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Répondre à une question sur un corpus Objet d’étude : Le théâtre, texte et représentation. Corpus : -Texte A : Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1778. -Texte B : Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, acte I, scène 1, 1834. - Texte C : Edouard Manet, Quand deux dictateurs se rencontrent, 1996. Question : 4 points Quelle est la fonction principale de ces trois scènes d’ouverture ? TEXTE A : Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1778 Acte I Le théâtre représente une chambre à demi démeublée ; un grand fauteuil de malade est au milieu. Figaro, avec une toise, mesure le plancher. Suzanne attache à sa tête, devant une glace, le petit bouquet de fleurs d'orange, appelé chapeau de la mariée. Scène 1 FIGARO, SUZANNE FIGARO. Dix-neuf pieds sur vingt-six. SUZANNE. Tiens, Figaro, voilà mon petit chapeau ; le trouves-tu mieux ainsi ? FIGARO lui prend les mains. Sans comparaison, ma charmante. Oh ? Que ce joli bouquet virginal, élevé sur la tête d'une belle fille, est doux, le matin des noces, à l'oeil amoureux d'un époux !... SUZANNE se retire. Que mesures-tu donc là, mon fils ? FIGARO. Je regarde, ma petite Suzanne, si ce beau lit que Monseigneur nous donne aura bonne grâce ici. SUZANNE. Dans cette chambre ? FIGARO. Il nous la cède. SUZANNE. Et moi, je n'en veux point. FIGARO. Pourquoi ? SUZANNE. Je n'en veux point. FIGARO. Mais encore ? SUZANNE. Elle me déplaît. FIGARO. On dit une raison. SUZANNE. Si je n'en veux pas dire ? FIGARO. Oh ! Quand elles sont sûres de nous ! SUZANNE. Prouver que j'ai raison serait accorder que je puis avoir tort. Es-tu mon serviteur, ou non ? FIGARO. Tu prends de l'humeur contre la chambre du château la plus commode, et qui tient le milieu des deux appartements. La nuit, si Madame est incommodée, elle sonnera de son côté ; zeste, en deux pas tu es chez elle. Monseigneur veut-il quelque chose ? Il n'a qu'à tinter du sien ; crac, en trois sauts me voilà rendu. SUZANNE. Fort bien ! Mais quand il aura tinté le matin, pour te donner quelque bonne et longue commission, zeste, en deux pas, il est à ma porte, et crac, en trois sauts... FIGARO. Qu'entendez-vous par ces paroles ? SUZANNE. Il faudrait m'écouter tranquillement. FIGARO. Eh, qu'est-ce qu'il y a ? Bon Dieu ! SUZANNE. Il y a, mon ami, que, las de courtiser les beautés des environs, monsieur le comte Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez sa femme ; c'est sur la tienne, entends-tu, qu'il a jeté ses vues, auxquelles il espéra que ce logement ne nuira pas. Et c'est ce que le loyal BAZILE, honnête agent de ses plaisirs, et mon noble maître à chanter, me répète chaque jour, en me donnant leçon.

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Répondre à une question sur un corpus

Objet d’étude : Le théâtre, texte et représentation.

Corpus :

-Texte A : Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1778.

-Texte B : Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, acte I, scène 1, 1834.

- Texte C : Edouard Manet, Quand deux dictateurs se rencontrent, 1996.

Question : 4 points

� Quelle est la fonction principale de ces trois scènes d’ouverture ?

TEXTE A : Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1778

Acte I Le théâtre représente une chambre à demi démeublée ; un grand fauteuil de malade est au milieu. Figaro, avec une toise, mesure le plancher. Suzanne attache à sa tête, devant une glace, le petit bouquet de fleurs d'orange, appelé

chapeau de la mariée.

Scène 1 FIGARO, SUZANNE

FIGARO. Dix-neuf pieds sur vingt-six. SUZANNE. Tiens, Figaro, voilà mon petit chapeau ; le trouves-tu mieux ainsi ? FIGARO lui prend les mains. Sans comparaison, ma charmante. Oh ? Que ce joli bouquet virginal, élevé sur la tête d'une belle fille, est doux, le matin des noces, à l'œil amoureux d'un époux !... SUZANNE se retire. Que mesures-tu donc là, mon fils ? FIGARO. Je regarde, ma petite Suzanne, si ce beau lit que Monseigneur nous donne aura bonne grâce ici. SUZANNE. Dans cette chambre ? FIGARO. Il nous la cède. SUZANNE. Et moi, je n'en veux point. FIGARO. Pourquoi ? SUZANNE. Je n'en veux point. FIGARO. Mais encore ? SUZANNE. Elle me déplaît. FIGARO. On dit une raison. SUZANNE. Si je n'en veux pas dire ? FIGARO. Oh ! Quand elles sont sûres de nous ! SUZANNE. Prouver que j'ai raison serait accorder que je puis avoir tort. Es-tu mon serviteur, ou non ? FIGARO. Tu prends de l'humeur contre la chambre du château la plus commode, et qui tient le milieu des deux appartements. La nuit, si Madame est incommodée, elle sonnera de son côté ; zeste, en deux pas tu es chez elle. Monseigneur veut-il quelque chose ? Il n'a qu'à tinter du sien ; crac, en trois sauts me voilà rendu. SUZANNE. Fort bien ! Mais quand il aura tinté le matin, pour te donner quelque bonne et longue commission, zeste, en deux pas, il est à ma porte, et crac, en trois sauts... FIGARO. Qu'entendez-vous par ces paroles ? SUZANNE. Il faudrait m'écouter tranquillement. FIGARO. Eh, qu'est-ce qu'il y a ? Bon Dieu ! SUZANNE. Il y a, mon ami, que, las de courtiser les beautés des environs, monsieur le comte Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez sa femme ; c'est sur la tienne, entends-tu, qu'il a jeté ses vues, auxquelles il espéra que ce logement ne nuira pas. Et c'est ce que le loyal BAZILE, honnête agent de ses plaisirs, et mon noble maître à chanter, me répète chaque jour, en me donnant leçon.

