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58 Lettres à la rédaction possible du chélate choisi est probablement la plus sûre. Il n’y a pas de preuve que l’un des quelconques chélates soit totalement sûr dans ce groupe de patients ». La position européenne est différente, puisqu’à ce jour, seuls deux chélates sont contre-indiqués pour ces patients, la prudence étant recommandée pour les autres chélates. La différentiation de niveau de risque de FNS entre ché- lates tient en grande partie au nombre de cas rapportés, plus élevé pour Omniscan ® et Magnevist ® . Or ces deux produits sont les plus largement utilisés dans le monde, et particu- lièrement aux États-Unis, pays qui a rapporté le plus grand nombre de cas de FNS [8,13]. Il n’est donc pas certain que le nombre de cas rapportés soit le reflet d’un risque plus élevé pour ces deux chélates ; cela pourrait être la conséquence d’une utilisation plus importante. La FNS est une pathologie iatrogène sérieuse qui a été reliée à l’injection de chélates de gadolinium en IRM chez l’insuffisant rénal sévère. Les incertitudes concernant sa physiopathologie et l’évolution des connaissances sur les risques et les cas attribués aux différents chélates soulèvent une question : la sécurité des patients est-elle mieux ser- vie en discriminant les chélates ou en considérant que la FNS est un problème lié à la classe entière des chélates de gadolinium ? Références [1] Senet P, Francès C, Lipsker D. Fibrose systémique néphrogé- nique. Ann Dermatol Venereol 2009;136:380—5. [2] Ersoy H, Rybicki FJ. Biochemical safety profiles of gadolinium- based extracellular contrast agents and nephrogenic systemic fibrosis. J Magn Reson Imaging 2007;26:1190—7. [3] Joffe P, Thomsen HS, Meusel M. Pharmacokinetics of gadodiamide injection in patients with severe renal insuf- ficiency and patients undergoing hemodialysis or conti- nuous ambulatory peritoneal dialysis. Acad Radiol 1998;5: 491—502. [4] Normann PT, Joffe P, Martinsen I, Thomsen HS. Quantification of gadodiamide as Gd in serum, peritoneal dialysate and faeces by inductively coupled plasma atomic emission spectroscopy and comparative analysis by high performance liquid chroma- tography. J Pharm Biomed Anal 2000;22:939—47. [5] Wermuth PJ, Del Galdo F, Jiménez SA. Induction of expression of profibrotic/proinflammatory proteins in normal human per- ipheral blood mononuclear cells (PBMC). Role in pathogenesis of gadolinium-associated nephrogenic systemic fibrosis. [Abs- tract FRI0259. EULAR 2008]. Ann Rheum Dis 2008;67(Suppl. II), p. 366. [6] Edward M, Quinn JA, Jensen M-BV, Jardine AG, Mark PB, Bur- den AD. Gadodiamide contrast agent ‘‘activates’’ fibroblasts: a possible cause of nephrogenic systemic fibrosis. J Pathol 2008;214:584—93. [7] Varani J, DaSilva M, Warner RL, O’Briern Deming M, Barron AG, Johnson KJ, Swartz RD. Effects of gadolinium-based MRI contrast agents on human skin in organ culture and human skin fibroblasts. Invest Radiol 2009;44:74—81. [8] Laboratoire Bayer Healthcare. URL: http://www.diagnostic- imaging.bayerscheringpharma.de/scripts/pages/en/auth/. healthcare professionals area/services/nsf safety update/ index.php. [9] Reilly RF. Risk for nephrogenic systemic fibrosis with gadoteri- dol (ProHance ® ) in patients who are on long-term hemodialysis. Clin J Am Soc Nephrol 2008;3:747—51. [10] Laboratoire Guerbet. Information for healthcare professionals and other stakeholders. URL: http://www.guerbet.com/ fileadmin/user upload/news/25 mars 2009-Information sur la FSN.pdf. [11] Danish Medicines Agency, 2009. URL www.dkma.dk/1024/visUKLSArtikel.asp?artikelID=14619. [12] American College Radiology. Manual on contrast media 2008 (version 6). URL:www.acr.org/SecondaryMainMenuCategories/ quality safety/contrast manual.aspx. [13] GE Healthcare SA. Incidence of NSF. Data on file. H. Lemaignen 1 11, avenue Morane-Saulnier, 78457 Vélizy cedex, France Adresse e-mail : [email protected] 1 Directeur Médical France, GE Healthcare. Rec ¸u le 23 d´ ecembre 2008 ; accepté le 18 septembre 2009 Disponible sur Internet le 20 novembre 2009 doi:10.1016/j.annder.2009.10.190 Réponse à la lettre du Dr H. Lemaignen Response to the letter to the editor of the Dr H. Lemaignen La physiopathologie de la fibrose systémique néphrogé- nique est effectivement complexe et probablement liée à une cascade d’éléments. L’imputabilité du gadolinium est cependant clairement établie chez l’insuffisant rénal, mais le risque de développer une FSN est incontestable- ment différent selon les chélates de gadolinium utilisés, comme l’atteste la littérature depuis 2006, ainsi que la mise en garde des autorités européennes, la FDA’s Med- Watch [1] et une récente méta-analyse [2]. En effet, ce risque semble plus élevé avec les chélates de gadolinium les moins stables ; c’est-à-dire ceux présentant une disso- ciation plus rapide à pH bas et un risque plus élevé de libération de gadolinium libre dans ces conditions [3]. Par ailleurs, leur stabilité dépend de leurs propriétés physico- chimiques (structure linéaire ou macrocyclique, ionique ou non). Le gadolinium libre est hautement toxique et peut se fixer à des protéines ou se complexer avec d’autres ions ou métaux. Des dépôts insolubles de gadolinium dans la peau atteinte de patients porteurs de FSN, associés à d’autres éléments (calcium, phosphore, fer ou zinc) ont été mis en évidence, confirmant clairement le phénomène de dissocia- tion des complexes solubles chélates-gadolinium in vivo et la transmétallation [4]. La majorité des cas ont ainsi été rap- portés avec le gadodiamide (Omniscan ® ), mais aussi avec le gadopentétate (Magnevist ® , Multihance ® ) et le gadoverséta- mide (Optimark ® ). Le risque avec le gadotérate méglumine (Dotarem ® ) ou le gadotéridol (ProHance ® ), produits avec une demi-vie de dissociation plus élevée, semble extrême- ment faible : aucun cas rapporté avec le gadotéridol dans une cohorte de 141 patients insuffisants rénaux ayant eu un total de 198 expositions comme cela a été rapporté récem- ment dans la référence citée par le Dr Lemaignen [1] ; et uniquement un cas suspect avec le gadotérate. Certains

