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Mddecine et Maladies Infectieuses -- 1989 - - Special Avril - 289 h 290 SEROPOSITIFS A PARIS EN 1988. RESULTATS PRELIMINAIRES* par G. BRUCKER", Ph. TUPIN'", C. KATLAMA"*, E. DOHIN'**, G. DELZANT .... , S. MATHERON ..... et E. MAHEU"" RESUME Un recueil d'informations aupr~s de malades atteints de SIDA ou de s6ropositifs a 6t6 men6 dans 3 htpitaux. I1 conceme la perception de l'acc~s au syst~me de soins, au travail, h l'information. Les r6sultats pr61iminaires r6v~lent que pros d'un patient sur 4 a modifi6 l'organisation de sa vie h domicile par crainte de transmettre le virus ~ ses proches ; plus d'un patient sur 2 a not6 qu'il faisait l'objet de mesures particu!i~res au cours de son hospitalisation ; et que la crainte la plus importante, en dehors des risques 6volutifs de l'infection, conceme le rejet du milieu du travail avec licenciement. Mots-cl~s : VIH - Acc~s aux soins. L'infection par le VIH constitue un probl~me grave et complexe qui dtpasse le seul risque d'6volution de la stropositivit6 vers la maladie. D'autres menaces, signal6es mais difficilement mesurtes, p~sent quotidiennement ou presque sur les malades et les s6ropositifs. Elles concernent essentiellement, en raison m~me de la stropositivitt, l'acc~s au syst~me de soins, la vie sociale et familiale, raptitude au travail. Tous ces risques ont pour d6nominateur rexclusion pour des raisons qui dtpassent de tr~s loin le probl~me infectieux et son hypothttique transmission ~ rentourage. Nous avons entrepris de mesurer, dans le cadre d'une enqu~te coordonnte par le "Comit6 Droits de l'Homme Sant6-Libertts"[ 1] et appuyte par rorganisation AIDES, les inquittudes ressenties par les patients, et les difficultts rencontr6es, dans l'acc~s aux soins, la vie sociale, familiale et professionnelle. Nous rapportons ici les r6sultats pr61iminaires d'un travail en cours depuis 5 mois. * Communication prtsentge aux Ill ~mes Journges d'Hygi~ne Hospitali~re, tenues h l'Htpital de Bic&tre les 8 et 9 septembre 1988 sous le titre: "VIH et Hygiene Hospitali~re". ** Service central de l'Hygi~ne Hospitali~re, Assistance Publique, 3 avenue Victoria, F-75100 Pads RP. *** Groupe Hospitalier Pitit-Salp~tri~re, 47-83 Bid de l'H6pital, F-75651 Paris cedex 13. **** Htpital Jean Verdier, avenue du 14 Juillet, F-93140 Bondy. ***** H6pital Claude Bernard, Paris. [1] CDHSL : 15, rue de rEcole de M&tecine, 75006 Paris. MATERIEL ET METHODES Le recueil de donntes a 6t6 effectu6 grace ~ un auto- questionnaire distribu6 directement par les m6decins hospitaliers ou ceux de l'Association AIDES aux patients. La remise des questionnaires a 6t6 effectu6e h la Piti6- Salp~tri~re, Claude Bernard et Jean Verdier aux patients consultants, qu'il s'agisse de stropositifs ou de malades. Ils ont 6t6 retournts au CDHSL qui a effectu6 l'analyse des rtsultats. RESULTATS ET COMMUNICATIONS I1 s'agit de rgsultats pr61iminaires qui portent sur 263 sujets (230 hommes et 33 femmes) vus ~ la Salp&tri~re (65 %), Claude Bernard (17 %) AIDES (14 %) J. Verdier (4 %), leur appartenance aux groupes risque est assez repr6sentative de la distribution des cas de SIDA en France (Homosexuels 68 %, Bisexuels 5 %, Toxicomanes 14 %, H6ttrosexuels 6,5 %, Transfus6s 2 %, Inconnu 5 %). Sur le plan clinique il s'agissait de sujets asymptomatiques dans 57 % des cas, symptomatiques dans 43 %. Sentiments et perception d'isolement des patients A la question: "Avez-vous fait l'objet de mesures particuli~res d'isolement lors d'une hospitalisation ?", 57 % de ceux qui avaient 6t6 hospitalists ont rgpondu oui. Dans ce cas 1~, ces mesures concernaient 289

Seropositifs a Paris en 1988. Resultats preliminaires

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Mddecine et Maladies Infectieuses - - 1989 - - Special Avr i l - 289 h 290

SEROPOSITIFS A PARIS EN 1988. RESULTATS PRELIMINAIRES*

par G. B R U C K E R " , Ph. T U P I N ' " , C. K A T L A M A " * , E. DOHIN'**, G. D E L Z A N T ... . , S. M A T H E R O N . . . . . et E. M A H E U " "

R E S U M E Un recueil d'informations aupr~s de malades atteints de SIDA ou de s6ropositifs a 6t6 men6 dans 3 htpitaux. I1 conceme la perception de l'acc~s au syst~me de

soins, au travail, h l'information. Les r6sultats pr61iminaires r6v~lent que pros d'un patient sur 4 a modifi6 l'organisation de sa vie h domicile par crainte de transmettre le virus ~ ses proches ; plus d'un patient sur 2 a not6 qu'il faisait l'objet de mesures particu!i~res au cours de son hospitalisation ; et que la crainte la plus importante, en dehors des risques 6volutifs de l'infection, conceme le rejet du milieu du travail avec licenciement.

Mots-cl~s : VIH - Acc~s aux soins.

L'infection par le VIH constitue un probl~me grave et complexe qui dtpasse le seul risque d'6volution de la stropositivit6 vers la maladie. D'autres menaces, signal6es mais difficilement mesurtes, p~sent quotidiennement ou presque sur les malades et les s6ropositifs. Elles concernent essentiellement, en raison m~me de la stropositivitt, l'acc~s au syst~me de soins, la vie sociale et familiale, raptitude au travail. Tous ces risques ont pour d6nominateur rexclusion pour des raisons qui dtpassent de tr~s loin le probl~me infectieux et son hypothttique transmission ~ rentourage.

Nous avons entrepris de mesurer, dans le cadre d'une enqu~te coordonnte par le "Comit6 Droits de l 'Homme Sant6-Libertts"[ 1] et appuyte par rorganisation AIDES, les inquittudes ressenties par les patients, et les difficultts rencontr6es, dans l'acc~s aux soins, la vie sociale, familiale et professionnelle. Nous rapportons ici les r6sultats pr61iminaires d'un travail en cours depuis 5 mois.

* Communication prtsentge aux Ill ~mes Journges d'Hygi~ne Hospitali~re, tenues h l'Htpital de Bic&tre les 8 et 9 septembre 1988 sous le titre: "VIH et Hygiene Hospitali~re". ** Service central de l'Hygi~ne Hospitali~re, Assistance Publique, 3 avenue Victoria, F-75100 Pads RP. *** Groupe Hospitalier Pitit-Salp~tri~re, 47-83 Bid de l'H6pital, F-75651 Paris cedex 13. **** Htpital Jean Verdier, avenue du 14 Juillet, F-93140 Bondy. ***** H6pital Claude Bernard, Paris. [1] CDHSL : 15, rue de rEcole de M&tecine, 75006 Paris.

M A T E R I E L ET M E T H O D E S

Le recueil de donntes a 6t6 effectu6 grace ~ un auto- questionnaire distribu6 directement par les m6decins hospitaliers ou ceux de l'Association AIDES aux patients.

La remise des questionnaires a 6t6 effectu6e h la Piti6- Salp~tri~re, Claude Bernard et Jean Verdier aux patients consultants, qu'il s'agisse de stropositifs ou de malades. Ils ont 6t6 retournts au CDHSL qui a effectu6 l'analyse des rtsultats.

R E S U L T A T S ET C O M M U N I C A T I O N S

I1 s'agit de rgsultats pr61iminaires qui portent sur 263 sujets (230 hommes et 33 femmes) vus ~ la Salp&tri~re (65 %), Claude Bernard (17 %) AIDES (14 %) J. Verdier (4 %), leur appartenance aux groupes risque est assez repr6sentative de la distribution des cas de SIDA en France (Homosexuels 68 %, Bisexuels 5 %, Toxicomanes 14 %, H6ttrosexuels 6,5 %, Transfus6s 2 %, Inconnu 5 %). Sur le plan clinique il s'agissait de sujets asymptomat iques dans 57 % des cas, symptomatiques dans 43 %.

Sentiments et perception d'isolement des patients

A la question: "Avez-vous fait l'objet de mesures particuli~res d'isolement lors d'une hospitalisation ?", 57 % de ceux qui avaient 6t6 hospitalists ont rgpondu o u i . Dans ce cas 1~, ces mesures concernaient

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principalement les soins (51%), les repas (19 %), le linge (14 %), les visites (6 %).

Cependant, h la question portant sur les sentiments ressentis lors des hospitalisations anttrieures, les sentiments positifs prtdominaient (la stcurit6 63 %, la confiance 77 %, le rtconfort 57 %) sur les ntgatifs (l'exclusion 8 %, la mtfiance 28 %, l'isolement 18 %).

Bien entendu, on ne saurait extrapoler ces rtsultats ni l'ensemble des patients en France, ni m~me ~ une reprtsentation de la situation ~ l'Assistanee Publique ou dans les hSpitaux ayant particip6 h l'enqu~te. De plus, ces sentiments ressentis ont pu l'&re lors d'une prise en charge dans d'autres 6tablissements que ceux-ci. On peut relever toutefois que dans la moiti6 des cas les mesures particuli~res d'isolement ressenties concernent les conditions de vie h l'htpital (repas, linge, visite) pour lesquelles aucune transmission possible du VIH n'est dtmontrde ou rapportte.

Difficult~s d'acc~s aux soins

A la question portant sur l'existence de difficultts pour ~tre soign6 depuis la dtcouverte de la stropositivitt, 18 % ont rtpondu oui. Deux fois sur 3, il s'agit de difficult6 pour des soins dentaires. Ce rtsultat confirme rexistence d'une importante inquittude des dentistes face au risque de l'infection par le VIH. Les informations initialement discuttes sur le rt le jou6 par la salive sont probablement en cause.

Risque de transmission dans la vie familiale

PrOs d'un patient sur 4 (23 %) a modifi6 l'organisation de sa vie sociale ~t domicile par crainte de transmettre le virus h ses proches. Dans plus de la moiti6 des cas (14 %) des prtcautions particuli~res sont prises vis-a-vis d'objets courants tels les objets de toilette et les couverts de table. I1 faut noter que ces r6ponses proviennent de patients suivis dans des centres oh un effort tout particulier est fait au plan de l'information et de la dtdramatisation des risques de contamination. Ce pourcentage apparait donc comme assez 61ev6 et sous-estime certainement la rtalit6 du phtnom~ne.

Opinions et sentiments

Parmi les risques ressentis par les stropositifs, (en dehors des risques 6volutifs de leur infection) 3 types de probl~mes ont 6t6 6voquts avec une 6gale frtquence (40 % des patients) sur une question ouverte oh plusieurs propositions pouvaient ~tre formultes : - - Le rejet clans le milieu du travail avec licenciement (il faut dans ce domaine noter que 48 % des stropositifs connns dans leur travail ressentent des mesures de discrimination, de m6fiance, ou d'isolement). - - La fermeture des fronti~res en cas de voyage. - - Le rejet affectif dans le milieu social.

On mesure combien le probl~me de cette infection dtborde largement le probl~me strictement mtdical pour toucher celui des libertts fondamentales dans le cadre de la vie socio-familiale.

Mode d'information

La qualit6 de l'information est un point essentiel pour l'organisation de cette vie sociale. Nous avons cherch6 dans cet 6chantillon, quelle 6tait la perception de cette information: insuffisante, satisfaisante, ou exagtrte. L'information dtl ivrte par le milieu associatif est la mieux ressentie (83 % de satisfaits) de m~me que celle dtlivrte par les mtdecins (77 % de satisfaits).

En revanche, celle dtlivrte par la presse et la ttltvision n'apparalt satisfaisante que pour respectivement 24 et 16 % des patients.

On mesure 1~ combien le milieu journalistique, priviltgiant volontiers les aspects ntgatifs ou alarmants dans rinformation parce que sa propre 6thique est tr~s 61oignte de la mtdecine, a 6t6 discrtdit6 aupr~s des patients. Les cliniciens prenant en charge ces malades savent combien d'effort d'information personnaliste il a fallu faire pour rectifier bien des approximations, extrapolations ou assertions tendancieuses ou hasardeuses. Libert6 de presse et droit ~ l'information ne vont malheureusement pas toujours de pair.

S U M M A R Y : HIV POSITIVE PATIENTS IN PARIS IN 1988. PRELIMINARY RESULTS

Informations were collected in 3 hospitals from AIDS infected or tested positive patients. The study deals with how the sick perceive the access to the care system, coork and information. The preliminary results show that almost i out of 4 patients changed his way of lifeat home for fear of transmitting the virus to his relatives ; more than I out of 2 patients noted that he was subject to a special treatment during his stay at the hospital, the most important fear, apart from the risks of an evolution of the infection, deals with their work and their fear to be dismissed.

Key-words : HIV - Care system.

Directrice de la Publication : C. GALLULA - DdpOt ldgal 2 ~me trimestre 1989 - CPPP 51460 - Imprimerie du Maine Libre - Le Mans

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