Resilience V2 Chapitre 3

  • Upload
    gouaf

  • View
    51

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

196

197

Chapitre 3

Le secteur urbainClaude Baissac, Anne Sinet, Alphonse Soh, et Florence Verdet

I. IntroductionLes villes sont le moteur du dveloppement. Elles sont le lieu privilgi dimplantation et de dveloppement des activits caractre conomique. La Rpublique Dmocratique du Congo nchappe pas la rgle: avec une conomie encore dpendante de la rente minire, sa capitale, Kinshasa, et les principales villes du pays, en forte expansion ces dernires dcennies, apparaissent comme des lments cl de la reprise conomique, capables de stimuler la production agricole, la r-industrialisation du pays et le dveloppement dun secteur tertiaire moderne. Au Congo, les villes quelque soit leur taille, jouent un rle essentiel dans la premire transformation, la distribution locale et lexportation des produits, principalement agricoles. Aider le pays sortir de la crise sociopolitique dans laquelle il sest install, en mettant en place une politique active de dveloppement des infrastructures et des services urbains, devrait tre un lment essentiel de lagenda conomique et social du pays dans son ensemble et de la politique de soutien la croissance des partenaires au dveloppement. Stimuler linvestissement public est le seul moyen dinciter le secteur priv investir, la fois dans les activits conomiques et dans lhabitat. Ne pas inscrire le secteur urbain dans les axes prioritaires de la politique de dveloppement conomique du pays ferait ainsi courir le risque de voir non seulement affluer massivement la population dans les villes (processus dj en cours), mais galement de voir saggraver la pauvret en zone urbaine, faute danticipation et de politique daccueil, et de compromettre ainsi toute perspective de dveloppement du pays dans son ensemble. Il est donc urgent dagir, la fois au niveau des grands investissements de fonction urbaine, et par des actions en faveur de la rduction de la pauvret en zone urbaine.

198 Les efforts engager sont colossaux, notamment le retard rattraper en matire de planification urbaine (document durbanisme). Lurbanisme est un secteur sinistr de ladministration congolaise et le faible niveau de dcentralisation/dconcentration du pays a empch les villes de prendre le relais. La RDC constitue un enjeu particulier dans lensemble de la sous-rgion ou mme du continent: ses villes voient leur population augmenter plus rapidement que dans les autres pays (cf. plus bas). La situation de Kinshasa (8 millions dhabitants), premire concentration urbaine au Sud du Sahara avec Lagos, constitue un dfi en termes de gestion et de dveloppement urbain elle seule. Enfin, la gographie du Congo et son parcours historique et politique au cours des dernires dcennies ncessitent de repenser en profondeur les modes dintervention, de manire agir positivement sur loptimisation des politiques nationales, la responsabilisation des acteurs au niveau local ou encore le climat des investissements. Le prsent document passe en revue les conditions dune redynamisation de lconomie urbaine, la fois formelle et informelle. La question de la rduction de la pauvret y est aborde principalement sous langle de la cration des richesses, et accessoirement en termes damlioration de laccs aux services de base pour les populations. Les villes de Kinshasa et de Bukavu ont t retenues pour illustrer le propos: Kinshasa, parce quil sagit de la capitale et quelle accueille une immigration massive venue de lensemble du pays, attire par les perspectives demploi ; Bukavu, pour sa situation particulire de ville de rfugis venus des zones avoisinantes et fuyant les combats et les exactions. Le document traite successivement les points suivants: (i) le contexte dmo-conomique urbain du Congo; (ii) la contribution des villes a lconomie nationale et la pauvret urbaine; (iii) leffort consenti par les pouvoirs publics ; (iv) les freins a la contribution du secteur urbain a la croissance; (v) opportunits, priorits et recommandations; (vi) amliorer la comptitivit conomique de Kinshasa et Bukavu.

199 premires, qui ntaient quen partie rinvesties dans le pays, et de faon ingale du point de vue gographique et dmographique. La nature ingalitaire de lconomie coloniale se retrouvait dans lorganisation spatiale des villes. Par exemple, Kinshasa (alors Lopoldville), la population europenne rsidait dans le quartier de la Gombe et dans les parties situes louest de la ville, autour du centre industriel le long du fleuve Congo dans les quartiers de Limete et Kingabwa. La population vivait alors dans les quartiers priphriques, dont certains taient des villages prcoloniaux agglomrs la ville en pleine croissance. La priode de post indpendance nest pas parvenue transformer en profondeur cette structure ingale et discriminatrice, avec un impact profond sur lconomie des villes et lconomie rurale. Le mouvement de modernisation de la fin des annes 1960 et 1970 a bnfici aux principales villes du pays, avec dimportants investissements dans les infrastructures, mais a galement contribu renforcer les ingalits prexistantes. A partir du milieu des annes 1970, les politiques de Zarianisation 1, puis de radicalisation et de rtrocession eurent des consquences dsastreuses, participant laggravation de deux formes dingalits : (i) dabord au sein des mtropoles o la crise conomique conduisit une dsindustrialisation acclre et/ ou la destruction des entreprises agricoles, faisant disparatre lemploi formel tout en renforant une consommation des lites permise par un monopole de la rente minire; (ii) galement, entre lconomie urbaine et lconomie rurale, par le dclin dramatique de lactivit agricole, celle-ci nayant pas reu les investissements ncessaires au soutien de la production. Ainsi, la relation fonctionnelle entre les villes et le monde rural se sont trouves affaiblies, puis ont disparu presque entirement. Cette relation stait dveloppe sur un modle dexploitation, mais avait eut galement un rle structurant: le dveloppement dune lagriculture commerciale fort rendement rsultait dans la cration de valeur ajoute rurale, crait des infrastructures sociales et conomiques de base, et injectait dans une conomie largement fonde sur la subsistance, des salaires et un dbut de capacit dpargne. Avec leffondrement du systme, ces territoires sont devenus de plus en plus isols notamment du fait de labandon du rseau de transport sur lequel reposait lconomie. A titre dillustration, en 1995 le transport de marchandises (cargo) reprsentait seulement 10% de son niveau de 1988. Les investissements vers les zones rurales stopprent totalement, affectant lensemble dun systme conomique devenu vital pour les populations locales. Les villes devinrent graduellement isoles du reste du pays et des unes des autres, devenant des enclaves connectes uniquement ltranger et leur hinterland le plus proche. Les vnements de la fin des annes 1980 et du dbut des annes 1990 eurent des consquences dramatiques, acclrant ce phnomne.

Contexte dvolution du secteur urbain en RDCa. Le poids de lhistoireA son indpendance, la RDC a hrit dune conomie urbaine la fois importante et mal quipe au regard des besoins dun Etat moderne, et dune population en forte croissance. Les villes concentraient ladministration, larme et le pouvoir conomique, et servaient dentrepts, de centre logistique et de commerce pour lexploitation et lexploration des ressources primaires. Elles taient connectes les unes aux autres par un important rseau de routes, de chemins de fer, de rivires structures autour du fleuve Congo, et culminant autour de laxe Kinshasa-Matadi. Les villes et centres urbains taient au service du projet colonial. Ainsi, elles recevaient une partie des rentes de lexploitation des matires

200 Tout dabord, leffondrement du secteur minier entrana un asschement des rserves de devises trangres, avec des consquences catastrophiques sur les finances publiques et sur lensemble de lconomie urbaine, le Gouvernement se trouvant rapidement court de ressources. En effet, dans les annes 1980 et 1990, Gcamines elle seule reprsentait 60 % des exportations nationales, et le secteur minier dans son ensemble environ 80 %. Le secteur minier gnrait 50 % des recettes dEtat. Entre 1988 et 1995, la production de cuivre seffondra de 90 % passant de 470 000 tonnes 34 000 tonnes. La production de zinc et de cobalt cessa presque entirement. La production de manganse pris fin en 1975. Le Gouvernement rpondit la crise en mettant des devises, alimentant ainsi la bulle inflationniste. En 1991, le pays (les agences gouvernementales, ladministration et le secteur parapublic) se retrouva pratiquement en cessation de paiement: le Gouvernement arrta dhonorer ses dettes2, mis fin aux investissements et la maintenance des infrastructures. La fourniture de services de base, y compris dans le transport, cessa. Les salaires ne furent plus verss, les importations et la consommation intrieure seffondrrent. Dans un deuxime temps, en Septembre 1991, les soldats non pays se mutinrent et menrent ce qui fut appel les grands pillages, une campagne de pillages spontans dans lensemble du pays. En dcembre 1992, une nouvelle vague de pillage eut lieu, visant les principales villes du pays, puis de nouveau en janvier 1993. Ces pillages eurent des effets dvastateurs sur lconomie urbaine: lindustrie, le secteur manufacturier et les services scroulrent. De 10 % du PIB en 1990, la part du secteur manufacturier tomba environ 4 % en 1992. Alors que lconomie rurale avait t largement dtruite par les politiques menes dans les annes 1970, lconomie urbaine seffondra principalement du fait des crises des annes 1990. A Kinshasa, on estime que les pillages conduisirent la destruction de prs de 800 millions de dollars dinfrastructures et dquipements et la disparition de 90 000 emplois. Enfin, les guerres menes entre 1997 et 2003 ont accentu les destructions et dislocations. Dans lEst, les villes furent directement affectes Kisangani fut partiellement dtruites par une des batailles menes successivement en 1997, 1999 et 2000 et demeurent ce jour affectes par des conflits. Dans le reste du pays, les villes furent plus indirectement affectes: dabord le dj tnu lien avec le monde rural fut encore fragilis; ensuite les migrations massives de population, exacerbant la pauvret en ville, exera une pression forte sur les infrastructures et contribuant au dveloppement dune conomie informelle et de survie. Limpact des guerres sur lindustrialisation est visible. A partir de 1993 le secteur se releva progressivement des crises financires et des pillages, puis seffondra de nouveau partir de 1996 pour passer en dessous de 4 % du PIB entre 1999 et 2001. Encadr 3.1 : Leffondrement du secteur textile Kisangani

