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RHÉTORIQUE ET STATISTIQUE : ANALYSE DES RAPPORTS ENTRE CLASSES ET ENTRE RÉGIONS Author(s): Pablo Gonzalez-Casanova Source: Cahiers Internationaux de Sociologie, NOUVELLE SÉRIE, Vol. 45 (Juillet-décembre 1968), pp. 67-80 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40689459 . Accessed: 15/06/2014 04:06 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers Internationaux de Sociologie. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.176 on Sun, 15 Jun 2014 04:06:53 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

RHÉTORIQUE ET STATISTIQUE : ANALYSE DES RAPPORTS ENTRE CLASSES ET ENTRE RÉGIONS

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RHÉTORIQUE ET STATISTIQUE : ANALYSE DES RAPPORTS ENTRE CLASSES ET ENTRE RÉGIONSAuthor(s): Pablo Gonzalez-CasanovaSource: Cahiers Internationaux de Sociologie, NOUVELLE SÉRIE, Vol. 45 (Juillet-décembre1968), pp. 67-80Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40689459 .

Accessed: 15/06/2014 04:06

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RHÉTORIQUE ET STATISTIQUE : ANALYSE DES RAPPORTS

ENTRE CLASSES ET ENTRE RÉGIONS par Pablo Gonzalez Casanova

Les études marxistes sur les classes sociales, en régime capi- taliste, considèrent dialectiquemeni la catégorie principale bour- geoisie-prolétariat comme une constante et comme variables les caractéristiques de celle-ci. Ce qui obéit à la définition du système capitaliste dans son essence même, système qui subsiste tant que se manifeste la catégorie « bourgeois-prolétaires ». A la catégorie essentielle du système, on peut ajouter un grand nombre d'autres caractéristiques sans que le système cesse essentiellement d'être capitaliste. Ces caractéristiques peuvent remplir le rôle d'attributs ou de variables, ou bien se transformer en nouvelles catégories : le système n'en demeure pas moins capitaliste. Le système se maintient tant que dure la catégorie ; mais la catégorie peut changer jusqu'à se détruire et détruire le système. L'histoire de la catégorie essentielle provoque par la suite l'annulation de la catégorie elle-même, c'est-à-dire l'annu- lation de la relation bourgeois-prolétaires ; les changements quantitatifs de la catégorie engendrent des changements quali- tatifs qui annulent le système ; mais tant que ces changements ne détruisent pas la catégorie, celle-ci définit le système : elle est une constante caractéristique du système et aucun change- ment qualitatif essentiel ne s'est produit.

Dans la pensée marxiste, on ne peut certes pas minimiser l'importance de l'apparition de catégories produites par le processus historique lui-même, qui donnent un nouveau sens aux formes d'exploitation capitaliste : c'est le cas de l'impé- rialisme, catégorie qui n'existait pas originellement dans la réa- lité, et dans la théorie classique. Il devient cependant plus difficile de comprendre les influences croissantes des couches moyennes ou des sous-groupes des classes ouvrières (ouvriers spécialisés, qualifiés) qui altèrent les termes des inégalités et de l'exploitation, qui retardent le développement des contradictions ou modifient leur structure, qui ont une influence sur les groupes et individus des classes ouvrières en renforçant les bases objectives de l'alié- nation d'un secteur du prolétariat. Ces changements mis à jour par la sociologie empiriste et par les idéologues du statu quo>

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se voient parfois écartés en tant que catégories significatives par le marxisme.

D'autre part, la catégorie des classes admet l'existence de variations entre les individus qui les composent : le nombre de bourgeois et de prolétaires est considéré comme variable histo- rique par le marxisme ; la concentration du capital aux mains d'un groupe restreint d'individus, la prolétarisation des petits producteurs sont quelques exemples que le marxisme inclut dans ses analyses des variations quantitatives des classes. Mais il est aussi des modifications ou variations d'individus qui se produisent au sein de la catégorie principale (bourgeoisie-prolé- tariat), et dans les catégories secondaires, qui réduisent ou retardent le processus d'accentuation des contradictions, et qui sont difficilement acceptées comme significatives et objectives par le marxisme, alors que la sociologie empiriste les analyse et les considère comme des phénomènes de première importance. Tels sont les processus de mobilisation et de mobilité sociale que la sociologie empiriste a coutume de considérer comme indices d'un processus de disparition de la société de classes, tandis que les chercheurs marxistes les considèrent comme une « simple arme idéologique » de la bourgeoisie : « Les affirmations bourgeoises d'après lesquelles l'existence de la « mobilité sociale verticale » décongestionne les conflits de classe et que, de ce fait, elle émousse les contradictions et les luttes de classes et pro- voque leur disparition complète dans les pays capitalistes hautement développés, ne résistent pas à la moindre critique », écrit M. Semionov.

