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© Masson, Paris, 2006. Gastroenterol Clin Biol 2006;30:152-161 152 LETTRES LA RDACTION Révélation d’une tumeur stromale mésentérique par une complication de la coloscopie a survenue d’un hématome du mésentère dans les suites d’une coloscopie n’a, à notre connaissance, jamais été rapportée. Nous rapportons le premier cas de tumeur stromale mésentérique révélée par un hématome dans les suites d’une coloscopie. Un homme de 60 ans était hospitalisé en août 2002 dans notre unité pour des douleurs abdominales associées à une hyperthermie. Il était traité depuis plusieurs années pour un dia- bète de type 2 correctement équilibré et n’avait pas d’autre anté- cédent. Deux semaines plus tôt une coloscopie de dépistage avait été réalisée sans difficulté technique permettant la résection d’un polype pédiculé de 20 mm du colon transverse. Aucune compli- cation immédiate n’était notée et le malade était rentré à son domicile quelques heures plus tard. L’examen histologique du polype montrait un adénome tubulo-villeux. Les jours suivant la coloscopie, le malade avait présenté des douleurs abdominales et une distension abdominale d’installation progressive. Vingt-qua- tre heures avant l’hospitalisation, une hyperthermie à 39°5 C avec frissons était apparue. La palpation abdominale révélait une masse arrondie et tendue s’étendant de la région péri-ombilicale à la région sus-pubienne. Le toucher rectal était normal. Le bilan biologique montrait une anémie (hémoglobine : 10,7 g/dL contre 15,8 g/dL en mars 2002) normocytaire (VGM = 88) et un syn- drome inflammatoire (protéine C réactive : 152 mg/L). L’écho- graphie et le scanner abdominaux confirmaient la présence d’une volumineuse masse de 20 cm de contenu liquidien située dans le mésentère, hypodense, avec une prise de contraste au temps artériel au contact du mésentère (figure 1). Il n’était pas observé d’adénopathie. Une ponction guidée sous contrôle scan- nographique permettait de prélever 2,7 L de liquide sanglant et purulent. L’examen bactériologique et anatomo-pathologique de ce liquide montrait la présence de Streptococcus Anginosus sans cellules néoplasiques. Le 13 août une laparoscopie était réalisée confirmant la présence d’une volumineuse masse mésentérique avec une paroi épaisse. Son exérèse nécessitait une conversion en laparotomie avec résection cunéiforme de l’intestin grêle. L’examen anatomo-pathologique montrait une tumeur mésenchy- mateuse d’aspect pseudo-kystique, nécrotique et très hémorragi- que pesant 600 g et mesurant 16 cm dans son plus grand axe, avec une paroi de 3 cm. L’indice mitotique était modéré (score 2) et l’immuno-marquage montrait qu’il s’agissait d’une tumeur stro- male CD 117+. La résection chirugicale étant considérée comme complète, aucun traitement complémentaire n’était proposé. En mars 2004, le malade était en bon état général et le scanner abdominal ne montrait pas de récidive. Les tumeurs stromales digestives sont des tumeurs mésenchy- mateuses rares pouvant survenir à tout âge, le plus souvent entre 50 et 60 ans. Elles sont le plus souvent localisées au niveau de l’estomac et de l’intestin grêle. De façon habituelle les signes cli- niques apparaissent lorsqu’elles deviennent volumineuses ou à l’occasion d’une complication : hémorragie digestive, douleur bdominale, palpation d’une masse [1]. Les formes extra-digesti- ves et notamment mésentériques sont plus rares : moins de 5 % de l’ensemble des tumeurs stromales digestives [2]. À notre connaissance, la survenue d’un hématome du mésen- tère parmi les complications de la coloscopie n’a jamais été rap- portée et la survenue d’un hématome du mésocolon est exceptionnelle. En effet, seuls 2 cas d’hématome isolé du mésoco- lon ont été rapportés [3,4]. Dans ces 2 cas, il s’agissait de mala- des ayant une artériopathie évoluée traitée au long cours par anticoagulants, la coloscopie étant réalisée après relais par une héparinothérapie adaptée. Les manœuvres de compression abdo- minale au cours de l’examen étaient dans les 2 cas jugées habi- tuelles. Dans notre observation, l’hématome s’est formé au sein de la tumeur stromale mésentérique. Cet hématome mésentérique est très probablement secondaire à la coloscopie en raison de la chronologie. De plus, l’examen clinique antérieur et les manœu- vres de compression nécessaires à la coloscopie n’avaient pas révélé de masse abdominale. Dans le cas présent, le malade n’avait pas de pathologie vasculaire connue et ne prenait pas de traitement anticoagulant ou antiagrégant. Cependant une artério- pathie infraclinique était probable en raison du diabète de type 2 associé. Comme dans les 2 cas rapportés d’hématomes du méso- colon, le diagnostic d’hématome du mésentère était fait par le scanner indiqué en raison des douleurs abdominales associées à la distension abdominale et à l’anémie. La montée du coloscope et la compression abdominale pour faciliter sa progression étaient probablement à l’origine de l’hématome. Dans notre observation, et contrairement aux 2 cas précédents, il existait des signes d’infection de l’hématome. Cette surinfection s’explique possiblement par la survenue d’une bactériémie secondaire à la Fig. 1 – Examen tomodensitométrique montrant l’hématome de la tumeur stromale mésentérique. CT scan showing the stromal mesenteric tumor with hematoma. L

