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55 juridique économie de santé Actualités pharmaceutiques n° 500 Novembre 2010 Une fois l’autorisation de mise sur le marché (AMM) obtenue, un laboratoire pharmaceutique peut choisir que son produit ne soit pas remboursé ou demander aux autorités compétentes qu’il le soit. Dans le premier cas, les prix sont fixés librement par le laboratoire, ainsi que par le pharmacien d’officine. Dans le second cas, toute une série de procédures doivent être suivies et le prix du médicament est réglementé. L e laboratoire pharmaceutique souhai tant commercialiser son médicament doit, avant toute chose, obtenir auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) son autorisation de mise sur le marché (AMM). Une fois le précieux sésame décroché, deux options s’offrent à lui, en fonction de la stratégie et du statut de prescription du médicament qu’il souhaite. Il peut décider que son produit ne sera pas remboursé ou entamer une procédure visant à lui permettre de l’être. Prix du médicament non remboursé Dans le cas où il souhaite que son médi- cament ne soit pas remboursé, deux options s’offrent au laboratoire. Le produit est disponible en vente “libre”. Ayant un statut de non-prescrip- tion médicale, il s’agit alors d’un médica- ment d’“automédication”. Le laboratoire qui souhaite que son produit soit en libre accès doit en faire la demande à l’Afssaps. Il s’agit d’un produit de prescription médicale qui ne sera donc disponible que sur ordonnance auprès du pharmacien d’officine. Fixation du prix Dans ces deux cas, les prix sont fixés librement par le laboratoire, ainsi que, dans un second temps, par le pharmacien d’officine puisque sa marge ne se trouve pas, dans ce cas, réglementée. L’officinal subit néanmoins des contrain- tes de nature déontologique et résultant du droit commercial : selon le Code de déontologie 1 , il peut fixer son prix de vente mais doit le faire avec tact et mesure ; selon le Code du commerce, qui inter- dit la vente à perte 2 , il ne peut vendre un produit à un prix plus bas que celui auquel il l’a acheté. Il doit également respecter les règles de la concurrence : les phar- maciens d’officine ne peuvent donc pas, par le biais d’ententes, aligner leurs prix. La législation interdit la mention d’un prix minimal, mais pas d’un prix maximal. Le prix conseillé ne constitue pas un prix minimal. Information sur les prix Tout produit exposé à la vue du public doit faire l’objet d’une infor- mation permettant au consommateur de connaître son prix 3 sans entrer dans le lieu de vente si le produit est visible de l’extérieur (vitrine) et sans avoir à interroger le vendeur s’il est visible de l’intérieur du lieu de vente (présentoirs, étagères). Ce point résulte des dispositions du Code du commerce. L’information se fait par marquage ou étiquetage sur chaque produit ou encore sur un support placé à proximité immédiate. Le prix indiqué est le prix toutes taxes comprises (TTC). Tous les prix doivent être portés à la connaissance du public conformément à la réglementation économique en vigueur rappelle, quant à lui, le Code de déonto- logie des pharmaciens. Des exigences nouvelles en matière de médicaments non remboursables ont été fixées par un arrêté en date du 26 mars 2003 : – ceux qui ne sont pas exposés à la vue du public doivent comporter le prix de vente toutes taxes comprises sur une étiquette figurant sur le conditionnement ; – le prix de ceux qui se trouvent exposés à la vue du public doit donner lieu à un affichage visible et lisible par le client ; – les médicaments non remboursables mais soumis à prescription obligatoire doivent être répertoriés par ordre alpha- bétique dans un catalogue indiquant leur prix, établi sur support papier ou informatique, librement accessible au public et mis à jour au moins une fois par mois ; – en raison de contraintes d’approvi- sionnement ou lorsque le médicament n’est pas immédiatement disponible à l’officine, son prix de vente peut excep- tionnellement être différent du prix inscrit sur le catalogue. Dans ce cas, le pharma- cien doit informer le client de cet écart Remboursement et prix des médicaments, les règles du jeu

Remboursement et prix des médicaments, les règles du jeu

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55 juridique

économie de santé

Actualités pharmaceutiques n° 500 Novembre 2010

Une fois l’autorisation

de mise sur le marché (AMM)

obtenue, un laboratoire

pharmaceutique peut choisir

que son produit ne soit pas

remboursé ou demander

aux autorités compétentes

qu’il le soit. Dans le premier

cas, les prix sont fixés

librement par le laboratoire,

ainsi que par le pharmacien

d’officine. Dans le second cas,

toute une série de procédures

doivent être suivies

et le prix du médicament

est réglementé.

