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Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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Ralentir pour découvrir plus profondément le monde, mais aussi pour se découvrir soi-même, construire un état d’esprit particulier, réveiller l’acuité des cinq sens. Comprendre la manière de vivre des gens qui nous offrent l’hospitalité, s’adapter au rythme de la vie locale, s’immerger dans la nature, s’accorder des moments de contemplation. Et transformer parfois ses vacances en voyage intérieur… 1“C’e

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Ralentir pour découvrir plus profondément le monde,

mais aussi pour se découvrir soi-même, construire

un état d’esprit particulier, réveiller l’acuité des cinq

sens. Comprendre la manière de vivre des gens qui

nous offrent l’hospitalité, s’adapter au rythme de la

vie locale, s’immerger dans la nature, s’accorder des

moments de contemplation. Et transformer parfois

ses vacances en voyage intérieur… (Bogdan)

Voyage lent

1ILLUSTRATION: Cristi

Page 4: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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C’est

l’histoire

d’un fleuve. Quel fleu-

ve, ce n’est pas important. En

Roumanie, en Italie, en Belgique, en Bulgarie,

en France... quelque part d

ans la montagne a surgi une

source. Insouciante, vive, elle a commencé à descendre la montagne.

Elle a sauté au-dessus des cailloux, joué avec les poissons, s’est faufilée sous les

racines... Quand elle est parvenue en bas dans la plaine, elle s’était d

éjà assagie, elle avait

forci, l’enfant-source était en tra

in de devenir un fleuve-adolescent. D

ésormais, il séparait le

monde en

deux rives, il f

allut un pont pour aller de l’une à l’autre. Plus rien ne résistait a

u fleuve, il traversait le

s frontières,

quand il lui prenait l’

envie de déborder en crue, il inondait to

ut autour de lui. Il était a

doré, respecté, craint.

Il était iv

re de son pouvoir, de sa propre im

portance. Mais plus il a

vançait, plus il s

entait qu’il a

vait un destin,

parvenir à la mer, fo

ndre ses eaux avec celles, salées, de l’océan. Il n

’était plus qu’à une centaine de kilomètres

de la mer lorsqu’il e

st parvenu dans un désert. Petit à

petit, il sentait ses forces qui l’a

bandonnaient. Il devenait

petit, petit c

omme l’enfant qu’il a

vait été mais la joie l’avait q

uitté: jamais il n

e parviendrait à la mer. Q

uand il

ne fut plus qu’un filet d’eau sur le point d’être avalé par le

s sables, il entendit u

ne voix. La voix du vent. Qui lui

disait simplement: « Laisse-toi aller ». Le fleuve a lutté, dans le souvenir d

e sa propre importance, il n’était p

as de

ceux qui abandonnaient, il était u

n de ceux qui forgeaient le

ur destin à la force de leur volonté. Mais

épuisé, sur le point de mourir,

le fleuve presque malgré lui s’est laissé aller un instant. E

t il

s’est senti devenir l

éger, léger…

Il n’a pas lutté. Ses eaux se sont élevées dans

le ciel jusqu’à former un petit

nuage que le vent a emporté vers la

mer. Le fleuve-nuage a ainsi tra

versé le désert et, p

arvenu

de l’autre côté, il s’est changé en pluie. En pluie

dans la mer. Il s’est mélangé aux

vagues et a remercié le

vent. (Philipp

e)

Page 5: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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PHOTOS ET ILLUSTRATION: Blandine

C’est

l’histoire

d’un fleuve. Quel fleu-

ve, ce n’est pas important. En

Roumanie, en Italie, en Belgique, en Bulgarie,

en France... quelque part d

ans la montagne a surgi une

source. Insouciante, vive, elle a commencé à descendre la montagne.

Elle a sauté au-dessus des cailloux, joué avec les poissons, s’est faufilée sous les

racines... Quand elle est parvenue en bas dans la plaine, elle s’était d

éjà assagie, elle avait

forci, l’enfant-source était en tra

in de devenir un fleuve-adolescent. D

ésormais, il séparait le

monde en

deux rives, il f

allut un pont pour aller de l’une à l’autre. Plus rien ne résistait a

u fleuve, il traversait le

s frontières,

quand il lui prenait l’

envie de déborder en crue, il inondait to

ut autour de lui. Il était a

doré, respecté, craint.

Il était iv

re de son pouvoir, de sa propre im

portance. Mais plus il a

vançait, plus il s

entait qu’il a

vait un destin,

parvenir à la mer, fo

ndre ses eaux avec celles, salées, de l’océan. Il n

’était plus qu’à une centaine de kilomètres

de la mer lorsqu’il e

st parvenu dans un désert. Petit à

petit, il sentait ses forces qui l’a

bandonnaient. Il devenait

petit, petit c

omme l’enfant qu’il a

vait été mais la joie l’avait q

uitté: jamais il n

e parviendrait à la mer. Q

uand il

ne fut plus qu’un filet d’eau sur le point d’être avalé par le

s sables, il entendit u

ne voix. La voix du vent. Qui lui

disait simplement: « Laisse-toi aller ». Le fleuve a lutté, dans le souvenir d

e sa propre importance, il n’était p

as de

ceux qui abandonnaient, il était u

n de ceux qui forgeaient le

ur destin à la force de leur volonté. Mais

épuisé, sur le point de mourir,

le fleuve presque malgré lui s’est laissé aller un instant. E

t il

s’est senti devenir l

éger, léger…

Il n’a pas lutté. Ses eaux se sont élevées dans

le ciel jusqu’à former un petit

nuage que le vent a emporté vers la

mer. Le fleuve-nuage a ainsi tra

versé le désert et, p

arvenu

de l’autre côté, il s’est changé en pluie. En pluie

dans la mer. Il s’est mélangé aux

vagues et a remercié le

vent. (Philipp

e)

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Quête aux sensations…Chacun rherche son pace de silence remonte par l sensations olfactiv, auditiv, tactil, à la saveur d chos simpl, dire, naturell, aux souvenirs d’enfance aui…Ce qui donne un speacle peu banal! Une bande exotique de tourist inhabituels, à l’affût de la hoto ou de la sensation neuve, remonte l ruell de Tulcea, s’agenouille pour sentir l fleurs, cueillir d brins d’herbe, ramer l objs l lus hétéroclit…Puis, le groupe s’oit sur un carré d’herbe pour hanger l imprions…(Vincent)

4

Page 7: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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Au début, j’ai fermé les yeux, une voix me poursuivait… en français, en espagnol, s’éloignait, puis revenait, je l’ai perdue. Au bout d’un moment, le soleil est venu sur mon corps, grande couverture chaude.

Des pas de gens près du port. Le pas fort, décidé, le pas sûr. Alors l’odeur! Celle du travail, du fer, de la poudre, de l’essence, mais pas seulement l’essence.

Être

seul

. Le

sole

il, le

ven

t, le

bru

it de

la v

ille,

des

oise

aux.

Pas

une

pe

rson

ne a

vec

qui p

arle

r le

bulg

are.

Êtr

e se

ul.

Le souffle du

vent dans mes oreilles était

un filtre à tous les sons. J’étais

dans un bocal, je buvais les sons

comme un poisson. Zapping de

sons de mouettes, de ferrailles,

de clapotis de l’eau.

Je viens à Tulcea pour m’en aller de Sulina. J’y prends du matériel, du papier pour mes photos, un jour seulement, depuis vingt ans... Ici le quai est plus haut.

Dan

s une

ruel

le, u

n ho

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uir,

qui b

rûla

it au

sole

il,

l’été

. Je

sens

enc

ore

l’ode

ur

du fa

ux c

uir.

Prendre

ce brin d’herbe, le

frotter dans mes mains, sentir

la fraîcheur de l’herbe. C’est une

plante que je connais depuis

toujours, on la mettait

dans les cheveux.

Ici

j’ai deux

amis, le soleil et le

vent. A chaque fois que j’y reviens,

je sens la chaleur, qui me calme,

m’embrasse fort, et le

vent joue

dans mes cheveux, sur mon visage,

autour de moi. Il est je

une,

énergique. Je

l’aime.

Je n’ai pas écouté, j’ai voulu me sentir tête

en l’air, nulle part, flotter jusqu’ici.

En descendant la ville, des klaxons,

l’agitation… Et le clapotis de l’eau, un

ponton couine, vagues, l’attente du départ…

Un

silen

ce, u

ne so

rte

de

calm

e, l’

odeu

r de

la v

ille,

de

l’ea

u.

