Revue historique du Sud-Est européen

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  • I-Ore anne, N-oa 4-6. april-jnin 1924.

    REVUE HISTORIQUEDU

    SUD-EST EUROPEEN(Continuation du Bulletin de l'Institut pour l'etude

    de l'Europe sud-orientale)PUBLICATION MENSUELLE

    dirige par

    N. IORGA,Professeur a l'Universite de Bucarest, Agree a laSorbonne, Correspondant de l'Institut de France.

    BUCARESTLIBRAIRIE PAVEL SURU

    73, Ca lea Victoriei.

    PARISLIBRAIRIE J. GAMBER

    5, Rue Danton.

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  • I-re anne, N-os 4-6. april-juin 1924.

    REVUE HISTORIQUEDU

    SUD-EST EUROPEEN(Continuation du Bulletin de l'Institut pour l'tude

    de l'Europe sud,orientale")PUBLICATION MENSUELLE

    dirige par

    N. IORGA,Professeur a l'Universite de Bucarest, Agree a laSorbonne, Correspondant de l'Institut de France.

    BUCARESTLIBRAIRIE PAVEL SURU

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  • DIRECTEUR :

    N. TONGABUCAREST, 8, SOSEALTA BONAPARTE

    SECRETAIRE DE REDACTION :

    C. MARINESCUMaitre de conferences a l'Universit de Bucarest.

    1 5, STRADA RINOCERULUI.

    SOMMAIRE Avenel Es. Adrien Blanchet : Les monnaies'de la guerre de Thodose II contre Attila, en

    442. N. lorga : La penetration des ides de l'Occident dans leSud-Est de l'Europe aux XVII-e et XVIII-e -siecle. IV. La Revo-lution francaise et le regime napoleonien en Orient. V. Reactionclassique. VI. Les nouvelles revolutions. VII. Etablissementsoccidentaux en Orient sous l're nationale). C. Marinescu : Ten-tatives de mariage de deux fils d'An2ronic II Palologue avec desprincesses latines.

    C s sur : Vallere Pogorlov, G. Oprescu, I. Cor-vinus Kochanowski, G. I. BrAtianu, Carlo Tagliavini, EdouardChapuisat, A. Ruble i Lluch, Lady Groghan, Adrien Blanchet, Fried-rich Teutsch, Paul Nicorescu, Th. Capidan, Henri Meunier, A. An-dreades, Silviu Dragomir, P. Tchilef.

    MOMS

    1mprimerie ,,Cultura Neamului RomAnesc", s. a.12, Rue Lipscanii-Noi, Bucarest.

    re

    imPTF.S-ItENDI

    CllitONIQUE.

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  • REVUE HISTORIQUESUD-EST EUROPEEN

    PIIBLItE PAR N. IORGA, PROFASSEUR A L'UNIVERSITA DA BIIOARREIT

    1-ERE ANNEE, N-Os 4-6. AVRIL-JUIN 1924.

    Les monnaies te la Guerre de Thodose II contreAttila, en 442.

    Communication nvoye au Congres international d'tudes bytantinesa Bncarest.

    Un grand savant, qui vient de disparaitre, avait, des les de-buts de la grande guerre, recherch, avec sa perspicacit or-dinaire, les souvenirs qu'Attila avait pu laisser dans la Numis-matique romaine. Avec la plus grande vraisemblance, ErnestBabe lon tabliSsait une relation entre la terrible campagre duFlau de Dien, en Opeident, et les monnaies de Valentinien III,frappes a Rome, Ravenne et Milan, et qui portent, au revers,l'empereur tenant la croix ainsi qu'une statuette de la Victoire,et appuyant son pied droit sur une tte humaine, qui terminele corps d'un serpent. C'est probablement une allusion a, lavictoire remporte par Atius et les rois francs, dans lesChamps Catalauniques, en 451.

    Et les monnaies de Marcien, au mme type, frappCes eRa-venne, perpeuent sans doute le souvenir de la dlivrance d-finitive, a l'epoque de l'invasion du Nord -dij- l'Italie, en 452,par Attila, qui mourut d'ailleurs en 453 '.

    Ces pieces peuvent done 'are considres comme relativesaux dernieres expdAtions d'Attilla. Mais, avant de ravager l'Oc-cident, le roi des Huns avait t, a plusienrs reprises, le flaude l'Orient et diverses chroniques 2 out conserve le triste sou-

    1 E. Babelon, Attila dans la Numismatique, Revue Numism., 1914, pp.27-328, 12 fig. Aux pieces plus modernes enumrdes dans ce mmoire onpourrait peut-tre ajouter la piece d'or, signale par M. Olov Janse dans laRev. Archeol., 1921, 11, p. 391, fig. 1.

    2 Par exemple, les chroniques de Prosper et 'Cu comte Marcellin, celle d'Ale-xaudrie et surtout les Excerpta ex historia gothica du rheteur Prisque. Toutes

    DU

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  • 98 Les nionnaies de la Guerre de Thodose II

    venir des angoisses de l'empire byzantin, menace jusqne danssa capitale par la horde sauvage.

    Les faits out dte exposes aussi completement que possiblepar les historiens de Byzance; je me bornerai a les resumerpour exposer les venements essentiels de cette poque tron-Wee sur laquelle nous n'avons d'ailleurs pas tous les rensei-gnements qui seraient necessaires.

    Les deputes de-Thodose If, contraints par la ncessit, s'-talent engages au nom de rEmpire a, rezIttlre les transfuges, aremettre entre les mains des Huns les prisonniers romains, re-venus sur les terres de rEmpire, sans avoir pay leur ran con ,on A payer pour chacun d'eux huit pieces d'or. Byzance ne de-vait fonrnir aucun secours aux Barbares, qui seraient en guerreavec les Huns, et s'engageait a. payer, en outre, tous les ans,un tribut double du pre,edent, c'est.-dire sept cents livres d'or.

    Les conditions du trait furent remplies, au moins en partie,par les Byzantins, car les transfuges furent Hues. Mais lesHans, pour quelque raison clue nous ignorons 1, on sans raisonvalable, violerent le trait, massacrerent fles sujets de l'Empire,dans un marche, passerent le Danube et prirent Viminacium.Pais ils mirent a. feu et A, sang toute la Haute Msie, en par-ticulier les villes de Ratiaria, Singidanum, Sirmium, Sardicaet surtout Naissus, qui fut ruine completement2.

    C'est an moment oil ces 6vnements se deroulaient que l'Em-pire voulut resister aux Barbares dont la premiere grande ruepent etre placee vers la fin de 441 et an commencement de 442.

    Est-il possible d'etablir un rapport entre cette invasion n6-

    ces sources ont d'ailleurs t citdes par : Le Nain de Tillemont, Hist. des em-pereurs... qui ont rgn durant les six preiniers -sicles de l'Eglise, 1738,t. VI, pp. 90 a 98 ; l ebeau, Hist. du Bas-Empire (ed. de Saint-Martin), t.VI, 1827, pp. 136 A 143 ; E. Gibbon, the History of the decline and fall ofthe Roman Empire (edit. Bury), t. III, 1897T-pp. 425, 441 a 446. Je laisse dedote l'Histoire &Attila par Amde Thierry (t. 1-er, 1856, p. 60),- qui estincomplete et peu precise, pour les evenements dont je parle ici.

    ' Les raisons invoques..(affaire de l'eveque de Margus ; retard des echancesdu tribut ; transfuges non renvoys) paraissent avoir Cid spcieuses.

    ' Toute cette region etait encore coiverte d'ossements blanchis, cinq ansapres. Certains details des chooniques se rapportent pent-etre plutOt A Ia se-conde guerre d'Attila contre Theodose en 447-448.

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  • N. Iorga 99

    faste et.,des monnaies dont l'dmission pourrait tre fixe a cettemme ann6e ?

    A. l'6poque dont je parle, les monnaies dat.13?s exactementsont une exception. Si l'on en rencontre qui pr6sentent cet avan-tage, on doit par consdquent les tudier avec la plus grandeattention.

    Or, il se trouve que la nuwismatique du regne de ThdodoseII comprend trois sous d'or, aux noms de l'empereur, de safemme Eudocie et enfin de sa soeur Palchdrie, toutes trois avecle reeme revers, qui se rapporte l'empereuflea La premieremontre le buste de Thdodose II, de face, casqu6, cuirassd, avecla lance et le bouclier, entourd de la Idgende : THEODOSIVS.P. F. AVG.

    Au revers, Constantinople casqude, assise, le pied gauche surune proue-de vaisseau ; elle tient le globe crucigere de la maindroite et une croix dans la gauche. Un bouclier repose a terre,derriere le siege. Autour, la Idgende : IMP. XXXXIL COS. XVII,P. P. A l'exergue : COMOB 1 Dans le champ, une dtoile 2,

    Le solidus d'Eudocie porte le buste djapd et diaddrfi6 de l'im-p6ratrice -a droite ; au dessys de la-fete, on volt une main te-nant une couronne. La Idgende est : AEL EVDOCIA AVG

    Le solidus de Pulchdrie est sembablle, avec un buste qui nese distingue guere du prkddent ; mais la Idgende est : AELPVLCHERIA AVG 4.

    Ainsi, leg trois pieces sont bien contemporaines, pnisqu'ellesont tin revers identique, qui, par exception a, cette 6poque,

    i On sait que les lettres OB signifient obryzum, or affin. Sur cette for-mule voy. E. Babelon, lrait des m. gr. et rom., 1-re partie, t. I, col. 1007.

    J. Sabatier, Description genr. des monnaies byzantines, t. I-er, )862p. 114, nos. 5 a 7, pl. V, 1 (avec les mots: Rome casque", etc., que je con-sidre comme une descrYption errone); Comte J. J. TolstoT, Vizantiskie Mo-neti, St. Ptersbourg, 1912, 1-er fasc. (en russe), p. 68, nos 18 A 24, pl. 5, 23(avec la description correcte Consfannople"); cet auteur a relev plusieursateliers, marques par les lettres' B, E, 0; Collection H. Montagu, Monnaiesd'or rom. et byz., vente A Paris en avril 1896, pl. XXXVI, p. 143, No. 1041avec 0 et COMOB ; No. 1042 avec CONOB (je cite ce catalogue parce_queles reproductions y sont nettement superieures).

    I J. Sabafier, ouvr. cite, p. 121, no. 7, pl. VI, 1 avec EVDOXIA) ; C-te J.TolstoT, ouvr. cite, p. 82, No. 86, pl. 6.

    4 J. Sabatier, p. 126, no. 1, pl. VI, 11; C-te J. TolstoY, p. 103, no. 30, pl. 7.

    a

    A,

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  • 10.1 Les monnaies de la Guerre de Thodose II

    apporte une date tres precise. Le 17-e consulat de IhodoseII eut lieu:en 439 et son 18-e en 444 ; les pieces ont done etetrappees dans une priode comprise entre ces deux dates. L'autreindication fournie par la legende monetaire paraft au premierabord inconciliable avec les donnees fournies par le consulat,combinees avec les arnes du regne veritable de Theodose H,qui ne succ la a, ion pere AreacOs que le 2 mai 408 et mou-rut le 20 juin 450. Dana cet espace de temps, Theodose II,dont les operations militaires out 6t6 en general pen brillantes,n'a pas pu recefinr on s'attribuer quarante-deux salutations im-periales. Cette lgencle monetaire est exceptionnelle dans la Nu-mismatique byzantine, oil la titulature de Pancien Empire romains'est beaucoup modifie. Nous devons retenir que le fait d'areproclam empereur avait toujours correspondu A nne premieresalutation impriale. Il est fort probable quo, sous Theodose II,on assimila, dans l'atelier monetaire de Constantinople, la men-tion de la salutation imperiale a, celle des annees de regne,autrefois indiquee par le chitfre de la puissance tribunice, quine paraft plus apres Constantin.