Le laboratoire pharmaceutique souhai tant commercialiser son médicament doit, avant toute chose,

obtenir auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) son autorisation de mise sur le marché (AMM). Une fois le précieux sésame décroché, deux options s’offrent à lui, en fonction de la stratégie et du statut de prescription du médicament qu’il souhaite. Il peut décider que son produit ne sera pas rembour sé ou entamer une procédure visant à lui permet tre de l’être.

Prix du médicament non rembourséDans le cas où il souhaite que son médi-cament ne soit pas remboursé, deux options s’offrent au laboratoire.

Le produit est disponible en vente

“libre”. Ayant un statut de non-prescrip-tion médicale, il s’agit alors d’un médica-ment d’“automédication”. Le laboratoire qui souhaite que son produit soit en libre accès doit en faire la demande à l’Afssaps. Il s’agit d’un produit de prescription

médicale qui ne sera donc disponible que sur ordonnance auprès du pharmacien d’officine.

Fixation du prix

Dans ces deux cas, les prix sont fixés librement par le laboratoire, ainsi que, dans un second temps, par le pharmacien d’officine puisque sa marge ne se trouve pas, dans ce cas, réglementée. L’officinal subit néanmoins des contrain-tes de nature déontologique et résultant du droit commercial : selon le Code de déontologie1, il peut

fixer son prix de vente mais doit le faire avec tact et mesure ; selon le Code du commerce, qui inter-

dit la vente à perte2, il ne peut vendre un produit à un prix plus bas que celui auquel il l’a acheté. Il doit également respecter les règles de la concurrence : les phar-maciens d’officine ne peuvent donc pas, par le biais d’ententes, aligner leurs prix. La législation interdit la mention d’un prix minimal, mais pas d’un prix maximal. Le prix conseillé ne constitue pas un prix minimal.

Information sur les prix

Tout produit exposé à la vue du

public doit faire l’objet d’une infor-

mation permettant au consommateur de connaître son prix3 sans entrer dans le lieu de vente si le produit est visible

de l’extérieur (vitrine) et sans avoir à interroger le vendeur s’il est visible de l’intérieur du lieu de vente (présentoirs, étagères). Ce point résulte des dispositions du Code du commerce. L’information se fait par marquage ou étiquetage sur chaque produit ou encore sur un support placé à proximité immédiate. Le prix indiqué est le prix toutes taxes comprises (TTC). Tous les prix doivent être portés à la

connaissance du public conformément à la réglementation économique en vigueur rappelle, quant à lui, le Code de déonto-logie des pharmaciens. Des exigences nouvelles en matière

de médicaments non remboursables

ont été fixées par un arrêté en date du 26 mars 2003 :– ceux qui ne sont pas exposés à la vue du public doivent comporter le prix de vente toutes taxes comprises sur une étiquette figurant sur le conditionnement ;– le prix de ceux qui se trouvent exposés à la vue du public doit donner lieu à un affichage visible et lisible par le client ;– les médicaments non remboursables mais soumis à prescription obligatoire doivent être répertoriés par ordre alpha-bétique dans un catalogue indiquant leur prix, établi sur support papier ou informatique, librement accessible au public et mis à jour au moins une fois par mois ;– en raison de contraintes d’approvi-sionnement ou lorsque le médicament n’est pas immédiatement disponible à l’officine, son prix de vente peut excep-tionnellement être différent du prix inscrit sur le catalogue. Dans ce cas, le pharma-cien doit informer le client de cet écart

Remboursement et prix des médicaments, les règles du jeu

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Actualités pharmaceutiques n° 500 Novembre 2010

de prix avant l’achat. Une mention sur le catalogue doit prévenir le client de cette éventualité ;– un support visible et lisible dans l’offi-ci ne doit informer les clients sur le fait que « le prix des médicaments non rembour-sa bles est libre. Vous êtes informés des prix pratiqués dans l’officine pour ces médicaments par affichage ou étiquetage et pour les médicaments non remboursa-bles soumis à prescription obligatoire par un catalogue librement accessible dans l’officine » ;– le pharmacien a l’obligation de délivrer à la demande du consommateur un justi fi-ca tif de paiement pour les spécialités non remboursables ;– la présentation doit respecter une cer-taine neutralité, sauf à constituer une incitation à la consommation abusive de médicaments.

