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Reconstruction mammaire par prothèse : vieillissement et résultats esthétiques tardifs Breast reconstruction: late cosmetic results of implant reconstruction K.B. Clough a, *, I. Sarfati a , A. Fitoussi b , P. Leblanc-Talent a a Institut du sein, 7, avenue Bugeaud, 75116 Paris, France b Institut Curie, Paris, France MOTS CLÉS Reconstruction mammaire ; Prothèses mammaires ; Évaluation esthétique ; Résultats tardifs Résumé Objectif. – Les résultats esthétiques tardifs des reconstructions mammaires par prothèse (RMP) ont fait l’objet de peu de publications. Cette étude prospective a été initiée en 1990 avec trois objectifs : évaluer les résultats esthétiques et les complications tardives des RM par prothèse, quantifier l’évolution du résultat esthétique de la RMP avec le temps ; et analyser les facteurs prédictifs des mauvais résultats esthétiques. Matériels et méthodes. – Cette étude porte sur 360 RM immédiates par prothèses réalisées consécutivement entre 1990 et 1997. Vingt-huit patientes ont eu une irradiation pariétale : elles ont été exclues de cette série. La reconstruction a fait appel à une prothèse fixe (57,2 %) ou d’expansion (42,8 %). Le sein controlatéral a été symétrisé dans le même temps opératoire, mais un deuxième temps sous anesthésie locale ou générale a toujours été nécessaire pour terminer la RM. Toutes les patientes ont été reconvoquées systématiquement : elles ont été revues au moins une fois par an, et évaluées prospec- tivement. Les éventuelles complications ont été notées, et le résultat esthétique de la RMP a été quantifié selon une échelle prédéfinie et enregistré dans une base de données spécifiquement construite pour cette étude. Résultats. – Le suivi moyen était de 4,2 ans avec un suivi maximum de dix ans. Le taux de coques (Baker 3 et 4) était de 11 % à deux ans et 15 % à cinq ans ; la grande majorité des coques survenait dans les deux premières années. Le taux de dégonflage était de 2,7 % à deux ans et 8,5 % à cinq ans. Les résultats esthétiques ont été évalués selon une échelle de 1 à 5 (1 = TB, 2 = B..., 5 = Mauvais). Le taux de résultats satisfaisants (TB, B, AB) était de 85 % à un an, et a diminué de façon linéaire pour atteindre 52 % à cinq ans. Aucun des paramètres suivants : technique de reconstruction (prothèse vs expandeur), type de prothèse, volume de prothèse, technique de mastectomie, âge de la patiente, n’a permis d’améliorer le résultat esthétique à long terme. Le facteur le plus souvent retrouvé en cas de mauvais résultat esthétique était l’existence d’une asymétrie tardive, liée à l’évolu- tion différente des deux seins dans le temps. Conclusion. – En cas de RMP, la majorité des coques survient dans les deux premières années, alors que le taux de dégonflage est stable dans le temps. Les résultats esthétiques suivent une courbe décroissante quasi linéaire. À cinq ans, seules 52 % des patientes gardent un résultat satisfaisant. Ces données ne doivent pas faire rejeter les RMP, en * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (K.B. Clough). Annales de chirurgie plastique esthétique 50 (2005) 560–574 http://france.elsevier.com/direct/ANNPLA/ 0294-1260/$ - see front matter © 2005 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/j.anplas.2005.08.017

Reconstruction mammaire par prothèse : vieillissement et résultats esthétiques tardifs

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Reconstruction mammaire par prothèse :vieillissement et résultats esthétiques tardifs

Breast reconstruction: late cosmetic resultsof implant reconstructionK.B. Clough a,*, I. Sarfati a, A. Fitoussi b, P. Leblanc-Talent a

a Institut du sein, 7, avenue Bugeaud, 75116 Paris, Franceb Institut Curie, Paris, France

MOTS CLÉSReconstructionmammaire ;Prothèsesmammaires ;Évaluationesthétique ;Résultats tardifs

Résumé Objectif. – Les résultats esthétiques tardifs des reconstructions mammaires parprothèse (RMP) ont fait l’objet de peu de publications. Cette étude prospective a étéinitiée en 1990 avec trois objectifs : évaluer les résultats esthétiques et les complicationstardives des RM par prothèse, quantifier l’évolution du résultat esthétique de la RMP avecle temps ; et analyser les facteurs prédictifs des mauvais résultats esthétiques.Matériels et méthodes. – Cette étude porte sur 360 RM immédiates par prothèsesréalisées consécutivement entre 1990 et 1997. Vingt-huit patientes ont eu une irradiationpariétale : elles ont été exclues de cette série. La reconstruction a fait appel à uneprothèse fixe (57,2 %) ou d’expansion (42,8 %). Le sein controlatéral a été symétrisé dansle même temps opératoire, mais un deuxième temps sous anesthésie locale ou générale atoujours été nécessaire pour terminer la RM. Toutes les patientes ont été reconvoquéessystématiquement : elles ont été revues au moins une fois par an, et évaluées prospec-tivement. Les éventuelles complications ont été notées, et le résultat esthétique de laRMP a été quantifié selon une échelle prédéfinie et enregistré dans une base de donnéesspécifiquement construite pour cette étude.Résultats. – Le suivi moyen était de 4,2 ans avec un suivi maximum de dix ans. Le taux decoques (Baker 3 et 4) était de 11 % à deux ans et 15 % à cinq ans ; la grande majorité descoques survenait dans les deux premières années. Le taux de dégonflage était de 2,7 % àdeux ans et 8,5 % à cinq ans. Les résultats esthétiques ont été évalués selon une échellede 1 à 5 (1 = TB, 2 = B..., 5 = Mauvais). Le taux de résultats satisfaisants (TB, B, AB) étaitde 85 % à un an, et a diminué de façon linéaire pour atteindre 52 % à cinq ans. Aucun desparamètres suivants : technique de reconstruction (prothèse vs expandeur), type deprothèse, volume de prothèse, technique de mastectomie, âge de la patiente, n’a permisd’améliorer le résultat esthétique à long terme. Le facteur le plus souvent retrouvé en casde mauvais résultat esthétique était l’existence d’une asymétrie tardive, liée à l’évolu-tion différente des deux seins dans le temps.Conclusion. – En cas de RMP, la majorité des coques survient dans les deux premièresannées, alors que le taux de dégonflage est stable dans le temps. Les résultats esthétiquessuivent une courbe décroissante quasi linéaire. À cinq ans, seules 52 % des patientesgardent un résultat satisfaisant. Ces données ne doivent pas faire rejeter les RMP, en

