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page 4 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 7 La conception de robots n’est pas une science à part. Elle touche non seulement à la mécanique, à l’électronique, à l’informatique, mais aussi à la perception multisensorielle, au raisonnement à la coopération… Qu’est-ce que la robotique ? Une discipline qui fait partie des “sciences de l’artificiel” (Herbert Simon, Prix Nobel) et pour laquelle les réalisations sont à la fois des objets de recherche et un objectif de conception. Elle est un volet de la science des systèmes et peut être définie comme la science de la perception et de l’action intelligente, et de leur intégration dans une machine physique, un robot. Un robot est, a priori, un système matériel mécanique et informatique, qui possède des capacités de perception, d’action, de décision et de communication. Il est parfois capable d’améliorer ses propres performances par apprentissage automatique ou supervisé par des humains. Il peut agir dans un environnement ouvert ou confiné, dynamique et imparfaitement modélisé ou même inconnu. Le domaine de la robotique peut être présenté selon cinq grandes thématiques, fortement liées: la conception mécanique, électronique et informatique (« mécatronique ») ; l’action et le mouvement, et notamment la commande et les contrôles sensori-moteurs; la perception (multisensorielle) et la représentation de l’environnement ; la prise de décision, le raisonnement et l’apprentissage et, enfin, l’interaction et la coopération avec d’autres robots ou avec l’homme. Exploration et milieux hostiles La robotique interagit avec de nombreuses autres disciplines, à l’intérieur des sciences et technologies de l’information (traitement du signal et de l’image, automatique, informatique), mais aussi avec des domaines plus éloignés, comme les sciences de la vie ou les sciences de l’homme et de la société. En effet certaines questions posées, comme le fonctionnement des mécanismes perceptuels ou des fonctions sensori-motrices, ou la nature de la cognition, ou l’interaction avec l’homme, s’avèrent très proches de ces disciplines. La robotique est l’un des domaines prioritaires dans les pays technologiquement avancés, tels que les Etats-Unis, le Japon, la Corée, l’Australie ou l’Allemagne. En effet, les domaines d’application de la robotique sont nombreux. Citons en vrac : l’exploration des milieux hostiles (planètes, milieux sous-marins), les sondes spatiales, l’aéronautique, la surveillance environnementale (feux de forêts), les services (surveillance, manutention, logistique, service de la personne, les loisirs), la CAO, l’animation graphique, les interfaces pour l’interaction homme-machine, le transport et la conduite assistée, la santé, la robotique militaire. Le vieillissement de la société, les besoins en termes de service, la poussée technologique et la recherche de créneaux innovants comme réponse à la mondialisation forment un contexte particulièrement propice à la robotique. Contact : [email protected] La Robotique : une science aux multiples facettes dOSSIER >>> Raja CHATILA, Directeur de recherche CNRS, au LAAS, unité CNRS, associée à l’UPS. ROBOTIQUE >>> Robots expérimentaux au LAAS

ROBOTIQUE La Robotique : OSSIER - Université … · tout-terrain, aériens. D’autres ... et la capacité des engins à décider, par leurs propres moyens, ... la dynamique du véhicule

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p a g e 4 P a u l S a b a t i e r — L e m a g a z i n e s c i e n t i f i q u e — n u m é r o 7

La conception de robots n’est pas une science à part. Elle touche non

seulement à la mécanique, à l’électronique, à l’informatique, mais aussi

à la perception multisensorielle, au raisonnement à la coopération…

Qu’est-ce que la robotique ? Une discipline quifait partie des “sciences de l’artificiel” (HerbertSimon, Prix Nobel) et pour laquelle lesréalisations sont à la fois des objets de rechercheet un objectif de conception. Elle est un volet dela science des systèmes et peut être définiecomme la science de la perception et de l’actionintelligente, et de leur intégration dans une machine physique, un robot.

