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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2010) 11, 182—193 FAITES LE POINT Structures et mécanismes cérébraux impliqués dans les aspects émotionnels et cognitifs de la douleur Supraspinal structures and mechanisms involved in the emotional and cognitive aspects of pain Stéphanie Grégoire, Émilie Muller, Fabien Marchand Inserm U 766, pharmacologie fondamentale et clinique de la douleur, Clermont université, université d’Auvergne, BP 10448, 63000 Clermont-Ferrand, France Disponible sur Internet le 11 aoˆ ut 2010 MOTS CLÉS Douleur chronique ; Signature cérébrale ; Émotions ; Cognition ; Mécanismes Résumé La douleur est une expérience multidimensionnelle comprenant des aspects sensori- discriminatifs mais aussi affectivo-émotionnels et cognitifs qui doivent être considérés comme une part essentielle de l’expérience douloureuse. En effet, la composante affective et émotion- nelle, qui attribue à la douleur son caractère désagréable, peut se manifester par la survenue d’épisodes anxieux et/ou dépressifs. Si la composante cognitive permet de moduler la per- ception de la douleur, cette dernière peut également avoir des répercussions sur les fonctions cognitives. Il est donc nécessaire de mieux comprendre les mécanismes à l’origine de ces compo- santes qui affectent négativement la qualité de vie des patients atteints de douleur chronique. Les techniques modernes non invasives d’imagerie cérébrale, telles que la tomographie à émis- sion de positons, l’imagerie fonctionnelle à résonance magnétique, la spectroscopie magnétique à résonance et la morphométrie par voxel, sont des méthodes permettant l’exploration appro- fondie des mécanismes cérébraux de la douleur, particulièrement ceux supportant les aspects émotionnels et cognitifs. Cependant, les interactions qui existent entre la douleur chronique et les composantes émotionnelles et cognitives restent encore trop peu étudiées et l’implication des systèmes de neurotransmission (i.e., neurotransmetteurs, récepteurs, voies de transduction intracellulaire) commence seulement à émerger. Le but principal de cette revue est de présen- ter les données récentes de la littérature concernant la « signature » cérébrale des différents aspects de la douleur chronique en s’appuyant sur différentes études cliniques et précliniques. Enfin, les structures cérébrales ainsi que les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans les aspects affectivo-émotionnels et cognitifs seront plus particulièrement discutés. © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Marchand). 1624-5687/$ — see front matter © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.douler.2010.07.001

Structures et mécanismes cérébraux impliqués dans les aspects émotionnels et cognitifs de la douleur

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ouleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2010) 11, 182—193

AITES LE POINT

tructures et mécanismes cérébraux impliqués danses aspects émotionnels et cognitifs de la douleur

upraspinal structures and mechanisms involved in the emotional and cognitivespects of pain

Stéphanie Grégoire, Émilie Muller, Fabien Marchand ∗

Inserm U 766, pharmacologie fondamentale et clinique de la douleur, Clermont université,université d’Auvergne, BP 10448, 63000 Clermont-Ferrand, France

Disponible sur Internet le 11 aout 2010

MOTS CLÉSDouleur chronique ;Signature cérébrale ;Émotions ;Cognition ;Mécanismes

Résumé La douleur est une expérience multidimensionnelle comprenant des aspects sensori-discriminatifs mais aussi affectivo-émotionnels et cognitifs qui doivent être considérés commeune part essentielle de l’expérience douloureuse. En effet, la composante affective et émotion-nelle, qui attribue à la douleur son caractère désagréable, peut se manifester par la survenued’épisodes anxieux et/ou dépressifs. Si la composante cognitive permet de moduler la per-ception de la douleur, cette dernière peut également avoir des répercussions sur les fonctionscognitives. Il est donc nécessaire de mieux comprendre les mécanismes à l’origine de ces compo-santes qui affectent négativement la qualité de vie des patients atteints de douleur chronique.Les techniques modernes non invasives d’imagerie cérébrale, telles que la tomographie à émis-sion de positons, l’imagerie fonctionnelle à résonance magnétique, la spectroscopie magnétiqueà résonance et la morphométrie par voxel, sont des méthodes permettant l’exploration appro-fondie des mécanismes cérébraux de la douleur, particulièrement ceux supportant les aspectsémotionnels et cognitifs. Cependant, les interactions qui existent entre la douleur chronique etles composantes émotionnelles et cognitives restent encore trop peu étudiées et l’implicationdes systèmes de neurotransmission (i.e., neurotransmetteurs, récepteurs, voies de transductionintracellulaire) commence seulement à émerger. Le but principal de cette revue est de présen-ter les données récentes de la littérature concernant la « signature » cérébrale des différents

aspects de la douleur chronique en s’appuyant sur différentes études cliniques et précliniques.Enfin, les structures cérébrales ainsi que les mécanismes cellulaires et moléculaires impliquésdans les aspects affectivo-émotionnels et cognitifs seront plus particulièrement discutés.© 2010 Publie par Elsevier Masson SAS.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (F. Marchand).

