4
Sociologie du chômage, « Bibliothèque de Sociologie contemporaine » by Raymond Ledrut Review by: Danielle Weiller Cahiers Internationaux de Sociologie, NOUVELLE SÉRIE, Vol. 42 (Janvier-juin 1967), pp. 165- 167 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40689401 . Accessed: 17/06/2014 00:25 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers Internationaux de Sociologie. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.214 on Tue, 17 Jun 2014 00:25:50 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Sociologie du chômage, « Bibliothèque de Sociologie contemporaine »by Raymond Ledrut

Embed Size (px)

Citation preview

Sociologie du chômage, « Bibliothèque de Sociologie contemporaine » by Raymond LedrutReview by: Danielle WeillerCahiers Internationaux de Sociologie, NOUVELLE SÉRIE, Vol. 42 (Janvier-juin 1967), pp. 165-167Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40689401 .

Accessed: 17/06/2014 00:25

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

.

Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access toCahiers Internationaux de Sociologie.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 195.34.79.214 on Tue, 17 Jun 2014 00:25:50 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

COMPTES RENDUS

Trop souvent, estime Touraine, on parle de l'action ouvrière, de la lutte, comme si elle était le résultat immédiat d'une privation ; on s'interdit ainsi toute compréhension. Par la médiation de la conscience ouvrière, Touraine espère la mieux expliquer, bien qu'il ne s'agisse pas non plus du simple passage à l'acte d'une intention. Les questions posées portent sur les formes de la soli- darité chez les ouvriers, sur les moyens d'action, sur la finalité du syndicalisme et enfin sur la mise en cause de l'État à propos de la situation ouvrière. Si la conception de la justice sociale et le sentiment d'exploitation se transforment avec le travail lui-même, les éléments qui agissent sur une attitude favorable au syndicalisme sont moins simples. Les différences de salaire, les différences de sécurité dans l'emploi, n'ont pas sur cette attitude le même effet selon qu'on se trouve dans le système professionnel ou dans le système technique. La transformation des objectifs du syndicalisme apparaît bien comme liée aux transformations industrielles, mais par une série d'intermédiaires. Quant aux thèmes politiques qui impliquent une mise en question de l'organisation économique en même temps qu'une définition de ce que devrait être la place des travailleurs dans la société, ils sont sensiblement plus fréquents chez les ouvriers qui appartiennent au système technique.

Ces quelques indications donnent une idée très peu fidèle des analyses menées, chaque fois très riches, très ingénieuses, et difficiles à résumer. Parce qu'elle se présente comme une démonstration, pas un instant cette abondante analyse de résultats n'ennuie le lecteur. Parfois même on en voudrait un peu plus, on se pose de nouvelles questions. Or la présentation est très sobre : pas d'exemple de réponses, même lorsque les questions étaient ouvertes et donc leur codification conventionnelle. Touraine ne fait aucune concession à la sociographie, à l'évocation de la vie. Il a, lui-même, défini ailleurs cette sorte de puritanisme : « Les sociologues ne devraient pas être des témoins de leur temps, mais des constructeurs de sciences sociales... » « ... la volonté d'études concrètes n'est justifiée que si elle s'accompagne d'un dépassement des faits concrets et si elle accepte de transformer ceux-ci en faits scientifiques ». On y perd sans doute en saveur, mais on y gagne en densité. Peut-être même y a-t-il là, en outre, une forme de respect pour ceux qui ont répondu : le goût pour les expressions sic ressemble un peu à la recherche du pittoresque chez le touriste ; l'auteur a refusé ici d'y sacrifier.

Même une fois quelques ambiguïtés acceptées (celles que nous avons pré- sentées au début de ces lignes), on discute cependant beaucoup avec Touraine en le lisant. Lorsqu'il tire argument d'un résultat, on est plus d'une fois porté à interpréter autrement que lui la distribution présentée, à l'interpréter d'une manière peut-être plus « classique », voire même plus « naïve », selon ses fré- quentes expressions, mais parfois plus vraisemblable. Mais même s'il a ici ou là voulu trop prouver, on apprécie à tout moment son effort de cohérence, de domination, et aussi de complétude. D'autres auraient laissé dans l'ombre certaines distributions gênantes ; Touraine fait front : il les présente avec la plus grande honnêteté, puis les absorbe dans son système.

Viviane Isambert-Jamati. C.N.R.S.

Raymond Ledrut, Sociologie du chômage, Paris, Presses Universitaires de France, « Bibliothèque de Sociologie contemporaine », 1966, 548 p. Qui sont les chômeurs ? Y a-t-il sélectivité du chômage ? Ces questions

n'avaient jusqu'ici reçu que des ébauches de réponses. Il fallait, en effet, briser le carcan qu'opposait aux premières réflexions du sociologue une science économique jalouse d'elle-même, plus soucieuse de maîtriser les mécanismes globaux de l'économie que de considérer des phénomènes supposés être, sur le plan individuel, entièrement régis par les lois du hasard.

- 165 -

This content downloaded from 195.34.79.214 on Tue, 17 Jun 2014 00:25:50 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

COMPTES RENDUS

Cependant, si Ton tient compte des caractéristiques sociales intermédiaires, ne peut-on dégager des mécanismes de sélection des chômeurs ? Et s'il y a inégalité devant le chômage, ne peut-on craindre l'existence de processus cumulatifs accusant la faiblesse de certains pour en faire une véritable popu- lation marginale ? Telle semble bien être l'hypothèse de l'auteur qui pose ainsi d'emblée les fondements d'une sociologie du chômage.

Pour ce travail, les sources de documentations étaient rares, les statistiques disponibles trop générales et fragmentaires. Mais R. Ledrut a pu s'appuyer sur les riches enquêtes effectuées sous sa direction par le Centre de Recherche sociologique de Toulouse pendant les années 1959-1961.

1. L'étude au niveau individuel montre qu'aux périodes où le chômage est le plus restreint, tout chômeur est frappé d'un trait sélectif au moins : âge, déficience, sexe, sous-qualification, origine. Cette sélectivité se manifeste sous deux formes : la vulnérabilité (ou risque pour le salarié de perdre son emploi) et Y employ abilité (qui mesure la probabilité de trouver un emploi). Ces deux variables sont associées, mais peu liées entre elles. Ainsi, les caractères qui prédisposent le plus au sous-emploi sont à l'origine d'un chômage chronique, tandis qu'une plus forte vulnérabilité entraîne plutôt un chômage intermittent.

2. Le comportement du chômeur sur le marché du travail demeurait encore obscur. La sous-employabilité n'a-t-elle pas pour origine la passivité du chômeur ? L'enquête de Toulouse montre que c'est l'infériorité économique et des conditions socio-culturelles défavorables qui entraînent un amoindris- sement de la volonté de travail. Elle fait aussi apparaître que, loin de favoriser la mobilité économique comme le supposaient les classiques, le chômage prolongé est au contraire un facteur de blocage dans les processus de retour à l'équilibre.

3. Une longue partie de l'ouvrage est consacrée à l'étude du chômage dans les sociétés capitalistes industrialisées. Mais les mécanismes économiques n'y sont retenus que pour être mis en relation avec la société globale dont ils ne sont qu'un aspect. Cette large perspective permet de repousser les théories unilatérales du chômage (expliqué par la seule technologie ou la sous-consom- mation) et souligne les liaisons multiples entre les forces qui travaillent le système dans son ensemble.

Retenons sommairement, au terme de cette analyse, que deux types particuliers de chômage correspondent aux deux types de réponses actuellement données au challenge de l'accumulation capitaliste : l'équilibre de sous-emploi entraîne un chômage de réserve dont les formes (taux, durée et homogénéité) évoluent parallèlement, tandis que l'économie concertée favorise un chômage structurel où la proportion de chômeurs de longue durée s'accroît à mesure que l'intensité du chômage diminue et que celui-ci englobe une population plus hétérogène. Analyse économique et analyse psychologique se recoupent enfin pour définir une typologie des chômeurs fondée sur les deux variables pri- maires : infériorité économique et durée du chômage.

4. Qui sont ces chômeurs ? Forment-ils une population spécifique ? Quelle est leur réalité collective ? C'est sans doute cette partie du livre qui est la plus attachante et la plus susceptible de retenir l'attention des chercheurs.

Les chômeurs possèdent en effet un statut ambigu, qui se répercute pro- fondément dans la conscience qu'ils ont d'eux-mêmes. Sur le plan institutionnel, le droit au travail est certes garanti par la constitution, mais une véritable garantie contre le chômage n'a pu encore voir le jour, et l'aide accordée a plus les caractères d'une aumône que d'un dû.

Cette ambiguïté apparaît à tous les niveaux de la conscience collective. On craint la paresse du chômeur : tous les chômeurs méritent-ils d'être aidés, ou seulement les « bons » chômeurs ? Ce simple doute réussit à pulvériser leur statut. Et l'incertitude même de ses droits et obligations engendre chez le chômeur une profonde anxiété.

- 166 -

This content downloaded from 195.34.79.214 on Tue, 17 Jun 2014 00:25:50 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

COMPTES RENDUS

Selon leur référence au groupe professionnel et à la collectivité, tous ne réagiront cependant pas de la même façon. Il y a deux valeurs limites pour la façon dont le chômage est vécu socialement. D'un côté, ceux qui ne sont pas encore de vrais chômeurs et restent partiellement intégrés dans la vie du travail ; de l'autre, ceux qui ne sont plus totalement des chômeurs. Les plus infériorisés, plongés dans un chômage chronique, se sentent partiellement responsables de leur situation et manifestent un sentiment de gratitude envers la société qui les aide. Ils tournent peu à peu le dos au monde du travail pour se réfugier dans un statut mieux défini (telle la maladie) et acceptent leur rôle de personne assistée.

En revanche, ceux qui sont moins infériorisés économiquement et plus attachés à la vie du travail se sentent frustrés et revendiquent des moyens de vie convenable, sinon un reclassement proche. Ce sont eux qui ressentent le plus la honte, l'humiliation sociale et le chômage leur apparaît d'autant plus comme une chute de statut qu'ils ont eu le sentiment d'avoir été exclus de leur groupe professionnel lors d'un licenciement individuel.

Les chômeurs forment-ils une unité collective réelle ? De multiples forces contraires freinent leur cohésion. Assemblant catégories différentes, mal structurés, sans organisation et sans conscience propre, les chômeurs forment des ensembles socialement faibles.

5. Cette notion de faiblesse sociale apparaît comme une notion clé de la loi de paupérisation : trois variables fondamentales se déduisent de l'ensemble de l'analyse et caractérisent la situation du chômeur : l'infériorité économique, l'infériorité sociale et l'impuissance sociale. Ces trois facteurs se renforcent, les infériorités s'accumulent. Le chômage devient un mal insidieux et durable. Une véritable couche sociale prend ainsi naissance et définit une forme nouvelle de paupérisme.

Cette présentation sommaire n'a pu traduire que quelques aspects de cet ouvrage qui se présente à la fois comme une somme et comme une ouverture vers de multiples voies de recherche. Ne citons pour conclure qu'une perspec- tive dégagée en finale par l'auteur : « Si des modifications socio-culturelles importantes apparaissaient dans chacune des catégories défavorisées..., on pourrait s'acheminer vers des ruptures sociales profondes dont les effets sur la structuration de la société globale seraient décisifs : à la hiérarchisation actuelle du salariat succéderait la division en deux couches sociales de plus en plus éloignées l'une de l'autre... »

Danielle Weiller.

Institut national de Documentation et d'Information du Travail.

Scott Gréer, The Emerging City, New York, The Free Press of Glencoe, 1962, 232 p. Un certain nombre de recherches actuelles de Sociologie urbaine aux

États-Unis sont étroitement associées aux problèmes pratiques que posent les décalages entre la réalité sociologique de la « Metropolis » et son insuffisante organisation politico-administrative. C'est un terrain sur lequel les sociologues américains des villes rencontrent aujourd'hui le groupe des sociologues français qui sont préoccupés par la planification urbaine. Ce fait peut paraître étonnant, mais n'a en réalité rien de très surprenant. Ce terrain est, en effet, pour les sociologues américains et français celui où la sociologie urbaine peut aujourd'hui se développer et a des chances d'acquérir un statut scientifique.

La sociologie urbaine « théorique » et les utopies urbanistiques vont de pair, de la même façon que la sociologie positiviste faite à coup d'enquêtes partielles est associée aux pratiques administratives parcellaires. En France comme aux États-Unis la sociologie urbaine, pendant de longues années, n'a

- 167 -

This content downloaded from 195.34.79.214 on Tue, 17 Jun 2014 00:25:50 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions