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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2009 - N°409 // 21 La physiopathologie de l’asthme et celle de la rhinite allergique sont très proches puisque ces deux affections résultent d’une réaction immunitaire excessive à l’encontre d’un aller- gène aérien, localisée respectivement au niveau des voies aériennes inférieures (bron- ches, bronchioles, alvéoles pulmonaires) ou supérieures (nez, bouche, pharynx). Dans les deux cas, cette réaction immunitaire inadap- tée s‘associe à une production anormalement élevée d’anticorps de type IgE. Cette similitude, déjà rapportée par nom- breuses études cliniques et fondamentales, a incité des épidémiologistes de l’INSERM à s’intéresser aux relations pouvant exister entre ces deux affections. La fréquence de survenue d’un asthme a ainsi été analysée au sein de la European Community Respiratory Health Survey, cohorte de 6 461 participants de 20 à 44 ans à l’inclusion, originaires de 14 pays européens. Les sujets déjà atteints d’un asthme à l’entrée de l’étude étaient exclus, puisqu’il s’agissait d’évaluer le risque d’être touché par cette affection en fonction de 2 facteurs étudiés : la présence d’une rhinite allergique à l’entrée et/ou la présence d’un syndrome atopique. Les diagnostics de rhinite et d’atopie étaient respective- ment posés sur des critères cliniques et sur des tests allergologiques réalisés au niveau cutané vis-à-vis d’antigènes variés (acariens, chat, pollens et moisissures). Les sujets ont donc été répartis en 4 groupes selon la présence au départ d’une rhinite et/ ou d’une atopie. L’incidence cumulative de l’asthme sur les 9 ans de suivi est de 2,2 % (pour 140 cas) mais elle diffère selon les groupes : 1,1 % dans le groupe témoin (sans atopie, ni rhinite) ; 1,9 % dans le groupe ato- pie seule ; 3,1 % dans le groupe rhinite non allergique seule et 4 % dans le groupe rhinite allergique (définie par une rhinite clinique associé à des tests cutanés positifs). Après contrôle de facteurs éventuels de confusion (tels que le pays, le sexe, l’âge à l’inclu- sion, l’indice de masse corporelle, le volume expiratoire maximal, les taux d’IgE totales, les antécédents familiaux et le tabac), la présence d’une rhinite (allergique ou non) reste fortement associée à l’augmentation du risque de survenue d’un asthme. Ainsi, les sujets avec rhinite allergique présen- tent 3,5 fois plus de risque (IC 95 % = [2,1 ; 5,9]) de développer un asthme, ce risque étant 2,7 fois majoré (IC 95 % = [1,6 ; 4,5]) chez ceux atteints d’une rhinite non-allergi- que (tests cutanés négatifs). En revanche, l’augmentation du risque n’est plus significa- tive (RR = 1,6, IC 95 % = [0,8 ; 3,2]) chez les sujets atteints d’atopie seule. L’étude plus spécifique des différents allergènes montre que la rhinite allergique due aux acariens est particulièrement associée à un risque ultérieur d’asthme. Cette étude démontre donc une augmen- tation nette du risque d’asthme chez les patients souffrant de rhinite allergique et à un moindre degré chez ceux atteints de rhinite non-allergique. Quant à l’impact d’une prise en charge précoce de la rhinite pour prévenir l’apparition de l’asthme, seule une étude interventionnelle permettrait d’en démontrer l’efficacité. Shaaban R, Zureik M, Soussan D, et al. Lancet 2008;20;372(9643):1049-57 Augmentation du risque d’asthme en cas de rhinite allergique et de rhinite non-allergique Rhinite allergique, facteur de risque de l’asthme À côté des facteurs de risque cardiovas- culaire classiques (hypertension artérielle, tabagisme, hyperlipidémie, diabète), un lien entre insuffisance rénale chronique et événements cardiovasculaires a été évoqué, notamment chez le sujet âgé. L’objectif du travail prospectif récemment rapporté dans l’American Heart Journal était d’explorer et de confirmer cette rela- tion dans une population plus jeune. Une cohorte de plus de 30 000 individus volontaires a priori sains a été constituée (n = 31 417, âge moyen : 45,1 +/- 11,2 ans ; 75,5 % de femmes ; 21,6 % de diabéti- ques) et suivie pendant une moyenne de 19,7 mois (médiane : 17 mois ; extrêmes : 0,3-65,3 mois). Un cinquième des parti- cipants (20,6 %) se sont avérés souffrir à l’inclusion d’une insuffisance rénale, définie par une clairance de la créatine i nférieure à 60 ml/min/1,73 m 2 ou par un rapport albumine/créatinine urinaires supé- rieur à 30 mg/g. Les événements cardiovas- culaires prématurés (avant 55 ans pour les hommes, avant 65 ans pour les femmes) ont été enregistrés au cours du suivi. La prévalence de la survenue précoce d’un infarctus du myocarde (IDM), d’un accident vasculaire cérébral (AVC) et d’un décès a été respectivement de 5,3 %, 4,7 % et 0,8 % chez les sujets avec une insuffisance rénale à l’entrée de la cohorte et respectivement de 2,5 %, 2,2 % et 0,2 % en l’absence d’insuffisance rénale. Si l’on regarde le critère de jugement prin- cipal de l’étude, qui combinait les 3 types d’événements, sa prévalence est plus que doublée chez les sujets avec une insuf- fisance rénale (9,2 % versus 4,2 % pour les témoins ; p < 0,001). Après ajustement, en analyse multivariée, sur les facteurs confondants, l’insuffisance rénale reste un facteur de risque indépen- dant de ces événements cardiovasculaires majeurs (IDM, AVC ou décès) avec un risque majoré de près de 50 % (risque relatif [RR] : 1,44 ; IC 95 % [IC] : 1,27-1,63 ; p < 0,0001). De façon attendue, il en est de même de l’âge (RR : 1,05 par année d’âge ; IC : 1,04-1,06), de l’HTA (RR : 1,61 ; IC : 1,40-1,84), du diabète (RR : 2,03 ; IC : 1,79-2,29) et du tabagisme (RR : 1,91 ; IC : 1,66-2,21), et de façon plus surprenante, d’un niveau d’éducation limité (RR : 1,59 ; IC : 1,37-1,85). Cette étude montre ainsi que l’insuffisance rénale chronique est un facteur de risque indépendant d’événements cardiovascu- laires graves chez la femme de moins de 65 ans et chez l’homme de moins de 55 ans. Selon les auteurs, le dépistage de cette affection doit donc être recommandé au même titre que celui des autres fac- teurs de risque, afin d’identifier les sujets jeunes les plus susceptibles de présenter ce type d’accidents. McCullough PA, Li S, Jurkovitz CT et al. Am Heart J 2008;156(2):277-83 Insuffisance rénale, facteur de risque d’accident vasculaire grave du sujet jeune

