd. on behalf of the Canadian Association of African Studies Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25433903 . Accessed: 14/06/2014 08:36 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Taylor & Francis, Ltd. and Canadian Association of African Studies are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographiquekényaneAuthor(s): Valérie GolazSource: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol.40, No. 3 (2006), pp. 426-442Published by: Taylor & Francis, Ltd. on behalf of the Canadian Association of African StudiesStable URL: http://www.jstor.org/stable/25433903 .

Accessed: 14/06/2014 08:36

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

.

Taylor & Francis, Ltd. and Canadian Association of African Studies are collaborating with JSTOR to digitize,preserve and extend access to Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 2: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

Recensements et cat?gories ethniques: Les

enjeux politiques de la croissance d?mo

graphique kenyane

Val?rie Golaz

Abstract For the first time in Kenyan history, ethnicity was not taken into account in the analyses drawn from the most recent census in 1999. In placing the

1999 census in its context, this article makes it possible to understand the

necessity for this radical deviation from the Anglo-Saxon tradition which had hitherto dominated national statistics. The polemic over the manip ulation of results according to ethnic categories in the previous census of 1989 contributed to the devaluation of this statistical tool. The abandon

ment of ethnic categories takes place within a competitive context exac

erbated by limited resources, while demographic growth remains a stake

for everyone. Political rivalry over questions of identity and land rights has led to serious tensions among communities in the 1990s, and any question related to ethnicity generates a climate of distrust and suspicion among Kenyans.

Introduction Le recensement kenyan de 1999 comprenait, comme tous les

recensements pr?c?dents du pays, une question sur le groupe

ethnique. Mais ? la suite des d?bats qui ont eu lieu au moment de

la collecte et au moment de la publication des premiers r?sultats, le

ministre du plan de l'?poque, Gideon Ndambuki, a d?clar? que la

r?partition de la population par groupe ethnique n'avait pas fait

l'objet d'analyse particuli?re et ne serait donc pas rendue publique.

N?anmoins, une "fuite" a permis au premier quotidien kenyan, le

Daily Nation,1 de publier quelques r?sultats concernant l'ensem

ble du pays (tableau 1 ), le 18 f?vrier 2000, avant m?me la sortie offi

cielle des r?sultats provisoires. Finalement, les r?sultats

Je remercie Herv? Maupeu et Claire M?dard pour leur aide.

426

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 3: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

Golaz: Recensements et cat?gories ethniques 427

Tableau 1: Population par groupe ethnique (en milliers) et croissance d?mographique, 1979-99

Kikuyu

Luhya Luo

Kamba

Kalenjin Kisii

Autres

Total

1979 '

Effectif

3 203 2 120 1956 1 726 1652

944

3 726 15 327

Rang

1

2

3

4

5

6

1989 (

Effectif

4 456

3 083 2 654 2 448

2 458 1318

5 026 21 444

Rang

1

2

3

5

4

1999 "

Effectif Rang

Taux d'accroissement

annuel moyen

1979-1989 1989-1999

5 302 4 070 3 105 2 962 3 466 2 070 7 710

28 687*

3,4%

3,8%

3,1%

3,6%

4,1%

3,4%

3,0%

3,4%

1,8%

2,8%

1,6%

1,9%

3,5%

4,6%

4,4%

3,0%

Sources: (a) Recensements de 1979 et 1989, (b) r?sultats non officiels

(Daily Nation 1 mars 2000). *

Le r?sultat provisoire annonc? par le Daily Nation lors de sa publication de la

r?partition ethnique de la population le 17 f?vrier 2000 ?tait de 28,9 millions, mais

par souci de coh?rence avec les autres tableaux j'utilise ici l'effectif total publi? 15

jours plus tard.

provisoires, publi?s en mars 2000, et les r?sultats d?finitifs (2001) ne tiennent pas compte de cette variable, ? la diff?rence des

recensements pr?c?dents. Ces r?sultats justifient enti?rement la mesure prise par le

gouvernement kenyan. En effet, ils indiquent que pour la deuxi?me

fois, le groupe kalenjin, celui du pr?sident Moi, passe devant un

autre groupe en termes d'effectifs. D?j? le recensement de 1989

avait fait l'objet de critiques fond?es ? ce sujet, qui remettaient en

cause toute utilisation de ses r?sultats. La manipulation des

donn?es, pendant les quelques cinq ann?es qui ont s?par? la

collecte de la publication, avait permis au nombre des Kalenjin de

d?passer celui des Kamba, les premiers obtenant ainsi la 4e place. Aussi le passage des Kalenjin de la 4e ? la 3e place a-t-il soulev? un

toll? de protestations ? la hauteur du scandale qui a suivi la publi cation des r?sultats de 1989 ?

protestations contenues par les

d?mentis du ministre et du chairman du comit? national pour le

recensement (census national steering committee), Cyrus Maina, et la promesse que les cat?gories ethniques n'appara?traient pas dans les publications officielles, alors que c'?tait le cas jusqu'alors.

On observe des rythmes de croissance d?mographique tr?s

vari?s d'un groupe ? l'autre. Il est bien connu que certaines popula tions isol?es ont des r?gimes d?mographiques sp?cifiques, li?s

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 4: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

428 CJAS / RCEA 40: 3 2OO6

? des pratiques sociales particuli?res. Par exemple, l'abstinence

pratiqu?e dans certaines cultures, avant le mariage, apr?s un

accouchement ou dans d'autres contextes encore, a une influence

notable sur la natalit?.2 On peut cependant se demander si le crit?re

ethnique est toujours pertinent pour l'analyse de la croissance de la

population kenyane ? la fin du XX?me si?cle, alors que les relations

entre communaut?s ne cessent de s'intensifier. L'usage de ce crit?re

n'est jamais neutre (Magaud 1997), et contribue ? figer des

diff?rences qui cachent l'h?t?rog?n?it? des groupes consid?r?s.

