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RISQU SYCH

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SEPTEMBRE 1 OCTOBRE 2015 BIMESTRIEL - 6 euros

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Entre les lois Le handicap peut se lire entre les lignes. Il peut également s'appréhender entre les lois. Les risques psychosociaux (RPS), sujet de notre dossier principal, font une timide entrée dans

la loi "emploi et dialogue social". Au terme d'une bataille parlementaire portant sur la reconnais­sance du bu rn-out, rejetée par les sénateurs, puis réintroduite par le gouvernement et le groupe socia­liste à l'Assemblée nationale, la loi, définitivement adoptée le 23 juillet dernier, stipule que « les patho­

logies psychiques peuvent être reconnues comme

maladies d'origine professionnelle », Une reconnais­sance dont la portée est plus symbolique que réelle: les RPS n'entrent pas dans l'immédiat au tableau des maladies professionnelles, Dommage: voilà qui aurait peut-être permis de mieux identifier la pro­blématique, les moyens et les acteurs de sa prise en charge dans l'entreprise et plus globalement dans la société . À l'instar des maladies chroniques invalidantes (MCII. les RPS se retrouvent en effet souvent dans un no man's land, où la frontière entre les dispositifs de droit commun et ceux relatifs au handicap est ténue ... La Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Daresl, qui depuis une dizaine d'années s'intéresse au sujet pour le compte du ministère du Travail, a lancé en 2015 sa première enquête complète sur les RPS. Ses résultats devraient être publiés en 2016.

Un autre texte législatif que nous attendons avec impatience concerne la circulaire d'application du décret portant sur l'accessibilité des lieux de travail dans le cadre de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des per­sonnes handicapées. D'après Martine Carillon-Cou­vreur, députée de la Nièvre et présidente du CNCPH, elle devrait être publiée d'ici la fin de l'année, mainte­nant que l'ordonnance accessibilité a été ratifiée par les parlementaires. Dans ce texte, il sera question non seulement d'accessibilité physique aux lieux de travail, mais également d'accessibilité numérique aux postes de travail, aux documents et informations d'entreprise, aux logiciels, vidéos, sites Internet et intranet. « Ne ratons pas le rendez-vous de l'accessibilité numérique

comme l'a été celui de l'accessibilité », a déclaré Claire­Use Campion, sénatrice de l'Essonne et présidente de l'Observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle (ObiaçuJ. En juin dernier, le Conseil national du numérique a remis au gouverne­ment un rapport intitulé "Ambition numérique" dans lequel il préconise que la priorité soit donnée à ce que 100 % des sites publics soient accessibles. Ce que n'a pas réussi la loi du 11 février 2005 en dix ans, la future grande loi sur le numérique annoncée pour la fin de l'année y parviendra-t-elle? La rédaction a enquêté .. . Et puis, septembre oblige, Être Handicap Information

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MICHAËL COUYBES 1 RÉDACTEUR EN CHEF

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! bimestrielle fondée nne Voileau-Authié Jlevard de Sébastopol - 75002 Paris 1 40680704/01 4572 04 23 )1 40680381 / www.etrehandicap.com

teur: Emmanuel Perret

:teur en chef: Michaël Couybes

,taire de rédaction: Willy Persello, -Claire Brown [site Internet)

:é de rédaction: Michaël Couybes, ois Fardeau, Jacques Loyseau,

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Sous le parrainage de Madame Simone Veil. ancien ministre d'État, ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, membre du Conseil constitutionnel.

Comité scientifique: Messieurs les professeurs et docteurs : J.-M. André, H.-N. Barte, C.-J. Blanc, L. Covello, M. Fardeau, A. Gauvain-Piquard,

BNP Paribas 4" de couverture Carrefour p. 43 Carrefour Market p. 61 HECA 2° de couverture Jobekia p. 8 Manpower p. 35 Mutuelle Intégrance p. 51 Pôle emploi p. 5 RATP p. 37 Renault 3" de couverture SNCF p. 41

Vente au numéro et réassort: Sylvie Poussy, tél. 03 29 70 56 33 Abonnements: un an France: 50 € Étranger: nous consulter CommiSSIon paritaire n' 0715TB6922. Dépôt légal à parution. Directeur de la publication: Arnaud Habrant ÉdIteur SAS Martin Média, au capital de 150 000 €, la avenue VIctor-Hugo - 55 BOO Revigny-sur-Ornain La tOI du Il mars 1957 Interdit les copies ou les reproductions desti­nées à une utIlisation colleclive. Toute représentation ou rep'roduction mtégrale ou même partielle laite sans le consentement de 1 éditeur est IlliCI te el constitue une contrelacon sanctionnée par les articles 235 et

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DOSSIER RPS ET HANDICAP

Les RPS • • de quoi parle-t-on?

Si l'expression est bien connue du grand public, les risques psychosociaux (RPS) recouvrent de multiples réalités qui touchent l'individu et l'organisation du travail, et se situent à la frontière du handicap psychique. Enjeu majeur de santé au travail, la loi s'en préoccupe désormais.

