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39 Risque suicidaire et tentative de suicide en Nord-Pas de Calais. Enseignements de l’enquête santé mentale en population générale. T. Danel 1-4, J. Vilain 1-3, J.L. Roelandt 1-2, J. Salleron 3, G. Vaiva 1-2-4-5, A. Amarie 1, L.Plancke 1, A. Duhamel 3-4- 5 1. Fédération régionale de recherche en santé mentale du Nord pas de calais (F2RSM) 2. Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS, Lille, France)/ EPSM Lille-Métropole 3. Fédération de recherche clinique (FRC) – CHRU de Lille 4. Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille 5. Université Lille Nord de France Auteur correspondant : Thierry Danel : Fédération régionale de recherche en santé mentale 3, rue Malpart 59000 Lille Tel : 33 (0) 3 20 44 10 34 Mail : [email protected] Résumé L’enquête Santé Mentale en Population Générale est une recherche-action internationale multicentri- que à l’initiative du Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la forma- tion en santé mentale (CCOMS, Lille). Ses objectifs sont d’évaluer la prévalence des principaux troubles men- taux dans la population générale adulte, et de recueillir auprès d’elle les représentations liées à la « maladie mentale », de la « folie » et de la « dépression » ainsi que des différents modes d’aide et de soins spécialisés ou profanes. Nous présentons dans ce travail l’exploitation des données concernant le risque suicidaire et les an- técédents de tentative de suicide dans la région Nord pas de Calais. L’aspect quantitatif de ces phénomènes est présenté ainsi que des corrélations avec les facteurs socio-économiques, culturels et psychopathologiques qui sont discutés en tant que facteurs de protection et de vulnérabilité. Le risque suicidaire et la tentative de suicide sont étroitement corrélés à ces facteurs et la comparaison de ces résultats avec les données recueillies dans d’autres régions françaises montre une majoration de 21% du risque suicidaire et de 29% des tentatives de suicide dans la population de la région Nord pas de Calais. Abstract Suicide risk and suicide attempt in North Pas de Calais Region. Lessons from the survey Mental Health in General Population The Santé Mentale en Population Générale Survey (Mental Health in General Population Survey (MHGP)) is a multicentre international research and action project initiated by the World Health Organisation Collabo- ration Centre for research and training in mental health. Its aims are to assess the prevalence of the major mental health disorders in the general adult population and from this to record perceptions associated with “mental illness”, “madness” and “depression” together with different means of assistance and specialist or lay care. In this work we present the analysis of data on risks of suicide and past history of suicide attempts in the Nord pas de Calais region. We present the qualitative features of these phenomena and correlations with socio-economic, cultural and psychopathological factors, which are discussed in terms of both protective and vulnerability factors. Risk of suicide is present in 15% of the Nord pas de Calais population and is divided into 10.44% slight risk, 2.37% moderate risk and 2.2% high risk. A comparison with data from the MHGP survey in other regions reveals the high risk of suicide in the NPDC region. A risk of suicide is present is 13% of the population in other SMPG survey regions, broken down into 9.1% low risk, 2.1% medium risk and 1.7% high risk. Compared to the 2.2% high risk figure for NPDC, the population in this category is 21% larger. In terms of risk and protective factors, a bivariate analysis of socio-economic and cultural factors confirms the classical risk factors of sex, marital, occupational and educational status and income. The odds-ratio for these socio-economic and cultural factors can be calculated from logistic regression and the protective factors ran- ked in decreasing order from religion (Muslim versus other religions), martial status (marked versus separated), age (over 58 years old), occupational status (working or retired versus unemployed), income (more than 1300 euros versus less than 840 euros), sex (men versus women) and immigration. For mental illness, the bivariate analysis confirms that the risk of suicide is significantly higher regardless of the mental disorder in question. Logistic regression categorises the mental illnesses as risk factors in the following MOTS CLÉS Risque suicidaire, Tentative de suicide, santé mentale en population générale, enquête SMPG KEYWORDS Risk of suicide, Suicide attempt, mental health in general population, MHGP survey. Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP © L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés. L’Encéphale (2010) Supplément 1 au N°3, 39-57

