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EHESS Sociologie des religions et sociologie de la presse Author(s): Jacques Maitre Source: Archives de sociologie des religions, 1ère Année, No. 1 (Jan. - Jun., 1956), pp. 129-139 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30119718 . Accessed: 17/06/2014 04:34 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sociologie des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.108.199 on Tue, 17 Jun 2014 04:34:25 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Sociologie des religions et sociologie de la presse

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Sociologie des religions et sociologie de la presseAuthor(s): Jacques MaitreSource: Archives de sociologie des religions, 1ère Année, No. 1 (Jan. - Jun., 1956), pp. 129-139Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30119718 .

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SOCIOLOGIE DES RELIGIONS ET

SOCIOLOGIE DE LA PRESSE

Notes sur une recherche en cours.

L A soeiologie des religions connait actuellement un essor remarquable, dont l'un des principaux d1ments est constitud par les approches quanti-

tatives du fait socio-religieux. En effet, loin d'exclure l'6tude des contenus, des motivations ou des causalit~s qualitatives, ces approches fournissent une base beaucoup plus rigoureuse i une telle etude. Il semble que ce soit pr~cis~ment a travers cette dialectique de la mensuration et de la comprehension que la sociologie des religions se constitue comme science.

Dans ces conditions, il convient de ne ndgliger aucune des approches quanti- tatives qu'il est possible d'utiliser. Pour I'instant, ces approches apparaissent comme bien peu nombreuses: la mensuration de la pratique, la gbographie blectorale et la typologie des groupements constituent ici I'essentiel de notre 6quipement. Cependant, la rdflexion sur l'6tat actuel des recherches conduit i prdconiser une quatribme voie: celle d'une etude sociologique de la presse.

La pratique religieuse a dijh donn6 lieu i des d~nombrements assez syst&- matiques sur la base de critbres suffisamment blabords pour que les rdsultats fournis par cette approche permettent la mise en place d'une s0rie de donn~es solides en vue de la comparaison et de l'explication. Les rapides progrbs de la gdographie blectorale nous font apercevoir aujourd'hui la fdcondit6 du pro- gramme propos6 depuis plusieurs annies par M. Le Bras: <I Une gbographie des attitudes religieuses se congoit ais~ment, elle aurait avec la gbographie politique des rapports 6troits, une enqu~te g~ndrale pourrait 4tre conduite selon des m~thodes rigoureuses n (1). En ce qui concerne la typologie des groupements, les cadres th6oriques sont jalonnis par les propositions de Joachim Wach (2); cette typo- logie devient fbconde en s'orientant vers des enquites de premiere main, notamment en utilisant le fait que des groupements se sont mesurbs eux-m~mes et en d~bor-

(1) G. LE BRAS : < Gdographie dlectorale et gdographie religieuse n, in: Etudes de Sociologie dlectorale, Cahiers de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1947, n0 1, p. 44.

(2) Parmi les textes traduits en frangais, le plus d4taill6 sur ce point est Sociologie de la Religion, Paris, Payot, 1955. Voir, dans la presente livraison des Archives de Sociologie des Religions, les articles consacr6s a la m~moire de WAcH.

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ARCHIVES DB SOCIOLOGIE DBS RELIGIONS

dant l'6tude du groupement cultuel proprement dit pour s'attacher aussi aux groupes periph~riques (3).

L'6tude de la presse s'articulerait ~troitement sur ces trois approches et elle constituerait souvent un rbvlateur aidant l faire ressortir les causes sociales dont la recherche conditionne le niveau scientifique de la sociologie des religions. Toutefois, avant d'expliciter cette ambition, il convient de savoir quelles ressources se pr~sentent pour la technique de recherches en mati~re de sociologie de la presse dans le cadre de la sociologie des religions. Bornons-nous, sur ce terrain, a l'exem- ple de la presse catholique contemporaine en France. I1 est clair que la m~thode et le programme pr~sent~s ici sont 6troitement libs ce sujet particulier; par exemple, en choisissant l'~poque contemporaine (sans s'interdire des compa- raisons suggestives avec le pass6), on tient compte du fait que la Liberation a marqu6 une coupure nette dans I'histoire de la presse frangaise; mais on se trouve ainsi amen6 & utiliser les ressources propres i l'6tude d'une presse actuelle, dont on peut atteindre directement les &diteurs, les ridacteurs, les diffuseurs et le public, alors que la m~thode historique permettrait plut6t de prendre un certain recul et d'envisager des 6volutions de longue durie ou des consequences lointaines.

La presse catholique constitue un secteur tr~s important des manifestations sociales de la vie religieuse en France. Non seulement nous avons 1l une masse de faits observables hautement significatifs, mais encore ce domaine a 6t6 abord6, en vue d'activit6s pratiques, par des dirigeants catholiques, des maisons d'6ditions, des centres d'informations, des groupes neutres ou anti-religieux, etc... De ce fait, il existe une masse de documentation d~jit laborbe partiellement, se rapport ant a la structure de la presse catholique, i sa diffusion, a ses publics, i ses rd&lacteurs ou 6diteurs, i son histoire et t ses diverses fonetions sociales.

II reste a traiter ces informations d'un point de vue sociologique, en liaison avec les travaux que la sociologie des religions inspire dans d'autres domaines, et sous l'~clairage des 6tudes du contenu m~me des p~riodiques catholiques. La perspective dans laquelle pourrait se placer une telle recherche est celle des fonctions sociales de la presse catholique. En effet, la presse remplit des fonctions tris varibes, dont il serait intdressant d'6tablir un bilan syst~matique par domaine: ~conomie (4), participation sociale (5), jeu (6), vie intellectuelle (7), vie psychique (8), gdographie humaine (9), droit (10), politique (11), education (12),

(3) Plusieurs recherches ont 6t6 entreprises dans cette direction des enqubtes sur les groupements, notamment par F. ISAMBERT et J. LABBENS.