En réalité, aussi fausses que soient les affirmations suivant lesquelles la mobilisation ou la mobilité anéantissent la société de classes, les considérer comme de pures idéologies bourgeoises n'est pas moins erroné ; il s'agit de déplacements des individus d'une catégorie à une autre - du prolétariat à la bourgeoisie - ou de changements quantitatifs au sein d'une catégorie, qui altèrent le comportement du système, qui « décongestionnent les conflits de classes », qui « amortissent les contradictions et la lutte des classes », au moins dans certaines périodes de l'évolution du capitalisme.

L'apparition de nouvelles catégories (1) appelées « couches moyennes » ou « secteurs moyens », tout comme les changements quantitatifs de ces dernières et ceux qui se produisent entre les différentes classes et strates sont des phénomènes extrêmement significatifs pour comprendre la dynamique concrète de la société

(1) Nouvelles quant à leur importance et signification dans la structure néo-capitaliste.

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capitaliste. Il s'agit de faits -objectifs qui sont associés à des formes objectivée d'aliénation de la classe ouvrière, aux « effets de démonstration », que la sociologie empiriste tend à magnifier en faisant usage de formes qui sont certes idéologiques, lorsque par exemple elle postule que ces faits détruisent le système capitaliste en le rendant « populaire ». Gomme le dit M. Semionov, la mobilité ascendante ne détruit pas le système ; mais elle demeure un fait réel, valable même pour comprendre le compor- tement de la population qui n'est pas mobile - qui ne bénéficie de rien - et tout comme les nouvelles catégories des couches moyennes ou des sous-groupes d'ouvriers, elle constitue une variable qui correspond aussi à un facteur objectif d'aliénation : la mobilité est « l'opium des peuples » au sein du néo-capitalisme, opium qui toutefois correspond à des changements structuraux et pas uniquement à un phénomène idéologique ou psychologique.

La position stratégique du marxisme accentue ainsi le carac- tère constant des classes essentielles - bourgeois-prolétaires - et la variabilité historique des caractéristiques qui définissent cette catégorie, l'amenant à une contradiction ou crise essentielle elle aussi ; par contre, la position stratégique des empiristes accentue le caractère variable des strates et des individus et en particulier les variations qui renforcent le système : en aucun cas, il ne s'agit d'un processus purement épistémologique, mais bien d'un processus politique qui, à des périodes historiques déterminées, opère dans le système et les structures, donnant lieu à une série de confusions qu'il est nécessaire de préciser en observant les procédés d'analyse.

En premier lieu, il semble à propos d'établir, même de façon provisoire : a) Le caractère constant ou variable qu'ont dans le marxisme et l'empirisme les catégories et le système ; b) Le caractère dépendant ou indépendant des catégories par rapport à la distribution des individus ; c) L'objectif analytique prédo- minant du relevé des variations. De façon très préliminaire, on peut codifier les principales tendances théoriques et analy- tiques selon le schéma suivant :

Marxisme Système capitaliste : Dépendance ' Registre prédominant

variable de la distribution : de variations : _ .. . . . . La distribution des indi- Variations historiques qui Catégories _ .. .

principales . . . : vidus dépend de la affectent les catégories

constantes (1) catégorie. et tendent à les dé trui- ri re en détruisant le Laasses • système,

bourgeois-prolétaires

(1) Dans le sens dialectique, tant d'un changement qui mène à sa destruc- tion avec celle du système, que d'une lutte ou contradiction.

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Empirisme Système capitaliste : Dépendance Registre prédominant

constante de la distribution : de variations : n . . . . . , , , . La distribution des caté- Variations quantitatives n Catégories . . .

principales . . , (1

, , . ) : g9ries dépend des indi. qui affectent les grou- variables vidus (de leur revenu, pes et individus de

Strates • ' prestige, etc.)- chaque catégorie et les ' . Les variations des indi- « socialisent » ou ren- SUP- - moy. - mf. .

vidus déterminent la dent fonctionnels par distribution et les rapport au système, points de rupture des catégories elles-mêmes, sous réserve de pou- voir distribuer par la suite les individus dans ces catégories.