L'expression "risques psycho­sociaux" (RPS) est passée dans le langage courant entre

2000 et 2010. après plusieurs cas de suicides au travail dans de grandes entreprises: Renault. Peugeot. France Télécom. La Poste. EDF, Ces gestes ultimes ont déclenché une réflexion collective sur la souf­france au travail et sur ces risques "psychosociaux". « car ils sont à l'interface de la psychologie de l'indi­vidu et de sa situation de travail ».

selon le ministère du Travail. Une "interface" qui rend leur définition complexe: si la notion de RPS est désormais connue. elle « n'a pas pour autant une acception claire et univoque dans l'usage qu'en font les acteurs sociaux » et « il n 'y pas non plus. en l'état actuel de l'art. de consensus dans le monde scienti­fique sur la façon de concevoir et de

LES RPS EN CHIFFRES

traiter les risques psychosociaux au travail ». relevait un rapport établi en 2010 sous la direction de l'éco­nomiste Philippe Askenazy pour le ministère du Travail.

Des risques aux troubles Selon l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des mala­dies professionnelles (lNRSI. trois catégories de RPS peuvent toutefois être identifiées , D'abord le stress au travail. qui survient en cas de « déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face ». selon l'Agence européenne pour la sécu­rité et la santé au travail. Mais il faut distinguer le stress aigu. ponctuel et éphémère. en cas d'urgence - et

13 % des salariés français déclarent un manque de reconnais­sance professionnelle et des relations de travail difficiles

3,2 millions d'actifs présentent des risques de burn-out en France

2 à 3 milliards d'euros: le coût social du stress en France. évalué en 2007 par l'INRS en collaboration avec Arts et Métiers ParisTech Sources: Dares. Technologia et INRS

13,64 euros: bénefice économique estimé pour 1 euro de prévention dépensé (Source: Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail. 2014)

28010 des travailleurs européens seraient exposés à au moins

un facteur susceptible d'affecter de manière défavorable leur santé psy­chique (Eurostat. 2009)

donc dans de nombreuses situations de travail - et le stress chronique. aux effets délétères, « Face à une situation de travail. quand, tous les jours. les contraintes semblent dépas­ser les capacités de réponse de la per­sonne, son organisme est activé de façon permanente et incontrôlable, En quelques semaines. il finit par s'épui­ser », décrit ainsi l'INRS, Ensuite les « violences externes », qui résultent d'agressions physiques ou psycho­logiques de personnes étrangères à l'entreprise. comme les clients, Enfin. les violences vécues en interne: « les agressions physiques ou verbales. les insultes, les bri­mades, les intimidations. les conflits exacerbés entre collègues ou avec les responsables hiérarchiques », relève l'iNRS. incluant dans cette catégorie le harcèlement moral et le harcèle­ment sexuel. Les RPS peuvent avoir une inci­dence sur la santé à la fois physique

et mentale des salariés, Ainsi, des pathologies comme le diabète,l'hyper­tension, des problèmes musculaires ou une grande fatigue peuvent appa­raître, Sur le plan psychique, les RPS peuvent conduire à un état de stress post-traumatique, un syndrome d'épuisement professionnel [burn­outl ou une dépression, elle-même pouvant mener au suicide, L.:intensité des troubles psychiques varie selon les situations: certains bu rn-out - de l'anglais "griller" - peuvent déclen­cher une grave dépression, altérant dans certains cas les facultés cogni­tives, D'autres salariés peuvent vivre un bu rn-out plus léger en s'éloignant temporairement de leur travail, et reprendre celui-ci en changeant de poste ou d'entreprise, éventuelle­ment avec l'aide d'un accompagne­ment adapté, Le syndrome d'épui­sement professionnel par l'ennui [bore-outl, peut aussi conduire à des troubles psychiques (voir encadré!. Face à l'émergence des risques psychosociaux au travail, les pou­voirs publics ont réagi en lançant différents travaux: conférences sur les conditions de travail en 2007, rapport de Philippe Nasse et Patrick Légeron sur l'identification des risques en 2008, plan d'urgence pour la prévention des RPS en 2009, puis mission d'information du Sénat sur le mal-être au travail en 2010, Les partenaires sociaux ont éga­lement signé un accord national interprofessionnel sur le stress en 2008 [transposant un accord euro­péen de 20041 et un accord national interprofessionnel sur le harcè­lement et la violence au travail en 2010, également issu d'un accord

européen datant de 2007, Des observatoires des RPS ont com­mencé à voir le jour et des plans de prévention ont été déployés dans les grandes entreprises,

Les RPS dans la loi En 2015, devenus un enjeu dans le monde du travail, les RPS ont fait leur entrée dans la loi sur le dia­logue social, définitivement adop­tée le 23 juillet dernier, Au terme d'une bataille parlementaire sur la reconnaissance du burn-out, reje­tée par les sénateurs, l'article 27 porté par le groupe socialiste à l'Assemblée nationale et le gouver­nement stipule «que les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine profes­sionnelle », Une reconnaissance dont la portée est plus symbolique que réelle, car l'inscription des RPS au tableau des maladies profession­nelles n'est pas à l'ordre du jour, Un salarié qui voudra faire reconnaître son bu rn-out devra donc passer par le système dit complémentaire de reconnaissance des maladies pro­fessionnelles, confié à des comités régionaux spécifiques qui étudient certains types de situations, Or ce processus existe déjà: depuis 2010, les pathologies psychiques peuvent être reconnues par ces comités, qui apprécient l'existence d'un lien direct avec le travail et fixent un taux d'incapacité permanente par­tielle [lppl, qui doit être supérieur ou égal à 25 %, Une procédure com­plexe qui aboutit rarement: pour y remédier, la participation de psy­chiatres dans les comités régionaux est désormais envisagée, Au-delà

LE BORE-OUT, NOUVEAU RPS ?