Révélation d’une tumeur stromale mésentérique par une complication de la coloscopie

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© Masson, Paris, 2006. Gastroenterol Clin Biol 2006;30:152-161

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LETTRES À LA RÉDACTION

Révélation d’une tumeur stromale mésentérique par une complication de la coloscopie

a survenue d’un hématome du mésentère dans les suites d’une coloscopie n’a, à notre connaissance, jamais été rapportée. Nous rapportons le premier cas de tumeur stromale mésentérique révélée par un hématome dans les suites d’une coloscopie.

Un homme de 60 ans était hospitalisé en août 2002 dansnotre unité pour des douleurs abdominales associées à unehyperthermie. Il était traité depuis plusieurs années pour un dia-bète de type 2 correctement équilibré et n’avait pas d’autre anté-cédent. Deux semaines plus tôt une coloscopie de dépistage avaitété réalisée sans difficulté technique permettant la résection d’unpolype pédiculé de 20 mm du colon transverse. Aucune compli-cation immédiate n’était notée et le malade était rentré à sondomicile quelques heures plus tard. L’examen histologique dupolype montrait un adénome tubulo-villeux. Les jours suivant lacoloscopie, le malade avait présenté des douleurs abdominales etune distension abdominale d’installation progressive. Vingt-qua-tre heures avant l’hospitalisation, une hyperthermie à 39°5 Cavec frissons était apparue. La palpation abdominale révélait unemasse arrondie et tendue s’étendant de la région péri-ombilicaleà la région sus-pubienne. Le toucher rectal était normal. Le bilanbiologique montrait une anémie (hémoglobine : 10,7 g/dL contre15,8 g/dL en mars 2002) normocytaire (VGM = 88) et un syn-drome inflammatoire (protéine C réactive : 152 mg/L). L’écho-graphie et le scanner abdominaux confirmaient la présenced’une volumineuse masse de 20 cm de contenu liquidien situéedans le mésentère, hypodense, avec une prise de contraste autemps artériel au contact du mésentère (figure 1). Il n’était pasobservé d’adénopathie. Une ponction guidée sous contrôle scan-nographique permettait de prélever 2,7 L de liquide sanglant etpurulent. L’examen bactériologique et anatomo-pathologique dece liquide montrait la présence de Streptococcus Anginosus sanscellules néoplasiques. Le 13 août une laparoscopie était réaliséeconfirmant la présence d’une volumineuse masse mésentériqueavec une paroi épaisse. Son exérèse nécessitait une conversionen laparotomie avec résection cunéiforme de l’intestin grêle.L’examen anatomo-pathologique montrait une tumeur mésenchy-mateuse d’aspect pseudo-kystique, nécrotique et très hémorragi-que pesant 600 g et mesurant 16 cm dans son plus grand axe,avec une paroi de 3 cm. L’indice mitotique était modéré (score 2)et l’immuno-marquage montrait qu’il s’agissait d’une tumeur stro-male CD 117+. La résection chirugicale étant considérée commecomplète, aucun traitement complémentaire n’était proposé. Enmars 2004, le malade était en bon état général et le scannerabdominal ne montrait pas de récidive.