Un robot est, a priori, un système matérielmécanique et informatique, qui possède descapacités de perception, d’action, de décision etde communication. Il est parfois capabled’améliorer ses propres performances parapprentissage automatique ou supervisé par deshumains. Il peut agir dans un environnementouvert ou confiné, dynamique et imparfaitementmodélisé ou même inconnu. Le domaine de larobotique peut être présenté selon cinq grandesthématiques, fortement liées:la conception mécanique, électronique etinformatique (« mécatronique ») ; l’action et lemouvement, et notamment la commande et lescontrôles sensori-moteurs; la perception(multisensorielle) et la représentation del’environnement ; la prise de décision, leraisonnement et l’apprentissage et, enfin,l’interaction et la coopération avec d’autresrobots ou avec l’homme.

Exploration et milieux hostilesLa robotique interagit avec de nombreusesautres disciplines, à l’intérieur des sciences ettechnologies de l’information (traitement dusignal et de l’image, automatique, informatique),mais aussi avec des domaines plus éloignés,comme les sciences de la vie ou les sciences de l’homme et de la société. En effet certainesquestions posées, comme le fonctionnement

des mécanismes perceptuels ou des fonctionssensori-motrices, ou la nature de la cognition,ou l’interaction avec l’homme, s’avèrent trèsproches de ces disciplines.La robotique est l’un des domaines prioritairesdans les pays technologiquement avancés, telsque les Etats-Unis, le Japon, la Corée, l’Australieou l’Allemagne.En effet, les domaines d’application de larobotique sont nombreux. Citons en vrac :l’exploration des milieux hostiles (planètes,milieux sous-marins), les sondes spatiales,l’aéronautique, la surveillance environnementale(feux de forêts), les services (surveillance,manutention, logistique, service de la personne,les loisirs), la CAO, l’animation graphique, lesinterfaces pour l’interaction homme-machine,le transport et la conduite assistée, la santé,la robotique militaire.Le vieillissement de la société, les besoins en

termes de service, la poussée technologique et la recherche de créneaux innovants commeréponse à la mondialisation forment un contexteparticulièrement propice à la robotique.

Contact : [email protected]

La Robotique :une science aux multiples facettes

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>>> Raja CHATILA, Directeur

de recherche CNRS, au LAAS,

unité CNRS, associée à l’UPS.

ROBOTIQUE

>>> Robots expérimentaux au LAAS

La robotique est présente à l’UPS principalement à travers le Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (Laas) qui mène des recherches dans ce domaine depuis les années 1970. Actuellement, elle y occupe plus de 25 chercheurs, enseignants-chercheurs et ITA, ainsi qu’une quarantaine dedoctorants. Les travaux abordent les grands thèmesde la robotique (perception, mouvement, décision,architectures, interaction et apprentissage) etmettent en oeuvre des moyens expérimentauximportants, notamment une dizaine de robotsd’intérieur roulants ou de forme humanoïde, tout-terrain, aériens.

D’autres laboratoires sont concernés aussi par la robotique, mais de manière plus limitée. On y compte notamment l’Institut de recherche eninformatique de Toulouse (Irit) qui travaille sur lacommunication homme-machine, le raisonnementincertain et sur les systèmes multi-agents. D’autres

laboratoires s’intéressent à des sujets connexes dans les sciences du vivant, comme le Centre derecherche cerveau et cognition (Cerco) qui travaillesur les mécanismes de vision et d’action (cf. articlesur le robot et l’homme) ou le Centre de recherche sur la cognition animale (CRCA) qui étudie les mécanismes d’apprentissage chez l’animal.En dehors de l’UPS, sur le campus toulousain, il faut signaler le Laboratoire d’étude des systèmesinformatiques et automatiques (Lesia, à l’Insa) quimène des recherches en robotique, en particulier sur la conception et la commande d’actionneurs(muscles artificiels) et l’Office national d’études etde recherches aérospatiales (Onera), qui mène des recherches sur la robotique aérienne et la problématique de la planification et de la supervision.