Ce schéma représente l'opposition analytique entre le marxisme et l'empirisme : dans le premier, les variations sont évaluées par rapport à des catégories qui, historiques et transi- toires, demeurent constantes tant que le système persiste, tant qu'aucun changement ne le détruit. De là, on tend à analyser avec un intérêt politique et une sympathie idéologique les varia- tions à même de détruire les catégories et le système lui-même. Dans l'empirisme, il est sous-entendu que le système est constant, soit parce que les classes peuvent changer quant à leurs effets, sans que disparaisse la propriété privée des moyens de produc- tion ou, plus fréquemment, parce que l'on considère que les classes ont peu d'utilité dans l'analyse des changements sociaux à l'intérieur du système et qu'on leur substitue les « strates » ; dans l'un ou l'autre cas, les classes apparaissent comme des catégories variables à l'intérieur d'un système constant qui se perfectionne : les classes elles-mêmes se perfectionnent (2).

Or, du point de vue du processus d'analyse, la distribution des strates dépend des variations des individus ; variations qui déterminent les catégories elles-mêmes et les points de rupture des strates. L'empirisme tend à analyser avec un intérêt politique et une sympathie idéologique les changements dans les distri-

(1) Dans l'investigation empiriste, les catégories réelles - bourgeois- prolétaires - apparaissent comme constantes a-historiques, données, sans qu'elles aient un sens dialectique ni comme lutte, ni comme contradiction ; en tout cas, elles sont secondaires du point de vue de leur valeur mathéma- tique, nominale et analytique. D'autre part, on peut difficilement parler d'une catégorie principale dans la recherche empiriste des strates, car celle-ci passe des explications des phénomènes à partir d'un seul facteur à des explications multifactorielles dans lesquelles tous les facteurs sont importants, dans les- quelles, en somme, on cherche à mesurer le poids de chacun d'eux dans l'expli- cation de la variance ou du comportement des variables dépendantes .

(2) La notion est complètement distincte de la notion marxiste et lui est antagonique, et, bien qu'on applique souvent à cette conceptualisation la terminologie des « classes », il est préférable de toujours utiliser le terme « strates ».

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butions qui se révèlent plus fonctionnelles par rapport au système. A cet effet, il analyse systématiquement les corrélations entre les distributions de caractéristiques individuelles et leurs effets sur le comportement des individus. L 'intervalle et les corrélations bénéficient ainsi d'une position privilégiée, dans le premier cas parce qu'on analyse des catégories variables d'un système qui se maintient constant et dans le second, parce qu'on analyse l'association des changements des distributions entre les individus et leur comportement, les spécifiant et les précisant en vue de politiques de plus en plus concrètes. Sans aucun doute dans le marxisme, l'analyse recherche la socialisation d'un phénomène social tel que les moyens de production ; dans l'empirisme on recherche la « socialisation » de l'individu, son adap- tation au système ou un traitement spécial face aux « déviants ».

L'analyse marxiste du néo-capitalisme se révèle relativement rigide tant qu'elle ne situe pas la catégorie des classes bourgeoisie- prolétariat à l'intérieur d'une catégorie plus ample : V exploitation sous ses diverses manifestations, y compris les formes régionales. Mais quand on identifie l'essence du capitalisme avec les diffé- rentes formes d'exploitation de l'homme par l'homme, à la base desquelles se trouve la relation de classe - c'est-à-dire la propriété privée des moyens de production et l'appropriation du produit social dans des conditions défavorables à la classe ouvrière - il devient absurde de penser que la stratification et la mobilité sont de pures idéologies bourgeoises : ce sont des changements de la structure originale de l'exploitation qui fortifient le système et renforcent l'aliénation de la classe ouvrière métropolitaine (1) par des changements objectifs. La rhétorique empiriste consiste : a) A magnifier les processus de justice et d'égalitarisme qui correspondent aux phénomènes de mobilisation, mobilité et croissance des couches moyennes ; b) A ignorer le transfert de l'injustice, de l'inégalité et de l'exploitation aux régions coloniales et périphériques.