Lennui au travail comme [clC­

leur de RPS êl élé décrit pour la pn ' mière fois (èn 2007 par deu!: co nsulléHlts suisë,es, Peter Wer'­der' el Philippe Rothlin , dans une élude consacrée au syndrome d'épuisement professionnel pêlr l'ennui [bore-oul). Conséquence d'une usure pro[essionnelle , en ra ison (j'un manque de tâches à Jccoillplir- ou de leur absence d'i n térêt, et dorlC à l'opposé du bum-out, le bore-out peut avoir les mêmes conséquences, pou­vanl provoquer des troubles phy­siques et psychiques, comme la dépr-ession, l'angoisse el la dépréciat i on de soi, Une ét udf: publiée en 2011 dans la Re\'ue internationale de psychologie monlre que le bore-oul concer­nerait 30 % des salariés dans les pays occidentaux, En Fr'ance, Zoé Shepar-d [url pseudol. ad mi ­n io,tr'Cl tri ce ler'ri lo ria le, ava i l défr'ayé la chronique sur ce sujel clans son livre I~bsolument dé-bar-déc 1 Ou le paradoxe des {oncltonnaires' , publié en 2010 ,

, Albin Miclw l el éd. PDlnl~, 20 ' Î.

du symbole, la prévention des RPS constitue pour François Rebsamen une « priorité absolue », inscrite au premier rang du Plan santé au tra­vail2015-2019.

• Laetitia Delhon

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DOSSIER RPS ET HANDICAP

RPS ET HANDICAP PSYCHIQUE

Une frontière poreuse Le lien entre risques psychosociaux et handicap psychique au sein de l'entreprise a rarement été approfondi. Pourtant les deux problématiques ne sont pas toujours dissociables, car les RPS peuvent provoquer des troubles psychiques. Gros plan sur les liens existant entre risques et troubles.

Les risques psychosociaux [RPS) et le handicap psychique sont « deux paradigmes très

différents », explique Claire Leroy­Hatala. sociologue des organisa­tions, « Les RPS relèvent de la santé au travail et l'employeur a le devoir de protéger celle des salariés. en mobi­lisant la prévention, les mesures de sécurité, avec une recherche de res­ponsabilité en cas de problème, Le

Antoine Dezalay

handicap psychique. en revanche, relève d'une politique de dIscrimi­nation positive pour une catégorie de personnes du fait de ses troubles psychiques. pour laquelle l'entreprise doit développer une action volon­taire de compensation et d'aména­gement, » Mais les ponts entre les deux sont nombreux. en raison de leur point commun majeur: la santé mentale, « Les RPS peuvent induire des burn-out, puis des inva­lidités et donc la reconnaissance du statut de travailleur handicapé »,

décrit Antoine Dezalay. manager de projet chez Ariane Conseil. « Une organisation trop dégradée peut fra­giliser des personnes et entraÎner chez elles des troubles psychiques durables, » Si certains salariés parviennent à surmonter un burn­out. notamment grâce à une sortie momentanée de l'emploi et à un repos suffisant. d'autres peuvent plonger dans une dépression très sévère. rendant impossible la récu­pération de l'ensemble de leurs facultés cognitives,

Un sujet stratégique pour [es entreprises Dans certaines entreprises ayant connu des suicides au travail. les employeurs ont parfois évoqué des "problèmes personnels" pour expliquer le geste de leurs sala­riés. renvoyant la cause à une souf­france psychique et non au travail. Mais pour Sonia Labéron. maître de conférences en psychologie du

Claire Leroy-Hatala

travail et des organisations. cette approche par la vulnérabilité n'est pas recevable, « Nous sommes tous, à certains moments, plus vulné­rables, Les entreprises ne peuvent pas se dédouaner de l'impact de leur organisation quand celle-ci est pathogène. déclare-t-elle, Quand les salariés 'se retrouvent par exemple en conflit éthique. poussés à effec­tuer des tâches qui moralement leur posent un problème, ils ne tiennent pas longtemps, qu'ils soient dans un moment de difficultés personnelles

ou non. »Claire Leroy-Hatala évoque ici une tentation « très humaine ».

« Ce réflexe d'attribuer à l'individu la responsabilité de ses comporte­ments permet de ne pas remettre en cause l'organisation du travail et de mettre à distance la souffrance, Le travail sur l'organisation n'est pas une mince affaire, compte tenu des enjeux économiques qui pèsent sur les entreprises. Et l'employeur qui devient coupable de la souffrance de ses salariés se met logiquement dans une posture défensive. On a d'ail­leurs beaucoup culpabilisé les entre­prises, avec des classements en vert et en rouge après les vagues de sui­cides : c'est un mauvais registre qui a engendré une réflexion sur les RPS dans un contexte de tension alors qu 'il s'agit d'un sujet stratégique. »

Pour Sonia Labéron, les RPS et le handicap psychique en entreprise rendent nécessaire le développe­ment d'une approche centrée sur la personne, pour améliorer son bien­être. « Les entreprises françaises ont des progrès à faire dans leurs pra­tiques d'intégration des salariés: en prenant en compte leurs problèmes personnels, comme la conciliation de leur vie privée et de leur vie profes­sionnelle, elles peuvent commencer à développer une politique intéres­sanre sur le plan de la santé mentale au travail. Mais il faut qu'elles aient les moyens de le faire: les dirigeants demandent à être accompagnés en ce sens et il faudrait pouvoir débloquer des financements. » Or de tels amé­nagements existent dans le cadre

',.