Contact : [email protected]

La Robotique à l’UPS…

Formations à la robotique proposées par l’UPS L'UPS propose plusieurs parcours de formation dans le domaine de la robotique,qui s'adressent à un public de niveau bac+2 à bac+5.

En formation professionnelle en 3 ans, l’IUP « Systèmes intelligents » recrute après un L2 ou un DUT Informatique/GEII et délivre un master en ingénierie des systèmes intelligents. Son domaine de formation unique en France concerneles systèmes intelligents, réels ou virtuels, qui sont actuellement développés pour assister l’homme.

Dans la formation de niveau master, l’UPS propose :• une spécialité professionnelle « Intelligence artificielle, reconnaissance

des formes, robotique », qui recrute après un M1 automatique ou informatique,dont l'enseignement porte sur la modélisation et la commande des robotsmanipulateurs et mobiles.

• une spécialité recherche « Systèmes automatiques, informatiques et décisionnels», dont le cursus propose plusieurs cours en commande ou en algorithmique pourles robots. Cette formation constitue un préalable à la préparation d’un doctoraten robotique.

Contacts : [email protected], [email protected], Frédé[email protected]

dOSSIERRobotique

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>>> Rachid ALAMI, Directeur de recherche CNRS,

et Frédéric LERASLE, Maître de conférence UPS,

chercheurs au LAAS

(unité CNRS, associée à l ‘UPS)

Travailler en bonne intelligenceavec des robots

Robotique

Si l’on cherche parfois à rendre un robot complètement autonome, il peut êtreégalement utile de lui apprendre à interagir avec l’homme, à interpréter sesbesoins, à partager son espace avec d’autres.

L’émergence d’une robotique d’assistance à l’homme etde la robotique personnelle vient aujourd’hui enrichirla problématique générale du robot autonome enmettant l’accent sur un robot évoluant dans unenvironnement sémantiquement riche et peupléd’humains, ce qui donne un sens fort à l'interprétationde scènes, à l'apprentissage, à la décision et laréflexivité, et à l'interaction avec l'Homme.Ceci nécessite des fonctions évoluées et nouvelles pourle robot: perception de l'homme et de son activité,action physique partagée et/ou en synergie avecl'homme, décision interactive et partagée, capacitéévoluée de dialogue, grande capacité d’adaptation etd’apprentissage. S'ajoutent également les contraintesde la sécurité.

C’est dans cette perspective que nous conduisons depuisquelques années des projets de recherche dans lesquelsl’homme et le robot partagent l’espace, la tâche et ladécision. Citons le projet Robea HR+, qui a donné lieuau déploiement du robot Rackham à la Cité de l’Espaceet surtout le projet intégré Européen IST COGNIRONdont le LAAS assure la coordination.

De l’aide aux personnes âgéesCette problématique fait appel à de nombreux thèmesde recherche tels que : • perception multimodale de l'homme, de ses gestes etpostures ;

• manipulation d'objets et déplacement enenvironnement structuré ;

• modélisation et interprétation de scènes à fort contenusémantique: lieux, objets, activités humaines ;

• modélisation de l'action et de la décision conjointehomme-robot, de l’homme, de ses préférences etcomportements dans le contexte des tâches à réaliser ;

• apprentissage automatique de concepts (espace,objets, situations), et de tâches (navigation,manipulation, action conjointe homme-robot) ;

• architectures cognitives intégrant le dialogue,l'apprentissage, la prise en compte des contraintes de sécurité et de lisibilité des actions et des décisions du robot ;

• interaction et coopération entre plusieurs robots.

Les méthodes et approches incluent l’intégration de laperception et de la décision, la prise en compte desincertitudes à tous les niveaux, l’intégration desraisonnements symboliques et géométriques, la multi-modalité, la robustesse et la résilience. Le lien avec les neurosciences mais aussi avec lessciences cognitives et sociales ira en se renforçant.

