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Communication orale Re ´ union : interface socie ´te ´ des neurosciences - Socie ´te ´ franc ¸aise de neurologie (SFN) Jeudi 28 avril 2011 Tronc ce ´ re ´ bral, thalamus et cortex, acteurs cle ´s de notre douleur L. Villanueva Inserm U894, centre de psychiatrie et neurosciences, 75634 Paris 13, France Mots-cle ´s : Cortex ce ´re ´bral ; Tronc ce ´re ´bral ; Douleur De nombreuses e ´tudes montrent que la perception de la douleur implique a ` la fois des me ´ canismes de transduction des stimuli nocifs environnementaux et des syste `mes de modulation endoge `nes sous l’influence de facteurs cognitifs et e ´ motionnels. Des travaux re ´cents ont rendu obsole ` te le vieux de ´bat entre les e ´coles dites « spe ´cifistes » et « non-spe ´cifistes ». Les premiers de ´ fendaient l’existence de nocicepteurs pe ´riphe ´riques et des circuits ascendants labellise ´s, active ´s seulement par des stimuli douloureux, lesquels provoque- raient de manie `re spe ´cifique et ine ´luctable la sensation douloureuse. Les autres proposaient que la perception de la douleur soit sous l’influence du contexte dans lequel la stimulation nociceptive a lieu, la sensation re ´ sultante de ´pendant de la mise en jeu de puissants me ´canismes de modulation centrale. Il existe en re ´ alite ´ des voies de trans- duction spe ´cifiques des stimuli nociceptifs montrant ainsi le haut niveau de spe ´cialisation des nocicepteurs pe ´riphe ´ri- ques, qui repre ´sentent le premier site du syste `me d’alarme de l’organisme. De plus, la mise en jeu de me ´ canismes de modulation centrale par une grande varie ´te ´ de stimuli (douloureux mais e ´ galement non-douloureux) permet de comprendre pourquoi certains e ´tats de sensibilisation cen- trale n’impliquent pas, en fait, l’activation de nocicepteurs. Dans cet expose ´, nous verrons que les re ´ seaux neuronaux qui inte `grent les influx pe ´riphe ´riques agissent de concert avec les syste `mes de modulation, de `s l’arrive ´e du message nociceptif dans le syste `me nerveux central. Apre `s une ana- lyse succincte des me ´canismes de modulation centrale, l’importance des me ´canismes d’origine corticale sera illu- stre ´e par leur capacite ´a ` moduler l’ensemble des re ´ seaux nociceptifs situe ´s en amont. Nous verrons qu’une meilleure connaissance de ces derniers permettra probablement de comprendre les interactions entre les re ´ seaux nociceptifs spe ´cifiques et polymodaux ainsi que les phe ´ nome `nes de plasticite ´ lie ´s a ` la douleur chronique. L’ence ´ phale en tant que cible de l’action pharmacologique antalgique A. Eschallier Texte non transmis. L’insula interface entre douleur et empathie F. Mauguiere Neurologie fonctionnelle et e ´pileptologie, ho ˆ pital neurologique, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron, France Mots-cle ´s : Douleur ; Empathie ; Insula Depuis les premie `res descriptions anatomiques de Johann Christian Reil, l’insula est reste ´e une ıˆle oublie ´ e pendant deux sie `cles avant de devenir l’une des re ´ gions les plus visite ´ es du cortex ce ´re ´bral. Au cours des dix dernie `res anne ´es, plus de 26 000 articles d’imagerie en Anglais lui ont e ´te ´ consacre ´ s. Cet engouement re ´cent des neuroscientifiques se double d’un regain d’inte ´re ˆt des e ´ pileptologues a ` l’origine de multiples travaux e ´ lectrophysiologiques comple ´ tant les donne ´es initialement publie ´es par Wilder Penfield dans les anne ´es 1950. Les le ´sions insulaires, rarement limite ´es au seul cortex insulaire, re ´duisent la re ´ action e ´motionnelle a ` la douleur, e ´le ` vent le seuil douloureux et peuvent produire allodynie et douleurs centrales. Le me ´ ta-analyse base ´ sur l’e ´tude voxel a ` voxel des travaux d’imagerie fonctionnelle montre une repre ´ sentation bilate ´ rale des sensations somatiques et de la douleur dans la partie poste ´ ro-supe ´ rieure de l’insula. Les enregistrements intrace ´- re ´ braux ont identifie ´ la douleur comme sympto ˆ me des crises e ´ pileptiques insulaires et montrent des re ´ ponses aux stimula- tions douloureuses dans l’insula poste ´ rieure. Seule la stimula- tion de cette partie de l’insula et de l’aire somatosensitive secondaire (SII) voisine sont capables de produire une sensa- tion douloureuse. L’induction, l’imagination ou le rappel des e ´ motions ne ´ gatives ou positives active la partie ante ´ ro-infe ´ rieure de l’insula ; il en est de me ˆme dans tous les paradigmes ou ` le sujet e ´ value son degre ´ d’empathie a ` la douleur de l’autre dans une situation ou ` il s’identifie a ` l’autre devant une image « algoge ` ne » d’un corps qui pourrait e ˆtre le sien ou lorsqu’il assiste a ` l’expression faciale de la douleur chez autrui. Globalement le cortex insulaire posse `de donc toutes les qualite ´s d’une « interface » entre douleur et empathie. Il reste a ` de ´ter- miner si le codage de l’intensite ´ de la douleur dans l’insula revue neurologique 167s (2011) a207–a209 0035-3787/$ – see front matter doi:10.1016/j.neurol.2011.02.027