On a déjà amplement traité des méthodes de mesure qui altèrent et exagèrent la redistribution plus équitable du revenu, l'augmentation de celui-ci, celle des possibilités d'éducation et de pouvoir de la classe ouvrière métropolitaine, ou la perte de pouvoir du capital, la prétendue naissance d'une technocra- tie, etc. ; ces thèmes ne constituent pas l'objet principal de ce travail. Nous nous proposons seulement de mettre en relief, ici, les manières d'arriver à des conclusions générales sur le développement des classes dans le capitalisme qui ignorent les phénomènes d'exploitation régionale, en manipulant des éléments

(1 ) Soit la classe ouvrière des pays métropolitains ou celle des villes coloniales.

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partiels, sous des formes quantitatives apparemment rigoureuses. A cet effet, il convient de prêter attention au tableau suivant :

Tableau 1

Sous-ensemble M Sous-ensemble G

Po R Po R

, ÍB 10 90 10 40 1 ' P 90 10 90 60 50 50

, ÍB 10 40 10 90 h ,

' P 90 60 90 10 80 20

Dans ce tableau qui correspond à un modèle hypothétique de distribution, apparaissent deux sous-ensembles : M (Métro- politain), C (Colonial ou Périphérique) ; deux moments his- toriques : ix (période 1), t2 (période 2) ; deux variables : Po (population), R (Revenu) et deux classes : B (bourgeoisie), P (prolétariat). De l'analyse statistique de ce tableau on peut tirer une série de conclusions :

1. Si d'une distribution (tt) du sous-ensemble M dans lequel 10 % de la population disposent de 90 % du revenu alors que 90 % de la population n'ont que 10 % du revenu, on passe à une autre distribution (t2) du même sous-ensemble où les mêmes 10 % de la population n'ont plus que 40 % du revenu, on peut conclure que la distribution s'est améliorée. Comparant la distri- bution originale du sous-ensemble M avec celle qui lui est posté- rieure, on peut tirer des conclusions très élogieuses dans le sens d'une distribution plus équitable du revenu. Mais si on considère ces relations dans leur caractère partiel par rapport à un ensemble plus ample, il existe d'autres possibilités d'interprétation.

2. Si on compare la distribution originale (tt) du revenu total de l'ensemble, on observe que 50 % de celui-ci appar- tiennent au sous-ensemble M (Métropole) et 50 % au sous- ensemble C (Colonie), alors que dans la distribution posté- rieure (fa), 80 % appartiennent à la Métropole et 20 % à la Colonie. Cette redistribution moins équitable entre les sous- ensembles quand on les compare au cours de deux périodes, est compatible avec une distribution plus équitable à l'intérieur du sous-ensemble Métropolitain ; mais la rhétorique quantitative peut mettre l'accent sur la redistribution dans les deux périodes du sous-ensemble M, et ignorer la redistribution inéquitable entre les deux sous-ensembles, métropolitain et périphérique.

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3. D'autre part, la distribution plus équitable entre les classes métropolitaines, quand on les compare en ix et t2i peut coïncider avec une répartition plus inéquitable entre les classes de la périphérie quand on les compare pendant ces deux périodes ; mais la rhétorique quantitative peut mettre l'accent sur la meilleure distribution du produit entre les classes métropoli- taines, sans considérer la détérioration de la distribution à l'intérieur des classes de la périphérie.

4. De plus, en comparant les distributions de classes Mf2 et Gtz et en concluant que le développement conduit à des formes plus équitables de distribution (comme il ressort de la compa- raison des distributions entre les pays sous-développés et les pays développés), on peut ignorer le passage d'une distribution plus équitable dans le sous-ensemble G (distribution originale Cy à la distribution détériorée que, par la suite, présente le même sous-ensemble (Gt2) ; phénomène qui s'est historiquement produit dans certaines sociétés originellement peu différenciées, et qui le sont devenues à l'extrême avec la conquête et la colonisation. Du point de vue statistique, apparaît une possibilité de type rhétorique qui, malgré sa formalisation mathématique, présente des traits communs avec les mythes du « paradis perdu ».

L'analyse antérieure ne considère pas d'autres possibilités qui sont pourtant fréquentes et que nous pouvons illustrer dans le tableau suivant :

Tableau 2

Sous-ensemble M Sous-ensemble C

Po R Po H

h

Total FÕÕ ÍÕÕ ÍÕÕ 100

h

Total 150 200 150 100

5. Si on considère que le revenu total du sous-ensemble M en ix équivaut à la moitié de celui du même sous-ensemble en t2i toute tentative d'explication causale se limite à considérer les facteurs en jeu à l'intérieur du sous-ensemble Métropolitain (organisation, technologie, entreprise, etc.), sans supposer que l'augmentation puisse être le fruit d'une redistribution du revenu total des sous- ensembles M et G. Et si nous partons de là pour expliquer la stagnation du sous-ensemble G, nous essayerons de confirmer

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l'absence d'organisation, de technologie, etc., comme explication de la stagnation, sans accorder d'importance à la redistribution.