201

La culture du coton fut introduite par la colonisation, permettant le dveloppement dune industrie de transformation et lemploi de prs de 50 000 fermiers fournissant la Sotexi, socit dEtat. Du fait de limportance des intrants imports, les performances du secteur reposaient largement sur linterventionnisme de lEtat. Une srie derreurs commises par lEtat et le climat dinscurit ont fini par entrainer leffondrement de la production et lchec de la politique commerciale. La production fut suspendue du fait de linterruption de la fourniture de coton en provenance de la rgion en conflit de lIturi. La Compagnie se tourna alors vers lOuganda et dautre fournisseurs de RDC, mais le cot lev des intrants et du transport rduisirent la comptitivit de lentreprise, une poque ou les produits imports bas prix inondaient le march local la fibre de coton tait transporte en avion du district de Bas Ul, quand le conflit commena perturber le transport routier et fluvial. Dans la deuxime partie des annes 90 et 2000, le transport fluvial fut interrompu. Ces dernires annes, lacheminement jusqu Kisangani des intrants imports du port de Matadi dans le Bas-Congo pouvait prendre jusqu 6 mois. En juillet 1999, les armes Ougandaises et Rwandaises combattirent sur les sites de plantation de la Sotexi. Lusine fut pille de nombreuses fois et les infrastructures furent dtruites, laissant la compagnie avec prs de 2 millions de dollars de dommages. La production de la Sotexi est passe de 1,6 millions de mtres linaires par mois en 1991 moins de 150.000 en 2009. La main duvre a t rduite moins de 10 % (170 travailleurs en 2007) de ce quelle tait en 1991 (2 600 travailleurs). Alors que les responsables de la compagnie essayaient de convaincre le Gouvernement de mettre en place un plan de restructuration, des importations bas prix en provenance dAsie inondaient le march local, et lentreprise subissait de plein fouet le manque de financement et les problmes de fourniture en lectricit. De plus, la cooprative des producteurs de Coton, la Codenord, cre en 1987 par la Sotexi et le Gouvernement pour organiser les producteurs est aujourdhui en faillite. Cre sous la forme dune Enterprise dEtat charge de prfinancer les rcoltes de coton (et de caf), la Codenord fut un important acteur conomique avec prs de 50 000 producteurs de coton (20 000 en Ituri et 30.000 dans le Bas Ul). La cooprative avait galement en gestion les usines dnergie hydraulique et lentretien des infrastructures de transport, points vitaux pour le transport du coton et du caf dans la province. Leffondrement de la Sotexi conduisit leffondrement des coopratives de fermiers de lIturi et du Bas Ul, la destruction des infrastructures telles que les usines de production dnergie locale et les routes et a

202 eu des impacts conomiques directs et indirects importants. Source: Ulloa et al. 2010. La Rpublique Dmocratique du Congo et cinq Provinces. Une tude des contraintes imposes la croissance. Non publi.

203 Likasi et Tshikapa) ayant une population comprise entre 200 000 et 700 000 habitants; une quinzaine dautres villes de plus de plus de 100 000 habitants; et des dizaines dautres localits entre 20 000 et 100 000 habitants. La douzaine des villes les plus importantes, qui totalisent elles seules plus de 70 % de la population urbaine nationale, constitue la colonne vertbrale dune armature urbaine qui serait un facteur favorable une politique damnagement du territoire3 privilgiant le dveloppement des potentialits et des ressources naturelles locales en vue dune croissance conomique nationale durable. En dehors de Kinshasa et, dans une certaine mesure de Lubumbashi et Mbuji-Mayi, les dizaines de moyennes et petites villes jouent un rle particulirement important en matire de dveloppement conomique et social de lensemble du territoire, et du milieu rural en particulier. Au-del du fait quelles abritent trs souvent les services sociaux (sant et ducation) et administratifs, elles constituent, linstar de Bukavu, dimportants lieux dchanges conomiques avec le monde rural. Il faudrait toutefois souligner le dclin, ou tout au moins la stagnation de certains centres urbains, qui taient pourtant dun dynamisme remarquable jusqu la fin de la dcennie 1980. Cest le cas en particulier de certaines villes minires qui ont subi les contrecoups de la rgression ou fermeture des activits. Certaines des grandes villes ont un pass historique et possdent entre autres une forte tradition universitaire, telles Lubumbashi, Kinshasa ou Bukavu (ces centres universitaires attiraient les tudiants bien au-del du Congo dans le pass, et constituaient des rfrences dans lenseignement suprieur du continent). Toutefois, consquence du contexte politique et des annes de guerre, mais galement du dlabrement des voies de communication aussi bien routires que ferroviaires, lacustres et fluviales, ces rapports ville-campagne ont dclin sur les trois dernires dcennies. Pour les mmes raisons, les rapports entre villes, quelques exceptions prs, sont loin de loptimum. Au final, les villes en RDC sont des lots qui fonctionnent de manire indpendante, quelques-unes sappuyant sur leur hinterland. En dehors du cadre urbain, le territoire de la RDC est un quasi-dsert humain dont les populations rurales sont parsemes sur dimmenses tendues.

Lurbanisation en marche depuis 30 ans40 millions durbains en 2025Le dernier recensement gnral de la population date de plus dun demi-sicle (1984). Cette situation a t plus ou moins bien comble par des estimations successives. La population de la Rpublique Dmocratique du Congo est ainsi estime en 2005, environ 57,5 millions dhabitants. Le taux daccroissement annuel est pour sa part valu +2,7 %. La population nationale devrait donc se situer autour de 66 millions en 2010, 74 millions en 2015 et 85 millions lhorizon 2020. En ce qui concerne les villes, on assiste une explosion de la population urbaine depuis les annes 80, essentiellement porte par lvolution du contexte socio-conomique du pays. La population urbaine, qui tait de 9,9 % en 1956, est passe 28,9 % en 1984. En 2000, elle tait estime 32 % et se situerait autour de 37 % (un peu plus de 24 millions dhabitants) aujourdhui. Avec un taux de croissance annuel moyen de +4,13 % (3,35 % en moyenne en Afrique sur la priode 2005-2010), les projections laissent prsager que le seuil des 40 millions durbains sera atteint avant 2025. Cette urbanisation semble se traduire par un phnomne de concentration, au profit des grands centres, dont principalement Kinshasa (qui concentre 8 millions dhabitants et constitue la plus grande amlioration dAfrique Sub-saharienne aprs Lagos), mais aussi de Lubumbashi (1,5 million) et Mbuji-Mayi (1,3 million), ainsi que des quatre autres principales villes (Kananga, Likasi, Kisangani et Kolwezi). Au niveau des villes secondaires, si lon sen tient aux mouvements observs entre 1984 et 2000, la croissance devrait tre dans lensemble moins forte, lexception de quelques centres ayant une position particulire (Fungurume par exemple, avec louverture de limportante mine de cuivre) ou encore les agglomrations des provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema, o linscurit dans les zones rurales densment peuples a pouss les populations vers les centres urbains.

Une armature urbaine dense et plutt bien rpartieLarmature urbaine du Congo repose sur un rseau urbain relativement dense et bien rparti dans lespace national, mme si quelques ples, linstar de Kinshasa, prdominent. Elle comprend : Trois mtropoles dinfluence nationale de plus dun million dhabitants (Kinshasa, Mbuji-Mayi et Lubumbashi) qui totalisent plus de 40 % de la population urbaine; huit mtropoles intermdiaires (Matadi, Kikwit, Mbandaka, Kisangani, Bukavu, Kolwezi,

204 Carte3.1 : Armature urbaine de la RDC et rseau national de transport

205 de toute politique durbanisme et sans investissements publics daccompagnement (infrastructures, voirie, services sociaux). La cohsion sociale y est faible et les conditions de vie extrmement difficiles. Des villes isoles et enclaves. Lexemple le plus connu est la situation de la troisime ville du pays (avec prs dun million dhabitants), Kisangani mais lenclavement total touche bien dautres centres urbains, notamment lEst du pays, tels que Butembo, Bunia, Isiro, Kindu, Uvira, etc. Ces villes ont t isoles du fait de linterruption des axes de transport (pour des raisons politico-militaires ou de dgradation des infrastructures), et ont vcu de fait en tat disolement complet pendant plusieurs annes. Lconomie est larrt, la population y vit misrablement. Des villes assoupies. Un certain nombre de centres urbains (tels que Mbandaka, Bandundu ou Kikwit), sans tre enclavs au sens strict, ont enregistr une rduction significative de leur activit conomique, dj rduite avant-guerre. Dans ces villes, la situation est stable mais les conditions de vie sont dautant plus mdiocres que les opportunits conomiques sont limites. Des villes en expansion dsordonne. La plupart des villes les plus dynamiques ont connu une expansion dsordonne, au cours des dernires annes. La vie conomique, domine par les activits de survie, est relativement plus dveloppe quailleurs mais les conditions durbanisation sont inadquates et les infrastructures insuffisantes. Ces villes sont dans des situations trs varies de Boma et Matadi, o lactivit portuaire a protg la population contre la pauvret absolue qui rgne dans dautres rgions, aux villes frontalires de Goma (qui se relve pniblement de lruption du volcan Nyiragongo) et Bukavu (o larrive massive de populations fuyant linscurit dans le Sud-Kivu a aggrav les phnomnes drosion des sols collinaires de la ville). Des villes en dclin. Il sagit typiquement des anciens centres miniers du Katanga (Lubumbashi, la deuxime ville du pays avec un peu plus dun million dhabitants, mais surtout Kolwezi, Likasi, etc.) qui doivent faire face au ralentissement ou linterruption des activits minires ainsi que des villes comme Kananga (au Kasa, environ 600 000 habitants) qui ont perdu leur rle de principal ple conomique de leur rgion au profit de nouveaux centres urbains. Ces villes ont une population relativement stable (voire en dclin), mais une situation conomique trs dtriore. Une telle typologie ne doit pas occulter la complexit de la situation laquelle sont confronts les centres urbains. La plupart des villes (y compris celles qui sont cites cidessus) relvent de plusieurs catgories la fois, et les problmes rsoudre sont dautant plus compliqus quils nont pas de cause unique. Il y a toutefois un trait commun lensemble de ces villes : cette urbanisation, contrairement ce qui a prvalu jusquau lendemain de la priode coloniale, sest faite dans des conditions chaotiques, en raison dune gestion hasardeuse du dveloppement urbain.