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (K.B. Clough).

Annales de chirurgie plastique esthétique 50 (2005) 560–574

http://france.elsevier.com/direct/ANNPLA/

0294-1260/$ - see front matter © 2005 Publié par Elsevier SAS.doi: 10.1016/j.anplas.2005.08.017

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KEYWORDSBreast reconstruction;Breast implants;Cosmetic results;Late follow-up

raison de leurs nombreux bénéfices et de leurs avantages, mais permettent de compléterl’information fournie aux patientes, au moment du choix de la technique la plus adaptéeà chaque cas.© 2005 Publié par Elsevier SAS.

Abstract The long cosmetic outcome of breast implant reconstruction is unknown. Themorbidity and cosmetic outcome of 360 patients who underwent immediate breastreconstruction with various types of implant has been prospectively analysed over a10-year period. 334 patients who completed their reconstruction were suitable forevaluation of their cosmetic outcome. The early complication rate (< 2 months) was 9.1%,with an explantation rate of 1.6%. The late complication rate (> 2 months) was 23%, witha pathological capsular contracture rate of 11% at two years and 15% at five years, and animplant removal rate of 7%. The revisional surgery rate was 30.2%. The cosmetic resultswere prospectively assessed using an objective five point global scale. Every patient wasscored at each visit once surgery was completed. The overall cosmetic outcome deterio-rates in a linear fashion from an initial acceptable result in 86% of patients two years aftercompletion of their reconstruction to only 54% at five years. This fall off in the cosmeticoutcome was not associated with the type of implant used, the volume of the implant, theage of the patient or the type of mastectomy incision employed. Radiotherapy was not asignificant factor as only 28 patients were irradiated. However, on Cox model analysispathological capsular contracture was the only factor which significantly contributed to apoor cosmetic outcome(P < 0.0001 (relative risk 6.3). In spite of a high revisional surgeryrate, deterioration still occurred, suggesting that other unaccounted for variables wereresponsible. On photographic retrospective review of those patients without a capsularcontracture who demonstrated a deterioration in their cosmetic scores, it became clearthat a possible reason for their poor result was late asymmetry produced by the failure ofboth breasts to undergo symmetrical ptosis as the patients aged.© 2005 Publié par Elsevier SAS.

Introduction

La reconstruction par prothèse (RMP) est la techni-que la plus fréquemment utilisée après mastecto-mie. Malgré le développement des techniques dereconstruction par lambeau musculocutané, auto-logue ou en association avec une prothèse, la re-construction mammaire par prothèse (RMP) reste latechnique la plus fréquemment choisie par les chi-rurgiens et la mieux connue et la plus demandéepar les patientes [1]... Ce choix est motivé par lesavantages immédiats des prothèses : relative sim-plicité, absence de transfert tissulaire et de séquel-les liées au site donneur. Ces bénéfices font que laRMP paraît moins lourde, et est souvent mieuxacceptée qu’une reconstruction par lambeau.Par ailleurs, les fabricants ont fait des efforts

considérables pour proposer aux chirurgiens unegamme de prothèses très large : que de progrèsapparents depuis les prothèses rondes, seules dis-ponibles voici 20 ans. La variété des prothèsesactuellement commercialisées, qu’il s’agisse deprothèses préremplies de gel, de prothèses d’ex-pansion ou même de prothèses en sérum, semblerépondre à presque toutes les situations...Les avantages à court terme des reconstructions

mammaires par prothèse sont évidents. En matièrede morbidité, les complications précoces des RMP

sont bien documentées [2–6]. Cependant, l’évalua-tion d’une technique doit également tenir comptedes résultats tardifs, fonctionnels et esthétiques,des éventuelles réinterventions nécessaires, ainsique des coûts induits à long terme. Ces donnéessont très peu documentées dans la littérature, etune recherche par Medline ne fait état que dequelques articles qui analysent le devenir des re-constructions mammaires à long terme. Il est trou-blant de réaliser que nous utilisons quotidienne-ment une technique pour laquelle il existe si peu dedonnées tardives objectives !Nous avions donc initié, dès 1990, une étude

prospective qui avait pour objectif d’analyser unesérie consécutive de plusieurs centaines de patien-tes opérées d’une reconstruction par prothèse [7].Cette évaluation devait permettre de répondre àquatre questions :

• quelles sont les complications tardives des RMP ?• Quel est le taux de réintervention après RMP ?• Quels sont les résultats esthétiques tardifs desRMP ?

• Peut-on dégager des facteurs prédictifs des bonsrésultats esthétiques, afin de définir un sous-groupe de patients « idéal » pour une RMP ?Notre série porte sur 360 patientes consécutives,

homogènes sur le plan de la technique chirurgicale,opérées d’une RMP. Elles ont été opérées entre

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1990 et 1997, puis suivies durant dix ans, et revuesau moins une fois par an pour un enregistrementprospectif des complications et des résultats esthé-tiques de la RMP.

Matériel et méthodes

Sélection des patientes

Les résultats fonctionnels et esthétiques des RMsont multifactoriels, ce qui rend leur analyse sicomplexe. Il faut en effet tenir compte des facteursliés à la patiente (poids, taille, BMI, âge...), maisaussi à la technique utilisée (type de prothèse,volume, ...), et enfin, aux traitements antérieurs(radiothérapie, type de mastectomie, étendue del’exérèse cutanée, ...).Afin de s’affranchir au maximum des facteurs

liés aux traitements antérieurs à la reconstruction,nous avions pris le parti de sélectionner, pour cetteanalyse des résultats tardifs des RMP, une cohortede patiente la plus homogène possible, qui serait enquelque sorte une série de patientes « idéales »pour une reconstruction par prothèse : nous souhai-tions éliminer les patientes ayant eu une radiothé-rapie, celles qui avaient eu une exérèse cutanéelarge qui rendrait plus délicate une RMP, et cellesdont le morphotype ne se prêtait pas dans l’idéal àune RMP (obésité, grande hypertrophie mammaire,...).Après réflexion, nous avions décidé que cette

évaluation serait réalisée sur les patientes quiauraient une reconstruction mammaire immédiate(RMI), a l’exclusion de toute autre technique : eneffet, les RMI par prothèse étaient proposées àl’époque (début des années 1990) aux patientes quiavaient un cancer du sein de bon pronostic, essen-tiellement intracanalaire ou micro-infiltrant, maisdont l’extension rendait impossible un traitementconservateur [1]. Le protocole de traitement pré-voyait une mastectomie, avec ablation de la plaquearéolomamelonnaire et curage axillaire limité auxganglions du niveau 1 de Berg. Dans la majorité descas, ces tumeurs se présentaient sous forme demicrocalcifications sans tumeur palpable, ce quiautorisait une conservation de l’étui cutané dusein, dont l’exérèse était le plus souvent limitée àl’ablation de la plaque aréolomamelonnaire (PAM)et à la peau centrale du sein.En ce qui concerne le protocole de traitement

carcinologique, ces patientes ne justifiaient dans lamajorité des cas d’aucun traitement postopéra-toire (ni chimiothérapie ni radiothérapie).Cette étude porte donc sur 360 RM immédiates

par prothèse, réalisées consécutivement entre1990 et 1997.

Technique opératoire

Dans tous les cas, la mastectomie–curage, la re-construction et le geste controlatéral étaient réali-sés par le même chirurgien, qualifié à la fois enchirurgie plastique et en chirurgie cancérologique :à l’issue de la mastectomie, on confectionnait uneloge rétromusculaire destinée à recouvrir l’im-plant. Afin de réduire le risque de complications,l’objectif était de disposer la prothèse dans uneloge qui la séparait entièrement du plan sous-cutané. La prothèse était donc mise en place dansune loge étanche, constituée par les muscles grandpectoral, petit pectoral et grand dentelé dans lesdeux tiers supérieurs, par le grand oblique dans lapartie inféroexterne, et par le fascia situé en avantdu grand droit dans la portion inféro-interne.La reconstruction a fait appel à une prothèse fixe

(57,2 %) ou d’expansion (42,8 %). Ces dernières ontété utilisées quasi exclusivement dans les premiè-res années de cette série, et plus jamais après.Durant toute la période du moratoire sur le gel desilicone, seules des prothèses remplies de sérumphysiologique ont été utilisées.Cent soixante-dix-neuf patientes (49,7 %) ont eu

une reconstruction par prothèse gonflable, 128 pa-tientes (35,6 %) une reconstruction par prothèsed’expansion définitive de Becker, 26 (7,2 %) uneprothèse d’expansion suivie d’une prothèse défini-tive, et 27 (7,5 %) une prothèse remplie de gel desilicone. Toutes les prothèses étaient des prothèsesSebbin, Mentor ou Mc Ghan.Trois cent trente-trois patientes (92,5 %) ont eu

un geste de symétrisation controlatérale. Cettesymétrisation a consisté en 251 (75,4 %) plastiesmammaires de réduction et/ou cure de ptôse, 54(16,2 %) augmentations par prothèse et 28 (8,4 %)augmentations avec cure de ptôse. Le sein contro-latéral a été symétrisé dans le même temps opéra-toire dans 254 cas, et dans un deuxième temps dans79 cas.Neuf patientes ont eu une mastectomie avec

reconstruction bilatérale, quatre fois dans le mêmetemps opératoire, cinq fois de manière différée.Malgré les critères de sélection initiaux, 18 pa-

tientes ont eu une irradiation pariétale pré- oupostopératoire : elles ont été exclues de cetteétude. Compte tenu des critères de sélection histo-logiques, seules huit patientes ont eu une chimio-thérapie.