    Il y a une relation tres rationnelle entre le ciffre 42 et uneannee comprise entre les 17-e et 18-e consulats de TheodoseII. En etfet, cet empereur, D6 le 10 avril 399, avait 6te declareAuguste alors qu'il etait age d'un an seulement. Si l'on adnletque les 42 salutations imperiales correspondent aux 42 premi-eres annees de son regne, depuis gull etait auguste, la datetombe apres le 17-e consulat et correspond aux neuf derniersmois de l'annee 442.

    Cette date coincide done parfaitement avec la premiere p6-riode des grandes luttes de l'Empire d'Orient contre Attila.'

    Et, a, tons ceux qui ont une connaissance suffisante de laNumismatique antique. il paraitra evident qu'une legende mo-netaire, dates d'une maniere si particuliere doit correspondreA un evenement importantl d'antant plus qne cette meme date,bien que ne concernant pas les deux princesses, Eudocie etPulcherie, paraft neanmoins au revers de leurs monnaies.

    Tontes ces pieces font done partie d'une settle et memoemission, qui &it etre faite dans une occasion de premiereimports nce.

    Or, aucun venement n'etait plus eapital pour Byzance, A,

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  • N. lorga 101

    cette poque, que la preparation de la lntte, de cette gnerrecictAle cOnseil de Thoclose, d'apres un .auteur contemporain l,avait decide plutelt que de sonscrire aux exigences d'Attila.

    Pour payer les preparat:fs et la solde des troupes, il fallaikdisposer d'un numraire important. On peut done dire qu'unedmission considerable ent lien alors, soit que le trsor ait pro-cele a nne refonte de pieces anciennes, soit qu'll ait disposede !ingots, soit, probablement encore, qu'd ait fondn des joyauxde tout genre, comme cela est arrive tent de fois an cours desvenements critiques dans tous les pays.

    Le sou d'or de Theodose II, portant la date IMP. XXXXII.COS. XVII, est relativement commnn aujourd'hui encore, et lesmarques d'officine, relevs sur divers exemplaires, pronventque Ilea officines an moins de la Monnaie de Constantinopleont travaill A cette emission, qui dut etre fort considerable.Les pieces correspondantes d'Enlocie et de Puichrie sontbeaucoup plus rares; mais ce fait importe pen 2. Tontefois, lemonnayage des deux princesses me permet de faire une re-marque, qui a une certaine valeur. Alors que d'autres monnaiesd'or d'Eadocie et de Pulchrie prsentent des bustes d'un tra-vail soign et oil l'on pent trouver des traits inconographiquesdistincts, an contraire dans remission dont il est ici question,les bustes des deux princesses sont d'un travail neglige et nelaissent percevoir ancune difference dans le profil : c'est la le-gende seule qui determine le classement. Une 'Amine negli-gence s'accorde fort bien avec la hate inevitable qui dut r-gner dans la Monnaie impriale. '

    Bien que des travaux de fortification eussent contribu, pende temps auparanant (vers 439), A donner AJa cite plus decnnfiance, je ne tirerai pas du type monetaire des deductionstrop hypothtiques. En effet, quoique la figure de Constanti-nople assise, avec son large bouclier, paraisse- sons Thodose

    ' Le rhteur Prisque.3 11 est evident que le nuennayage au nom de Theodose II, fabrique a l'aide

    dt ressources tirdes de tous les points de l'Empire, a du etre plus considera-ble. Je suppose, au colitraire, avec quelque vraisemblance, que les pieces auxnoms des princesses ont pu rappeler la part qu'elles ont dil prendre A l'mis-sion, en donnant ,a la Monnaie.4e Byzance divers joyaux d'or.

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  • 102 ldees occidentales dans Ie Sud-Est europden

    II, ce type fut probablement adopte djA A l'poque 0 cetempereur passe pour ayoir a br ses Tricennalia, c'est-a-direen 430.

    Le type ne doit donc fournir rien de prcis; mais je rpteTAT en est autrement de la date, qui ne saurait faire allu-sion qu'A un vnement dont l'importance justificat une misionaussi nombreuse.

    Il y a dans la Numismatique de Thdodose II des pices d'ordont les lgendes sont, A tort Off 5, raison, plus glorieuses: Gloriaorvis terrarum, Gloria Reipublicae, V irtus exercitus Romanorum,Victoria Augustorum. La date seule, sur les pices dont je tentede retracer ici l'histoire, est plus sobre, et, si f ai vu juste, plus,mouvante aussi : L'Empire, qui, trop souvent, a vait donn des,marques de faiblesse, allait faire face aux hordes rapaces.

    Par malheur, le succs ne couronna pas la rsistance. Thdo-dose II dot traiter avec les Bans et A, des conditions incon-nues, peut-etre plus lourdes que les prcedentes. Mais Attilaavait senti tout de mme quo l'Empire dtait encore bien vivant.Et reffort, digne des temps glorieux de la grande Rome, mritele respect de tous ceux qui savent comprendre le dvouementau salut de la Patrie.

    Adrien Blanchet,Membre de l'Insfitut de France

    La pntration des ides de l'Occident das le Sud-Estde l'Europe aux XVII-e et XVIII-e sicle.

    Conferences donnes a la Sorbonne

    CHAPITRE IV.

    La Revolution franaise et- le rgime napolonien en Orient.L'influence exerce .par la Revolution franaise dans le Sud-Est

    de l'Europe a t, sinon tres profonde, au moins hautementintressante. Pour la bien eonnaitre copendant les materiauxmanquent. II nous faudrait des mmoires, des biographies, eton en a tres peu. Il nous faudrait en meme temps des lettres par--ticulieres. On voudrait aussi toute une srie de voyages

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  • N. lorga 103

    ayant un autre caractere que ceux, assez nombreux, quiont t faits dans ces regions au XVlII-e et au corn-menceth du XIX-e siecle. 6ar, si on veut savoir la maniere donton s'habillait a Constantinople.aussi bien qu' Jassy et a Bucarest,la facon de se presenter d/un prince phanariote, les formulesd'usage lorsqu'on foulait le seuil de son palais, Papparence g-nrale de la socit orientate A cette poque, avec quelquesnotes anecdotiques plus au mains authentiques, on peut trou-ver dans ces recits des renseignements tres nombreux. J'en aifait le sujet de quatre volumes d'une Histoire des Roumainspar Jts voyageurs" rien que pour les pays danubiens.-Mais on aurait besoin d'autres voyages que ceux-ld pur con-

    naitre Re monde de l'Europe sud-orientale, ce monde grec, rou-main et slave. Si on dit: grec et roumain", A cette ,epoque, celane Sail pas deux, mais bien un monde qui est en meme temps ,grecet roumain, parce qu'on trouve des Roumains A Constantinople,parce qu'on trouve beaucoup de Grecs A Bucapest et A Jassy etparce qu'on trouve Grecs et Roumains mls A Vienne. On de.manderait des rapports intimes, et surtout avec certaines classes,des conversations, des confessions. Or ces conversations, PORentn'a pas t, surtout fr cette poque, trop dispose A les tenir A ladisposition de Petranger qui venait a peine d'entrer chez lui, etpuis on ne savait jamais quel tait le but politique poursuivi parl'tranger et, mme dans les Principauts danubiennes, par leprince, on etait sous la surveillance du suzerain.

    Mais, pour sortir.de ces considerations generates sur les sour-ces, pour fixer les lignes essentielles du sujet avant de passer auxdiffrents chapitres dont il se compose,. on pent dire que l'in-fluence de la revolution pt de l're napolonienne SUP 'les paysdu Sud-Est europen sauf la Russie , a te empeche parle fait suivant.

    Pour que les tendances de la Revolution franealse, qui sont lacontinuation naturelle et la mise en pratique des ides de laphilosophie" du XVIII-e siecle, eussent rencontr un echo puis-sant et continu en Orient europeen, il aurait fallu Pexistencedans les pays dont il se compose de certaines classes, de certainescategories qui n'existaient pas ou qui existaient dans une formetout A fait primitive et incapable de dveloppement spontaneet rapide.

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  • 104 Ides occidentales dans le Sud-Est europen

    11 aurait fallu avoir d'abord des cercles d'intellectuels. A Buca-rest et a Jassy, beaucoup moins a Constantinople et a Smyrne,ce monde des intellectuels tait compose en premiere ligne dedidascales. Le didascale, avec son ancienne grammaire, avec sesnouveaux manuels de science: d'arithmetique, d'algebre, prati-quait une certaine philosophie, et il y a eu a Bucarest, apres laRevolution frangaise mme, des tendances qui s'entrechoquaient.Dans la capitale de la Valachie, tel reprsentait la phiosophiematrialiste de Condi llac et tel autre l'idalisme. Mais cette phi-losophie de categories, cette philosophie de formules, cette phi-losophie d'cole n'tait pas la plus propice pour rpandr:f desides politiques et provoquer des phnomenes en relation avec cesidees.

    En outre, ii aurait fallu avoir une aristocratie influence par lapensee de l'Occident. Maintenant, ii y a eu a Bucarest et a Jassy,pas a Constantinople aussi, beaueoup de boiars connaissant l'Au-triche, l'Allemagne, la France par les crits, par les journaux,mme par leurs propres voyages. Tel ce Barbu Stirbei, qui a tpendant plus d'une annee habitant de Carlsbad, ou ii s'tait rendbpour la seule saison des bains et, enchante de l'accueil yavait trouv ii parle de dues" et duchesses", d'ambassa-deurs, parmi lesquels celui d'Espagne il en arriva a oublier junpeu son pays, oir une pauvre femme soucieuse regrettait, en luiexpdiant les articles du costume oriental, son absence. Et, asa suite, comme on le voit par les papiers d'une maison de com-merce en Transylvanie, fournissant la marchandise de monde auxbdiars de l'Oltnie, de la Valachie, avec ce qui tait ncess4repour la transformation extrieure d'une socit dans les kirmesoccidentales, on importait de quoi orner sa maison, garnir satable, enchanter ses loisirs.

    B y avait done le boIar qui irnitait et aussi, a Fepoque na-poleonienne, celui qui voyageair expressment en Occident, jus-qu'a se ruiner. Tel ce Dudescu, d'une des plus anciennes familiesdu pays, qui, ayant entre ses mains un grand heritage, Fa gas-pill un peu par le faste oriental de ses peregrinations. C'tait unpersonnage fres civil, du reste, qui, a un certain moment, se fai-sant accompagner par un comte de Lagarde qui venait deMoscou, dans so voiture pleine de tout ce qui tait ncessaire enfait d'aliments et de doucebrs d'Orient, jusqu'a Paris, a Vienne, au

    qu'il

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  • N. lorga 105

    milieu d'un banquet fit don aux dames presentes du tres beauchale-oeinture dont elles faisaient l'eloge sans se soucier de cequi devait en rsulter pour sa bonne tenue. _

    Mais, pour avoir une aristocratic capable de s'associer un rnou-vement rvolutionnaire, de creer ensuite un parti liberal sanschanger totalement les institutions, il aurait fallu autre chose:une meme dutation, les memes tendances capables de former desassociations politiques. Cette aristocratie n'existait pas chez lesRoumains, et nous marquerons encore une fois que pour le mondehellenique il n'y a pas d'autre aristocratie que celle de Bucarest etde Jassy.

    II faut dire cependant que, des le moment oa clate la Revo-lution francaise, tout un groupe de boIar, valaques, a leur tetele prince Jean Cantacuzene, revenu de Russie o s'tait tabliele branche de cette f amble a laquelle, II apparanait, demandaient,aux negociateurs de la paix entre Russes et Autrichiens, d'uncOt, et Tures de l'autre, de considrer les droits de ce qu'ils appe-lafent dj la nation valaque" et de lui dormer la possibilit de Isedvelopper librement.