REUNION : INTERFACE SOCIETE DES NEUROSCIENCES-SOCIETE FRANCAISE DE NEUROLOGIE (SFN)

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Communication orale

Reunion : interface societe des neurosciences - Societefrancaise de neurologie (SFN)

Jeudi 28 avril 2011 L’encephale en tant que cible de l’action

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 7 s ( 2 0 1 1 ) a 2 0 7 – a 2 0 9

Tronc cerebral, thalamus et cortex, acteurs clesde notre douleurL. VillanuevaInserm U894, centre de psychiatrie et neurosciences, 75634 Paris 13,France

Mots-cles : Cortex cerebral ; Tronc cerebral ; DouleurDe nombreuses etudes montrent que la perception de ladouleur implique a la fois des mecanismes de transductiondes stimuli nocifs environnementaux et des systemes demodulation endogenes sous l’influence de facteurs cognitifset emotionnels.Des travaux recents ont rendu obsolete le vieux debat entreles ecoles dites « specifistes » et « non-specifistes ». Lespremiers defendaient l’existence de nocicepteursperipheriques et des circuits ascendants labellises, activesseulement par des stimuli douloureux, lesquels provoque-raient de maniere specifique et ineluctable la sensationdouloureuse. Les autres proposaient que la perception dela douleur soit sous l’influence du contexte dans lequel lastimulation nociceptive a lieu, la sensation resultantedependant de la mise en jeu de puissants mecanismes demodulation centrale. Il existe en realite des voies de trans-duction specifiques des stimuli nociceptifs montrant ainsi lehaut niveau de specialisation des nocicepteurs peripheri-ques, qui representent le premier site du systeme d’alarmede l’organisme. De plus, la mise en jeu de mecanismes demodulation centrale par une grande variete de stimuli(douloureux mais egalement non-douloureux) permet decomprendre pourquoi certains etats de sensibilisation cen-trale n’impliquent pas, en fait, l’activation de nocicepteurs.Dans cet expose, nous verrons que les reseaux neuronauxqui integrent les influx peripheriques agissent de concertavec les systemes de modulation, des l’arrivee du messagenociceptif dans le systeme nerveux central. Apres une ana-lyse succincte des mecanismes de modulation centrale,l’importance des mecanismes d’origine corticale sera illu-stree par leur capacite a moduler l’ensemble des reseauxnociceptifs situes en amont. Nous verrons qu’une meilleureconnaissance de ces derniers permettra probablement decomprendre les interactions entre les reseaux nociceptifsspecifiques et polymodaux ainsi que les phenomenes deplasticite lies a la douleur chronique.

0035-3787/$ – see front matterdoi:10.1016/j.neurol.2011.02.027

pharmacologique antalgiqueA. Eschallier

Texte non transmis.