(4) Voir L. ROSENSTOCK-FRANCK : a Le r6le de l'information dans 1'6conomie , Entreprise, no 55, ler juil. 1955; J. BoUCaARY: a La banque et la presse d'opinion, des origines A la fin du xIxe sidcle p, Echo de la Finance, mars et avril 1951.

(5) Voir J. STOETZEL: 1 Fonctions de la presse : ~ c6t6 de 1'information ',Etudes de presse,

15 juil. 1951. (6) Ibid. (7) Voir, parmi beaucoup d'autres 6tudes, A.M. CHAUCHAT: a Le r61e intellectuel de la

presse e, Cahiers de la presse, oct.-ddc. 1938; L. BRILLOUIN: a Science et information n, Nouvelle Revue Frangaise, no 31, leor juil. 1955; BAYLE, DANGUIN et OTLET: La documentation par la presse technique, Fdddration internationale de la presse technique et professionnelle, 1946; a De l'influence de la critique sur les auteurs, leurs ceuvres, le public e, Echo de la presse, no 194, 4 juil. 1952.

(8) Voir, p. ex., H.H. BAUMANN: Ueber die psychologische Funktion der Presse, Zurich, 1941. (9) Voir A. CHATELAIN: a Le journal, facteur gbographique du r6gionalisme , Etudes

rhodaniennes, 1948, no 1-2; la presse de province a 4te plusieurs fois 6tudi~e de ce point de vue. (10) Voir ( Les journaux officiels de la R~publique Frangaise. Etude historique et ana-

lytique , Notes et dtudes documentaires, no 1738, 7 mai 1953. (11) Voir a La presse, quatribme pouvoir n, La Nef, aofit-sept. 1950, et divers travaux de

sociologie blectorale, d'histoire, etc... (12) Voir les recherches conduites au Centre d'Etudes Sociologiques par P. FoUILHE,

qui 6tudie la presse enfantine.

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SOCIOLOGIB DE LA PRESSB

et ainsi de suite (13); cette vari6t6 frappante (14) montre bien que l'information n'est qu'un aspect du rble jou6 par la presse dans notre socidtY. Si l'on se refbre sp~cialement & la presse catholique, l'agencement des fonctions sociales apparait 6videmment comme tr~s particulier, et cette remarque nous semble de nature B placer la recherche dans une perspective f~conde. En effet, il ne s'agit nullement de d~fendre une sorte de < fonctionalisme n, ni aucun autre systhme. Nous observons seulement que, pour aborder la presse catholique sous l'angle de la sociologie des religions, l'approche la plus valable d'un point de vue op~ratoire semble 4tre la suivante: utiliser la masse des matbriaux empiriques d~jh r~unis; ~laborer, B partir de ces mat~riaux, une dialectique des fonctions sociales que la presse catho- lique tend a remplir; d~maler ainsi les fonctions proprement religieuses de cette presse et les conditions dans lesquelles elles s'exercent aux diff~rents niveaux de la vie sociale.

A ce sujet, nous trouvons des 6l6ments fort int~ressants dans un r~cent article de J.-P. Dubois-Dumbe (15). En effet, la notion de fonetion de la presse catholique y est dbveloppbe d'une fagon substantielle pour d~finir les critbres d'appartenance (l'Ppithete (( catholique a peut-elle 6tre appliquie a tel journal ?) et le r6ble que cette presse doit jouer dans l'Eglise. Mais, dans cette perspective il s'agit de la (( mission n, de la (( vocation )) des p~riodiques catholiques, et J.-P. Dubois-Dumbe souligne le d~calage entre ce qui se passe en r~alit6 et ce qui serait souhaitable. I1 compare la fonction de la presse catholique & la fonction d'un organe participant & la vie et a la sante du corps humain. I1 s'agit done d'une etude normative et critique. Pour nous, au contraire, en tant que sociologue, nous avons non pas & juger, mais & constater. Quand des dirigeants catholiques d~finissent les fonctions de la presse sous un angle thbologique et eccl~sial, nous enregistrons ce fait social et nous y trouvons des d1ments essentiels pour la comprehension du ph6nombne que nous observons. Mais nous voulons aussi savoir ce qui r~sulte effectivement du fonctionnement de la presse catholique et nous trouvons m~me particulibrement intiressante l'Ptude de tout ce qui ((fausse le jeu )) (16). L'une des questions qui doivent 4tre approfondies dans cet esprit est celle des frontibres de la presse catholique.

En France, oh les pdriodiques religieux non catholiques sont peu nombreux et ont un tirage relativement restreint, c'est surtout & la presse s6culibre qu'on est oblige de comparer la presse catholique. La ligne de demarcation entre ces deux presses est assez complexe & tracer, car la presse religieuse exerce certaines fonctions s~culibres et la presse s~culibre remplit elle-meme certaines fonctions religieuses. Nous verrons plus loin, & propos de la diffusion, comment il tend actuellement & s'6tablir une sorte de division du travail par rapport au public: la presse catholique assumerait de nombreuses fonctions s~culibres pour les observants et laisserait i la < grande presse a le soin de v~hiculer certaines aspects du < message )) dilubs & l'intention du ((grand public )) (17). Cette remarque nous conduit & analyser de plus pros la notion de < clientele a des p~riodiques catho- liques et la notion de presse (( catholique

,.