    Ii aurait fallu aussi avoir un monde marchand, une classe bour-geoise. Or, cette classe bourgeoise, on l'avait, je ne dis pas: aConstantinople, mais dans les capitales roumaines. Elle pourrasoutenir plus tard, en 1848, le mouvement rvolutionnaire vala-que, tmais elle n'a pas Ike en tat de le faire pour celui de 1821.Elle tait composee de Grecs, de Serbes, de Bulgares, de Rou-mains entremels. Ils fraternisaient dans l'eglise orthodoxe,Pintermarlage"etant tout ce pouvait y avoir de pluscommun.

    On nveut pas dire que cette petite bourgeoisie de Bucarestetait toujours colnmode; elle a donne au XVIII-e siecle des r-voltes dirigees, non pas contre la personne du prince, mais contrecelle de ses conseillers, surtout contre un certain regime et, pr-cisons, un regime fiscal. Un impOt nouveau, mcontentant la po-pulation de Bucarest ou de Jassy, poUvait provoquer une rvolte.On allait alors a la Metropolie, l'eglise archiepisc6pale, et onsonnait les cloches: c'est comme le beffroi des villes occiden-tales au moyen-age.

    Aussit6t la population se rassemblait par corporations, ces cor-porations, qui ont te malheureusement dtruites en Roumeniepour etre remplacees par une organisation officielle n'ayant aucun

    qu'il

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  • 106 Ides occidentales dans le Su :-Est europen

    earactere populaire reel, mais qui existent encore dans la pe-ninsule des Balcans, y formant la force des manifestations po-litiques. AussitOt apres cette manifestation, le prince cdait, sagarde n'etant pas organisee pour resister. Les bolars qui avaientprovoque le mecontentement pouvaient payer ide leurs tetes, etii y a eu, pour de pareils motifs, des princes assassins, c'est-a-dire executes d'apres la formule officielle, par un dlegu ctuSultan au milieu de la capitale. -

    II y avait done une petite bourgeoisie, mais op ne fait jamaisune revolution avec la petite bourgeoisie seule; ii fauf que lagrande montre une opinion sur le sujet et que cette opinion soitaffirmative. Or cette grande bourgeoisie n'tait ni a Constan-tinople, ni a Bucarest, ni a Jassy; elle tait a Vienne, elle taita Pesth, elle tait a Trieste et ailleurs en Occident.

    II aurait fallu aussi une populace misreuse, eiposee aux agis-sements des mcontents. Mais on n'avait pas a sa disposition cepelement populaire dont l'importance a t bien vue dans le d-veloppement de la revolution franaise.

    II est vrai que dans les Mmoires, si intressants, si vivantset si pleins de couleur, de Vancien ambassadeur de France enRussie, de Segur, il y a un passage, cite ordinairement dans lesmanuels d'histoire universelle, dans lequel il est dit qu'a Peters-bourg, lorsqu'arriva la nouvelle de la decision prise par les re-prsentants des Etats Gnraux a Versailles de n'etre pas seule-ment les conseillers d'un moment du roi absolu, rnais, en vertu dela thorie du Contrat Social", des rnovateurs, et non pas d'unseul pays, mais du monde entier, il y a eu des manifetstationsdans la rue, et qu'on .s'est meme embrasse.

    S'imaginer que les moujiks russes, ou les negociants russes,ou mme les membres de l'aristocratie russe ont te- tellementbranls par les premiers actes, d'un si nouveau caractere, desEtats Gnraux de Versailles me parait un peu naif. Mais, encontinuant la lecture, on s'aperoit qu'il s'agissait plutt de Hol-landais, d'Artglais, appartenant a la colonie etrangere, diffrentede la population russe, comme auparavant, a Moscou au XVII-8siecle, il y avait une forte difference entre l'tat d'esprit diimonde russe et celui du monde hollandais et allemand, enfarmedans une cite tout a fait a part, la Slobodka.

    Done il est bien certain que ni a Bucarest, ni a Jassy, et en-

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  • N. Iorga 107

    core moins A Constantinople, des premiers chapitres de Phis-toire de la Revolution francaise n'ont provoque une trop grandeemotion.

    Mais dans les deux pays danubiens il y avait une lecture cou-rante des journaux occidentaux, qui arrivaient par une voiequ'on ne pouvait pas empecher: pale des consuls d'Autriche, quiavaient .la correspondance postale. On ne dcachetait jamais lacorrespondance qui venaite par cette voie, et avec la correspon-dance arrivaient les livres et les journaux. On a la liste entire desfeuilles qui par cette voie pntraient dans les capitales roumainesat taient lues dans les families des boiars, des marchands, quietaient souvent eux-memes des sujets de l'Autriche, ee qui si-

    :-gnifiait etre A l'abri de certains actes d'arbitraire et, en mmetemps, jouir d'une situation fiscale bien suprieure a celle dessimples sujets du prince.

    On continuait A lire le Journal de Francfort", les Notizie delMondo" et-. Il redattore italiano", qui arrivaient d'Italie, leSpectateur du Nord", produit de la censure russe, le Journal lit-traire" et l'Almanach des Dames", qui venaient directement deParis, le Mercure de France" et A cejt la gazette la plus ortho-d.oxe pour l'Agence, celle qui representait les bons principes im-muables et qui avait pour titre Die vereinigte Pest und OfenerZeitung" et la Gazette de Vienne", qui se publiait aussi enfrancais.

    ..,

    Ceci crait certaines dispositions et il arrivait parfois quedans les cafs de Bucarest, qui taient beaucoup plus nombreuxque ceux de Jassy, surtout parmi les &rangers, Ioniens de su-jtion occidentale et autret, on tenait certains propos desagreables.

    II y avait aussi dans le grand monde des boiars, ou a son,service, des jeunes gens qui avaient pris pour des etudes lechemin de l'etranger. Tel en 1807 ce Constantin Nicolopoulo deSmyrne, professeur des enfants de Demetre Ghica, devenu tu-diant en mdecine A Paris, puis en 1802 deux adolescents qui serendent A Paris pour des affaires", en 1804 Iancu VdcArescu,petit-fils du poete, futur poete Iui-meme, qui fait le meme vO-yage dans la campagnie d'un autre noble, C. FAlcoianu, et dudidascale Zacharie.

    .

    parlerCette jeunesse pouvait etre amenee a de choses com-promettentes. Un certain Nicolas Maroutzi, Grec de Valachie, qui est

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  • 108 ldees occidentales dans le Sud-Est europen

    trait de ,,rpublicain", frdonnait discretement les chansons quise chantaient dans les rues de Paris et dans les camps, et, si onne panic pas de la Marseillaise", on esquissait la Carmagnole",le refrain Vive le son Uu canon!", devenant en roumain le so-briquet d'un jeune homme aux allures evaporees, un filfizon",freluquet.

    Ces amateurs de journaux frangais, de chansons franaises, sespartisans des ides franaises appartenaient parfois aux grandesfamilies, et c'est pourquoi le prince de Valachie adressait un peuplus tard la mercuriale la plus severe A quelqu'un dont il nedonne pas le nom, en signalant le danger que certaines idespeuvent presenter pour le pays, surtout Si des personnes apparte-nant au monde des bolars se iaissent influencer par les change-ments politiques de l'Occident,

    II n'y avait pas seulement le public des cafs et ces quelquesboiars qui, par leurs lectures, par leurs etudes, par leurs voyages,taient tout disposes A rpandre les ides de la Revolution. II yavait aussi autre chose: il y avait des Francais tablis dans lepays en tant que secrtaires, en tant que maitrerde langues, entant qu'industriels.

    La srie commence dans la seconde moiti du XVIII-e siecle.Nous avons dej panie de Canna et de quelqu'un beaucoup plushonorable dans sa maniere de vivre ainsi que dans les motifs desa critique: d'Hauterive. Vers 1790, l'ducateur franais, appar-tenant au monde philosophique", plus tard en pantie. aux migrsrevolutionnaires, en pantie aux nobles les emigres tant naturel-lement plus nombreux que les vaincus des luttes entre les paAis fran-gals pendant la Revolution apparait. Alexandre Mourousi, tour Atour prince de Moldavie et de Valachie, fait felever ses enfants parClmaron. Le Jesuite Marchand avait t, du reste, son maitre.Deux freres Trcourt, dont Pun avait t professeur de math-matiques A Constantinople, s'tablissent dans les principautes da-nubiennes; l'ain est le prcepteur des fils du prince Callimachi.Un Martinot ,se trouve dans la maison de Constantin Ypsilanti,mari d'une Vdcdrescu et dont le fils, plus tard un ami de LoulouThiirheim, a t le .chef du mouvement insurrectionnel de 1821.

    Ii y a aussi des ministres" frangais, A cette poque, aupresdes princes phanariotes. On s'est accoutume a plaisanter un peu

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  • N. lorga 109

    stir les Phanariotes et sur tout ce qui les entourait; mon opinionmodeste est que, dans la vie de n'importe quelle nation, il y ades choses si srieuses que les details de vetement ou les formesbizarres du langage ne peuvent porter aucune atteinte au caractereparfois tragique du fond. II y a eu chez les Roumains .aussi tinephase pendant laquelle on distinguait entre les poques que l'onprsentait avec enthousiasme et les epoques que l'on dcrivaiten s'en moquant un pea. 'Lorsqu'on abandonnera, avec l'en-thousiasnie exagr, aussi le persiflage et on traitera tout lepass, ancien ou recent, avec la meme critique, on ne rira plus ducomte Gaspary de Belleval, appartenant A l'emigration frangaise,tour a tour conseiller des princes de Moldavie et de Valachie etayant meme des, rapports avec la diplomatie prussienne, et onparletz d'une autre fagon de ce Beaupoil de Saint-Aulaire, qui,en 1804, tait secrtaire pour les affaires extrieures du princede Valachie", aussi a cause du role que sa famille a garde dansla diplomatie frangaise et surtout A cause du souvenir qu'a laissdans le pays la participation du comte de S. Aulaire A la defensenationale des Roumains pendant la grande guerre.

    11 y avait meme des conseillers grecs, formes peut-etre et entout cas influences par ces conseillers frangais. Les lettres deConstantin Stamaty, un des tmoins de la Revolution frangaisesur cette Revolution elle-meme, sont aaressees a un PanaIotisKodrikas, son ami, qui partageait ses opinions et ses sentiments 1.

    La presence des secrtaires, des prcepteurs et plus tardmme des ministres" franais A Jassy et A Bucarest a contribuA accelerer la circulation du livre frangais et mme l'oeuvre detraduction qui est en relation avec cette circulation de plus en pluslarge. On a, dans la seconde moiti du XVIII-e sicle, toute unesrie d'ouvrages franais traduits en roumain: un Tlemaque, en1774 (Samuel Klein en a donne aussi une version; une troisieme,imprimee, a suivi plus tard), un roman contemporain, Alcidabset Zlide", traduit en 1783; un Raymond et, Marine" suit en 1808.Basile Kogalniceanu, un parent de l'homme d'etat et de l'histo-rien illustre de la Roumanie contemporaine, s'essaie a la Prin-cesse d'81ide", tandis que, plus tard, le Bucovinien, de la Moldavie

    Lettres de C. Stamaty a Panagiotes Kodrikas sur la Reuolutiok frau-vaise (janvier 1793), Paris 1872.

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  • 110 lcles occidentales dans le Sud-Est europen

    autrichienne, Daniel Scavinschi traduit en bons vers roumains leDmocrite" de Regnard. Bisile Varnav -travaille a une Arithm-taine, a une Astronomie, a une Geomtrie, mais aussi a uneHistoire Universe Ile et meme au Charles XII". La Mathilde" deM-me Cottin fut transpose en roumain par le poete Conachi.Georges Bals ne cessa, d'apres un temoignage contemporain, detraduire en roumain des originaux frangais.