Je cherche mes

repères, je ne sais

jamais où je suis, où je

vais, d’où vient le vent,

les vagues…

5PHOTOS: Vincent

Page 8: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

6 PHOTOS: Bogdan, Cristiana, Cristi, Eduard, Kiril ILLUSTRATION: Eduard

Page 9: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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Sur le dos du grand bateau...C’est un escargot qui part en promenade sur le dos d’une tortue. Il dit: « Ouh-là-là, qu’est-ce que ça va vite! » (Philippe)

Page 10: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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SulinaLe « vapor » entre dans la ville. On voit d’abord le château d’eau. Rouge brique. Il appartenait aux hollandais. On dit. On dit qu’une reine de là-bas est descendue un jour, tout proche, qu’elle a demandé un verre d’eau fraiche. Qu’il faisait chaud. On dit qu’alors un jeune homme est venu vers elle, un gobelet à la main qu’il avait sorti de sa barque et qu’il a d’abord rempli dans le canal puis qu’il l’a tendu à la reine de Hollande. On dit qu’elle était si triste, la reine, qu’elle a ordonné de construire ce grand château d’eau. Pour l’eau à boire. (Estelle)

Au débarcadère, une ligne de carrioles et de chevaux tranquilles attachés à elles nous montre leur derrière en ruminant un peu parfois. Elles attendent les caisses, les frigos, les sacs que les hommes chargent à grand cris. Il y a du monde sur ce quai qui marche. Et aussi des vélos. Les vaches restent plutôt dans les rues derrière, c’est plus tranquille et il y a de l’herbe. Les barques, on les voit à peine à cause des feuilles qui tombent. Elles savent que de toute façon elles vont partir de là. (Estelle)

PHOTOS: Bogdan, Claudia, Cristiana, Kiril

Page 11: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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Ce qui frappe à Sulina, ce sont les usines en général, celles de construction navale en particulier, désaffectées, le nombre de personnes au chômage, un niveau de vie très bas et une population qui tente de survivre du tourisme, de la pêche et de quelques rares industries qui subsistent encore...

(Vincent)

Dans les années 1989 -2000, c’était comme un désert. Après, petit à petit, le tourisme est arrivé. S’il n’y avait pas le tourisme, ici à Sulina on pouvait mourir sans que personne ne s’en aperçoive.

(Liviu)

Page 12: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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La fille du roi!Un roi avait une fille si belle que tous les hommes rêvaient de l’épouser. Mais le roi voulait la marier à celui qui percevrait la vraie nature de sa fille. Il soumettait chaque prétendant à une épreuve. Il l’emmenait dans une serre et lui montrait dix mille fleurs, toutes plus belles les unes que les autres. Mais parmi ces dix mille fleurs, il n’y en avait qu’une qui était une vraie fleur. Les neuf mille neuf cent quatre vingt dix neuf autres étaient des fleurs artificielles. Le prétendant devait trouver en moins de cinq minutes la vraie fleur. Certains essayaient de reconnaître la vraie entre toutes les autres fausses fleurs... Mais il leur aurait fallu plus de cinq minutes. D’autres entreprenaient de sentir chacune des fleurs, mais il leur aurait fallu plus de cinq minutes. Un matin, un jeune homme s’est présenté. Dans un petit pot, il avait capturé une abeille. Il a libéré l’abeille dans la serre, l’abeille en quelques secondes l’a amené vers la vraie fleur... et à la fille du roi. Et leur amour a été doux comme du miel. (Philippe)

Page 13: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

11PHOTOS: Claudia, Cristiana, Kiril

Page 14: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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La cucina et le tourisme lentBuridda (antica ricetta genovese)1,5 Kg. di pesce assortito , 1 spicchi d’aglio,1 cipolla tritata, 1/2 bicchiere d’olio d’oliva, 2 acciughe sott’olio, 1 ciuffo di prezzemolo tritato, 3 grossi pomodori maturiri tagliati a pezzi, 1 bicchiere di vino bianco secco, 1 foglia di alloro, fette di pane abbrustolite, sale. Pulite il pesce, tagliatelo a pezzi e lavatelo bene. In una casseruola di terracotta fate soffriggere con l’olio lo spicchio d’aglio intero e la ci-polla; quando l’aglio è colorito, toglietelo e unite le acciughe, il prezzemolo e, in ultimo, i pomodori. Versare il vino nella casseruola e quando sarà evaporato, aggiungete il pesce, l’alloro e il sale (salate poco se usate il baccalà).Fate cuocere lentamente per una ventina di minuti e servire la buridda direttamente nel recipiente di cottura con fette di pane casereccio abbrustolite o in graticola o al forno.

