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TOUTE L’ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE, SOCIALE ET JURIDIQUE POUR LES CE ET LES CHSCT Le décret relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel pris en application de la loi Rebsamen du 17 août 2015 est enn paru le 30 juin 2016. Il xe les délais dans lesquels les différentes instances doivent rendre leurs avis en cas de consultation conjointe ainsi que certaines modalités de fonctionnement du CHSCT et son délai de consultation, à défaut d’accord. Le décret précise, par ailleurs, les informations que l’employeur doit transmettre au CE pour les consultations annuelles portant sur la situation économique et nancière et la politique JURIDIQUE Publication du décret relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel P3 Requalification des contrats précaires : QUELS SONT LES DROITS DES SALARIÉS (I) ? DOSSIER JURIDIQUE N°60 JUILLET-AOÛT 2016 www.jdsavocats.com Toute l’actualité du droit social pour les CE

Requalifi cation des contrats précaires : QUELS SONT LES DROITS DES … · 2016-07-12 · QUELS SONT LES DROITS DES SALARIÉS (I) ? DOSSIER JURIDIQUE N°60 JUILLET-AOÛT 2016 Toute

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TOUTE L’ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE, SOCIALE ET JURIDIQUE POUR LES CE ET LES CHSCT

Le décret relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel pris en application de la loi Rebsamen du 17 août 2015 est enfi n paru le 30 juin 2016.

Il fi xe les délais dans lesquels les différentes instances doivent rendre leurs avis en cas de consultation conjointe ainsi

que certaines modalités de fonctionnement du CHSCT et son délai de consultation, à défaut d’accord.

Le décret précise, par ailleurs, les informations que l’employeur doit transmettre au CE pour les consultations annuelles portant sur la situation économique et fi nancière et la politique

JURIDIQUE–

Publication du décret relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel

P3 Requalifi cation des contrats précaires :QUELS SONT LES DROITS DES SALARIÉS (I) ?

DOSSIER

JURIDIQUE

N°60

JUILLET-AOÛT 2016

www.jdsavocats.comToute l’actualité du

droit social pour les CE

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des représentants du personnel, de façon bénévole et ne bénéfi cient que d’un crédit d’heures limité pour gérer ceux-ci. Les membres du CE n’exercent donc à ce titre aucune activité professionnelle lorsqu’ils gèrent les activités sociales et culturelles et agissent dans le seul intérêt des salariés de l’entreprise.

Les comités d’entreprise doivent donc être considérés comme des non-professionnels au sens du Code de la consommation et bénéfi cier d’une protection renforcée lorsqu’ils contractent avec des commerçants.

C’est là aujourd’hui la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 15 juin 2016, affirme que « lorsqu’il exerce sa mission légale de contrôle ou de participation à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles, le comité d'entreprise agit à des fi ns qui n'entrent pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, en sorte qu’il s’agit d’un non-professionnel  ». La Cour applique ici, par anticipation, la défi nition du non-professionnel qui a intégré le Code de la consommation, le 1er juillet dernier. Le comité d’entreprise bénéfi cie donc aujourd’hui de toutes les protections attachées au non-professionnel.

Cass. 1er civ., 15 juin 2016, n° 15-17369

sociale de l’entreprise ainsi que le contenu de l’information trimestrielle qui subsiste dans les entreprises d’au moins 300 salariés.

Enfi n, en matière égalité professionnelle, le décret complète le contenu de la BDES et détaille la procédure de validation, par l’administration, des accords ou des plans d’action relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes mis en place par l’ordonnance du 10 décembre 2015.

Les dispositions sont entrées en vigueur le 1er juillet 2016. Nous ne manquerons pas de revenir sur ces différents dispositifs sur notre site internet www.jdsavocats.com.

