Le LERM : dossier technique

Risque et diagnostic des ouvrages : le silo d'Arenc à Marseille

SommaireUn élément du patrimoine portuaire marseillaisHistorique et contexteEtude préalable au projet de réhabilitation

  Investigations sur site  Analyses en laboratoire

BilanPerspectives

 Un élément du patrimoine portuaire marseillais

Construit entre 1926 et 1927, le silo céréalier d'Arenc est aujourd'hui le symbole de la réhabilitation de la plate-forme portuaire de Marseille située au cœur du projet " Euroméditerranée ".

Cet ouvrage exceptionnel en béton armé, figure de proue de Marseille et de son port, est en cours d'inscription au Patrimoine Mondial de l'Unesco.

Aujourd'hui, ce site désaffecté est en passe de reprendre vie à travers le projet de l'architecte marseillais Eric Castaldi associé à la Sogima : création d'un espace culturel (salle de spectacle), bureaux, complexe cinématographique…

 

Historique et contexteLe silo céréalier d'Arenc est un bâtiment de forme rectangulaire (125 x 25 m pour une hauteur d'environ 50 m) présentant une architecture industrielle et historique, qui dit-on, aurait inspiré Le Corbusier lors de la réalisation de la Cité Radieuse à Marseille.

 

Armatures mises à nu

 

 

 

Il présente une structure en " nid d'abeilles " constituée de 99 silos de stockage de céréales, d'une tour élévatrice côté Ouest et d'une seconde tour côté Nord. Cette dernière, rajoutée en 1954, a remplacé la tour Ouest pour le transport du grain. Elle symbolise aujourd'hui l'entrée de Marseille par l'autoroute du Littoral A 55 : elle se caractérise, en effet, par la présence d'une grande fresque murale.

En outre, deux consoles galeries côtés Est et Sud, présentes sur toute la longueur des façades concernées, et un préau en bas de la tour Nord viennent compléter la structure du bâtiment.Depuis le toit-terrasse, situé à 35 m du niveau de la mer, la vue est exceptionnelle sur la rade, le port et la ville de Marseille.

Vue générale de la façade Est

Les façades Ouest, Sud et Est sont caractérisées par la présence d'alvéoles verticales correspondant à la partie visible des silos.Le rez-de-chaussée correspond à une zone passante et ouverte constituée d'alignements de piliers sur lesquels repose la structure du bâtiment. Le premier niveau, également constitué d'alignements de piliers en prolongement de ceux du rez-de-chaussée, est caractérisé par la présence des cônes constitutifs de la partie basse des silos de stockage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Détail de la partie basse de silos de céréales

 

Etude préalable au projet de réhabilitation

Programme

Investigations sur siterelevé détaillé des désordres, des différentes pathologies rencontrées et des types de réparations réalisées et illustrations photographiquesmesures non destructives dans le but de détecter et de caractériser les armatures (maille, diamètre, profondeur d'enrobage et état de conservation)prélèvements d'échantillons de béton

 

Analyses en laboratoireanalyse physico-chimique des bétons (description, caractérisation mécanique, nature des granulats…)recherche de pathologies et/ou de composés délétères (carbonatation, pollution en chlorures, microscope électronique à balayage MEB…)

La finalité de ce programme global consiste à émettre un diagnostic technique de conservation des bétons et à proposer des protocoles de traitement et de réparation adaptés.

Quelques chiffres

relevé visuel : 600 m2 de zones dégradéesmesure de la corrosion des aciers : 100 m2 de mesures de potentiel d'électrodes répartis sur l'ensemble du site selon plus de 2000 points de mesures espacés de 20 à 25 cmmesures pachométriques et/ou radar : 500 mètres linéaires de profil enregistrés et plus de 100 points de mesure au pachomètre46 zones de sondages ou de prélèvements

 

 

 

Microscopie Électronique à Balayage

Matrice cim

carbonatation du béton

jusqu'à 80 mm sur les piliers du niveau 0

    jusqu'à 110 mm sur les piliers du niveau 1    jusqu'à 120 mm sur la tour Nord    jusqu'à 270 mm sur la tour Ouest    jusqu'à 120 mm au niveau des alvéoles (épaisseur du voile)Bilan

Les examens et essais sur siteLes principales pathologies rencontrées semblent être liées à un phénomène de corrosion des armatures en relation avec l'âge du bâtiment d'une part et d'autre part le milieu environnant particulièrement agressif (milieu urbain, proximité marine). Ces désordres correspondent à :

des fissures et/ou à un faïençage du bétondes épaufruresdes éclats du béton accompagnés de la mise à nu des armatures métalliques.