Les enjeux socio-économiques de la robotique cognitiveet interactive sont multiples : le robot assurant uneassistance aux personnes âgées, le robot autonome auservice aussi bien du grand public que du professionneld'un domaine donné. Une application emblématiqueest celle du robot personnel ou encore assistant dansun lieu public ou privé. L'impact sociétal des travauxdans ce domaine peut être d'une grande ampleur dansla mesure où les sujets traitent de la compréhension de la cognition d'une part et de l'interaction avec desmachines intelligentes - donc de leur place dansl'économie et la société (cf. l'impact de l’ordinateurindividuel).

Contacts : [email protected], [email protected], [email protected]

>>> Le robot Rackham déployé à la Cité de l’Espace à Toulouse

et agissant comme guide autonome interactif dans le cadre de

la mission « Biospace ».

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>>> Simon LACROIX et Philippe SOUÈRES,

Chargés de Recherche CNRS,

chercheurs au Laboratoire d’analyse et

d’architecture des systèmes (LAAS,

unité CNRS, associée à l’UPS).

L’ère des dronesintelligentsLes drones, ces engins ressemblant souvent à de petits avions automatiques,existent depuis des décennies. Mais, jusqu’à maintenant, ils n’étaient pascapables de prendre eux-mêmes des décisions en fonction de l’environnement.

>>> Vue du drone HoverEye développé

par Bertin Technologies

De nombreux drones sont déjà exploités pour desmissions d'observation. Il s'agit d'engins à voilure fixede type avion, qui réalisent une mission préalablementprogrammée. On sait depuis plusieurs décenniescontrôler les vols sans autonomie décisionnelle.Aujourd’hui, la recherche en robotique aérienneplanche principalement sur deux grandesproblématiques : le contrôle de vol de vecteursdifférents des avions (hélicoptères, ballons dirigeables,et nouveaux concepts de plateformes) et la capacité desengins à décider, par leurs propres moyens, des actionsà mener, ce qui permet la réalisation de missions de haut niveau.

Contrôle de vol

Ballon dirigeable baptisé Karma. en collaboration avecAllan Bonnet professeur à l'école Supaéro. Après avoircaractérisé un modèle complet de l'appareil, nousavons pu dégager un modèle simplifié pour lesdifférentes phases de vol, rendant compte au mieux dela dynamique du véhicule mais permettant la mise enoeuvre de techniques d'automatique avancées. En dépitde l'apparente stabilité de ce type d'aérostat, leproblème de commande s'est avéré difficile à cause dela forte sensibilité au vent de la carène dont la densitéest voisine de celle de l'air.

Le Laas a également collaboré avec I3S UNSA-CNRS etle groupe Bertin technologies, pour la modélisation etla commande du drone HoverEye. Cet appareil,développé par l'industriel, est actionné par deux hélicescontrarotatives coaxiales carénées. Ici encore, un travaildélicat à permis d’élaborer un modèle à partir d'uneétude théorique et expérimentale. Toutefois, le pointd'application des forces aérodynamiques et leuramplitude étant difficilement caractérisables a priori,nous avons proposé des lois de commande adaptativespermettant d'estimer en vol l'action d'un vent latéralet de générer la commande nécessaire pour s'y opposer.Les lois de commande ainsi définies reposent sur uneestimation de l'état du véhicule à chaque instant àpartir des capteurs embarqués. En couplant ces lois decommande avec des techniques d'évitement d'obstacles

définies à partir des mesures de proximité délivrées parun radar embarqué, il a été possible de définir unevéritable stratégie de navigation autonome. Un desobjectifs de ce travail soutenu par la DGA est depermettre à un utilisateur peu expérimenté desuperviser la commande du drone en spécifiant desinformations de navigation de haut niveau, l'appareilsuivant automatiquement ces consignes.