du handicap, avec des financements spécifiques et des accompagne­ments - via l'Agefiph, le FIPHFP ou le Sameth -, mais pas pour les RPS, qui restent l'apanage des employeurs et de leur service des ressources humaines. « Aujourd'hui, la préven­tion dite quaternaire {au moment du retour à l'emploi} fait défaut pour les personnes qui sont restées long­temps éloignées de l'emploi, poursuit Sonia Labéron. On sait par exemple

Encore peu pratiquée. la visite médicale de pré-reprise est primordiale

que le premier jour du retour est primordial, car il va mettre la personne dans des dispositions positives ou négatives pour la suite de son parcours dans l'entre­prise. » Claire Leroy-Hatala insiste de son côté sur la nécessité de promouvoir la santé mentale des sala­riés. « De la même façon que des règles de sécurité très strictes ont été mises en place pour prévenir les acci­dents du travail, notamment dans le BTP, il faut que la santé mentale des salariés

soit prise en compte avec des aména­gements de poste et un travail d'édu­cation des personnes. Je suis frappée de voir à quel point nous ne parlons jamais de santé mentale, ni à l'école, ni à l'université, et encore moins dans les entreprises. Où pouvez-vous dire: je n'arrive plus à gérer mon sommeil, je vis un stress important, pouvez­vous m'aider? »

Santé mentale et accessibilité universelle La réflexion conjointe sur le handicap psychique et les RPS dans l'entre­prise s'inscrit aussi dans la pers­pective de l'accessibilité universelle. « Pour un employeur. le fait de réfléchir à l'intégration d'un salarié en situation de handicap psychique lui donne l'oc­casion d'améliorer l'intégration globale des employés, relève Antoine Dezalay. Aujourd'hui, certaines entreprises font référence à la politique sur le handi­cap dans leurs accords sur la santé au travail et réfléchissent à la signature d'accords sur la qualité de vie au travail intégrant le handicap. »

• Laetitia Delhon

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DOSSIER RPS ET HANDICAP

LE BU RN-OUT

Une des formes de souffrance au travail Utilisé pour désigner l'épuisement au travail, Le terme burn-out nécessite d'être mieux défini. Lors d'une matinée organisée par Le Centre de recherche sur Les risques et Les crises (CRC), Philippe Zawieja, chercheur, et MireiLLe Jarry, de BNP Paribas, ont enrichi Le débat par une approche psychosocioLogique et une expérience d'entreprise.

" pour en finir avec le burn­out" : c'était le titre d'une matinée organisée à l'École

des mines de Paris en juillet der­nier. Son objectif: clarifier un mot « omniprésent dans le langage quo­tidien et les médias, qui souffre aujourd'hui d'une telle "cacophonie psychosociale" qu 'on ne sait plus très bien ce qu'il désigne », Une tâche à laquelle s'emploie Philippe Zawieja, chercheur associé au Centre de recherche sur les risques et les crises (CRC} au sein de Mines Paris Tech, auteur notamment du récent "Que sais-je ?" sur le burn-out, Le chercheur est intervenu après la présentation par Mireille Jarry, responsable conditions de travail, santé et accompagnement à la DRH de BNP Paribas, d'une étude sur les conditions de travail et la prévention des RPS, dont le burn-out.

Trois conditions à remplir Acédie, mélancolie, neurasthé­nie, spleen, syndrome de fatigue chronique ... à chaque époque son vocabulaire, précise Philippe Zawieja, On note une première

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apparition de cette notion dès L'Ancien Testament, quand le prophète Élie connaît le « découragement », Le burn-out est un des risques psychosociaux, une des formes de souffrance et de mal-être au travail parmi d'autres: stress, état de stress post-trauma­tique, harcèlement moral ou sexuel, fatigue compassionnelle, dépres­sion, workaholism, Karoshi (mort par excès au travaiLl ou bore-out (ennui/. « Le burn-out est un peu un mot valise pour décrire toutes les formes de souffrance au travail. explique Philipppe Zawieja, C'est une construction, pas un acquis de la science, Il faut revenir à la définition validée. Il y a burn-out quand trois conditions sont remplies simulta­nément: un épuisement émotionnel et physique, une déshumanisation de la relation aux autres, à soi et au travail, la baisse ou la disparition du sentiment d'accomplissement pro­fessionnel. Le burn-out n'est pas une maladie, il peut y avoir des répercus­sions somatiques ou bien la situation

de bum-out peut dégénérer vers une dépression, avec un vrai enjeu de prise en charge médicale pour éviter des situations extrêmes, Le Sénat a supprimé l'amendement voté par l'Assemblée nationale pour qu'il soit reconnu comme maladie profession­nelle dans le projet de loi "Dialogue social", » Un mal qui toucherait 5 à 10 % de la population et d'autant plus difficile à décrire qu'il existe différents outils de mesure, dont les plus connus sont le Maslach Bur­nout Inventory (MBI/ et l'Oldenburg Burnout Inventory (Olbi/' Le chercheur a dénoncé dix idées reçues, parmi lesquelles: « Le bum-out est une maladie, ses causes sont bien connues; il suffit d'être fati­gué et de ne pas pouvoir se lever le matin pour être en bum-out; il ne touche que les personnes très enga­gées dans leur travail.., », et souligné q u'« avoir une position critique sur le bum-out n 'est pas nier la souffrance des personnes »,

BNP Paribas : une étude pour prévenir « Nous voulions savoir qui était concerné par le syndrome d'épuise­ment professionnel et dans quelle proportion, avec l'objectif de préve­nir les RPS, de maintenir en emploi des collaborateurs et d'éviter des rechutes », explique Mireille Jarry, responsable conditions de travail, santé et accompagnement à la DRH de BNP Paribas, accompagnée du médecin coordonnateur du Service de santé au travail. « C'est un sujet grand public et les organisations syndicales nous interrogeaient sur la question, Il s'agissait de qualifier et

d'identifier les causes et les facteurs de risque, pour que le service médi­cal puisse proposer aux managers et aux équipes des axes de préven­tion, si possible primaire (en amont), et de sensibiliser sur les principaux signaux d'alerte, Il nous semble important d'apporter un soutien aux managers pour qu'ils puissent, en cas de doute, orienter très tôt les

collaborateurs vers le service médi­cal qui peut proposer un accompa­gnement. Et si ce n'est pas un burn­out, ce peut être une dépression, de l'anxiété .. , qu'il faudra traiter. » Cette étude sur les conditions de travail et la prévention des RPS, coordon­née par le service médical, a été menée durant un an et le groupe de travail en exploite actuellement les résultats, « Il a fallu construire une méthodologie: trois médecins ont mis au point un questionnaire, en s'inspirant de ceux de Maslach et d'un autre fourni par l'lfas flnstitut français d'action sur le stress), pour identifier les collaborateurs en burn-out, En cas de suspicion, les médecins ont proposé à ces derniers de participer à l'étude de manière anonyme, Cette étude n'est pas exhaustive : certains collaborateurs ont pu échapper à la vigilance des méde­cins et près de la moitié des colla­borateurs ont été vus », poursuit Mireille Jarry, Parmi les résultats, il ressort que le nombre de burn-out recen­sés est très faible par rapport à la population étudiée: 51 cas sur les 22000 collaborateurs vus, soit 0,25 %, Les collaborateurs concernés ont entre 25 et 55 ans, il s'agit en nombre à peu près égal d'hommes et de femmes, et les trois quarts d'entre eux vivent en couple, Ils n'ont pas tous bénéficié d'un

soutien psychologique extérieur, En moyenne, les arrêts de travail - de quelques semaines à un an - ont duré quatre mois, La majorité des personnes sont revenues à leur tra­vail en changeant de poste ou en le conservant avec un aménagement. Mireille Jarry conclut: « L'étude a permis de faire prendre conscience du burn-out et des RPS aux mana­gers, aux collaborateurs et à la direc­tion et de mettre en place des actions de prévention, de sensibilisation et d'accompagnement. »

• Marie-Claire Brown

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APPROCHES' ET PlUR'D'S~~lO'NVANTES

A'RES

Philippe Zawieja, Le burn out, Que sais-je ?, Puf, Avec Franck Guarnieri : Dictionnaire des risques psychosociaux [Seuil] et L'épuisement professionnel [Armand Colin} www.crc.mines-paristech.fr.

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DOSSIER RPS ET HANDICAP

Suicide : le travail en accusation ?

Chaque jour, une personne se suicide en France à cause de son travail. Depuis quelques années, les actes désespérés se multiplient, évoquant même une "contagion" au sein de grandes entreprises françaises.

Pierre Jacque a mis fin à ses jours le 1"' s eptembre

2013 à l'âge de 55 ans. Dans une lettre adressée à ses collègues, ce pro­fesseur d'électronique d'un lycée marseillais a expliqué que « le métier tel qu'il est devenu» ne lui était « plus accep­table en conscience ».

L'Éducation nationale a reconnu que le sui­cide de cet enseignant était directement lié aux conditions de travail. .. Jeanne, enseignante en lettres de 38 ans, est en arrêt maladie pour dépression depuis six mois après un passage en hôpital psychiatrique consécutif à sa tentative de suicide. En 2002, une étude conduite par l'In­serm évoquait déjà un taux de 39 cas de suicide pour 100000 professeurs, contre 16,2 pour 100000 en moyenne dans les autres professions.

Une dure réalité Historiquement cantonné aux ouvriers solitaires de l'économie agricole, le suicide au travail alerte l'opinion et les experts depuis le début des années 1990, au moment où il touche différentes catégories socioprofessionnelles. À partir de 2007, une série de suicides inter­vient dans les grandes entreprises: des employés de France Télécom et de Renault se défenestrent, un cadre de La Poste se pend,

20 1 être . Handicap Infonnatioo 1 0°139

La prévention du suicide est l'affaire de tous. Si l'un de vos proches traverse une période pro­fessionnelle délicate (plan social, harcèlement...J. subit le choc d'un licenciement ou de la perte de son emploi, il peut souffrir de manifestations physiques et psy­chiques dénotant une altération de sa santé. Elles peuvent se manifester par un état d'angoisse, d'insomnie, d'irritabilité avec sur­venue de complications comme l'hypertension, voire l'infarctus, notamment chez les sujets pré­sentant une prédisposition.

un chômeur de longue durée s'immole par le feu devant les bureaux de Pôle emploi ... De multiples cas sont relayés par les médias mais la majorité sont passés sous silence. La France, avec un taux de mortalité par suicide trois fois supérieur à celui des accidents de la route, figure dans le peloton de tête des pays européens pour son taux de suicides. Tou­chant majoritairement les hommes 13 hommes pour 1 femme], ce fléau est difficile à appré­hender. Force est de constater que dans la morosité économique

ambiante, les Français, premiers consommateurs de psychotropes au monde, ont du mal à faire face . Baisse des salaires, augmentation du chômage, fermeture des entre­prises ... celui qui a encore un tra­vail est prêt à supporter ambiances malsaines, mutations abusives, harcèlement et mise au placard pour le conserver. Jusqu'au jour où la situation devenue intenable fait commettre l'irréparable. « La pré­vention du suicide doit devenir une priorité de santé publique », insiste le Pr Michel Debout, psychiatre et médecin légiste qui a milité sans relâche pour la création de l'Obser­vatoire national du suicide dont il est membre . « Certes, la conduite suici­daire a de multiples causes, mais elle

nous renseigne aussi sur un monde du travail de plus en plus déshuma­nisé, Une trop forte exposition aux contraintes psychosociales, au stress, est reconnue comme délétère pour la santé psychique et pourrait constituer un élément déclencheur dans la sur­venue de syndromes dépressifs et/ou de conduites suicidaires, »