624-5687/$ — see front matter © 2010 Publie par Elsevier Masson SAS.oi:10.1016/j.douler.2010.07.001

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Aspects émotionnels et cognitifs de la douleur 183

KEYWORDSChronic pain;Pain matrix;Emotion;Cognition;Mechanisms

Summary Pain is a multidimensional experience with sensory-discriminative but alsomotivational-affective and cognitive dimensions, which should be considered as an essentialpart of the pain experience. The affective and emotional component, which confers the unplea-sant and intrusive sensation of pain, could induce anxious and depressive episodes. The cognitivecomponent can modulate pain perception and conversely, pain can affect cognitive functions.It is therefore crucial to better understand the mechanisms underlying those aspects of pain,which severely compromise quality of life of chronic pain patient. Modern non invasive brainimaging techniques, such as positron emission tomography (PET), functional resonance ima-ging (fMRI), magnetic resonance spectroscopy (MRS) and voxel-based morphometry (VBM), haveprovided additional methods to explore brain mechanisms of pain notably those underlyingthe motivational-affective and cognitive aspects. However, few studies have been devoted tomechanisms associated with chronic pain. Besides, the neurotransmission system and pathwaysinvolved (i.e., neurotransmitters, intracellular transduction pathway) are still unclear espe-cially in chronic pain conditions. In this review, we discuss the latest data investigating thecerebral signature of the different dimensions of chronic pain. Finally, we will particularlyfocus on the cellular and molecular mechanisms underlying emotional-affective and cognitiveaspects of pain.© 2010 Published by Elsevier Masson SAS.

bcessà[éde stimulation appliqué [1]. Chacune de ces structures joueun rôle particulier dans la transmission et l’intégration dumessage douloureux, certaines d’entre elles (i.e., CCA, CI,CPF) intervenant plus particulièrement dans l’aspect émo-

Introduction

La douleur chronique représente un enjeu majeur en termesde santé publique, illustré par des données épidémiolo-giques impressionnantes. Elle affecte 1/5 de la populationeuropéenne, soit 75 millions de personnes, dont sept mil-lions en France.

La douleur est une expérience multidimensionnelle,difficile à circonscrire, comprenant des aspects sensori-discriminatifs permettant de déterminer la localisationspatiale, la durée, la qualité et l’intensité de la stimulation,mais aussi des aspects affectivo-émotionnels et cognitifs quidoivent être considérés comme faisant partie intégrantede l’expérience douloureuse. La perception d’un stimulusnociceptif est associée à une sensation désagréable quireflète le caractère affectif et émotionnel de la douleuret qui se manifeste notamment par la survenue d’épisodesanxieux et/ou dépressifs. La composante cognitive quant àelle permet aussi de moduler la perception de la douleuret réciproquement. Ainsi, la douleur peut avoir une forterépercussion sur les fonctions cognitives telles que des diffi-cultés dans l’attention, la concentration ou encore la prisede décision chez des patients atteints de douleur chronique,affectant négativement leur qualité de vie. Il est donc essen-tiel de mieux comprendre les mécanismes à l’origine de cesdifférentes composantes, pour traiter plus efficacement lespatients douloureux chroniques.

Les techniques modernes non invasives d’imagerie céré-brale permettent l’exploration approfondie des mécanismescérébraux impliqués dans la douleur, particulièrement ceuxresponsables des aspects émotionnels et cognitifs.

Une matrice, une « signature » cérébrale de ladouleur, a été retrouvée de facon consensuelleet reproductible chez les sujets sains dans uncontexte de nociception et chez les patients

souffrant de douleur chronique.

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Elle implique plus particulièrement six structures céré-rales : le cortex somato-sensoriel S1, S2, le thalamus, leortex cingulaire antérieur (CCA), le cortex insulaire (CI)t le cortex préfrontal (CPF) (Fig. 1). Néanmoins, d’autrestructures ont été impliquées selon les techniques utili-ées (tomographie par émission de positons [TEP], imagerie

résonance magnétique [IRM], électroencéphalographieEEG], magnétoencéphalographie [MEG]), les paramètresvalués ainsi que le contexte physiopathologique et le type

igure 1. Représentation schématique de la matrice de la dou-eur : S1, S2 : cortex somesthésique ; insula ; thalamus ; CCA : cortexingulaire antérieur ; CPF : cortex préfrontal.

