6
© 2006. AFTCC. Édité par Elsevier Masson SAS. Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive 2006, 16, 3, 97-102 Tous droits réservés Article original RELATION ENTRE LOCUS OF CONTROL, DÉSIR DE CONTRÔLE ET ANXIÉTÉ Y. PAQUET Laboratoire de Psychologie Appliquée, EA 3793, UFR STAPS, 57, rue Pierre-Taittinger, 51687 Reims Cedex. RÉSUMÉ : De nombreuses études présentent une relation négative entre l’anxiété et le locus de contrôle. Pourtant, Rotter (1966) ou Averill (1973) montrent qu’un fort contrôle de la situation peut être néfaste. Ainsi, il faudrait également tenir compte de l’envie de contrôler la situation. L’objectif est donc ici d’étudier la relation entre ces trois variables : locus de contrôle, anxiété et désir de contrôle. Dans un premier temps, l’attention sera portée sur la relation entre locus de contrôle et anxiété, et entre désir de contrôle et anxiété. Ensuite, l’écart entre le désir de contrôle et le locus de contrôle sera mis en relation avec l’anxiété. Les résultats montrent ainsi que seule la dimension interne du locus de contrôle et le désir de contrôle sont des facteurs opposés à l’anxiété. Les dimensions « Personnage tout puissant » et « Chance » n’auraient aucune influence tout comme l’écart entre locus de contrôle et désir de contrôle. Mots-clés : locus de contrôle, désir de contrôle, anxiété. SUMMARY: Interrelationship between Locus Of Control, desire for control and anxiety Y. PAQUET (Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 2006 ; 16, 3, 97-102). Many studies present a negative relation between anxiety and locus of control. However, Rotter (1966) and Averill (1973) show that a strong control of the situation can be harmful. Thus, it would also be necessary to take into account the desire for controlling the situation. The objective here is to study the relation between these three variables: locus of control, anxiety and desire for control. Initially, the attention will be related to the relation between locus of control and anxiety, and between desire for control and anxiety. Then, secondarily, the discrep- ancy between the desire for control and the locus of control will be put in relation with anxiety. Results highlight that only the internal dimension of locus of control and the desire for control are opposite factors to anxiety. “Powerful Others” and “Chance” subscales as well as the discrepancy between locus of control and desire for control appeared to be unrelated to anxiety. Key words: locus of control, desire for control, anxiety. INTRODUCTION Le locus de contrôle Le rôle des renforcements est unanimement reconnu dans l’acquisition des connaissances et des habiletés. Cependant, certains individus ont des perceptions et des réactions différentes face à ces renforcements. Aussi, afin de rendre compte des différents degrés de relation causale entre les conduites des individus et les renforcements obte- nus, Rotter (1966) a introduit le concept de Locus Of Control (LOC). À l’origine du locus de contrôle, Rotter (1954, 1966) travaille sur une théorie de l’apprentissage social. Cette théorie a été créée pour rendre comp- te de la complexité des comportements sociaux humains et permet de comprendre pourquoi, par- mi la variété des comportements potentiels que peut effectuer un individu, celui-ci réalise tel ou tel comportement (Phares, 1976). Pour Rotter (1975), Correspondance : Y. PAQUET, à l’adresse ci-dessus. e-mail : [email protected]

Relation entre locus of control, désir de contrôle et anxiété

  • Upload
    y

  • View
    216

  • Download
    3

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Relation entre locus of control, désir de contrôle et anxiété

© 2006. AFTCC. Édité par Elsevier Masson SAS.

Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive

2006, 16, 3, 97-102

Tous droits réservés

Article original

RELATION ENTRE LOCUS OF CONTROL, DÉSIR DE CONTRÔLE ET ANXIÉTÉ

Y. PAQUET

Laboratoire de Psychologie Appliquée, EA 3793, UFR STAPS, 57, rue Pierre-Taittinger, 51687 Reims Cedex.