Le travail oui, mais ... autrement! « j'ai commencé à perdre pied sans m'en rendre réellement compte, ana­lyse Jeanne, Je dormais très mal et encore plus mal à la fin du week-end car je savais que j'allais retrouver des classes particulièrement difficiles, Il y avait ce bruit permanent, cette impossibilité d'intéresser ces élèves à quoi que ce soit, cette violence par­fois aussi, Je savais que je ne pouvais pas compter sur ma direction, rétive à toute forme d'exclusion ou de sanc­tion par souci de maintenir les appa­rences d'un établissement sans pro­blèmes, Je n'avais plus qu'une idée en tête: faire cesser cette souffrance, »

À la veille d'une reconversion pro­fessionnelle, Jeanne est persuadée que son geste aurait pu être évité, Il aurait suffi d'une parole bienveil­lante d'un collègue, d'une meilleure écoute de sa hiérarchie, d'un allè­gement des effectifs .. , Hélas, elle s'est heurtée au silence, à l'indif­férence, aux moqueries répétées qui cherchent à stigmatiser ceux et celles qui ne «parviennent pas à tenir leurs classes »,

Tous les secteurs socioprofes­sionnels sont désormais touchés, Hyperproductivité, pression accrue, manque de reconnaissance et soli­tude des salariés .. , Les spécialistes et syndicats sont unanimes: c'est l'organisation même du travail qui est en cause, « Le discours actuel qui vise à exalter la réalisation indivi­duelle, à opposer les uns aux autres peut broyer de nombreuses per­sonnes, Chacun se retrouve seul, sans beaucoup d'espace pour négo­cier, face à des exigences sans cesse renforcées, déplore le Pr Debout. Il faut donc repenser le travail pour que l'ensemble de la population active ne soit pas fragilisée chaque jour davantage, Il faut commencer par réintroduire, au sein des entre­prises, du dialogue, de la convi­vialité et de la solidarité afin que le collectif devienne un lieu où l'on puisse même dépasser ses fragilités personnelles, »

Quelles réactions pour les entreprises? Un suicide ou une tentative de sui­cide constitue une situation de choc pour l'ensemble de l'entreprise, Cet acte d'une extrême violence laisse souvent les différents acteurs de l'entreprise dans le désarroi - et cela d'autant plus lorsqu'existe la présomption d'un lien avec le tra­vail. La manière dont l'entreprise va traiter l'urgence puis analyser cet événement est déterminante pour la suite de son activité, Un des

1 07 décès par suicide ont fait l'objet d'une demande de reconnaissance au titre des accidents du travail au cours de la période janvier 2008-décembre 2009

70 % environ des per­sonnes qui se suicident souf­fraient d'un trouble psychique, diagnostiqué ou non

Source: CNAMTS/DRP ellNRS,

groupes de travail formés à la suite du rapport de MM, Nasse et Lége­ron au ministre du Travail a rédigé en 2009 un guide de conseils sur la conduite à tenir en cas de suicide d'un salarié sur le lieu de travail*, Plusieurs grandes entreprises fran­çaises touchées par ce phénomène ont essayé d'endiguer celui-ci en déployant des plans d'actions de prévention des RPS, en signant et appliquant des accords de qualité de vie [ou de bien-être] au travail. Certaines ont repensé leur orga­nisation du travail, amélioré les conditions de travail en les adaptant aux besoins de chacun,

• Sandrine Letellier

• Téléchargeable sur www.travailler-mieux.gouv.fr.

MIEUX PR NIR LES SUICIDES LIÉS AU CHÔMAGE

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DOSSIER RPS ET HANDICAP

VALÉRIE LANGEVIN, DE L'INRS

(( Identifier les facteurs de risques »

Les risques psychosociaux (RPS) provoquent des pathologies: troubles musculo­squelettiques, cardio-vasculaires, dépression ou burn-out. Ils préoccupent les pouvoirs publics. Mais quelles en sont les causes? Explications avec Valérie Langevin, experte à l'Institut national de recherche et de sécurité (lNRS).

En 2015, une enquête nationale sur l'évaluation des conditions de tra­vail et les facteurs de risques psy­chosociaux a été lancée. En quoi consiste-t-elle ? Pour la première fois, nous allons disposer d'un suivi statistique sur l'ensemble des facteurs de risques psychosociaux (RPSJ. selon une grille d'évaluation déterminée en 2011 dans le rapport du sociologue Michel Gollac, Avec l'appui d'un col­lège d'experts pluridisciplinaires et internationaux, il a en effet constitué une sorte d'inventaire des facteurs de RPS, les rangeant en six catégo­ries: intensité du travail et temps de travail, exigence émotionnelle, manque d'autonomie, mauvaise qualité des rapports sociaux au travail, souffrance éthique et insé­curité de la situation de travail (voir encadré). Certaines thématiques, comme l'intensité du travail ou l'autonomie, étaient déjà étudiées

RAPPEL CHRONOLOGIQUE

depuis longtemps par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail. Elles le sont au moyen d'enquêtes périodiques

"Conditions de travail" (La pre­mière date de 1978) et "Surveil­lance médicale des expositions aux risques (Sumer)", qui ont lieu tous les sept ans et s'enrichissent au fur

2006-2007: 3 suicides de salariés de Renault. Suite à une enquête sur les RPS confiée par le CHSCT à Technologia, Renault met en place en 2007 un Plan d'amélioration des conditions de vie et de travail des équipes (Pacte).