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FIGARO. BAZILE ! À mon mignon, si jamais volée de bois vert appliquée sur une échine, a dûment redressé la moelle épinière à quelqu'un... SUZANNE. Tu croyais, bon garçon, que cette dot qu'on me donne était pour les beaux yeux de ton mérite ? FIGARO. J'avais assez fait pour l'espérer. SUZANNE. Que les gens d'esprit sont bêtes ! FIGARO. On le dit. SUZANNE. Mais c'est qu'on ne veut pas le croire. FIGARO. On a tort. SUZANNE. Apprends qu'il la destine à obtenir de moi secrètement certain quart d'heure, seul à seule, qu'un ancien droit du seigneur... Tu mis s'il était triste ? FIGARO. Je le sais tellement, que si monsieur le Comte, en se mariant, n'eût pas aboli ce droit honteux, jamais je ne t'eusse épousée dans ses domaines. SUZANNE. Eh bien, s'il l'a détruit, il s'en repent ; et c'est de ta fiancée qu'il veut le racheter en secret aujourd'hui. FIGARO, se frottant la tête. Ma tête s'amollit de surprise, et mon front fertilisé... SUZANNE. Ne le frotte donc pas ! FIGARO. Quel danger ? SUZANNE, riant. S'il y venait un petit bouton, des gens superstitieux... FIGARO. Tu ris, friponne ! Ah ! s'il y avait moyen d'attraper ce grand trompeur, de le faire donner dans un bon piège, et d'empocher son or ! SUZANNE. De l'intrigue et de l'argent, te voilà dans ta sphère. FIGARO. Ce n'est pas la honte qui me retient. SUZANNE. La crainte ? FIGARO. Ce n'est rien d'entreprendre une chose dangereuse, mais d'échapper au péril en la menant à bien : car d'entrer chez quelqu'un la nuit, de lui souffler sa femme, et d'y recevoir cent coups de fouet pour la peine, il n'est rien plus aisé ; mille sots coquins l'ont fait. Mais... (On sonne de l'intérieur.) SUZANNE. Voilà Madame éveillée ; elle m'a bien recommandé d'être la première à lui parler le matin de mes noces. FIGARO. Y a-t-il encore quelque chose là-dessous ? SUZANNE. Le berger dit que cela porte bonheur aux épouses délaissées. Adieu, mon petit fi, fi, Figaro ; rêve à notre affaire. FIGARO. Pour m'ouvrir l'esprit, donne un petit baiser. SUZANNE. A mon amant aujourd'hui ? Je t'en souhaite ! Et qu'en dirait demain mon mari ? (Figaro l'embrasse.) SUZANNE. Eh bien ! Eh bien ! FIGARO. C'est que tu n'as pas d'idée de mon amour. SUZANNE, se défripant. Quand cesserez-vous, importun, de m'en parler du matin au soir ? FIGARO, mystérieusement. Quand je pourrai te le prouver du Soir jusqu'au matin. (On sonne une seconde fois.) SUZANNE, de loin, les doigts unis sur sa bouche. Voilà votre baiser, monsieur ; je n'ai plus rien à vous. FIGARO court après elle. Oh ! Mais ce n'est pas ainsi que vous l'avez reçu...

TEXTE B : Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, acte I, scène 1 (extrait) (1834).

ACTE PREMIER SCÈNE PREMIÈRE Une place devant le château.

MAÎTRE BLAZIUS, DAME PLUCHE, LE CHŒUR1

LE CHŒUR Doucement bercé sur sa mule fringante, messer1 Blazius s’avance dans les bluets fleuris, vêtu de neuf, l’écritoire au côté. Comme un poupon sur l’oreiller, il se ballotte sur son ventre rebondi, et, les yeux à demi fermés, il marmotte un Pater noster3 dans son triple menton. Salut, maître Blazius, vous arrivez au temps de la vendange, pareil à une amphore antique. MAÎTRE BLAZIUS Que ceux qui veulent apprendre une nouvelle d’importance m’apportent ici premièrement un verre de vin frais. LE CHŒUR Voilà notre plus grande écuelle ; buvez, maître Blazius ; le vin est bon ; vous parlerez après. MAÎTRE BLAZIUS Vous saurez, mes enfants, que le jeune Perdican, fils de notre seigneur, vient d’atteindre à sa majorité, et qu’il est reçu docteur4 à Paris. Il revient aujourd’hui même au château, la bouche toute pleine de façons de parler si belles et si fleuries, qu’on ne sait que lui répondre les trois quarts du temps. Toute sa gracieuse personne est un livre d’or ; il ne

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voit pas un brin d’herbe à terre, qu’il ne vous dise comment cela s’appelle en latin ; et quand il fait du vent ou qu’il pleut, il vous dit tout clairement pourquoi. Vous ouvririez des yeux grands comme la porte que voilà, de le voir dérouler un des parchemins qu’il a coloriés d’encres de toutes couleurs, de ses propres mains et sans en rien dire à personne. Enfin c’est un diamant fin des pieds à la tête, et voilà ce que je viens annoncer à M. le baron. Vous sentez que cela me fait quelque honneur, à moi, qui suis son gouverneur depuis l’âge de quatre ans ; ainsi donc, mes bons amis, apportez une chaise que je descende un peu de cette mule-ci sans me casser le cou ; la bête est tant soit peu rétive5, et je ne serais pas fâché de boire encore une gorgée avant d’entrer. LE CHŒUR Buvez, maître Blazius, et reprenez vos esprits. Nous avons vu naître le petit Perdican, et il n’était pas besoin, du moment qu’il arrive, de nous en dire si long. Puissions-nous retrouver l’enfant dans le cœur de l’homme ! MAÎTRE BLAZIUS Ma foi, l’écuelle est vide ; je ne croyais pas avoir tout bu. Adieu ; j’ai préparé, en trottant sur la route, deux ou trois phrases sans prétention qui plairont à monseigneur ; je vais tirer la cloche. (Il sort.)

1. Le chœur : ensemble de personnes qui commentent l’action selon la tradition du théâtre antique. Il est, dans cette pièce, composé de paysans. 2. « Messer » pour Monsieur 3. Pater noster : début d’une prière chrétienne (Notre Père). 4. Docteur : titre universitaire obtenu après la soutenance d’une thèse. 5. Rétive : peu docile.

TEXTE C : Eduardo Manet, Quand deux dictateurs se rencontrent, (incipit), © Actes Sud-Papiers (1996).

VOIX OFF1, 1-A, 1-B

VOIX OFF. Quelque part dans le monde, deux dictateurs se rencontrent. Ils sont vieux. Vieux, mais taillés dans le roc. Visages granitiques, regards de joueurs de poker. Maîtres de leur propre jeu. Les corps sont massifs, les gestes lents. Et pour cause… chacun porte un épais gilet pare-balles, par mesure de précaution. Le premier sous une élégante veste signée par un styliste à la mode, l’autre dissimulé sous l’épaisse vareuse de son uniforme. Rencontre au sommet qui fera date dans l’Histoire. Les deux hommes, protégés par des vitres blindées, se trouvent sur la terrasse d’un palais, sorte de forteresse construite au sommet d’une vertigineuse montagne et où l’on ne peut accéder qu’en hélicoptère. Isolés du reste du monde, les deux hommes se parlent, sans témoins. Ils n’ont aucune raison particulière de se rencontrer. Caprice. Coup de tête. Aucune raison, si ce n’est le voluptueux plaisir d’être en face de son double, son reflet, la présence charnelle et puissante d’un dictateur comme soi. Pour mieux tenir au secret leur rencontre et déjouer de possibles pièges, leurs appareils policiers leur ont donné des codes, composés du chiffre 1 et des deux premières lettres de l’alphabet : A et B. Comme les deux hommes s’estiment d’une égale puissance, ils ont tiré au sort l’ordre de leur dialogue. Pile – pour le 1-A, face pour le 1-B. Ils viennent de dîner. Ils ont parlé – comme ils disent – « à bâtons rompus », « à cœur ouvert », « les yeux dans les yeux ». Imbus2 de leur pouvoir, les dictateurs ne craignent pas d’utiliser les clichés les plus éculés3. 1-A sirote une menthe à l’eau, 1-B boit de la camomille.

1-A Tu ne fumes plus tes fameux cigares aromatiques… Tu ne bois plus d’alcool… tu refuses le café… ordre du médecin ? 1-B. Self-control, autodiscipline, mon cher. Comme toi. D’après ce que j’ai entendu dire, tu t’interdis l’alcool, le tabac, tous ces stimulants exquis mais nuisibles à la santé.

1. Voix off : voix entendue par les spectateurs sans que l’émetteur soit sur scène. 2. Imbus de leur pouvoir : sûrs de leur puissance 3. Eculés : usés