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ionnel et cognitif de la douleur, même s’il est difficile deeur attribuer un rôle spécifique en raison de leurs étroiteselations anatomiques et fonctionnelles.

L’objectif de cette revue est de discuter des structurest des mécanismes cérébraux impliqués dans l’interactionntre la douleur et les aspects émotionnels et cognitifs.es derniers seront discutés de manière indépendanteien que certaines structures soient communes à ces deuxomposantes de la douleur. En dehors de leur contribution

la transmission, l’intégration et la modulation de laociception, il nous a semblé du plus grand intérêt de nousoncentrer sur les mécanismes cellulaires et moléculairesi.e., neurotransmetteurs, récepteurs, voies de transductionntracellulaire) qui pourraient être mis en jeu. Il sembleraitotamment que certains mécanismes qui participent auxhénomènes de sensibilisation centrale au niveau de laoelle épinière soient conservés au niveau cérébral et qu’ils

oient eux-mêmes similaires à ceux impliqués dans la poten-ialisation à long terme (PLT) sous-tendant les processuse mémorisation. Cela pourrait entraîner la découverte deouvelles cibles thérapeutiques permettant une meilleurerise en charge des patients douloureux chroniques.

a dimension émotionnelle de la douleur

a composante affective et émotionnelle contribue auaractère désagréable et gênant de la douleur. Elle se mani-este généralement par la survenue d’épisodes anxieux,épressifs, de stress, de colère ou encore de peur. Ces émo-ions négatives surviennent en particulier dans un contextee douleur chronique et sont souvent dépendantes de’intensité douloureuse, de la durée ou de la manière dontette dernière est percue par l’individu.

L’objectif de cette première partie est de présenter lesifférentes structures cérébrales ainsi que les principauxécanismes impliqués dans la composante affectivo-

motionnelle de la douleur. En effet, les mécanismeseurobiologiques de ces différents aspects commencent àmerger au sein de la littérature et offrent des pistes’investigation nouvelles.

Des études d’imagerie chez le sujet sain ont montréne activation multifocale au niveau des régions corti-ales lors d’une stimulation douloureuse, notamment auiveau des aires somesthésiques primaire et secondaire, duCA, de l’insula ainsi que des aires préfrontales [1]. De laême manière, différentes aires sous-corticales incluant

’amygdale, le cervelet, ainsi que certaines parties de’hypothalamus et du tronc cérébral, sont elles aussi acti-ées. L’activation de ces différentes régions témoigne deeur participation à la perception de la douleur mais aussi àes réponses associées. Les changements neurobiologiquesntervenant dans certaines de ces aires cérébrales dans unontexte de douleur chronique pourraient donc contribuerpécifiquement à la composante affectivo-émotionnelle dea douleur.

e cortex cingulaire antérieur (CCA)

natomiquement, le CCA a d’étroites connections aveces aires corticales et sous-corticales impliquées dans’émotion, la cognition et la mémoire de la douleur, telles

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S. Grégoire et al.

ue l’amygdale, les noyaux thalamiques médiodorsaux,’hypothalamus, la formation hippocampique, le cortexisuel secondaire, le cortex enthorhinal et perirhinal, leortex auditif secondaire et le cortex orbital [2].

Le CCA est connu pour son implication dans l’émotion,a mémorisation et la douleur. Il peut être divisé anatomi-uement en une partie dorsale — principalement connectéevec le CPF et le cortex pariétal, qui lui confère un rôle danses fonctions cognitives — et une partie ventrale qui entre-ient des liens étroits avec l’amygdale, le noyau accumbens,’hypothalamus et la partie antérieure du CI. Le CCA ventralerait donc préférentiellement impliqué dans la composantemotionnelle de la douleur.

mplication du CCA dans la composantemotionnelle de la douleur

Des études électrophysiologiques ont montréune activation des neurones du CCA à la suited’un stimulus douloureux ou en réponse à des

indices environnementaux annoncantl’imminence d’un stimulus douloureux suggérantson implication dans l’anticipation d’une douleur

[3].

Toutefois lorsque le caractère prédictif de la survenuee la douleur est important, l’activité cérébrale dans cetteégion est diminuée. Ainsi l’activité cérébrale observée danse CCA pourrait refléter l’anxiété associée à l’anticipation’un évènement aversif incertain. Bien que l’anticipation’un stimulus douloureux relève plus de la composanteognitive, l’activation du CCA a été majoritairement corré-ée au caractère émotionnel de la douleur. Les premièresreuves remontent aux années 1960 où il a été montréue l’ablation chirurgicale du CCA atténuait le caractèreéplaisant de la douleur ainsi que la survenue d’épisodesépressifs chez des patients souffrant de douleur chronique4].