RÉSUMÉ :

De nombreuses études présentent une relation négative entre l’anxiété et le locus de contrôle. Pourtant,Rotter (1966) ou Averill (1973) montrent qu’un fort contrôle de la situation peut être néfaste. Ainsi, il faudraitégalement tenir compte de l’envie de contrôler la situation. L’objectif est donc ici d’étudier la relation entre cestrois variables : locus de contrôle, anxiété et désir de contrôle. Dans un premier temps, l’attention sera portéesur la relation entre locus de contrôle et anxiété, et entre désir de contrôle et anxiété. Ensuite, l’écart entre ledésir de contrôle et le locus de contrôle sera mis en relation avec l’anxiété. Les résultats montrent ainsi queseule la dimension interne du locus de contrôle et le désir de contrôle sont des facteurs opposés à l’anxiété. Lesdimensions « Personnage tout puissant » et « Chance » n’auraient aucune influence tout comme l’écart entrelocus de contrôle et désir de contrôle.

Mots-clés :

locus de contrôle, désir de contrôle, anxiété.

SUMMARY:

Interrelationship between Locus Of Control, desire for control and anxiety

Y. P

AQUET

(Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive,

2006 ;

16, 3,

97-102

)

.

Many studies present a negative relation between anxiety and locus of control. However, Rotter (1966) andAverill (1973) show that a strong control of the situation can be harmful. Thus, it would also be necessary to takeinto account the desire for controlling the situation. The objective here is to study the relation between these threevariables: locus of control, anxiety and desire for control. Initially, the attention will be related to the relationbetween locus of control and anxiety, and between desire for control and anxiety. Then, secondarily, the discrep-ancy between the desire for control and the locus of control will be put in relation with anxiety. Results highlightthat only the internal dimension of locus of control and the desire for control are opposite factors to anxiety.“Powerful Others” and “Chance” subscales as well as the discrepancy between locus of control and desire forcontrol appeared to be unrelated to anxiety.

Key words:

locus of control, desire for control, anxiety.

INTRODUCTION

Le locus de contrôle

Le rôle des renforcements est unanimementreconnu dans l’acquisition des connaissances et deshabiletés. Cependant, certains individus ont desperceptions et des réactions différentes face à cesrenforcements. Aussi, afin de rendre compte des

différents degrés de relation causale entre lesconduites des individus et les renforcements obte-nus, Rotter (1966) a introduit le concept de

LocusOf Control

(LOC).À l’origine du locus de contrôle, Rotter (1954,

1966) travaille sur une théorie de l’apprentissagesocial. Cette théorie a été créée pour rendre comp-te de la complexité des comportements sociauxhumains et permet de comprendre pourquoi, par-mi la variété des comportements potentiels quepeut effectuer un individu, celui-ci réalise tel ou telcomportement (Phares, 1976). Pour Rotter (1975),

Correspondance :

Y. P

AQUET

, à l’adresse ci-dessus. e-mail : [email protected]

Page 2: Relation entre locus of control, désir de contrôle et anxiété

98

Y. PAQUET

cette théorie est une théorie globale de la person-nalité qui prend en compte l’importance desexpectations et des renforcements dans la déter-mination des comportements des individus face àune situation.

Ainsi, selon Rotter (1954), les expectationsjouent un rôle important dans la déterminationdes comportements puisque si un individu adoptetel comportement plutôt que tel autre, c’est engrande partie parce qu’il a de bonnes raisons des’attendre à ce que ce comportement lui permetted’atteindre le but fixé. Cependant, Rotter (1966)constate que les variations des expectations fai-sant suite aux renforcements semblent dues nonseulement à la nature de la situation, mais aussià une caractéristique de la personne qui obtientce renforcement. Il observe notamment que cer-tains individus ne font aucun lien entre leur com-portement et le renforcement obtenu. Pour cesindividus, l’origine de ce renforcement serait dueà des facteurs indépendants de leur contrôle(hasard, chance, les autres…). Il n’y aurait, alors,aucune influence sur l’expectation. Ainsi, sil’individu ne perçoit aucune relation entre soncomportement et le renforcement obtenu, onparlera de locus de contrôle externe. À l’inverse,si l’individu perçoit une relation causale, on par-lera de locus de contrôle interne. Rotter (1966)définit donc le contrôle interne

versus

externe durenforcement comme la représentation que le sujetpossède du rapport entre sa conduite et le renfor-cement. L’effet de celui-ci dépendrait de la per-ception ou non d’une relation causale avec lecomportement précédent.