Enregistrement des complicationset évaluation des résultats esthétiques

Depuis 1990, toutes les patientes qui avaient unereconstruction mammaire étaient enregistrées

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dans une base de donnée prospective, qui permet-tait un enregistrement systématique des évène-ments, qu’ils soient d’ordre cancérologique ou liésà la reconstruction.Toutes les patientes ont été revues une à trois

fois par an, pendant au moins dix ans, pour leursurveillance carcinologique. Lors de cette consulta-tion, on effectuait systématiquement une évalua-tion du résultat esthétique de la RMP, selon uneéchelle déjà publiée [8] : un très bon résultat étaitcoté 1, un bon résultat 2, ... et un très mauvaisrésultat 5. Afin de limiter l’effet lié à l’examina-teur, cette note était attribuée par trois personnesqui assistaient à la consultation (un chirurgien quile plus souvent n’avait pas réalisé l’intervention,une infirmière et une secrétaire). La note retenueétait la moyenne des trois notes attribuées. Cettenote tient compte du résultat global de la recons-truction, fondé sur la symétrie, la souplesse, ladéfinition du sillon sous-mammaire, la présence deplis prothétiques, la position et l’aspect des cica-trices (Figs. 1–3).Lors de cette consultation de surveillance,

étaient également notés tous les évènements appa-rus depuis la dernière consultation, en particulier

les coques ou les dégonflages de prothèse. La des-cription des coques faisait appel à la classificationoriginale de Baker [9,10]. Tous ces résultats étaientsystématiquement enregistrés à chaque consulta-tion, et enregistrés dans la base de données. Lesévénements ont été estimés selon les courbes deKaplan-Meier. Les analyses univariées (type de pro-thèse volume de la prothèse, âge de la patiente,type d’incision) ont fait appel au test de log-rank,les analyses multivariées aux modèles de Cox, pouranalyser la corrélation des différentes variablesétudiées sur le résultat esthétique global [11–13].Le suivi de chaque patiente était poursuivi jusqu’àce que la patiente soit perdue de vue, décède(12 patientes), ou que la prothèse fasse l’objetd’une dépose.

Résultats

Trois cent trente-quatre (92,8 %) des 360 patientesinitialement incluses dans l’étude étaient évalua-

Figure 1 A : RMI du sein gauche par prothèse (cicatrice en Tinversé) ; B : résultat à 3 ans, coté 2.

Figure 2 RMI du sein droit - résultat à 4 ans, coté 1.

Figure 3 RMI du sein droit - résultat à 7 ans, coté 4.

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bles. Vingt-six patientes (7,2 %) ont été exclues decette analyse : 18 (4,9 %) en raison d’une irradia-tion de paroi, six (1,7 %) parce qu’elles ont pré-senté une dépose immédiate de prothèse et deuxpatientes parce qu’elles ont été perdues de vuedans la première année postopératoire. Le suivimoyen était de 4,2 ans et le suivi maximum de dixans.

Nombre d’interventions nécessaires

Afin de réduire le nombre de temps opératoiresnécessaires, la quasi-totalité des patientes qui jus-tifiaient d’une symétrisation ont bénéficié d’unesymétrisation dans le même temps opératoire quela mise en place de la prothèse.Néanmoins, lors du deuxième temps opératoire,

101 patientes (30,2 %) ont eu un changement deprothèse : dans 26 cas, il s’agissait d’un remplace-ment d’une prothèse d’expansion, dans tous lesautres cas la prothèse a été changée afin de tenterd’améliorer le résultat esthétique. Malgré cetteattitude « active » pour tenter d’obtenir initiale-ment le meilleur résultat esthétique possible, denombreuses patientes ont été réopérées à distancede la reconstruction, en raison d’une détériorationdu résultat esthétique. Cette détérioration étaitliée le plus souvent à une asymétrie mammaired’apparition différée (cf. infra).

Coques périprothétiques

Quarante-sept patientes ont présenté une coquesignificative (Baker 3 et 4). Le taux actuariel decoques était de 11 % à deux ans et 15 % à cinq ans(Fig. 4). La grande majorité des coques survenaitdans les deux premières années : les coques tardi-ves (après deux ans) représentaient moins de 5 %des coques (Fig. 5).

Presque toutes les patientes qui ont présentéune coque Baker 3 ou 4 ont été réopérées afind’effectuer une capsulectomie, éventuellementassociée à un changement de prothèse, ou uneconversion par reconstruction autologue. Plus de50 % des patientes qui ont bénéficié d’une capsu-lectomie ont présenté une récidive de leur coque.

Dégonflage de prothèse

Durant la période de l’étude, 25 patientes ontprésenté un dégonflage de prothèse (Fig. 6). IlFigure 4 Apparition des coques. Taux de coques à 5 ans = 15 %.

Figure 5 A : RMI du sein gauche, avec augmentation du seindroit ; B : postopératoire - résultat à 1 an, coté 1 ; C :postopératoire - résultat à 3 ans, coté 4.

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s’agissait dans tous les cas d’une prothèse rempliede sérum physiologique. Contrairement au taux decoque, le taux actuariel de dégonflage augmentede façon linéaire avec le temps (Fig. 7) : il était de2,7 % à deux ans et de 8,5 % à cinq ans.

Résultats esthétiques

Résultat esthétique globalLe taux de résultats satisfaisants cotés 1, 2 ou 3(TB, B, AB) était de 86 % à un an. La Fig. 8 montrel’évolution des résultats esthétiques avec le temps.On observe une détérioration linéaire du résultatesthétique global. Cette détérioration est très ra-pide : le taux de résultats satisfaisants décroît de86 % à deux ans jusqu’à 54 % à cinq ans.

Résultat esthétique global : facteurs prédictifsPour chaque patiente, de nombreuses variablesétaient enregistrées de façon prospective dans labase de données, dans l’espoir que certaines de cesvariables pourraient être en rapport avec le résul-tat de la reconstruction à long terme. C’est le casen particulier des paramètres suivants : type deprothèse, utilisation d’une prothèse d’expansion,

volume de la prothèse, type d’incision de mastec-tomie, âge de la patiente, apparition d’une coque.Chacun de ces paramètres a fait l’objet d’une

analyse univariée, afin de tenter de mettre enévidence les facteurs permettant de prévoir, pourune patiente donnée, le résultat esthétique tardifde sa reconstruction : les Figs. 9–12 démontrent

Figure 6 Dégonflage de prothèse à 5 ans.

Figure 7 Dégonflage des prothèses. Taux à 5 ans = 8,5 %.

Figure 8 Résultats esthétiques en fonction du temps.

Figure 9 Résultats esthétiques et types de prothèse.

Figure 10 Résultats esthétiques et volume des prothèses.

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qu’aucune des caractéristiques de la prothèse n’ad’influence sur le résultat esthétique à long terme.Ce dernier se dégrade régulièrement avec le temps,quel que soit le type de prothèse utilisée (gel ousérum, prothèse de volume fixe ou prothèse d’ex-pansion). De la même façon, l’âge de la patiente(Fig. 11) et même le tracé de la mastectomie(Fig. 12) n’influencent que peu le résultat esthéti-que tardif. Dans notre étude, le seul paramètreprédictif d’un mauvais résultat esthétique à longterme est l’apparition d’une coque (RR : 6,3).À ce stade de l’étude, nous avons donc pu affir-

mer que le résultat esthétique global d’une recons-truction mammaire par prothèse se dégrade avec letemps dans 50 % des cas environ. Cependant, nousn’avions pas pu retrouver, parmi les données enre-gistrées de façon prospective, de facteurs prédic-tifs d’un bon ou d’un mauvais résultat esthétique àdistance. Dans une deuxième phase de l’étude,nous avons repris les dossiers des 360 patientes etsélectionné dans cette série les patientes quiavaient eu une dégradation du résultat esthétique(bon résultat esthétique initial et mauvais résultat

tardif). L’objet de cette étude rétrospective étaitde mettre en évidence les facteurs qui expliquaientcette détérioration.Le facteur principal retrouvé est l’apparition

progressive d’une asymétrie tardive. Cette asymé-trie peut-être en rapport avec l’apparition d’unecoque (15 % des cas), mais elle est surtout liée à uneévolution différente des deux seins avec le temps :le sein reconstruit reste globalement sphérique,l’aspect sphérique s’accentue avec l’atrophie tissu-laire en regard de la prothèse, alors qu’apparais-sent des plis prothétiques (Fig. 13). À l’inverse, lesein controlatéral ptôse avec le temps : les qua-drants supérieurs du sein sont déshabités, et sabase a tendance à s’élargir (Figs. 14,15). Cepen-dant, il existe certaines patientes pour lesquellescette ptôse controlatérale n’apparaît pas, en par-ticulier les patientes qui présentaient initialementune hypotrophie mammaire, et qui ont eu unereconstruction associée à une augmentationcontrolatérale.

Discussion

Lors d’une consultation pour reconstruction mam-maire, le chirurgien doit proposer à chaque pa-tiente une technique qui permet d’obtenir le résul-tat esthétique et fonctionnel le plus accompli, touten réduisant les séquelles au maximum. C’est laraison pour laquelle la grande majorité des patien-tes qui ont une reconstruction mammaire ont unereconstruction par prothèse.Cependant, l’indication opératoire doit égale-

ment tenir compte du résultat esthétique à dis-tance de l’intervention et du taux de réinterven-tions tardives, que ces interventions soient enrapport avec une complication, ou proposées pouraméliorer le résultat esthétique quelques annéesaprès la reconstruction. À l’ère de l’information

Figure 11 Résultats esthétiques et âge.

Figure 12 Résultats esthétiques et type d’incision de mastecto-mie.

Figure 13 Reconstruction par prothèse à 5 ans : atrophie tissu-laire tardive.

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éclairée et du partage de la décision thérapeuti-que, nous devons fournir aux patients une informa-tion exhaustive, qui tient compte des complicationsles plus classiques (coque périprothétique, plis dela prothèse, ...), mais aussi de l’évolution prévisi-ble du résultat esthétique dans le temps.Le projet de cette étude est né d’un constat :

malgré l’utilisation très étendue des prothèses enreconstruction mammaire, il existe très peu dedonnés sur le devenir à long terme des patientesainsi opérées. Il existe de très nombreuses séries,prospectives ou rétrospectives, qui analysent lescomplications précoces de la reconstruction

[1–6,14–18]. Cependant l’analyse des résultats es-thétiques à long terme n’avait, à notre connais-sance, jamais fait l’objet d’une analyse prospectivesur une large cohorte de patientes, quelle que soitla technique de reconstruction utilisée [19,20]. Ils’agit pourtant d’une notion importante : indépen-damment du résultat esthétique en soi, nous sou-haiterions disposer de facteurs prédictifs permet-tant de sélectionner les patientes auxquelles onpeut proposer une reconstruction par prothèse. Auxnotions classiques (laxité tissulaire, antécédentd’irradiation, BMI...), il était tentant de rajouterdes éléments objectifs (type de prothèse, volumede la prothèse, âge de la patiente). Notre espoirétait de pouvoir définir grâce à ces paramètres ungroupe de patientes « idéal » pour une reconstruc-tion par prothèse, pour lesquelles l’analyse préala-ble aurait permis de prédire que le risque de dété-rioration du résultat esthétique dans le temps étaitminime.