Typologie des villes congolaises

Le secteur urbain au Congo se caractrise demble par la trs grande diversit des centres urbains, qui reflte limmensit du territoire et la multiplicit des groupes humains. Les modes durbanisation, mais aussi les dynamiques sociales varient considrablement dun bout lautre dun pays qui traverse presque le continent. Les problmatiques en matire de dveloppement urbain refltent donc des situations trs contrastes travers la RDC. Les principaux centres urbains du pays (ceux dont la population dpasse les 100 000 habitants) sont en effet confronts un ensemble de difficults et leur situation peut tre analyse de manire schmatique travers la typologie suivante4 : Un cas exceptionnel: Kinshasa. La capitale de la RDC sest dveloppe de manire trs rapide ces dernires annes, au point de devenir lune des principales mgapoles dAfrique, avec prs de 8 millions dhabitants. Cette croissance na pas t accompagne par les investissements correspondants en matire dinfrastructures et de services sociaux et les conditions de vie se sont donc considrablement dtriores. La ville nen est pas moins un centre culturel important, et une aire de brassage des diffrentes ethnies qui constituent la nation congolaise en ce sens, elle est au cur de la RDC. Des villes en proie une explosion dmographique incontrle. Il sagit principalement des nouveaux centres urbains du Kasa, qui ont d absorber les populations expulses du Katanga au dbut des annes 1990, puis diffrentes vagues de personnes dplaces et de prospecteurs attirs par la richesse diamantifre de la rgion et dont la croissance continue aujourdhui. Certains de ces centres prexistaient lexplosion actuelle (comme Mbuji-Mayi), dautres sont quasiment apparus ces dernires annes et comptent dj des centaines de milliers dhabitants (comme Tshikapa et Mwene-Ditu). Leur croissance se fait de manire trs chaotique, dans un environnement caractris par labsence

206 Ainsi, au-del des noyaux hrits de la priode coloniale, la croissance dmographique urbaine a t absorbe au prix dun talement en priphrie des villes, parfois sur des terrains peu propices, et par densification des quartiers populaires proximit des centres-villes. A titre dillustration, la ville de Kinshasa occupe aujourdhui une superficie (urbanise) de lordre de 55 000 ha, contre 12 900 ha en 1968. A Lubumbashi, comme dans pratiquement toutes les localits, des dizaines de milliers dhectares ont t morcels et distribus dans des conditions qui ne respectent aucune rgle urbanistique: parcelles de trop grande taille par rapport la taille des habitations5, de formes variables et ne tenant nullement compte des caractristiques du terrain, sans rserves pour quipements et avec des voies sous ou surdimensionnes. A Bukavu, comme Kinshasa, les pentes escarpes (plus de 40 % de pente, soumises de forts risques de glissements de terrains) sont envahies par des dizaines de milliers dhabitants, en toute lgalit vis--vis des services du Cadastre, ou aprs accord des autorits coutumires. A la diffrence de la priode prcdente, lessentiel de cette croissance urbaine sest effectu sans raccordement aux infrastructures ni accs aux services de base. Dune manire gnrale, le niveau dinfrastructures urbaines actuel nest gure suprieur celui qui existait la fin des annes 1980, alors que la population urbaine a tripl entre temps. Dans la plupart des villes, plus de 70 % de la population habite des zones urbanises sans quipements ni services de base. Le taux daccs leau potable (abonnements directs et accs indirect par le voisinage), qui tait de 68 % en 1990, est pass 35 % en 2006; des pans entiers de la ville (les zones dextension) tant mme dsormais dpourvus de tout rseau. En matire dlectricit, le taux de branchement y est de 35 % seulement6. Les distances parcourir pour atteindre une voirie revtue (point daccs un transport en commun), un centre de sant ou une cole sont de plus en plus importantes, et se comptent mme en kilomtres dans les nouveaux quartiers de Kinshasa et Lubumbashi. Ici, au-del des blocages inhrents la gestion mme des entreprises en charge de la fourniture de lnergie et de leau, il y a les contraintes lies au dveloppement anarchique des villes: alors que le niveau de structuration de la ville permettait autrefois le passage des rseaux, on assiste de plus en plus, en particulier la priphrie de la ville ainsi que dans les zones basses, au dveloppement de poches totalement irrgulires, qui rendent difficile lamnagement des rseaux.

207 tre utilises pour estimer les performances de lconomie urbaine. Enfin, les estimations menes pour la province de Kinshasa valent pour la ville qui reprsente prs de 90 % de lconomie provinciale. Les villes ont trs largement bnfici du retour la croissance aprs 2002, consquence des accords de partage du pouvoir conclus la mme anne. Les statistiques au niveau national fournissent des informations sur les performances du secteur urbain. Le graphique ci-aprs (2a) illustre lvolution des performances du secteur rural, apprhend au travers de lagriculture (incluant fort, levage, chasse et pche) et des industries extractives (incluant le secteur minier, le gaz et le ptrole). Le graphique 2b montre comment le secteur urbain (apprhend au travers des industries de transformation, des secteurs de la construction et des travaux publics, du commerce, du transport et des tlcommunications et enfin des services) a jou un rle principal dans la croissance. En effet, les transports et les tlcommunications ont connu une croissance rapide entre 2001 et 2003; le secteur de la construction et des travaux publics affiche une croissance deux chiffres chaque anne depuis 2001, lexception de 2007; en revanche, le secteur industriel affiche un trs net retard. Schma 3.1 : Comparaison des performances de la croissance des secteurs majoritairement ruraux (2a) et urbains (2b) 2000 2008

Source: donnes FMI, 2010

Contribution des villes lconomie nationale et pauvret urbainec. Performances de lconomie urbaine depuis 10 ansOn ne dispose pas aujourdhui de donnes macroconomiques sur les villes de la RDC. Nanmoins, un certain nombre de tendances peuvent tre extrapoles partir des donnes statistiques nationales. Par ailleurs, les donnes de niveau provincial produites rcemment par la Banque mondiale partir danalyses par secteur peuvent galement

Les donnes sur la composition du PIB fournissent des indications sur le poids de lconomie urbaine. En prenant 2008 pour rfrence on constate que le secteur primaire (agriculture et industries extractives) reprsentait 50,7 % de lconomie, contre 57 % en 2003. La diminution relative du secteur primaire sexplique principalement par la croissance ralentie de lagriculture par rapport celle des autres secteurs. La RDC demeure donc trs largement une conomie rurale et de subsistance. Les secteurs de la construction et des travaux publics, du commerce, des transports et des tlcommunications et des services, sont passs de 35 % de lconomie en 2003 41,6

208 % en 2008. Le secteur urbain semble donc avoir concentr lessentiel de la croissance. Lconomie urbaine a bnfici dun effet de rattrapage. Tableau 3.1 : Composition du PIB entre 2003 et 2008GDP at 2000 prices, in 2003 billion Agriculture, etc. Extractive industries Manufacturing Construction and public works Water and electricity Trade and commerce Transportation telecomm Market services Non-market servicesSource: FMI, 2010

209 Tableau 3.2: Les projets dinvestissement par secteur (hors mines et secteur financier) de 2005 2009Sectors 2007 158.2 52.4 17.0 33.5 2.9 80.6 24.7 24.8 7.8 2008 162.9 58.4 17.5 34.8 2.7 90.5 26.8 26.0 8.1 Agriculture Manufacturing Transports and telecoms Trade and commerce Trade services 2005 8 41 13 10 24 2006 8 41 19 11 1 16 2007 8 45 11 13 2 20 2008 5 47 22 20 4 13 2009 9 34 12 13 1 24

2004 144.2 44.6 15.2 22.6 2.6 59.9 17.6 20.0 7.2

2005 148.4 50.6 16.0 28.1 2.7 65.4 19.8 21.6 7.0

2006 153.2 51.1 16.2 31.8 2.8 71.3 22.3 23.2 7.4

143.3 38.3 12.2 18.5 2.9 56.7 and 15.8 18.5 6.5

Construction and public works 7

Source: estimations de lauteur bases sur les donnes de lANAPI, 2010

La grande majorit des intentions dinvestissement (55 %) est concentre Kinshasa. Le Katanga suit avec prs de 15,5 % (hors projets miniers ce qui est donc trs largement sous-estim, lattractivit relle de la province tant fortement lie ce secteur). Le BasCongo reprsente 5 % du total, suivi par le Kivu avec 4,8 %. La mme tendance se confirme pour les investissements raliss. Pour Kinshasa, les donnes disponibles fournissent les informations suivantes: (i) le secteur industriel est lactivit dominante, avec prs de 60 % des projets raliss ou en cours de ralisation pour la priode 2005-2009. Les donnes disponibles sur les engagement dinvestissement indiquent que le secteur industriel et de transformation arrive la deuxime place; (ii) le commerce et les services arrivent en deuxime place avec 40 projets, mais la premire place en terme dinvestissement raliss; (iii) le secteur de la construction arrive en troisime place, avec 30 projets, et en terme de volume dinvestissement; (iv) finalement, le transport et les tlcommunications arrivent en quatrime place avec 4 projets. Les donnes sur les investissements indiquent que les volumes moyens investissements dans ce secteur sont levs. Les donnes ci-dessus peuvent tre considres comme reprsentatives des tendances gnrales de la croissance urbaine lchelle nationale, lexception faite du secteur industriel et de transformation, concentr principalement Kinshasa, Lubumbashi et dans le Bas-Congo.

Ce constat est renforc par les donnes sur les investissement fournies par lANAPI; donnes utiles mme si elles prsentent des lacunes: (i) lANAPI ne prend pas en compte les investissement des secteurs minier et financier compte tenu du poids du secteur minier dans lconomie nationale, les statistiques sont donc biaises; (ii) les donnes compiles par lANAPI sur la valeur des investissement sont peu fiables; elles devraient tre surtout utilises pour fournir des indications sommaires sur le poids des diffrents secteurs et leur rpartition gographique. En termes de demande, une analyse des donnes de 2005 2009 dmontre la forte attractivit du secteur des services, mais galement la surprenante attractivit du secteur industriel ou de transformation, lagriculture tant la trane.

210 Encadr 3.2:- Les activits conomiques Kinshasa A Kinshasa, consquence de lhypercentralisation de la ville, les activits conomiques sont, pour lessentiel, localises dans le triangle Ngaliema-KingabwaGombe-Limete qui concentre 84% des units1. La Gombe concentre les activits de services, de commerce, dindustrie, des tlcommunications et de finance, ainsi que les siges sociaux des entreprises extractives, des banques, des socits dassurance, et des groupes diversifis prsents dans le pays. Limete, pour sa part, est spcialise dans les services et lindustrie gales proportions, suivi par lagroalimentaire et enfin les transports. Kingabwa est concentre sur les transports et lindustrie. On note galement quelques units Ngaliema (prpondrance des services) et Maluku (prsence relativement forte dactivits agricoles). Pour ce qui est du secteur informel, on le retrouve partout, aussi bien au niveau des espaces organiss (marchs) que dans la rue. Si le petit commerce est manifestement prdominant, on enregistre toutefois de nombreuses units de transformation, dont certaines sont des sous-traitantes des acteurs du secteur formel. Carte 3.2 : Plan Kinshasa - Concentration gographique des activits inventories par Beltrade Kinshasa

211

Une importante pauvret urbaineLa croissance urbaine des trois dernires dcennies a eu pour consquence dengendrer une grande pauvret. Linscurit dans les zones rurales a drain vers les villes des cohortes de personnes la recherche dun mieux vivre. Celles-ci se sont installes dans les villes de manire anarchique, en dehors de tout cadre rglementaire et sans considration durbanisme. Cela sest traduit par une svre dtrioration des conditions de vie urbaine : les infrastructures (voiries, lectricit, drainage, approvisionnement en eau) manquent (voire, dans certains cas, sont inexistantes), le logement est rudimentaire (au mieux des bidonvilles, au pire des sans-abris), les phnomnes drosion se sont aggravs (avec une multiplication des glissements de terrain), les prix des denres de premire ncessit ont augment (du fait de la faiblesse des communications avec les campagnes avoisinantes). Au plan montaire, selon lenqute 1-2-3 de 2004-2005 (cite par le DSCRP), lincidence de la pauvret tait de 61,5 % en 2005 pour lensemble du milieu urbain (71,3 % lchelle nationale), ce qui situe les villes congolaises globalement un niveau de pauvret plus lev que leurs homologues dAfrique Centrale (moins de 50 % au Congo voisin en 2008 et 12 % au Cameroun en 2007). Mme si Kinshasa (avec 42 % dindice de pauvret) se situe largement en dessous de la moyenne nationale, soit hauteur de Brazzaville, elle reste loin derrire dautres grandes villes de la rgion comme Douala ou Yaound dont lindice de pauvret tait valu 6 % en 2007. Labsence chronique dinvestissement dans les villes pendant pratiquement un quart de sicle, conjugue au manque dentretien des infrastructures et quipements existants, a eu pour autre consquence dempcher les villes dexercer pleinement leur rle dans le dveloppement conomique. A lexception de cas notables comme celui de Lubumbashi, linfrastructure vocation conomique (voirie principale) soufre dun dlabrement avanc qui limite la productivit des villes. Ltat des voies et la mauvaise gestion des rseaux limitent les opportunits demploi pour les populations et augmentent considrablement le cot des transports. Cest le cas, par exemple, de la ville de Bukavu o les difficults de circulation et de stationnement ainsi que laccessibilit et la taille limites du march de Kadutu, principal ple commercial de la ville, augmentent le cot des changes avec lhinterland. Par rapport aux autres villes de la rgion, les villes congolaises offrent donc moins de possibilits demploi et donc daugmentation des revenus aux mnages. Mme lconomie populaire, et plus particulirement le secteur informel qui sert dexutoire tant pour lemploi que pour la production de richesse face aux insuffisances de lconomie moderne, est handicape par cette situation. Labsence dlectricit dans les quartiers populaires a pour autre consquence daugmenter les cots de production et donc de freiner, voire dempcher, le fonctionnement des petites units traditionnellement assez dveloppes Kinshasa.

Source: IFC, Etude de Faisabilit pour la Zone Economique Spciale Pilote en RDC. Analyse de la Demande,2010

212

213 Tableau 3.3 : Structure de lconomie urbaine de Kinshasa entre 2006 et 2008PIB 2006, prix du march Secteur Primaire Agriculture, pche, levage Forts Industries minires Secteur secondaire Transformation Energie Eau Construction et travaux publics Secteur Tertiaire Services marchands Commerce Autres Services non marchands Total PNB 2006 91,079 84,381 5,405 1,294 417,726 120,23 85,045 204,763 7,689 950,881 694,866 647,44 47,425 256,015 1,459,686 2007 146,265 138,212 5,797 2,256 437,999 131,384 79,357 216,379 10,879 1,010,829 764,989 714,426 50,562 245,841 1,595,093 2008 171,066 161,978 6,236 2,853 352,327 137,336 75,939 126,921 12,132 1,046,531 805,883 751,877 54,005 240,648 1,569,925

La Tertiarisation de lconomie urbaineDun point de vue conomique, les centres urbains du Congo prsentent des visages contrasts. Toutefois, un trait commun se dgage clairement: la forte prsence du secteur tertiaire, largement domin par le petit commerce informel, en plus de diverses petites activits de production artisanale, faiblement intgres et tournes vers la consommation finale. Les donnes et statistiques disponibles ne permettent pas aujourdhui dvaluer la contribution du secteur informel au revenu urbain. Le secteur informel recouvre plusieurs ralits y compris celle qui consiste agir en sous-traitance dentreprises formelles. Toutes les villes sont concernes, y compris celles dominante minire (Lubumbashi, Kolwezi, Fungurume etc.) qui drainent des populations pauvres qui ne peuvent plus trouver un emploi dans la mine, mais sinvestissent dans des activits commerciales pour couvrir les autres besoins gnrs par le dveloppement de lagglomration. Ces activits sont en gnral rparties sur pratiquement toute la ville, travers des marchs formels, mais surtout le long des rues, qui sont pratiquement toutes transformes en espaces marchands. Dun point de vue spatial, quelques exceptions prs (Lubumbashi), les activits du secteur formel (exploitation minire, secteurs secondaires et tertiaire modernes) sont regroupes dans les anciens noyaux des villes.

La situation de KinshasaLes dfis auxquels est confront Kinshasa sont nombreux, multidimensionnels et dun certain point de vue, accablants7. Si la mtropole sest partiellement redresse depuis 2002, aprs des dcennies de mauvaise gestion, de pillages et des consquences des guerres, ce redressement est essentiellement le rsultat de changements massifs dans la composition du PIB; il est intervenu sans linvestissement public pourtant ncessaire, et sans aucune rforme de la gestion urbaine

Source: Banque mondiale, donnes par Province, 2010

Dun point de vue structurel, lconomie de la ville est largement domine par le secteur des services (cf. tableau ci-dessous) qui reprsente prs de 67 % en 2008. Lagriculture ne reprsente que 10,8 % du PIB, une proportion faible, mais non insignifiante. Le secteur industriel atteint peine 8,7 %, ce qui est toutefois deux fois plus important que le taux constat au niveau national. Dans les annes 1970, des milliers f industrielles existaient, connectes lconomie rurale et urbaine grce un rseau complexe de relations de production dans les secteurs de lagriculture, de lagro-industrie, du bois, des produits de base, et des services financiers ; cet ensemble sappuyait sur un systme de transport national multimodal intgr et efficace (cf. carte 1 ci-dessous). Aujourdhui, trs peu de ce systme a perdur: le peu dindustries ayant survcu est principalement orient vers la substitution aux importations de biens et de services de bases (ciment, matriaux de construction, farine, savon et dtergents), et rencontre dimportantes difficults oprationnelles, car dpendant principalement de limportation dquipement et de produits primaires et secondaires. Il y a peu dactivits exportatrices, celles-ci tant entraves par le climat gnral des affaires, le manque dinfrastructures, les pressions fiscales officielles et non officielles, le cot des services bancaires, entre

214 autres. Une visite rapide dans les quartiers industriels de Kanagawa et Limette, autrefois poumons industriels de la ville et du pays, tmoigne de lampleur catastrophique de la dsindustrialisation de Kinshasa et de ses environs et de la destruction de ces changes commerciaux avec son hinterland national. Ces zones sont aujourdhui de vastes friches industrielles squattes par linformel; les quipements rouillent sur place, les infrastructures de chemin de fer et de transport fluvial sont labandon. Kinshasa est maintenant une conomie de services. Les services marchands dominent largement, avec les changes et le commerce formel et informel reprsentant 47,9 % du PIB (2008). La tendance est laugmentation de ce secteur. Cette dpendance croissante au secteur commercial est le produit de plusieurs facteurs: (i) le rtablissement de lconomie en 2002, (ii) la croissance dmographique, (iii) laccs facile aux activits commerciales, particulirement dans linformel et la micro-entreprise. En labsence dune industrie de transformation locale capable de fournir plus quune portion minime des produits de base, et avec un secteur agricole fortement limit, la presque totalit des produits consomms est importe. Cela est reflt de manire spectaculaire dans la balance commerciale de la province, qui sest rapidement dtriore: en 2008, la balance commerciale des biens et services tait ngative 2.225 milliards de FC prix courants (environ 1,554 milliard de FC aux prix de 2006). En parallle, les exportations slevaient peine 25 milliard FC, soit un taux de couverture de 1,1 %, possiblement un record mondial. La balance commerciale domestique est reste positive avec 94 milliards de FC. Kinshasa exporte principalement vers le reste du pays, surtout vers le Bas-Congo, le Bandundu et lEquateur. En fait, il ne serait pas incongru de dcrire la ville comme reprsentant une sorte de zone de consommation de produits dimportations enclav linverse dune zone franche dexportation en somme , et qui en retour exporte les richesses du reste du pays pour financer cette boulimie. Les chiffres de la consommation et des investissements dmontrent ltendue du phnomne: (i) en 2008, la consommation totale tait de 4,087 milliard FC dont 82 % taient sprive (2,818 milliard de FC au taux de 2006); (ii) les investissements taient de 470 milliard FC, 91 % privs. Les investissements reprsentaient donc moins de 11 % de la consommation et 20,4 % du PIB. Ainsi, Kinshasa exportait prs de 50 % de ses richesses vers ltranger.

215 Tableau 3.4 : Consommation, investissement et demande extrieure nette 2006-2008 Publique Prive Investissements Publics Privs Absorption Demande extrieure nette PIB 385,656 192,558 25,144 167,414 2006 2007 2008 2006 2007 2008

Current prices 534,655 469,576 28,698 440,878 743,66 470,416 42,041 428,375

2006 prices, authors estimates 2,504,028 2,818,105 455,393 399,962 24,443 375,519 512,776 324,365 28,988 295,377 1,554,895 2,048,634 2,305,329 385,656 192,558 25,144 167,414

Consommation 2,034,680 2,939,855 4,086,999 2,034,680 1,649,023 2,405,200 3,343,338 1,649,023

2,227,238 3,409,431 4,557,415 2,227,238 -748,221 -1,519,245 -2,255,010

2,903,990 3,142,470

-748,221 -1,294,020

1,479,016 1,890,186 2,302,404 1,479,016

1,609,970 1,587,575

Ce dficit massif est largement financ par la rente minire et, dans une moindre mesure, par les transferts internationaux provenant des bailleurs bilatraux et multilatraux. Il est intressant de noter que le Katanga a export lui seul en 2008 et seulement dans le secteur minier 2,053 milliard de FC, et a eu une balance commerciale positive de 803 millions de FC. De manire simplifie, Kinshasa joue le rle dun vaste siphon des ressources naturelles du pays. Ce siphon consomme de manire indirecte cette richesse, au travers les importations massives de biens de consommation, consommes brutes, non-intgres dans une productive de valeur ajoute durable. Kinshasa, gnrant trs peu de richesse relle, exporte la richesse relle produites par le reste du pays. Dune fonction de ple-rseau dans les annes 1960, caractrise par lexistence dun enchevtrement dindustries dynamiques qui ont permis des effets dentranement sur le reste de lconomie nationale et notamment dans les rgions environnantes8, Kinshasa est devenue une mtropole vivant sur les rentes, sur la consommation ostentatoire dune petite minorit, et sur une conomie informelle et de survie pour une large majorit en expansion rapide et continue. Lconomie informelle est une consquence collatrale de leffondrement du secteur industriel et du secteur formel. Bien que peu de donnes prcises soient disponibles, une littrature croissante sintresse ce secteur. Ainsi, sa taille, son organisation et la scurit quil confre aux communauts, sont vues comme des opportunits potentielles, ainsi que comme une expression de sa crativit et de sa rsilience.