Sans nier l'aspect culturel de la croissance d?mographique, il est

important de voir que ces apparentes diff?rences d'accroissement

naturel sont en grande partie dues ? des diff?rences d'implantation

g?ographique et de conditions de vie. De plus, l'utilisation de ces

cat?gories ethniques dans un but de d?nombrement suppose

qu'elles ont un sens pour la population, en particulier que chaque

individu se reconna?t comme appartenant ? un groupe ethnique (et un seul), ce qui a ?t? une obligation administrative ? plusieurs

moments de l'histoire du Kenya, mais est loin d'?tre repr?sentatif de la population urbaine actuelle par exemple. C'est cependant de

l? que d?coule l'int?r?t politique port? ? la croissance diff?renci?e

des groupes ethniques kenyans. Les diff?rences de croissance pr?sentent un enjeu d'autant plus

grand qu'elles prennent place dans le pays o? la croissance d?mo

graphique a ?t? la plus forte d'Afrique ? la fin des ann?es 1970. Mais

alors que l'attention de la communaut? internationale se porte

essentiellement sur l'urbanisation et le d?s?quilibre pr?visible entre

villes et campagnes, des diff?rences de croissance importantes se

maintiennent en milieu rural, en relation ? des statuts fonciers

vari?s. Les cat?gories ethniques et leur poids d?mographique relatif

ont ?t? instrumentalis?es par les proches du pouvoir ? plusieurs

reprises depuis l'ind?pendance du Kenya, ce qui rend difficile toute

interpr?tation de statistiques par groupe ethnique.

L'enjeu d?mographique La croissance d?mographique diff?renci?e des groupes ethniques

kenyans au cours des derni?res d?cennies est d'autant plus difficile

? comprendre qu'elle se place dans le cadre d'un pays dont le r?gime

d?mographique a ?norm?ment ?volu?. En cinquante ans, la popu

lation kenyane s'est multipli?e par plus de cinq, et de nouvelles

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 5: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

Golaz: Recensements et cat?gories ethniques_429

dynamiques de peuplement se sont mises en place.

Croissance d?mographique

Apr?s avoir d?fray? la chronique ? la fin des ann?es 1970 par un

taux d'accroissement d?mographique de plus de 4%, le Kenya a

ensuite surpris ? nouveau la communaut? internationale par une

baisse radicale de ses taux de f?condit?. L'ann?e 1979 marque d?j? le tournant de l'histoire de la croissance de la population au Kenya. La baisse de la f?condit? a ?t? aussi tardive que radicale, peut-?tre

justement parce que les niveaux atteints ?taient si ?lev?s. Elle est

r?guli?re depuis le d?but des ann?es 1980. Evalu? ? plus de 8 enfants

par femme ? la fin des ann?es 1970, l'indice synth?tique de f?con

dit?3 est descendu aux environs de cinq enfants par femme depuis la fin des ann?es 1990. Cette chute de plus de trois points a ?t? aussi

peu anticip?e par les organisations internationales que ne l'avait

?t? le record des ann?es 1970.

La transition d?mographique est d?sormais attest?e au Kenya, o? elle s'est d?roul?e suivant le sch?ma attendu. Dans une

premi?re phase, la mortalit? a progressivement diminu?, le taux

brut de mortalit? passant de 25/1 000 en 1948 ? 14/1 000 en 1979

(Muganzi 1988, 36) gr?ce ? l'am?lioration du syst?me de sant? et

aux efforts des organisations non gouvernementales. La f?condit?,

elle, a augment? pour ces m?mes raisons, passant de 5,3 en 1962 ?

8,1 en 1977-78. Ensuite, dans une seconde phase, alors que la

mortalit? continuait ? baisser, le taux brut de mortalit? atteignant

10/1 000 en 1989 (Kenya 1996, V: 50), les taux de f?condit? ont

brusquement diminu?, l'indice synth?tique de f?condit? perdant

plus de 3 points en 20 ans. Aujourd'hui, la f?condit?, toujours en

baisse, semble se stabiliser aux environs de 5 enfants par femme

(CBS et al. 2004)4. Les facteurs de la baisse de la f?condit? kenyane ont fait l'objet

de nombreuses analyses (Van de Walle and Foster 1990; Kizito et al.

1991; Robinson 1992; Caldwell, Orubuloye and Caldwell 1992; Brass and Jolly 1993; Eger? and Mburugu 1994)5. Au niveau macro, Patrice Vimard (1996) met en relation la baisse de la f?condit?

kenyane et le passage d'une p?riode de croissance ?conomique ?

une p?riode de stagnation. Selon lui, les progr?s effectu?s au cours

de la p?riode de croissance (du point de vue de la scolarisation, de

l'acc?s ? l'information et aux m?thodes contraceptives) permettent

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 6: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

430 CJAS / RCEA 40: 3 2OO6

aux valeurs d'?voluer en cas de stress ?conomique. Au Kenya, la

baisse de la f?condit? peut ?tre mise en relation en particulier avec

la rar?faction de la principale ressource dans une population encore

tr?s largement rurale: la terre (Caldwell, Orubuloye and Caldwell

1992). De plus, ? cette f?condit? en baisse se greffe une mortalit? en

hausse depuis la fin des ann?es 1980, la mortalit? ? l'?ge adulte

?tant d?j? sur le point de reprendre son niveau des ann?es 1950 en

1989 (Kenya 1996, m: 109-12). Le Kenya, ayant longtemps b?n?fi

ci? de conditions favorables et d'un syst?me de sant? largement au

dessus de la moyenne africaine, vit depuis une dizaine d'ann?es les

contrecoups de l'?pid?mie du sida et l'incapacit? du syst?me de

sant? ? faire face ? la croissance de la demande de soins (Njue 2000). Le taux de croissance de la population du Kenya n'atteint plus,

en 2002, que 1,9%, d'apr?s la derni?re estimation de l'ONU (UNDP

2002). Apr?s avoir connu la plus forte croissance d?mographique

d'Afrique au sud du Sahara, la population kenyane a maintenant

l'une des croissances les plus faibles du sous-continent.