Autonomie décisionnelle

Pour la réalisation de missions complexes, telles parexemple l'exploration ou la surveillance d'une zonedonnée, il faut doter les engins de capacités d'analysede la situation et de planification de leurs actions(déplacements et acquisition d'informations surl'environnement). Nous avons particulièrementtravaillé sur ces aspects en participant au projeteuropéen Comets, qui portait sur le déploiement dedrones pour des missions de détection et de surveillancede feux de forêts. Dans ce contexte, nous avons spécifiéet développé des algorithmes qui permettent aux enginsde se coordonner pour la réalisation de missionsd'observation. Une architecture associée à cesalgorithmes qui intègre la présence d'une stationcentrale de contrôle a été proposée, et mise en oeuvredans une expérimentation qui a impliqué deuxhélicoptères et un drone, dont le scénario illustrait desmissions de détection et de confirmation d'alarmes, desuivi d'évolution de feux avérés et de cartographie dela zone concernée. Dans ce domaine, nous mettons au point le contrôled’une flotte de drones devant se déplacer enenvironnement hostile (collaboration avec DassaultAviation), et sur le déploiement coordonné de robotsterrestres et aériens.

Contacts : [email protected], [email protected]

Robotique

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Depuis près d'une quinzaine d'années, nous avonsconçu et développé un ensemble de fonctionnalitésnécessaires à la navigation autonome : perception etmodélisation de l'environnement, localisation durobot dans son environnement, planification desdéplacements à réaliser et contrôle de l'exécution de ces déplacements. Pour ces fonctionnalités, la difficulté réside principalement dans la nature de l'environnement, qui est non structuré et quiprésente une très grande variabilité. Différentsassemblages de ces fonctionnalités permettent dedéfinir des modes de navigation autonomes adaptésà différents contextes, fournissant ainsi au robotune capacité d'autonomie du mouvement. Ces travaux ont été intégrés à bord des robots Lama et Dala.

Des robots capables de prendre des décisions

Mais l'autonomie du mouvement ne suffit pas à laréalisation de tâches de haut niveau que lesopérateurs souhaitent faire exécuter aux robots,telles que des tâches d'exploration ou desurveillance. Pour être dotés de la capacité à prendredes décisions de manière autonome, les robotsdoivent disposer de plans ou de procédures quiexplicitent les enchaînements logiques nécessairesaux traitements fonctionnels permettant d'obtenirdes comportements plus évolués. Plus récemment,nous avons embarqué à bord des robots des systèmesde planification. En fonction de l'état courant,d'objectifs donnés par un opérateur, et de modèles"logique et temporel" des actions réalisables, ilsproduisent des plans qui permettent d'atteindre cesobjectifs. Ces plans, qui peuvent évoluer au cours dutemps, sont ensuite exécutés par le robot qui encontrôle la bonne marche logique et temporelle, etqui en cas d'échec partiel répare le plan, tout enpoursuivant l'exécution de la partie qui reste valide.En cas d'échec complet, de l'exécution ou de laréparation, le robot reste capable de re-planifier unplan nouveau après s'être mis dans une situationsûre. Ces techniques qui confèrent aux robotsd'exploration des capacités d'autonomie

décisionnelle sans précédent sont désormais matures,et sont maintenant étudiées dans des situationsmulti-robot, ou bien avec une forte interaction avecl'homme (co-autonomie, co-décision, etc).

La mise en œuvre sur une même plateforme detraitements aussi divers, nombreux et de complexitévariée requiert une architecture qui spécifie leursinteractions et assure une robustesse decomportement, et des outils qui rendent leurintégration aisée. À cette fin, nous avons spécifié etdéveloppé depuis de nombreuses années unearchitecture décisionnelle pour l'autonomie et unensemble d'outils logiciels associés. Les évolutions lesplus récentes de ces travaux considèrent les questionsposées par la coopération entre plusieurs robots, parla validation et la vérification des composants et deleurs interactions, et par la robustesse de leur miseen oeuvre, en particulier lorsque des humains restentau contact de ces robots.

Contact : : [email protected] et [email protected]

Robotique

Les robots, nouveauxexplorateurs autonomesA la recherche de vie sur Mars ou en éclaireurs dans des grottes terrestres, lesrobots d'exploration sont aujourd’hui dotés de capacités de navigation autonome.Des capacités qui leur permettent de se déplacer dans un environnement malconnu sans l'intervention d'un opérateur.