6. Si l'on considère que la population a augmenté de 50 % en Métropole durant la période f2, nous déduisons une réduction nécessaire de l'augmentation du revenu par rapport à la popula- tion : étant donné le taux de croissance de la population, l'augmen- tation du taux du revenu total est ainsi de 50 % et non de 100 %. Si, extrapolant cette analyse nous passons au sous-ensemble C, nous pouvons conclure que l'appauvrissement de la population est fonction de son propre accroissement, sans rien mentionner des processus de redistribution entre les sous-ensembles M et G.

Pour résumer les deux points antérieurs, nous dirons qu'il est possible d'expliquer d'une part le développement, de façon exclusive et toute rhétorique, par la croissance technologique ou par la capacité d'innovation des habitants de la Métropole, et le sous-développement par le manque de ces caractéristiques ; et d'autre part, le sous-développement par une croissance exces- sive de la population périphérique. Cela sans considérer, dans aucun des deux cas, la redistribution plus inéquitable entre le sous-ensemble métropolitain et le sous-ensemble périphérique, ni non plus accepter le jeu de relations dissymétriques entre l'un et l'autre ; on peut les nier au contraire, en postulant ouvertement que le phénomène de l'exploitation n'existe pas, que ce soit d'homme à homme, ou de nation à nation. Il suffit d'affirmer que les classes dominantes payent exactement aux classes dominées ce qu'elles produisent et que les nations domi- nantes payent exactement aux nations dominées ce qu'elles produisent. Le postulat implicite, à savoir que la société capita- liste et impérialiste est une réalité identique aux entités méta- physiques traditionnelles (cieux, paradis, nirvanas), coïncide avec la possibilité de mensurations très rigoureuses, dans les- quelles on utilise des données partielles pour établir des tendances générales qui dépassent le sous-ensemble.

7. L'analyse statistique de caractère rhétorique présente une autre possibilité. Si l'on compare les distributions en t2 du sous- ensemble métropolitain avec les distributions en t2 du sous- ensemble périphérique, on conclut que dans les pays développés, la distribution est plus équitable que dans les pays sous-déve- loppés, confirmant ainsi l'idée du progrès linéaire et de la justice croissante. Car, en ne comparant plus les pays métropolitains développés (Mfa) avec leur situation antérieure, mais avec l'actuelle situation des pays périphériques (Gf2), on peut postuler la possibilité d'une justice croissante entre les classes de ces pays à mesure que ceux-ci, se développant, ressembleront - dans leur organisation, leur technologie, leur psychologie - aux pays

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développés, et passer ainsi sous silence deux phénomènes graves. D'une part, que la meilleure distribution des pays métro- politains (Mfa) est parallèle à un processus de distribution tou- jours plus inéquitable entre Mt2 et Cf2, processus qui transfère, dans une large mesure, les relations dissymétriques de classes à des relations dissymétriques de régions. D'autre part que les relations de classe deviennent plus équitables quand se produit un transfert des inégalités entre M et C, transfert qui, de fait, intervient aussi à l'intérieur des métropoles des colonies et des périphéries coloniales, où réapparaît le jeu des sous-ensembles régionaux et des classes, comme l'illustre le tableau 1.

Or, dans le modèle précédent, un élément n'a pas été inclus, qui est pourtant caractéristique du néo-capitalisme et des possi- bilités rhétoriques d'une analyse statistique. Dans le tableau 1 et dans les analyses subséquentes, on a considéré comme cons- tantes les catégories B et P. Les noms et la définition de ces catégories sont sensiblement distincts dans le marxisme et dans_ le fonctionnalisme. Nous ne sommes pas particulièrement inté- ressés par ce problème, mais bien par l'analyse fonctionnaliste qui utilise des unités de données discontinues ou des unités de données continues pour déterminer le point de rupture entre B et P, sans considérer B et P comme une « diade » aux relations dissymétriques réelles.