    A cOte du Trait de la franc-marnnerie (Le secret desfrancs-magore), traduit en roumain des 1787 par le moine Gera-sime, dont il a t dj fait question, on a un ouvrage dephilosophie ecrit directement en frangais par un Grco-Roumainou un Roumano-Grec. C'est la Refutation du trait d'Ocellus,De la Nature de Univers, par Jean Zanetti, revu et corrigpar M. Georges Vendoti" et publie ,a Vienne en 1787. 11 y a latraduction des Ruines" de Volney, dont j'avais un manuscritqui dawn u'environ 1790, une tres bonne traduction. Par uneforme intermdiaire russe, a pass en roumain le rcit desVoyages en Orient de l'abb de la Porte. La langue de cestraductions du frangais appartenant a la fin du XVIH-e ou aucommencement du XIX-e siecle est toujours excellente, tres pit-toresque.

    L'eveque de Hotin, Amphiloque, auteur d'une Grammaire theolo-gigue" et d'une Ariththetique (1795), avait transpose en rou-main, d'apres une traduction italienne, je suppose, la Geographiede Bouffier, dans laquelle il paHe de la Revolution frangaise dansdes termes tres-curieux: On dit que depuis deux ans toute lanation frangaise se serait levee, demandant d'tre libre, ne per-mettant pas au roi de la gouverner". Et il ajoute: Mais, ne con-naissant pas la vrit, nous ne disons pas de paroles vaines".II tient a ne pas se compromettre, et il fait bien, parce qu'unautre ecclesiatique, de Wamnic, en Petite Valachie, l'ecclesiarque"Denis, dcrit les guerres Aapoloniennes d'une fagon qui fait peud'honneur a son intelligence. Employant sans doute de ces petitesnouvelles qui circulaient en manuscrit, en traduction grecque etparfois en roumain, lorsque l'on empchait les journau*, il pr-sente, dans la grande bataille entre Napoleon et Alexandre I-er,comme point culminant le grand-due Constantin de Russie montesur un canon et poussant un cri terrible.

    A un certain moment, apres la victoire sur Napoleon, on impri-

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  • N. lorga 111

    mera des -brefs oivrages, rediges en tres bon roumain, queVienne envoyait dans les Principauts pour faire savoir de quellefagon les Allies avaient battu Bonaparte". Il ne faudra doneplus lg chanter, mais ii y a encore. des musiciens, des laoutars"qui se rappellent au moins le -commencement de la chanson deBonaparte, qui dit: Napoleon Bonaparte reste dans la terrelolntaine" (apres son exil a Sainte-Helene).

    Alors que tel rpman traduit du frangais avait l'honneur in-croyable d'tre imprim dans la typographie du Metropolite deMoldavie, qui ne publiait que des livres sacrs, un tres belouvrage, de grand format, sur papier bleu, qui venait a cette po-que de Russie un des grand boiars du pays, portant, d'apres l'eti-quette, un couvre-chef rond d'une importance extraordinaire, Ale-xandre Beldiman, donnait toute une srie de traductions, et, a ciatde Gesner (la Mort d'Abel, d'apres une version frangaise), ii y a leNuma Pompilius de Florian. II traduisait ces ouvrages plutht pourles loisirs de sa femme, qui ne lisait pas le frangais, mais, plustard, un agent de l'imprimerie de cede Universit de Bude, quidisposait, de caracteres cyriliiens, le rduisit a se laiser diter.

    Et d'autres travaux de Beldiman, qui fut aussi un auteuxoriginal, dcrivant en vers d'epope la Triste Tragedie" dessouffrances de son pays pendant la revolution grecque de 1821,resterent en manuscrit, coupe les Menechmes" de Regnardet autres pieces du theatre frangais au XVIII-e siecle (La clmencede Titus", traduite en 1784, POreste" de. Voltaire, en 1820,Sapor", en 1818, Lentor" (1819-1825)), plus una srie de rcits:Histoire de Tar lo et de ses amis" (1803), Elisabeth ou les exilesen Sibrie", Histoire de Raymond, tiree au Dcamron deFrance" (1815), Alexis ou la chaumiere de la foret" (1819)et meme Manon Lescaut", a ctit des Voyages" de Coxe.

    A l'epoque napoleonienne les voyages des bolars danubiensParis deviennent plus frequents. Its avaient parfois des buts politi-ques. On n'a pas les details d'une mission confiee a quelques-unsdes principaux baars de Bucarest, pour se presenter devantNapo lebn, pret a sacrifier.les Principauts a ses nouveaux arran-gements de l'Europe. Mais la mission a certainement exist.

    Boppe, L'Albanle et Napoleon, pp. 164-165.T

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  • 112 Ides occidentales dans le Sud-Est europeen

    J'ai dela note les noms Cle quelques tudiants. Ajoutons celui d'unGeorges Bogdan, en attendant les fils du riche boiar DemetreBibescu, epoux d'une VAcarescur Georges et Barbu, adopt ensuitepar le dernier des Stirbei, qui tous les deux devaient rgner.

    Cette jeunesse se dirigeait vers Paris. Lorsque l'on envoyait parhasard quelqu'un A Berlin, comme Jean Canarau, on avait laprecaution de le faire habiter dans la maison d'un pasteur cal-viniste d'origine frangaise, Hauchecorne, de fagon a ce qu'ilapprenne en meme temps le frangais. Et il y avait toujoursla pQrte ouverte versles ides frangaises.

    Du ciit des Grecs il n'y a past ordinairement sauf les deuxpoetes Soutzo, Alexandre et Panaloti, ces etudiants, ces appren-tis de la civilisation occidentale faisant leurs premiers pas a Paris.Cependant c'tait un jeune homme que ce Georges Cleobulequi a fait paraitre chez Firmin Didot, un protecteur du livre grecA Paris, l'appel pour la publication d'un ouvrage didactique en1818. En echange il y a quelqu'un de plus important sur lequelil faut dire deu-x mots A la conclusion de ce chapitre.

    Celui qui devait inscrire son noms en tete des grands hellnistesdu siecle pass est Coray, originaire de Smyrne. II fit d'a-bord du commerce pour s'aviser ensuite, lorsqu'il n'tait djplus de la premiere jeunesse, d'apprendre ia mdecine a Mont-pellier. Il s'y initia aux ides occidentales, et certains rudits de lalocalit s'intresserent A son activit. Plus tard il vient A Paris ets'y trouve au moment meme ou la Revolution commence. II aassist aux premiers troubles de Paris et n'a pas quitte la capitalede la France jusqu'apres la condamnation et l'execution du roi,dont il parle avec compassion.

    Ses idees sont d'un intret exceptionnel. II vient de Smyrne avecune tendance d'opposition qui s'tait dirigee contre la clerg grecde sa vine natale. II a une profonde antipathie contre son arche-veque. II hait les Turcs et rappelle A chaque moment le passde sa nation; meme il est tenement fier de cette nation que,lorsqu'il s'agit de quelque caractere de la civilisation occidentale,il s'apergoit que des Grecs Pont dj eu.

    Joseph II est pour Coray l'admirable Hercule purgeant sonroyaume de tous les abus qu'ont introduits A diverses epoquesl'ignorance et la barbarie", le tres juste et grand Joseph", ennemi

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  • N. lorga 113

    du servage, purificateur de sa propre Cour. Au contraire FredericII, un homme abominable", n'est que le Sardanapale de Berlin".

    II a pour la Russie certMnes faiblesses, cette Russie qui peutaider les Grtcs A regagner leur liberte. Lorsqu'un conflit clateentre Catherine II et l'Angleterre, il est du cOt de la Tzarine,d'abord parce que_ la grande" Catherine est une tres sage"rformatrice, et il tient compte de ce fait qu'au moins en appa-rence, elle travaille en rvolutionnaire dans son propre Empire.

    Pour l'Angleterre il a un respect incommensurable, qui n'est-atteint qu'au moment oil la politique anglaise peut etre dfavo-rable A la Russie A laquelle elle fait une guerre impruderae".II croit gull n'y a pas de nation au monde comparable A la na-tiori anglaise, parce qu'elle ,n'a jamais abandonne ses institutions li-bres. Que ces institutions libres profitaient a une seule classe, &estquelque chose que rancien marchand de Smyrne ne voyait pas.

    En France, il a d'abord comme ennemi le clerge, malgr lesavances que lui avait faites l'eveque d'Agde, qui s'etait empressede visiter rancien negociant et l'actuel tudiant grec. II confondler ordres francais aVec ses propres moines crOrient et n'a pas determes assez meprisants pour qualifier tout ce qui concerne lesriches et volupteux moines", le clerge catholique, le mufti deRome" en tete, la foi latine elle-meme, qui serait la plus in-sensee". Il est enchante lorsqu'il voit que les biens du clerg sontsequestres et declare que l'on pourra marier les moine, quechaque bas moine ait sa femme ii lui" et leurs norfnes aussi, cespetites femelles imbeciles", leur marl et faire entrer leurs biens-fonds dans la possession de la nation.

    Lorsque les premiers chocs de la revolution se produisent AParis, il acourt avec une satisfaction peu commune et il compteparmi la populace qui ise pressa autour des scenes de 1789. Etpour lui ce n'est rien que d'affirmer la presence de 500.000 per-sonnes dans la rue 1.

    .

    II a, camme on l'a vu, une profonde commisrdion pour LouisiVI, qu'il sait etre victime de ses freres, de sa femme et ausside sa soeur, mais il traite sverement le fuyard de Varennes.

    ' Edition grecque du Paris, 1838 ; d'Athnes, 1839, 1841 ; de Smyrne 1871 ;edition Iran ;aise de Queux de S.-Hilaire (Lettres de Coray au protopsaltede Smyrne), Paris, Didot, .1880. Cf. Lettres inedites de CoraY a Chardon dela Rochette et a divers savants francais.

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  • 114 Ides occidentales dans le Sud-Est enrol:glen

    Quand le roi monte a l'chaufaud, l'Oriental s'apergoit que Louisavait tout de mme certaines vertus en raison desquelles ii auraitd trouver grace devant ses juges.

    Ii y avait alors a Paris on le sait les reprsentants detoutes les nations du monde, venant chanter des louanges- devantla Constituante et la Convention. Parmi eux se trouvait aussi unRoumain sujet de l'Autriche, originaire du Banat, Paul Iorgovici,qui a t plus tard un grammairien aux ides tres hardiels.De son voyage A Paris et A Londres, ii avait rapport sansdoute des impressions et des croyances qui le firent persecuterpar les autorites autrichiennes A son retour. Un peu plus tard,Georges Lazar, fits d'un paysan de Transylvanie, qui faisait sesetudes a Vienne, s'tait laiss gagner par les ides rvolu-tionnaires et il lui arriva de crier une fois, en' pleine Autrichovaincue: Vive Napoleon!". Ceci contribua A lui 'fake passer lesCarpathes; ii s.tablit a Bucarest, oft il a t un des rnovateursde resprit public des Roumains, un des infroducteurs des ideesnationa'.es et l'ducateur principal, dans un esprit tout a fait nou-veau, de la generation qui s'est forme vers 1810.

    lorgovici, en revenant dans son Banat, s'tait avis de publierun journal, le premier journal pour les Roumains, alors qu'iln'y avait pas encore ni le premier journal grec, ni l'intentionde publier le premier journal serbe: celui de Scarlate Sturdza,pour les Russes, ne paraft pas avoir eu un caractere politique.

    La jeunesse roumaine d'Autriche employa toutes les rusespossibles pour dtromper l'administration -sur ses vraies inten-tions. Dans le prospectus, il tait toujours questiog de traduc-tions, concernant l'conomie des champs, l'elevage des btes,etc.; a cOt, ii devait y avoir des informations. Le gouverne-ment admit la publication du journal roumain, mais le premiernumro, et Uunique, disparut de telle f aeon qu'on ne peut plas leretrouver.

    Alors on recourt aux Bibliotheques", qu'on prtendaitpas etre destinees aux sujets de l'Autriche, mais bien aux bofarsde Bucarest et de Jassy, esprits perdus pour la bonne politique.