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>>> Simon LACROIX, et Félix INGRAND,

chargés de Recherches CNRS, chercheurs au LAAS,

unité propre CNRS, associée à l’UPS

>>> Une vue du robot Lama

Le domaine des transports a suscité de nombreux travauxde recherche en robotique, pour traiter en particulier laplanification automatique et de la commande demouvement en présence d'obstacles pour les systèmesarticulés à roues, ainsi que la sécurité active desautomobiles pour l’aide à la conduite.

La planification automatique de mouvement en présenced'obstacles est à l'intersection de disciplines allant de lagéométrie algébrique à l'algorithmique en passant par lagéométrie différentielle et l'automatique non-linéaire. Des chercheurs du Laas se sont intéressés très tôt à cetteproblématique en initiant un projet européen rassemblantd'autres chercheurs des différentes disciplines citées ci-dessus. Plus de dix ans de travaux nous ont conduit àconstruire des méthodes et des outils permettant,aujourd'hui, de maîtriser tous les éléments permettant àun véhicule à remorque de calculer automatiquement destrajectoires sans collision entre deux configurations puis desuivre ces trajectoires en évitant de manière réactive les

obstacles imprévus. Ces travaux ont été intégrés à bord de notre robot mobile Hilare 2 qui navigue de manièreautonome dans les couloirs du laboratoire et effectue des manœuvres d’accostage avec précision.

Faire un créneau

Des applications directes concernent la réalisation decréneaux à partir d’un modèle de l’espace libre construitau préalable depuis des données acquises par des capteursembarqués : des chercheurs du Laas ont proposé uneméthode pour détecter en temps réel une place libre le long du trottoir, depuis un capteur stéréo monté à l’arrière d’un véhicule.

L’amélioration de la sécurité suscite un grand nombre de travaux pour la détection de situations dangereusespour les passagers d’une automobile : à partir de donnéesacquises par des capteurs visuels ou télémétriques, il s’agitde reconnaître ces situations, puis, soit de prévenir leconducteur, soit d’agir directement sur les actionneurs du véhicule pour limiter les risques ou la gravité d’unaccident. Les chercheurs du Laas ont travaillé sur denombreux sujets. Les états d’hypovigilance du conducteursont, par exemple, détectés en surveillant la périodicité desclignements des paupières depuis une séquence d’images.La surveillance du cockpit depuis un capteur stéréo permetaussi de contrôler un airbag de manière active. Enfin, lesrisques de collision ou de sortie de route peuvent êtrediminués en détectant les obstacles (autres véhicules,piétons en site urbain) et en localisant la route depuis des caméras observant la route. Citons enfin dans ledomaine du transport, les nombreux travaux en coursdans la communauté robotique sur les véhicules urbainsautomatiques.

:Contacts : [email protected] et [email protected]

>>> Michel DEVY, directeur de recherche CNRS, et

Florent LAMIRAUX, chargé de recherche CNRS,

du Laboratoire d’Analyse et d’Architecture

des Systèmes (unité CNRS, associée à l’UPS)

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Des voitures qui roulent (presque) toutes seules...Détecter un obstacle ou la somnolence du conducteur : la robotique mobile ne cesse d’améliorer la sécurité des transports, et notammentde l’automobile.

Robotique

>>> Le robot Hilare2 et sa remorque, plateforme exploitée pour étudier la planification et l’exécution

de manœuvres tels que le créneau ou l’évitement d’obstacles

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Robotique

Comment un robot peut-il décider « seul » (c’est-à-dire par le seul recours au calcul sur ordinateur) desmouvements à effectuer pour réaliser une tâche dansun environnement encombré d’obstacles ? Cettequestion est celle de la planification de mouvement,un thème de recherche qui trouve son origine, dansles années 1970, dans la programmation des robotsindustriels (cf. la présentation de T. Siméon et J. Cortès dans ce même numéro).

