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© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2014) 6, 267-269 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com LES INDICATIONS DE LA RÉHABILITATION Réhabilitation péri-opératoire en chirurgie thoracique (hors réduction de volume pulmonaire et transplantation) Perioperative pulmonary rehabilitation in thoracic surgery (except lung volume reduction and lung transplantation) F. Voisin D’après la communication de R. Gauthier (Amiens) Service de pneumologie, Centre cardio-pneumologique, CHU de Rennes, France Résumé Dans le cadre des cancers bronchiques non à petites cellules opérables, la réhabilitation respiratoire permet de contrôler de façon optimale les facteurs inÁuençant la survenue de complications péri-opératoires tout en améliorant la qualité de vie du patient. Ainsi est optimisée la tolérance à l’effort et est promu le sevrage tabagique qui sont les principaux déterminants sur lesquels il est possible d’agir. En post-opératoire, la récupération des patients est accélérée, tant sur le plan de la qualité de vie que de la tolérance à l’effort. La réhabilitation n’est pas réservée aux patients les plus graves mais bien à tous ceux présentant un risque péri-opératoire. © 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary During the management of surgically treated non-small cell lung cancers, pulmonary rehabilitation may help to control the risk of post-surgical complications, and to improve quality of life. Tolerance to exercise and tobacco cessation are also optimized. In the post-surgical period, the recovery of health-related quality of life and exercise tolerance is accelerated. Pulmonary rehabilitation is not only indicated for the most severe patients but also in patients having surgical risk factors. © 2014 SPLF. Published by par Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (F. Voisin). MOTS CLÉS Réhabilitation respiratoire ; Chirurgie thoracique ; Facteurs de risque KEYWORDS Pulmonary rehabilitation; Thoracic surgery; Risk factors

Réhabilitation péri-opératoire en chirurgie thoracique (hors réduction de volume pulmonaire et transplantation)

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Page 1: Réhabilitation péri-opératoire en chirurgie thoracique (hors réduction de volume pulmonaire et transplantation)

© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2014) 6, 267-269

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

LES INDICATIONS DE LA RÉHABILITATION

Réhabilitation péri-opératoire en chirurgie thoracique (hors réduction de volume pulmonaire et transplantation) Perioperative pulmonary rehabilitation in thoracic surgery (except lung volume reduction and lung transplantation)

F. VoisinD’après la communication de R. Gauthier (Amiens)

Service de pneumologie, Centre cardio-pneumologique, CHU de Rennes, France

RésuméDans le cadre des cancers bronchiques non à petites cellules opérables, la réhabilitation respiratoire permet de contrôler de façon optimale les facteurs in uençant la survenue de complications péri-opératoires tout en améliorant la qualité de vie du patient. Ainsi est optimisée la tolérance à l’effort et est promu le sevrage tabagique qui sont les principaux déterminants sur lesquels il est possible d’agir. En post-opératoire, la récupération des patients est accélérée, tant sur le plan de la qualité de vie que de la tolérance à l’effort. La réhabilitation n’est pas réservée aux patients les plus graves mais bien à tous ceux présentant un risque péri-opératoire.© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SummaryDuring the management of surgically treated non-small cell lung cancers, pulmonary rehabilitation may help to control the risk of post-surgical complications, and to improve quality of life. Tolerance to exercise and tobacco cessation are also optimized. In the post-surgical period, the recovery of health-related quality of life and exercise tolerance is accelerated. Pulmonary rehabilitation is not only indicated for the most severe patients but also in patients having surgical risk factors.© 2014 SPLF. Published by par Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Correspondance. Adresse e- mail : [email protected] (F. Voisin).

MOTS CLÉS Réhabilitation respiratoire ;Chirurgie thoracique ;Facteurs de risque

KEYWORDS Pulmonary rehabilitation; Thoracic surgery; Risk factors

Page 2: Réhabilitation péri-opératoire en chirurgie thoracique (hors réduction de volume pulmonaire et transplantation)

268 F. Voisin

In uence de la tolérance à l’effort

Certains patients opérables ont une diminution de leur tolé-rance à l’effort multifactorielle. Cette dysfonction musculaire périphérique provient d’une part de la pathologie néoplasique elle-même, responsable d’une dyspnée, d’une asthénie et d’une in ammation systémique mais aussi des comorbidités comme la BPCO. Une méta-analyse récente a prouvé qu’une différence signi cative de 3 ml/min/kg de VO2max séparait les patients à risque de CRPO des patients non à risque [8].