    Mais en meme temps que ta tentative faite pour avoir unjournal A la fin du XVIII-e siecle, on prsentait a la Diete 'deTransylvanie, au Ministere de Vienne et A l'empereur le libelle

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  • N. Iorga 115

    de supplication des Valaques de Transylvanie"1. Le titre, qu'onlui donna plus tard, est modeste, le contenu Fest beaucoup moins.Redige par un fonctionnaire qu'avaient influence les ides revolution-naires, Mehesi, et sign par deux eveques, uniate et orthodoxe cequi est remarquable si on tient coMpte du fait que le second etait unSerbe prcisment pour ne pas avoir quelqu'un qui put mettre enmouvement les sentiments nationaux de la population , celibelledemandait, au nom de la libert et de Pegalite proclames aParis, l'egalisation de la nation roumaine, rduite en grandepartie a la situation de serve, avec les nations dominantes enTransylvanie, la transformation de l'administration interieure dela province dans un sens absolument semblable aux dpartementset arrondissements crs par la Revolution, pour qu'aucun sen-timent national ne se sente froiss par le souvenir d'une po/ued?oppression, et, ,pour donner une base historique a eette prten-tion, on rappelait le fait que les premiers habitants du paystaient les descendants des colons romains et qu'ils forment en-core la majorit de la population. De ce fait qu'ils forment lamajorite de la population, ils ont, disait-on, le droit 'd'imposer leurvolon.

    La conscience politique rournaine avait bien avanN danscette Transylvanie pour pouvoir presenter de pareilles revendi-cations. Mais dja un mouvement de reaction venant de l'Occi-dent rneme se prononait contre les ides occidentales.

    CHAPITRE V.

    Reaction classique.Ii y a en, sous certains princes danubiens au caractere plus des-

    potiqu3, malgr leurs pretentions phiosophiques, et avec l'appro-bation du gouvernement ottoman, dont l'action surplombait toutela vie politique de la pninule, un mouvement vers le pass.

    La source est en Occident sous Napoleon mme. Mais surtoutapres 1815 il y a eu dans cet Occident toute une srie de me-:Aires provoques par l'entente entre les Puissances victorieuses,par ralliance entre les trois souverains dont le but tait de brisertout tablissement rappelant la Revolution.

    Lorsqu'il s'agissait de revenir vers le pass, on avait , certaines

    Voy. notre Histoire des Roumains de Transylvank et de Hongrie, II,Bucarest, 1915.

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  • 116 Reaction classique

    institutions et certaines formes vers lesquelles on pouvait s'orien-ter. Contre Napoleon, on avait la royaut, contre la Revolutionon avait la tradition, contre la nouvelle classe dominante celledes migrs que l'on rtablissait plus ou moins; contre les idesrvolutionnaires on avait le souvenir du catholicisme, qui passaitdans le romantisme de Chateaubriand pour donner toute une theo-rie dans le Genie du Christianisme" et, ensuite, clbrer sestriomphe avec Lamartine; il y avait ainsi ce qui pouvait servir Acrer l'tat d'esprit contre-rvolutionnaire. En Orient, il n'y avaitpas de dynastie a retablir, pas de classe noble A faire rentrer dansses foyers et A reintgrer dans son ancienne situation; il. n'yavait pas de religion exergant une influence aussi profonde quele catholicisme en Occident et qui put servir A ecarter les ten-dances rvoltitionnaires intiltrees dans ces regions. Cependant il.laliatt recourir a quelque chose existant A ce moment.

    Alors, on est revenu vers les formes anciennes de Phellenismeclassique, interprtes, hlas!, par des grammairiens: Tout ungroupe, prolesseurs du gymnase de Bucarest, de celui de Jassy 1,ont t employes pour crer cette nouvelle psychologie, s'ap-..puyant sur la grammaire traditionnelle, sur les souvenirs d'ungrand Ass mort, sur tout cc qui, trs respectable en soi-meme,n'avait aucun rapport avec le present et n'tait pas capable desusciter de nouvelles difficults.

    Les elements de reaction existaient, du reste, dans la socitelle-meme. II y a, des 1797, une intressante oeuvre potiqued'un Grec au gtom turc, Alexandre Kalfoglou, des Vers Mo-raux, Unxifi artzoopva. Dans ces "Vers Moraux", AlexandieKalfoglou, qui n tait guere un aigle en fait de poesie, 1ni d'in-telligence, se proposait de ridiculiser la- vie que Inenait laclasse ciominante des principauts danubiennes, qui se livre auluxe et au devergondage; il lui oppose celle, un peu mesquine,mais trs pure, des populations de la Pninsule des Balcans,en y comprenant meme ces faubourgs de Constantinople, commele Fanar, 'qui taient habites par des Grecs. II parle des jeunesgens qui, se croyant eleves des philosophes, lisent avec pas-sion les romans franais', les if,wilth.yrCa 1.14kixi, devenant deslimimnCoXOTOC_ 960i, qui parlent donc a la maniere des hrosde ces romans, mettant Voltaire A ceit de Lucien, parlant deMirabeau, de Rousseau, ce qui fait gulls negligent les caremes;ne vont pas a l'eglise, se demandent s'il y a une vie futureet plaisantent sur le compte des pauvres vieux boiars, qui conti-

    ' Michel Soutzo, prince de Moldavie, appelait de Paris, oll la principautd avaitdes ddursiers des R19, un Constantin Hestiotes, un Nicolas Koutxo.

    .

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  • N. lorga 117

    nuent A en agir autrement. Mais il se tourne surtout contre lesperssonnes, les 861).acc qui adoptent larmode nouvelle, la v.oag.so ponrafwil, qui se laissent faire la cour (x06prv:). Ils ont, cesdevoyes, la morale des Allemands 1 et de Russes", c'est--direcelle des armes d'oecupation.

    Dans une piece de vers, roumaine, que j'ai attribue A un poetedegrand mrite;-- un prcurseur, Conachi, il est question, aucours d'une de ces dominations des militaires trangers, de tousles maux\ qui tombent sur une socit rapidement corrompue,jusqu.aux formes les plus ignobles du vice.

    Cette tentative de detruire le prestige de la jeunesse qui s'initiaitaux idees occidentales a continue. On a pass des vers amersdc ces critiques A des institutions 'destines a combattre. Tellela Societe scientifique greco-dace. Il n'tait plus question, avecl'envahissement d'un nouvel heIlenisme aggressif, des Roumains,rnais bien des anciens Daces. On ne pense qu' la philologie,au purisme grec. Le lyce de Bucarest change totalement de ea-ractere. Des didaseales d'une gmnde erudition, Neophyte Dukas,Benjamin de Lesbos, Constantin Psomakis, Etienne Kommitaset d'autres, sont pays par le gouvernement valaque pour r-pandre la connaissance des poetes et des philosophes de l'antiquiteet en meme temps les bonnes ides. Kommitas attaquera Corayle rvolutionnaire.

    Tout eela malgr l'existence sur le Danube de certains Pha-nariotes, qui furent, comme Alexandre Mavrocdrdato, Ngris,premiers initiateurs de la revolution de 1821, dont ils allaientetablir ensuite la doctrine par la Constitution de Trezene. Quantaux boiars rqumains rests influences par l'esprit occidentAl, voiciune declaration faite par un des plus grands, Gregoire Branco-veanu, richissime personnage, qui avait traduit un ouvrage dephilosophic allemande du latin en grec et possdait une granodebibliotheque, annexe aujourd'hui a l'eglise grecque de Brasov,en Transylvanie. Ce profond connaisseur de l'antiquite grecque,dont les lettres pourraient servir_ode modeles pour un Epistolairehellenique, disait A l'occasion de l'ouverture des cours du lycede Bucarest: Qu'ils se rjouissent les parents qui envoient leursenfants aux Academies de l'Europe potir y puiser les eaux dela philosophie". Et, a cette solennit, le didascale Benjamin deLesbos, un Oriental eelui-l, prend la parole et, rpondant auxides du bola; roumain, sans avoir l'air d'y faire allusion, setourne contre ceux qui envoient leurs enfants en Occident.Pourquoi, en effet, lorsqu'on a tout ce qu'il faut pour connaitrel'antiquite et vivre la vie d'il y a mille ans, continuer a envoyer

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  • 118 Reaction classique

    ces jeunes gens, qui sont sans aucune direction, exposs a etrecontamins et peuvent devenir le malheur de leurs propres fa-milies?

    Ceci n'empechait pas cette socit elegamment dsoeuvree dese reconnaitre dans un poete comme Athanase Christopoulos, quimarie l'inspiration d'Anacron au decalque du lyrisme frangaisdu XVIII-e sicle, dans des vers d'un genre agreable, dont uneedition parut A Paris et une autre a Londres, pOur ettre lussurtout A Bucarest et a Jassy.

    En meme temps parait un ouvrage d'Histoire roumaine quiest dil A un Grec, Denis Photino, connu aussi comme pc:10e,comme traducteur et localisateur d'une oeuvre trs populairea ce moment, Le Nouvel 8rotocrite. Il donne la srie des v-nements principaux et en mme temps une description des deuxPrincipauts dans une langue grecque impeccable. Mais il n'y arien dans ce tableau du pass des Principauts, dans cettehistoire de toute une nation, qui puisse etre note comme uneidee venant de l'Occident. C'est quelque chose de philologique,d'archologique; bref les nouvelles tendances qui s'imposent.

    A Jassy il y avait comme grand professeur grec Gobdlas, quine voulait pas reconnaitre aux Roumains la qualite de pouvoir'exprimer des vrits scientifiques dans leur langue et ne voulaitexprimer des verits scientifiques dans leur langue et ne daignaitpour faire place a un Roumain, Georges Asaki, qui avait su fairel'essai avec les mathernatiques. Celui-ci consentait A transiger unque certaines aventures politiques. A un moment donne, ref ugieder une socit forme d'apres les regles de la raison et rien qued'apres les regles de la raison c'tait donner la tentation de ris-quer certaines aventures politiques. A un moment donne, refugiea Varsovie, pays de langue franaise A cette epoque, il publiait unpetit livre tres rare sur Alexandre-le-Grand dans la tradition o-rientale, ouvrage ecrit en frangais. Donc, A cOt des reprsentantsdu pass A Bucarest, qui n'admettent aucune transaction avecl'Occident, parce que le frangais mene a des ides capaBles dedtruire l'quilibre politique, il y a sanS doute une influence pluspuissante de l'Occident A Jassy.

    Mais l'autorit des princes intervient aussi pour empchertout renouvellement de l'ancienne phase frangaise aux tendancesrvolutionnaires. En 1817, des mesures formelles sont prisespar le prince de Valachie, Caragea, contre ce mauvais esprit.

    Quant au poete moldave qui commengait sa carriere en s'ex-primant contre le nomm Gobdlas, cet imitateur des Italiens,cet introducteur du sonnet impeccable et cet adorateur de sou-venirs romains sous la colonne de Trajan, avait bien soin, en par-www.dacoromanica.ro

  • N. lorga 119

    lant de la Russie, de dployer de la diplomatie dans ses verspour eviler les regards soupconneux du monde officiel. Lors-qu'on commence en parlant des brouillards des rives du Ph lege-thon", on est bien siir de ne pas lancer une incitation aux mau-vaises passions qui peuvent troubler une socite.

    A cOt des professeurs grecs, il y avait cependant des 011-mains qui continuaient a maintenir les attaches avec les te dan-ces occidentales. En 1817, la philosophie etait professe a Bu-carest aussi par tel professeur francais dont on ne connait pasle nom et meme par un Transylvain qd se faisait nommer engrec Ladislas l'Erdliote et qui avait traduit l'Avare" et Pour-pee". II parait que ses lecons de philosophie taient dirigees&tin autr cOt que celles de ces collegues grecs.