Risque suicidaire et tentative de suicide en Nord-Pas de Calais. Enseignements de l’enquête santé mentale en population générale

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Risque suicidaire et tentative de suicide en Nord-Pas de Calais. Enseignements de l’enquête santé mentale en population générale. T. Danel 1-4, J. Vilain 1-3, J.L. Roelandt 1-2, J. Salleron 3, G. Vaiva 1-2-4-5, A. Amarie 1, L.Plancke 1, A. Duhamel 3-4- 5

1. Fédération régionale de recherche en santé mentale du Nord pas de calais (F2RSM)2. Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé mentale

(CCOMS, Lille, France)/ EPSM Lille-Métropole 3. Fédération de recherche clinique (FRC) – CHRU de Lille4. Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille5. Université Lille Nord de France

Auteur correspondant : Thierry Danel : Fédération régionale de recherche en santé mentale 3, rue Malpart 59000 LilleTel : 33 (0) 3 20 44 10 34 Mail : [email protected]

Résumé L’enquête Santé Mentale en Population Générale est une recherche-action internationale multicentri-que à l’initiative du Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la forma-tion en santé mentale (CCOMS, Lille). Ses objectifs sont d’évaluer la prévalence des principaux troubles men-taux dans la population générale adulte, et de recueillir auprès d’elle les représentations liées à la « maladie mentale », de la « folie » et de la « dépression » ainsi que des différents modes d’aide et de soins spécialisés ou profanes. Nous présentons dans ce travail l’exploitation des données concernant le risque suicidaire et les an-técédents de tentative de suicide dans la région Nord pas de Calais. L’aspect quantitatif de ces phénomènes est présenté ainsi que des corrélations avec les facteurs socio-économiques, culturels et psychopathologiques qui sont discutés en tant que facteurs de protection et de vulnérabilité. Le risque suicidaire et la tentative de suicide sont étroitement corrélés à ces facteurs et la comparaison de ces résultats avec les données recueillies dans d’autres régions françaises montre une majoration de 21% du risque suicidaire et de 29% des tentatives de suicide dans la population de la région Nord pas de Calais.

Abstract Suicide risk and suicide attempt in North Pas de Calais Region. Lessons from the survey Mental Health in General PopulationThe Santé Mentale en Population Générale Survey (Mental Health in General Population Survey (MHGP)) is a multicentre international research and action project initiated by the World Health Organisation Collabo-ration Centre for research and training in mental health. Its aims are to assess the prevalence of the major mental health disorders in the general adult population and from this to record perceptions associated with “mental illness”, “madness” and “depression” together with different means of assistance and specialist or lay care. In this work we present the analysis of data on risks of suicide and past history of suicide attempts in the Nord pas de Calais region. We present the qualitative features of these phenomena and correlations with socio-economic, cultural and psychopathological factors, which are discussed in terms of both protective and vulnerability factors. Risk of suicide is present in 15% of the Nord pas de Calais population and is divided into 10.44% slight risk, 2.37% moderate risk and 2.2% high risk. A comparison with data from the MHGP survey in other regions reveals the high risk of suicide in the NPDC region. A risk of suicide is present is 13% of the population in other SMPG survey regions, broken down into 9.1% low risk, 2.1% medium risk and 1.7% high risk. Compared to the 2.2% high risk figure for NPDC, the population in this category is 21% larger. In terms of risk and protective factors, a bivariate analysis of socio-economic and cultural factors confirms the classical risk factors of sex, marital, occupational and educational status and income. The odds-ratio for these socio-economic and cultural factors can be calculated from logistic regression and the protective factors ran-ked in decreasing order from religion (Muslim versus other religions), martial status (marked versus separated), age (over 58 years old), occupational status (working or retired versus unemployed), income (more than 1300 euros versus less than 840 euros), sex (men versus women) and immigration. For mental illness, the bivariate analysis confirms that the risk of suicide is significantly higher regardless of the mental disorder in question. Logistic regression categorises the mental illnesses as risk factors in the following

MOTS CLÉS

Risque suicidaire, Tentative de suicide, santé mentale en population générale, enquête SMPG

KEYWORDS

Risk of suicide, Suicide attempt, mental health in general population, MHGP survey.