Mais m?me si l'accroissement de la population a chut? rapide ment et semble se stabiliser, la structure de la population kenyane est encore en pleine ?volution. C'est depuis les ann?es 1990 que les

probl?mes ?conomiques et sociaux li?s au surcro?t de naissances

dans les ann?es 1970-80 sont les plus importants.

UNE URBANISATION RAPIDE MAIS LIMIT?E

Au cours des derni?res d?cennies, la population s'est accrue dans

son ensemble et il y a eu des changements importants de r?parti tion sur le territoire kenyan: en particulier, l'urbanisation a ?t? elle

aussi l'une des plus rapides d'Afrique. Il faut dire que si l'urbanisa

tion a ?t? aussi rapide, c'est en partie parce qu'elle est longtemps rest?e limit?e. Encore aujourd'hui, on peut difficilement comparer

Nairobi aux plus grandes m?gapoles africaines comme Lagos, par

exemple. N?anmoins, les probl?mes ?conomiques et sociaux que ce changement brutal a exacerb?s n'en sont pas moins importants.

Au cours de la p?riode coloniale, le Kenya est administr? sur un

mode comparable ? celui de l'Apartheid. Le cloisonnement de

l'espace, entre zones de peuplement africain et zones europ?ennes, et les restrictions port?es aux d?placements des Africains en dehors

de leur "r?serve" ont contribu? ? repousser le processus d'urbani

sation. L'?mergence de grands march?s dans les principaux centres

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 7: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

Golaz: Recensements et cat?gories ethniques 431

Tableau 2: La croissance urbaine au Kenya

1948 1962 1969 1979 1989 1999

Population Effectif 7 068 9 872 11 830 15 327 21444 28 687 totale (en milliers)

Taux de - 3,4% 3,5% 3,4% 3,4% 3,0%

croissance

annuel moyen

Population Effectif 286 671 1082 2 309 3 877 9 904

urbaine (en milliers) Taux de -

6,3% 7,1% 7,9% croissance 7,6%

*

annuel moyen

Population Effectif (en 110 315 509 834 1325 2 143 de Nairobi milliers)

Taux de 7,8% 7,1% 5,8% 4,7% 4,9%

croissance

annuel moyen

Sources: recensements * Villes de plus de 2 000 habitants * *

Calcul? sur 20 ans pour pallier la sous-estimation du recensement de 1989

administratifs a ?t? tardive, d'autant plus que ces centres adminis

tratifs et en particulier la ville de Nairobi sont alors largement

europ?ens.6 Cela n'emp?che pas mais minimalise la cr?ation d'une

urbanisation "informelle." Il se produit donc, ? partir des ann?es

1950, une explosion de la croissance urbaine au Kenya, et en

particulier ? Nairobi o? le taux de croissance de la population

d?passe alors les 7% par an (tableau 2). Dans le cas de Nairobi, si

l'on en croit les recensements successifs, la croissance de la ville

semble progressivement diminuer jusqu'? moins de 5% par an.

Les chiffres disponibles sont en effet tributaires des limites admin

istratives en vigueur, et tout porte ? croire que la r?alit? est

diff?rente. La baisse apparente de la croissance de la population

indique simplement que la ville s'?tend ? l'ext?rieur de ses limites.

Les limites de la province de Nairobi n'ont pas ?t? modifi?es depuis

l'ind?pendance (M?dard, ? para?tre). En outre l'estimation officielle

de la population ? l'int?rieur de ces limites administratives est

controvers?e, en particulier pour les recensements de 1989.7

A la croissance des grandes villes (Mombasa, Nakuru, Kisumu,

Eldoret), difficile ? mesurer, s'ajoute l'?mergence d'une multiplic it? de petites villes et le d?veloppement de villes interm?diaires.

Les bourgs ruraux se multiplient, ind?pendamment des politiques

qui sont cens?es en g?rer la croissance,8 et servent de relais entre

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 8: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

432 CJAS / RCEA 40: 3 2OO6

les campagnes et les grandes villes. Toujours d'apr?s les recense

ments, la croissance urbaine atteint un pic ? pr?s de 8% par an dans

les ann?es 1970, mais elle s'est fortement ralentie depuis lors,

puisque le taux de croissance de la population urbaine ne vaut plus en 2002 que 4,6% selon les Nations Unies (UNDP 2002).

Diff?rences de croissance d?mographique et recompo sitions rurales

Croissance de la population et urbanisation sont les traits

marquants de la d?mographie kenyane de ces derni?res d?cennies.