    Mais ii y avait plus que cela. II y avait dans la socit rou-maine elle-meme le milieu des boiars aux ides rvolutionnai-res, des grands boiars levs par des migrs, par des revolu-tionnaires, qui, lorsque la situation a Change en Occident, a-vaient da chercher un refuge dans ces regions orientates. Ilsn'ont pas publi des ouvrages au caractere rvolutionnaire, maisde tout ceit surgissaient des manuscrits anonymes dans lesquelsles diffekentes questions du jour taient traites avec un pou-vantable radicalisme. Les princes taient attaques sans s'arreter

    aucune consideration.Aussi la classe entire tait-elle en butte aux critiques les plus

    ameres. On soutenait les intrets des masses crasses ,par lesimpts et on traduisait de cette fagon un peu le point de vuenational, parce que les ruraux taient entirement roumains,tandis que la classe superieure estait melange de Grecs et enmeme temps adapte aux formes suprieures de la socit deConstantinople.

    CHAPITRE Vt.

    L2S nouvelles revolutions.Au milieu des pamphiets rpandus vers 1820 dans les Principau-

    tes on trouve parfois des .4clarations hardies, qui annoncentqu'on moment viendra ou on recourra aux acmes.

    Mais ii y avait dans le voisinaige une vraie revolution, c'etaitla revolution serbe 1

    Carageorges, Georges le Noir", paysan et soldat, appartenantVoy. les uvrages Novacovitsch, de Yakchitsb, et notre Histoire des

    Etats balcaniques.

    a

    d'2t. www.dacoromanica.ro

  • 120 Les nouvelles revolutions

    probablement a cette population roumaine de .1a Pninsule desBalcans qui est toujours designee de cette maniere noire ,avait produit .une revolution, sans pouvoir, malgr l'appui in-tress de la Russie et celui, plein d'hypocrisie metternichiennte,-de l'Autriche, fonder un Etat. *Carageorges avait t soldat au ser-vice de l'Autriche, pendant la dernire guerre contre les Tures.Or avoir des relations avec cette Puissance, quelles que fussent cesrelations, c'tait pour les populations du Sud-Est europeen subirune influence venant de,l'Occident, d'autant plus que sur la terrade l'empereur vivait depuis une sieeie une partie tres importantede la race serbe, participant a la vie (rune socit philosophique-ment police Mais il y a aussi autre chose.

    La diplomatie napolonienne s'est adresse phis d'une fois auxnations balcaniques a l'poque oil Carageorges commenca sonmouvement. Des agents francais, un general Gentili, un generalChabot, un Nicolas Roze, un Charroy Bailleul, un Longueville, unBoutin, un Bigex, un consul David en Bosnie I, un Mriage, uncolonel Nicole, traversaient en cachette la pninsule 2. On s'estadress a Ali-Pacha d'Ianina, auquel Bonaparte promettait d'enfaire un prince assez consequent pour pouvoir rendre du ser-vice a la Republique" (1777), aux Mainotes, par les freres cor-ses Stephanopoli3, aux Thessaliens, qui taient de ces patresroumains de Macedoine" I dont l'un garde, avec ses ex-ploits, tine figure lgendaire de pretre-guerrier, Euthyme Bla-chavas, tue par ordre de cet Ali-Pacha, plusieurs fois alli de laFrance et rebelle contre la France. Voici les termes memes danslesquels, en 1808, parlait Bessieres, representant de Napoleon,dans cette region des Thessaliens: La France verrait avecplaisir les Thessaliens 'secouer le joug d'Ali-Pacha et leur4accor-derait un appui s'ils s'en rendaient dignes par leur courage etleur succes".

    1 Voy. stir lui les premiers fascicules pour Pannee 1924 de la Revue d'his-toire diplomatique.

    2 Boppe, La mission de Padjudant commandant Meriage a Widdin, dansles Annales de Pecole des sciences patiques", no. du 15 avril 1886 ; L'Alba-ide et Napoleon.

    3 Dim et Nicolas Stephanopoli, Voyage, Londres, 1800.4 On trouve dans l'Albanie" de Boppe les noms roumains du Tussa Zervas,

    de dom Chizzo Pasca, de Nassi Grammatico, de Lambro Velco Zarba (PP'235-236). Blachavas promit son concours a Donzelot.

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  • N. lorga 121

    En tueme temps dans les mmoires de l'archimandrite serbeGrasime Zlitsch 1 ne serait-ce pas l'ami d'Obradovitsch?on pe-ut voir l'influence que la diplomatie napolortienne exer-gait sur les Serbes. II ne faut pas non plus oublier l'existencede cette Illyrie, cree par Napoleon dans la region de la Saveet la Drave, qui n'etait qu'une Serbie en revolution, a la dis-cretion de l'empereur, remplacant Fancienne Croatie autrichienne.

    11 faut bien le dire, cependant, le mouvement de Carageorgestait un mouvement de paysans, crass d'impOts, troubles dansleur existence par les svices des chefs tures de ces regions,que Von appelait les dahis, les deys". On peut dire aussique ce rvolt, qui invoquait le Sultan, l'empereur", le Tzar-de Constantinople-Tzarigrade, contre ses officiers, ses adminis-trateurs, tait en relation avec toute une srie d'autres actes r-volutionnaires dans le monde turc, avec yattitude indpendantede ces chefs de forteresses danubiennes, les afans, avec l'existencede cet ntat de rvolte contre l'Empire ottoman qui &all lepachalik de Vidin sous le fameux Pasvantoglou.

    Si on tient compte de tous ces faits et si on ajoute que peut-etre le chef n'tait pa aussi rural Won se l'imagine et que plustard, en exil, il a fait assez bonne figure, a Bucarest et enBessarabie, au milieu des Russes, qui continuaient, je ne dirai pasa le soutenir, mais a le conserver pour pouvoir l'utiliser a uncertain moment il est revenu en Serbie pour etre assaSsinepar son rival, on dolt dire gull y a eu tout de meme une in-fluence de l'esprit rvolutionnaire occidental sur les debuts de larevolution serbe.

    Du reste, ii n'y avait pas que Carageorges, ii y en avait d'au-tres: surtout les marchands qui ont soutenu le mouvement, quilui ont donne des bureaux, fourni des administrateurs, et -aumilieu desquels on trouve des agents allant a Bucarest, et plusloin que Bucarest, jasqu'd Petersbourg, pour chercher un appui.

    venaient ces agents de la revolution serbe? Probablementde cette Compagnie Orientale, ayant son siege principal a Vienne,des attaches un peu partout, forme de personnes connaisSantplusieurs langues, inities aux realits politiques de l'Occident,oa ces marchands, avec leurs comptoirs, entretenaient des

    Publids en serbe a Bude, en 1823.

    D'ob

    '

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  • 122 Les nouvelles revolutions

    relations trs prcieuses. De telle sorte que de ce cOt aussi ilexiste une influence de l'Occident qui contribua au dveloppe-ment de la revolution.

    Or, les boiars roumains, qui faisaient des voyages en Occident,qui lisaient Voltaire, voyaient tout pres d'eux les flammes de larevolution. serbe.

    Et des instincts combattifs saillaient dans leur Arne. Un jeune"de c ette poque, qui avait pass des annes a Constantinople,aupres de l'agent moldave, disait ce qui suit, dans un de cespamphlets -annoymes, rpandus en manuscrit, Paroles d'un pay-san aux borars":

    Ne vous trompez pas en croyant que vous resterez si nouspErisons. Car, si les fondements cedant, la maison elle-memedisparait". Plus loin: Pensez aux anciens boiars, a leur simplemaniere de vivre, a leur capacit de donner des soldats, deshros au pays. Vous, Vous tes un nom vain, une ombre et unafume. Est-ce que les anciens passaient leur vie dans une cri-tiquable paresse? Est-ce qu'ils s'occupaient avant tout des toil-lettes de femmes? Est-ce qu'ils rivalisaient a se batir de gran-des maisons?...

    Vous occupez leur place, mais ce qu'ils faisaient, eux, vousne le faites pas. Vous portez leur nom, mais vous avez prisd'autres voies... Des aventuriers vous dominent, et avecquelle hurnilit vous cherchez a gagner leurs bonnes gracespour vous obtenir un vain titre! Et combien ils vous mprisent etcombien nous souffrons nous les pauvres."

    L'auteur dcrit ensuite la maniere de vivre des nouveauxboiars; il parle de leur incapacit a marcher dans larue, a monter a cheval, de la coutume qu'ils ont de parlerseulement de vtements et de repas, et il poursuit: Le dsir del'honneur n'existe plus dans vos coeurs... Vous ne savez pas memece que c'est. Jusqu'a votre langue, vous l'avez perdue... Voustes seulement a l'veil pour aiguiser vos 'dents les uns contre lesautres. Ce que nos avons eu, nous l'avons donne. Les agentsterriblJs -du fisc viennent ligoter nos femmes et nos enfants, et ilsnous injurient de toute fagon, ils nous accablent de coups, desorte que la vie nous est devenua un fardeau... Tant que nous

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  • N. lorga 123

    avons eu quelque chose, nous l'avons donne. Tout a te fini,mais ces gens-la ne crolent pas a nos paroles. Ils nous battentpour que nous donnions ce que nous n'avons pas... Nous nousdirigeons vers vous: vous ne nous coutez pas... Non seulementvous ne prenez pas soin de nous, mais encore vous nous insultezde toute fawn et, nous placant au .rang des b8tes, vous dites:Les rustres n'ont pas de raison, ils n'ont aucun besoin; cegulls possedent il faut le leur prendre...

    SI en est ainsi, comme naus le supposons, sachez que, rustreset clnus de raison, comme vous le prtendez, nous nous dfen-drons de nos propres moyens. Car nous avons toujours pu faireplus, mais n'avons pas cru qu'il faut user de notre pouvoir...Assez! N'allez pas plus loin! Notre patience ne le supporte plus.Ou bien on nous fait justice ou bien nous la ferons, nous. Carnos vieillards nous racontaient que jadis, je ne sais quand, lesboiars avaient de meme perdu la tramontane, ils avaient a-bandonn les bonnes coutumes, tout allait selon leur bon plaisir.Et ils nous disaient: Jusqu'a ce que nous n'aurons pas ensan-glante nos haches dans leur sang, nous n'aurons pas fait vaincrenotre droit."

    Ainsi ce que les Serbes avaient fait etait recommand auxRoumains de la meme. epoque.

    On trouve aussi d'autres correspondances, par exemple celleentre un Augustin et un Chrtien vivant a Jassy. Il est questiondans cette correspondance de la mauviise education des jeunesboiars, qui se contentent de leur rang et de la domination des cour-tisans etrangers. On ne lit rien de bon, on ne voyage plus; lesGrecs sont les maitres klu pays; et, comme l'auteur de ce nou-veau trait de polemique politique avait fait des etudes de phi-`aaunei2 ap lualn Bp0 'oad9" `zaSoA" :Tlp jj 'auljej 212ol01aucune valeur (sic). Le dernier des Ismalites veut les insulteret les battre."

    Un de ces pamphletsappartient a tel grand boiar de Valachie,Georges (lordachi) Golescu, de cette famille qui a donne a laFrance, par les femmes, le bibliographe de Voltaire, GeorgesBengesco.

    Dans son Histoire des boiars pillards de la Valachie", il railleles courtisans et se moque en meme temps des petits didas-

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  • 124 Les nouvelles revolutions

    cales, avec leur petit bouquirl la main". Lorsqu'il ecrit l'tat dela Valachie aux jours de Son Altesse Jean Caragea Voevode,fait avec la dpense des pauvres, de ce qu.i leur est reste", letitre dit le contenu. Dans cet ouvrage signe: Un bien-aime de'Son Altesse", ii dit: La langue grecque est riche, elle estbelle, et non, comme la nOtre, toute pauvrette, car c'est avecla richesse de notre langue que se sont enrichis les Grecs mi-sreux, et avec cette langue reste toute pauvrette". Dans cedernier pamphlet, il y a un chant a la maniere populaire surla misere des classes rurales, et on les entend crier ce refrain:Mangeons de l'oignon et buvons de l'eau, car le yin est cher".

    Ces poesies penetrerent dans les masses populaires et bient6ton vit le resultat.

    A ce moment, il y avait dans- la principaut d'abord des aris-tocrates grecs, tres sensibleS a ces idees et tout prets ,,a.confondrela cause de leur nationalite avec celle de la revolution chrtienneen Jurquie. Cette classe avait des adherents aussi en Russie,qui depuis longtemps accueillait des aventuriers, des exiles po-litiques, des marchands, des lettres: on ne peut pas s'expliquerla revolution grecque de 1821 sans tenir compte de toute unecategorie de Grecs qui se sont enrichis dans les stets de Tzars.Les rich?.s marchands d'Odessa, ville nouvelle, qui quivalaient aceux de la Compagnie orientate d'Autriche, avaient des rapportspermanents avec les leurs a Constantinople. Ils avaient sousleurs yeux ies spectacles de Tancienne Hellade, qui revivaient poureux par la lecture des livres nouvellement publis. Est-ce qu'ilne serait pas possible ce retablissement de l'Hellade, sous lerapport de la liberte chretienne, dans les limites de l'Empirebyzantin?

    Le mouvemeilt qui se produisit fut le resultat d'une societsecrete equivalent aux ventes des carbonari" de l'Occident,mais qui se cachait d'abord, gagnant le -diplomate russe, d'ori-gine corphiote et de culture italienne, Jean Capodistria lul-

    Un ,de Hongrie, du Maramurm Basi1 Gergheli de Ciocotici,Ccrivait en 1819 : Mieux font ceux qui parlent le latin, l'italien, le franais, carce sont des vraies soeurs de notre vieille langue roumaine".

    1 Roumain

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  • N. forgo. 125

    meme 1, sous les dehors d'une association pour soutenir desetudiants en Europe occidentale. Le drapeau portait un phenix,symbole de la renaissance hellenique et en mme temps durenouvellement de l'Empire de Constantin.

    A la tete de cette htairie" se trouverent bi6nttit pour presserla revolution les enfants de Constantin Ypsilanti, jadis prince deMoldavie et de Valachie, 4111 avait gouverne Fes deux principautspendant roccupation russe, revant d'tre roi de la Dacie renou-velle. L'aine, Alexandre, tait devenu general russe; dans unebatailla contre Napoleon il avait perdu un. bras, ce qui le faisaitconsiderer comme Un heros.

    A ses cOts devait entrer en Moldaviei un Cantacuzene, colonel;de l'armee russe, et d'autres personnes, des Marchands, impro-vises soldiats et chefs d'arme, essayant de soulever les deuxPrincipauts. Ils se trompaient etrangment. Alexandre Ypsilantin'avait pas vecu entre Roumains, il n'tait plus Roumain. Onne le suivit pas, puisqu'on ne voulait pas chez les Daces" deson ide_t1 byzantino-hellenique. IL y a eu pour lui A Jassy, a Ga-latz et plus tard a Buearest des jeunes gens, des ideologuesformes A la nouvelle cole. Il y a eu quelques aventuriers et lessoldats albanais de la garde des princes. Mais les boiars taienttrop timores et ils se rendaient compte, comme je l'ai dit, du faitque cette revolution reprsentait un autre mouvement national.Ils n'ont pas donn done dans le piege que 'Pon tendait A leurnaivete, A leurs sentiments Aretiens et a leur espoir d'etre se-courus par la Russie.

    Le mouvement a ete etouff des le debut, par deux grandesdefaites, l'une ii DrAgAsani, sur l'Olt, l'autre A Sculeni, sur lePruth moldave, ofi, aussi, l'arme du phnix hellnique fut to-talement dtruite.

    Mais, en meme temps, si les Serbes ne bougrent pas, soilsleur nouveau chef; le trs prudent Miloch Obrnovitsch, si lesBulgares ne donnerent que deux chefs macdoniens, Prodan etMakedonski, qui entrerent dans l'armee roumaine rivale, oon-duite par Theodore Vladimirescu, pour le trahir au profit desfreres Ypsilanti, la More et l'Spire se soulevent, cette spire,

    ' Karadja, dans notre Revista istorica, anne,! 1924, dernier fascLule.

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  • 126 Les nouvelles revolutions

    albanaise et roumaine plus que grecque, qui depuis longtempssubissait l'influence de la Revolution frangaise, venant par lesIles loniennes.

    Des klephtes, des armatoles, habitues A combattre pour leurpropre compte, le firent pour la nouvelle ide, tout en gardantleurs anciennes couturnes. Ce mouvement, qui etait equivalant

    celui des Serbes, manquait de chefs. Car la revolution grec-que s'est presentee des le commencement de cette fagon: ehdc.hors des soulevements A Constantinople, bient6t noyes dansle sang par les Turcs les Phanariotes sur le Danube ne trouventpas une armee et une armee en More ne trouve pas de chefs.

    Alexandre Ypsilanti, fuyard en Transylvanie, fut incarcr parl'Autriche, mais ses freres interviennent ensuite A la tete dumouvement morote. Et aussi, venant du centre d'agitation dePise, ou s'tait refugie le prince valaque Caragea, fuyard en1818, et un ancien Mtropolita des Russes a Bucarest, cet Alexan-dre Maurocordato, la plus forte tete dans Ie domaine de la po-litique et de la diplomatie..

    Ce sont ceux qui ont donne A la Grece naissante leS indicationsncessatles pour organiser le petit 8tat de 1830. Eux, ces Pha-nariotes, ces anciens princes et bofars dans les Principautesroumaines. Et le president de ita Hellade ressucitee, Capodistria, ceGree des iles Ioniennes A education italienne et A pratique russe,impregn probagement d'ides napoloniennes, bien qu'il ftit 4cOt de Pozzo di Borgo pour combattre Napoleon, de sorte quedans sa personnalit complexe ii avait les mmes elementsque Mavrocordato et les freres Ypsilanti. Des ides occidentales,comme celles qui vibrent dans la nouvelle posie grecque d'unSalomos, un lonien aussi, crivant son clebre Hymne a la li-bert dans le rythme d'un Mtastase ou d'un Ugo Foscolo, lui-mme- natif de ses iles, et avec les ides d'un Alfieri.

    En mme temps, nous l'avons dj vu , les villages roumainsse soulevent. On voulait faire des paysaas de J'Oltenie, paysansd'une race particulierement forte et hardie, l'arme que n'avaitpas 'Alexandre Ypsilanti. Le chef de cette levee en masses taitun fils de paysan lev dans la maison d'un boiar et employependant quelque temps pour des affaires en Transylvanie et pourun.proces A Viennede telle sorte que l'on retrouve la le tni-

    a

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  • N. lorga 127

    lieu de Vienne , tant devenu une espece d'avocat patriarcal. Il y4tait pendant les seances du Congres, et parmi ses lettres de cetteepoque on trouve cette declaration: On dit qu'alors (c'est--direapres la conclusion des traits) il y aura quelque chose pources regions aussi. Or, beaucoup de temps a pass, il en restepeu encore." C'tait dj sa preparation au mouve ent de 1821.

    Les lettrs pensaient eux aussi a des possibilites 'avenir. Undidascale" de cette epoque, le moine Naoum de amnic, quiconnaissait, a celte du grec obligatoire, le latin et a fait des versd'un esprit et d'une forme naive, caractrise ainsi l'tat d'espritdes petits, dans ce monde valaque avant 1821: Je ne connaispas de nation au monde gisant dans la misere et les chtimentscomme notre propre nation".

    Voici une earacteristique de Thedore, donne par un ano-nyme qui signe Roumain zl", le nom sous lequel il a passdans l'histoire de la littrature: II est arrive que je l'ai connu, eten effet 4'homme avait une intelligence naturelle. II parlait peu ettait toujours pensif. Et, quand le charbon allum qui se cachaitdans son coeur le brillait, .il laissait chapper quelques parolescontre la tyrannie".

    Ayant combattu comme officier russe dans l'arme envoyeepar le Tzar en Serbie, Theodore avait connu cette assembleedu peuple" que prsidait Carageorges: il reproduisit done enValachie le mouvement serbe. L'idee tait de Vienne, le senti-ment en -relation avec l'esprit de souffrance de sa nation, laforme fut emprunts a -fa revolution serbe. Celui qu'on a com-pare au Napolitain Mazzaniello fit son entre a Bucarest enprince, portant le bonnet de poil a fond blanc, accueilli en maitre,et, s'il n'a pas pu s'y maintenir, c'est parce que les boiars nel'ont pas soutenu. D'autre part, les Tures n'ont pas fait de dis-tinction entre le mouvement national; qui tait dirig contre lesGrecs, et le mouvement grec qui avait espere tirer patti desforces paysannes. Arrt par ordre &Ypsilanti et jug d'apresles statuts de la socite secrete de l'htairiei", dans laquelleil tait entre, le prince Theodore" fut massacre dans l'an-cienne -eapitale de la principaut valaque, Tdrgoviste.

    Mais un autre humble contemporain, dont .on n'a pas le nom,raconte qu'au moment oil on apprit sa mort, l'eveque d'Arges,Hilarion, qui lisait Voltaire et s'exprimait parfois d'une fawn"-

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  • 128 Etablissernents occidentaux en Orient

    qui passait par dessus les convenances ecclesiastiques, fit c-lbrer un Requiem pour celui dont il avait t le conseiller, etle moine crit: Il fit le signe de la croix let pleura, et tout Ilemonde qui assistait pleura aussi".

    La revolution de Theodore avait t brise, mais dans laconscience d'une nation entiere taient entres les ides quil'av aient provoque.

    CHAP1TRE VII

    Etablissements occidentaux en Orient sous l're nationale.

    Dans l'insucces des projets byzantins de 1821 il y a eu une in-fluence de la Russie, qui tendait elle-mme vers le Bosphore: cen'tait `pas en vain que l'empereur Alexandre, le successeur dePaul et de Catherine, portait ce nom.qui rappelait le souvenir duher% macedonien; ce n'tait pas en vain qu'a la Cour de Cathe-rine en 1780 on ne parlait que de l'largissement de la puissancerusse dans cette forme de l'empire byzantin. 8tant donn ce man-que de sympathie politique de la part des Russes, qui considraientleS Ottomans dchus comMe une nation qui pourrait etre sup-plante d'un seul choc dans sa domination en Orient, tant donnesaussi les differences fondamentales ..et les divergences profondesentre les nationalits du Sud-Est europeen, on n'a pas eu l'Em-pire d'Orient par les Phanariotes, abdiquant a la thorie du pha-nariotisme turc, chere au vieux prince Alexandre, qui ironiedu sort! fut tue par les Tures pour punir la trahison de sonfits Constantin. Tel a t le sort de cette famille des Ypsilanti cpkireprsentait ce dernier ideal rvolutionnaire.

    Et alors, au lieu de poursuivre l'afflui des ides occidentales,franaises, dans une seule direction, renoncant a tout ce qui

    t,appar 'ent aux diffrentes histoires nationales, il nous faut de-sormais oursuivre la continuation des influences occidentales sur,chaque nation a part. Et, puisqu'il faut adopter un ordre quel-conque, commencons, dans l'ordre chronologique, par les Serbes,dont la rvolte est la plus ancienne.\

    Lorsque Carageorges d'abord, dans- la forme revolutionnaire,lorsque Miloch Obrnovitch plus tard, un autre paysan, mais pas

    --

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  • N. lorga 129

    un soldat, et qui, se pretant par temperaments a toutes les tran-sactions, sachant tirer mme des dfaites des rsultats favo-rables A sa cause, n'avait jamais connu que son pays, travaille-rent a crer settle Serbie autonome, dans ces deux actes d'unerevolution nationale il y eut plusieurs facteurs qui collaborerent,et, jusqu'en 1840, ou trouve des chocs, des luttes acharnes entreles personnages qui les reprsentaient.