Ce thème de recherche s’appuie sur des fondementsmathématiques solides issus de la géométriealgorithmique, de la géométrie algébrique réelle, de la géométrie différentielle et de la théorie de lacommande des systèmes. Des progrès rapides ont étéobtenus dès les années 1980 avec des champsd’application qui ont rapidement dépassé la seuleautonomie des robots, pour couvrir les transports, la robotique médicale, la réalité virtuelle oul’animation graphique. Ce sont ces deux dernierschamps qui posent les premiers la question del’autonomie d’artefacts humains virtuels populariséspar le cinéma d’animation et les jeux videos.

Que se passe-t-il dans notre tête quand nous marchons ?

De l’artefact humain à l’homme, il restait un pas àfranchir, celui du changement de perspective : est-ceque les techniques de calcul mises au point poursynthétiser des mouvements pour des artefactspeuvent aider à une compréhension du mouvement

humain per se ? Il n’est plus ici question de faire « marcher » un quelconque système artificiel maisbien de comprendre les mécanismes sensori-moteursqui sous-tendent le mouvement humain. Que sepasse-t-il dans notre « tête » quand nous marchons,quand nous pratiquons notre sport favori, quand nous effectuons des tâches complexes ? Quelle est la nature des opérations que le systèmenerveux effectue ?

Ce changement de perspective est au cœur desnouvelles directions de recherche qui réunissent surun même thème roboticiens et neurobiologistes. Le LAAS en développe actuellement deux.

La première, en collaboration avec le Laboratoire dephysiologie de la perception et de l’action du Collègede France, s’intéresse à la compréhension de la formedes trajectoires locomotrices. Pour aller d’un point àun autre une multitude de trajectoires sont possibles.Pourquoi empruntons-nous telle trajectoire, plutôtque telle autre ? Des expériences récentes, menées surplusieurs individus, dont les mouvements ont étéenregistrés par des techniques de capture demouvement, mettent en évidence des invariantscommuns à tous les sujets. Il apparaît que la formede trajectoires répond à un couplage différentiel dupremier ordre entre position et direction corporelles,similaire à celui d’un système roulant sans glisser. Ce premier résultat sur le parallèle entre locomotionhumaine et robotique mobile ouvre des perspectivesnouvelles de recherche extrêmement prometteuses.

La seconde, en collaboration avec le Centrede recherche cerveau et cognition (CerCo) del’UPS, s’intéresse à la représentation del’espace et aux fonctions sensori-motrices.Elle a pour objet de mettre en évidence etde modéliser des mécanismes neuronauxpermettant le codage des transformationsentre cartes sensorielles et cartes motrices.Ces travaux sont menés sur la based’expérimentations en neurosciencesintégratives chez le primate et s’appuientsur les modèles géométriques et dynamiquesdéveloppés en robotique mobile.

Contact : [email protected], [email protected]

Comment l’homme décide-t-il de sa trajectoire ?

>>> Jean-Paul LAUMOND,

Directeur de Recherche CNRS et

Philippe SOUÈRES, Chargé de

Recherche CNRS, tous les deux au LAAS,

unité propre du CNRS, associée à l’UPS

En programmant des robots pour qu’ils puissent se déplacer de manièreautonome, la robotique a fourni aux neurobiologistes des moyens d’analyser lemouvement humain.

>>> Les « arbres » de la locomotion humaine : trajectoires vues de dessus empruntées

par un individu positionné à la racine de l’arbre et atteignant un objectif défini en position et orientation.

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C’est par le mouvement qu’un système robotique agit sur le monde physique. La capacité de calculautomatique de ses mouvements représente donc unecomposante essentielle de l’autonomie du système.L’étude de ces problèmes constitue un domaine derecherche très actif de la robotique, né à la fin desannées soixante-dix avec les travaux pionniers du MITpour la programmation automatique de robotsindustriels, et dont les progrès récents permettentaujourd’hui d’envisager la mise en œuvre de fonctionsde navigation et de manipulation d’objets pour dessystèmes robotiques aussi complexes que des robotshumanoïdes.