Mais les enjeux politiques de cette croissance se sont fait sentir

aussi bien en milieu urbain qu'en milieu rural, o? la dynamique de

population a ?galement connu des changements importants. D'une

part, la f?condit? y a toujours ?t? plus forte qu'en milieu urbain, d'autre part, des recompositions spatiales se sont mises en place d?s

l'affaiblissement du contr?le de la population dans les ann?es 1950

et la mise en vente d'une partie des terres des colons europ?ens. La plupart des fronts pionniers agricoles avaient disparu dans les

r?serves africaines avant les ann?es 1940, la terre ?tant d?j? alors

r?partie et utilis?e dans son ensemble (r?serves kikuyu et kisii). Avec

la mise en vente de parties des anciennes terres europ?ennes, et la

lib?ralisation des mouvements dans la plus grande partie du pays, d'anciens fronts pionniers ont repris leur d?veloppement, comme le

district de Laikipia pour les Kikuyu, puis celui du Trans Mara pour les Kipsigis et les Kisii.9 D'autres terres, plus ?loign?es des anciennes

r?serves dens?ment peupl?es, ont ?t? le lieu d'un peuplement mixte

(Molo). Le caract?re central de ces nouveaux domaines fonciers, petit ? petit lib?r?s au profit d'une population africaine assez privil?gi?e,10 situ?s entre l'ouest dens?ment peupl? et le centre du pays, o? se

trouve Nairobi, a contribu? au d?veloppement de petits bourgs et de

villes tout le long des axes de communication.

Le Kenya est un cas particulier en Afrique en ce qui concerne le

caract?re priv? de la terre. La campagne d'immatriculation des terres

qui a d?but? ? la fin des ann?es 1950 a consolid? dans certaines anci

ennes r?serves un statut qui ?tait apparu de lui-m?me avec la satura

tion du domaine foncier. Dans d'autres r?serves, o? la pression fonci?re ne s'est fait sentir que bien plus tard, la gestion de la terre est

rest?e communautaire jusqu'aux ann?es 1990. Les diff?rences de

pression fonci?re entre anciennes r?serves ont donn? lieu lorsque

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 9: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

Golaz: Recensements et cat?gories ethniques_433

c'?tait possible ? un r??quilibrage. L'implantation de plus en plus

importante de populations originaires d'anciennes r?serves dens?

ment peupl?es dans les anciennes r?serves moins dens?ment

peupl?es a ?t? not?e. C'est le cas par exemple dans l'ancienne r?serve

maasai, dont la population a beaucoup augment? du fait de l'arriv?e, entre autres, de kikuyu et de kisii des r?serves voisines.

Comme la plupart des anciennes terres europ?ennes et la

plupart des anciennes r?serves africaines peu dens?ment peupl?es se trouvent dans la province de la Vall?e du Rift, celle-ci conna?t des

taux de croissance de population plus ?lev?s que les autres

provinces du pays (Nairobi exclue), 3,9% par an pour la p?riode

1969-1979, 4,4% par an pour 1979-1989, 3,4% par an pour 1989

1999 (mes calculs, ? partir des recensements). C'est dans cette

province en particulier que l'enjeu d?mographique est extr?me

ment li? ? la politique locale et nationale, car il soul?ve le probl?me de l'acc?s ? la terre.

Cette description rapide du cadre territorial dans lequel ?volu

ent les groupes ethniques kenyans ? l'ind?pendance montre l'enjeu

que repr?sente la croissance d?mographique en terme d'acc?s aux

ressources, en particulier fonci?res.

Chaque r?gion du pays poss?de cependant ses caract?ristiques

propres en terme de d?veloppement, de peuplement, d'urbanisa

tion, de potentiel ?conomique, d'accessibilit? et de probl?mes de

sant? publique, et ces caract?ristiques entra?nent plus ou moins

directement des comportements d?mographiques diff?rents, qui eux-m?mes modifient la structure par ?ge de la population. En

supposant que les soldes migratoires externes n'aient pas vari?

entre 1989 et 1999, portons notre attention ? l'?volution des nais

sances et des d?c?s au sein de la population kenyane et aux taux de

croissance indiqu?s dans le tableau 1. On pourrait mettre en rela

tion les faibles taux de croissance de la population chez les Luo, avec leur implantation importante dans le bassin du lac Victoria.

En effet, la mortalit? y ?tait d?j? deux fois plus ?lev?e que dans le

reste du pays avant m?me l'arriv?e de l'?pid?mie de sida, qui y a

d?grad? la situation sanitaire de mani?re consid?rable. De m?me, dans la province centrale ? plus de 90% kikuyu, la baisse de la

f?condit? relativement ancienne ? 3,7 enfants par femme en

moyenne seulement pour la p?riode 1995-98 (NCPD, CBS and MI

1998) ?

expliquerait les taux de croissance assez faibles obtenus

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 10: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

434 CJAS / RCEA 40: 3 2OO6

pour les Kikuyu. Mais on ne voit pas tr?s bien pourquoi les Maasai, les Kisii et les Kalenjin conserveraient des taux de croissance aussi

?lev?s, alors que la mortalit? a augment? dans leurs r?gions comme

dans l'ensemble du pays, et que la f?condit? y conna?t une baisse

r?cente mais av?r?e. Le taux de croissance obtenu pour les Kisii est

particuli?rement surprenant. Voici le seul grand groupe pour

lequel, dans une p?riode de baisse g?n?rale de la croissance, le taux

de croissance de la population augmente de plus de 1 % par rapport ? la d?cennie pr?c?dente, alors que d'autres sources attestent de la

baisse de la f?condit? ? 4,3 enfants par femme en moyenne seule

ment pour la p?riode 1995-98 (NCPD, CBS and MI 1998) ? et de la

hausse de la mortalit? (Golaz 2002).n Les diff?rences de structure

par ?ge de la population suffisent-elles ? justifier de tels ?carts?

C'est pourquoi on peut aussi se poser la question de la justesse de ces taux de croissance ethnique, et replacer ces r?sultats de

recensement dans le cadre politico-administratif kenyan.