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP

© L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés.

L’Encéphale (2010) Supplément 1 au N°3, 39-57

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IntroductionL’enquête « Santé Mentale en Population Générale : images et réalités (SMPG)» est une recherche-action in-ternationale multicentrique menée par le Centre Colla-borateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS, Lille, France), l’Association sep-tentrionale d’Epidémiologie psychiatrique (ASEP), en col-laboration avec la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) [1,6,7,8,10]. Ses objectifs sont d’évaluer la prévalence des principaux troubles mentaux dans la population générale adulte, et de recueillir auprès d’elle les représentations liées à la « maladie mentale », de la « folie » et de la « dépression » ainsi que des différents modes d’aide et de soins spécia-lisés ou profanes. L’exploitation des données de la base de données SMPG peut se décliner aux plans international, national et ré-gional et local notamment par secteur pour les données françaises.Elle a fait l’objet de nombreuses publications : http://217.19.202.24/ccoms/docs utiles.htm.Si les données recueillies par l’enquête permettent de décrire les représentations liées à la santé mentale et les modalités d’aide et de soins ainsi que d’évaluer la prévalence des principaux troubles psychiques dans la population générale, il s’agit alors d’un outil susceptible de sensibiliser les partenaires sanitaires, sociaux et poli-tiques à l’importance des problèmes de santé mentale et promouvoir l’instauration d’une psychiatrie intégrée dans la Cité.D’autres exploitations de l’enquête SMPG sont possibles et le travail présenté en témoigne. Celui-ci s’inscrit dans le cadre d’une démarche d’exploitation systématique des données de l’enquête SMPG afin de documenter la santé mentale et ses déterminants dans le Nord Pas de Calais (NPDC) ; ce travail est à l’initiative du CCOMS et de la Fédération régionale de recherche en santé men-tale du NPDC (santementale5962.com) en collaboration avec le pole de santé publique du CHRU de Lille. Ce travail s’inscrit dans le cadre plus large d’une recherche visant à définir des indicateurs de santé [2, 4] pour la santé mentale du Nord Pas de Calais. Nous présentons dans ce travail l’exploitation des don-nées concernant le risque suicidaire et les antécédents de TS dans le NPDC. L’aspect quantitatif du phénomène est présenté ainsi que des corrélations avec les facteurs socio-économiques, culturels et psychopathologiques qui sont discutés en tant que facteurs de protection et de vulnérabilité.

Sujets et MéthodesL’enquête santé mentale en population générale L’enquête SMPG est une enquête quantitative. L’échelle géographique de l’enquête est pour la France le secteur psychiatrique. Pour chaque site participant à l’enquête 900 questionnaires sont documentés. Ils sont adminis-trés en face à face avec des personnes sollicitées dans

la rue, anonymement, en respectant des quotas socio-démographiques (sexe, âge, CSP, niveau d’étude) de manière à constituer un échantillon représentatif de la population vivant sur le secteur concerné. L’enquête utilise quatre questionnaires : - Un questionnaire socio-anthropologique concernant les représentations de la population générale autour des images de la « folie », la « maladie mentale »,la « dépression », des modes d’aides et de soins. Les questions sont fermées et ouvertes en pré codage autour des thèmes de la souffrance, de la violence, de la guérison, de la conscience, de la responsabilité, de l’exclusion, …

- Un questionnaire standardisé d’épidémiologie psychia-trique, le Mini International Neuropsychiatric Interview [9]

- Des fiches complémentaires sont documentées lorsqu’il y a trouble(s) : évaluation du sentiment d’être malade, de la gêne dans la vie de tous les jours, des recours aux soins effectués…

- Un questionnaire sociodémographique et culturel (res-pectant l’anonymat des personnes qui n’était pas te-nues de répondre pour ce dernier aspect).