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Ciorba de peste (ca la Sulina)Un ardei verde, un gogoşar, 1/4 ţelină, 400 g. cartofi, un morcov mare, ceva peşte, o ceşcuţă de orez, câţiva ardei iuţi, un plic de borş, 3 ouă, leuştean, pătrunjel, o cutie mică de smântână. Se spală orezul şi se pune la fiert în 5-6 litri de apă şi se adaugă legumele curăţate şi tăiate mărunt. După 20 minute adăugăm peştele spălat şi curăţat, lăsându-l să fiarbă 10 minute, apoi punem borşul după gust, batem ouăle cu smântână şi le adăugăm ciorbei împreună cu puţină sare. Stingem focul şi presărăm verdeaţă din belşug. (Sabina)

,(

Page 15: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

13ILLUSTRATIONS: Claudia, Cristi

Slow travel soup Sabina’s old recipe)

1 barrel of curiosity, 2 spoons of tolerance, all you know, 1 full cup of sense of adventure, 1 mirror to look at yourself through the others, 1 bowl of intuition, a handful of willingn, some

body language, a bit of this, a bit of that… For the perfe slow travel soup you cannot simply take your traditional ingredients, blend them with the new on and eat it on the go. There are rul that differ, and flavors and sens of flavor: the blend has to sink in slowly, naturally. Take all the ingredients, mix them as the good sense would tell you, and take your time. L it cook with a low flame until you can rognize that typical flavor you were looking for en you dided to cook in the first lace, but

now you are mistaken!: it don’t taste of baccalà, it’s the gogoşar (peer in a fish soup??? y, pep-per in a fish soup. Actually, it’s rather nice...). Open up all your sens, de-structure any mouth-

ful you take, rognize at you already know, discover yourself through at it’s new. Discover your new self. We are at we eat. Add your “ciorba de peşte” personal-

ity to your buridda one and be leased with the uncountable surpris that slow travel can bring you. Just be careful, it tak

some time to digt… (Sabina)

Page 16: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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Un morceau d’eauJe voulais revoir la Mer NoireLa dangereuseIci la tempête te prend sans te prévenirTa barque calmeD’un coup se retourneEt tu dois tenir le bord, toujoursPlus fort qu’ailleurs.

J’étais

tranquillement

installée sur un petit

coin de rocher, un jour

de grand jour. C’était u

n plat,

un de ceux qui vous massent le dos sans le tro

uer. Je

prenais le soleil, quelqu’un murmurait d

oucement quelque chose

quelque part. Je me suis retournée. «Transforme-toi en morceau d’eau.

Deviens morceau d’eau.» Je n’étais pas sûre. Le rocher était chaud. Puis

je me suis dit que le morceau d’eau se réchaufferait b

ien aussi mais... Je suis

déjà. De tout petits morceaux se promènent autour, d

e l’un à l’autre, comme un

vert de plante, un cheveu de fée d’eau, entre les poissons gros et le

s plus petits et si je les

observe, ils ressemblent un peu aux poissons, un peu aux cailloux du fond. Puis de nouveau le

grand rien bleu et vert, i

l s’en va sans arrêt. Je voudrais ne plus être un morceau d’eau. Je

voudrais être un tout petit grain dur qui se pose au fond trè

s lentement sous les grosses

vagues. Je voudrais moi aussi pouvoir tomber sous les grosses vagues et avant,

tourner très vite, me promener à la surface, entrer dans le tourbillon furieux

qui me fait monter, re

descendre, me projette dans l’espace pour que je plonge

de là-haut très droit d

ans le bleu et vert trouble. Je tombe, je tombe et je

tombe,

tout lentement dans mon univers cristallin où je me retrouve lové dans

une multitude de petits

grains tout petits et trè

s lourds et très

durs et très doux parce qu’ils sont trè

s nombreux à

m’embrasser dans leur grand matelas jaune et

blanc qui brille, qui aspire la chaleur de

tous ses miroirs dans toutes

les directions vers le

ciel. (Estell

e)

14 ILLUSTRATIONS: Cristi

Page 17: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

15PHOTOS: Claudia, Eduard

J’étais

tranquillement

installée sur un petit

coin de rocher, un jour

de grand jour. C’était u

n plat,

un de ceux qui vous massent le dos sans le tro

uer. Je

prenais le soleil, quelqu’un murmurait d

oucement quelque chose

quelque part. Je me suis retournée. «Transforme-toi en morceau d’eau.