Le recensement et les cat?gories ethniques comme outils politiques Vue de l'occident, une croissance d?mographique forte est une

menace dans un pays o? les ressources sont limit?es. Mais locale

ment, elle a longtemps ?t? per?ue plut?t comme un atout. Cet

attachement aux grands nombres renvoie ? l'organisation des

soci?t?s pr?-coloniales et ? la construction de l'Etat kenyan ? la

veille de l'ind?pendance. Cependant, la croissance d?mographique des diff?rents groupes ethniques n'est r?ellement devenue un enjeu

politique que sous la pr?sidence de Daniel arap Moi, entre 1979 et

2002. Plusieurs types de moyens sont mis en oeuvre pour asseoir la

repr?sentativit? nationale du pr?sident: en premier lieu, la

construction et l'usage officiel de la cat?gorie "kalenjin" dans les

recensements de population, puis l'incitation ouverte ? maintenir

une natalit? forte pour certains groupes ethniques, alors que l'atti

tude officielle, aux yeux des bailleurs de fond, est au contraire de

pr?ner une r?duction des naissances dans l'ensemble du pays, et

enfin la manipulation des r?sultats de recensement.

Nombre et pouvoir

De mani?re sch?matique, on peut dire que lorsque les ressources

sont disponibles en abondance, que ce soit dans les soci?t?s agricoles,

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 11: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

Golaz: Recensements et cat?gories ethniques_435

pastorales, ou mixtes, la f?condit? est le plus souvent valoris?e. La

main-d'oeuvre apport?e par les enfants permet ? une unit? domes

tique de contr?ler un territoire plus grand, de produire plus, d'acca

parer plus de richesses, de mieux prot?ger ses acquis contre les

attaques de communaut?s concurrentes pour ce territoire. Chaque individu a int?r?t ? avoir le plus de fils possible, pour la croissance de

la main-d'oeuvre ? long terme et le contr?le des ressources (points

d'eau, terre), et le plus de filles possible pour la main-d'oeuvre et la

compensation matrimoniale en b?tail qu'elles apportent, n?cessaire

pour marier les fils. Dans ce type de soci?t?, c'est souvent par cette

richesse (enfants et petits enfants) que l'homme ?g? acc?de ? un

statut sup?rieur. Le nombre apporte le pouvoir. A la fin de la p?riode coloniale, l'ethnicit? est un enjeu poli

tique fort, avec une opposition entre "groupes majoritaires" et

"groupes minoritaires" au Kenya. Depuis l'ind?pendance, le

d?veloppement a ?t? promu selon une ligne ethnique. Si le poids

d?mographique relatif des Kikuyu, consolid? par la cr?ation de

l'association GEMA,12 permettait de justifier en partie l'effort de

d?veloppement accord? ? ce groupe, Moi, lors de son accession au

pouvoir, aurait ?t? bien en mal de justifier des politiques favorisant son groupe ethnique, les Tugen (1,2% de la population

kenyane en 1969, avec les Cherangani). Une nouvelle construc

tion ethnique a par la suite ?t? instrumentalis?e: la cat?gorie

"kalenjin,77 utilis?e pour la premi?re fois dans un recensement en

1979, regroupe sept groupes ethniques aux langues apparent?es, les Kipsigis, les Nandi, les Keiyo, les Marakwet, les Tugen, les

Sabaot et les Pokot, dont cinq sont d?j? le produit du regroupe ment de communaut?s distinctes. Le groupe kalenjin vient alors

en cinqui?me position, en effectif, dans la hi?rarchie nationale.

Durant les ann?es 1990, le d?bat sur le f?d?ralisme qui existait ?

l'ind?pendance est remis au go?t du jour par des proches de Moi

pour contrer la menace li?e ? l'introduction du multipartisme. Ainsi Moi joue ? la fois la carte de la d?fense des droits d'ethnies

dites minoritaires dans l'ensemble du Kenya, et du rassemble

ment des groupes minoritaires de la province de la Vall?e du Rift en une seule entit? qui puisse concurrencer les groupes dits

majoritaires. Progressivement, on fait r?f?rence aux Kamatusa

(Kalenjin, Maasai, Turkana, Samburu), qualifi?s d"'indig?nes," dans le contexte de la remise en cause des droits fonciers des

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 12: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

436 CJAS / RCEA 40: 3 2OO6

autres communaut?s de la province de la Vall?e du Rift.

Malgr? cette volont? de former une communaut? ?largie, des

dissensions au sein de la famille kalenjin existent, certains sous

groupes s'estimant d?favoris?s.13 En 1999, les personnes recens?es

avaient la possibilit? de se d?clarer kalenjin, mais aussi tugen ou

m?me simplement kenyan (The East African 1 novembre 1999). L'utilisation de grands nombres pour justifier le d?veloppement d'un groupe minoritaire commen?ait ? ?tre mal per?ue par la

population.

Politiques de planification des naissances

En parall?le avec ces nouvelles cr?ations de cat?gories ethniques, des discours cibl?s incitent les ethnies minoritaires ? ne pas suivre

les campagnes de planification familiale, officiellement soutenues

par le gouvernement. En 1993 en effet, le ministre des travaux publics Jonathan

Ng'eno conseille aux Maasai et aux autres ethnies minoritaires

d'abandonner la planification familiale "puisque les derni?res ?lec

tions g?n?rales ont montr? qu'on ne peut pas commander si on

n'est pas nombreux" (Daily Nation 1 ao?t 1993). L'ann?e suivante, le dirigeant politique maasai Ntimama demande ? son tour aux

Maasai de rejeter les m?thodes contraceptives (Daily Nation 5

d?cembre 1994). Ces discours se placent dans le contexte d'une

baisse de la f?condit? tout juste av?r?e, pour laquelle l'effet des poli

tiques de population a longtemps ?t? remis en cause. En effet, le

gouvernement kenyan a officiellement commenc? ? promouvoir la

planification familiale en 1966. D?s 1967, un programme national

est mis en place (Ominde 1988, 41). Le programme n'a aucun

impact imm?diat sur la f?condit?, puisqu'elle augmente entre 1969

et 1979. La concentration des efforts du gouvernement sur la plan ification familiale sans prendre en compte le manque d'int?r?t de la

population pour ces services explique le peu d'efficacit? du

programme. Rien n'a ?t? fait pour encourager ? la baisse la taille des

familles (Frank and McNicoll 1987, 222). Ce n'est qu'? partir du

milieu des ann?es 1980 que sous la pression de la communaut?

internationale, le gouvernement accorde un effort particulier ? ses

campagnes de promotion de la planification familiale ? ? une

?poque o? la f?condit? a d?j? commenc? ? baisser dans certaines

parties du pays.

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 13: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

Golaz: Recensements et cat?gories ethniques_437

Lorsque certains groupes ethniques sont publiquement invit?s

par des hommes politiques influents ? ne restreindre leur f?condit?

d'aucune mani?re, cela peut certainement les influencer ? suivre ce

conseil, bien que l'on puisse douter que ce type de conseil, prodigu? dans le feu d'un discours politique, puisse suffire ? contrebalancer

les contingences ?conomiques. Mais cela peut aussi entra?ner une

r?action en cha?ne de la part des groupes ethniques qui n'?taient pas

concern?s, ind?pendamment des politiques publiques en vigueur. Le discours adress? aux Maasai es repris en faveur d'un autre groupe

ethnique, de langue bantoue cette fois, les Kuria, par leur d?put? Shadrack Manga [Daily Nation 23 juin 1997).

LES MANIPULATIONS DU RECENSEMENT DE 1989

C'est dans cette atmosph?re, en 1994, que sont rendus publics les

r?sultats du recensement de 1989. Non seulement la qualit? de la

collecte laisse ? d?sirer, mais une nouvelle ?tape est aussi franchie:

il ne s'agit plus l? de modifier les cat?gories ou d'encourager la

croissance, mais d'une manipulation pure et simple des donn?es, mal camoufl?e dans la publication, dans le but de consolider la

position kalenjin dans l'ensemble du pays, et en particulier dans la

province de la Vall?e du Rift. Apr?s quelques calculs, il semble que ce changement est principalement d? ? l'ajout apparent, dans les

r?sultats, de 20 000 Kalenjin suppl?mentaires dans la province de

la Vall?e du Rift (Golaz 1997, 115, 120). Un recensement de population est un outil incontournable

pour d?cider de la r?partition des ressources nationales, entre

unit?s administratives. Au Nigeria, la r?partition du budget national en fonction de l'effectif de la population administr?e dans

chaque r?gion a entra?n? une escalade de surestimations jusqu'au recensement de 1981 (Omoluaby et Levy 1992). Ici, la manipula tion est effectu?e par le centre, apr?s collecte, et n'a pas du tout la

m?me ampleur.

Lorsqu'un gouvernement se permet de modifier les r?sultats

d'un recensement dans un but politique, on peut se demander si

pour le m?me motif politique il n'a pas pu transiger ? la r?gle de

confidentialit? des donn?es de recensement. Le recensement de

1989 a peut-?tre ?t? utilis? pour d?limiter des nouvelles circon

scriptions ?lectorales dans la province de la Vall?e du Rift, ? partir de la r?partition ethnique Kalenjin / Kikuyu, de mani?re ? assurer

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 14: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

438 CJAS / RCEA 40: 3 2OO6

? la KANU des si?ges suppl?mentaires au parlement. Sans parler de

la possibilit? qu'ont peut-?tre eu des membres ?minents du

gouvernement d'utiliser ces donn?es censitaires confidentielles

pour leur int?r?t personnel, identifiant ainsi pr?cis?ment les popu lations ? ?vincer de leur circonscription ?lectorale pour s'assurer

leur r??lection. Il est attest? que des proches de Moi ont particip? ?

l'organisation des conflits ethniques qui ont oppos? groupes kama tusa et groupes non-kamatusa principalement dans la province de

la Vall?e du Rift au moment des ?lections g?n?rales de 1992, puis ? nouveau en 1997 (M?dard 1996).

Conclusion

Dans ce contexte les cat?gories ethniques pr?sentent un caract?re

ambivalent: d'une part l'identit? ethnique est exacerb?e par les

enjeux qu'elle repr?sente et les cat?gories se renforcent, d'autre

part les politiques de r?pression et de r?compense fond?es sur un

crit?re ethnique peuvent inciter une partie de la population ? ne pas d?voiler cette identit?, ou ? vouloir fausser les st?r?otypes en

d?clarant appartenir ? un groupe ethnique diff?rent. Ces derniers

?l?ments contribuent ? la perte de sens des donn?es de recense

ment sur l'ethnicit?.