Chez l’homme, des études de TEP ou d’imagerie par réso-ance magnétique fonctionnelle (IRMf) révèlent que le CCAeut être activé par un stimulus douloureux ou par le carac-ère désagréable de la douleur [5]. Toutefois, son activitée semble pas être corrélée au codage ou à la localisatione l’intensité douloureuse du fait de ses champs récepteursrop larges et enchevêtrés. En outre, des études menéesant chez l’homme que chez l’animal montrent qu’une cin-ulotomie est à l’origine d’une diminution de la réponseffective à la suite d’un stimulus nociceptif, alors que laomposante sensorielle semble préservée [4]. Ces résultatsont dans le sens d’une implication préférentielle du CCAans la composante affective et émotionnelle de la douleur.l est important de noter que des études de TEP ont montréne très forte activation de la région rostrale du CCA dans’anxiété, notamment chez des patients souffrant de pho-ies, de stress post-traumatique ou encore de désordres de

’humeur. L’implication majeure de cette structure corticaleans les pathologies anxieuses pourrait facilement expliqueron rôle dans le stress et l’anxiété engendrés par des épi-odes douloureux chroniques. Par exemple, l’analyse en IRMfe l’activité cérébrale de patients atteints du syndrome de
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Aspects émotionnels et cognitifs de la douleur

l’intestin irritable (SII) a permis de corréler la douleur vis-cérale ressentie et les hauts scores d’anxiété estimés avecune forte activation du CCA chez ces patients [6]. De plus,il semble que la réduction de cette activité soit couplée àune réduction des symptômes associés au SII [7].

L’activation du CCA a aussi été retrouvée dans desmodèles murins d’hypersensibilité viscérale ainsi que dansle conditionnement de peur classique, dans le paradigmede l’évitement de place conditionné et enfin dans les fonc-tions émotionnelles telles que la peur et l’anxiété [8—11]. Àtitre d’exemple, deux études ont montré que le CCA jouaitun rôle essentiel dans les réponses affectivo-émotionnellesen utilisant des tests de conditionnement chez l’animal.Ainsi, la destruction des neurones originaires du CCA rostralentraîne une diminution du comportement d’évitement deplace conditionné induit par le formol alors que les réponsescomportementales nociceptives (i.e., léchage) ne sont pasaffectées [10]. Enfin, une équipe taïwanaise a développé untest comportemental utilisant un paradigme de condition-nement classique pour étudier les réponses émotionnellesliées à la douleur [9]. Dans cette expérience, les animauxassocient la survenue d’un son (stimulus conditionnel) àl’application brève d’une pulsation laser au CO2 (stimulusinconditionnel). Ce stimulus douloureux va provoquer chezces animaux huit types de réponses nocifensives. Lorsquele conditionnement est avéré chez l’animal, l’émission duson suffit, à elle seule, à provoquer ces différents types decomportements. Suite à des lésions bilatérales du CCA, lesperformances des animaux dans ce test de conditionnementclassique sont largement diminuées, renforcant ainsi le rôlecrucial du CCA dans cette composante émotionnelle (Fig. 2).

Mécanismes moléculaires impliqués au niveau duCCA dans la composante émotionnelle de ladouleurDiverses études ont montré que les sous-unités NR1, NR2Aet NR2B des récepteurs NMDA du glutamate sont fortementexprimées au niveau du CCA [11]. L’activation de ces récep-teurs est connue pour son importance dans l’initiation dela PLT et semble être un substrat moléculaire crucial pourexpliquer le phénomène de sensibilisation centrale et demémorisation. Ainsi, dans l’étude de Johansen, une micro-injection d’un antagoniste des récepteurs au glutamate(l’acide kynurénique) ou encore le blocage des récepteursNMDA, et non AMPA/KA (autres récepteurs du glutamate),abolit l’acquisition du comportement d’évitement de placeconditionné induit par le formol [11]. Par ailleurs, il a étédémontré que l’activité synaptique induite par la distensioncolorectale au niveau du CCA implique majoritairement lesrécepteurs NMDA dans un modèle d’hypersensibilité coliquechez le rat, tandis que cette activité passerait préférentiel-lement par les récepteurs AMPA chez des animaux contrôles[12]. Qu’ils soient compétitifs ou non-compétitifs, les anta-gonistes des récepteurs NMDA induisent tous de sévèreseffets secondaires. C’est ainsi que le site de liaison de la gly-cine de la sous-unité NR1, co-agoniste des récepteurs NMDA,

est devenu une cible privilégiée. La D-sérine, un acide aminélibéré par les astrocytes protoplasmiques, mime l’effet de laglycine avec une puissance trois fois supérieure. L’injectionde l’enzyme de dégradation de la D-sérine (DAAO) dans leCCA de rongeurs va drastiquement diminuer le comporte-

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185

ent d’évitement de place conditionné induit par le formolans en affecter les comportements nociceptifs [13]. Cettetude souligne le rôle majeur de la D-sérine endogène dansa modulation des réponses affectivo-émotionnelles de laouleur via l’activation du site glycine des récepteurs NMDAu CCA.