Les tumeurs stromales digestives sont des tumeurs mésenchy-mateuses rares pouvant survenir à tout âge, le plus souvent entre50 et 60 ans. Elles sont le plus souvent localisées au niveau del’estomac et de l’intestin grêle. De façon habituelle les signes cli-niques apparaissent lorsqu’elles deviennent volumineuses ou àl’occasion d’une complication : hémorragie digestive, douleurbdominale, palpation d’une masse [1]. Les formes extra-digesti-ves et notamment mésentériques sont plus rares : moins de 5 %de l’ensemble des tumeurs stromales digestives [2].

À notre connaissance, la survenue d’un hématome du mésen-tère parmi les complications de la coloscopie n’a jamais été rap-

portée et la survenue d’un hématome du mésocolon estexceptionnelle. En effet, seuls 2 cas d’hématome isolé du mésoco-lon ont été rapportés [3,4]. Dans ces 2 cas, il s’agissait de mala-des ayant une artériopathie évoluée traitée au long cours paranticoagulants, la coloscopie étant réalisée après relais par unehéparinothérapie adaptée. Les manœuvres de compression abdo-minale au cours de l’examen étaient dans les 2 cas jugées habi-tuelles.

Dans notre observation, l’hématome s’est formé au sein de latumeur stromale mésentérique. Cet hématome mésentérique esttrès probablement secondaire à la coloscopie en raison de lachronologie. De plus, l’examen clinique antérieur et les manœu-vres de compression nécessaires à la coloscopie n’avaient pasrévélé de masse abdominale. Dans le cas présent, le maladen’avait pas de pathologie vasculaire connue et ne prenait pas detraitement anticoagulant ou antiagrégant. Cependant une artério-pathie infraclinique était probable en raison du diabète de type 2associé. Comme dans les 2 cas rapportés d’hématomes du méso-colon, le diagnostic d’hématome du mésentère était fait par lescanner indiqué en raison des douleurs abdominales associées àla distension abdominale et à l’anémie. La montée du coloscopeet la compression abdominale pour faciliter sa progressionétaient probablement à l’origine de l’hématome. Dans notreobservation, et contrairement aux 2 cas précédents, il existait dessignes d’infection de l’hématome. Cette surinfection s’expliquepossiblement par la survenue d’une bactériémie secondaire à la

Fig. 1 – Examen tomodensitométrique montrant l’hématome de la tumeurstromale mésentérique.CT scan showing the stromal mesenteric tumor with hematoma.

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Lettres à la rédaction

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coloscopie et a pu être favorisée par le délai entre la constitutionde l’hématome et la prise en charge du malade.

L’originalité de notre observation est donc la révélation d’unetumeur rare par une complication elle-même exceptionnelle de lacoloscopie.

Eric VUILLEMIN (1), Vincent CROQUET (1),Jean-Marie DIAZ DE CÉRIO (2), Georges EL KHOURGE (2),

Larvi OUALI (1), Alain DABAN (3)(1) Service d’Hépato-Gastroentérologie,

(2) Service de Chirurgie B,CH Nord Deux-Sèvres BP 181, 79103 Thouars Cedex

(3) Service d’Oncologie Radiothérapique,CHU, 86021 Poitiers Cedex.