Base de données La base de données qui fait l’objet d’une exploitation du présent travail, est composée des données recueillies auprès de 12533 personnes en région Nord-Pas-de-Ca-lais, dans le cadre de l’enquête « La santé mentale en population générale : images et réalités » (SMPG) réali-sée par le CCOMS.Il s’agit de l’exploitation des données concernant le ris-que suicidaire et les antécédents de tentatives de suici-de. L’aspect quantitatif du phénomène est présenté ainsi que des corrélations avec les facteurs socio-économi-ques, culturels et psychopathologiques qui sont discutés en tant que facteurs de protection et de vulnérabilité.

Analyse statistiqueLes variables qualitatives ont été décrites par les fréquen-ces et les pourcentages. Le lien entre chaque facteur socio économiques ou culturel et le risque suicidaire a été testé par le test du chi-deux (analyses bivariées). Dans toutes les analyses, les modalités « risque suicidaire moyen » et « risque suicidaire fort » ont été regroupées. (a) Les variables significatives au niveau de signification 5% ont été introduites dans une régression logistique multivariée afin de déterminer les facteurs indépendants liés au risque suicidaire. Les odds ratios ajustés et les intervalles de confiance à 95% ont été calculés. Pour chaque variable qualititative, la modalité de référence choisie était celle présentant le moindre risque suicidai-re. Une première régression logistique avec pour évè-nement la présence d’un risque suicidaire quel que soit son niveau a été effectuée. Puis, pour tenir compte du niveau de risque, 2 régressions logistiques ont été ef-fectuées, avec pour évènements respectivement la pré-

T. Danel, J. Vilain, J.L. Roelandt, J. Sallero, G. Vaiva,A. Amarie, L.Planc e, A. Duhamel

order: depression, psychotic disorders, anxiety, alcohol abuse disorders, other drugs and insomnia.Suicide attempts have been made by 9.7% of the study population. This figure should be compared with the 8% of the study population in other regions in the survey and represents 29% more attempts. For the risk and protective factors the results of the bivariate analysis of socio-economic on cultural and psycho-pathological factors are superimposeable on those found for risk of suicide. The ranking of protective factors obtained from logistic regression places age in first position followed in decreasing order by religion, martial status, income, employment status and finally sex and immigration.The same ranking of mental illnesses by logistic regression places depression as the greatest risk factor followed by anxiety, psychotic disorders, alcohol abuse disorders, drugs and insomnia.

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sence d’un risque suicidaire léger et la présence d’un risque suicidaire moyen ou fort. Le pouvoir discriminant de chaque modèle de régression logistique a été estimé par l’aire sous la courbe, courbe ROC (Receiver Opera-ting Characteristics). La calibration de chaque modèle a été estimée par le test de Hosmer-Lemeshow [3]. Ce test permet de comparer les probabilités d’évènements pré-dites par le modèle aux taux d’évènements observés. En cas de bonne calibration (niveau de signification du test supérieur à 0,2), la probabilité prédite par le modèle peut être interprétée comme un score de risque.(b) Les analyses (a) ont été effectuées pour les variables décrivant les troubles mentaux.(c) la même méthode a été employée pour étudier le lien entre la tentative de suicide (évènement binaire) et d’une part les variables socioéconomiques puis d’autre part les troubles mentaux.Le niveau de signification des tests était fixé à 5%. Toutes les analyses ont été effectuées avec le logiciel SAS