La contribution des différentes sous-unités du récepteurMDA a également été étudiée. Ainsi, les sous-unités NR2At NR2B joueraient un rôle prépondérant dans les méca-ismes de PLT dans le CCA dans un contexte douloureux.ar exemple, la surexpression spécifique de la sous-unitéR2B dans le CCA de souris par une stratégie génétiqueugmente la sensibilisation comportementale suite à un sti-ulus inflammatoire. Inversement, l’inhibition sélective de

ette sous-unité NR2B dans le CCA diminue cette sensibi-isation [14]. Dans un modèle d’hypersensibilité viscéralehez le rat, les analyses biochimiques montrent une aug-entation spécifique de l’expression de NR2B dans le CCA

15]. En outre, la micro-injection d’un antagoniste de laous-unité NR2B dans cette région, contrairement à celle’un antagoniste de la sous-unité NR2A, inhibe les déchargeseuronales ainsi que les réponses viscéromotrices chez lesats douloureux, alors qu’elle est sans effet chez les ani-aux contrôles. Enfin, une étude récente a rapporté que

’injection de formol, associée ou non à un conditionne-ent contextuel, augmente spécifiquement l’expression des

ous-unités NR2A et NR2B dans le CCA [16]. Le blocage sélec-if de la sous-unité NR2A ou NR2B abolit l’acquisition duomportement d’évitement de place conditionné induit pare formol ainsi que l’expression du marqueur d’activationeuronal Fos. Il est à noter que le comportement nocicep-if à la suite d’une injection de formol n’est pas affectéar l’inhibition des sous-unités NR2A ou NR2B. Ces résul-ats indiquent donc un rôle majeur des récepteurs NMDAu CCA, et plus particulièrement des sous-unités NR2A ouR2B, dans la composante affectivo-émotionnelle de la dou-

eur.Bien que la plupart des études mécanistiques décrites

i-dessus se focalisent sur le rôle des récepteurs NMDAans la composante émotionnelle de la douleur, il sembleue la cholécystokinine (CCK) puisse également partici-er à cet aspect. En effet, ce neuropeptide est fortementxprimé dans le CCA et son implication dans l’anxiété até démontrée précédemment. Par ailleurs, la libératione CCK dans le CCA dans un modèle de douleur inflam-atoire à la carragénine est significativement augmentéear rapport aux animaux contrôles. Cette augmentationerait spécifique de la composante émotionnelle et non dea perception douloureuse puisque la morphine n’interfèreas avec cette libération [17]. Enfin, la CCK module’anxiété associée à l’hyperalgésie induite par le formol18].

CA, cortex insulaire et « empathie de la douleur »

e CCA, mais aussi le CI, joueraient un rôle dansl’empathie de la douleur ». Ces dernières années, les

ubstrats neuronaux responsables de l’empathie ont sus-ité un vif intérêt : cette capacité à reconnaître laouleur chez autrui ainsi que des événements environ-ementaux nuisibles joue un rôle protecteur et socialmportant.
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186 S. Grégoire et al.

Figure 2. Implication du cortex cingulaire antérieur (CCA), de l’insula et de l’amygdale dans les composantes fonctionnelles et affectivo-é s auf

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motionnelles de la douleur. mGLURs : récepteurs métabotropiqueactor ; NMDA : N-méthyl-D-aspartate ; CCK : cholécystokinine.

Des études chez l’homme utilisant l’IRMf ontmesuré l’activité cérébrale chez des sujets misen présence d’un stimulus visuel leur indiquant

que leurs partenaires allaient recevoir unstimulus douloureux [19]. Ces études mettent en

évidence deux régions importantes dans cetteexpérience de l’empathie de la douleur : le

cortex cingulaire moyen et antérieur et le CIantérieur.

e cortex insulaire (CI)

e CI dans la composante sensori-discriminative dea douleure CI est une région du cortex temporal chez le rat,orrespondant aux aires 13 et 14 de Krieg, qui serait impli-uée dans l’acquisition et le stockage de différentes tâches’apprentissage aversif comme l’aversion conditionnée duoût ou encore les tâches d’évitement. Il recoit aussi desrojections directes du noyau basolatéral de l’amygdale.es études de TEP ont montré une augmentation du débitanguin dans les cortex somesthésique secondaire et insu-

aire corrélée positivement avec l’intensité thermique d’untimulus nociceptif. Par ailleurs, bien que les études de TEPe montrent pas d’activation particulière du CI chez lesatients atteints de SII, cette région répond à la distensionolorectale en IRMf ainsi qu’à la distension œsophagienne