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possible du chélate choisi est probablement la plus sûre.Il n’y a pas de preuve que l’un des quelconques chélatessoit totalement sûr dans ce groupe de patients ».

La position européenne est différente, puisqu’à ce jour,euls deux chélates sont contre-indiqués pour ces patients,a prudence étant recommandée pour les autres chélates.a différentiation de niveau de risque de FNS entre ché-ates tient en grande partie au nombre de cas rapportés, pluslevé pour Omniscan® et Magnevist®. Or ces deux produitsont les plus largement utilisés dans le monde, et particu-ièrement aux États-Unis, pays qui a rapporté le plus grandombre de cas de FNS [8,13]. Il n’est donc pas certain que leombre de cas rapportés soit le reflet d’un risque plus élevéour ces deux chélates ; cela pourrait être la conséquence’une utilisation plus importante.

La FNS est une pathologie iatrogène sérieuse qui a étéeliée à l’injection de chélates de gadolinium en IRM chez’insuffisant rénal sévère. Les incertitudes concernant sahysiopathologie et l’évolution des connaissances sur lesisques et les cas attribués aux différents chélates soulèventne question : la sécurité des patients est-elle mieux ser-ie en discriminant les chélates ou en considérant que laNS est un problème lié à la classe entière des chélates deadolinium ?

éférences

[1] Senet P, Francès C, Lipsker D. Fibrose systémique néphrogé-nique. Ann Dermatol Venereol 2009;136:380—5.