    D'abord, il y avait l'lment populaire.La Serbie a t libre par les masses rurales, qui n'avaient

    pas d'idees politiques A raliser, qui taient incapables de con-ceptions, qui vivaient dans fanbienne tradition , une traditionserbe, si l'on veut, slave sans doute, mais peut-etre plus an-cienne que l'tablissement des Slaves dans les Balcans: la tra-dition des Thraco-Illyres et des colonies formes jadis par lesRomains dans la pninsule des Balcans meme sans l'interventionde l'Empire. Car il y a eu dans la vie des masses balcaniques ence moment des souvenirs extremement archaiques et, A cet,autre chose: la dmocratie" qui s'leva des le VI-e siecle sur lesruines de l'Empire romain et forma, en Occident aussi, la basedu dveloppement pendant tout le moyen-dge.

    Or, ces paysans n'entendaient que rester dansleur village etrunir ces villages d'une autre facon que dans les dparte-ments (run caractere abstrait, crs comme ceux de la Re-volution franaise. De cette faon, il y aurait eu quelque chosede tres decentralise, reprsent par une assemble generale dupeuple". En fait l'arme meme de Carageorges n'avait t, dansl'ide de son chef, qu'une assembles armee de la nation serbe,un Parlement combattant. Et on a vu' que le demi-paysan rou-main Theodore essaya de faire la meme chose que chez lesSerbes, se prsentant coming_ chef d'une assemble nationalemilitante.

    A cet de ces paysans, il y avait aussi des Serbes qui venalentde l'Autriche, des Serbes sujets de l'empereur, habitus A unstat centralise, connaissant tous les rouages et toutes les rouepiesde l'administration du XVIII-e siecle, des Serbes accoutums aujosphinisme", c'est-A-dire a la traduction en autrichien du phi-losophisme" francais du XVIII-e sicle. Ils devaient priser avanttout, non pas l'assemble nationale", mais la chancellerie", nese proccupant pas autant du bon combat pour la liberte na-tionale que des formes oflicielles dans lesquelles on pouvait eviter

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  • 130 Etablilements occidentaux en Or lent

    les combats. Il y a eu des le commencement un chef de 'lachanoellerie, et on a commence a installer des bureaux aumilieu meme de la rvolte.C'tait un Allemand", Pierre Moler, quien tait le chef: ii avait ses ides a lui, venant de l'autre cOte duDanube et en relation avec tout le dveloppement de l'Etat au-,trichien pendant le siecle pass.

    Mais ii n'y avait pas que cette conception administrative,de lafagon autrichienne; ily en avait une autre venue de Russie, celledu docteur Philippovitsch, originaire de Charkov. La Russie tait ace moment un pays plus ou moins germanise, depuis Pierre-leeGrand et surtout sous ses successeurs, a moitie, aux trois quartsallernands, qui croyaient ne pouvoir donner a P8tat une base plussolide que celle des chancelleries de l'Allemagne centrale. Et,comme ii ne voulait pas de la chancellerie autrichienne, ii pro-pose un Soviet, inscrit en lettres noires sur du papier bleu dechaneellerie, comme cela se faisait a cette poque. Voila deuxhommes diffrents devant des paysans qui ne compienaient riende ce qu'ils ecrivaient, des paysans totalement illettrs, mais pleinsde l'amour de la guerre.

    11 y avait aussi un courant frangais. 11 venait de Vienne, quitait une espece de dep6t general pour l'Orient de l'esprit phi-losophique. Des 1819 Dmetre Davidovitsch y publiait le premierjournal serbe. D'apres ces ides, ii fallait avoir une Constitution.Les paysans avaient une assemble: ils ne revaient pas de Con-stitution; les autres ouvraientdes registres pour les actes publics,ceux-ci demandaient une Constitution a la mode frangaise.

    A cOt des anciens adherents de Carageorges, comme Nna-dovitsch, qui revenaient de Bessarabie, apportant certaines ran-cunes, ii y avait enfirt des Serbes qui avaient pass une partiede leur vie comme marchands : tel Stolen Simitsch de Bu-carest, ou tout un proces constitutionnel d'organisation liberatese poursuivait.

    Sans compter un autre facteur essentiel, qui voulait- l'assem-ble nationale, mai pas autre chose: l'influence, tout-e puissante,du consul de Russie.

    La Russie ,dclarait formellement, avant 1812, date de lapaix de Bucarest, que la Serbia est son territoire d'influenceexclusive. Or, pour se rendre maitre de cette Serbie, 11 fallaitviter deux elements, dont Fun pouvait provoquer un changementd'orientation, la nation, et l'autre pouvait imposer une autorit

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  • N. Iorga 131

    qui aurait et extremement genante pour l'influence russe, Mi-loch Obrenovitsch lui-meme.

    Alors, pour ne paS donner une influence prpondrantecelui qu'on appelait vaguement un oborenzeCarageorges s'taitintitule chef de l'assemble du peuple serbe"et comme la Skoup-chtina, l'assemble initiale, pouvait devenir dangereuse pour l'in-fluence russe, on voulut avoir un Snat, plus ou moins corres-pondant a celui de Petersbourg, dont l'autorit monarchiquefaisait cependant un peu ce qu'elle voulait. On se disait que, dansle Snat ii y a plus de tendances divergentes, que c'est uninstrument qu'on peut manier, tandis qu'avec les paysans, tropnombreux, trop peu inities a la civilisation politique, avec unhomme comme Miloch, dur et fier, on s'entendrait trs diffi-zilement.

    II y avait, au fond, les Tures, le Sultan, qui etait disposereconnaitre Miloch Obrnovitsch par un firman, dans une

    seule qualite: celle de Paella chrtien, successeur serbe des. an-ciens Pachas. On esprait mme garder l'ancien Pacha. Ils ne seseraient jamais entendu entre eux, et, de cette facon, Constan-tinople aurait pu dominer.

    Un nom eau facteur extrieur, de contradiction, des 1830,date a laquelle l'Angleterre commenca a s'immiscer d'une fa-eon permanente dans la vie des Balcans,- fut l'intrigue de l'agentanglais, compliquant les conflits. Combattant l'action de la Russiepartout, ce pauvre consul ne disposait ni d'argent, ni d'autres mo-yens et tait tres mal soutenu par son gouvernement; il s'estevertu vainement pendant de longues annes a dtruire l'h-gmonie russe.

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    La hation serbe", avait dit Miloch, se constituera d'elle-mmecomme elle pourra, sans intervention de qui ce soit."

    Le rsultat de la lutte entre les partisans du Snat, russophiles,et ceux de la Skouptschina, anglophiles, a et la Constitutionde 1835, dans laquelle on pourrait difficilement faire le partagedes ides. Ces ides avaient pass par tant de moyens de trans-mission, elles avaient rencontr des oppositions si nombreuses,si varies, on avait &I les adapter d'une f aeon locale si came-teristique a ux circonstances particulieres dans lesquetles se d-veloppait l'8tat serbe, qu'on est arrive a une contrefaon per-mettant pour l'avenir de laisser ouverte la question constitution-nelle.

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  • 132 ttablissements occidentaux en Orient

    Chez les Grecs r8tat a obtenu sa forme definitive seulementapres la bataille de Navarin, apres l'intervention navale des Rus-ses, des Franais, des Anglais et apres la guerre russo-turque(1828-1829), suivie par les decisions de la Conference de Londres.

    Une periode de dix ans a t done rserv6e aux seuls efforts.de la nationalite grecque tendant A se constituer.

    Voyons quels sont les lments existants et la fagon dont ceslments pouvaient reprsenter les idees occidentales, frangaises,ou des ides locales, orientales, populaires, qui s'opposaient na-turellement aux tendances d'organisation abstraite, drivant decette philosophie du XVII-e siecle, passe par la tourmente de laRevolution frangaise et par PEtat napoleonien costume a l'antique.

    Lorsqu'il a t d'abord question d'organiser P8tat grec, quecertains ne pouvaient pas concevoir unitaire, car les gens deMore et de Roumlie allaient jusqu'd se battre entre eux 1, etA tel moment Ypsilanti se runit, aux clephtes pour leur fairedemander la mort des archontes", des primates, on a commencepar une maniere 'qu'on a abandonne cependant, bien que cefat la meilleure. Au-dessus des combattants qui etaient des pay-sans, il y avait las khodschabachis, les anciens chefs de la corn-munaut villageoise, ceux qui- administraient le groupe, tantsoumis eux-mmes a l'autorit du Pacha. II y avait ensuite leclerge, qui tait le moyen legal de representer les masses popu-laires grecques.

    y a eu un essai d'organisation sur cette base; les municipa-lits. furent invitees a dlguer des representants, qui ont formed'abord le Snat peloponnesien", puis l'aropage de Salona.Si on croyait pouvoii conserver ces organisations populairespessemblant beaucoup a l'organisation unitaire serbe, on se trom-pait, parce qu'il y avait d'autres influences, comme la diploma-tie russe, et de temps en temps des actes de violence tendaientrenforcer cette influence.

    Mais en face des masses populaires ii y avait comme chefsdes stratiotiques", opposes ouvertement, comme a Astros, oa IIy eut ccmme deux camps1, aux politiques", de couleur phanariote,

    1 YOrndniz, La Grdce moderne, Paris, 1861, pp. 147-148.Ibid., p. 191.

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  • N. lorga 133

    heux qui s'taient distingues dans cette guerre de l'indpendance-chretienne, les chefs des palicares, les capitaines des guerriers,les commandants de cette ancienne region lacdmonienne quis'appelait le Magne (Maina) ou d'autres groupes de valles. Cesheros d'une guerre qui avait demand, non seulement une bra--voure hors ligne, mais en meme temps une croyance absolue.A l'ide nationale pour pouvoir se maintenir contre les forces, dis-ciplinees a la fagon europenne, fagonnees A la frangaise, deMhmed-Ali, maitre de l'Egypte, ces capitaines aux longues mon-staches, vetus du costume national, portant tout un arsenal A laceinture, se presentant de fagon guerrire, taient en mme tempsdes personnages qui n'avaient aucun respect pour les ides con-stitutionnelles de l'Occident. Ils consentaient a se runir clangcertaine assemble, et il y en a eu plusieurs, A Argos, a Epidaure,a Astros, grands noms anciens choisis expres pour impressionnerles philhellenes", mais ces assembles n'avaient guere le ca-ractere d'un Parlement occidental, meme le plus vehement dansses manifestations; parfois il n'y avait pas meme de seances;-on rdigeait des proces-verbaux sans -cela. On avait fixe un cen-tre de ressemblement, des bandes armes entouraient l'assembleeet participaient par des cris et des menaces A la discussion, et,au milieu, des personnes vtues de la redingote occidentale, por-tant feux-cols et lunettes, des lettres employant le langage de laphilosophie" du XVHI-e sicle, avaient une sainte horreur de cequi se passait sous leurs yeux..

    En 1824 Colocotronis se laissa plutOt assieger A Tripolitza etdans sa Carytene montagneuse par les troupes de ce qu'il neconsidrait pas comme un gouvernement.

    Les guerriers indomptables, qui, comme le meme plus tard,A la Cour du roi Othon, n'oublaient pas leurs exploits, les ser-vices qu'ils avaient rendus a leur pays, considraient commaleurs ennemis naturels ces . reprsentants de l'esprit occidental,de la pensee frangaise, les Phanariotes. Nous les connaissons.Ils avaient eu jusqu'a ce moment deux domiciles: celui deConstantinople, de l'ascension et de la catastrophe, et le do-micile roumain, eelui du triomphe. Lorsqu'ils avaient russi, ilstaient princes, boiars, ministres des Affaires Extrieu