De plus, ? partir du moment o? un gouvernement joue, en ne

s'en cachant presque pas, sur les chiffres qu'il publie, leur cr?dibil

it? diminue fortement. Aussi n'est-il pas ?tonnant qu'on voie dans

les r?sultats du recensement de 1999 une nouvelle tra?trise du

gouvernement sortant. Les r?sultats "ethniques," certes, ne sont

pas officiels ? et rien ne prouve qu'ils soient issus du recensement

plus que de l'imagination du journaliste qui a pris l'initiative de les

rendre publics, ce qui reste ? esp?rer vu l'incoh?rence des taux de

croissance obtenus. Mais en l'absence de statistiques ethniques

officielles, la r?partition de la population par province et par district

soul?ve tout autant de contestations (The People 1 f?vrier 2001). Il faut souligner ici la nouveaut? que repr?sente le refus

d'utiliser les cat?gories ethniques dans les r?sultats officiels du

recensement. C'est une premi?re pour le Kenya, qui de ce fait

quitte la tradition anglo-saxonne et rejoint la tradition fran?aise en la mati?re.14 Il faut saluer aussi la participation du Central

Bureau of Statistics kenyan ? plusieurs projets internationaux

visant ? rendre public une partie des r?sultats des recensements,

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 15: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

Golaz: Recensements et cat?gories ethniques 439

pour permettre les comparaisons internationales et nationales, y

compris de celui de 1989, par le biais de VAfrican Census Analysis

Project (ACAP) et de {'Integrated Public Use Microdata Series

(IPUMS). Les efforts du gouvernement de Mwai Kibaki vont dans

le m?me sens. Il reste ? voir si le nouveau gouvernement parvien

dra ? remplir son contrat, malgr? la cristallisation identitaire et

les conflits qui ont envenim? les relations inter-ethniques dans

les ann?es 1990.

Notes 1 Une grande partie des articles du Daily Nation sont disponibles sur le site

www.nationaudio.com/news/DailyNation. Il faut saluer cette initiative et

la qualit? de l'information sur le pays qui en d?coule. 2 On peut ?voquer par exemple le cas des Meru, pour lesquels la f?condit?

se limitait ? environ cinq enfants par femme avant la p?riode coloniale, par un syst?me d'interdits et un ?ge d'entr?e en union tardif chez les hommes

comme chez les femmes (Peatrik 1999). En Afrique de l'Est, une restriction

importante ? la croissance d?mographique de certains groupes ethniques a

longtemps ?t? la st?rilit? f?minine, dont les causes pass?es sont encore mal

connues (pour le Bunyoro, voir les travaux de Shane Doyle (par exemple

2000), pour les Maasai, ceux d'Ernestina Coast (par exemple 2001), et plus

g?n?ralement, Brass 1958). 3 L'indice synth?tique de f?condit? (ISF) est une mesure transversale de la

f?condit? ?tablie ? partir du rapport des naissances de la p?riode consid?r?e au nombre de femme en ?ge f?cond. 4 Cette stabilisation de la f?condit? ? un niveau relativement ?lev? fait

l'objet de recherches ? l'heure actuelle, et a ?t? aussi observ?e dans d'autres

pays que le Kenya: le Bangladesh, la r?publique dominicaine, le Ghana en

sont d'autres exemples (Bongaarts 2005). 5 Pour une excellente revue des th?ories de la baisse de f?condit? en

Afrique, voir le travail de Cl?mentine Rossier (2002, 6-38). 6 Nairobi fait alors l'objet d'une politique de s?gr?gation spatiale stricte II

faut un laissez-passer pour traverser la zone centrale europ?enne, et il est

interdit ? la population africaine d'y demeurer plus de 24 heure ( Rodriguez -

Torr?s 1998). 7 Par exemple, certaines parties du bidonville de Mathare Valley n'ont pas ?t?

recens?es en 1989 (communication personnelle de Deyssi Rodriguez-Torr?s). 8 Nombre de centres planifi?s dans une volont? de d?veloppement rural sont demeur?s ? l'?tat de march?s fant?mes, l'urbanisation touche princi

palement les axes de communication. 9 Les migrations restent entrav?es dans certaines zones sp?cifiques, par

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 16: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

440 CJAS / RCEA 40: 3 2OO6

exemple dans le Trans Mara, demeur? "closed district" jusqu'au d?but des ann?es 1970, pour lesquelles le port d'un laissez-passer reste obligatoire

m?me apr?s l'ind?pendance. 10 L'accession ? la propri?t? se fait essentiellement par des compagnies

d'achat de terre principalement contr?l?es par des Kikuyu,- ce sont souvent

les personnages les plus influents et leurs suivants qui en b?n?ficient (Leys 1975, 125; M?dard 1999, 356-67). 11 Une ?tude int?ressante sur les r?sultats de l'enqu?te d?mographique et

de sant? de 1993 par ethnie atteste d?j? de ces ?volutions pour le d?but des

ann?es 1990 (Bauni, Gichuhi and Wasao 2000). 12

Gikuyu, Embu and Meru Association, qui a jou? un r?le important dans

les compagnies d'achat de terres.

13 C'est le cas des Sabaot en particulier (M?dard 2002) 14

Les recensements tanzaniens ne font pas non plus r?f?rence ? des cat?

gories ethniques (Coast 2001).

Bibliographie Bauni, Evasius, Wanjiru Gichuhi and Samson Wasao. 2000. Ethnicity,

modernity and Fertility in Kenya. African Population and Health

Research Center, Working Paper no. 11, Population Council, Nairobi.

Bongaarts, John. 2005. "The Causes of Stalling Fertility Transitions." IUSSP Conference, Tours.

Brass, William. 1958. "The Distribution of Births in Human Populations."

Population Studies 12, no.l: 51-72.

Brass, William and Carole L. Jolly, eds. 1993. Population Dynamics of

Kenya. Washington: National Academy Press.

Caldwell, John C, Isra?l O. Orubuloye and Pat Caldwell. 1992. "Fertility Decline in Africa: A New Type of Transition?" Population and

Development Review 18, no.2: 211-42.

Coast, Ernestina. 2001. "Colonial Preconceptions and Contemporary

Demographic Reality: Maasai of Kenya and Tanzania." IUSSP

Conference, Br?sil.