Depuis Rotter, certains auteurs comme Leven-son (1972) ont remis en cause cette structure uni-dimensionnelle (interne/externe) et proposentune structure multidimensionnelle composée detrois facteurs : l’internalité (I) regroupant desitems impliquant la croyance en l’origine internedes renforcements (aptitudes, comportements,actions, efforts…), la chance (C) rassemblant lesitems relatifs au hasard, au destin ou à la chanceet les personnages tout puissants (P) représentéspar des items attribuant les événements à despersonnages investis de pouvoirs. Dubois (1985)évoque ce débat existant entre certains cher-cheurs soutenant les travaux d’origine de Rotter(1966), et donc une unique dimension au conceptdu LOC, tandis que d’autres, plus nombreux,sont favorables à une structure multidimension-nelle. Actuellement, la structure multidimension-nelle à trois facteurs (Interne, Personnages toutpuissants, Chance) domine.

Relation LOC/Anxiété

De nombreuses études révèlent l’existenced’une relation négative entre le locus de contrô-le et l’anxiété (Rossier

et coll.

, 2002). D’unemanière générale, les individus ayant un locusde contrôle interne sont moins anxieux que lesindividus ayant un locus de contrôle externe.Ainsi, le caractère favorable du locus de contrô-le interne a été démontré dans de nombreuxdomaines, comme par exemple en psychologiede la santé (Bruchon-Schweitzer, 2002). Cepen-dant, Rotter (1966) ou Averill (1973) montrequ’un fort contrôle de la situation peut êtrenéfaste. Il convient donc de rester prudent quantà la généralisation de ces résultats. En effet, tousles individus ne souhaitent pas forcément maî-triser la situation (notamment si elle est mena-çante). Outre le contrôle perçu de la situation, ilfaudrait également prendre en compte les diffé-rences entre les individus quant au désir decontrôler les événements. Ainsi, il apparaît inté-ressant d’étudier cette relation au regard d’unetroisième variable, le désir de contrôle.

Le désir de contrôle

On peut trouver l’origine des travaux sur ledésir de contrôle dans les travaux d’Adler (1930)notamment dans ce qu’il appelle

striving for supe-riority

, ou encore ceux de White (1959) qui décrient

the effectance motivation

ou ceux de DeCharms(1968) qui identifient un construit reflétant ledésir d’être maître de son destin. Mais, c’est Bur-ger

et coll.

(1979) qui identifièrent clairement ceconcept et créèrent une échelle permettant del’évaluer. Ainsi, ces auteurs définissent le désirde contrôle comme l’importance que les gensaccordent généralement à être motivé pour contrô-ler les événements de leur vie (Burger, 1992). PourBurger

et coll.

(1979), la notion de désir decontrôle est définie comme un trait de person-nalité se rapportant au degré de motivation àcontrôler les événements.

Relation entre LOC, désir de contrôle et anxiété

Burger (1992) explique qu’il existerait desrelations entre le locus de contrôle et le désir decontrôle quelle que soit l’échelle utilisée (Rotterou Levenson). De la même manière, Burger (1992)précise que dans différentes études non publiéesqu’il a réalisées, il apparaîtrait une relationnégative entre le désir de contrôle et l’anxiété-trait. De plus, Burger explique qu’un individu

Page 3: Relation entre locus of control, désir de contrôle et anxiété

RELATION ENTRE LOCUS OF CONTROL, DÉSIR DE CONTRÔLE ET ANXIÉTÉ

99

qui possède un faible désir de contrôle et unlocus de contrôle interne aurait un trait d’anxiétéélevé. Par ailleurs, Garant et Alain (1993) mon-trent que plus l’écart entre le désir de contrôle etla perception de contrôle (évaluée à l’aide del’échelle de la sphère de contrôle de Paulhus,1983) augmente, plus les individus seraient anxieux.Il semble bien exister une relation entre ces troisconstruits.

HYPOTHÈSES

En résumé, cette étude a deux objectifs princi-paux :

— étudier la relation entre l’anxiété-trait et ledésir de contrôle ainsi qu’entre l’anxiété-trait etla dimension interne du locus de contrôle ;

— porter une attention plus particulière sur larelation entre l’anxiété-trait et l’écart entre ladimension interne du LOC et le désir de contrôle.