Classiquement, il existe quatre classes de risque de CRPO en fonction du VO2max : au-delà de 20 ml/min/kg, le risque opératoire est faible ; entre 15 et 20 ml/min/kg, le risque est modéré. Les patients le plus souvent vus en réhabilitation ont une VO2max entre 10 et 15 ml/min/kg (risque accru) et moins de 10 ml/min/kg (patient à très haut risque de mortalité péri-opératoire). Attention cependant à toujours interpréter la VO2max en fonction du facteur limitant qui in uence le pronostic.

Outre l’épreuve d’effort, il existe d’autres tests fonc-tionnels pour explorer la tolérance à l’effort de ces patients avant chirurgie. Par exemple, le test de montée des escaliers : en deçà de 3 étages ou 12 mètres, on retrouve un taux de 50 % de CRPO et 13 % de mortalité (CRPO multipliée par 2,5 et mortalité multipliée par 13 par rapport à un individu qui monte 5 étages ou 22 mètres) [9]. Ce test n’est cependant pas standardisé sur la durée de la montée, la vitesse d’ascension, le nombre de marches par étage, la hauteur de chaque marche et les critères d’arrêt du test. Le test navette (test maximal) peut également être utilisé car bien corrélé au VO2. On consi-dère que le VO2max est supérieur à 15 ml/mn/kg au-delà de 400 mètres parcourus ou 25 navettes.

Objectifs et résultats de la réhabilitation respiratoire pré-opératoire

Les objectifs sont de réduire le risque de survenue de CRPO en participant au sevrage tabagique et en améliorant la tolérance à l’effort. On tentera aussi pour les cas limites d’amener le patient à la chirurgie et pour tous les patients d’améliorer leur qualité de vie. La durée habituelle de la réhabilitation est d’environ 4 semaines avec des programmes de 1 à 6 semaines dans la littérature.

Trois études randomisées (Pehlivan 2011, Benzo 2011 et Morano 2012) montrent toutes une diminution des CRPO et des répercussions sur la durée de séjour. Pour les patients initialement récusés, une étude a permis après réhabilitation d’opérer les patients avec une durée de séjour et un taux de complication jugés acceptables et une mortalité nulle [10].

Période post-opératoire

La réussite technique d’une chirurgie thoracique dans le CBNPC ne suf t pas à assurer la guérison du patient dans sa globalité. La chirurgie thoracique diminue la tolérance à l’effort jusqu’à au moins 6 mois après l’intervention avec une diminution plus importante en fonction du type de chirurgie (13 % de VO2max

Introduction

Dans le cadre des carcinomes bronchiques non à petites cel-lules (CBNPC) opérables, la période pré-opératoire comporte plusieurs aspects. Pour le chirurgien, il s’agit d’estimer le risque chirurgical le plus précisément possible ainsi que la qualité de vie post-opératoire attendue [1]. Cela lui permet d’établir une stratégie de prévention de la survenue des complications respiratoires post-opératoires (CRPO). Pour le patient, il s’agit plus de connaître sa probabilité de guérison ainsi que la qualité de vie résiduelle après intervention à laquelle il doit s’attendre.

Les complications respiratoires post-opératoires

La chirurgie thoracique reste une chirurgie à risque avec un risque global de mortalité estimé à 4,24 fois [2]. Le risque principal est constitué par les CRPO dites « signi catives » qui prolongent la durée d’hospitalisation et contribuent à la morbidité et la mortalité péri-interventionnelles, avec une augmentation des coûts liés à l’intervention. Elles survien-nent dans 30 % des cas et de façon précoce dans les quatre premiers jours post-opératoires [3]. Le taux de mortalité globale est de 4 % (environ 170 décès par an) mais dépend du type de chirurgie (8 % pour une pneumonectomie) et de l’âge (jusqu’à 14 % de mortalité pour les pneumonectomies au-delà de 75 ans) [4].