Évaluation des résultats esthétiques

L’un des problèmes constamment rencontré en chi-rurgie plastique est l’évaluation des résultats es-thétiques : toutes les échelles proposées en chirur-gie mammaire ont leurs partisans et leursdétracteurs [21,22]. Il est cependant indispensablede définir un outil aisément compréhensible etreproductible, qui permet d’utiliser un langagecommun pour l’évaluation des résultats. En parti-culier, tous les experts s’accordent pour dire qu’enreconstruction mammaire, les éléments les plusimportants sont la position du sillon sous-mammaire, la largeur du sein reconstruit et lasymétrie (volume et forme) par rapport au seincontrolatéral [7].Dans l’idéal, l’évaluation esthétique doit pouvoir

être faite d’une part par le chirurgien, d’autre part

Figure 14 A : reconstruction du sein droit par prothèse en gel -résultat à 1 an ; B : résultat à 3 ans, coté 3 ; C : résultat à 6 ans,coté 4.

Figure 15 Reconstruction du sein droit par prothèse en gel :déroulement du segment sous-aréolaire du sein controlatéral.

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par la patiente mais aussi par des observateurs quin’ont pas participé à l’intervention (assistante mé-dicale, infirmières...). Dans toutes nos publicationsportant sur la chirurgie de reconstruction mam-maire [7,15,23–25], nous avons utilisé la mêmeéchelle, fondée sur une évaluation globale de l’as-pect général de la poitrine, comme pourrait le faireun observateur non-spécialiste. Cette évaluationtient compte de la forme, de la largeur et de lasouplesse du sein reconstruit, de la bonne défini-tion du sillon sous-mammaire, mais aussi de l’as-pect des cicatrices, de l’aspect et de la position dela plaque aréolomamelonnaire et de la symétrieentre les deux seins.Plutôt que d’utiliser une notation complexe où

on tient compte de chacune de ces variables, nousavons opté pour une évaluation simple et reproduc-tible, qui attribue à chaque patiente une noteallant de un à cinq : 1 (très bon), 2 (bon), 3(moyen), 4 (médiocre), 5 (mauvais) (Figs. 1–3,5). Lasimplicité de cette classification a permis duranttoute la durée de l’étude (dix ans...) d’enregistrerde façon systématique les résultats esthétiques àchacune des visites de surveillance de la patiente(au minimum une fois par an) même en l’absencedu chirurgien référent. Puisque la même échelle aété utilisée pour toutes nos publications, nous pou-vons également analyser des groupes de patientesdifférentes. Nous avons ainsi pu comparer, certesde façon rétrospective, l’analyse des résultats es-thétiques à long terme des reconstructions autolo-gues à celle des prothèses, et démontrer la stabilitédes reconstructions autologues avec le temps [25].

Analyse des coques et des dégonflages enfonction du temps

• Le taux de coque (Baker 3 et 4), toutes prothè-ses confondues, est d’environ 15 % à cinq ans. Cetaux peut paraître élevé, mais correspond auxdonnées de la littérature dans toutes les grandesséries de reconstruction par prothèse [26–30]. Ilest en effet clairement établi que le taux decoque est beaucoup plus important après re-construction qu’après augmentation pour hypo-trophie [31–33].Plus intéressante est la cinétique d’apparitiondes coques (Fig. 4) : deux ans après l’interven-tion, 11 % des patientes ont développé unecoque. Cinq ans après l’intervention, ce taux n’apratiquement pas changé (15 %). Cela confirmeque quelle que soit la prothèse utilisée, la quasi-totalité des coques significatives apparaît dansles deux premières années après la reconstruc-tion .

• le taux de dégonflage est une fonction linéairedu temps, du moins dans les premières années

qui suivent la reconstruction (Fig. 7). Dans cetteétude, il est d’environ 3 % à deux ans et 8 % àcinq ans (soit schématiquement 1,5 % par an).En réalité, il est probable que le risque annuelde dégonflage augmente avec le temps, en par-ticulier pour les prothèses en gel de silicone.Notre étude n’a pas permis de le mettre enévidence pour deux raisons. La première est liéeà la durée de suivi : bien que la durée maximumdu suivi était de dix ans, la durée moyennen’était (que !) de 4,2 années. La seconde raisonest liée à la période durant laquelle cette étudea été réalisée (1990–1997) qui couvre la périodedu moratoire sur les prothèses en gel de sili-cone.

Détérioration des résultats esthétiquesavec le temps

La reconstruction mammaire par prothèse est as-sortie d’un risque de complications précoces par-faitement défini, qui a fait l’objet de très nombreu-ses publications. En particulier, il est clairementdémontré que le taux de complications précoces(nécrose cutanée, infection, dépose de pro-thèse...) est plus élevé en cas de reconstructionmammaire immédiate qu’après reconstruction dif-férée [7,18,20,27]. Cela a amené toutes les équipesqui prennent en charge ces patientes à améliorer latechnique chirurgicale (choix des prothèses,confection d’une loge rétromusculaire étanche),mais aussi à mieux préciser les indications de re-construction immédiate par prothèse (meilleuresélection des patientes, prise en compte des traite-ments multidisciplinaires dans l’indication de lareconstruction immédiate...).En revanche, il existe très peu d’études sur les

résultats esthétiques des reconstructions par pro-thèse, et leur évolution avec le temps [19,20]. Ànotre connaissance, cette série est la plus impor-tante série mondiale publiée sur le sujet, compor-tant 360 patientes opérées consécutivement, puissuivies de façon systématique pendant une périodede dix ans. La méthodologie utilisée nous a permisd’enregistrer systématiquement les résultats es-thétiques de la reconstruction, au moins une foispar an, à chaque fois que la patiente était vue enconsultation pour son suivi carcinologique.La Fig. 8 démontre que malgré un taux élevé de

bon résultat esthétique dans les deux premièresannées qui suivent la fin de la reconstruction (86 %de résultats cotés 1, 2 ou 3), les résultats se dégra-dent de façon linéaire avec le temps : seules 54 %des patientes gardent un bon résultat à cinq ans.Cette dégradation n’est pas seulement liée à l’ap-parition de coques, puisque celles-ci n’intéressent