Décret n° 2016-868 du 29 juin 2016 relatif aux modalités de consultation des institutions représentatives du personnel

JURIDIQUE

Le CE est un non-professionnel

Les comités d’entreprise et, par extension, les comités d’établissement et les comités centraux d’entreprise, sont administrés par

JURIDIQUE

Périmètre de désignationdes délégués syndicaux

Depuis la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, la désignation d'un délégué syndical « peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles degénérer des revendications communes et spécifi ques » (art. L. 2143-3 CT).

Ce faisant, la loi reprenant une défi nition dite fonctionnelle de l’établissement, autorise la désignation d’un délégué syndical dans un périmètre qui peut être différent de celui de la mise en place du comité d’établissement.

La Cour de cassation précise aujourd’hui que ces dispositions sont d'ordre public. Il s'ensuit qu'un accord d'entreprise, conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de ce texte, se référant à un périmètre de désignation des délégués syndicaux identique à celui des élections au comité d'entreprise, ne peut priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d'un établissement, au sens de l'article L. 2143-3 du Code du travail, peu important que cet accord n'ait pas été dénoncé.

Cass. soc., 31 mai 2016, n° 15-21175

CE

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DOSSIER

Aujourd’hui, plus de 8 embauches sur 10 prennent la forme d’un contrat précaire(1), à savoir un contrat à durée déterminée (CDD) ou un contrat de travail temporaire(2) (CTT). Un record inégalé depuis près de 15 ans alors que le contrat à durée indéterminée est « la forme normale et générale de la relation de travail » (art. L. 1221-2 CT). À l’origine créés pour faire face à des situations particulières et temporaires (accroissement temporaire d’activité de l’entreprise, remplacements de salariés absents, etc..), les contrats précaires sont aujourd’hui utilisés massivement afin de faire face à un besoin structurel de main-d’œuvre.

DOSSIER PRÉPARÉ PAR

REQUALIFICATION DES CONTRATS PRÉCAIRES : QUELS SONT LES DROITS DES SALARIÉS (I) ?

JURIDIQUE

N°60 JUILLET-AOÛT 2016 / P3

1/ Source : DARES, janvier 2014, voir http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2014-003.pdf 2/Également dénommé contrat intérimaire ou contrat d'intérim

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A - MOTIFS DE FOND 1 - recours abusif aux contrats précaires

À titre liminaire, il faut rappeler que la conclusion d’un CDD ou d’un CTT n’est autorisée que pour des motifs limitativement énumérés par les articles L.1242-2 et L.1251-5 du Code du travail, dont les plus courants sont le remplacement d’un salarié absent, le surcroît temporaire d’activité (ex. une commande inhabituellement importante)et les emplois saisonniers ou pour lesquels il est d’usage de ne pas recourir au CDI (enseignement, hôtellerie-restauration, etc.). Par ailleurs, le CDD comme le CTT ne peuvent comporter qu’un seul motif (Cass. soc. 17 déc. 2014, n° 12-21147).

Mais quel que soit le motif pour lequel ils sont conclus, ces contrats ne doivent pas avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (art. L1242-1 CT). Ils ne peuvent être conclus que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire (art.L. 1242-2 et L.1251-6 CT). À défaut, le recours abusif aux contrats précaires est sanctionné

par la requalifi cation de la relation de travail en CDI.

Ainsi, lorsqu’une entreprise a une proportion constante de salariés absents tout au long de l’année, le CDD « utilisé » pour remplacer successivement ces absents pourrait être requalifi é en CDI. Autrement dit, l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux CDD de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d'œuvre lié à l'absentéisme (Cass. soc., 11 oct. 2006, n° 05-42632). De même, aux termes d’une jurisprudence constante, la multiplicité du recours aux CDD sur une longue période pour exercer la même fonction revient à pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (Cass. soc., 24 juin 2015, n° 13-26631). Dans le cas d'espèce, la salariée avait été recrutée pendant neuf ans, suivant 589 contrats à durée déterminée successifs pour remplir la même fonction.

Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve du bien-fondé du motif de recours (Cass.soc., 15 septembre 2010, n° 09-40473). Ainsi, en cas de contestation, il appartient toujours à l'employeur de prouver, par exemple, la réalité de l'accroissement temporaire

Pourtant, ces contrats ne peuvent avoir « ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise » (art. L. 1242-1 et L. 1251-5 CT) et la loi sanctionne les employeurs qui ont eu recours à ces contrats alors qu’une embauche en CDI s’imposait, par la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée. Au-delà, un certain nombre d’irrégularités peuvent également être sanctionnées sur le terrain de la requalification. Dès lors, les salariés qui subissent cette précarité injustifiée ne doivent pas hésiter à faire respecter leurs droits. Dans quel cas faut-il agir en justice ? Comment se déroule une action en requalification ? Quelle réparation peut espérer le salarié ?

LES MOTIFS DE REQUALIFICATION DES CONTRATS PRÉCAIRES

I.

DOSSIER / REQUALIFICATION DES CONTRATS PRÉCAIRES : QUELS SONT LES DROITS DES SALARIÉS (I) ?

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d'activité (Cass. soc. 5 mai 2009, n° 07-43482). Si l'employeur n’est pas en mesure de rapporter la preuve du bien-fondé de l'embauche, le juge ne pourra que constater qu’il s'agit d'un emploi lié à l’activité normale et permanente de l'entreprise qui interdit le recours à un contrat précaire (Cass. soc., 9 avril 2015, n° 14-10168).

2 - Non-respect des dispositions relatives au termeet la durée des contrats

En principe, les CDD et les CTT doivent comporter un terme précis (art. L1242-7 et L1251-11 CT). Dans ce cas, le contrat doit, sous peine de requalifi cation :

fi n. En l’absence de terme ou si le terme est imprécis (par exemple un terme fi xé « à la fi n » de certains travaux ou « au plus tard » à une certaine date), le contrat est requalifi é en CDI (Cass. soc., 30 septembre 2014, n° 13-13522)

inclus. Il ne peut être renouvelé que 2 fois (art. L.1251-8 et L.1251-12 CT)

pas de clause de renouvellement, un avenant doit être soumis au salarié avant l’échéance du terme. À défaut, le contrat est requalifi é (Cass. soc., 28 novembre 2012, n° 11-18526).

(art. L1243-11 et L1251-39 CT). Si à l'expiration du terme du CDD ou du CTT, le salarié continue à travailler sans renouvellement du contrat initial ou

DOSSIER / REQUALIFICATION DES CONTRATS PRÉCAIRES : QUELS SONT LES DROITS DES SALARIÉS (I) ?

sans conclusion d'un nouveau contrat, le contrat devient à durée indéterminée (Cass. soc., 22 mars 2006, n°04-45411)

les cas requis (art. L1244-3 et L1251-36 CT)

Par exception, la loi offre la possibilité de ne pas défi nir de terme précis (art. L.1242-7 et L.1251-11 CT). Il s’agit notamment du remplacement d’un salarié absent ou dont le contrat a été suspendu (congé maladie, congé maternité...). Le contrat aura alors pour terme la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu (par exemple, le retour du salarié remplacé). Les contrats sans terme précis ne sont soumis à aucune durée maximale mais doivent cependant mentionner une durée minimale sous peine de requalifi cation (Cass. soc., 2 avril 2014, n° 13-11431).

Le Code du travail interdit expressément la conclusion d’un CDD ou d’un CTT pour (art. L. 1242-5 et L.1242-6 CT) : - remplacer directement ou indirectement un salarié gréviste - effectuer des travaux particulièrement dangereux définis par arrêtés du ministère du Travail et ceux qui font l’objet d’une surveillance médicale spéciale au sens de la réglementation de la médecine du travail - accroissement temporaire d’activité lorsque l’entreprise a procédé à un licenciement économique dans les six mois précédents. L’interdiction ne concerne que les postes des salariés licenciés(3).

À NOTER

3/ Cette interdiction ne s’applique pas pour les contrats de moins de trois mois, sans renouvellement possible et en cas de commande exceptionnelle à l'exportation.Cette dernière hypothèse oblige l’employeur a consulter préalablement le comité d’entreprise.