RésultatsLe risque suicidaire (RS)Il est évalué dans le questionnaire MINI à travers X ques-tions pour lequel quatre niveaux de RS sont définis : nul, léger, moyen et fort. Parmi les 12533 personnes évaluées quant au RS, 84.98% sont exempts de risque, 10.44% présente un risque léger, 2.37% un risque moyen et 2.20% un risque fort.Corrélation avec les facteurs socio-économiques et cultuelsAnalyse bivariée (tableau I).Pour cette analyse, les groupes à RS moyen et fort sont regroupés. Le sexe. Le RS est significativement plus grand chez la femme que chez l’homme que le risque soit léger ou fort.L’âge. Les classes d’âge les plus concernées par le RS sont les 18-23 ans et les 37-57 ans. A l’opposé, ce sont les sexagénaires qui sont le moins à risque, suivis des 24-36 ans. On peut les plus de 70 ans ont le taux de RS léger le plus grand (13.06%) mais le taux de risque fort le plus bas (2.35%).La situation familiale. Le fait d’être marié protège du RS. Les personnes séparées sont presque 2 fois plus nom-breuses, en proportion, à présenter un RS (28.90%) que la population générale (15.02%) et un peu moins de 3 fois plus par rapport à une personne mariée (10.98%). Un RS léger (13.06%) est significativement plus impor-tant qu’en population générale en cas de veuvage. Les individus habitant seuls (i.e. célibataires et veufs) sont plus à RS que la moyenne de la population.L’emploi. Les personnes ayant une activité professionnel-le sont sensiblement moins exposé au RS que les inactifs et chômeurs (16.71% versus 13.31% ). D’autre part il y a une grande disparité du RS en fonctions des Catégo-ries Socioprofessionnelles (CSP). En effet, les chômeurs et inactifs ont, d’une façon générale, un risque suicidai-re nettement plus élevé que la moyenne avec près d’un inactif sur 4 présentant un RS. Les étudiants qui ont un RS fort supérieur d’un point à la moyenne (5.55 %) ont un risque léger de plus de 2.5 points à la moyenne (8.98 %). Les femmes au foyer ont un RS léger plus important que la moyenne (11.76%).Revenus et niveaux d’étude. Plus le revenu du foyer est important et plus le niveau d’étude est élevé, moins le RS est présent.

Migrants. La proportion de personnes ayant un risque suicidaire léger est faiblement plus importante chez les personnes issues de la migration, notamment pour les personnes dont les grands-parents étaient issus de l’im-migration (18.51% contre 15.02%).Foi et religion. Etre croyant ou pratiquant réduit faible-ment le RS. On note que les musulmans ont une ten-dance à avoir un risque suicidaire sensiblement infé-rieur à la moyenne.

Régression logistique (analyse multivariée)Le calcul des Odds Ratio a été appliqué pour trois si-tuations. La première (tableau II, figure 1) comparant l’absence ou la présence d’un RS quelqu’en soit l’in-tensité (Test de Hosmer et Lemeshow, p=0.24 ; courbe ROC=66%). La seconde (tableau III, figure 2) compare l’absence ou la présence d’une RS moyen ou fort (Test de Hosmer et Lemeshow, p=0.63; courbe ROC=71.4%). La troisième (tableau IV, figure 3) compare l’absence ou la présence d’un RS léger (Test de Hosmer et Lemeshow, p=0.32; courbe ROC=64.5%).

Corrélation avec les troubles mentaux. Analyse bivariéeQuelque soit le type de trouble diagnostiqué au MINI, le RS est significativement majoré (tableau V). Un RS quelque soit son intensité est observé chez 6.76% des personnes qui ne présente pas de troubles mentaux repérés au MINI. Le RS en revanche est observé chez 29.59% des personnes présentant un trouble quel qu’il soit diagnostiqué au MINI. C’est vrai notamment pour les troubles de l’humeur, les troubles psychotiques et ceux liés à l’alcool.

Régression logistique (analyse multivariée)Comme il en a été pour l’étude des corrélations avec les facteurs socio-économiques et cultuels, le calcul des Odds Ratio pour la corrélation avec les troubles men-taux, a été appliqué pour trois situations (tableau VI). La première comparant l’absence ou la présence d’un RS quelqu’en soit l’intensité (Test de Hosmer et Lemeshow, p=0.017; courbe ROC=74.8%). La seconde comparant l’absence ou la présence d’une RS moyen ou fort (Test de Hosmer et Lemeshow, p=0.05; courbe ROC=85.7%). La troisième compare l’absence ou la présence d’un RS léger (Test de Hosmer et Lemeshow, p=0.0008; courbe ROC=69.9%).

Les tentatives de suicide (TS)Un antécédent de TS, documenté chez 12524 sujets, est rapporté chez 1214 d’entre eux soit 9.69 %.