Les principales CRPO signi catives sont la pneumonie, l’insuf sance respiratoire avec nécessité d’une ventilation prolongée, les bronchospasmes, les atélectasies et les exacerbations d’une pathologie respiratoire chronique sous-jacente. Les CRPO ont pour conséquence un allonge-ment de la durée de séjour et une majoration des coûts d’hospitalisation. Les facteurs prédictifs de survenue des CRPO sont : un tabagisme actif, la tolérance à l’effort, un score ASA (American Society of Anesthesiologists) > 2, une BPCO sous-jacente, une dépendance fonctionnelle totale ou partielle, l’insuf sance cardiaque, un âge > 70 ou 80 ans, le type de chirurgie.

Tabagisme et complications respiratoires post-opératoires

À l’annonce du diagnostic, 50 % des patients sont fumeurs et 80 % d’entre eux poursuivent leur tabagisme. La poursuite du tabagisme en période péri-opératoire multiplie par trois le nombre de complications du site opératoire, double le risque de passage en unité de réanimation, augmente la durée de séjour et diminue par la suite le rapport ef cacité/effet secondaire de la radio/chimiothérapie.

Le sevrage tabagique diminue la sensation de fatigue et de dyspnée, améliore les fonctions cognitives, l’estime de soi et le bien-être psychologique [5]. Il est fondamental à obtenir dans ce contexte péri-opératoire. Le délai de sevrage idéal se situe entre 6 et 8 semaines pour revenir à un taux de CRPO similaire aux non-fumeurs [6,7].

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en moins pour les lobectomies, 28 % pour les pneumonecto-mies) [11,12]. La chirurgie entraîne également un abaissement du seuil ventilatoire et une dyspnée plus marquée [13]. Les activités physiques sont diminuées au détriment des activités modérées et soutenues ; la qualité de vie est altérée avec un retour à la normale en 3 à 6 mois selon le type de chirurgie (altération permanente en cas de pneumonectomie) [14].

En post-opératoire immédiat (J1 à J5), même si parler de « réhabilitation » est délicat, plusieurs programmes ont été étudiés avec comme point commun un contrôle optimal de la douleur, de la kinésithérapie respiratoire pluriquotidienne et un premier lever précoce avec séances de pédalage ou de marche dès que possible ainsi qu’un travail musculaire en résistance [15].

Pour la période à court terme (J15 à 3 mois), des pro-grammes en centre d’une durée de 3 à 12 semaines ont montré leur ef cacité avec une amélioration de la tolérance à l’effort (test de marche de 6 minutes) [16,17]. Dans les études où la qualité de vie a été étudiée, une amélioration est constatée dans la plupart des cas, mais à des degrés variables. Des études randomisées sont nécessaires pour con rmer cette tendance.

Conclusion

La réhabilitation respiratoire a sa place dans le cadre des CBNPC, en période pré-opératoire mais aussi post-opératoire. Avant la chirurgie, elle est au centre de plusieurs éléments que sont l’annonce du diagnostic et la contrainte temporelle (délai imparti avant intervention). Les recommandations actuelles retiennent une indication pour ce type de pro-gramme pour un VEMS post-opératoire prédit ou une DLCO post-opératoire prédite < 60 %, avec une VO2max inférieure à 10 ml/min/kg. Ces recommandations doivent probablement être élargies à tout patient présentant un surrisque de CRPO (âge avancé, pneumonectomie).

En post-opératoire, il faut privilégier une mobilisation et une autonomisation précoces. À moyen et long termes, les objectifs sont de poursuivre le sevrage tabagique et de permettre une récupération plus rapide de la tolérance à l’effort et de la qualité de vie.

Liens d’intérêts

F. Voisin déclare n’avoir aucun lien d’intérêts en rapport avec cet article.

R. Gauthier déclare n’avoir aucun lien d’intérêts en rapport avec cet article.

Références[1] Pompili C, Brunelli A, Xiumé F, Refai M, Salati M, Sabbatini

A. Predictors of postoperative decline in quality of life after major lung resections. Eur J Cardio-Thorac Surg 2011;39:732-7.