N°60 JUILLET-AOÛT 2016 / P6

DOSSIER / REQUALIFICATION DES CONTRATS PRÉCAIRES : QUELS SONT LES DROITS DES SALARIÉS (I) ?

En cas de manquements liés aux conditions de forme du CTT, l’action en requalification ne peut être dirigée qu’ à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire (et non de l’entreprise utilisatrice). En revanche, par application de l’article L. 1251-40 du Code du travail, la violation de certaines règles de fond autorise le salarié à solliciter la requalification de ses contrats de travail en CDI auprès de l’entreprise utilisatrice, c’est-à-dire l’entreprise dans laquelle le salarié exécutait effectivement sa prestation de travail. L’entreprise utilisatrice sera par exemple considérée comme employeur lorsqu’elle aura recruté un salarié intérimaire pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l’entreprise, ou lorsque l’accroissement temporaire d’activité était durable. En cas de combinaison de manquements liés aux conditions de forme et de fond du CTT, le salarié peut exercer concurremment deux actions, l’une dirigée contre l’entreprise de travail temporaire, sur le fondement des irrégularités de forme, l’autre contre l’entreprise utilisatrice sur le fondement des irrégularités de fond (Cass. soc., 13 juin 2012, n° 10-26387).

ATTENTIONB - MOTIFS DE FORME La rédaction des contrats précaires répond à des exigences strictes. À défaut, la requalifi cation en CDI est automatique si elle est demandée par le salarié et l’employeur ne pourra rapporter la preuve contraire. Les contrats encourent la requalifi cation :

d’écrit par la jurisprudence : le défaut de signature du contrat par le salarié (Cass. soc., 30 oct. 2002, n° 00-45677) et le défaut de transmission du contrat au salarié par l’employeur dans les deux jours suivant son embauche (Cass. soc., 17 juin 2005, n° 03-42596)

prévues à l’article L1251-16 du Code du travail : l’indemnité de fi n de mission (Cass. soc., 11 mars 2015, n° 12-27855), la durée de la période d’essai éventuellement prévue, etc.

nom et qualifi cation du salarié remplacé lorsque le contrat est conclu pour remplacer un salarié temporairement absent (Cass. soc. 16 sept. 2009, n° 08-42102), le motif précis du recours au CDD (Cass. soc., 27 février 2002, n°00 40735), la date d’échéance du terme et, le cas échéant, les conditions du renouvellement ou la durée minimale pour laquelle ils ont été conclus, etc.

A contrario, certaines mentions n’ont qu’une « valeur informative » et leur omission n’entraîne pas la requalifi cation : l’intitulé de la convention collective applicable, le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire, etc.

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Le juge ne peut pas requalifi er d’office le contrat ou les contrats précaires illicites, le salarié doit donc systématiquement engager une action en requalifi cation devant le tribunal compétent.

A - L’ACTION JUDICIAIREEN REQUALIFICATION

Le salarié doit saisir le Conseil de prud’hommes territorialement compétent(4) dans le cadre d’une procédure dérogatoire. En effet, en application des dispositions des articles L.1245-2 et L.1251-41 du Code du travail, lorsque le Conseil de Prud’hommes est saisi d’une demande de requalifi cation d’un contrat précaire en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui doit statuer au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. Le bénéfi ce de cette saisine directe s’étend également au paiement de l’indemnité spécifi que de requalifi cation voire au paiement des indemnités résultant de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée (Cass. soc., 2 mai 2000, n° 98-41557). Enfi n, depuis l’intervention très critiquable de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, la demande en requalifi cation des contrats précaire en CDI est soumise à un délai de prescription réduit à 2 ans (art. L. 1471-1 CT). Ainsi, le salarié ne pourra plus demander la requalifi cation de son contrat précaire à l’expiration d’un délai de 2 ans, ce qui permet aux employeurs de s’assurer plus rapidement de l’absence de contentieux. Dès lors, il est conseillé au salarié d’agir au plus tôt.