MÉTHODE

Participants

L’échantillon est composé de 120 étudiants(43 filles et 77 garçons) âgés en moyenne de20,16 ans (

±

1,15).

Procédure

Les questionnaires ont été distribués en coursmagistral. L’ensemble des participants a étéassuré de l’anonymat et de la confidentialité desdonnées.

Chaque participant a rempli une adaptationfrançaise de l’échelle de Levenson (Loas

et coll.

,1994), une adaptation française de l’échelle dedésir de contrôle (Alain, 1989) et la version fran-çaise de la version trait du STAI (Spielberger

etcoll.

, 1970).Afin d’évaluer le locus de contrôle général, la

version française de l’IPC de Levenson (1972)traduit par Loas

et coll.

(1994) a été utilisée. Ils’agit d’un questionnaire de vingt-quatre items.Le sujet donne son degré d’accord sur une échel-le de type likert (de 1, pas du tout d’accord à 6,tout à fait d’accord). Les questions se répartissenten trois dimensions relativement indépendantescomposées de huit items chacune. Les items sontcotés de - 3 (pas du tout d’accord) à - 1 (plutôtpas d’accord) et de + 1 (plutôt d’accord) à + 3 (toutà fait d’accord). Le score de chaque facteur estcalculé en additionnant les notes des items aux-

quels on ajoute 24. Le score total de chaque fac-teur varie donc entre 0 et 48.

Le désir de contrôle a été évalué grâce àl’adaptation française réalisée par Alain (1989)de l’échelle de désir de contrôle mise au pointpar Burger

et coll.

(1979). Il s’agit d’une échelled’auto-évaluation composée de vingt items. Lesujet évalue sur une échelle allant de 1 (pas dutout) à 7 (toujours) ce qui reflète le mieux soncomportement sur des items tels que : « j’aimeavoir le contrôle de ma destinée » ou « j’aimeprendre mes propres décisions ». Le score totalest obtenu en faisant la somme de chaque score(les scores des items 7, 10, 16, 19 et 20 étantinversés). Un score élevé reflète un fort désir decontrôle.

Enfin, l’anxiété-trait a été mesurée à l’aide del’échelle Y’2 de Spielberger

et coll.

(1970). Cequestionnaire est composé de vingt items. La consi-gne est : « Ci-après figure un certain nombre dedéclarations que les gens utilisent souvent pourse décrire. Lisez chacun des énoncés et cochezdans la case appropriée de ce qui convient lemieux à la façon dont vous vous sentez en géné-ral. Il n’existe ni bonnes ni mauvaises réponses.Ne passez pas trop de temps sur chacun despoints mais donnez la réponse qui semble décrirele mieux comment vous vous sentez généralement.Répondez à toutes les questions et ne cochezqu’une case pour chacune d’elles. » Le sujet s’auto-évalue sur une échelle de type likert en quatrepoints allant de « presque jamais » à « presquetoujours ». Le score est calculé en faisant la som-me des scores aux items. Les items 1, 3, 6, 7, 10,13, 14, 16 et 19 sont inversés. Un score élevéreflète un individu fortement anxieux.

Analyse des données

À partir des 120 observations recueillies, unnuage de points entre la dimension I de l’échellede Levenson et la note obtenue au STAI, et unautre entre le désir de contrôle et l’anxiété ontété réalisés à l’aide du logiciel Statview

©

. Ensui-te, à l’aide du logiciel Statistica

©

, une matrice decorrélation et une analyse factorielle avec unerotation varimax ont été réalisées.

RÉSULTATS

Statistiques descriptives

Les statistiques descriptives sont présentéesdans le

tableau I

.

Page 4: Relation entre locus of control, désir de contrôle et anxiété

100

Y. PAQUET

Relation entre LOC et Anxiété-trait

À l’aide du logiciel Statview

©

, un nuage depoints a été réalisé entre la dimension Interne duLOC et l’anxiété-trait

(figure 1)

.Ce nuage de points montre clairement une rela-

tion linéaire négative entre la dimension internedu locus de contrôle et l’anxiété-trait. Ceci estconfirmé par la matrice de corrélation

(tableau II)

.

Relation entre le désir de contrôle et l’anxiété-trait

À l’aide du logiciel Statview

©

, un nuage depoints a été réalisé entre la dimension le désir decontrôle et l’anxiété-trait. Ce nuage de pointsmontre également une relation linéaire négativeentre la dimension interne du locus de contrôleet l’anxiété-trait

(figure 2)

.

Corrélations entre les différents construits

La matrice de corrélation obtenue à l’aide dulogiciel Statistica

©

est présentée dans le

tableau II

.

L’observation de cette matrice permet de cons-tater cinq relations significatives : tout d’abord, ilexisterait une relation négative entre l’anxiété etla dimension I du questionnaire de Levenson(r = - 0,36), et également avec le désir de contrôle(r = - 0,34). De la même manière, il existe unerelation positive entre le désir de contrôle et ladimension interne du locus du contrôle (r = 0,40).D’autre part, la dimension « Chance » du locus decontrôle serait reliée positivement à la dimension« Autres » (r = 0,29) et négativement au désir decontrôle (r = - 0,23). Au regard de ces résultats,une analyse factorielle avec rotation varimax a étéréalisée. Deux facteurs se dégagent alors, expli-quant 62 % de la variance totale

(tableau III)

.Comme le confirme la

figure 3

, un premier fac-teur serait composé de la dimension P et C duLOC et le second facteur serait composé de ladimension I du LOC, du désir de contrôle et del’anxiété.

TABLEAU I. — Statistiques descriptives des différentes variables (n = 120).

Moyenne Minimum Maximum Écart-type

I 29,82 14 43 5,63

P 17,38 4 45 5,88

C 18,52 4 34 5,91

STAI 43,52 23 69 8,79

DC 95,20 63 131 11,23

I : Interne, P : Autres, C : Chance, STAI : anxiété-trait, DC : désirde contrôle.

FIG. 1. — Nuage de points entre l’internalité et l’anxiété.

20

25

30

35

40

45

50

55

60

65

70

ST

AI

10 15 20 25 30 35 40 45

I

TABLEAU II. — Matrice de corrélation entre le LOC, le désir de contrôle et l’anxiété.

I P C STAI DC

I – – – – –

P 0,06 – – – –

p = 0,50

C – 0,04 0,29 – – –

p = 0,62 p = 0,00

STAI – 0,36 0,14 0,13 – –

p = 0,00 p = 0,12 p = 0,16

DC 0,40 – 0,09 – 0,23 – 0,34 –

p = 0,00 p = 0,31 p = 0,01 p = 0,00

I : Interne, P : Autres, C : Chance, STAI : anxiété-trait, DC : désirde contrôle.

FIG. 2. — Nuage de points entre le désir de contrôle et l’anxiété.

20

25

30

35

40

45

50

55

60

65

70

60 70 80 90 100 110 120 130 140

DC

ST

AI

Page 5: Relation entre locus of control, désir de contrôle et anxiété

RELATION ENTRE LOCUS OF CONTROL, DÉSIR DE CONTRÔLE ET ANXIÉTÉ

101

Relation entre l’écart internalité, le désir de contrôle et l’anxiété

En suivant la méthode utilisée par Garant etAlain (1993), les notes de désir de contrôle etd’anxiété-trait ont été centrées et réduites. Unenouvelle note a été créée représentant la diffé-rence en valeur absolue entre les notes centréesréduites de l’internalité et les notes de désir decontrôle. Cette note représente donc l’écart entrele désir de contrôle et l’internalité. Plus la valeurest élevée, plus l’écart est important, plus elle estproche de 0, plus elle exprime une égalité entreles deux.

Le coefficient de corrélation entre cette note etla note centrée réduite de l’anxiété a été calculé àl’aide du logiciel Statistica

©

. Celui-ci (r = - 0,01)montre qu’il n’existerait aucune relation entre cesdeux construits. Cependant, cette valeur pose laquestion du type de la relation entre ces variables.

Ainsi, la relation étudiée n’est-elle pas une rela-tion en U ? Afin de vérifier cette hypothèse, unnuage de point a été réalisé à l’aide du logicielStatview

©

(figure 4)

.L’observation de ce nuage de points ne permet

pas de valider l’hypothèse d’une relation en U oud’une relation linéaire. Ainsi, il est possible deconclure qu’il n’existerait aucune relation entrel’écart entre le désir de contrôle et la dimensioninterne du LOC et l’anxiété-trait.

DISCUSSION

L’objectif principal était ici d’étudier la rela-tion entre le désir de contrôle, le locus de contrô-le et l’anxiété-trait. Différentes études (Burger,1992 ;

et coll.

, 2002) présentent des relations entreces trois construits. En effet, il semble exister unerelation négative entre le désir de contrôle etl’anxiété ainsi qu’entre le locus de contrôle etl’anxiété. De plus, Garant et Alain (1993) mon-trent que plus l’écart entre le désir de contrôle etle contrôle perçu est important, plus l’individuserait anxieux. Les relations n’étant pas très clai-res entre ces construits, avant toute analyse, un nua-ge de point entre l’anxiété et le désir de contrôle etun entre l’anxiété et la dimension interne dulocus de contrôle a été réalisé. Il apparaît que lesrelations entre ces dimensions seraient plutôtlinéaires. Le coefficient de corrélation a ensuiteété calculé et permet de confirmer ces hypothè-ses. En effet, il existerait notamment une relationpositive (r = 0,40) entre le désir de contrôle et ladimension interne du locus de contrôle, une rela-tion négative entre le désir de contrôle et l’anxié-

FIG. 3. — Représentation graphique de l’analyse factorielle.

I

PC

STAI

DC

0,2 0,4 0,6 0,8 1

0,2

0,4

0,6

0,8

1

– 0,8

– 0,6

– 0,4

– 0,2

Facteur 2

Facteur 1+

+

++

+

I : InterneP : AutresC : ChanceDC : Désir de contrôleSTAI : anxiété-trait

– 1 – 0,8 – 0,6 – 0,4 – 0,2

TABLEAU III. — Résultat de l’analyse factorielle entre le désir de contrôle, le LOC et l’anxiété.

F1 F2

I – 0,81 0,16

P – 0,04 0,82

C 0,14 0,76

STAI 0,71 0,18

Désir – 0,74 – 0,21

Valeur propre 1,74 1,35

Pourcentage de variance expliquée 0,35 0,27

I : Interne, P : Autres, C : Chance, STAI : anxiété-trait, DC : désirde contrôle.

FIG. 4. — Nuage de points entre l’anxiété et l’écart désir decontrôle et dimension interne du LOC.

Page 6: Relation entre locus of control, désir de contrôle et anxiété

102

Y. PAQUET

té (r = - 0,34) et entre l’internalité et l’anxiété(r = - 0,36). Par ailleurs, l’anxiété ne serait pascorrélée aux autres dimensions du locus decontrôle. Une analyse factorielle avec rotationvarimax a ensuite été réalisée et permet de déga-ger deux facteurs expliquant 62 % de la variance.Sur un facteur, on retrouve les dimensions plutôtexternes (les autres et la chance) et sur l’autre, onretrouve les dimensions plutôt internes (désir decontrôle et internalité) opposées à l’anxiété.

En procédant de manière identique à Garantet Alain (1993), la relation entre l’anxiété-trait etl’écart entre le désir de contrôle et la dimensioninterne du LOC a été étudiée. Contrairement auxrésultats trouvés par Garant et Alain (1993), quitrouvaient une relation positive (r = 0,15, p < 0,05)entre l’anxiété et l’écart entre le désir de contrôleet la perception de contrôle, aucune relation(r = - 0,01) n’a été trouvée. Ceci pourrait s’expli-quer par une différence d’échelles utilisées pourévaluer le contrôle. En effet, Garant et Alain(1993) ont utilisé l’échelle de Paulhus (1983) alorsque nous avons utilisé l’échelle de Levenson(1972). Il faut noter également que la relation trou-vée par Garant et Alain est relativement faible(r = 0,15).

En résumé, il apparaît qu’il existerait bien unerelation entre le désir de contrôle, l’anxiété et lelocus de contrôle. Cependant, il semblerait queces relations ne soient pas présentes pour toutesles dimensions du locus de contrôle. En effet, ilsemblerait que l’anxiété soit essentiellement oppo-sée à l’internalité. D’autre part, il est à noter quele désir de contrôle est également un facteuropposé à l’anxiété (r = - 0,34). Ce résultat est sem-blable à celui trouvé par Burger (1992) qui trou-vait également une relation négative (r = - 0,37)entre ces deux construits. Ceci peut s’expliquer,comme le note Burger (1992), par le fait que lesindividus désirant contrôler les situations met-traient en place des stratégies permettant deréduire activement les menaces.