Ces pathologies se retrouvent sur l'ensemble du bâtiment excepté la façade Nord récemment restaurée et se situent essentiellement en partie extérieure (zone particulièrement soumise aux embruns, pénétration de gaz carbonique, d'humidité et de chlorures…), à savoir :

piliers du niveau 0bandeaux ceinturant le bâtimentvoiles et angles des tours Nord et Ouestparois extérieures, embases et toits des silospoutres et toits des consoles-galeries et garde-corps du toit-terrasse.

Les zones les plus atteintes (éclats du béton et armatures mises à nu) correspondent aux piliers du niveau 0 côté Ouest, aux angles des tours, aux bandeaux et aux parois des alvéoles. Dans ce dernier cas, il semble que l'enrobage très faible soit la cause principale de la dégradation. Enfin, dans le cas des piliers du niveau 0, localement, une diminution notable du diamètre des armatures est mise en évidence.

En ce qui concerne les mesures par potentiel d'électrodes, les résultats confirment que ce phénomène est actif sur la quasi-totalité des aciers situés dans les structures exposées à l'extérieur, plus particulièrement en façade Ouest et ce jusqu'à plusieurs centimètres de profondeur. La corrosion partielle des aciers est suspectée dans les structures internes, notamment à l'intérieur des alvéoles, mais avec une activité beaucoup plus limitée.En ce qui concerne les parois externes des alvéoles (zones d'intérêt particulier), les résultats confirment la présence de ceintures horizontales continues dans les parois des alvéoles, alors qu'aucun acier vertical continu n'a été observé dans les nervures. L'enrobage des armatures varie de manière importante selon les structures (< 1 cm à > 7 cm) mais il faut souligner le faible enrobage constaté dans les parois des alvéoles.

entaire marquée par un phénomène de carbonatation

 

 

Marseille, vue

Exemple de cartographie de l'évaluation de la corrosion des armatures par potentiel d'électrodes

Les analyses de laboratoireLes mesures de carbonatation, réalisées par test de coloration à la phénolphtaléine, montrent que le phénomène est important. En effet, les profondeurs mesurées sont élevées à localement très élevées (120 à 270 mm). Ce phénomène peut être mis en relation avec l'environnement extérieur (CO2, humidité…) mais aussi avec le milieu confiné et probablement humide à l'intérieur des silos de stockage. Ces points sont vérifiés, d'une part, du fait d'une carbonatation plus importante au niveau de la façade Ouest (côté mer), et d'autre part, par un front de carbonatation plus élevé à partir de la surface intérieure des silos. Il en résulte que le front de carbonatation atteint ou dépasse localement les profondeurs d'enrobage des armatures et dépassive ainsi les fers.Les concentrations en chlorures mesurées à plusieurs profondeurs dans les échantillons de

de la toiture-terrasse

Vue sur le port

béton sont relativement faibles malgré un environnement marin proche.

Les observations microscopiques confirment l'absence d'une pollution notable liée à des chlorures. Par ailleurs, la forte carbonatation détectée par test à la phénolphtaléine est également validée par ces mêmes observations. Globalement, la matrice cimentaire des bétons analysés est constituée des hydrates courants d'un béton. Enfin, exceptée la présence d'un signal local en magnésium et de cristaux de sulfates de calcium massifs et peu développés, aucune pathologie pouvant nuire à la durabilité de l'ouvrage n'a été mise en évidence (produits sulfatés néoformés à caractère expansif, réaction alcali-granulat liée à la pénétration d'alcalins provenant du milieu extérieur ou à des réactions d'origine endogène…).

PerspectivesCompte tenu du contexte général et des désordres relevés, les travaux de réparation à mettre en œuvre devront s'orienter autour des thèmes suivants :

technique de purge du béton dans le but de mettre à nu les armatures et d'éliminer les matériaux dégradés, fissurés ou ragrééspassivation des fers atteints de corrosionapplication d'un produit inhibiteur de corrosionmise en place d'un béton et/ou d'un mortier de réparation adaptéconsolidation structurelle de certaines zones (piliers, tours…)application d'un produit esthétique de finition (peinture ou enduit)

Les méthodes de réparation proposées ont été sélectionnées de manière à s'adapter aux différentes zones de l'ouvrage et aux types de désordres rencontrés. Ainsi, des traitements curatifs sont envisagés dans les zones présentant des désordres et des traitements préventifs sont proposés dans les zones actuellement sans désordres apparents mais présentant un contexte favorable à l'apparition de ceux-ci (piliers, parois des alvéoles,…).Par ailleurs, dans le cadre des réparations envisagées, les caractères esthétique et historique du site doivent également être pris en compte. Ce point est à souligner dans le traitement particulier des alvéoles afin de conserver leur aspect actuel et mettre en place une démarche de restauration (méthodologie " douce " et " soignée ") plutôt qu'une action de réparation.

 

Laboratoire d'Etudes et de Recherches sur les Matériaux - Génie Civil Bâtiment - Environnement - Patrimoine Bâti