DOSSIER / REQUALIFICATION DES CONTRATS PRÉCAIRES : QUELS SONT LES DROITS DES SALARIÉS (I) ?

4/ Le Conseil de,prud'hommes compétent est celui dans le ressort duquel se trouve l'établissement où est effectué le travail. Mais quel que soit le lieu de travail, le salarié peut toujours saisir le conseil de prud’hommes du lieu d’embauche ou celui du siège social de l’entreprise qui l’emploie.

L'ACTION EN REQUALIFICATION II.

Cette exception procédurale se justifie par la volonté de maintenir dans l’emploi, avant la rupture du contrat de travail précaire, le salarié qui a, en réalité, le droit au bénéfice

À NOTER

d’un contrat à durée indéterminée. Toutefois, la réalité des délais de procédure ne permet pas le maintien dans l’emploi du salarié obtenant la requalification. L’encombrement des juridictions prud’homales rend en pratique impossible pour ces dernières de respecter les délais prévus par les articles L.1245-2 et L.1251-41 du Code du travail, faute de mise à disposition des moyens humains et matériels nécessaires. Il en résulte que les salariés demandant la requalification obtiennent très majoritairement une décision de justice après le terme de leur contrat précaire, de sorte que l’objectif de maintien dans l’emploi des salariés abusivement embauchés sous contrat précaire demeure une exception. À titre d’exemple, les juridictions prud’homales de la région parisienne convoquent les dossiers de requalification de contrats précaires dans un délai de 3 à 6 mois suivant la saisine, le jugement intervenant quant à lui 1 à 2 mois après l’audience de jugement. Confronté à cette réalité, d’intéressantes tentatives de recours à la formation des référés du Conseil de Prud’hommes ont vu le jour. Ainsi, la formation de référés du Conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire a, par une ordonnance en date du 27 décembre 2013, reconnu qu’elle avait le pouvoir de maintenir le salarié en contrat précaire dans son emploi, dans l’attente de la décision au fond à intervenir, s’appuyant sur l’article R. 1455-6 du Code du

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DOSSIER / REQUALIFICATION DES CONTRATS PRÉCAIRES : QUELS SONT LES DROITS DES SALARIÉS (I) ?

Outre l’action personnelle du salarié, le législateur autorise une action en substitution pour les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. Nous reviendrons dans une prochaine Lettre au CE sur le rôle et les moyens des représentants du personnel pour lutter contre les contrats précaires.

C - L’EXÉCUTION PROVISOIRE La décision du Conseil de prud’hommes donnant droit à la demande de requalifi cation est susceptible d’appel par l’employeur. En droit commun, l’appel interjeté sur un jugement prud’homal suspend les effets de ce dernier dans l’attente de la décision de la Cour d’ Appel(5). Toutefois, la procédure judiciaire de requalifi cation des contrats précaires prévoit une exception à ce principe, puisqu’en vertu des articles R.1245-1 et D.1251-3 du Code du travail, les jugements du Conseil de Prud’hommes ordonnant la requalifi cation d’un contrat précaire en contrat à durée indéterminée, sont exécutoires de plein droit à titre provisoire en cas d’appel. Ainsi, lorsque l’employeur conteste sa condamnation par le Conseil de prud’hommes, le salarié est en droit d’exiger dans l’attente de la décision de la Cour d'Appel :

requalifi cation,

intervenant avant le terme du contrat précaire. Dans cette hypothèse, la rupture du contrat intervenue après la notifi cation de la décision de requalifi cation, au motif de l’arrivée du terme stipulé dans le contrat est nulle (Cass. soc., 18 décembre 2013, n° 12-27383).