[2] Ersoy H, Rybicki FJ. Biochemical safety profiles of gadolinium-based extracellular contrast agents and nephrogenic systemicfibrosis. J Magn Reson Imaging 2007;26:1190—7.

[3] Joffe P, Thomsen HS, Meusel M. Pharmacokinetics ofgadodiamide injection in patients with severe renal insuf-ficiency and patients undergoing hemodialysis or conti-nuous ambulatory peritoneal dialysis. Acad Radiol 1998;5:491—502.

[4] Normann PT, Joffe P, Martinsen I, Thomsen HS. Quantification ofgadodiamide as Gd in serum, peritoneal dialysate and faecesby inductively coupled plasma atomic emission spectroscopyand comparative analysis by high performance liquid chroma-tography. J Pharm Biomed Anal 2000;22:939—47.

[5] Wermuth PJ, Del Galdo F, Jiménez SA. Induction of expressionof profibrotic/proinflammatory proteins in normal human per-ipheral blood mononuclear cells (PBMC). Role in pathogenesisof gadolinium-associated nephrogenic systemic fibrosis. [Abs-tract FRI0259. EULAR 2008]. Ann Rheum Dis 2008;67(Suppl.II), p. 366.

[6] Edward M, Quinn JA, Jensen M-BV, Jardine AG, Mark PB, Bur-den AD. Gadodiamide contrast agent ‘‘activates’’ fibroblasts:a possible cause of nephrogenic systemic fibrosis. J Pathol2008;214:584—93.

[7] Varani J, DaSilva M, Warner RL, O’Briern Deming M, BarronAG, Johnson KJ, Swartz RD. Effects of gadolinium-based MRIcontrast agents on human skin in organ culture and human skinfibroblasts. Invest Radiol 2009;44:74—81.

[8] Laboratoire Bayer Healthcare. URL: http://www.diagnostic-imaging.bayerscheringpharma.de/scripts/pages/en/auth/.

healthcare professionals area/services/nsf safety update/index.php.

[9] Reilly RF. Risk for nephrogenic systemic fibrosis with gadoteri-dol (ProHance®) in patients who are on long-term hemodialysis.Clin J Am Soc Nephrol 2008;3:747—51.

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Lettres à la rédaction

10] Laboratoire Guerbet. Information for healthcare professionalsand other stakeholders. URL: http://www.guerbet.com/fileadmin/user upload/news/25 mars 2009-Information surla FSN.pdf.

11] Danish Medicines Agency, 2009. URLwww.dkma.dk/1024/visUKLSArtikel.asp?artikelID=14619.

12] American College Radiology. Manual on contrast media 2008(version 6). URL:www.acr.org/SecondaryMainMenuCategories/quality safety/contrast manual.aspx.

13] GE Healthcare SA. Incidence of NSF. Data on file.

H. Lemaignen1

11, avenue Morane-Saulnier, 78457 Vélizy cedex,France

Adresse e-mail : [email protected] Directeur Médical France, GE Healthcare.

Recu le 23 decembre 2008 ;accepté le 18 septembre 2009

Disponible sur Internet le 20 novembre 2009

oi:10.1016/j.annder.2009.10.190

éponse à la lettre du Dr H. Lemaignen

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a physiopathologie de la fibrose systémique néphrogé-ique est effectivement complexe et probablement liéeune cascade d’éléments. L’imputabilité du gadolinium

st cependant clairement établie chez l’insuffisant rénal,ais le risque de développer une FSN est incontestable-ent différent selon les chélates de gadolinium utilisés,

omme l’atteste la littérature depuis 2006, ainsi que laise en garde des autorités européennes, la FDA’s Med-atch [1] et une récente méta-analyse [2]. En effet, ce

isque semble plus élevé avec les chélates de gadoliniumes moins stables ; c’est-à-dire ceux présentant une disso-iation plus rapide à pH bas et un risque plus élevé deibération de gadolinium libre dans ces conditions [3]. Parilleurs, leur stabilité dépend de leurs propriétés physico-himiques (structure linéaire ou macrocyclique, ionique ouon). Le gadolinium libre est hautement toxique et peut sexer à des protéines ou se complexer avec d’autres ions ouétaux. Des dépôts insolubles de gadolinium dans la peau

tteinte de patients porteurs de FSN, associés à d’autresléments (calcium, phosphore, fer ou zinc) ont été mis envidence, confirmant clairement le phénomène de dissocia-ion des complexes solubles chélates-gadolinium in vivo et laransmétallation [4]. La majorité des cas ont ainsi été rap-ortés avec le gadodiamide (Omniscan®), mais aussi avec leadopentétate (Magnevist®, Multihance®) et le gadoverséta-ide (Optimark®). Le risque avec le gadotérate méglumine