Rhinite allergique, facteur de risque de l’asthme

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2009 - N°409 // 21

La physiopathologie de l’asthme et celle de la rhinite allergique sont très proches puisque ces deux affections résultent d’une réaction immunitaire excessive à l’encontre d’un aller-gène aérien, localisée respectivement au niveau des voies aériennes inférieures (bron-ches, bronchioles, alvéoles pulmonaires) ou supérieures (nez, bouche, pharynx). Dans les deux cas, cette réaction immunitaire inadap-tée s‘associe à une production anormalement élevée d’anticorps de type IgE.Cette similitude, déjà rapportée par nom-breuses études cliniques et fondamentales, a incité des épidémiologistes de l’INSERM à s’intéresser aux relations pouvant exister entre ces deux affections. La fréquence de survenue d’un asthme a ainsi été analysée au sein de la European Community Respiratory Health Survey, cohorte de 6 461 participants de 20 à 44 ans à l’inclusion, originaires de 14 pays européens. Les sujets déjà atteints d’un asthme à l’entrée de l’étude étaient exclus, puisqu’il s’agissait d’évaluer le risque d’être touché par cette affection en fonction de 2 facteurs étudiés : la présence d’une rhinite allergique à l’entrée et/ou la présence d’un syndrome atopique. Les diagnostics de rhinite et d’atopie étaient respective-ment posés sur des critères cliniques et sur

des tests allergologiques réalisés au niveau cutané vis-à-vis d’antigènes variés (acariens, chat, pollens et moisissures).Les sujets ont donc été répartis en 4 groupes selon la présence au départ d’une rhinite et/ou d’une atopie. L’incidence cumulative de l’asthme sur les 9 ans de suivi est de 2,2 % (pour 140 cas) mais elle diffère selon les groupes : 1,1 % dans le groupe témoin (sans atopie, ni rhinite) ; 1,9 % dans le groupe ato-pie seule ; 3,1 % dans le groupe rhinite non

allergique seule et 4 % dans le groupe rhinite allergique (définie par une rhinite clinique associé à des tests cutanés positifs). Après contrôle de facteurs éventuels de confusion (tels que le pays, le sexe, l’âge à l’inclu-sion, l’indice de masse corporelle, le volume expiratoire maximal, les taux d’IgE totales, les antécédents familiaux et le tabac), la