B - LA REPRÉSENTATION ET L’ASSISTANCE DU SALARIÉ DEVANT LE CONSEIL DE PRUD’HOMMES Lorsque le salarié saisit le Conseil de prud’hommes d’une demande en requalifi cation, il dispose des possibilités d’assistance et de représentation de droit commun prévu par l’article R.1453-2 du Code du travail, à savoir : « Les personnes habilitées à assister ou à représenter les parties sont :

branche d'activité ;

ou le concubin ;

Bien qu’il soit possible pour le salarié de défendre en personne ses intérêts devant le Conseil de Prud’hommes, il est fortement conseillé de faire appel aux services d’un avocat. En effet, les employeurs à l’encontre desquels des demandes de requalifi cation sont formées recourent systématiquement à des avocats habitués des procédures prud’homales, ce qui implique pour le salarié de disposer lui-même d’une assistance de qualité égale à celle de l’employeur.

travail, selon lequel : « La formation de référé peut toujours, même en cas de contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. » ; le dommage imminent étant en l’espèce caractérisé par le fait que le contrat d’intérim arrivait à terme avant l’audience du Bureau de jugement devant trancher sur la question de la requalification.

Les personnes dont les ressources sont limitéespeuvent prétendre à l’aide juridictionnelle : il s’ agit d’une prise en charge par l’État de tout ou partie des honoraires de l’avocat. Renseignez-vous auprès du bureau d’aide juridictionnelle situé au sein de chaque Tribunal de Grande Instance ou sur www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F18074

À NOTER

5/ Sous réserve des dispositions de l’article R.1454-28 du Code du travail

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DOSSIER / REQUALIFICATION DES CONTRATS PRÉCAIRES : QUELS SONT LES DROITS DES SALARIÉS (I) ?

6/ Le salarié ne peut exiger, en l'absence de disposition prévoyant la nullité du licenciement et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, sa réintégration dans l'entreprise.7/ En prenant comme point de départ la date du premier contrat de travail irrégulier et donc requalifi é.

A - L’INDEMNITÉ DE REQUALIFICATION

Les articles L.1245-2 et L.1251-41 du Code du travail prévoient que lorsque le juge fait droit à la demande du salarié, il doit condamner l’employeur à verser à celui-ci une indemnité de requalifi cation, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire et correspondant au dernier salaire mensuel perçu précédant la saisine de la juridiction prud’homale (Cass. soc., 17 juin 2005, n° 03-44900). Une seule indemnité est due, même lorsque le juge procède à la requalifi cation d’une série de contrats précaires (Cas. soc., 25 mai 2005 n° 03-43146).

B - LES INDEMNITÉS DE RUPTURE

En pratique, l’action en requalifi cation, accompagnée de l’ensemble des demandes tendant à indemniser le salarié, est généralement engagée après que l’employeur lui a signifi é le non-renouvellement de son contrat. Dès lors, l’action en justice intervient après l’éviction du salarié. Dans ces conditions, la réintégration du salarié n’est pas envisageable(6). En revanche, le non-renouvellement du dernier contrat précaire s’analyse en un licenciement et le salarié a droit au paiement de diverses sommes :

LES CONSÉQUENCES DE LA REQUALIFICATION III.

sur préavis (Cass. soc. 14 février 2007, n° 04-48338) ;

licenciement (Cass. soc.,10 juin 2003 n° 01-40808) ;

année d'ancienneté ininterrompue (art. L. 1234-9 CT). Elle ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de 10 ans d’ancienneté (art. R 1234-2 CT). Des accords collectifs peuvent prévoir une indemnité d’un montant plus élevé, ou attribuée dans des conditions plus favorables ;

sérieuse qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire lorsque l’entreprise compte plus de dix salariés et que l’ancienneté du salarié est supérieure à deux années(7) (art. L. 1235-3CT). Il a été jugé que la simple arrivée du terme du contrat ou la réalisation de l’évènement pour lequel le contrat avait été conclu (par exemple, le retour du salarié remplacé), ne constitue pas une cause valable de rupture (Cass. soc., 8 février 2005 n° 02-46720).