L’algorithmique de la planification du mouvement,dans sa forme la plus simple, s’intéresse au calcul detrajectoires sans collision pour des mécanismes poly-articulés se déplaçant dans des environnementsencombrés d’obstacles. La résolution de ces problèmesrequiert la construction d’une représentation descontraintes spatiales, basée sur le principe suivant : à chaque point (configuration) de l’espace correspondun placement unique des corps mobiles, transformantainsi le calcul du mouvement de corps 3D dansl’espace réel en celui d’un point dans un espace dedimension égale au nombre d’articulations du robot.Cette formulation permet de ramener le problèmeinitial à celui de l’exploration d’une variété nonsimplement connexe, caractéristique de l’ensemble des placements sans collision du robot. Un calculexact de l’espace libre, bien que théoriquementpossible, se heurte à une complexité qui croîtexponentiellement avec le nombre de degrés de libertédes mobiles, limitant l’application de méthodesanalytiques à des systèmes de faible dimension. Les techniques actuelles utilisent une formed’échantillonnage aléatoire qui les rend beaucoupmoins sensibles à la dimension du problème. Elless’avèrent très performantes en pratique, en particulierpour des systèmes de dimension élevée. Le champd’application de ces méthodes, que le LAAS acontribué à développer dans le cadre de plusieursprojets européens, dépasse aujourd’hui la robotique etintéresse des domaines aussi diversifiés que la CAO,l’animation graphique ou la bioinformatiquestructurale.

Simuler l’arrimage des molécules biologiques

L’étude du mouvement moléculaire à partir de cettealgorithmique robotique fait l’objet de recherchespluridisciplinaires, récemment engagées par deséquipes américaines (notamment à Stanford) ainsiqu’au LAAS, sur l’exploration de nouvelles voiescalculatoires pour la simulation moléculaire et la modélisation prédictive des relations structure-fonction de macromolécules biologiques. En particulier, la connaissance de la structuretridimensionnelle et des changementsconformationnels de protéines est essentielle pour inférer leur fonction biologique qui repose sur l'arrimage avec des molécules présentant une complémentarité spatiale et physico-chimique. Alors que ces mécanismes d’interaction sontdirectement liés aux possibilités de mouvement et de déformation des structures moléculaires, les outils de simulation existants présentent des limitationsimportantes lorsqu’il s’agit de rendre compte de largeschangements conformationnels ou d’accéder à desmouvements de grande amplitude. L’ambition destravaux actuellement menés dans le cadre du projetITAV Alma en collaboration avec plusieurspartenaires biologistes (INSA, INSERM, IPBS) est delever ce verrou actuel de la modélisation grâce à une approche algorithmique basée sur une gestionperformante du mouvement de chaînes moléculairesreprésentées sous la forme de mécanismes poly-articulés. Le défi algorithmique posé par le développement de cette approche vient de la complexité des objets mis en jeu qui peuventposséder plusieurs milliers de degrés de liberté.

Contact : [email protected] et [email protected]

Mouvement :du robot aux molécules

>>> Thierry SIMÉON, Chargé de Recherche CNRS et

Juan CORTÉS, Chargé de Recherche CNRS,

tous les deux travaillant au LAAS,

unité CNRS, associée à l’UPS.

Que l’on veuille affiner les gestes d’un robot humanoïde ou simuler lescontorsions des molécules biologiques, il s’agit de mettre en équation lemouvement. Une tache qui occupe de nombreux et prestigieux laboratoiresdans le monde, dont le Laas.

>>> Changement conformationnel induit

par la flexibilité d’une boucle protéique (en rouge

sur la figure du haut) et accessibilité d’un ligand

(en mauve sur la figure du bas) à un site actif

enfoui dans le récepteur protéique.

Robotique