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Sartre et Heidegger: deux sensibilités Author(s): Robert Champigny Source: Modern Language Notes, Vol. 70, No. 6 (Jun., 1955), pp. 426-428 Published by: The Johns Hopkins University Press Stable URL: http://www.jstor.org/stable/3039590 . Accessed: 28/06/2014 16:20 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . The Johns Hopkins University Press is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Modern Language Notes. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.31.194.167 on Sat, 28 Jun 2014 16:20:45 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Sartre et Heidegger: deux sensibilités

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Page 1: Sartre et Heidegger: deux sensibilités

Sartre et Heidegger: deux sensibilitésAuthor(s): Robert ChampignySource: Modern Language Notes, Vol. 70, No. 6 (Jun., 1955), pp. 426-428Published by: The Johns Hopkins University PressStable URL: http://www.jstor.org/stable/3039590 .

Accessed: 28/06/2014 16:20

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In the verses cited in our letter Voltaire seems to be giving vent to his skepticism regarding the prevailing conception about literary writings, the immortality of which, in contrast to the transientness of the physical handiwork of man, had been proclaimed by Horace in his "Exegi monumenitum . . ." (Ode XXX, Book III). Indeed, he may have had Horace in mind when he tampered with the verses that he drew without acknowledgment from Canto XV, stanza 20, of Tasso's Gerusalem,me Liberata, where in connection with the evocation of the ruins of Carthage the poet writes: 6

Giace l'alta Cartago; a pena i segni de l'alte sue ruine il lido serba. Muoiono le citta, muoiono i regni; copre i fati e le pompe arena ed herba; e l'uomo d'esser mortal par cie si sdegni; oh nostra mente cupida e superba!

Northwestern University JOSEPH G. FUCILLA

Sartre et Heidegger: deux sensibilites Esquisser une comparaison entre deux philosophes du point de vue

de la sensibilite n'est peut-etre pas oiseux lorsque ces deux philosophes sont, ou ont ete, des philosophes de l'existence.

Heidegger se tourne vers la campagne plutot que vers la ville. Le laboureur est evoque 'a la fin de la Lettre sur l'humanisme. Assez maladroitement d'ailleurs: L'homo faber ne nous entraine pas assez loin. Il faut passer au-dela de la conception du monde comme com- plexe d'ustensiles. Heidegger est un campagnard, mais un campagnard aristocratique. Les images de contemplation et de marche lui con- viennent mieux que les images de travail myope, comme elles con- venaient mieux deja 'a Wordsworth. L'homine est le berger de l'Etre:

and Cardinal Querini is Henry Charles, Voltaire et le Cardinal Quirini (Paris, 1887).

6 On Voltaire and Tasso, C. B. Beall, La Fortune du Tasse en France (Eugene, Oregon, 1942), p. 135, writes: "Voltaire a souvent parle du Tasse dans ces ouvrages et les jugements qu'il a portes sur lui sont restes constants a toutes les epoques de sa vie." The chapter from which this quotation is drawn, " Voltaire et le Tasse," pp. 134-59, represents the most reliable treat- ment of this subject. However, no mention is made of the two verses in the letter.

426 Modern Langucage Notes

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le berger tel qu'il est idealise dans quelque art hieratique. Autre image: celle de la route, celle du chemin des bois, non de la rue urbaine. De meme la maison sera exalt6e, la maison que les poktes inventent sous le nom de maison natale. II s'agit d'une maison cam- pagnarde, ouverte aux quatre elements, perchee s'il se peut sur quelque colline. II ne s'agit pas d'un appartement parisien.

Sartre est un citadin. La solitude meme est sociale, lit-on dans Saint Genet. La societe, comme la scene de theatre, forme un huis- clos. La nature n'offre pas un refuge. Si l'on en croit certaines phrases de Saint Genet ou meme de L'Homme et les choses, les choses ne nons revelent pas un moi qui serait specifique par rapport au moi social.

Pourtant, Sartre, sans doute plus que Heidegger, part d'une ex- perience de la chose. Mais justement, il part de la chose, ou des choses, non de la Nature avec une majuscule. Comme Heidegger, Sartre ecarte l'instance instrumentale de la chose; mais avec un resultat bien different.

Heidegger a beau installer l'angoisse au coeur de l'existence hu- maine, il n'en reste pas moins qu'en aristocrate, il ne semble gunre tourmente par le sentiment de l'injustifie. Le hieratisme perce dans son style oraculaire, qui s'oppose au style hargneux de Sartre. Ce hieratisme, que Heidegger a conserve de son enfance catholique, indique une certaine confiance, sinon bourgeoise, du moins aristocrati- que, ou clericale, dans le rOle sacre de l'homme. L'homme est le favori, sinon de Dieu, vocable insuffisant, mais de l'Etre. Par dela le christianisme, Heidegger, a la suite de maint penseur allemand, aime a faire miroiter devant ses propres yeux le miracle, a moins que ce ne soit le mirage, grec. Son heros serait sans doute ici Heraclite l'obscur, chantre du logos.

Tournons-nous vers Sartre. Si L'Etre et le neant a choque tant de bons esprits, c'est sans doute parce que l'Etre, notion sacro-sainte des philosophes, ressort tres deprecie de l'essai. L'etre est attire vers l'opacite de la chose, vers sa gratuite, vers sa stupidite. Aristocrate campagnard, Heidegger fait planer son regard au-del?a des instru- ments, de la routine, au-del'a de " ce-qui-est " pour pressentir 'a l'horizon, 'a un tournant de route, disait Alain-Fournier, L'Etre lui- meme. Petit bourgeois citadin, Sartre evite sans doute d'etre pris par cette instrumentalite qui enchaine l'ouvrier, mais il ne saurait pour cela devenir lyrique 'a propos du paysage. Le paysage, ce sont

VOL. LXX, June 19515 427

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les affiches, les murs, des rideaux sales, des cainiveaux, des rues, des chairs humaines et autres. Ici l'oisivete n'encourage pas le lyrisme, mais le degofut. La signification humaine partie, le sens poetique ne surgit pas, mais bien la gratuite obscene de la chose urbaine.

Si donc Sartre et ileidegger rencontrent tous deux l'angoisse face an n6ant et a la liberte, leur reaction est fort diff'rente face a ce qui est. Heidegger est le plus traditionnel. Son ouverture a l'etre est originellement l'etonnement du philosophe grec, etonnement respec- tueux. L'ideal de perfection chez Platon est lie a la plenitude d'etre. Mais pour Sartre, il n'y a pas plenitude, il y a trop plein. Tout apparalt, originellement, de trop, injustifie. Cette reaction fort originale par rapport a la tradition philosophique est la reaction d'une sensibilite.

Heidegger s'apparente aux romantiques primitifs, lesquels etaient relativement optimistes au niveau cosmique. Heidegger cherit H61- derlin. L'air, le ciel, la lumiere exaltent le poete, s'ils le desesperent aussi. Sartre se tourne vers les romantiques pessimistes. II va aux poetes urbains: Baudelaire, Genet, et surtout Mallarme. Le livre que Sartre prepare sur Mallarme devrait montrer que le lien entre les deux auteurs est aussi profond que celui qui unit Heidegger et H61- derlin.

L'azur n'exalte plus Mallarme; il ne fait que le desesperer. Aussi le poete s'en detourne-t-il. La nature a eu lieu, on n'y ajoutera rien, note le petit bourgeois Mallarme. Et cette nature est avare de tableaux. Nous sommes loin de l'etonnement respectueux qui est traditionnellement de rigueur. Les remarques de Mallarme sur le reve et sur le neant preparent L'Imaginaire et L'Etre et le neant. Dans ce dernier essai, l'etre se voit reduit au solide dans lequel la liberte liquide risque de s'engluer: on pense ici 'a Laforgue, 'a ses descriptions d'un aquarium qui est deja un huis-clos. Heidegger a vu en Hllderlin le poete des poietes. On pourrait en dire autant de Mallarme: aussi fournit-il un enseignement direct a Sartre.

Cet enseignement sera sans doute la necessite de ne pas se con- tenter d'une morale poetique. Sartre laissera l'hypnotisme de la nausee pour se tourner vers une morale sociale. Le mage Heidegger, lui, ne considere la cite humaine quna l'interieur d'un cosmos, de la maison de l'Etre. II va vers une metaphysique, ou une supra-meta- physique, poetique.

Indiana University ROBERT CHAMPIGNY

423 Modern Language Notes

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