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que 15 % des patientes et surviennent quasi exclu-sivement dans les deux premières années qui sui-vent l’implantation.L’analyse rétrospective de cette cohorte a mon-

tré que l’aggravation des résultats esthétiquesétait liée à l’apparition d’une asymétrie mam-maire, qui s’aggrave avec le temps. Cette asymé-trie est essentiellement due aux variations du seincontrolatéral (fluctuation pondérale, apparitiond’une ptôse, vieillissement de la patiente...)(Figs. 16,17). On peut également citer, parmi lescauses d’aggravation des résultats esthétiques, ledéveloppement d’une atrophie tissulaire en regardde la prothèse avec apparition progressive de plis,et un aspect de plus en plus sphérique du seinreconstruit (Fig. 3).On peut, dans une version « optimiste » de

l’analyse des résultats, considérer que 50 % despatientes environ conservent un bon résultat esthé-tique après cinq ans (Figs. 18,19). Il nous semblecependant que ce taux est faible, surtout si l’onconsidère que 92 % des patientes ont eu un geste desymétrisation controlatérale et que plus de 30 % despatientes ont eu, lors du deuxième temps de re-construction, un changement de prothèse pour ten-ter d’améliorer la symétrie mammaire. Enfin, il

faut rappeler que cette série a inclus des patientesqui étaient théoriquement des candidates « idéa-les » pour une reconstruction mammaire par pro-thèse. Nous avions sélectionné des patientes pourlesquelles une conservation cutanée (SSM) étaitréalisable et chez lesquelles aucun traitement pos-topératoire, en particulier aucune radiothérapie deparoi n’était nécessaire (les 26 patientes qui ont euune irradiation ont été exclues de l’analyse desrésultats esthétiques). Il est donc probable quedans une population non sélectionnée, incluant despatientes ayant une radiothérapie ou une exérèsecutanée élargie, le taux de bon résultat esthétiqueà cinq ans serait nettement inférieur aux 50 %obtenus dans cette cohorte (Fig. 20).L’instauration d’une surveillance régulière et

d’un suivi prospectif pour toutes les patientes ayanteu une reconstruction mammaire nous a égalementpermis de comparer les résultats tardifs des recons-tructions par prothèse et des reconstructions auto-logues, en particulier par lambeau musculocutanéde grand droit (TRAM). Cette autre étude, qui nefait pas l’objet de ce rapport [25], doit néanmoinsêtre rappelé ici : durant la même période(1990–1997), 171 patientes ont eu une reconstruc-tion par TRAM. Le taux de bon résultat esthétique

Figure 16 A : reconstruction immédiate du sein gauche et cure de ptôse ; B : résultat à 2 ans ; C : résultat à 4 ans ; D : résultat à 6 ans.

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initial était de 96,4 %. La donnée la plus importantede cette seconde série est qu’il n’existe aucunedégradation du résultat dans le temps : à cinq ans,94,2 % des patientes ont gardé un bon résultatesthétique (Figs. 21,22). La comparaison des résul-tats de ces deux études tend à confirmer que ladégradation du résultat esthétique des reconstruc-tions par prothèse est essentiellement liée à l’ap-parition d’une asymétrie mammaire avec le temps(Fig. 23).

Analyse des résultats esthétiques enfonction du type de prothèse

L’une des données les plus décevantes de cettesérie est qu’il n’a pas été possible de mettre enévidence un type de prothèse permettant d’évitercette détérioration des résultats avec le temps.Quelle que soit la prothèse utilisée (type ou volumede la prothèse (Figs. 9,10) ou même la technique dereconstruction (prothèse définitive ou prothèsed’expansion (Figs. 11,12), nous avons observé lamême détérioration des résultats année après an-née. Cela confirme que cette détérioration n’estpas liée à la prothèse elle-même, mais à des fac-teurs qui dépendent de la patiente (modification dusein controlatéral, atrophie tissulaire en regard dela prothèse, variation pondérale et vieillissement).

La Fig. 8 permet également d’analyser le taux debon résultat esthétique précoce, dans les deuxpremières années qui suivent la reconstruction.Initialement, nous espérions pouvoir démontrerque le résultat esthétique précoce (inférieur à deuxans) était variable, et fonction de la techniqueutilisée. Malheureusement, quelle que soit la pro-thèse utilisée, aucune n’a permis d’obtenir unmeilleur résultat précoce. En particulier, l’utilisa-tion de prothèses d’expansion n’a pas permis d’ob-tenir de meilleurs résultats esthétiques initiaux,par rapport à des prothèses de volume fixe (Fig. 9).Cela va contre l’idée généralement admise quel’expansion tissulaire permet, en particulier en casde reconstruction mammaire immédiate, d’amélio-rer le résultat esthétique par rapport aux résultatsaprès implantation d’une prothèse de volume fixe[27–30,34,35].De même, il n’a pas été possible de démontrer

que l’on obtenait de meilleurs résultats esthétiquesinitiaux lorsqu’on utilisait une prothèse en gel desilicone par rapport à une prothèse remplie desérum physiologique (Fig. 9). Cela peut paraîtreétonnant, si l’on pense aux prothèses actuellementdisponibles sur le marché. Il faut rappeler ici quecette étude a été réalisée durant une période où lesprothèses étaient essentiellement des prothèsesrondes. Par ailleurs, en raison du moratoire sur les

Figure 17 A : reconstruction immédiate du sein droit et cure de ptôse controlatérale ; B : résultat à 3 ans ; C : résultat à 4 ans ; D :résultat à 10 ans (prise de poids de 10 kgs).