216 Le secteur formel fournissait un emploi pour 3,3 habitants lindpendance. Ce taux est pass 1 emploi pour 6,3 habitants en 1967. Supposant quenviron 4 millions dhabitants sont employs dans la ville, et environ 800 0009 sont employs dans le secteur formel, ce taux serait aujourdhui de moins de 1 pour 10. Kinshasa est une mtropole lconomie principalement informelle, probablement une des villes les moins formelles dans le monde. Tableau 5: Structure de lconomie du Sud Kivu, 2006 - 2008PIB 2006 prix du march Secteur primaire Agriculture, pche et levage Foresterie Industries Extractives Secteur secondaire Manufacturier lectricit Eau Construction et travaux publics Secteur tertiaire Services commerciaux Commerce Autres services Services non commerciaux PIB total incluant tous les secteurs 2,69 462,605 3,059 388,272 2,852 359,552 2006 342,714 331,837 131 10,746 31,932 30,291 843 655 143 87,959 85,27 85,27 2007 270,053 262,579 187 7,286 30,497 29,097 569 651 179 87,723 84,664 84,664 2008 247,091 240,222 252 6,617 28,859 27,569 544 674 72 83,602 80,75 80,75

217

La situation de BukavuA premire vue, Bukavu et Kinshasa sont loppos. Bukavu est une petite ville, lconomie principalement rurale, ravage par prs de vingt annes de conflits, et subissant toujours les consquences dune importante inscurit, bien quen diminution. Cependant, la raison dtre de Bukavu tait autrefois identique celle de Kinshasa, une chelle moindre: Bukavu tait alors une ville administrative, de commerce et un centre logistique pour lconomie rgionale. En dehors de la taille, la diffrence principale rsidait dans le fait que Bukavu ntait pas une ville industrielle, et naccueillait quun nombre limit dunits industrielles. Trouver des informations pertinentes sur Bukavu est encore plus difficile que pour Kinshasa. Les donnes lchelle de la ville sont inexistantes, la ville nayant pas bnfici de lintrt qua pu susciter Kinshasa. Le profil conomique de la ville prsent ci-dessous est donc trs largement bas sur des hypothses tayes par les donnes provinciales.

Source: Banque mondiale, donnes par Province, 2010

Daprs le tableau 5, un certain nombre de faits importants apparaissent: (i) lconomie provinciale a dclin progressivement entre 2006 et 2008, en termes rels, et a connu une croissance modre en termes constants; (ii) ce dclin a affect tous les secteurs, bien que certains sous-secteurs aient augment; (iii) les secteurs qui ont connu le dclin le plus important ont t lagriculture, (28 % entre 2006 et 2008), la pche (40 %), le secteur minier (38 %), et la construction (49 %). Le commerce a dclin de 11 %. Les secteurs ayant connu une croissance ont t le secteur forestier (35 %), le secteur des transports (25 %), le secteur de la restauration (25 %) et lintermdiation financire (23 %). Cependant, dans une conomie dpendant 66 % du secteur primaire, ces secteurs en croissance nont pas compens la chute globale des revenus rels de 22 % entre 2006 et 2008, qui de plus sont intervenue dans une conomie largement dtruite par la guerre. Ces statistiques sous estiment trs certainement lconomie provinciale qui chappe en partie la comptabilisation statistique du fait du point des activits illicites, de linscurit, et par la capture rwandaise dune partie de la valeur ajoute provinciale cest notamment le cas de la production de caf qui traverserait la frontire de manire illgale. De la mme manire, le secteur minier est probablement plus important quil ny parat.

218 Partant du principe que la ville concentre lessentiel des secteurs secondaire et tertiaire, le PIB de Bukavu est estim environ 112 milliards FC pour 2008. Supposant que la population soit denviron 750 000 habitants, cela signifie que le revenu quotidien moyen est de 0.82 dollars par jour. La pauvret urbaine est estime 84,6 %, soit un niveau quivalent de celui de la pauvret rurale. Cela contraste fortement avec Kinshasa dont le taux de pauvret est aux alentours de 41 % (2008). Bukavu est donc bien en de du taux national de pauvret qui est aux alentours de 71,3%. Aux revenus gnrs localement doivent tre ajouts les transferts du Gouvernement central, dont une trs faible partie est consomme hors de la ville. Ils ont augment de manire significative dans les dernires annes: de 1,76 milliards de FC a 15,24 milliards en 2008. Lassistance humanitaire reprsente une autre source importante de revenus: 22,26 milliards de FC en 2008 qui auraient semble-t-il augment depuis lors. Au total, les revenus du Gouvernement provincial ont atteint 89,5 milliards de FC et auraient augment en termes rels. Les transferts du Gouvernement central et lassistance humanitaire ont reprsent chacun 6,2% du PIB de la province, soit peu prs autant que lensemble de la contribution du secteur secondaire. Ensuite viennent les maigres revenus dun secteur agricole limit une agriculture vivrire, dont la production et essentiellement consomm sur place, revendue localement et sert la consommation de produits imports, et du secteur minier. Ces revenus sont partiellement rinvestis Bukavu, et les observations empiriques suggrent que ces investissements profitent essentiellement un secteur immobilier en forte expansion Bukavu (non comptabilis dans les donnes ci-dessus, probablement du fait de lorigine illgale dune partie des revenus tirs des activits minires). Le revenu moyen quotidien est donc certainement suprieur aux estimations fournies ci-avant, mais dans des proportions relativement limites. Un autre indicateur de lconomie de la ville est la balance commerciale de la province. En 2008, celle-ci tait dficitaire de 154 millions de FC, les importations ayant atteint 126 milliards de FC, et les exportations tant peine de 15 milliards (soit un taux de couverture de 11,9 %). Ces rsultats sont suprieurs ceux de Kinshasa, mais doivent tre contrasts avec ceux de la fin des annes 1980, lorsque le Sud- Kivu tait un exportateur net de produits alimentaires vers le reste du pays, mais galement vers ltranger. Bukavu tait le centre de ces changes, servant de point dentre vers le cur productif de la rgion, concentrant les capacits de production, de logistique et de support, et fonctionnant comme que hub rgional de transport. Aujourdhui, Bukavu sert dlot de scurit pour les populations victimes de dcennies de guerres, dracines de leurs terres et de leurs communauts, et luttant pour survivre dans une ville physiquement trangle dont les capacits daccueil ont t largement dpasses. La densit de population est denviron 7 000 habitants au km2. Le chmage est suprieur la moyenne nationale (22 % contre 11 %), et plus lev dans la ville que

219 dans les zones rurales. Les infrastructures urbaines ont t dilapides et la fourniture en nergie est sporadique. La gestion urbaine manque de ressources et est inefficace. Avec leffondrement de lconomie rurale et labsence dalternatives adaptes, lconomie de Bukavu est en dclin. Cependant, il y a quelque signe de renouveau encourageant dun entreprenariat autrefois vant. Dans la priphrie de Bukavu, le long des trois axes routiers principaux en direction du nord, du sud et du sud-est de la ville, danciennes fermes commerciales dans les produits cls (th, caf, quinine, et sucre plus bas le long du lac Tanganyika) retournent progressivement leurs activits, mesure que la scurit samliore. Le tourisme fait galement un retour timide. Banro Corporation, une compagnie canadienne, sest engage en dpit de difficults investir prs de 150 millions USD. Les banques commerciales se rimplantent dans la ville et sont un des secteurs de la ville en pleine croissance. La cl dun dveloppement durable de Bukavu repose toutefois sur un retour concert au modle historique de croissance qui a fait la ville, cest dire celui dun ple dynamique de croissance du secteur rural. Carte 3.3: Carte des limites administratives de lhinterland scuris de Bukavu et principales routes daccs

220

221 toutefois agir. Ainsi, une ville de plus dun million dhabitants dispose des mmes services, comptences techniques et matrielles identiques, quune ville de 100 000. Kinshasa, avec son statut de Ville-Province, est un cas part, puisque lHtel de Ville et le Gouvernement Provincial ne font quun. Par ailleurs, jusqu la loi de 2008, une commune tait ncessairement une subdivision de la ville dont elle dpend. Avec la nouvelle loi, la commune est suppose disposer de la personnalit morale et de lautonomie financire, mme si la mise en pratique rencontre des obstacles. La nouvelle loi ouvre galement la possibilit driger une localit au rang de commune en dehors dune ville. Mais sur le terrain, certaines agglomrations ayant une population de plusieurs dizaines de milliers dhabitants gardent le statut de cit. Elles restent ainsi incluses dans les territoires qui sont des entits rurales, et sont prives dautonomie financire, de personnalit juridique et de toute structure technique pouvant grer les problmes urbains de base comme loccupation des sols. Leffort public dinvestissement en direction des villesGroupements Villages Quartiers

Leffort des pouvoirs publicsd. Des villes sous administresLe schma ci-dessous rcapitule le cadre institutionnel issu de la Constitution du 18 fvrier 2006 et de la loi de 2008.Etat 25 Provinces Villes Communes Quartiers Territoires Province-Ville de Kinshasa Communes Quartiers

Secteurs

Chefferies

Communes

Entit territoriale dconcentre Entit territoriale dcentralise

Lurbanisation rapide de la RDC ncessiterait des investissements massifs dans les villes. Il est aujourdhui difficile dvaluer leffort dinvestissement consenti par le Gouvernement et ses dmembrements dans les principales agglomrations du pays. Les politiques dinvestissement sont programmes par secteur dintervention et la distinction entre rural et urbain ne constitue pas un axe dorientation du budget. Seuls les grands projets dinvestissement financs par les bailleurs internationaux, ainsi que les budgets dinvestissement des collectivits locales (Provinces et Villes) peuvent constituer des indicateurs, par ailleurs partiels, de leffort public dinvestissement dans les villes. Lvaluation des besoins en investissement doit par ailleurs tenter de distinguer: (i) la mise niveau des infrastructures, (ii) louverture lurbanisation de nouvelles zones dextension, (iii) les besoins lis la modernisation et au dveloppement conomique (crucial notamment Kinshasa). Les macro-conomistes considrent que les Pays Faible Revenu devraient consacrer au moins 7 % de son PIB aux investissements publics.10 Compte tenu du taux durbanisation moyen des pays concerns, on pourrait considrer que le tiers de cet investissement public devrait aller aux villes11. Sur ces bases, on peut estimer que leffort dinvestissement public de la RDC en direction des villes devrait reprsenter 16 % 17 % du budget de lEtat et de lordre de 12USD par habitant urbain soit trois fois le budget actuel des collectivits locales. Pour valuer les carts combler, il faudrait pouvoir valuer, par exemple dans le cadre dun Cadre de Dpenses Moyen Terme (CDMT), les efforts rellement consentis aujourdhui et les perspectives dvolution, notamment au regard des textes sur la dcentralisation.