Dotarem®) ou le gadotéridol (ProHance®), produits avecne demi-vie de dissociation plus élevée, semble extrême-

ent faible : aucun cas rapporté avec le gadotéridol dans

ne cohorte de 141 patients insuffisants rénaux ayant eu unotal de 198 expositions comme cela a été rapporté récem-ent dans la référence citée par le Dr Lemaignen [1] ; et

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Lettres à la rédaction

cas déclarés sont dits mixtes car concernant des patientsayant recu plusieurs chélates de gadolinium différents. Trèsrécemment, Agarwal et al. [2] ont démontré une associationhautement significative entre l’exposition au gadodiamideet la FSN avec un odd ratio à 20. Cela explique que les cas deFSN ont été rapportés essentiellement dans les pays (États-Unis, Danemark) utilisant majoritairement les chélates degadolinium incriminés et très peu dans les pays ou les centresutilisant d’autres chélates, comme, par exemple, à l’AP—HPen Île de France. L’augmentation d’incidence de la FSNsemblait donc bien inégalement répartie, non pas selonle nombre d’IRM réalisées mais selon les produits utilisés,ayant conduit les autorités européennes à contre-indiquerle gadodiamide et le gadopentétate diméglumine chez lespatients ayant une clairance de la créatinine inférieure à30 ml/mn.

Les incertitudes sur la physiopathologie poussent à ana-lyser de facon précise tous les cas déclarés, aussi bien lanature des chélates de gadolinium utilisés mais égalementles cofacteurs éventuels comme les traitements associés.Cependant, la sécurité des patients est probablement mieuxservie quand on dispose de données épidémiologiques et cli-niques fiables dont il faut tenir compte. C’est ce qui a permisde suspecter la responsabilité des chélates de gadoliniumdans la FSN à partir de 2006. C’est aussi ce qui a per-mis de ne pas contre-indiquer formellement toute IRM chezl’insuffisant rénal, au nom d’un principe de précaution non

soutenu par les données épidémiologiques. En radiologie,comme dans d’autres spécialités médicales, l’analyse sys-tématique du bénéfice risque, pour chaque geste envisagéet chaque produit utilisé, en tenant compte des connaissan-ces recensées par la littérature et les sites officiels, est un d

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xercice difficile mais indispensable, dans chaque situationlinique.

éférences

1] Reilly RF. Risk for nephrogenic systemic fibrosis with gadoteridol(ProHance) in patients who are on long-term hemodialysis. ClinJ Am Soc Nephrol 2008;3:747—51.

2] Agarwal R, Brunelli SM, Williams K, Mitchell MD, Feld-man HI, Umscheid CA. Gadolinium-based contrast agentsand nephrogenic systemic fibrosis: a systematic reviewand meta-analysis. Nephrol Dial Transplant 2009;24:856—63.

3] Goullé JP, Cattanéo A, Saussereau E, Mahieu L, Guerbet M,Lacroix C. MRI gadolinium based contrast agents. Radiologistsbeware ! Ann Pharm Fr 2009;67:335—9.

4] Thakral C, Abraham JL. Gadolinium-induced nephrogenic syste-mic fibrosis is associated with insoluble Gd deposits in tissues:in vivo transmetallation confirmed by microanalysis. J CutanPathol 2009. Epub ahead of print.

P. Senet ∗, C. FrancesService de dermatologie, hôpital Tenon, 4, rue de

la Chine, 75020 Paris, France

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected]

(P. Senet).

Recu le 23 decembre 2008 ;accepté le 18 septembre 2009

Disponible sur Internet le 20 novembre 2009

oi:10.1016/j.annder.2009.10.191