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prothèses en gel, 50 % des prothèses utilisés étaientdes prothèses en sérum, et les prothèses en gel nereprésentent que 7 % des cas de cette cohorte (lereste étant des prothèses de Becker ou d’expan-sion). On peut espérer que l’apport des prothèsesanatomiques, voire asymétriques (voir dans lemême chapitre l’article précédent), permet d’ob-tenir un progrès en termes de résultat précoce [36].Il semble cependant illusoire d’espérer que cesprothèses anatomiques évitent la détérioration tar-

dive des résultats esthétiques, puisque ceux-ci nesont pas liés au type de prothèse.

Analyse des résultats esthétiques enfonction de la technique de mastectomie

L’un des progrès majeurs en termes de reconstruc-tion mammaire a été obtenu lors de l’introductiondes techniques de mastectomie conservant l’étui

Figure 18 A : reconstruction immédiate du sein droit, et réduc-tion mammaire controlatérale ; B : postopératoire immédiat ;C : résultat à 2 ans postopératoire, coté 1 ; D : stabilité durésultat à 6 ans (moins de 50 % des patientes).

Figure 19 A : reconstruction immédiate du sein gauche ; B :résultat à 1 an ; C : assez bon résultat à 6 ans, coté 2.

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cutané (SSM pour « skin sparing mastectomy »).Initialement proposée dans les années 1990[37,38], cette technique permet, pour des cas trèssélectionnés sur le plan cancérologique [39,40] , degarder la quasi-totalité de l’étui cutané du sein, enlimitant l’exérèse à la plaque aréolomamelonnaire.Cela peut être réalisé par une incision fusiformetraditionnelle, mais aussi par des incisions péria-réolaires ou en T inversé. L’intérêt de cette tech-nique est de réduire la taille et la visibilité descicatrices de mastectomie [18].La grande majorité des patientes de cette série

ont pu bénéficier d’une SSM, car les lésions histolo-giques (carcinomes intracanalaires ou micros infil-trants) autorisaient une large exérèse cutanée. Ce-pendant, tout comme pour les prothèses, l’apportdes techniques de SSM n’a pas permis d’éviter unedétérioration du résultat esthétique avec le temps :s’il est évident que la diminution de la rançoncicatricielle améliore incontestablement l’aspectdu sein reconstruit (Figs. 1,2), l’utilisation destechniques de SSM n’évite malheureusement pas ladétérioration tardive des résultats (Fig. 12), puis-que celle-ci est liée à l’évolution différente desdeux seins dans le temps.

Figure 20 Résultat à 2 ans d’une reconstruction différée du seindroit après mastectomie et radiothérapie de paroi.

Figure 21 TRAM : résultats esthétiques en fonction du temps.

Figure 22 A : reconstruction par TRAM unipédiculé - préopéra-toire ; B : résultat à 1 an postopératoire, coté 2 ; C : résultat à3 ans postopératoire, coté 2 ; D : résultat à 6 ans postopératoire,coté 1.

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Conclusion

La reconstruction mammaire par prothèse est latechnique la plus fréquemment utilisée après mas-tectomie. Ses complications à moyen terme sontbien connues, dominées par le risque de coques etde dégonflage de la prothèse ; cependant, il existepeu de données concernant l’évolution à longterme des reconstructions par prothèse. Nous avi-ons initié une étude prospective portant sur unesérie consécutive de 360 RMP, toutes revues aumoins une fois par an pendant une durée de dix ans.L’analyse de cette population montre que le tauxde coques (Baker 3 et 4) était de 15 % à cinq ans, etconfirme que le risque de coques est plus élevé encas de reconstruction qu’en cas d’augmentationmammaire. Cette étude démontre par ailleurs quela majorité des coques survient dans les deux pre-mières années après la pose de la prothèse, pourdevenir négligeable ensuite, alors que le taux dedégonflage est quant à lui stable dans le temps(1,5 % par an).L’analyse des résultats esthétiques des RMP à

long terme n’avait jamais été réalisée sur une largeéchelle. Cette série confirme que la RMP permetd’obtenir, dans des indications bien sélectionnées,un bon résultat esthétique précoce : 86 % despatientes avaient un résultat esthétique satisfai-sant deux ans après l’intervention. Notre analysedémontre cependant que les résultats esthétiquesdes RMP se dégradent rapidement avec le temps, etque cette dégradation est essentiellement liée àl’évolution différentielle des deux seins. Ces don-nées sont quantifiables puisque dans cette popula-

tion très sélectionnée, sans irradiation pré- ou pos-topératoire, environ 50 % des patientesprésentaient un résultat médiocre après cinq ans.En matière de résultats esthétiques tardifs, il

existe donc une différence majeure entre la re-construction mammaire par prothèse et l’utilisa-tion de prothèses pour cure d’hypotrophie. Contrai-rement à ce qu’on observe après augmentationmammaire, 50 % des cas de RMP ont un résultattardif médiocre... mais 50 % des patientes gardentun bon résultat.Ces résultats ne doivent en aucun cas faire reje-

ter la reconstruction par prothèse, mais permet-tent de fournir aux chirurgiens qui prennent encharge des patientes pour une RMP des notionsprécises, chiffrées, quant au devenir des patientesqui ont bénéficié de cette reconstruction. Cetteinformation doit faire partie intégrante de l’infor-mation préopératoire, afin de permettre à chaquepatiente de participer au choix de la technique dereconstruction la plus adaptée à sa demande.

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Figure 23 A : reconstruction par TRAM unipédiculé - préopératoire ; B : résultat à 8 mois postopératoire ; C : résultat à 7 anspostopératoire.

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