Deviens morceau d’eau.» Je n’étais pas sûre. Le rocher était chaud. Puis

je me suis dit que le morceau d’eau se réchaufferait b

ien aussi mais... Je suis

déjà. De tout petits morceaux se promènent autour, d

e l’un à l’autre, comme un

vert de plante, un cheveu de fée d’eau, entre les poissons gros et le

s plus petits et si je les

observe, ils ressemblent un peu aux poissons, un peu aux cailloux du fond. Puis de nouveau le

grand rien bleu et vert, i

l s’en va sans arrêt. Je voudrais ne plus être un morceau d’eau. Je

voudrais être un tout petit grain dur qui se pose au fond trè

s lentement sous les grosses

vagues. Je voudrais moi aussi pouvoir tomber sous les grosses vagues et avant,

tourner très vite, me promener à la surface, entrer dans le tourbillon furieux

qui me fait monter, re

descendre, me projette dans l’espace pour que je plonge

de là-haut très droit d

ans le bleu et vert trouble. Je tombe, je tombe et je

tombe,

tout lentement dans mon univers cristallin où je me retrouve lové dans

une multitude de petits

grains tout petits et trè

s lourds et très

durs et très doux parce qu’ils sont trè

s nombreux à

m’embrasser dans leur grand matelas jaune et

blanc qui brille, qui aspire la chaleur de

tous ses miroirs dans toutes

les directions vers le

ciel. (Estell

e)

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Espèces migratrices...

PHOTO: Cristiana

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17

Le Danube n’a pas boin de notre corps. Daca alunam…si l’on glie dans s eaux, il nous redonne le corps. Comme n’importe quel Dieu, il conserve seulement l’âme, pour se renforcer. Lorsque votre corps arrivera là où il se croit chez lui, lorsque vous entrerez dans le rythme de la vie prée, n’oubliez pas que quelqu’un rpire av votre rpiration l’éternité d’ici.Le timbre d’une voix, un gte, un mot, une triste, une idée va rter av moi, comme apr chaque départ. (Ilinca)

PHOTO: Kiril

Page 20: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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Le dernier slowCe n’est pas le moindre des paradoxes que de s’interroger sur le temps qui passe et le temps que l’on veut contrôler dans le cadre d’une visite

de cimetière (…).

Nous nous sommes retrouvés, là où le temps est suspendu; là où des tas de gens ont arrêté de courir, de compter les jours et les semaines, là où ils sont

désormais pour une période tellement longue que ce n’est même plus une période mais un concept: l’éternité.

Nous avons rencontré: Des gens qui ont vécu vite et fort et sont morts vite et fort: ce sont ces

militaires de 20 ans, morts pour la cause patrie; Des gens qui n’ont pas connu la fureur de vivre… et pour cause, ce sont des

enfants qui sont morts – soit du cholera, soit par noyade, comme ces deux petites sœurs qui sont mortes noyées en essayant de se sauver l’une l’autre;

Cette amoureuse impatiente qui a voulu rejoindre son bel amant; Ces deux fiancés au rythme amoureux contrarié qui ont décidé de se retrouver

définitivement unis dans la mort;

Page 21: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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Ce pirate qui, à contre temps et – contre vents et marées – détourne nourriture et biens essentiels pour nourrir les pauvres;

Ceux qui ont vécu pour leur futur et leur postérité en investissant et en faisant du business ; morts tous jeunes, ces cinq frères reposent ensemble.

Et tous ces inconnus de toutes les religions…Ils ont en commun l’éternité; ce temps infini.

Il nous reste leur question: à quel rythme vivons-nous, quelles sont nos urgences; le seront-elles encore plus tard?

Qu’en sera-t-il quand notre temps se sera écoulé, que notre temps aura disparu et que notre espace ne se réduira plus qu’aux deux mètres carrés de notre tombe? Qu’en sera-t-il de nous quand notre espace sera réduit et que notre devenir sera l’éternité?

Avec l’avenir comme éternité, nous n’aurons plus le temps! (Marc)

PHOTOS: Cristiana; ILLUSTRATION: Horia

Page 22: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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Itinéraire heureux d’une fleur devenue arbreJamais je n’aurais pensé qu’un jour, je reverrais le soleil de si près. Nous étions jeunes et fraîches, accrochées aux rameaux de notre père, un grand acacia. Nous habitions sur les bords d’un petit cours d’eau qui parcourait les plaines et les prairies que l’on pouvait voir à perte de vue autour de nous. Mes sœurs et moi étions souvent secouées par des vents violents, mouillées par les pluies. Certaines d’entre elles n’étaient plus là au matin. Notre père nous disait, confiant, qu’un jour probablement, avec de la chance, nous les retrouverions. Par un fort orage, je me suis retrouvée à terre. Je voulais crier pour que mon père m’entende, je voulais marcher pour le rejoindre et retrouver ma place parmi mes soeurs. Mais rien de tout cela n’était possible, je n’étais qu’une petite fleur. La nuit était froide, je me sentais perdue et seule. L’orage dura toute la nuit, et l’eau au bord de laquelle notre père nous nourrissait d’un seul coup monta, arriva aux racines, passa un talus et m’emporta. Tout d’abord j’eus peur de me noyer mais le courant était doux comme une caresse. Et l’eau rafraîchit ma tige. A cet instant, je pressentis que là commençait une aventure inespérée que de nombreuses fleurs avaient déjà vécue et que beaucoup d’autres vivraient encore. Ma peur s’en alla et je commençai mon voyage avec enthousiasme et curiosité. Quelques jours de tempête ont suffi au petit cours d’eau pour avoir assez de courant et m’emporter loin de chez moi. Les jours qui suivirent, l’accalmie et le soleil eurent raison de ma patience. Je voulais voir le monde. Mais soudain je sentis le courant prendre un autre rythme et se précipiter dans un tourbillon causé par un courant plus grand. Je ne voyais plus les berges de chaque côté mais je rencontrais d’autres navigateurs comme moi qui parlaient d’autres langues, bâtons de bois, feuilles d’arbres, algues, oiseaux, poissons étaient tous du voyage. Quelquefois leur chemin s’arrêtaient brusquement, arrêtés à un obstacle. Je ne souhaitais pas subir le même sort, je n’avais pas encore assez vécu.

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Page 23: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

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Un matin, je me sentis fatiguée. Un vieux tronc flottant à mes côtés m’offrit l’hospitalité. Je montai sur son dos et le poids de mes pétales chargés d’eau s’accrocha à son écorce. Nous conversâmes longuement tout en traversant plusieurs villes, habitées par les hommes. Certaines plus petites et d’autres immenses. Je ne savais rien d’elles mais le vieux tronc me raconta leur histoire. Ainsi nous apprîmes à nous connaître. Les jours qui passaient étaient trop chauds, mes pétales devinrent secs et cassants. Je me sentais horrible mais je courais aussi le danger d’être séparée de mon vieil ami car je n’avais plus la possibilité de m’accrocher à lui. Ce jour fatidique arriva, lorsque nous rencontrâmes un autre grand courant qui mettait l’eau en ébullition. Le vieux tronc fut retourné et je coulai avec lui, quand soudain, nous fûmes aspirés dans un trou. Mais bien vite, je m’aperçus que nous étions enfermés. Il faisait sombre et humide. Une palpitation et un battement se faisaient sentir. J’aperçus une lueur juste avant de sentir un choc. Nous venions d’être expulsés sur le sol. Une grand oiseau nous regardait étonné tout en nous exprimant ses plus plates excuses. Ce grand pélican nous avait confondus avec un poisson. Mais nous voulions savoir où nous étions. Et ce majestueux oiseau qui peut voir les choses d’en-haut nous expliqua que le grand courant était un fleuve du nom de Danube, qu’il parcourt des millions de kilomètres à travers de nombreux pays avant de se terminer ici. Nous étions donc en Roumanie. Je me sentais pleine d’énergie, nourrie d’une expérience fascinante. Mon corps de fleur qui avait subi quelques transformations commença doucement à prendre racine dans cette terre riche sur laquelle nous avions atterri. Plusieurs années ont passé depuis. Je suis devenue mère moi aussi. Mes petites fleurs regardent le soleil et l’horizon du haut de mes branches. Et si l’une d’elles se détache, je n’ai pas peur de la perdre. Je sais, pour l’avoir vécu, que le voyage est un bon enseignement de la vie et que le moment de prendre racine arrive à tout qui sait attendre.

(Milena)

21ILLUSTRATION: Claudia, Cristi

Page 24: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

2222

Page 25: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

2323PHOTOS ET COLLAGE: Daniele

Page 26: Récit d'un Voyage Lent dans le Delta du Danube

24

Participants:C������� B����

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Organisateurs:C�������� B�������

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ARBDD

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PHOTOS COUVERTURES: Blandine, Eduard; ILLUSTRATION COUVERTURES: Aurel, Cristi, Horia

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