Daprs la Loi Organique de 2008, on entend par Ville tout chef-lieu de province ou toute agglomration dau moins 100 000 habitants disposant des quipements collectifs et des infrastructures conomiques et sociales laquelle un dcret du Premier ministre aura confr le statut de ville et on entend par commune tout chef-lieu de territoire ou toute subdivision de la ville ou toute agglomration ayant une population dau moins 20 000 habitants laquelle un dcret du Premier ministre aura confr le statut de commune. A part les Provinces qui ont une Assemble provinciale et un Gouvernement avec ses ministres, le manque de moyens financiers na pas permis de crer des services administratifs spcifiques pour chaque chelon. Pour les villes, la solution a consist appliquer lun des principes du modle populaire et rvolutionnaire mis en place en 1967 et consistant sauvegarder le systme unitaire de lEtat en nommant tous les chelons des fonctionnaires de lEtat sous tutelle directe de lEtat. Ainsi, la Ville na pas de services techniques municipaux; elle doit composer avec les divisions urbaines des administrations centrales qui relvent de Kinshasa et qui ont leur propre organisation, indpendante de celle de ladministration municipale pour laquelle elles sont supposes

222 Tableau 3.6: Effort dinvestissement en direction des villes PIB Per capita Population Population urbaine Budget Etat (hors dons) Per capita Budget Collectivits locales Per capita Investissement public total optimal % budget Etat Per capita Investissement public urbain % budget Etat Per capita urbain Unit & hypothse Million USD USD Milliers Milliers Million USD USD Million USD USD Million USD (7 % PIB) % USD Million USD (33 % inv. Public) % USD 2007 10013 164 61053 21491 1475 24 89 4 701 48% 11 231 16% 11 2010 12304 178 69010 24292 1821 26 109 4 861 47% 14 284 16% 12 2014 17352 223 77973 29415 2412 31 145 5 1215 50% 16 401 17% 14 8,2% 8,2% Evol. Moyenne annuelle 8,2 % 2,8% 3,1% 4,9% 7,3%

223 Les relations entre les diffrentes entits sont dfinies par divers textes, et en particulier par la nouvelle Constitution, promulgue le 18 fvrier 2006, qui instaure un quasi-fdralisme (bien que lEtat reste de forme unitaire), conformment au compromis de Sun City sign en 2002. Les Provinces ne sont plus des collectivits dcentralises mais des entits politiques rgionales, disposant dun Parlement et dun Gouvernement provincial, sur lesquels lEtat na aucun pouvoir de rvocation. La loi organique n08016 du 07 octobre 2008 prcise la composition, lorganisation et le fonctionnement des entits territoriales dcentralises et leurs rapports avec lEtat et les Provinces. Encadr 3.3: Points cls pour comprendre le systme de fonctionnement territorial Le systme dadministration territoriale actuel est le rsultat de trois inspirations: le modle populaire et rvolutionnaire mis en place avec la cration du MPR2 en 1967, et prnant la fusion des structures administratives et politiques, y compris dans les Provinces et dans les Villes; ce systme sest notamment traduit par une trs forte centralisation et la nomination de fonctionnaires de lEtat tous les chelons territoriaux (Provinces, Villes, Communes, Territoires); lobjectif tait notamment de sauvegarder le caractre unitaire de lEtat; le modle dcentralis, sous linfluence internationale, dans lequel dconcentration des ministres et dcentralisation des dcisions politiques cohabitant; le modle fdral, inspir initialement du modle colonial Belge et par les caractristiques physiques du pays, avec la cration, en 2006, de Gouvernements provinciaux dots de Ministres provinciaux. Depuis la premire loi sur la dcentralisation en 1982 (Ordonnance loi de dcentralisation) les Autorits tentent dtablir un quilibre entre ces diffrents hritages ou inspirations; les rsistances aux modles, la fois dcentralis et fdral (risque de balkanisation du pays), demeurent importantes. La consquence est que, depuis le dbut des annes 80, le systme a peu volu. Les lois successives (1995, 1998) et le changement de Constitution (2006) nont pas rellement boulevers lquilibre des pouvoirs et le systme reste marqu par une forte centralisation. Cette centralisation va de pair avec limbrication des circuits dcisionnels de lEtat et des entits dcentralises. Les dcisions sont prises depuis Kinshasa et rpercutes jusquau niveau local au travers des divisions ministrielles dconcentres et places au sein des ETD. La dualit des fonctions qui en rsulte sorganise par une distribution des tches mettant laccent sur le contrle rciproque des institutions au dtriment de

Sources: Auteur partir des donnes PIB et budget Etat (FMI), Population (Banque mondiale & UNHabitat).

Les freins la contribution du secteur urbain la croissancee. La faible capacit des acteurs publicsLa gestion urbaine chappe aux Villes Le paysage institutionnel urbain de la RDC est marqu par un certain dsordre dans lintervention des acteurs publics (Etat y compris concessionnaires et autres structures rattaches, Province, Ville, Commune) li la priode de transition dans lequel se trouve le pays depuis ladoption de la Constitution de 2006: superposition ou concurrence entre les diffrents acteurs, dilutions des responsabilits. En labsence de clarification des comptences et des moyens daction accords aux acteurs locaux, la gestion efficiente des centres urbains apparat compromise.

224 la production de services: le contrle administratif est exerc par les ETD, le contrle technique par les divisions ministrielles. Le financement des ETD est opr dans le cadre dun vaste systme de redistribution nationale des ressources fiscales recouvres localement3. La centralisation se retrouve tant en recettes quen dpenses. La fiscalit locale est constitue de quelques impts peu rentables (impts fonciers, impts sur les vhicules et patente sur les petites activits artisanales et commerciales) cds ds les annes 1980 en contrepartie de la prise en charge par les ETD dun certain nombre de menues dpenses. Lessentiel des ressources des ETD, et notamment des Provinces, provient donc des rtrocessions des grands impts nationaux sur les revenus et sur la consommation. La rtrocession aux provinces et ETD sopre sur la base dune retenue la source par les Provinces de 40 % des recettes dintrt national recouvres localement; ce pourcentage est suppos donner lieu la rpartition de 25 % des montants correspondants la Province et 15% aux ETD (Ville et communes). Ce dispositif, institu par la Constitution de 2006, cristallise lessentiel des dbats sur le financement de la dcentralisation. Les dpenses dinvestissements, les frais de personnel et les frais de fonctionnement sont quasi intgralement couverts par lEtat. Encadr 3.4 : Les dispositions de 2008 sur les comptences de la ville

225

Le partage des comptences entre les entits est fix par la Constitution et la loi organique n08/016 du 2 juillet 2008. En termes de gestion urbaine, la Ville disposerait de comptences largies touchant lessentiel des infrastructures et quipements attendus: Infrastructures : construction des voiries, clairage public, amnagement du drainage et eaux uses, collecte et vacuation des ordures mnagres, amnagement des sources et forages de puits deau, construction et exploitation des microcentrales pour la distribution dnergie lectrique, clairage public, autorisation de stationner, de circuler pour les taxis et bus. quipements publics: amnagement et gestion des marchs (dintrt urbain); initiative de cration dcoles et construction/entretien des btiments scolaires dEtat; autres btiments (muses, centres socioculturels,) et espaces publics. Dveloppement urbain et foncier : Plan damnagement de la ville ; Actes de disposition dun bien du domaine priv de la ville et actes de dsaffectation dun bien du domaine public de la ville. La mairie na pas dattribution relative aux btiments de sant. En matire de gestion foncire, la comptence chappe la Ville et aux Communes et revient la Province et lEtat, seuls responsables de lattribution des parcelles et de la politique du logement Le partage de ces comptences de gestion urbaine avec les communes reste clarifier. Le lgislateur sest content dajouter dintrt communal la suite des comptences dvolues la Ville; ce qui ne manquera pas de poser des problmes au moment de la mise en place effective des entits dcentralises communales (lections communales). Lorganigramme de la Ville rsulte dune fusion entre les services dconcentrs de lEtat plac au niveau de la Mairie, et les services propres de la Mairie, principalement constitus de personnels contractuels. Initialement, la distinction entre ces deux types de services renvoyait une distinction en termes de financement: dun ct les services agissant pour le compte de la commune et financs par les recettes locales, de lautre les services agissant au nom de lEtat et dont le budget tait couvert par des transferts de lEtat (budget national local). Aujourdhui, cette distinction nest plus tout fait justifie, la Ville ne percevant plus aucun transfert financier de lEtat en dehors de la paie du personnel qui lui est affecte.