L’insula interface entre douleur et empathieF. MauguiereNeurologie fonctionnelle et epileptologie, hopital neurologique, 59,boulevard Pinel, 69677 Bron, France

Mots-cles : Douleur ; Empathie ; InsulaDepuis les premieres descriptions anatomiques de JohannChristian Reil, l’insula est restee une ıle oubliee pendant deuxsiecles avant de devenir l’une des regions les plus visitees ducortex cerebral. Au cours des dix dernieres annees, plus de26 000 articles d’imagerie en Anglais lui ont ete consacres. Cetengouement recent des neuroscientifiques se double d’unregain d’interet des epileptologues a l’origine de multiplestravaux electrophysiologiques completant les donneesinitialement publiees par Wilder Penfield dans les annees1950.Les lesions insulaires, rarement limiteesau seulcortexinsulaire,reduisent la reaction emotionnelle a la douleur, elevent le seuildouloureux et peuvent produire allodynie et douleurs centrales.Le meta-analyse base sur l’etude voxel a voxel des travauxd’imagerie fonctionnelle montre une representation bilateraledes sensations somatiques et de la douleur dans la partiepostero-superieure de l’insula. Les enregistrements intrace-rebraux ont identifie la douleur comme symptome des crisesepileptiques insulaires et montrent des reponses aux stimula-tions douloureuses dans l’insula posterieure. Seule la stimula-tion de cette partie de l’insula et de l’aire somatosensitivesecondaire (SII) voisine sont capables de produire une sensa-tion douloureuse.L’induction, l’imagination ou le rappel des emotions negativesou positives active la partie antero-inferieure de l’insula ; il enest de meme dans tous les paradigmes ou le sujet evalue sondegre d’empathie a la douleur de l’autre dans une situation ouil s’identifie a l’autre devant une image « algogene » d’un corpsqui pourrait etre le sien ou lorsqu’il assiste a l’expressionfaciale de la douleur chez autrui.Globalement le cortex insulairepossede donc toutes les qualitesd’une « interface » entre douleur et empathie. Il reste a deter-miner si le codage de l’intensite de la douleur dans l’insula

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posterieure et le controle de la reaction empathique par l’insulaantero-inferieure sont independants ou si, certains neuronesinsulaires sont impliques dans ces deux fonctions.

Existe-t-il un substratum neurophysiologique dela compassion ?L. Garcia-LarreaInserm U879, integration centrale de la douleur chez l’homme,universite de Lyon, hopital neurologique de Lyon, Lyon, France

Les idees concernant la douleur dans la culture occidentale ontevolue depuis la vision purement « passionnelle » d’Aristote,passant par les vues sensorialistes des XVIIIe et XIXe sieclesjusqu’a la definition operationnelle et relativement recente del’IASP, ou l’emotion et la sensation convergent. Nous visiter-ons tout d’abord les reponses corticales associees a l’expe-rience douloureuse dans des contextes experimentaux, eninsistant sur quatre aspects :– il n’y a pas de « centre cerebral de la douleur », et meme pasune « matrice douleur » stable ;– differentes regions du cerveau sont associees a differentsaspects de l’experience douloureuse, sans que cela puisse etreconsiderer comme une revitalisation de l’ancienne phrenolo-gie, car ;– l’activite dans une meme region peut etre modulee par desmultiples facteurs sensoriels et contextuels et ;– une region donnee peut montrer des types identiques d’acti-vite au cours d’etats subjectifs apparemment contradictoires,comme par exemple hyperalgesie et analgesie.L’observation empathique de la douleur d’autrui active desregions cerebrales qui, en partie, correspondent avec cellesengagees dans le traitement de notre propre douleur. Au-delade la simple empathie, l’observation de la douleur de l’autrepeut egalement augmenter notre propre douleur, un phe-nomene que nous avons nomme « hyperalgesiecompassionnelle ». Ce phenomene ne s’associe pas a uneaugmentation d’activite dans les reseaux impliques dans laperception douloureuse immediate, mais semble modifieruniquement l’activite de reseaux multi- et supramodauximpliques dans l’appreciation emotionnelle du stimulus etla memoire du travail. Cela souligne que l’experience dou-loureuse finale (celle dont le sujet se souviendra) est compo-see d’une sensation nociceptive immediate, impliquant la« matrice douleur » de base, convoluee avec un traitementcontextuel, plus tardif, a la charge de systemes de haut niveauqui determinent la qualite de la perception finale. Ces der-niers systemes ne sont pas mis en evidence par la plupart desmanipulations experimentales, mais pourraient s’avereressentiels pour la comprehension du phenomene douloureuxdans son ensemble, ainsi que pour le traitement optimum desdouleurs chroniques.

Empathie et compassion : l’exemple del’insensibilite congenitale a la douleurN. DanzigerDepartement de neurophysiologie clinique et consultation de ladouleur, hopital Pitie-Salpetriere, 75013 Paris, France

Mots-cles : Empathie; Douleur; Neurosciences socialesNous avons etudie, chez des patients congenitalement insen-sibles a la douleur (ICD), les regions cerebrales mises en jeulors d’une tache consistant a imaginer la douleur d’autrui(Danziger et al., 2009).En moyenne, les patients ICD presentaient des reponses signifi-cativement inferieures au niveau des aires visuelles occipito-temporales. Compte tenu du fait que le degre d’activation de cesregions augmente avec la valence emotionnelle d’un stimulus

visuel, cette activation reduite suggere que la vue de la douleurd’autrui a moins d’impact affectif immediat chez les patientsICD.L’analyse des correlations entre les reponses cerebrales a lavue de la douleur d’autrui et les capacites d’empathie del’observateur revelait des differences tres significatives entreles deux groupes : chez les patients, le degre d’activation ducortex prefrontal ventromedian – une region cerebrale connueentre autres pour son role essentiel dans les processus d’infe-rence de l’etat emotionnel d’autrui et dans les emotionssociales telles que la compassion – etait etroitement correleau score d’empathie. En revanche, aucune correlation n’etaitobservee dans le groupe temoin dans les memes conditions.L’ensembledecesresultatssuggerequelespatientsICD,quisontprives des mecanismes de resonance automatique faisant appelauxexperiencesdouloureusesanterieurespersonnelles, recour-ent, lorsqu’ils doivent imaginer la douleur d’autrui, a des pro-cessus plus complexes d’inference emotionnelle associee a lamise en jeu du cortex prefrontal ventromedian et dont le recru-tement est – a l’inverse de ce que l’on observe chez les sujetssains – etroitement dependant de leurs capacites d’empathie.Ce role primordial de l’empathie comme moteur des processusd’inference emotionnelle pourrait etre etendu a l’ensembledes interactions sociales dans lesquelles nous cherchons acomprendre et a partager avec autrui des affects lies a uneexperience que nous n’avons nous-meme jamais vecue (Dan-ziger, 2010).References[1] Danziger N, Faillenot I, Peyron R. Can we share a pain wenever felt? Neuron 2009;61:203.[2] Danziger N. Vivre sans la douleur ? Odile Jacob:Paris;2010.

Agir chirurgicalement sur le cerveau contre ladouleur, mythe ou realite ?P. MertensNeurochirurgie A, neurologique et neurochirurgical, 69003 Lyon,France

Mot-cle : DouleurModifier le message nociceptif a l’etage encephalique est unequete ancienne des therapeutes qui font face a des patientsvictimes de douleurs refractaires. Dans les premiers temps, ila semble logique de chercher a interrompre les voies ou lesrelais connus de ce message par des techniques lesionnelles.De nombreuses structures ont ete ciblees par ces techniques,ce qui a permis de collecter de nombreuses donnees ana-tomo-cliniques qui ont enrichi le champ scientifique. Nean-moins, les resultats decevants sur le plan antalgique de cesinterventions ont laisse le champ libre au developpementulterieur de techniques cherchant plutot a moduler ce mes-sage et son traitement central et non plus a le supprimer.Cette approche dite de neuromodulation des douleurs, quipossede l’avantage d’etre reversible et adaptable, s’est deve-loppee en parallele aux progres des connaissances enneurosciences et aux developpements technologiques per-mettant l’implantation de stimulations cerebrales profondesou corticales et d’infusion de molecules antalgiques au pluspres de leurs recepteurs intracerebraux. Recemment, lesinformations obtenues par des etudes en imagerie fonction-nelle chez l’homme en situation de douleur ont ete a l’originedirecte de nouvelles applications therapeutiques tel que lastimulation de l’hypothalamus posterieur pour le controledes algies vasculaire de la face.Ainsi, la possibilite d’agir de maniere invasive sur le cerveaupour tenter de controler une douleur n’est plus un mythedepuis longtemps mais une realite qui comporte des limites.En effet, ces approches ne peuvent encore revendiquer

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d’apporter un soulagement face a toutes les douleurs refrac-taires echappant aux traitements medicaux. Cependant, lacaracterisation d’une veritable « signature » des phenomenesdouloureux neurogenes jusqu’ici difficile, semble de plus enplus proche grace a l’utilisation combinee de l’electrophysio-

logie et de l’imagerie fonctionnelle et peut faire esperer dansun futur proche la possibilite de moduler a titre antalgique descibles jouant un role non seulement sur le traitement dumessage nociceptif mais egalement sur son interpretationdouloureuse.