2008 : Philippe Nasse et Patrick Légeron remettent au ministère du Travail un rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail.

2008-2009: 35 suicides de collaborateurs de France Télécom, Le groupe lance une concertation et des négo­ciations avec les partenaires sociaux qui débouchent sur la signature de plusieurs accords (prévention des RPS, principes d'organisation du travail. .. !. socles du "nouveau contrat social",

2011 : remise du rapport Gollac, qui classe les facteurs de RPS en 6 catégories,

2015 : la Dares s'inspire de ce rapport pour lancer sa première enquête" complète" sur les RPS,

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et à mesure, Ce travail d'identifi­cation fine des facteurs de risques est très important car il permet une meilleure prévention,

Que montrent, dans la durée, ces études sur les facteurs de RPS ? Les enquêtes "Conditions de travail" ont d'abord indiqué une intensifica­tion du travail, une augmentation des contraintes de rythme, des horaires atypiques, Entre 1998 et 2005, on a constaté une stabilisation, un palier, avant une reprise de l'intensifica­tion et des contraintes entre 2005 et 2012, Cette dernière évolution s'explique notamment par la crise de 2009-2010: il y a eu beaucoup de plans sociaux, ceux qui sont restés en poste ont dû en faire deux fois plus au départ des collègues, Concernant le manque d'autonomie, les cadres ont déclaré que leurs marges de manœuvre diminuaient de plus en plus, lenquête Sumer, quant à elle,

I l

a montré une tendance à l'accrois­sement de nombreuses pénibilités physiques du travail de 1994 à 2003, et une augmentation du nombre de personnes soumises à des « com­portements hostiles» au travail (il s'agit ici de marques de mépris, de dénis de reconnaissance du tra­vail ou d'atteintes dégradantes - le « harcèlement moral» est plus difficile à manipuler car juridiquement répré­hensible] : de 17 % en 2003, elles sont passées à 22 % en 2010,

LES DANGERS DU LEAN MANAGEMENT POUR LES SALARIÉS

Selon Bertrand Jacquier, ingénieur reconverti en expert aupr-ès des Comi­tés d'hygiène, de sécurité et des conditions de travaillCHSCTl. «l'inten­sification du travail, la diminution de la latitude décisionnel/e, la perte de solidarité génèrent à la {ois des troubles psychosociaux et des troubles mus­cula-squelettiques ». Un Les Échos, avril2013l. Le pr'oblème vient aussi du fait que les dirigeants qui veulent appliquer le lean dans leur entreprise n'en retiennent souvent que les volets "gains de productivité" el "r'éduclion des coûts ", qui marchent très bien, Or dans la version originale de Toyota, le véritable lean management est tourné vers le respect du client et du salarié, qui sont appelés à le rester le plus longtemps possible.

Compte tenu de l'importance de leur pyramide hiérarchique, on imagine que les grandes entre­prises concentrent plus que les autres les facteurs de RPS. Est-ce le cas? Il est vrai que la petite entreprise préserve un peu de certains RPS,

son patron, il n'y a pas de contre­pouvoir, cela peut être violent. Si le dialogue n'est plus possible et qu'un changement de poste dans l'entreprise ne l'est pas non plus, cela peut se traduire par le départ du salarié, éventuellement avec un recours aux prud'hommes,

Certaines mesures d'organisa­tion du travail classées comme facteurs de RPS ne semblent pas vécues négativement. Pourquoi? Ce sont des risques complexes, et les facteurs sont en interac­tion, Ainsi, on pensait auparavant que plus on avait de boulot, plus le stress augmentait. Or le psycho­logue américain Robert Karasek a compris, en 1979, que le stress au travail n'est pas forcément lié à la charge de travail, et que celle-ci a un impact différent selon que l'on dispose ou non de marges de manœuvre .. , Cela a été une intuition formidable, à l'origine d'un modèle de mesure où l'on ne regarde pas

Il LE NOMBRE DE PERSONNES SOUMISES À DES IICOMPORTEMENTS HOSTILES" AU TRAVAIL EST PASSÉ DE 17 % EN 2003 À 22 % EN 2010"

La régulation se fait plus facilement car le salarié peut accéder et parler au dirigeant. Dans les très petites entreprises (moins de 20 salariés, il n'y a pas de représentant du per­sonnel pour défendre les droits du salarié, Quand un conflit éclate avec

seulement la quantité de travail, car celle-ci peut être modérée par d'autres variables, En France, une publication sur le pilotage du tra­vail issue de l'enquête Sumer a montré que le fait d'avoir des entre­tiens individuels d'évaluation sans

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DOSSIER RPS ET HANDICAP

ENJEUX

L'impact des RPS sur le collectif

Si Les facteurs de risques psychosociaux (RPS) sont étudiés et mesurés depuis pLusieurs années, Leur impact ne L'est pas. Les enjeux sont pourtant coLossaux, aussi bien sur Le pLan économique que sur celui de La santé publique et de L'équipe de travail.