Pour conclure, les individus pensant contrôlerles situations et désirant les contrôler sont généra-lement moins anxieux. Cependant, un problèmepeut se poser lorsque ces individus ne possèdentpas les moyens de contrôler la situation ou lors-que lors tentative de contrôle sont vaine. Ainsi,parfois l’internalité peut être inadaptée (BruchonSchweitzer, 2002 ; Hurell et Murphy, 1991). Cetterelation mérite donc d’être d’avantage étudiée enrelation avec la situation et plus particulièrementdans le cas de situation contrôlable et dans celuid’une situation incontrôlable. Dans ce derniercas, l’internalité deviendrait peut-être pathogène.

RÉFÉRENCES

A

VERILL

JR. Personal control over aversive stimuli and itsrelationship to stress.

Psychological Bulletin

1973 ;

80

: 286-303.A

DLER

A. Individual psychology. In C. Murchinson (Ed.),

Psychologies of 1930

. Worcester, MA: Clark Univer-sity Press, 1930 : 138-165.

A

LAIN

M.

Traduction française de l’échelle de désir decontrôle

. Document inédit. Université du Québec àTrois-Rivières, 1989.

B

RUCHON

-S

CHWEITZER

M.

Psychologie de la santé : modè-les, concepts et méthodes

. Paris : Dunod, 2002.B

URGER

JM, C

OOPER

HM. The desirability of control.

Motivation and Emotion

1979 ;

3

: 381-393.B

URGER

JM.

Desire for control: personality, social and cli-nical perspectives

. New York : Plenum Press, 1992.D

E

C

HARMS

R.

Personal causation: the internal affective de-terminants of behavior

. New York : Academic, 1968.D

UBOIS

N. Contribution à l’étude de la dimensionnalité duconcept de « locus of control ».

L’année psychologi-que

1985 ;

85

: 27-40.G

ARANT

V, A

LAIN

M. Perception de contrôle, désir decontrôle et santé psychologique,

Canadian Journal ofBehavioural Science

1995 ;

27

.H

URRELL

JJ, M

URPHY

LR. Locus of control, Job Demandsand Health. In CL Cooper, R. Payne (Eds),

Personalityand Stress: Individual Differences in the Stress Process.

Chichester : John Wiley & Sons, 1991 : 133-149.L

OAS

G, D

ARDENNES

R, D

HEE-PEROT P, LECLERC V. Opé-rationnalisation du concept de « lieu de contrôle » :traduction et première étude de validation de l’échel-le de contrôle de Levenson (IPC : The InternalPowerful Others and Chance Scale). Annales Médico-psychologiques 1994 ; 152 : 466-469.

LEVENSON H. Distinctions within the concept of internal-external control: development of a new scale. Procee-dings of the 80th annual convention of the Americanpsychological association 1972 : 261-262.

PAULHUS DL. Sphere specific measures of perceivedcontrol. Journal of Personality and Social Psychology1983 ; 44 : 1253-1265.

PHARES EJ. Locus of control in personality. Morristown:General Learning Press, 1976.

ROSSIER J, RIGOZZI C, BERTHOUD S. Validation de la ver-sion française de l’échelle de contrôle de Levension(IPC), influence de variables démographiques et dela personnalité. Annales Médico-Psychologiques2002 ; 160 : 138-148.

ROTTER JB. Social learning and clinical psychology. NewYork: Prentice-Hall, 1954.

ROTTER JB. Generalized expectancies for internal versusexternal control of reinforcement. Psychological Mo-nograph 1966 ; 80 : 1-28.

ROTTER JB. Some problems and misconceptions related tothe construct of internal versus external control ofreinforcement. Journal of Consulting and ClinicalPsychology 1975 ; 43 : 56-67.

SPIELBERGER CD, GORSUCH RL, LUSHENE RL. Manualfor the State-Trait Anxiety Inventory. Pao Alto, CA:Consulting Psychologists, 1970.

WHITE R. Motivation reconsidered: The concept ofcompetence. Psychological Review 1959 ; 66 : 297-330.