Pour les besoins de cette analyse critique de la sociologie. • considérons B comme la strate élevée et P comme la strate basse. Nous laisserons de côté la confusion « fonctionnaliste » entre classes et strates, qui constitue une importante source d'erreur et de rhétorique - et nous nous efforcerons de mettre en relief le problème du passage des caractéristiques discontinues aux variables, passage qui renforce cette erreur avec ses possi- bilités rhétoriques. En effet, les définitions statistiques de B et P peuvent être données en fonction de l'emploi ou du revenu personnel, pour ne citer que deux exemples. Si nous supposons que l'indicateur de P et B est l'occupation manuelle et non manuelle respectivement les membres de chaque « classe » varieront en fonction de ces occupations ; mais si nous considé- rons le volume du revenu comme indicateur de B et P, le point de rupture entre les deux classes dépendra de différents types de mesures centrales et de dispersion, ou d'un « fìat » de caractère pratique, politique, comme il arrive quand on classine en B la population ayant un salaire égal ou supérieur à un quantum déterminé et en P la population ayant un salaire inférieur à ce quantum. Dans un cas, la distinction des strates se fait selon des caractéristiques discontinues d'occupations réelles, dans l'autre, selon des caractéristiques continues de groupes statis-

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tiques. Dans le premier cas, les groupes réels - professionnels - apparaissent comme des choses isolées, comme des discontinuités mathématiques qui peuvent s'assembler, selon la définition de l'attribut, par les parties qui les composent, et dans le second cas les groupes statistiques extraits d'un continuum deviennent des phénomènes qui peuvent se regrouper selon les critères que l'on choisit pour établir les points de rupture et selon les paramètres avec lesquels on travaille. Bien entendu, on ne voit pas cette « unité collective » qu'est la classe marxiste avec les relations essentielles d'exploitation et de lutte qu'elle implique, mais plutôt des unités « individuelles » de groupes. Ces unités peuvent être regroupées selon des définitions quantitatives et qualitatives, qui correspondent eh partie aux définitions des processus poli- tiques, qui modifient les groupements d'individus, faisant passer les individus d'un groupe à l'autre, changeant la composition du groupe, changeant l'attitude, la conscience et l'idéologie de l'individu ou du groupe.

La manipulation statistique des groupes, au moyen des attributs et variables et de leurs redistributions, correspond ainsi aux manipulations politiques et à des changements réels des individus et des groupes ; ce qui donne lieu à une série d'expressions rhétoriques formalisées statistiquement.

1. Du fait que chaque groupe est caractérisé et considéré séparément, le traitement statistique n'épuise pas le problème de la relation entre les groupes quoiqu'on les compare et qu'on les mette en corrélation d'après les variables retenues (statistiques) ; le problème statistique de la classe haute et basse en tant que « diade », en tant qu'unité constitutive, n'est pas analysé ; et moins encore celui des relations dissymétriques et des relations d'exploitation. Celles-ci n'apparaissent nulle part comme objet d'analyse, et on ne voit même pas l'unité analytique qui fait des deux strates - la haute et la basse - une unité statistique à l'intérieur de laquelle se mesurent les relations comme unité. Les strates sur lesquelles on travaille sont discontinues, attri- butives, même si originellement elles se basent sur des variables ; les cas constitutifs sont des cas individuels et c'est à partir d'eux qu'on passe à des conclusions sur les groupes ou le système.

2. Le fait que les individus changent d'un groupe à un autre (de P à B) n'implique pas que s'achève la structure P-B dans laquelle apparaît l'exploitation d'un "groupe par un autre, ou tout au moins les relations dissymétriques entre un groupe et l'autre.

3. Le fait d'inclure dans la définition de « classe haute » (B) les ouvriers spécialisés ou qualifiés modifie la dimension de B et de P, mais non la structure B-P en ce qu'elle représente les relations des propriétaires des moyens de production et des non-propriétaires.

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4. Par le fait que l'attitude, la conscience et l'idéologie des membres de P ou du groupe P pris dans son ensemble change - par exemple, quand les ouvriers disent appartenir à la classe moyenne - il ne s'ensuit pas que la relation B-P disparaisse.

La rhétorique statistique tend à ne pas mesurer la diade B-P - et néglige l'exploitation de P par B - mais elle considère les groupes comme des entités isolées qui reçoivent ou possèdent des attributs déterminés : revenu, éducation, prestige, etc. ; ou bien elle analyse les changements, la mobilité d'un individu du groupe P au groupe B, ou les changements d'un sous-groupe de P à B, ou les changements d'attitude, de conscience, d'idéo- logie des individus et sous-groupes de B et P, et les corrélations qui les unissent. Dans tous ces cas, on prête moins attention à la relation humaine entre B et P qu'aux relations statistiques caractéristiques ou variables des individus de B ou P.