Corrélation avec les facteurs socio-économiques et cultuelsAnalyse bivariée (tableau VII)Le sexe. 8.09% des hommes et 11.07% des femmes ont déjà fait une TS. L’âge. Les classes d’âge dont le taux de personnes ayant déjà fait une TS est élevé, sont les 18-23ans (11.62%) et 37-57ans (11.77%). Les plus de 58 ans sont les moins touchés (7.10% pour les 58-69ans et 5.52 % pour les plus de 70 ans.La situation familiale. Les personnes séparées sont 2 fois plus nombreuses, à avoir tenté de se suicider (20.98%) que la population générale (9.69%) et un peu moins de 3 fois plus par rapport à une personne en couple

Risque suicidaire et tentative de suicide en Nord Pas de Calais. Enseignements de l’enquête santé mentale en population générale.

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(7.27%). Les individus habitant seuls (i.e. les célibataires et les veufs) ont un taux de TS plus élevé de 3 points par rapport à la moyenne.L’emploi. La relation entre CSP et TS oppose les chô-meurs (15.72%) aux actifs (sauf employés et ouvriers) et retraités (respectivement 6.96% et 6.62%). En effet, mis à part ces 3 catégories, les autres CSP ont un taux de TS comparable à la population générale. Revenus et niveau d’étude. Plus le revenu du foyer est important, plus le taux de TS est faible. Pareillement le niveau d’étude est inversement corrélé avec la TS. Migrant. Etre issu de l’immigration influence très légè-rement sur le taux de TS, puisque la proportion de per-sonnes ayant déjà essayé de mettre fin à leurs jours est faiblement plus importante chez les personnes issues de la migration (10.64% contre 9.39%).Les personnes dont les grands-parents sont migrants, sont plus exposées à un risque de TS que les autres (12.17% contre 9.69%).Foi et religion. Alors qu’être croyant ou pratiquant réduit faiblement le risque de TS, les personnes de confession musulmane ont des antécédents de TS sensiblement in-férieurs à la population générale.

Régression logistique (analyse multivariée)Le test de Hosmer et Lemeshow est applicable (p value = 0.7574 largement supérieure au 0.2 requis). De plus, en utilisant la courbe ROC, on obtient une aire sous la courbe égale à 66.8 %, ce qui n’est pas très éloignée du seuil de 80 %. Les Odd Ratios relatifs à l’analyse multiva-riée sont rapportés dans le tableau VIII et la figure 4.

Corrélations avec les troubles mentauxAnalyse bivariée (tableau IX)Des antécédents de TS sont remarquablement plus éle-vés chez les personnes présentant un trouble mental re-péré au MINI par rapport à la population générale. Tout particulièrement on observe que les personnes souf-frant de troubles psychotiques, 28.93 % a déjà tenté de mettre fin à ses jours au cours de sa vie, alors que la moyenne en population générale est de 9.69 %. Pour les autres troubles analysés, ce risque évolue entre 18 et 25 %. Comme on pouvait s’y attendre il ya une corréla-tion forte entre de RS et la TS.

Régression logistique. Analyse multivariée. Alors que le test de Hosmer et Lemeshow montre que le modèle n’est pas adéquat (p value = 0.0170, donc inférieur au seuil de 0.2 requis), l’aire sous la courbe dé-passe le seuil requis de 70 % avec 74.8 %. Le tableau X ainsi que la figure 5, rapportent les Odds Ratio concer-nant les antécédents de TS en fonction des troubles mentaux.

DiscussionLe risque suicidaire est présent chez 15 % de la popula-tion du Nord pas de Calais et se répartie en 10.44% de risque léger, 2.37% de risque moyen et 2.2% de risque fort.Une comparaison avec les données obtenues par l’en-quête SMPG dans les autres régions [5] montre le haut risque suicidaire dans la région NPDC. En effet le risque suicidaire est présent chez 13% de la population des autres régions de l’enquête SMPG et se réparti en 9.1% pour le risque faible, 2.1% pour le risque moyen et 1.7% pour un risque fort. Pour ce dernier chiffre comparé au