(13) Nous laissons de c6td de nombreux th~mes, tels que E Le crime et la presse >. (14) Voir P. CHARTOIS: ((a Importance et influence du periodique dans la vie nationale n,

Echo de la presse, 6dition des d~positaires, no 11, sept. 1951. (15) u La presse catholique, pour quoi faire ? o, Information catholiques internationales,

15 mars 1956.

(16) Pour reprendre l'expression de J.P. DUBoIs-DuMnE, article citi, p. 32.

(17) J.P. DUBOIS-DUMxE crit carrdment: a La presse catholique est, dans son ensemble, il faut bien l'avouer, une presse de circuit fermd, convue pour les seuls fiddles e (ibid.).

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ARCHIVES DE SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

L'achat d'un p~riodique religieux s'inscrit i la fois dans un cadre ~conomique et dans un cadre idbologique. L'intervention du facteur ~conomique est telle que le geste de I'acheteur est loin de r~pondre seulement aux preferences religieuses de celui-ci. Non seulement il faut tenir compte du prix, au regard des << moyens a dont dispose l'ventuel acheteur, mais la structure 6conomique des modes de diffusion du piriodique est trds importante. Dans certains cas, cette structure joue visiblement un r6le quasi-determinant: par exemple, on dit que le Raskol avait agench syst~matiquement un riseau de diffusion qui constituait un v~ri- table service des postes. De m~me les colporteurs et encore plus les tisserands itinerants v~hiculerent traditionnellement des th~mes religieux au cours de leurs pr~6grinations. Dans l'4tude de la presse catholique frangaise contemporaine, on retrouve a chaque instant de tels problkmes, par exemple & propos du journal regional, de la concurrence, et ainsi de suite. Cette situation se reflkte 6videmment a l'~chelon central par la n~cessith d'assurer une base bconomique & chaque p~rio- dique; on est ainsi amen~ i rechercher les facteurs ~conomiques qui ont favoris6 le rattachement plus ou moins 6troit des principaux groupes de la presse catho- lique i de grands ordres religieux.

Si la clientele constitue l'un des p6les, puisqu'un pIriodique est, pour une part essentielle, une marchandise, la sociologie religieuse ne doit jamais perdre de vue I'autre p61e, celui de l'Eglise. En effet, la < grande presse n est souvent large- ment dominde par des preoccupations commerciales. Au contraire, certaines presses sp~cialishes poursuivent d'abord des buts idbologiques ou politiques; Sce point de vue, la presse catholique apparait comme guid~e par une intention

non commerciale, quelles que soient les concessions faites aux n6cessitis de la vente et en d6pit des divergences d'opinions qui se traduisent souvent par une concurrence bconomique entre tel journal et tel autre: c'est le travail < d'Eglise s qui reste le moteur principal.

II est done indispensable de classer les pIriodiques < catholiques n en fonetion des liens qui les unissent i l'autorit6 ecclsiastique, sur la base de certains crit~res de reprisentativit6 confessionnelle >. Presse officielle, presse avec imprimatur, presse du clergY, presse officieuse, presse des groupements mandates par la hi6rarchie, presse animbe par des ordres religieux, presse diffus~e par les diocises ou les paroisses, toutes ces cat6gories et plusieurs autres que l'on pourrait envi- sager constituent des caractires qui permettraient de reprer objectivement la situation de chaque plriodique dans l'agencement des groupes diversement int~grbs ou rattach6s i l'Eglise. Il y aurait en particulier i consid~rer le p~riodique comme mode d'expression du groupe. Sur ce terrain, des travaux particuliers fort intbressants ont 6t6 entrepris par l'4tude du contenu des actes officiels de l'Epis- copat (18).

Etendue a d'autres zones de la repr~sentativith confessionnelle de divers types de pIriodiques, une telle analyse serait sans doute propre A permettre de passer de l'itude de la presse catholique comme manifestation mesurable de la vie ecclsiale i la prise en consid6ration de cette m~me presse comme c expres- sion ) de 1'< exp6rience religieuse v6cue i diff~rents 6chelons; ces deux cat&- gories - I'expression et l'expbrience religieuses - ont 6tC d~finies par Joachim Wach surtout en r~firene i I'organisation de groupes religieux tout au long de

(18) Cette mdthode est au centre de l'dtude substantielle consacrde par P. DROULERS & Action pastorale et problEmes sociaux sous la monarchie de juillet chez Mgr d'Astros, Paris, Vrin, 1954; dans son introduction, cet auteur expose prdcisdment I'intbr~t que prdsente en gdndral cette m4thode (pp. 8 et suiv.) et montre comment il 1'a adapt~e au cas particulier de Mgr d'Astros. De m~me E. POULAT conduit une recherche sociologique sur le contenu des Semaines Reli- gieuses (de 1870 A 1914) comme expression de la pens6e eccl6siastique.

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SOCIOLOGIE DE LA PRESSE

l'histoire; mais Wach pr~conise 4galement une sociologie de l'auditoire (19), que l'on peut ais~ment transposer sur le terrain du public de la presse reli- gieuse.

Aprbs avoir d~fini la place d'une 6tude de la presse catholique dans le cadre de la sociologie des religions, il n'est pas inutile de relever brivement quelques donnies sur les ressources qui s'offrent, sur le plan de la technique de recherche, aux sp~cialistes de la sociologie de la presse.

La presse a fait l'objet de nombreux travaux historiques (20), juridiques (21) et politiques (22). Deux sortes d'4tudes nous int6ressent plus directement ici: les analyses techniques et les recherches sociologiques.

Appelons analyses techniques les dtudes ex~cutbes par des professionnels de la presse, de I'imprimerie, de la publicitY, de la diffusion, etc. dans un but en general pratique. Par exemple, les meilleurs statistiques de vente sont fournies par l'O.J.D. (Office de justification de la diffusion), organisme corporatif charge de contr6ler la diffusion des journaux pour donner une base aux contrats de publicit~; c'est en vue du meme r~sultat que Rena Dubois a mis au point des methodes permettant de reconstituer avec une marge d'erreur assez faible la vente des divers journaux dans telle ou telle region (23).

C'est L cette categorie de travaux que se rattacheraient les multiples donnbes que l'on peut obtenir aupris de certaines administrations, des N.M.P.P. (Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne, anciennes messageries Hachette), des organis- mes corporatifs, des maisons d'editions, des mouvements, etc... (24). L'exp6- rience montre que ce sont 1 autant de sources d'une documentation qui serait trbs precieuse h condition d'etre exploit6e sociologiquement.

L'e'laboration sociologique est d6ji beaucoup plus pouss6e dans les recherches touchant la sociologie &lectorale, l'opinion publique, la sociologie de la presse elle-m~me.

La sociologie 6lectorale a maintenant, en France, donn6 naissance A de nombreux ouvrages (25). Nous y trouvons d'abord des 616ments de m6thode, combinant et analysant des donnies pr~cises fournies directement par les r6sultats des 6lections, les recensements, les travaux 6conomiques, la gbographie humaine, la sociologie des religions, et ainsi de suite. Il y a beaucoup L tirer de l'exemple d'une methode exploitant les materiaux elabores d'avance pour d'autres buts

(19) Ouvrage citd, pp. 336 et suiv. (20) Georges

BoUR0OIN en avait fait l'inventaire, sous le titre

1 Essai sur la presse fran-

gaise. Bibliographie et archives ,, dans le Bulletin du comitd international des sciences historiques, mars 1934, pp. 36-70. Depuis cette date, on a publid plusieurs < histoires de la presse et de nom- breux articles dont la plupart ont dtd recensis dans la documentation inddite de 1'< Institut frangais de presse r, qui public la revue Etudes de presse.

(21) Extramement abondante, la littirature concernant ce point precis est trop dloign~e de notre domaine pour que nous nous y attardions ici.

(22) Les cours professes l 1'Ecole Nationale d'Administration fournissent, sous cet angle, des ref4rences bibliographiques et une matiere dej& plus decantde que les articles publi~s sur ce sujet dans les journaux.

(23) Voir R. DUBOIS: a Existe-t-il sur la presse frangaise des statistiques valables ? , Etudes de presse, 15 juil. 1955, pp.27-31. Pionnier des statistiques de presse, R. DUBoIs collabore regulibrement au numbro special annuel de la revue Vendre, intitul6 r Le March6 frangais n, qui donne de pricieux renseignements sur la diffusion rdelle des journaux par departement.

(24) Les ressources utilisables i l'6chelon regional et local ont 4t6 inventorides par J. VER-

PRAET, dans (( Comment analyser l'influence exercee par la presse ? , Efficacitd, juin 1954. (25) On en a une bibliographie sommaire r~cente dans le symposium intitul6 Partis poli-

tiques et classes sociales, sous la direction de Maurice DUVERGER (Armand Colin, 1955, pp. 331- 332). Mais il faut se rifirer a toute la collection des Cahiers de la Fondation Nationale des Sciences Politiques et A la Revue Fran.aise de Science Politique.

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ARCHIVES DE SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

et qui sont souvent, du moins au d~part, plus exhaustifs et moins alhatoires que les enquates sur le terrain (dont l'appoint est d'ailleurs essentiel, mais doit, en pareille matibre, $tre 6tabli dans un cadre otf les ponddrations necessaires sont trbs complexes).

Une certaine analogie existe d'ailleurs entre le geste de l'blecteur introduisant son bulletin dans l'urne et l'achat d'un journal confessionnel: c'est une sorte de test sociomrtrique de pr6ference, que nous n'avons pas a construire, mais que nous devons interpreter en le replagant dans un ensemble. Toutefois, il s'agit non pas d'un choix interpersonnel (comme en sociom~trie), mais du choix d'une apparte- nance collective.

Enfin la sociologie dlectorale a deja abord6 parfois le problbme de la presse (26) et il faut en faire son profit pour l'4tude de la presse c atholique.

De leur c6t~, les travaux sur l'opinion publique traitent directement le problime de la presse, comme en t6moigne le numbro de la revue Sondages intitul6 (( La presse, le public et l'opinion e (27). Toutefois, pour la presse catholique, au lieu d'entreprendre des sondages, on peut penser plut6t a des enqu~teslocalisbes. D'ailleurs l'4tude de l'opinion a &td faite 6galement a partir du contenu de la presse (28); de telles etudes de contenus seraient tr~s intbressantes pour nous, non parce que nous pr6tendrions atteindre ainsi directement l'opinion d'un public, mais parce que des correlations pourraient $tre 6tablies entre genres litt6raires et vitalit6 religieuse (29), entre themes profanes et fonetions non-reli- gieuses de la presse catholique, etc...

Quant & la sociologie de la presse, elle n'a gu~re 6t6 abord~e directement que d'une fagon fragmentaire. Avant la guerre, il existait en France un (( Institut de science de la presse e, organisme universitaire qui iditait les Cahiers de la Presse; aprbs la Libdration, le travail entrepris par cet Institut fut continue par le (( Centre d'6tudes scientifiques de la presse e, devenu en avril 1951 l'(( Ins- titut frangais de presse e, qui publie la revue Etudes de presse. Le centre de docu- mentation que l'Institut frangais de presse a cr0 dans les locaux de la Fondation Nationale des Sciences Politiques a dbja constitu6 de pr6cieux fichiers de d~pouil- lement d'ouvrages et de piriodiques; mais ce travail a pr0cishment montr6 a quel point la sociologie de la presse reste embryonnaire, surtout en ce qui concerne la presse contemporaine.

En Allemagne, jusqu'a la seconde guerre mondiale, l'6cole de la ((Science de la presse e se d6veloppa tant a travers l'enseignement universitaire (chaires de Zeitungskunde ou de Zeitungswissenschaft a Berlin et a Leipzig) que dans divers

(26) Voir F. GOGUEL et G. DUPEtx: Sociologie dlectorale. Esquisse d'un bilan. Guide de recherches, A. Colin, 1951; cet ouvrage envisage surtout la presse comme source de renseigne- ments pour le chercheur (pp. 46-67). Mais l'6tude de la presse comme facteur influengant le comportement des blecteurs a 6t6 entreprise par plusieurs chercheurs et notamment par J. KAYSER (dans des travaux encore in6dits).

(27) Sondages, no 3, 1955. Voir 6galement: J. STOETZEL : La contribution des techniques de recherche sur l'opinion publique & l'anthropologie sociale

,, Bulletin international des sciences

sociales, vol. V, nO 3, 1953; P. DESNOYER, : La presse et l'opinion, Centre de documentation universitaire, 1946, polycopi6; la session d'Etudes superieures des Sciences politiques qui s'est tenue du 18 juillet au 13 aott 1955 6tait consacree A < L'opinion publique et la presse s; du point de vue qui nous occupe plus sp6cialement, on trouve de nombreux textes, p. ex. La presse catholique et l'opinion publique

,, La documentation catholique, no 1064, 12 mars 1950.

Pour la presse en gendral, le probltme a 6t6 6tudi4 syst6matiquement par J. STOETZEL dans L'opinion publique et la presse, 2 vol., Les Cours de Droit, 1947.

(28) Voir, p. ex., divers travaux d'A. SAUVY, notamment: Les faits et les opinions, cours profess4 A 1'Institut d'Etudes Politiques en 1954-1955; 6dition ronbographiee en 3 fascicules aux Cours de Droit.

(29) M~thode utilisbe notamment par H. DESROCHE dans ses travaux sur les dissidences religieuses. Voir Les Shakers amdricains, Paris, Ed. de Minuit, 1955, pp. 119-126.

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SOCIOLOGIE DE LA PRESSB

organismes (c Deutsches Institut fiir Zeitungskunde n, travaux de Dovifat et de Bomer) et a l'occasion de manifestations comme l'Exposition internationale de la presse (Cologne, 1927). En particulier, ce courant a ~laborb des donnies m~thodologiques intbressantes (30).

Aux Etats-Unis ce sont les 6diteurs qui ont promu des etudes de march6 et diverses recherches empiriques analogues sur la presse. L'activit~ de l's American Society of Newspaper Editors a m~me donn6 naissance a l's Institut international de la presse a dont le sidge est a Zurich (31). De m~me, Journalism Quarterly, 6dit6 par l'Association for Education in Journalism, publie d'int6ressantes donn6es sur les recherches concernant I'information.

Cependant, a l'heure actuelle, la sociologie proprement dite n'a pas encore abord6 syst6matiquement l'Ctude de la presse (32). Ainsi, dans le Re'pertoire international des recherches collectives en cours dans le domaine des sciences sociales (1950-1952), I'U.N.E.S.C.O. ne signale que trois recherches relatives a la presse: ( La presse enfantine, son histoire, ses caractbres, sa port6e (recherche men6e au Centre d'Etudes Sociologiques du C.N.R.S. et dirig6e par P. Fouilh6), ( La question sociale dans la presse p6riodique espagnole au XIXe sidcle s (recherche men6e en Espagne et dirig6e par C. Vinas y Mey), enfin une enquate menbe au Brbsil sur I'accueil rbserv6 & une publication officielle par les ouvriers de Belo- Horizonte.

La recherche de P. Fouilh6 est d'ailleurs un exemple fort instructif du parti que la sociologie aurait a tirer de l'6tude des diff6rents secteurs de la presse (33). De m~me, certaines monographies sociologiques font une place au r6lede la presse dans la vie locale (34).

Tout ce qui prichde montre que nous disposons a la fois d'une matibre assez riche et de techniques de recherche qui ont deja fait leurs preuves. Reste a montrer comment on pourrait mettre en pratique la m6thode pr6conisbe.

Il convient sans doute d'aborder la sociologie de la presse catholique selon deux clivages compl~mentaires: a partir du centre, c'est-a-dire en exploitant les donn6es concernant le p(riodique lui-m~me, et a partir de la p6riph6rie, c'est-a-dire par enquete dans une population (35) oil la presse catholique p6ndtre plus ou moins. Certains problkmes relbvent davantage de la premiere mithode (par exemple: la structure de la presse catholique) ou de la seconde (les publics); mais beau- coup de questions doivent etre pos6es des deux fagons (modalitis de diffusion, fonctions telles que la participation sociale, etc...).

Voici une liste indicative (et non exhaustive) de points sur lesquels devrait porter la recherche:

1. Structure de la presse catholique: maisons d'6dition, mouvements publiant des p6riodiques, organisations professionnelles, d6nombrement et

(30) Voir H. TRAUB: Grundbegriffe des Zeitungswesens, Stuttgart, 1933; E. LORENZ: SPressestatistik. Aufgaben und Methoden o, Zeitungswissenschaft, sept. 1937, no 9, pp. 613- 621, etc...

(31) Cet organisme vient d'dditer un rapport intitul4 o Pressions gouvernementales sur la presse n.

(32) Des indications sur ce point se ddgagent de la rdunion organis4e en fdvrier 1955 par I'U.N.E.S.C.O. sur le thlme (( Science de la presse .

(33) Voir P. FOUILHm: : Journaux d'enfants, journaux pour rire ?, Centre d'activit4s pdda- gogiques, 1955.

(34) P. ex. Ch. BETTELHEIM et S. FRERE : Auxerre en 1950, Paris, A. Colin, 1950, pp.253- 257, et surtout P. CLAMENT et N. XYDIAS: Vienne sur le Rhane, Paris, A. Colin, 1955, pp. 149- 162 et passim.

(35) Au sens statistique du terme.

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ARCHIVES DE SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

classification des pIriodiques, concurrences, tirages, bases 6conomiques, compa- raisons avec la structure de l'Eglise et des groupes qui s'y rattachent...

2. Modes de diffusion: proportion des abonn~s, vente militante, messageries, r~seau de d~positaires, occasions de vente, personnes auxquelles le plriodique n'est jamais propose, densit6 de la diffusion...

8. Contenu: fagon de pr6senter tel 4v~nement, proportions entre les diverses rubriques, genres littbraires, etc... Les revues, dont le tirage est faible par rapport aux grands journaux, se prateraient a d'int~ressantes 6tudes de contenu, qu'il faudrait mettre en rapport avec le r61e particulier des revues.

4. Fonctions juridiques: organes officiels ou officieux, organes de mouvements. 5. Tendance de tel ou tel p~riodique I faciliter la structuration ou l'organisa-

tion de certains groupes; tendance inverse.

6. Public: motivations, caractbristiques; corrdlations avec la pratique, avec les situations g6ographiques ou socio-professionnelles, avec les opinions, avec les attitudes dans divers domaines...

7. Diffusion de certaines informations ou de certains th~mes.

8. Fonctions non religieuses (jeu, information g6nbrale, etc...) ou indirecte- ment religieuses (education, culture).

Quelques exemples montreront dans quel esprit on pourrait concevoir ce programme.

L'6tude des modes de diffusion de la presse catholique permettrait de faire ressortir d'une fagon frappante certaines fonctions sociales de cette presse. Ainsi, les journaux et revues catholiques ne confient pas leur diffusion aux < Nouvelles messageries de la presse parisiennes(groupe Hachette), sauf Ecclesia, La France Catholique, Ccurs Vaillants (dans les gares) et quelques rares exceptions. Il en r6sulte que la majeure partie de la population, ne fr~quentant pas les reunions int~rieures des groupes catholiques, n'est pratiquement jamais < tent~e D d'acheter un journal catholique. Une contre-~preuve intbressante est fournie par la campagne engag~e par les N.M.P.P. pour l'amdlioration technique des 6talages des kiosques (les titres nettement visibles pour le public sont beaucoup plus nombreux qu'avant): sur les points de vente ainsi rborganis~s, le nombre d'exemplaires ~coulds s'est accru de 25% environ (600% en certains endroits, comme A l'Etoile); cette augmentation porte essentiellement sur les organes specialists que l'acheteur n'aurait pas rclambs s'il ne les avait pas eus en 6vidence sous les yeux.

De mdme, les journaux catholiques diffus6s par la vente < militante a n'admet- tent g~nbralement pas le retour des invendus, cc qui tend pratiquement & limiter la diffusion & un cercle d'habitubs, les commandes ~tant calculhes au plus juste. Une enquete d~taill6e montrerait de nombreux faits dont la convergence est frappante : le plus souvent, il s'agit de resserrer les liens entre les organes centraux de l'Eglise et les pratiquants ou les membres des organisations catholiques. A premiere vue, on pourrait croire qu'il n'est pas question de chercher & gagner les personnes consid~rdes comme se trouvant & <C l'extdrieur >. En rfalitC, les journaux qui se d6clarent catholiques ne sont pas les seuls sur lesquels s'exerce l'influence du catholicisme: cette influence catholique agit puissamment sur beaucoup de pfriodiques < profanes n; cette action de sommet en direction du grand public est un fait trbs important et assez revblateur. Il est n6cessaire d'en tenir compte. Il reste que cette r~partition des fonctions entre la presse catholique et la presse < influence D mbrite d'etre analys~e en detail, de fagon a permettre de d6gager certains traits des rapports qui s'4tablissent dans la zone marginale situfe entre

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SOCIOLOGIE DE LA PRESSE

les pratiquants et les indiff~rents. La vitalit6 religieuse d'une paroisse constitue un phinombne difficile a cerner: on en aurait un reflet partiel, mais assez objectif dans le choix des journaux et leur mode de diffusion au sein de chaque paroisse (36).

Enfin l'une des tAches qui apparaissent comme essentielles dans le cadre de la recherche sociologique sur la presse catholique, c'est I'dlaboration de monographies portant chacune sur un

diocese. En effet, pour arriver & analyser

les fonctions sociales de la presse, il est indispensable de se r~f~rer en particulier A des cadres permettant une enquete trbs concrete auprbs du public (lecteurs de tel p~riodique, non-lecteurs, diffuseurs b~nivoles, vendeurs professionnels, organisateurs de la diffusion, etc...).

Assez curieusement, ceci est m~me vrai pour des donnies que l'on pourrait s'attendre l saisir plus facilement a l'4chelle nationale. Ainsi, d'importants journaux catholiques refuseront d'indiquer le chiffre global de leurs ventes, mais accepteront de fournir des 6l1ments assez complets sur la diffusion dans un secteur limit6 (un diocese). Des problkmes analogues se posent d'ailleurs en sociologie des religions pour les donn~es sur la pratique.

La presse catholique comprend des organes rbgionaux, dioc~sains, can- tonaux et paroissiaux fort nombreux; en ~tablir la liste exhaustive B l'6chelle nationale serait une t~che quasi-indpuisable (37). Au contraire, dans les limites d'un diocese, on peut non seulement en faire I'inventaire, mais aussi en 4tudier la diffusion avec une approximation satisfaisante.

II faudrait done 6tablir une s~rie de monographies portant sur divers dioceses, de fagon B disposer d'une gamme de donn~es permettant, grace a des ponderations approprides, de tirer quelques conclusions valables i l'6chelle nationale. Il serait dbji fructueux d'attirer sur ce problkme l'attention des personnes qui dirigent des enquates de pratique religieuse en cours dans plusieurs regions; de m~me des donnbes pricises sur la presse catholique vue sous un angle local ont 6th r&unies par certains organismes (38). Mais il faudrait 6galement promouvoir des enqu~tes dont I'objet principal soit l'6tude de la presse catholique. Par exemple, nous nous proposons d'entreprendre une premiere enqubte de ce type dans un diockse.

Nous pensons a un diocese dans lequel on rencontre un canton oii la pratique est quasi-unanime, des cantons oit elle touche 50 & 70% des adultes, une r~gion oi elle tombe au-dessous de 16%, des zones moyennes et des ilots protestants. Cette vari~t6 de secteurs nettement diff~rencibs semble de nature & permettre des comparaisons suggestives. De plus, le quotidien regional le plus rdpandu dans ce diocese n'a gubre de position tranchie sur le plan religieux. Cette sorte de neutralit6 simplifie le travail de pond~ration; en effet, lorsque le grand quoti- dien regional passe pour catholique ou au contraire pour c lai'c , la proportion des journaux officiellement catholiques diffuses dans le diocese est plus deli- cate & interpr6ter. En tous cas, il est indispensable d'6tudier des dioceses ofi tous ces facteurs se pr~sentent de diverses fagons. La premiere mono- graphie entreprise peut jouer un certain r6le d'enqu~te-pilote, mais ne saurait 4tre

(36) II existe d'ailleurs, notamment dans les mouvements ruraux, des journaux destines specifiquement a repandre l'influence catholique parmi les non-pratiquants. L'6tude de leur redaction et de leur diffusion serait fort intbressante.

(37) L'annuaire 6tabli par le (Centre d'information catholique comprend 3.500 titres et ses auteurs estiment que plusieurs centaines d'autres titres leur ont Bchapp6.

(38) Par exemple, le a Centre pastoral des missions A l'intdrieur ,. Voir, de m~me, l'article de l'abb6 ANTHERIEU a Le probl~me de la presse dans un canton rural p, Les Cahiers du Clergd Rural, no 150, aofit-sept. 1953; J. VERPRAET a Comment analyser l'influence exercee par la presse ? , Efficacitd, no 55, juin 1954; etc...

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ARCHIVES DE SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

s~rieusement men~e au niveau de l'appr~hension des causes sans que d'autres recherches analogues soient rbalisbes en diffbrentes regions.

Il est indispensable de d~passer la sociographie pour atteindre au plan sociologique la signification de la presse catholique et de son evolution au sein de l'Eglise. C'est ici que se pose la question de savoir ? quel ( niveau en profon- deur ) (89) on peut esplrer atteindre par cette approche le fait socio-religieux. Une question aussi complexe ne saurait ~tre expos~e que trbs sch~matiquement dans le cadre de cet article. Contentons-nous de reprendre la sequence des dix niveaux reports par Georges Gurvitch:

1. La ( surface morphologique et 6cologique a se rbvle B travers la diffusion de la presse sous une forme plus souple, plus 6volutive, que l'agencement actuel des dioceses et des paroisses, souvent d~cal6 par rapport & la r~alit6 d~mogra- phique, aux moyens de communication modernes et pr6cis~ment aux nouveaux v~hicules de la parole ou de I'~crit.

2. Les pIriodiques 6manent, le plus souvent, & divers degr~s, de (( super- structures a organisbes, mais la clientele elle-m~me n'est que trbs rarement et tris partiellement organisbe. L'organisation de l'6dition et de la diffusion de la presse catholique est profond~ment dcalhe par rapport i l'organisation eccl- siastique.

3. Les <cmodbles sociaux constituent un des domaines privilhgi~s de la sociologie de la presse, les pfriodiques 6tant aujourd'hui I'un des instruments essentiels de l'expression et de la diffusion des ( images plus ou moins standar- dishes des conduites collectives attendues s, modules techniques ou culturels qui guident les comportements et la vie mentale.

4. Les (( conduites collectives ) qui peuvent se ddrouler en marge de l'organi- sation, en dehors d'elle, voire contre elle: c'est, par exemple, la pratique domi- nicale. La clientdle d'un journal catholique est pr~cis~ment un ensemble de personnes ayant adopt6 une conduite analogue (l'habitude d'acheter cc journal).

5. Les trames des r6les sociaux concernant surtout les fonctions de divers personnages dans les groupes religieux ou par rapport aux 6l1ments extbrieurs a ces groupes. Mais, dans le cas d'un plriodique, on voit apparaitre le r6ble de tel r~dacteur, de tel leader dont l'exemple ou les directives se trouvent en vedette, etc..., sans n6gliger les r6les du diffuseur.

6. Les attitudes collectives sont d~finies comme ( des ensembles, des confi- gurations sociales (Gestalt) (souvent plut6t virtuels qu'actuels), qui impliquent a la fois une mentalitY, des actes de preference et de repugnance, des pr~disposi- tions & des conduites et & des reactions, des tendances & assumer des r6les sociaux precis, un caract~re collectif, enfin un cadre social ohi les symboles sociaux se manifestent et oh des tchelles particulibres de valeurs sont accept~es ou rdpudibes >. L'6tablissement d'une certaine < climatisation & ce niveau constitue justement l'un des principaux objectifs que se propose la presse catholique dans la mesure oh elle vise & une action sur la conscience de ses lecteurs.

7. Les symboles sociaux fourmillent dans la presse profane. Ce caractbre se trouve porte au second degr4 dans la presse catholique du fait que la vie religieuse de l'Eglise s'exprime le plus souvent par la mediation du symbole. La sociologie de la presse catholique est appel6e ainsi & rencontrer une sorte de contamination de tous les niveaux en profondeur par les caractbres propres aux symboles sociaux.

(39) Selon la dlfinition proposee par G. GURVITCH, c la sociologie en profondeur construit et delimite la rlalit4 sociale en paliers plus ou moins artificiels pour aboutir a des cadres op4ra- toires efficaces comme points de repbre en vue de la recherche empirique ,, in: La vocation actuelle de la sociologie, Paris, P.U.F., 1950, p. 55.

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SOCIOLOGIE DE LA PRESSE

8. Le palier des < conduites effervescentes a se traduit d'une fagon percep- tible dans la presse, par une sorte d'appel aux valeurs collectives & contre-courant des insuffisances des paliers precedents. Chacun sait que les positions publiques de la hibrarchie ne donnent qu'un echo bien assourdi de ces effervescences: les groupes organists eux-m~mes restent ici dans d'6troites limites; c'est surtout la presse qui peut reflter ces effervescences d'une fa~on plus varibe et plus souple.

9. Les < valeurs collectives ) des catholiques fran~ais contemporains sont pr6nbes par la presse de ces derniers. Mais, A ce niveau, il ne s'agit pas de valeurs (( officielles >. Ce palier est celui des valeurs qui animent r~ellement la vie col- lective: c'est le problbme du sens interne des conduites, modules, signes et sym- boles. Cette preoccupation parait essentielle, car la sociologie des religions serait bien infirme si elle ne recherchait pas cet ~clairage. On ne doit pas cependant se dissimuler que, dans le domaine de la sociologie de la presse, on arrive 1a a un niveau oit il est trbs difficile de d~mdler les tenants et aboutissants. Toutefois, en dehors des nombreux faits rapportis par la presse, et dont l'interpretation serait suggestive, il serait fort interessant d'envisager la fagon dont on peut 6clairer le sens interne de la pratique dominicale d'une paroisse devote (par exemple) en se referant aux p&riodiques lus ou diffuses dans cette paroisse (choix, nombre, contenu, mode de diffusion, etc...).

10. Enfin, la ( vie mentale n, qui constitue le palier le plus profond, ce que Durkheim appelait les <( courants libres de la vie collective n, trouve elle aussi i s'exprimer d'une fagon plus perceptible peut-6tre dans la presse que dans les declarations officielles des organisations ou dans les gestes ext~rieurs de la pratique; plus exactement, la confrontation de ces divers modes d'expression peut justement amener tout pros de cette source jaillissante qu'est l'exp~rience religieuse elle- m~me, vue sous l'angle de la sociologie, qui se pr~occupe de plus en plus de cerner les crit~res de la < vitalite > religieuse.

Les preoccupations theoriques et l'appareil methodologique exposes ici ne constituent pour l'instant que les premiers jalons d'une recherche en cours. Ces propositions sont i la fois un appel A la discussion et une demande de concours. Nul doute que les probl~mes souleves n'interessent particuli~rement les organi- sateurs de la presse catholique, qui sont A mame de collecter facilement des donnies pr~cises. Dbjs des preoccupations pastorales ont conduit des spcialistes avertis A se pencher sur la question (40). De m~me, certaines enquites sur la pratique se sont preoccupies de la presse catholique (41). I1 s'agit d'6tendre systlmatiquement ces recherches avec une m~thode veritablement scientifique, permettant d'elaborer des r~sultats valables aussi bien pour ceux qui restent sur le terrain de la sociologie que pour les personnes appelhes par leurs responsabilitis i envisager ces questions en vue de l'action: les uns et les autres veulent pro- mouvoir une connaissance sociologique de la presse catholique; de leur colla- boration sortiront de nouveaux progrbs dans l'6tude scientifique des religions.

Jacques MAITRE.

Centre d'Etudes Sociologiques (C.N.R.S.).

(40) Voir J. VERPRAET ( Comment analyser I'influence exercie par la presse ? a, Efficacitd, no 55, juin 1954; J. FOLLIET (( Le public d'un journal catholique en France. < T6moignage Chr~tien n et ses lecteurs ,, Chronique Sociale de France, no 8, 30 dic. 1955; Information et dvangdlisation, Paris, Union des oeuvres catholiques de France, 1954; (( Quels journaux lit-on dans le Nord ? n, enquite publiee par La Croix du Nord, le 13 janv. 1952 et les jours suivants, et ainsi de suite. Cette perspective est present4e d'une faqon approfondie par J.P. DUBoIs-DuM6iE (article citd).

(41) P. ex., H. MAISONNEUVE, dans ses ((Recherches sur la sociologie religieuse de la Vendee >, Milanges de sciences religieuses, 1954, n0 2,et 1955, no 1, donne des tableaux de diffu- sion de la presse rurale de l'Action Catholique et s'en sert comme d'une sorte de critsre de vitalit4.

l~tJ

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