De là surgissent diverses possibilités qu'il est important de considérer dans leur fausse rigueur scientifique : 1. La possibilité de mesurer de manière particulièrement rigoureuse la mobilité des individus ; 2. La possibilité d'établir des corrélations parti- culièrement rigoureuses entre les caractéristiques des individus ; 3. La possibilité de fixer les limites des différentes strates de manière très précise, à partir des caractéristiques homogènes des individus qui les composent ; 4. La possibilité de stratifier avec précision par référence aux caractéristiques de la distri- bution d'une variable telle que le revenu. La rhétorique consiste à conclure : 1. Que la mobilité ascendante tend à anéantir la structure de l'exploitation. Ce qui est non seulement douteux en tant que généralisation (« le capitalisme devient populaire » ou « les travailleurs deviennent capitalistes ») sinon en tant que conclusion statistique sur la nature d'une unité collective, à partir de l'analyse d'une unité individuelle ; mais qui est de plus aussi absurde que d'affirmer qu'un processus croissant d'émi- gration des habitants d'un pays sous-développé vers un pays développé est indice de développement de l'ensemble que forment les deux pays ; 2. Que les corrélations des attitudes des individus qui font partie de B et P expliquent la situation sociale de M, et que le fait de spécifier ces corrélations en G explique la situation sociale de M et de C ; 3. Que le regroupement de tous les sous-groupes de B et de P par les coefficients d'homo- généité de leurs caractéristiques correspond à une formation scientifique des groupes et sous-groupes, et que le regroupement des sous-groupes selon les points de rupture des mesures centrales ou des mesures de dispersion de la variable élue (revenu, par exemple), permet de regrouper scientifiquement les groupes ou sous-groupes dans une échelle mathématiquement supérieure à

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l'échelle nominale. La troisième conclusion laisse croire que les regroupements obéissent à des fonctions mathématiques qui varient dans des périodes et régions distinctes, comme on peut le prouver statistiquement ; par ce biais, non seulement on tente de prouver sous une forme polémique et rhétorique que la division bourgeois-prolétaires est fausse - ce qui peut être « confirmé » avec des données empiriques abondantes qui révèlent qu'il existe d'autres groupements mathématiques plus rigoureux (voire homogènes, précis), mais on va même jusqu'à considérer tous les groupements comme significatifs, toutes les fois qu'ils font état de coefficients élevés d'homogénéité, ou qu'ils se distinguent en fonction des points de rupture dans la distribution des variables. Non seulement aux « classes » haute et basse vient s'ajouter la classe moyenne, mais chacune d'elles se subdivise intérieurement, et les intervalles varient tant à cause du nombre des subdivisions que des paramètres manipulés.

Tous ces phénomènes, étudiés pour accentuer les processus fonctionnels de la classe dirigeante, sont le produit d'un grand nombre de rationalisations de mauvaise mais aussi de bonne foi, et d'autant meilleure que le chercheur se montre prudent quant à la rigueur et à la validité des techniques qu'il applique à des univers incomplets au moyen de calculs superstitieux, et des problèmes tabous.

La vérité est que ce type de chercheurs, quand il travaille rigoureusement, découvre des phénomènes qui se produisent dans la réalité, mais qui sont incomplets. Il nous semble que la meilleure façon d'éclairer ce processus est d'analyser les tableaux suivants, dont les chiffres sont imaginaires, mais illustrent bien le raisonnement rhétorique auquel d'autres, plus proches de la réalité, servent de base :

Tableau 3 Modèle bivarié de strates

Sous-ensemble M Sous-ensemble G

(Anus strates Popul. RtXr Coeff. Revenu total M + °

, Moins de 30 Basses 90 1 30 ou plus Hautes 10

50 % ^3 50 % 100 %

Moins de 60 Basses 90 *2 60 ou plus Hautes 110

80 % ~~T3 20 % 100 %

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RHÉTORIQUE ET STATISTIQUE

Tableau 4 Modèle trivarié de strates

Sous-ensemble M Sous-ensemble G

M _j_ G

deGrevenSus Strates Pop*. R^U Coeff. Revenu total

Moins de 30 Basses 90 tx De 30 à 70 Moyennes 1

71 ou plus Hautes 9 ~~ 50 % ^9 50 % 100 %

Moins de 60 Basses 90 t2 De 60 à 120 Moyennes 100

121 ou plus Hautes 10

80 % ^9 20 % 100 %

Les interprétations qu'on peut faire concernant les tableaux 3 et 4 sont les suivantes :

1. Dans les deux tableaux, un nom a été donné aux groupes de revenus et ceci, conformément au groupement statistique selon le revenu ;

2. Les groupements selon le revenu peuvent se construire par les procédés d'échelles d'intervalles qui ont des propriétés mathé- matiques supérieures à celles des échelles nominales et ordinales ;

3. Lorsque, prenant n variables, les coefficients de corrélation entre un groupement et un autre sont supérieurs et que seuls les intervalles changent sans que change l'univers, ceux-ci sont plus significatifs du point de vue mathématique - comme ce serait le cas des intervalles du tableau 4 par rapport à ceux du tableau 3 - mais pas nécessairement du point de vue explicatif.

4. Quand on suppose que le point de rupture se base sur la moyenne ou sur des divisions sigmatiques, il est évident que les paramètres ont augmenté : le revenu moyen a doublé de lx en ¿g dans le tableau 3 ; les intervalles des groupes ont doublé dans le tableau 4. Dans les deux cas nous avons supposé qu'il s'agit d'unités monétaires comparables à une même base.

5. Les « classes » ou strates basses diminuent de t± en t2 alors que les hautes et moyennes augmentent.

6. Le revenu total du sous-ensemble M augmente de ix en t2. 7. Tous les phénomènes antérieurs sont compatibles avec

une plus mauvaise distribution du revenu dans les sous-ensem- bles M et G au cours de la période t2 que de la période tx.

Or, quand on considère le tableau 3, on voit que l'on passe d'une notion des classes proche des groupements sociaux réels

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à des « classes » qui constituent des strates groupées selon des critères statistiques, et quand on passe du tableau 1 ou du tableau 3 au tableau 4, on abandonne l'idée des deux groupes fondamentaux et Ton emprunte un chemin qui va de divisions en subdivisions. Les deux processus éloignent l'analyse de la société des catégories bourgeois-prolétaires, basées sur les types de relations humaines qui lient ces groupements, où tin groupe possède les moyens de production tandis que l'autre vend sa force de travail dans des conditions inégales, irréversibles tant que subsiste le système. Si ces catégories étaient rejetées dans le modèle 2, dans le 3 toute possibilité de les comprendre devient plus lointaine, du fait de l'abandon du groupement social pour le statistique comme base de codification, et dans le tableau 4 la difficulté augmente quand la relation dichotomique non seule- ment est ignorée, mais que l'on passe de la dichotomie statistique à un groupement en trois « classes », dont le secteur moyen peut atteindre une proportion numérique considérable. De là à multiplier les divisions de dimensions égales, il n'y a qu'un pas.

Or cet éloignement des groupements sociaux et des catégories marxistes de l'exploitation n'est pas un simple processus intel- lectuel, un simple produit de chercheurs aliénés, ou d'idéologies bourgeoises : c'est aussi un produit de techniques bourgeoises et de structures qui de fait ont changé dans certains sous-ensembles du système capitaliste. Ce qu'il y a d'idéologique, ce qui constitue une aliénation ce n'est pas de reconnaître et d'enregistrer le développement des pays métropolitains et même coloniaux, ou les phénomènes de mobilité sociale et de mobilisation de la périphérie, ou la croissance des couches moyennes ; ce qu'il y a d'idéologique c'est d'ignorer les phénomènes croissants d'inégalité qui sont simultanés aux phénomènes antérieurs et d'où il résulte que les périphéries mondiales sont chaque fois plus pauvres ; c'est d'affirmer que les phénomènes antérieurs prouvent la disparition lente et progressive du système de classes et d'exploitation ; c'est de prétendre que le développement s'étend de manière lente, mais progressive, vers des couches de plus en plus amples de la popu- lation mondiale. Cette conclusion est insoutenable aussi bien pour le sens commun que pour la mathématique la plus élémentaire si elle est rigoureuse, et pour un empirisme un tant soit peu honnête.

Le processus d'analyse de cette note n'est qu'une ébauche des nombreuses possibilités qu'il convient d'explorer pour poser le problème sur un terrain indiscutable et précis, de sorte qu'aucun chercheur ayant à utiliser la statistique avec rigueur ou superstition puisse se dispenser de choisir entre l'une et l'autre.

Université de Mexico.

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