présence d’une rhinite (allergique ou non) reste fortement associée à l’augmentation du risque de survenue d’un asthme.Ainsi, les sujets avec rhinite allergique présen-tent 3,5 fois plus de risque (IC 95 % = [2,1 ; 5,9]) de développer un asthme, ce risque étant 2,7 fois majoré (IC 95 % = [1,6 ; 4,5]) chez ceux atteints d’une rhinite non-allergi-que (tests cutanés négatifs). En revanche, l’augmentation du risque n’est plus significa-tive (RR = 1,6, IC 95 % = [0,8 ; 3,2]) chez les sujets atteints d’atopie seule. L’étude plus spécifique des différents allergènes montre que la rhinite allergique due aux acariens est particulièrement associée à un risque ultérieur d’asthme.Cette étude démontre donc une augmen-tation nette du risque d’asthme chez les patients souffrant de rhinite allergique et à un moindre degré chez ceux atteints de rhinite non-allergique. Quant à l’impact d’une prise en charge précoce de la rhinite pour prévenir l’apparition de l’asthme, seule une étude interventionnelle permettrait d’en démontrer l’efficacité.

Shaaban R, Zureik M, Soussan D, et al. Lancet 2008;20;372(9643):1049-57

Augmentation du risque d’asthme en cas de rhinite allergique et de rhinite non-allergique

Rhinite allergique, facteur de risque de l’asthme

À côté des facteurs de risque cardiovas-culaire classiques (hypertension artérielle, tabagisme, hyperlipidémie, diabète), un lien entre insuffisance rénale chronique et événements cardiovasculaires a été évoqué, notamment chez le sujet âgé. L’objectif du travail prospectif récemment rapporté dans l’American Heart Journal était d’explorer et de confirmer cette rela-tion dans une population plus jeune.Une cohorte de plus de 30 000 individus volontaires a priori sains a été constituée (n = 31 417, âge moyen : 45,1 +/- 11,2 ans ; 75,5 % de femmes ; 21,6 % de diabéti-ques) et suivie pendant une moyenne de 19,7 mois (médiane : 17 mois ; extrêmes : 0,3-65,3 mois). Un cinquième des parti-cipants (20,6 %) se sont avérés souffrir à l’inclusion d’une insuffisance rénale, définie par une clairance de la créatine inférieure à 60 ml/min/1,73 m2 ou par un rapport albumine/créatinine urinaires supé-rieur à 30 mg/g. Les événements cardiovas-

culaires prématurés (avant 55 ans pour les hommes, avant 65 ans pour les femmes) ont été enregistrés au cours du suivi.La prévalence de la survenue précoce d’un infarctus du myocarde (IDM), d’un accident vasculaire cérébral (AVC) et d’un décès a été respectivement de 5,3 %, 4,7 % et 0,8 % chez les sujets avec une insuffisance rénale à l’entrée de la cohorte et respectivement de 2,5 %, 2,2 % et 0,2 % en l’absence d’insuffisance rénale. Si l’on regarde le critère de jugement prin-cipal de l’étude, qui combinait les 3 types d’événements, sa prévalence est plus que doublée chez les sujets avec une insuf-fisance rénale (9,2 % versus 4,2 % pour les témoins ; p < 0,001).Après ajustement, en analyse multivariée, sur les facteurs confondants, l’insuffisance rénale reste un facteur de risque indépen-dant de ces événements cardiovasculaires majeurs (IDM, AVC ou décès) avec un risque majoré de près de 50 % (risque

relatif [RR] : 1,44 ; IC 95 % [IC] : 1,27-1,63 ; p < 0,0001). De façon attendue, il en est de même de l’âge (RR : 1,05 par année d’âge ; IC : 1,04-1,06), de l’HTA (RR : 1,61 ; IC : 1,40-1,84), du diabète (RR : 2,03 ; IC : 1,79-2,29) et du tabagisme (RR : 1,91 ; IC : 1,66-2,21), et de façon plus surprenante, d’un niveau d’éducation limité (RR : 1,59 ; IC : 1,37-1,85).Cette étude montre ainsi que l’insuffisance rénale chronique est un facteur de risque indépendant d’événements cardiovascu-laires graves chez la femme de moins de 65 ans et chez l’homme de moins de 55 ans. Selon les auteurs, le dépistage de cette affection doit donc être recommandé au même titre que celui des autres fac-teurs de risque, afin d’identifier les sujets jeunes les plus susceptibles de présenter ce type d’accidents.

McCullough PA, Li S, Jurkovitz CT et al. Am Heart J 2008;156(2):277-83

Insuffisance rénale, facteur de risque d’accident vasculaire grave du sujet jeune