Il aura fallu attendre les années 2000, des études de la Dares sur les conditions de travail et une

série de drames médiatisés chez Renault et France Télécom pour provoquer une prise de conscience : les risques psychosociaux ont des conséquences désastreuses et des mesures de prévention sont indis­pensables. En France, la réponse à ces problèmes a provoqué des confrontations plutôt que des solu­tions entre les différents inter­locuteurs. Ainsi, tandis que dans les entreprises un rôle important était conféré aux Comités d 'hy­giène, de santé et des conditions de travail (CHSCT!. les employeurs

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s'organisaient pour leur résister et non pour travailler avec eux .. . Résultat : en 2008, 71 % des entre­prises se disaient préoccupées par l"augmentation du stress, mais 65 % des DRH n'avaient mis aucun dis­positif en place pour le combattre (sondage Louis Harris pour Vedior­bis]. Aujourd'hui, la situation a évo­lué, mais la prévention est encore bien trop souvent réalisée en aval plutôt qu 'en amont. Sur le terrain, les représentants du personnel, médecins du travail, services RH, assistantes sociales et infirmières repèrent et relaient les signaux de souffrance ou de mal-être, et aident à développer la qualité de vie au

travail. Mais s'ils sont souvent com­pétents, leurs actions manquent souvent de coordination et rien ne les oblige à s'organiser. D'autre part, « Il est encore difficile de faire comprendre que la prévention n'a pas uniquement pour but de "faire bien " ou de se conformer à la loi, mais qu'elle apporte une véritable amélio­ration de la qualité de vie au travail, donc de la qualité du travail et, in fine, de la performance des entreprises »,

résume Jean-Christophe Berthod, directeur associé du cabinet Secafi. Ce cabinet spécialisé intervient à la demande des CHSCT dans le cadre de changements d'organisation ou lorsque des risques graves ont été constatés.

« En avoir plein le dos» Aujourd'hui, «entre 1 et 1,4 % de la population active est affecté par une maladie liée au stress {étude INRS, 2002/. En outre, un tiers des salariés présentent des difficultés psycho­logiques {source Ifas/. Le stress est en nette augmentation dans les caté­gories supérieures [47 %} et chez les cadres supérieurs (57 %) (enquête Anact/CSA 2008, résultats com­muniqués en juin 2009) », indique l'Institut de gestion du stress. Les conséquences sur les travailleurs sont multiples, psychologiques mais al:Jssi physiques, comme les maux de dos, Pour mesurer leur prévalence, les cabinets d'experts tels que Technologia ou Catéis uti­lisent des tests comme le GHQ12 (12 questions posées aux salariés

portant sur les symptômes éprou­vés durant les 12 derniers mois]. La confrontation des réponses avec celles d'un questionnaire sur l'exposition aux RPS montre que plus les facteurs de risques sont élevés, plus le résultat sur la santé est néfaste, .. Les conséquences comportementales - désinvestis­sement, tensions avec les collè­gues, harcèlement, violence, com­portements à risques, négligences, erreurs - achèvent ce sombre tableau.

Des managers en première ligne Les managers exposés aux RPS subissent les mêmes impacts que leurs subordonnés, mais il peut s'ensuivre des conséquences plus lourdes sur l'organisation, De plus, « posséder une autorité hiérarchique sur quelqu'un lorsqu'on est soi­même sous pression augmente le risque de comportements déviants et de harcèlement », indique Jean­Luc Ledys, du cabinet Technologia, Quant aux managers qui comptent dans leur équipe des personnes atteintes de troubles psychoso­ciaux, «ils sont plus que les autres

soumis au stress, à moins d'être formés pour gérer cela, observe Jean-Christophe Berthod. Ainsi, on a constaté que dans les Ésat, où les travailleurs souffrent de plus en plus souvent de handicaps psychiques {alors qu'auparavant il s'agissait plutôt de handicaps physiques}, les managers étaient de plus en plus soumis aux RPS » [voir article page 36]. La formation à la prévention peut changer les choses, mais elle est encore très peu développée, Pour accompagner les managers, on fait porter les efforts sur leur sensibili­sation aux RPS et l'information à ce sujet durant des stages d'un à trois jours - mais cela concerne surtout les milieux adapté et médicosocial. De surcroît, un manager ne devrait pas se limiter à apprendre ce que sont les RPS, mais se former à une pratique managériale différente, intégrant la gestion du stress et des RPS,

Un cercle vicieux Quand des troubles liés aux RPS affectent des salariés, cela rejaillit toujours sur l'entreprise, «L'absen­téisme alimente un cercle vicieux au sein de l'organisation et suscite des

tensions entre les personnes, ten­sions qui contribuent aux troubles psychosociaux et renforcent l'absen­téisme », explique Jean-Christophe Berthod, L'exposition aux RPS a aussi un impact sur la producti­vité, le respect des horaires et des exigences de qualité [augmenta­tion du rebut, des malfaçons) et les accidents du travail. L'image de marque de l'entreprise s'altère auprès des clients, actionnaires, fournisseurs ou futurs collabora­teurs, et le risque augmente de voir des contrats lui échapper, Son cli­mat social se dégrade, des conflits entre les partenaires sociaux appa­raissent, les négociations ralen­tissent, des grèves peuvent écla­ter, En cas d'actions en justice, les dépenses de l'entreprise augmen­tent [indemnités à verser si les tri­bunaux se prononcent en faveur des plaignants, honoraires d'avocats, coûts de procédure!.

• Gaëlle Desportes

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