Les principaux acteurs du dveloppement et de la gestion urbaine

226 En ce qui concerne les communes, elles nont pas de personnalit juridique et dpendent de la Ville tant administrativement que financirement. Les bourgmestres, autorits politiques, sont placs sous lautorit du Maire de la Ville et les relations entre les deux entits semblent se limiter aux aspects administratifs. Ainsi, dans le cas de Lubumbashi par exemple, les bourgmestres doivent un rapport quotidien tous les matins entre 9h et 9h30. De la mme manire, le Maire fait un rapport au Gouverneur de la Province tous les jours avant 13h. Cette situation pourrait voluer avec lapplication de la loi organique de 2008. Laugmentation rcente des moyens financiers et matriels dvolus la ville par la Province entrane dailleurs une pression croissante des Bourgmestres sur le Ministre de lIntrieur pour assumer leur rle dEntit Dcentralise. A linverse, la Province apparat comme lacteur cl de la gestion et du dveloppement urbain. Pour le Katanga par exemple, le budget Provincial 2008 (ralis et en grande partie affect la ville de Lubumbashi) slevait 69 Mds FC, comparer au budget de la Ville (0,6 MdFC). Les comptences de la Province sont dfinies en termes gnraux par la Constitution de 2006 (art. 204): elle exerce des comptences en propre et des comptences exerces pour le compte de lEtat. En matire de gestion urbaine, la Province est comptente pour les questions dhabitat urbain et dquipements collectifs provinciaux et locaux . La Province intervient dans lattribution des parcelles et la gestion des extensions urbaines, ainsi que dans la ralisation de tous les investissements dimportance sur la ville. Compte tenu de ses moyens financiers, elle se substitue trs souvent la Ville dans la plupart des domaines lists comme relevant de cette dernire, y compris dans la gestion des dchets solides. Les grands services urbains relvent doffices et de socits nationales intervenant sous le contrle direct de lEtat central (Ministres de lEnergie et du Portefeuille). Il sagit de la REGIDESO (Rgie de Distribution dEau) et de la SNEL (Socit Nationale dElectricit). Sajoutent ces deux concessionnaires lOVD (Office des Voiries et du Drainage), sous la tutelle du Ministre des Infrastructures et Travaux Publics, qui dispose dantennes dans chacune des villes capitales provinciales, mais se trouve prise en tau entre sa hirarchie (nationale) et le Gouvernement provincial. La mise en place de Ministres provinciaux en 2007 a encore complexifi le paysage institutionnel. Les services dconcentrs, autrefois sous le contrle du Ministre central et sous lautorit de ladministration territoriale, sont dsormais soumis une troisime autorit hirarchique : le ministre provincial dont la relation avec ladministration centrale Kinshasa ncessite dtre clarifie. En clair, le mouvement de dconcentration engag avec le renforcement des Provinces na pas supprim lintervention du pouvoir central ; la fusion des services dconcentrs et dcentraliss au sein du Gouvernorat entrane, ce jour, une relation de tutelle entre lchelon Ville et lchelon Provincial.

227 Au final, dans lattente de lapplication de la loi de 2008, la Ville nest pas aujourdhui lacteur principal de la gestion et du dveloppement urbain. Elle a essentiellement une mission gnrale de contrle et de coordination de ses propres services et de ceux mis sa disposition par lEtat. Elle nest responsable de la production daucun service public urbain en particulier. En consquence, ses dpenses effectivement consacres la production de services urbains sont quasi inexistantes.

La faible capacit financire des Entits Territoriales DcentralisesLe systme de financement de la Ville et de la Province (ETD) repose pour lessentiel sur la prquation nationale des ressources recouvres localement. Les rtrocessions qui en dcoulent soprent en cascade de lEtat vers les Provinces, puis des Provinces vers les Villes, les communes et les territoires. Le dispositif prvoit que la rtrocession va jusquaux Communes, sachant que celles-ci doivent disposer de budgets propres et tre ordonnateurs de leurs dpenses pour pouvoir en bnficier, ce qui nest pas encore le cas pour la plupart des communes. Le pourcentage de ressources rtrocdes par lEtat a augment avec la reconnaissance du principe de libre administration des Provinces: il est pass de 15 % jusquen 2007 40 % en 2008. Ces 40 % sont supposs tre rpartis entre 25 % pour la Province et 15 % pour les Villes, Communes et Territoires. Paradoxalement, depuis la mise en place en place des Assembles provinciales lues en 2007, les recettes rtrocdes ne sont plus retenues la source, comme auparavant, ce qui contribue un allongement des dlais dans la mise disposition des fonds et une moindre visibilit sur les montants attendus. Le dispositif souffre actuellement des difficults financires de lEtat, ce qui rend les versements alatoires. Les critres de calcul des rtrocessions entre les Provinces sont flous (critre de localisation des recouvrements, critre dmographique ou autres) et une confusion subsiste entre les 40 % rtrocder et le budget dconcentr de lEtat (paie du personnel de lEtat et menus frais de fonctionnement des services correspondants). Dans la plupart des cas, ces 40 % ne sont pas rellement reverss, mais sont inscrits au Budget National comme affectes au financement de dpenses pour la Province. Lorsquils sont reverss, la Province fait de mme avec les Villes et les Communes. La centralisation de certaines recettes fiscales ou parafiscales majeures, comme la fiscalit minire ou la fiscalit des grandes entreprises, rend par ailleurs le systme difficile dcrypter.

Lintrt de faire avancer la rforme territorialeLes Provinces et les entits dcentralises congolaises voluent donc dans un contexte de transition depuis 3 ans. Lanalyse prliminaire montre que le contexte actuel en matire de dcentralisation et de gestion locale nest pas propice une contribution des villes la richesse nationale. Il se caractrise par:

228 Une forte centralisation du systme administratif et politique: (i) une tutelle de lEtat omniprsente travers la reprsentation des services centraux jusquau niveau local; (ii) jusqu prsent, pas de transfert financiers de lEtat vers les collectivits avec et donc un systme bas sur le chacun pour soi; Labsence de fiscalit locale. Dans la pratique, le systme est bas sur une fiscalit nationale partage, dont lefficacit en termes de perception et de rpartition aux chelons infrieurs reprsente une difficult majeure du dveloppement local. Les nouveaux textes prfigurent un dbut de fiscalit locale en confiant la responsabilit exclusive de trois impts directs la Province et en affectant limpt personnel minimum au profit exclusif des communes, secteurs et chefferies. Lessentiel des ressources fiscales reste dans lescarcelle tatique. Une rforme est ltude; La difficile rpartition des produits de la fiscalit entre provinces et ETD. La constitution de 2006 instaure un quasi-fdralisme de Provinces sans remettre en cause la centralisation des financements des ETD. Cest maintenant au niveau de la Province que seront dfinis les mcanismes de rpartition des recettes rtrocdes ou cdes entre ETD dun mme territoire provincial, enjeu crucial de la gestion locale; La rigidit du systme hirarchique de ladministration congolaise : les agents affects dans les divisions provinciales, puis urbaines, puis services doivent respecter la grille hirarchique en vigueur. Ce qui fait que les agents affects des services provinciaux, et surtout ceux affects aux services urbains, mme pour des villes importantes, nont ni la marge de manuvre ni les comptences ncessaires; Lattente dlections locales: les lections locales nayant pas encore t organises, les Villes sont diriges uniquement par un Maire et un Maire adjoint, nomms par Dcret Prsidentiel. Le Conseil Consultatif Urbain ne sera mis en place quavec les lections; cette situation, qui perdure depuis 1997, fragilise la Ville, notamment vis--vis de la Province dont lassemble dlibrante a t lue en 2006 et le Gouverneur en 2007.

229 zones ddie aux activits a entrain une rappropriation du centre administratif de Lubumbashi par les activits semi-industrielles et dentreposage, la population tant progressivement rejete dans des quartiers priphriques de plus en plus loigns du centre ville. Ailleurs et notamment Kinshasa et Lubumbashi, lhabitat ctoie des activits industrielles potentiellement dangereuses au plan environnemental.

Urbanisme: obsolescence des textes, absence de rglementsDans la ville coloniale et cela ds 1910, lorganisation spatiale de la ville instaure par les Belges tentait de rpondre trois finalits : (i) conomique, afin de faciliter lexportation des matires premires, (ii) sociale, afin de garantir le bien-tre des Europens rsidents au Congo (RD), et (iii) esthtique, travers la production de villas et de beaux paysages. Elle sest traduite par un amnagement de lespace qui implique de planifier loccupation du sol en tablissant un quilibre entre des besoins en croissance et une offre territoriale cde par le chef coutumier. Les quipements taient alors raliss sur la base dune programmation par lEtat, qui avait un contrle des terres. Aprs lIndpendance, les nouvelles autorits ont continu de produire des plans damnagement, selon les modalits prvues par la loi sur lurbanisme du 20 juin 1957, encore en application aujourdhui, en dpit du caractre dsuet de ses dispositions. On estime globalement quune soixante de plans ont ainsi t finaliss pour les centres urbains du Congo, dont 26 avant 1960, et une trentaine entre 1960 et 2000. Etablis sur un horizon de 10 ans, ils sont aujourdhui tous largement dpasss. A titre dexemple, le dernier schma directeur de Kinshasa date de 1976. La rduction des moyens financiers accords au Ministre en charge de lurbanisme (aussi bien pour les tudes que pour la matrialisation de ces plans sur le terrain) a probablement constitue un facteur important de non actualisation de ces documents. Ce vide a laiss place un urbanisme oprationnel rduit la production de plans de lotissements essentiellement destins vendre le plus rapidement possible le plus grand nombre de parcelles. Ces plans de lotissement ne sont gnralement pas raccords un plan densemble de la ville; la largeur des voies et les emplacements rservs aux quipements sont gnralement sacrifis au profit des parcelles dhabitat. Labsence de plans damnagement et de rglement durbanisme a mis fin la procdure de contrle des autorisations de btir.

La faiblesse/absence des outils de gestion urbaineLtalement urbain et labsence de trame urbaine respecte conduisent dj des surcots pnalisant en termes dinfrastructure et dquipement et rduisent les perspectives de voir les centres urbains contribuer la croissance. La faute incombe labandon progressif des documents durbanisme lchelle de la ville (Schma directeur, plan doccupation des sols), au profit de simples plans de lotissement tablis par lAdministration en charge des affaires foncires, gnralement non respectueux des normes minimales damnagement. Le dveloppement anarchique des villes a fait que des terrains propices lactivit conomique ont souvent t gaspills. Dans certaines villes minires par exemple, des habitations ont t riges sur des carrires potentielles (Kolwezi). Labsence de

Linscurit foncire, handicap majeurLes activits conomiques dans les centres urbains sont fortement pnalises par linscurit foncire, alors que le foncier devrait tre la base des investissements. La responsabilit incombe principalement aux drives prsentes plus haut.

230 Sans plan durbanisme et dans un contexte de pression foncire importante, la ville est amnage par le Cadastre, dont ce nest ni la prrogative, ni le mtier. Le Cadastre a visiblement pris le relais dune administration de lurbanisme trop lente et loigne des demandes exprimes par les populations en qute dun terrain. La machine sest emballe et les consquences aujourdhui du non-respect des procdures de la chane de production du foncier btir sont colossales. Les gomtres du Cadastre tirent leur pouvoir de leur bonne connaissance du terrain et de leur positionnement de premier intermdiaire face aux demandeurs de parcelle, permettant ceux-ci de surmonter les obstacles de la filire (dlais, cots). Ils confectionnent ainsi des plans de lotissement sur des coins de table, sans respect de la moindre norme technique ni de la rglementation: pas dadaptation au terrain naturel, chelles non rglementaires, en court-circuitant les structures administratives comptentes (services de lurbanisme, commission provinciale) et mme sans approbation par lautorit gouvernementale. Par exemple, Lubumbashi, seulement deux lotissements ont fait lobjet dune publication au Journal Officiel ces 5 dernires annes alors que de nombreux lotissements ont t crs. Les parcelles qui en sont issues sont par la suite attribues dans des conditions peu claires. La tenue des archives, pilier fondamental du foncier, est presque inexistante : les services chargs de la Conservation disposent rarement des actes de mise en concession; ceux-ci tant dtenus par les agents du Cadastre. Le manque de traabilit des actes tout au long de la chane de gestion du foncier contribue ainsi alimenter les nombreux conflits fonciers constats notamment en priphrie des villes. Linscurit foncire est galement alimente par limplication des chefs coutumiers dans la distribution des parcelles. Le phnomne est ancien: dabord manifestation de dsobissance civique vis--vis du colonisateur, elle a perdur aprs lIndpendance, au point de devenir le principal mode daccs au foncier dans certaines villes. Les chefs coutumiers se sont heurts la nationalisation des terres intervenue sous le Prsident Mobutu, dans les annes 70. Ce qui aurait pu permettre une clarification des textes a finalement contribu complexifier davantage la situation, et constituer une source supplmentaire de conflits sur lesquels les tribunaux ont, encore aujourdhui, du mal statuer, faute de textes clairs (lOrdonnance Prsidentielle qui devait prciser les modalits nexiste toujours pas, plus de 35 ans aprs la promulgation de la loi). Enfin, en rendant attaquable pendant 2 ans le certificat denregistrement les autorits on ouvert la possibilit toutes les contestations sur les droits des nouveaux propritaires. Cette rforme de 1980, qui tait cense protger les ayants-droits, a, au contraire, ouvert une brche supplmentaire dans laquelle simmiscent de nouveaux conflits fonciers. La situation actuelle est donc largement la consquence de textes anciens, inadapts au contexte actuel. Cette situation a t identifie et analyse dans de nombreuses tudes

231 proposant des actions pour rformer le systme et, terme, refondre les textes de loi relatifs au foncier, afin de mettre en place des procdures plus simples et adaptes.

Des villes qui cotent cherLautre consquence de cet urbanisme reposant sur les actions du Cadastre, cest quil contribue grever les cots de gestion de la ville. La taille trop importante des parcelles (dans les nouveaux lotissements de Lubumbashi la superficie des parcelles est rarement infrieure 1 200 m) ainsi que leur mauvaise conception (plus grand ct le long de la route) conduisent un talement des villes, qui induit des surcots important pour lamene des rseaux et les transports. Cest le cas par exemple Lubumbashi o la densit est en constante diminution. Dans dautres cas, les parcelles, une fois attribues, sont morceles et revendues des tiers, crant ainsi des ghettos o lamene des rseaux cotera probablement plus cher. Encadr 3. 5: Le cas de Bukavu

DensificationLextension de lurbanisation de Bukavu est contrainte par le site sur lequel elle est installe : le lac au Nord, la frontire avec le Rwanda lEst, et les montagnes qui culminent plus 2000 mtres daltitude au Sud-ouest, pour descendre en pentes plus ou moins escarpes jusquau lac 1.400m daltitude. La capacit daccueil du site avait t value 350 000 habitants dans une tude12 de 1979. Cette capacit a vite t atteinte, mais les annes de guerre, qui ont provoqu un afflux massif de population dans les villes, fuyant linscurit encore plus grande dans les zones rurales, na pas pargn Bukavu pour autant. Cette population sest installe en ville, dabord dans les zones urbanises existantes. Les habitants ont morcel leur parcelle y voyant une source de revenu non ngligeable dans ces temps difficiles, et sur une seule parcelle, plusieurs maisons ont pu tre construites. Paralllement, certains de ces nouveaux arrivants se sont installs dans les zones boises et collinaires qui existaient dans le milieu urbain, sur des pentes dpassant parfois 30%. La situation de guerre na pas permis de contrler et dempcher ces installations anarchiques, et a offert aux agents du cadastre la possibilit de fournir des papiers en rgle pour toutes ces implantations, mais sans plan de lotissement, ni bornage en bonne et due forme sur le terrain. Aujourdhui la capacit daccueil de la ville est largement dpasse, et on observe des densits dhabitants lhectare assez rares dans les villes africaines (plus de 500hab/ha). Les parcelles, issues des morcellements, sont trs petites, et incitent

232 des constructions en hauteur, sur plus de deux niveaux, phnomnes encore plus rares dans les villes de cette taille et contraire la culture du pays affiche dans les autres provinces. Se pose aussi le problme de ces quartiers, construits sur des pentes fortes et rosives, sans quipement, sans voies daccs, et dont les habitants pourtant ont des titres de proprit dlivrs par les autorits. Carte 3.4: Bukavu : site et urbanisation sur les pentes

233

Faiblesse de linformation sur les villes et rle du Bureau dEtudes dAmnagement et dUrbanismeJusquau dbut des annes 1980, le secteur urbain a t marqu par lomniprsence du Bureau dEtudes dAmnagement et dUrbanisme (B.E.A.U.) qui tait la base de la ralisation des tudes durbanisme et de dveloppement rgional. Bnficiant dun important concours technique et financier de la Coopration franaise, et cela dans un contexte dhyper centralisation de la gestion du pays, il sest impos comme le centre dtudes par excellence sur les villes du Congo. Malheureusement, les financements franais au B.E.A.U. se sont beaucoup ralentis, tout comme lensemble des financements extrieurs qui permettaient la ralisation de projets intressant le dveloppement urbain. Le suivi du secteur a donc presque totalement t abandonn, dautant plus quil reposait encore, pour lessentiel, sur un important dispositif dassistance technique mis en place sur financement bilatral franais. Le B.E.A.U. a par ailleurs pay le prix fort pendant les troubles politiques des annes 1990: ses locaux ont t vandaliss et lessentiel de la documentation existante a t perdu. A lchelon national (B.E.A.U. ou ministres), en dehors des rcents dveloppements sur Kinshasa avec lappui de la Coopration japonaise ou de projets en cours de ralisation par diverses agences dexcution, on ne dispose plus dlments sur les villes. Trouver un fond de plan datant de moins dune vingtaine dannes est une vritable gageure. Au niveau local, la situation est plus proccupante encore: les gestionnaires, mme dans les plus grandes villes, ne disposent pas de donnes actualises sur les infrastructures et les quipements, encore moins sur laccessibilit aux services, paramtres qui traduisent le niveau de satisfaction des besoins de la population. Par exemple, les services de la ville de Bukavu ne disposent que de cartes tablies en 1985. Le secteur urbain souffre donc de linsuffisance des donnes, mme les plus lmentaires, comme les donnes dmographiques. Ceci pose un problme majeur : comment dfinir sur des bases objectives le programme de Reconstruction engag ? Comment arbitrer entre les villes? Comment dfinir les priorits au sein dune ville? Dans un contexte o lessentiel de linvestissement public est financ au niveau central et sur aide extrieure, lexistence de donnes fiables et actualises sur les villes est indispensable la prise de dcision. Il apparat donc indispensable de concevoir un dispositif dont lexistence et la viabilit devront tre indpendantes des alas du contexte conomique et, dans la mesure du possible, du niveau de laide extrieure au secteur du dveloppement urbain. Au regard de lampleur des besoins, il sagira dun systme relativement simple au dpart, mais destin monter en puissance, en fonction de lamlioration des moyens techniques, humains et financiers accords aux institutions.

Disparition de la dlivrance des autorisations de btirCette situation foncire trs complexe ne permet pas de dlivrer des autorisations de btir en rgle, car cela impliquerait que la situation foncire de chaque demandeur soit officialise par les services de lurbanisme. Les habitants ont perdu lhabitude de demander des autorisations, et mme quand ils le font, les travaux de construction sont le plus souvent en cours ou dj achevs. De plus, comme la plupart des constructions se font en hauteur, mme pour des maisons de particulier, cela voudrait dire que les autorisations doivent tre donnes par le Ministre central Kinshasa, ce qui semble infaisable et contre productif. Ceci illustre une fois de plus lobsolescence de cette loi qui date de 1957, poque laquelle les constructions en tages taient extrmement rares.

234

235 capacit et en mauvais tat, ce qui renforce la congestion ainsi que la pollution. Ces vhicules reprsenteraient plus de 50 % du trafic journalier, 75 % aux heures de pointe. Les tarifs pratiqus, grevs par la mauvaise qualit de linfrastructure et les mauvaises conditions dexploitation, apparaissent levs pour une bonne partie de la population. Les infrastructures ferroviaires interurbaines sont sous-exploit ou mme ont disparu (Katanga). Loffre en transports collectifs apparat donc inadapte, puisquelle ne couvre que trs partiellement les besoins.

Les insuffisances de gestion de la mobilit et des quipements marchandsUne mobilit dfavorise par loffre Les transports urbains sont un des lments cl de la productivit de lconomie urbaine. Leur faible organisation Kinshasa comme dans la plupart des centres urbains du Congo gnre de nombreux effets ngatifs sur lconomie urbaine et les conditions de vie des habitants: dures des dplacements, accidents, pollution atmosphrique et sonore. Pour les habitants, cela se traduit par une importante ponction sur les budgets des mnages, des conditions de transport pnibles, quelques fois la limite de la dcence. La question de la mobilit pour les villes congolaises se dcline en trois points13: (i) une demande forte; (ii) une offre insuffisante mais surtout inadapte et (iii) des pouvoirs publics absents.

La marche pied reste le principal mode de dplacement en ville.Toutefois, on note, depuis quelques annes, lmergence de vlos et motos-taxis, favorise la fois par ltat de la voirie et la modicit des revenus. Ce mode de transport, malgr quelques prcautions comme lobligation du port des casques Bukavu, ne fait lobjet daucune attention particulire pour le moment, ce qui risque de conduire lanarchie observe dans certaines villes africaines (Cotonou, Douala), aggravant la situation actuelle.

Une demande en forte expansion mais avec un pouvoir dachat faibleLaccroissement rapide de la population urbaine et ltalement mal matris des villes conduisent une augmentation de la demande aussi bien en volume quen termes de distances parcourir. Des enqutes menes dans les principaux centres urbains du pays montrent que la grande majorit des dplacements motoriss se font en transports collectifs. Ils rvlent aussi un niveau de mobilit infrieur la moyenne observe dans les villes africaines14. Il apparat donc que la majorit des dplacements se font pied. Malgr limpression dgage par les embouteillages observs notamment Kinshasa, les gens se dplacent peu, ou font leurs dplacements pied. Cette situation est caractristique de la pauvret urbaine et constitue donc un frein la productivit urbaine. On note galement, dans la plupart des villes, une forte centralit des dplacements, consquence dune structuration urbaine sans ples secondaires (quartiers priphriques), hrite de lpoque coloniale. Il sen suit donc un mouvement pendulaire, avec une demande importante le matin en entre au centre-ville et laprs-midi pou