Central Bureau of Statistics (CBS) [Kenya], Ministry of Health (MOH)

[Kenya] and ORC Macro. 2004. Kenya Demographic and Health

Survey 2003. Calverton, Maryland: CBS, MOH et ORC Macro.

Doyle, Shane. 2000. "Population Decline and Delayed Recovery in

Bunyoro, 1860-1960." Journal of African History 41: 429-58.

Eger?, Bertil and Edward Mburugu. 1994. "Kenya: Reproductive Change under Strain." In Understanding Reproductive Change, edited by Bertil Eger? and Mikael Hammarskjld, 31-64. Lund, Sweden:

University Press.

Frank, Odile and Geoffrey McNicoll. 1987. "An Interpretation of Fertility

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 17: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

Golaz: Recensements et cat?gories ethniques 441

and Population Policy in Kenya." Population and Development Review 13, no.2 (June): 209-42.

Golaz, Val?rie. 1997. "Les enjeux ethniques des recensements: le recense

ment de 1989 au Kenya." Politique Africaine, no.67 (octobre): 113-21. -. 2002. "Croissance d?mographique, pression fonci?re et diversifica

tion ?conomique: une analyse biographique des strat?gies de survie ?

Magenche (Gucha District, Kenya).77 Th?se de doctorat de d?mogra

phie ?conomique, Institut d'Etudes Politiques de Paris.

Kenya. 1994. Kenya Population Census 1989. Volume I. Central Bureau of

Statistics, Office of the Vice-Pr?sident and Ministry for Planning and

National Development. -. 1994. Kenya Population Census 1989. Volume II. Central Bureau of

Statistics, Office of the Vice-President and Ministry for Planning and

National Development, 590p. -. 1996. Kenya Population Census 1989. Volumes III-V Central Bureau

of Statistics, Office of the Vice-President and Ministry for Planning and National Development.

Kizito, P.M.L., Walter Obunju, Moses Kibet and Wamucii Njogu. 1991.

Fertility Transition in Kenya. DHS Further Analysis Studies 11, MI.

Calverton, Maryland.

Leys, Colin. 1975. Under development in Kenya: The Political Economy of Neo-colonialism, 1964-71. Nairobi: EAEP.

Magaud, Jacques. 1997. "Pr?face." In Old and New Minorities /Anciennes et nouvelles minorit?s, sous la direction de Jean Louis Rallu, Youssef

Courbage et Victor Pich?, 1-2. Paris: INED.

M?dard, Claire. 1996. "Les conflits "ethniques" au Kenya: une question de

votes ou de terres." Afrique Contemporaine, no. 180 (octobre-d?cem

bre): 62-74. -. 1999. "Territoires de l'ethnicit?: encadrement, revendications et

conflits territoriaux au Kenya." Doctorat de G?ographie, Universit?

de Paris I, Panth?on Sorbonne. 2 volumes.

-. 2002. "Les Kalenjin du Kenya: entre ethnicit? et territoire." Bulletin

de l'Association de g?ographes fran?ais 2: 199-210. -. ? para?tre. "Croissance urbaine et acc?s ? la terre: le cas de Nairobi.77

In Nairobi contemporain, sous la direction de Herv? Maupeu et

Deyssi Rodriguez-Torres. Paris: Karthala.

Muganzi, Z. 1988. "Recent Developments in the Estimation of Fertility and Mortality Levels and Trends from Limited and Defective Data.77 In

Kenya's Population Growth and Development to the Year 2000 AD, sous la direction de Simeon H. Ominde, 34-39. Nairobi: EAEP.

NCPD, CBS et MI, 1998. Kenya Demographic and Health Survey 1998.

Calverton, Maryland: NCPD, CBS et MI.

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 18: Recensements et catégories ethniques: Les enjeux politiques de la croissance démographique kényane

442 CJAS / RCEA 40: 3 2OO6

Njue, Carolyne. 2000. "Les organisations non gouvernementales et les

pouvoirs publics face ? la sant?: l'exemple du Kenya." Afrique

Contemporaine, 3?me trimestre, 241-49.

Ominde, Simeon H. ?d. 1988. Kenya's Population Growth and

Development to the Year 2000 AD. Nairobi: EAEP.

Omoluabi, E. et M.L. Levy. 1992. "Le recensement du Nigeria." Population et Soci?t?s, no.272 (octobre): 1-3.

Peatrick, Anne-Marie. 1999. La vie ? pas cont?s, G?n?ration, ?ge et soci?t?

dans les hautes terres du Kenya (Meru Tigania- Igembe). Nanterre:

Soci?t? d'ethnologie.

Rodriguez-Torres, Deyssi. 1998. "Nairobi, entre Muthaiga et Mathare

Valley." In Le Kenya contemporain, sous la direction de Fran?ois

Grignon et G?rard Prunier, 209-29. Paris et Nairobi: Karthala et IFRA.

Rossier, Cl?mentine. 2002. "Measure and Meaning of Induced Abortion in

Rural Burkina Faso." PhD thesis, University of Berkeley. UNFPA. 2002. "Demographic, Social and Economic Indicators." In State

of the World Population 2002. New York: United Nations.

Van de Walle, Etienne and Andrew Foster. 1990. Fertility Decline in Africa: Assessment and Prospects. World Bank Technical Paper.

Vimard, Patrice. 1996. "Evolution de la f?condit? et crises africaines." In

Crise et Population en Afrique: crises ?conomiques, politiques d'ajustement structurel et dynamiques d?mographiques, sous la

direction de Jean Coussy et Jacques Vallin, 293-318. Paris: Les Etudes

duCEPEDno.13.

This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 08:36:19 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions