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Sante ´ et avance ´e en a ˆge des personnes handicape ´es mentales par trisomie 21 Health and longer life expectancy of mentally handicapped patients with trisomy 21 R. Lecuyer Villa Alexandre, 48, avenue de la Re ´publique, 94600 Choisy-le-Roi, France Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Introduction Il y a plus de 50 ans, en ho ˆpital psychiatrique, parmi la soixantaine de personnes avec une trisomie 21 que nous y avions de ´couvertes et que nous nous efforcions d’accompa- gner, l’un d’entre eux avait de ´ja ` 54 ans et restait tre `s dyna- mique. Son cas e ´tait une exception et ce n’est ve ´ritablement qu’avec l’arrive ´e des antibiotiques que la dure ´e de vie des personnes trisomiques s’est progressivement allonge ´e, pour de ´sormais atteindre environ les trois quarts de la dure ´e moyenne de vie du reste de la population. Nous nous attarderons sur leur fragilite ´ face aux infections dans le seul but de signaler qu’elle est, sans doute pour une grande part, due a ` une moindre lobulation des globules blancs (formule d’Arneth : polynucle ´aires ayant en moyenne de 2½ au lieu de 3½ noyaux). Il s’agit d’une explication peu connue, que nous avions de ´ja ` avance ´e lors d’un travail publie ´ en 1958 sur ce que l’on appelait alors le syndrome de Down ou « mongolisme » [1]. Nous envisagerons e ´galement l’ensemble des personnes han- dicape ´es mentales. Me ˆme si les personnes avec une trisomie 21 repre ´sentent une importante proportion des personnes handicape ´es mentales « moyennes-profondes », nos propos concerneront l’ensemble de cette population. Les effets de l’avance ´e en a ˆge vus sous l’angle psycho-me ´dicosocial La baisse du dynamisme et de l’e ´lan vital Elle est banale de ` s la quarantaine chez les personnes avec une trisomie 21. Vers 20 ans de ´ja `, on observe fre ´quemment la disparition, en l’espace de quelques mois, de « l’hypervitalite ´, jovialite ´ » habituelle. Cela est tre `s variable, en fonction des modes de vie et les habitudes d’un milieu familial vieillissant. Si ce dernier devient casanier, referme ´ sur lui-me ˆme (ce qui est favorise ´ par la pre ´sence d’une personne handicape ´e dans la famille), « s’e ´teignant » socialement peu a ` peu en quelque sorte, le phe ´nome `ne est indiscutablement plus marque ´. Au contraire, il est bien moindre lorsqu’existe une fre ´quentation re ´gulie ` re de loisirs collectifs et, d’une fac ¸on plus ge ´ne ´rale, une vie sociale. Ce ralentissement relatif de l’expression sociale est souvent pris, a ` tort, comme e ´tant la premie `re manifestation d’un vieillissement pre ´coce : on peut parler ici de « tassement- pseudo de ´te ´rioration intellectuelle », assez souvent conjonc- turel et presque toujours accessible a ` la pre ´vention [4,5,8]. Une ambiance dynamique et e ´panouissante, particulie `rement attentive a ` chacun, dans laquelle la personne trisomique doit se sentir concerne ´e personnellement et responsable (c’est-a `- dire consulte ´e et ayant droit a ` un maximum d’explications et de part de de ´cision), constitue la base de cette pre ´vention. Il ne faut surtout pas se laisser abuser par des the ´ories « le ´sionnistes », un temps mises en avant de fac ¸on excessive, notamment chez les personnes trisomiques chez qui l’exi- stence, a ` l’imagerie ce ´re ´brale, de plaques analogues a ` celles observe ´es dans les maladies d’Alzheimer, avait induit des Mots cle ´s : Vieillissement, Handicap mental, Trisomie 21, Histoire de la re ´adaptation Keywords: Elderly, Mental disability, Trisomia 21, History of rehabilitation e-mail : [email protected] Disponible en ligne 23 mars 2010 Note historique 80 0242-648X/$ - see front matter 10.1016/j.jrm.2010.02.003 Journal de re ´adaptation me ´dicale 2010;30:80-83

Santé et avancée en âge des personnes handicapées mentales par trisomie 21

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Page 1: Santé et avancée en âge des personnes handicapées mentales par trisomie 21

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Sante et avancee en age des personneshandicapees mentales par trisomie 21

Health and longer life expectancy of mentally handicappedpatients with trisomy 21

R. Lecuyer

Villa Alexandre, 48, avenue de la Republique, 94600 Choisy-le-Roi, France

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Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Disponible en ligne23 mars 2010

Note historique

Mots cles : Vieillissement, Handicap mental, Trisomie 21, Histoire dela readaptation

Keywords: Elderly, Mental disability, Trisomia 21, History ofrehabilitation

Introduction

Il y a plus de 50 ans, en hopital psychiatrique, parmi lasoixantaine de personnes avec une trisomie 21 que nous yavions decouvertes et que nous nous efforcions d’accompa-gner, l’un d’entre eux avait deja 54 ans et restait tres dyna-mique.Son cas etait une exception et ce n’est veritablement qu’avecl’arrivee des antibiotiques que la duree de vie des personnestrisomiques s’est progressivement allongee, pour desormaisatteindre environ les trois quarts de la duree moyenne de viedu reste de la population.Nous nous attarderons sur leur fragilite face aux infectionsdans le seul but de signaler qu’elle est, sans doute pour unegrande part, due a une moindre lobulation des globules blancs(formule d’Arneth : polynucleaires ayant en moyenne de 2½au lieu de 3½ noyaux). Il s’agit d’une explication peu connue,que nous avions deja avancee lors d’un travail publie en1958 sur ce que l’on appelait alors le syndrome de Down ou« mongolisme » [1].Nous envisagerons egalement l’ensemble des personnes han-dicapees mentales. Meme si les personnes avec unetrisomie 21 representent une importante proportion des

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personnes handicapees mentales « moyennes-profondes »,nos propos concerneront l’ensemble de cette population.

Les effets de l’avancee en age vus sousl’angle psycho-medicosocial

La baisse du dynamisme et de l’elan vitalElle est banale des la quarantaine chez les personnes avec unetrisomie 21. Vers 20 ans deja, on observe frequemment ladisparition, en l’espace de quelques mois, de « l’hypervitalite,jovialite » habituelle. Cela est tres variable, en fonction desmodes de vie et les habitudes d’un milieu familial vieillissant.Si ce dernier devient casanier, referme sur lui-meme (ce quiest favorise par la presence d’une personne handicapee dansla famille), « s’eteignant » socialement peu a peu en quelquesorte, le phenomene est indiscutablement plus marque. Aucontraire, il est bien moindre lorsqu’existe une frequentationreguliere de loisirs collectifs et, d’une facon plus generale, unevie sociale. Ce ralentissement relatif de l’expression sociale estsouvent pris, a tort, comme etant la premiere manifestationd’un vieillissement precoce : on peut parler ici de « tassement-pseudo deterioration intellectuelle », assez souvent conjonc-turel et presque toujours accessible a la prevention [4,5,8].Une ambiance dynamique et epanouissante, particulierementattentive a chacun, dans laquelle la personne trisomique doitse sentir concernee personnellement et responsable (c’est-a-dire consultee et ayant droit a un maximum d’explications etde part de decision), constitue la base de cette prevention.Il ne faut surtout pas se laisser abuser par des theories« lesionnistes », un temps mises en avant de facon excessive,notamment chez les personnes trisomiques chez qui l’exi-stence, a l’imagerie cerebrale, de plaques analogues a cellesobservees dans les maladies d’Alzheimer, avait induit des

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conclusions abusives de degenerescence precoce stigmatisan-tes pour les interesses et nuisibles pour les attitudes del’entourage et des equipes de soin ou medicosociales [5].A de tres nombreuses reprises, nous avons observe des inter-ruptions de travail en centres d’aide par le travail (CAT),devenus, depuis la loi du 11 fevrier 2005, etablissements etservices d’aide par le travail [ESAT] et meme des mises enpreretraite, de maniere inconsideree [6–9]. Un diagnosticerrone, ou tout au moins premature, est a l’origine del’absence d’investigation medicale et de l’occultation de diag-nostics responsables en fait des difficultes au travail. C’est lecas d’une anemie importante, responsable d’une fatigabiliteextreme avec un ralentissement generalise de l’activite,s’accompagnant d’un comportement donnant lieu a uneallure « hebetee », qui a ete interpretee comme une expres-sion de la limitation des capacites mentales. En fait, le toutetait lie a des hemorragies genitales, ignorees pendant desmois, en raison de la grande pruderie d’une femme beaucoupplus astucieuse qu’on ne le pensait, mais qui se sentaithonteuse.On constate une extreme diversite des evolutions. Il fautinsister sur le fait que beaucoup de personnes trisomiquessont, surtout subjectivement, bien moins fatigables que leurentourage ne le pense ; la frequentation du lieu de travailreste une des meilleures preventions du manque d’elan etd’une desadaptation generalisee a toutes les activites. Pourles premiers retraites de Mandres-les-Roses, il a ete decideapres quelques semaines, en collaboration avec le directeur,de les faire revenir une demi-journee deux fois par semainesur leur ancien lieu de travail, avec des activites adaptees,mettant en application la mise a la retraite progressive quiserait benefique pour beaucoup [2–4].

La soliloquie

Elle s’exprime, le plus souvent, par des conversations isoleesdans la chambre. Elle est relativement banale chez les per-sonnes trisomiques et s’accentue souvent avec l’age [3,4]. Ellepeut se developper de facon inquietante en evoluant parfoiscomme un pseudodelire hallucinatoire accompagne d’ideesde persecution, utilisant alors frequemment comme supportles feuilletons televises, au travers de l’identification a unpersonnage.

Les depressions et reactions depressives

Elles menacent plus particulierement les personnes trisomi-ques qui n’ont pas beneficie de la dynamique de groupehabituelle. La prevention impose d’etre toujours tres attentifaux causes. Il faut donner toute son importance aux besoinsde reperes habituels et etre vigilant face aux consequences dela perte de liens (changement de personnel, depart d’unmembre de la famille, etc.), qui engage la personne atteinted’une trisomie, dans un processus de deuil et donc naturel-lement dans un episode depressif. Tout changement non

explique est mal supporte. Dans la realite, la situation estmalheureusement souvent plus sombre que celle que nousdecrivons ici [4,5].

Les effets de l’avancee en age vus sousl’angle medicosomatique

Le surpoids et la nutrition

D’une facon generale, les problemes digestifs, d’alimentationet de regime representent un domaine important a prendreen compte et qui doit etre gere de maniere preventive. Il fautinsister sur l’obligation, des l’adolescence, de mettre en placeune education avec une participation personnelle, notam-ment par rapport a l’exces d’aliments sucres, aux boissonsinsuffisantes et a la constipation.Une veritable « culture de la marche a pied » est a instaurer, cequi est devenu difficile avec la predominance de la television.Il est essentiel de developper l’activite physique : dans le Midi-Pyrenees par exemple, la pratique de l’escrime avec despersonnes trisomiques a ete realisee avec succes. L’utilisationdu materiel des salles de sport et de musculation est souhai-table dans les etablissements d’accueil.

OdontologieC’est une preoccupation tres importante. La denture souffrede l’insuffisance habituelle de soins dentaires, tellementdelicats a realiser ici face aux gingivites et parodontoses, etaux craintes a l’egard des seances de soins. L’objectif estd’eviter ces bouches edentees tellement nuisibles a leurimage. On observe un interet des odontologistes, tout parti-culierement des universitaires, qui se sont fermement enga-ges dans l’acces aux soins pour les personnes en situation dehandicap mental.

Les autres problemes de pathologie

De nombreuses manifestations, banales en soi, ont une inci-dence particuliere, soit parce que se plaindre semble etre lameilleure facon d’attirer l’attention sur soi, soit, a l’inverse, enminimisant les choses, pour ne pas renoncer a une sortie parexemple, ou par amour-propre (particulierement chez leshommes) pour eviter d’avoir a reconnaıtre son etat de fai-blesse relative. Chez les femmes, la surveillance de l’etat desseins pose un probleme particulier d’acceptation, qui peutetre a l’origine d’un retard de diagnostic.Les manifestations respiratoires (en particulier lors des perio-des allergisantes) limitent la resistance a l’effort. Chez lesobeses, l’apnee du sommeil sont aussi frequentes que chezl’ensemble de la population, mais l’utilisation quotidienned’un appareil respiratoire la rend bien plus compliquee.Les problemes articulaires concernent principalement lesgenoux, du fait du surpoids des malades et reduisent souvent(probablement de facon excessive) l’activite physique,

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pourtant encore plus indispensable ici. Le dos et la regioncervicale (tres particuliere chez les trisomiques, desl’echographie antenatale) ne sont pas epargnes et peuventbeneficier de programmes preventifs. La scoliose sera depis-tee par une surveillance reguliere du deroulement du rachis.L’œdeme des chevilles est frequent et son mecanisme desurvenue est multifactoriel.

Les manifestations masquees

Dans le domaine hormonal, et plus particulierement thyroı-dien, les atteintes peuvent expliquer certains troubles (fati-gabilite asthenie) qui sont susceptibles de beneficier d’unetherapeutique.En ce qui concerne la vision, les difficultes sont souventminimisees, afin de ne pas porter de lunettes, par exemple.D’autres sont plus difficiles a evaluer, comme les cataractes,qui sont frequentes et precoces chez les trisomiques 21 et quipeuvent beneficier d’une intervention chirurgicale plus simpleaujourd’hui. Une malvoyance meconnue est souvent respon-sable de la baisse d’efficience en CAT.L’audition, a souvent souffert d’un passe d’otite sereuse chezles trisomiques. Ils ont frequemment des conduits auditifsetroits, favorables a l’installation de bouchons de cerumen.Les consultations aupres du specialiste ORL sont trop souventnegligees.Les problemes de peau, plus particulierement de mycoses auniveau des ongles de pieds, beneficient de traitements spe-cialises.Les problemes sphincteriens sont a analyser minutieusementau cas par cas pour reussir a communiquer dans le but demotiver les patients ; la participation active en corrige lamajorite.

A propos de la therapeutique desconsequences de la trisomie et de lareadaptation sociale des personnes avecune trisomie

L’attente therapeutiqueMalgre cette enumeration, nous ne sommes pas certains que,durant les 25 premieres annees de leur vie, beaucoup depersonnes atteintes d’une trisomie n’aient pas ete trop medi-calisees, notamment en quete d’une therapeutique dont lebouche-a-oreille se fait l’echo. Il y a 50 ans, c’etaient lescellules fraıches ; depuis les progres des diagnostics, geneti-ques en particulier, c’est l’attente decue d’une repercussiontherapeutique. Desormais, il s’agit plutot des methodes peda-gogiques intensives (et souvent culpabilisantes), celles deDoman-Delacato et meme Teatch. Apres d’habituels progresles premiers mois, survient presque toujours un epuisementassez rapide de l’enfant comme de l’entourage.

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Cependant, la prise en charge de la motricite souffre denombreuses carences. Elle devrait encadrer en particulierles interventions de chirurgie orthopedique, ce qui permet-trait d’agir sur l’ensemble des fonctionnalites a stimuler avecla kinesitherapie, l’ergotherapie, la psychomotricite, imposantune preparation de la reeducation avant le geste chirurgical.

L’attente sociale

Pour ce qui est des problemes d’integration optimale, d’acces-sibilite a la vie sociale ordinaire et d’exercice de sa liberte, il y aune difference importante d’appreciation et en premier lieupar rapport aux autres personnes en situation de handicap.Chez les personnes vivant les situations de handicap dontl’origine est somatique, l’important est d’etre le moins limitepossible dans son choix de vie et selon son autonomie. Quandil s’agit d’un handicap d’origine neuromotrice, la priorite estde ne pas souffrir et ne pas regresser. Mais pour une personnepresentant un handicap d’origine mentale important, l’essen-tiel est, de loin, de se sentir reconnue et securisee, meme sicela suppose une dependance, bien sur souvent partiellementdiscutable, mais presque toujours souhaitee par exemple enfoyer, d’ou l’importance du referent.

Les hospitalisations

Elles creent une situation particuliere, parfois indispensable(meme s’il est souvent possible de l’eviter) et multiplient lesproblemes d’isolement et de desarroi. Bien entendu, unaccompagnement de la part des proches s’impose, meme sil’encadrement est souvent difficile et que le lieu hospitaliern’est pas un terrain facile a approvoiser.

La fin de la vie des personnes trisomiques

La derniere etape, difficile mais incontournable, est celle de lafin de la vie et la mort. Elle constitue le plus grand sujetd’inquietude pour les parents ages. Une preparation psycho-logique particuliere s’impose devant les consequences psy-chiques d’un traumatisme, meme si nos structures se pretenta l’accompagnement quasi systematique des patients jusqu’ala fin de la vie. On peut faire appel aux soins palliatifs aumieux dans le cadre d’une convention avec un etablissementhospitalier. Mais comment assumer les deces inopines, pour legroupe mais aussi pour soi ? Nous nous souvenons desproblemes poses par le deces d’un de nos residents battu amort dans un autobus. Comment, par exemple, repondre acette question : « Et si je ne me reveillais pas apresl’operation » ?. Apres la disparition d’un ami, encore pluspeut-etre que d’un membre de leur famille, les personnestrisomiques ont parfois une sensibilite tres aigue a l’egard dela mort. Le respect d’une eventuelle orientation spiritualistepeut apporter un soutien non negligeable dans l’accompa-gnement. La preoccupation souvent essentielle pour eux, lorsde la naissance et de la mort, est celle de l’acharnement

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therapeutique. Les reserves que l’on entend souvent a l’egarddes soins extremes pour les tres grands prematures (moins de800 g), ressurgissent ici aussi. La-encore, la cohesion et lesoutien des equipes en conjonction avec les familles despatients est primordiale, mais souvent delicate concernantce sujet actuellement tres polemique.

Conclusion

Pour les personnes trisomiques comme pour le reste de lapopulation, la notion de vieillissement n’est pas identique acelle d’avancee en age. Cette derniere semble plus ouverte carelle reste, par definition, compatible avec l’idee de progres. Ilfaut en effet rappeler que le vieillissement n’est pas patho-logique en soi. Par exemple, sur le plan neuropsychologique(mais c’est aussi valable au plan physique pour d’autresressources), ce qui rend ce vieillissement pathologique,c’est le manque de reserve cognitive pour y faire face chezles personnes handicapees ayant une atteinte cerebralecongenitale ou acquise. Elles puisent chaque jour dans cesreserves pour faire face aux situations de handicap [6–9].Il n’y a pas de difference fondamentale, en termes de besoinsde soins, entre les personnes trisomiques et les autres. Lespersonnes avec un handicap d’origine mentale profitentmeme davantage que la moyenne de la population des pro-gres de la medecine. Mais s’impose a leur egard une vigilanceparticuliere, notamment en raison de leurs capacites moin-dres a participer a l’analyse de leurs symptomes.La relation medicale est parasitee par les difficultes d’expres-sion des patients, et peut-etre plus encore leur incapacite arelativiser et parfois meme a s’assumer a minima. Cela estparticulierement vrai pour ceux qui ont toujours vecu dans unmilieu familial tres protege ou l’on a toujours cru devoireluder, aux yeux de la personne handicapee elle-meme, lehandicap, au lieu de poser la question de leur conscience duhandicap, dans le but d’eviter de leur faire de la peine. C’estprecisement ce qui fait l’objet de nombreux reproches sur lelong terme, a la suite d’experiences penibles (blocages apresun sentiment de rejet).Il semblerait que 14 ans soit un age charniere pour les pre-adolescents avec un handicap mental : periode ou l’indispen-sable « prise de conscience de sa situation » par rapport a sesprojets de vie, est a la fois realisable et la moins frustrantepossible ! [7], et facultativement (moment fecond donc pourleur « vie a construire »)..Les progres effectues depuis 30 ans sont difficiles a evaluer etrestent incertains. De nombreuses idees sont repetees sanscesse et par tous, manquant de nuance. Les personnes agees

sont souvent mal preparees a vivre avec leur handicap, sur-tout lorsque celui-ci devient de plus en plus pregnant.Dans la mesure du possible, il est important de tenir comptedu passe des personnes agees handicapees, notamment deleurs habitudes de vie, (meme si elles paraissent desuetes,depassees et peuvent s’averer irritantes pour les jeunes per-sonnes qui prennent en charge l’encadrement).La preparation psychologique des familles (parents et familleproche, en etroite liaison avec la personne handicapee) estnecessaire afin de les preparer a l’evolution des reperes,notamment en termes de familles-structures medicosociales.Enfin, la place de la prevention, dans tous les domaines, doitetre la premiere des preoccupations, de meme que l’utilisa-tion certainement plus frequente en milieu familial qu’enfoyer, paradoxalement, d’un mediateur-verbalisateur neutre.Ce tiers discret, mais disponible et experimente, est un lienentre la personne elle-meme en situation de handicap,l’entourage (parental ou professionnel) et le corps medical.Cela est particulierement important pour l’expression dessouhaits dans le domaine affectif.

Conflit d’interet

Aucun.

References[1] Lecuyer R, Le mongolisme. Principaux problemes medicaux,

psychologiques et sociaux. Paris: G. Doin et compagnie; 1958.[2] Lecuyer R. Particularites des troubles neurocomportementaux

chez les personnes handicapees mentales. Ann Med Psycho1995;153(6):422–5.

[3] Lecuyer R. Derapages parapsychotiques chez les personneshandicapees mentales (not. trisomiques 21). Ann Med Psycho1995;153(10):721–6.

[4] Lecuyer R. « Pseudo vieillissement et joie de vivre chez lespersonnes trisomiques 21 (et handicapees mentales ayant undeficit et des qualites psychoaffectives analogues) ». IV Con-gres de l’AIRHM (Mons), 1995.

[5] Le vieillissement des trisomiques 21 et rapports entretrisomie 21 et maladie d’Alzheimer. Monographie des CREAIde Nantes-Rennes-La Baule; 1988–1991, pp. 127–37.

[6] Lecuyer R. Les centres d’aide par le travail pour handicapesmentaux et le generaliste. Entretiens de Bichat (Psychiatrie)1978;425–9.

[7] Lecuyer R. Quatorze ans : age charniere pour les preadolescentshandicapes mentaux (not. trisomiques 21). Readaptation1996;432:29–31.

[8] Lecuyer R. Quelques aspects medicaux du vieillissement de lapersonne handicapee mentale. Readaptation 1996;431:11–5.

[9] Lecuyer R. Les psychiatres et le reajustement des centres d’aidepar le travail (CAT). Ann Med Psychol 2005;163(2):174–81.

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