Procédure de remboursement et fixation du prixLe laboratoire pharmaceutique doit effec-tuer simultanément deux opérations :– déposer un dossier auprès de la Commission de la transparence, qui est une des commissions spécialisées de la Haute Autorité de santé (HAS) ;– déposer un dossier de prix auprès du Comité économique des produits de santé (CEPS).L’industriel doit obtenir une réponse concernant le remboursement et le prix dans un délai de 180 jours.

L’admission d’un médicament

au remboursement

Une liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux existe ; elle est prévue à l’article L. 162-17 du Code de la Sécurité sociale. La Commission de la transparence est

en charge de l’évaluation des médica-

ments, dont l’inscription sur la liste des spécialités remboursables est demandée par le laboratoire. Son avis doit éclairer les ministres quant à l’intérêt de la prise en charge d’un médicament par l’Assurance maladie.Cette commission rend « seulement » un avis, la décision finale d’inscrire ou pas le médicament sur la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux reve-

nant, par arrêté, au ministre chargé de la Santé et de la Sécurité sociale. Le critère d’inscription sur cette

liste est le service médical rendu par

le médicament (SMR). La Commis-sion de la transparence examine donc si le SMR du médicament est suffisant ou insuffisant. Les médicaments dont le service médical rendu est jugé insuf-fisant au regard des autres médicaments ou thérapies disponibles ne pourront pas être inscrits sur la liste des médicaments remboursables.Le SMR prend en compte plusieurs facteurs :– l’efficacité et les effets indésirables du médicament ;– sa place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles ;– la gravité de l’affection à laquelle il est destiné ;– le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médica-menteux ;– l’intérêt, pour la santé publique, du médicament, évalué en tenant compte de l’impact sur la santé de la population en termes de mortalité, de morbidité et de qualité de vie ; de sa capacité à répondre à un besoin thérapeutique non couvert, eu égard à la gravité de la pathologie ; de son impact sur le système de soins ;

Degrés d’innovation du médicament

ASMR I : progrès thérapeutique majeur.

ASMR II : amélioration importante en termes

d’efficacité thérapeutique et/ou de réduction des effets

indésirables.

ASMR III : amélioration modérée en termes d’efficacité

thérapeutique et/ou de réduction des effets indésirables.

ASMR IV : amélioration mineure en termes d’efficacité

thérapeutique et/ou de réduction des effets indésirables.

ASMR V : absence d’amélioration. Un médicament

avec ASMR V ne pourra être remboursable

que s’il génère une économie au niveau du coût

du traitement médicamenteux.

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de son impact sur une politique de santé publique.Le SMR est qualifié de majeur ou impor-tant, modéré, faible pour justifier le remboursement. Si le SMR a été considéré comme

suffisant, l’amélioration du service

médical rendu (ASMR) du médicament candidat par rapport aux autres médica-ments qui sont remboursés est évaluée par la Commission de la transparence. Elle s’interroge sur ce qu’apporte de plus le médicament candidat au regard de ce qui est déjà disponible sur le marché.L’ASMR constitue donc la mesure du degré d’innovation du médicament. L’inscription d’une spécialité sur la

liste des spécialités remboursables

aux assurés sociaux est prononcée pour une durée maximale de 5 ans. Cependant, en cas de modifications importantes dans les données relatives au produit, la Commission de la trans-parence pourra s’auto saisir, ou le faire sur demande du ministre, et réaliser un ré-examen du produit.Lors de la demande de renouvellement d’inscription sur la liste, le SMR et l’ASMR devront être de nouveau appréciés par la Commission compte tenu des nouvelles données disponibles, des autres médica-ments inscrits depuis lors et des thérapies disponibles.Au vu de l’avis de la Commission de la transparence, les ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale prennent la décision finale d’inscrire ou non la spécia-li té sur la liste des spécialités remboursa-bles aux assurés sociaux. L’arrêté d’inscription sur la liste des

spécialités remboursables précise :– les indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge ;– le prix de vente au public.