2.2% de risque fort pour le NPDC c’est 21% de popula-tion en plus pour celui-ci. En ce qui concerne la mise en évidence des facteurs de risque et de protection l’analyse bivariée concernant les facteurs socio-économiques et cultuels confirme les fac-teurs de risques classiques que sont le sexe, la situation familiale, l’activité et les niveaux d’étude et de revenus. La régression logistique permettant le calcul de l’odds ratio concernant ces mêmes facteurs socio-économi-ques et cultuels place par ordre décroissant les facteurs de protection dans l’ordre suivant : la religion (musul-man versus autres religions), la situation matrimoniale (marié versus séparé), l’âge (les plus de 58 ans), l’activité (actif ou retraité versus chômeur) le niveau de revenus ( supérieur à 1300 euros versus inférieur à 840 euros) le sexe (homme versus femme) et enfin l’immigration. Ces résultats sont à mettre en parallèle avec les données économiques défavorables observés par l’INSEE dans la région [11]. Ainsi en 2006, le revenu fiscal moyen dans le NPDC est l’un des plus faibles des régions de France (14648 euros versus 16648) ; en 2007, 10,6% de la po-pulation active du NPDC était au chômage contre 7,5% de la population active en France métropolitaine. Les facteurs sociaux tels que la situation familiale vont dans le même sens puisque l’on a vu que le fait d’être veuf ou divorcé augmentait le RS et que selon les données du re-censement de la population de l’année 2006 de l’INSEE, parmi les personnes de 15 ans et plus, la proportion de personnes veuves ou divorcées dans la région était de 15,1%, tandis qu’elle l’était de 14,8% en France métro-politaine et DOM (283 186 personnes veuves et 201 399 cas de divorcés ont été enregistrés dans la région par rapport à 4 038 592 veufs et 3 587 046 divorcés en France métropolitaine et DOM).En ce qui concerne les troubles mentaux l’analyse bi-variée confirme que le risque suicidaire est significative-ment plus grand quelque soit le trouble mental obser-vé. La régression logistique classe les troubles mentaux comme facteur de risque dans l’ordre suivant : dépres-sion, les troubles psychotiques, l’anxiété, troubles liés à l’utilisation de l’alcool, les autres drogues et l’insomnie.Pour ce qui est des tentatives de suicide elle a été faite chez 9.7% de la population testée. Ce chiffre est à com-parer avec le 8% de la population testée dans les autres régions lors de l’enquête. Ceci représente 29% de ten-tative en plus. En ce qui concerne la mise en évidence des facteurs de risque et de protection l’analyse bivariée concernant les facteurs socio-économiques, cultuels et psychopatholo-gique les résultats se superposent à ceux mis en éviden-ce pour le risque suicidaire. La hiérarchie des facteurs de protection obtenus par régression logistique place l’âge en premier puis par ordre décroissant la religion, la situation matrimoniale, le niveau de revenu, l’emploi en enfin e sexe et l’immigration.Cette même hiérarchie calculée pour les troubles men-taux fait de la dépression le facteur de risque le plus important suivi de l’anxiété, du trouble psychotique, des troubles liés à l’utilisation de l’alcool, des drogues et de l’insomnie.

ConclusionLa santé mentale en population générale dans la ré-gion Nord Pas de Calais a été évaluée auprès de 12533 personnes dans le cadre d’une recherche action menée par le CCOMS.

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Le présent travail présente l’exploitation de la base de données concernant le risque suicidaire et la tentative de suicide en population générale et ses corrélations avec des facteurs socio-économiques et psychopatholo-giques. L’étude confirme le rôle de ces caractéristiques classées quant à leur importance après calcul par ré-gression logistique. Une attention particulière peut ainsi être recommandée en fonction de ces facteurs de vul-nérabilité.

RemerciementsGérard Badeyan, Haut comité de santé publique, pour sa relecture attentive.

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10.Vaiva G., Jehel L., Ducrocq F. et al. Prévalence des troubles psy-chotraumatiques dans l’enquête Santé Mentale en, Population Gé-nérale sur les 45 millions de français de plus de 18 ans, Stress et Trauma 2007 ; 7(2) : 69-77.

11.www.insee.fr

Risque suicidaire et tentative de suicide en Nord Pas de Calais. Enseignements de l’enquête santé mentale en population générale.

44 T. Danel, J. Vilain, J.L. Roelandt, J. Sallero, G. Vaiva,A. Amarie, L.Planc e, A. Duhamel

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