Il résulte de l'article L. 1251-41 du code du travail qu'en cas de requalification d'un CTT en contrat à durée indéterminée, le juge doit accorder au salarié, à la charge de l'entreprise utilisatrice, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Dès lors, le salarié ne peut jamais prétendre au paiement, par l'entreprise de travail temporaire, d'une indemnité de requalification (Cass. soc., 12 janvier 2016, 14-18061).

ATTENTION

La Cour de cassation estime que le juge qui requalifie la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des motifs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 20 octobre 2015 n° 14-23712) Autrement dit, depuis cette décision particulièrement critiquable de la Cour de cassation, la lettre de rupture peut valoir lettre de licenciement et la rupture de la relation contractuelle ne s'analyse pas automatiquement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

ATTENTION

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DOSSIER / REQUALIFICATION DES CONTRATS PRÉCAIRES : QUELS SONT LES DROITS DES SALARIÉS (I) ?

précaires requalifi és s'il s'est tenu à la disposition permanente de son employeur pendant ces périodes. Tel est le cas d'un salarié titulaire de plus de 500 contrats successifs sur 13 ans, contacté pour des propositions de contrat la veille pour le lendemain et tenu d'accepter tout contrat qui lui était proposé sous peine de plus en obtenir d'autres (Cass. soc., 3 juin 2015, n° 14-15587). Il incombe alors au salarié de prouver qu’il se tenait à la disposition de l’employeur pendant les périodes d’interruption pour bénéfi cier du paiement de ces rappels de salaires (Cass. soc., 16 septembre 2015, n° 14-16277).

En revanche, seules les indemnités afférentes à la rupture du contrat à durée indéterminée sont dues, le salarié ne peut prétendre, en sus, à des dommages-intérêts pour rupture abusive de son CDD ou CTT (Cass. soc., 25 mai 2005, n° 03-43146).

Enfi n, il faut savoir que, en cas de requalifi cation de CDD successifs en un CDI, l’article L. 1235-4 du Code du travail ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement (c’est-à-dire du jour où son contrat n’a pas été renouvelé) au jour du jugement prononçant la requalifi cation, dans la limite de six mois. Cette obligation de remboursement des indemnités de chômage ne s’applique pas dans les entreprises de moins de 11 salariés et aux salariés de moins de deux ans d’ancienneté (art. L. 1235-5 CT).

C - LES RAPPELS DE SALAIRESLorsque le juge décide de requalifi er une succession de contrats séparés par des périodes d'interruption en relation contractuelle à durée indéterminée, il peut, dans certaines circonstances, accorder au salarié des rappels de salaires pour ces périodes intermédiaires.

Ainsi, le salarié a droit au paiement de rappels de salaire pour les périodes non travaillées comprises entre les différents contrats

Depuis l’intervention de la loi de sécurisation du 14 juin 2013, la prescription en matière de salaire, de manière très contestable, a été réduite de 5 à 3 ans (art. L. 3245-1 CT). Cela signifie que le salarié ne pourra prétendre qu’aux arriérés de salaires correspondants à la période de trois ans précédant la rupture du contrat.

ATTENTION

Le salarié ayant conclu un CDD ou CTT a droit, à l’issue de son contrat, au versement d’une indemnité spécifique dite indemnité de précarité, afin d’indemniser le caractère précaire de son emploi et de sa situation (art. L. 1243-8 et L. 1251-32 CT) et représentant 10 % des salaires bruts versés durant la période de travail(8). Elle reste acquise au salarié à l’échéance de son contrat, même si ce dernier est requalifié de CDI (Cass. soc., 13 avril 2005, n° 03-41967).

À NOTER

8/ L’indemnité de précarité n’est pas due en cas de : - faute grave commise par le salarié - refus par celui-ci d’une offre de CDI dans des conditions de travail équivalentes à celles dont il bénéfi ciait jusqu’alors. - contrats temporaires saisonnier ou d’usage - contrats conclus dans le cadre de la politique de l’emploi (par exemple, contrat de professionnalisation ou d’apprentissage) - lorsque les relations contractuelles entre le salarié et l’employeur se poursuivent par un CDI (art. L.1242-16 CT).

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