RÉFÉRENCES

1. Balaton AJ, Coindre JM, Cvitkovic F. Tumeurs stromales digestives.Gastroenterol Clin Biol 2001;25:473-82.

2. Miettinen M, Monihan JM, Sarlomo-Rikala M, Kovatich AJ, Carr NJ,Emory TS, et al. Gastrointestinal stromal tumors/smooth muscle tu-mors (GISTs) primary in the omentum and mesentery: clinicopatho-logic and immunohistochemical study of 26 cases. Am J Surg Pathol1999;23:1109-18.

3. Ben Soussan E, Savoye G, Jemaa Y, Forestier F, Lemercier E,Herve S, et al. Hématome isolé du mésocolon : une complication ex-ceptionnelle de la coloscopie. Gastroenterol Clin Biol 2000;24:1127-8.

4. Hernandez EJ, Ellington RT, Harford WV. Isolated transverse meso-colon laceration during routine colonoscopy. J Clin Gastroenterol1999;28:46-8.

MRI evaluation in a rare case of Crohn’s disease complicated by abscess of the ovary

varian abscess is a rare complication of fistulizing Crohn’s disease (CD); it may “appear” as an unilateral pelvic pain or a pelvic mass and may mimick a primary ovarian pathology. We report a case of a large ovarian abscess resulting from uncontrolled fistulizing CD, which was

find out using gadolinium-enhanced magnetic resonance imaging (MRI) in multiplanar orientation. Whenever ovarian cyst arises in CD patients, diagnostic MRI of the pelvis should be considered to identify abscess. In terms of surgical procedure, diagnostic of primary ovarian pathology or enteric fistulas complicated by ovary abscess may change the pre-operative management and the operative procedure.

Case report

A 37-year-old woman with a known history of Crohn’sdisease presented with complaints of crampy lower abdominalpain. At the time of admission an association of right ovariancyst with inflammatory changes of the pelvis involving the sig-moid and terminal ileum has been detected by abdominal andgynaecologic ultrasound exam. The appearance of ovarian cystwas heterogeneous and suspected to be organic on ultrasono-graphy. Symptoms of Crohn’s inflammation were finally resolvedwith medical treatment. In order to schedule laparoscopic explo-ration of the ovarian cyst, contrast enhanced magnetic resonanceimaging with oral filling of mannitol. (CE-Mannitol-MRI) was per-formed to precise the nature of the cyst and to evaluate the exten-sion of the primary disease. CE-Mannitol-MRI was performed in1.5 T (Magnetom Symphony Quantum; Siemens Medical Sys-tems, Erlangen, Germany) clinical unit. After an overnight fastand 30 minutes before the MRI examination, the patient wasasked to drink continuously 1000 mL of 5% mannitol solution.The imaging protocol included sequence before and after intra-venous gadolinium injection. Gadolinium Chelate (DOTAREM®;Guerbet, France) was administered as a rapid bolus intravenousinjection of 0.1 mmol/kg body weight followed by a normalsaline flush. MR images were acquired on both axial and coronalplanes. Inhibition of bowel peristalsis, which was essential toavoid motion artefacts, was obtained with IV injection of 20 mgof N-butylscopolamine administered to the young patients lyingon the MRI table just before gadolinium injection.

CE-Mannitol-MRI identified presence of enteric fistulasbetween the terminal ileum and the sigmoid loop close to theright ovary and an air fluid level within the ovarian cyst, an air

fluid level (figure 1). These findings were consistent with an ente-ric fistula complicated by an right ovarian abscess. After MRexamination, patient underwent a single-stage right oophorec-tomy, salpingectomy, resection of the small bowel and sigmoidinvolved (figure 2) with end to end anastomosis in one time aftercolonic preparation. No further complication was identified inthe post operative follow-up. Pathologist examination confirmedthe diagnosis of abscess of the right ovary.

Fig. 1 – CE-Mannitol-MRI: Sagittal scan identified a multiloculated cysticmasses with an air fluid level (white arrow) in the right ovary. Thislesion represented a 5 cm abscess (asterisk) in the right ovary.IRM - Coupe sagittale.

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