La fixation du taux de participation

de l’assuré

Suite à l’avis de la Commission de la transparence, c’est l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) qui fixe le taux de participation de l’assuré au remboursement.Jusqu’en janvier dernier, deux “tranches” de taux étaient possibles :

– de 60 à 70 % (à la charge des caisses d’Assurance maladie) pour les produits à SMR majeur ou important ;– de 30 à 40 % pour les produits à SMR modéré et faible.Depuis le 5 janvier 2010, un taux à 15 % a été fixé pour certains produits à SMR faible.

La fixation du prix par le CEPS

Le prix des médicaments remboursables en ville est réglementé. Le principe est celui d’un accord de

type contractuel, c’est-à-dire la voie de la négociation et de la convention entre le laboratoire pharmaceutique et le CEPS. La fixation du prix sera « autoritaire »

à titre exceptionnel, en cas d’échec des négociations.La loi n° 2004-810 du 13 août 2004 rela-tive à l’Assurance maladie a renforcé les pouvoirs du CEPS en la matière : autrefois chargé de donner un avis préalable à la fixation du prix par arrêté interministériel, il est désormais com-pétent pour arrêter le prix par voie de décision, les ministres concernés dis-posant d’un droit d’opposition conjoint leur permettant, dans cette hypothèse, d’arrêter le prix.Le prix de vente ainsi fixé est le prix de vente au public : il comprend donc les marges et taxes en vigueur. Le CEPS peut conclure avec les

entreprises ou des groupes d’entrepri-

ses des conventions d’une durée maxi-male de quatre années relatives à un ou plusieurs médicament(s) remboursable(s). Chaque année, le Journal Officiel publie la liste des laboratoires ayant passé une convention avec le CEPS.Dans ces conventions, sont déterminés notamment :– le prix et, le cas échéant, l’évolution de ces prix notamment en fonction du volume des ventes sur lequel le laboratoire s’engage ;– les remises éventuelles de l’entreprise sur le chiffre d’affaires du médicament ;– les engagements de l’entreprise visant à la maîtrise de sa politique de promo-tion permettant d’assurer le bon usage du médicament ainsi que le respect des volumes de ventes ;

– les modalités de participation de l’entre-prise à la mise en œuvre des orientations ministérielles en matière de maîtrise des dépenses ;– les dispositions conventionnelles appli-cables en cas de non-respect des enga-gements réciproques.Lors de la fixation du prix, le CEPS doit tenir compte principalement des critères suivants :– l’amélioration du SMR apporté par le médicament, qui est une mesure de son degré d’innovation, telle que résul-tant de l’avis de la Commission de la transparence ;– le prix des médicaments à même visée thérapeutique ;– les volumes des ventes prévus ou constatés ;– les conditions prévisibles et réelles d’uti-lisation du médicament.Si la spécialité pharmaceutique concernée constitue une innovation thérapeutique ayant obtenu une ASMR de niveau I (inno-vation thérapeutique majeure), II (impor-tante) ou III (modérée) à certaines condi-tions, le laboratoire a accès à la procédure dite « de dépôt de prix » permettant une fixation rapide de celui-ci. L’entreprise propo se un prix au CEPS qui dispose de deux semaines pour faire valoir une opposi-tion. À défaut, le prix est réputé accepté. Si le laboratoire refuse de conclure

une convention avec le CEPS, le prix doit être fixé par ce dernier. Le labora-toire est alors redevable annuellement de la « clause de sauvegarde », une taxe prélevée sur son chiffre d’affaires, dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS). En 2004, seuls quatre laboratoires n’étaient pas conventionnés. �

Caroline Mascret

Maître de conférences en droit pharmaceutique

auprès de l’université d’Angers (49)

[email protected]

Notes1. Code de déontologie des pharmaciens : www.ordre.pharmacien.fr/fr/pdf/deontologie.pdf

2. Article L. 442-2 modifié par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 - art. 1.

3. Article 1er de l’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’information du consommateur sur les prix.