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glutamate ; PKA : protéine kinase A ; CRF: corticotropin-releasing

n MEG [6,20]. Ainsi, cette aire corticale contribue à coder’intensité de la douleur percue et présente donc des pro-riétés sensori-discriminatives. Ces données sont en accordvec les observations chez les primates, où un encodage pro-ressif se produirait au niveau de l’insula selon l’intensitée la stimulation [21].

e CI dans la composante émotionnelle de laouleurertaines études suggèrent également une implication de

’insula dans la composante affectivo-émotionnelle de laouleur. En faveur de cette hypothèse, une activation du CItout d’abord été mise en évidence dans différentes tâchesmotionnelles contenant des composantes affectives néga-ives, comme lors de la présentation de visages effrayants22]. Cette implication de l’insula est en outre appuyéear les changements observés dans la dimension affectivo-motionnelle de la douleur après une lésion du CI alors que laimension sensori-discriminative est épargnée. Dans ce syn-rome, connu sous le nom d’asymbolie, cette lésion a étéonsidérée comme perturbant les connections sensorilim-iques et ce syndrome paraît donc intéressant pour étudieres interactions douleur—émotions [23]. Enfin, l’activité duI a été retrouvée dans des sentiments subjectifs liés à

a douleur (SII, fibromyalgie) mais aussi dans l’anxiété, laépression et la peur [24].

Tous ces éléments convergent vers une implication de’insula dans la composante affectivo-émotionnelle de laouleur (Fig. 2). En outre, des études d’IRMf montreraient

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Aspects émotionnels et cognitifs de la douleur

une implication de l’insula dans certains aspects cogni-tifs tels que l’anticipation de cette douleur [1,24]. Ladichotomie entre composante émotionnelle et composantecognitive de la douleur au niveau de cette structure n’estpas toujours évidente à cerner et complique l’étude de sonimplication spécifique au niveau émotionnel.

Mécanismes moléculaires impliqués au niveau ducortex insulaire dans la composante émotionnellede la douleurD’un point de vue mécanistique, encore très peu d’étudesont à ce jour été réalisées au niveau de l’insula. Il a pourtantété démontré qu’une augmentation des taux de GABA auniveau de l’insula chez le rat provoque une analgésie grâceà un renforcement des voies inhibitrices descendantes [25].Des phénomènes de PLT au niveau de cette structure ontaussi été mis en évidence in vitro, dans des préparations detranche de cerveau, et in vivo chez le rat [26]. Cette PLTest dépendante des récepteurs NMDA puisque l’applicationdans l’insula d’antagonistes de ces récepteurs, le CPP oule MK-801, bloque sa mise en place. Enfin, la stimulation àhaute fréquence du noyau basolatéral de l’amygdale induitune PLT au niveau de l’insula et il est maintenant admis quele complexe amygdalien serait lui aussi largement impliquédans la composante affectivo-émotionnelle de la douleur.

L’amygdale

Longtemps connue pour son rôle crucial dans les émo-tions et les désordres affectifs, de nombreuses donnéesconvergentes montrent un rôle clé de cette structure dansla relation entre douleur chronique et réponses émotion-nelles [27]. En effet, des études électrophysiologiques etd’imagerie fonctionnelle chez l’homme montrent une aug-mentation de la réponse de l’amygdale lors d’un épisodedouloureux.

En revanche, une inhibition pharmacologiqueou une lésion de l’amygdale chez l’animal réduit

considérablement les réactions émotionnellesliées à la douleur sans affecter les réponses

sensorielles.

L’amygdale dans la composante émotionnelle de ladouleurL’amygdale est constituée de différents noyaux anato-miquement et fonctionnellement différents : elle inclutnotamment les noyaux basolatéral (BLA) et central (CeA) quisemblent être importants dans cette dimension affective dela douleur [27,28]. Le noyau central est la source majeuredes projections de l’amygdale et semble moduler lescomportements douloureux via des projections au niveaudes centres du tronc cérébral à l’origine des contrôlesdescendants de la douleur. Le CeA recoit à la fois des

informations purement nociceptives de la corne dorsalede la moelle épinière via l’aire parabrachiale (PB) ainsique des informations liées à la composante émotionnellede la douleur via des connections avec le noyau latéral etbasolatéral de l’amygdale (LA-BLA) [27,28]. Ces noyaux

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187

mygdaliens pourraient aussi être impliqués différemmentans les réponses affectivo-émotionnelles de la douleurelon le type de stimulus nociceptif appliqué [28]. En effet,e comportement d’évitement de place conditionné induitar le formol est diminué chez le rat après une lésion duLA ou du CeA alors que lorsque le formol est remplacé parne injection d’acide acétique (i.e., stimulus induisant uneouleur viscérale), seule la lésion du CeA va inhiber cetteéponse émotionnelle. En revanche, ni la lésion du BLA nielle du CeA n’induisent de différence dans les réponsesomportementales nociceptives spontanées.

lasticité neuronale au niveau de l’amygdale dansa composante émotionnelle de la douleures phénomènes de plasticité neuronale observés au niveaue l’amygdale restent encore relativement méconnus deos jours. Une des conséquences de cette plasticité liée àa douleur au niveau de l’amygdale pourrait être une aug-entation du comportement douloureux et donc la mise

n place potentielle de désordres affectifs. Dans les para-raphes suivants, seront présentés les acteurs principaux deette plasticité amygdalienne, ainsi que leur rôle dans lesomportements nociceptifs et émotionnels observés dans unontexte douloureux.

La plasticité neuronale dans l’amygdale semble dépendreu type de stimulus douloureux. Par exemple, elle se tra-uit par une altération de la transmission synaptique entree BLA et le CeA dans un modèle d’arthrite mais pas dans unontexte de douleur viscérale. Ainsi, les propriétés mem-ranaires intrinsèques neuronales sont altérées chez lesnimaux arthritiques alors que la fréquence de potentiel’action enregistrée dans les neurones du CeA est significati-ement augmentée dans un modèle de colite inflammatoire29]. Cette potentialisation de l’activité neuronale est asso-iée à une diminution de l’exploration de l’environnement,e qui est en faveur du rôle joué par la plasticité neuronaleans la composante émotionnelle de la douleur.

Dans un modèle de douleur chronique inflammatoire,a plasticité synaptique et la sensibilisation centrale auiveau de l’amygdale ont été associées à l’augmentation de’expression des récepteurs métabotropiques au glutamaterésynaptiques (mGLUR) de groupe I (mGLUR1 et mGLUR5),endant ainsi à augmenter la neurotransmission excitatricear une libération accrue de neurotransmetteurs. Dans ceême contexte, mGLUR2 et mGLUR3 possèdent un effet

pposé et vont donc inhiber la transmission synaptiqueu niveau de l’amygdale [28]. Par ailleurs, la modulationharmacologique de ces récepteurs montre qu’ils contri-uent à la décharge neuronale et à l’état d’anxiété mesurérâce à un test de préférence de place utilisé dans unodèle de neuropathie périphérique. Une étude récente ais en évidence une implication différentielle d’un autre

roupe de mGLUR, le groupe III (mGLUR7 et mGLUR8), danses comportements douloureux et émotionnels chez le ratonoarthritique [30]. Ainsi le récepteur mGLUR7 dans le

eA serait impliqué uniquement dans les réponses noci-eptives et émotionnelles (i.e., anxiété) dans un contextee nociception chez le rat sain alors que le récepteurGLUR8 le serait dans un contexte de douleur chronique

modèle de monoarthrite).

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Un enjeu important de la recherche dans le domainee la douleur est de comprendre les mécanismes poten-iellement différents qui interviennent dans le cas d’uneouleur chronique à différents stades de développemente la pathologie. Un article intéressant de Ikeda montrees phénomènes de plasticité neuronale différents auiveau de l’amygdale entre un modèle de douleur chro-ique neuropathique (ligature du nerf spinal) et un modèlee douleur inflammatoire [31]. En effet, la plasticitéost-synaptique dans la phase tardive de la douleur neu-opathique serait indépendante des récepteurs NMDA alorsue l’augmentation de leur fonctionnalité serait critique àn stade plus précoce dans la douleur inflammatoire [32]. Laotentialisation des récepteurs NMDA dans ces phénomènese plasticité dans un modèle de rat arthritique semble duepécifiquement à la phosphorylation des sous-unités NR1 para protéine kinase A [32].

Si la composante excitatrice glutamatergique jouen rôle prépondérant dans la composante émotionnellemygdalienne de la douleur, la composante inhibitriceABAergique y contribue également. En effet, le taux deABA extracellulaire est significativement plus bas dans unontexte douloureux ou de peur que dans des conditionshysiologiques chez le rat [33]. Par ailleurs, des injectionsilatérales d’agoniste (muscimol) ou d’antagoniste (bicu-ulline) des récepteurs GABAA dans le CeA chez des ratseuropathiques modulent le comportement anxieux déter-iné par le test de préférence de place [34].L’amygdale est aussi un site majeur d’expression des

écepteurs au CRF (corticotropin-releasing factor, CRF1 etRF2) et constitue un élément clé de la voie de signali-ation par laquelle le CRF contribue aux états anxieux etutres désordres émotionnels. Il était donc logique de sus-ecter un rôle de ces récepteurs au niveau de l’amygdaleans la composante émotionnelle liée à la douleur. Récem-ent, des effets opposés lors de l’activation de CRF1 ouRF2 au niveau du CeA dans les réponses comportementalest émotionnelles dans un modèle de douleur inflammatoirent été décrits [28]. En utilisant des enregistrements deeurones issus du CeA, cette étude a montré qu’un antago-iste des récepteurs CRF2 facilite la transmission synaptiqueia une inhibition présynaptique de la transmission GABAer-ique (désinhibition) dans les tranches de cerveau de ratrthritique. A contrario, la micro-injection d’un antago-iste des récepteurs CRF1 inhibe la facilitation synaptiqueia un mécanisme post-synaptique qui implique l’activatione la protéine kinase A. Cet antagoniste CRF1 inhibe aussies réponses comportementales et émotionnelles liées à laouleur. Enfin, plusieurs études chez l’animal renforcent’hypothèse d’une implication de CRF1 dans la composantemotionnelle de la douleur viscérale. Une diminution de laéponse viscéromotrice et surtout de l’anxiété mesurée pare test du labyrinthe en croix surélevé sont par exemplebservées chez des souris dont le gène codant CRF1 a éténvalidé [35]. De plus, il a été suggéré que l’hyperactivitée CRF1 pourrait également contribuer à la comorbidité de’anxiété et de la dépression chez les patients atteints de

II.

Tout comme le CRF, une augmentation de la libération deertains corticostéroïdes au niveau de l’amygdale se produitn réponse à un stress [28]. Il a été montré que des implantse corticostérone au niveau du CeA induisent un compor-

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S. Grégoire et al.

ement anxieux ainsi qu’une augmentation des réponsesociceptives dans un modèle d’hypersensibilité viscéralehez le rat, impliquant spécifiquement les récepteurs auxlucocorticoïdes (GR) et minéralocorticoïdes (MR) [28,36].n effet, l’implantation bilatérale de dexaméthasone ou’aldostérone (agoniste MR) dans le CeA augmente de faconignificative le comportement de stress ainsi que le nombree crampes abdominales provoqué par distension colorec-ale. A contrario, l’implantation de dexaméthasone, maisas d’aldostérone, diminue les seuils de réponse à la dou-eur somatique mesurée par retrait de la patte. Ainsi dans’amygdale, les corticostéroïdes modulent différemment laensation viscérale et somatique.

Enfin, les récepteurs aux cannabinoïdes de type I (CB1)emblent être impliqués dans la composante émotionnellee la douleur associée à l’amygdale [37].

Le système cannabinoïde induit une analgésieà la suite de l’exposition à un stimulus

conditionnel ou non et contrôle l’extinction ducomportement d’évitement conditionné.

En effet, la modulation pharmacologique des CB1 via’administration d’antagonistes dans le BLA montre que cesécepteurs sont impliqués dans l’extinction du comporte-ent conditionnel d’évitement au formol, mais pas dans

’analgésie induite par la peur.Le système opioïdergique joue un rôle clé dans la noci-

eption mais aussi dans l’anxiété et le stress. Il a été mis envidence des changements au niveau de la fonction opioïder-ique dans l’amygdale qui pourraient être une des causeses comportements anxieux observés dans un modèle deouleur chronique chez la souris [38]. Cette étude montreue des micro-injections dans l’amygdale d’antagonistes desécepteurs opioïdergiques �, �, ainsi que la dynorphine A,goniste des récepteurs �, produisent un effet anxiogéniquelus important chez la souris souffrant de douleur chroniquear rapport à des animaux contrôles. Ces résultats suggèrentonc une implication des récepteurs aux opioïdes au niveaue l’amygdale dans la composante émotionnelle de la dou-eur.

Les données décrites ci-dessus convergent toutes versne corrélation positive entre l’activité de l’amygdale et leomportement douloureux ainsi que les états émotionnelsssociés tels que l’anxiété ou la peur (Fig. 2).

Même si la composante émotionnelle lors d’une expé-ience douloureuse est bien décrite en termes de réactionsomportementales, les mécanismes neurobiologiques res-ent encore à mieux définir.

a dimension cognitive de la douleur

a douleur chronique peut perturber certaines fonctionsognitives comme la capacité de penser clairement et derendre des décisions. Les patients souffrant de douleur

hronique rapportent aussi parfois des difficultés pour seoncentrer et des perturbations mnésiques [1,24]. Ainsi,es processus cognitifs peuvent jouer un rôle dans la per-eption de la douleur et réciproquement. Comprendrees interactions complexes entre la douleur chronique et
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Aspects émotionnels et cognitifs de la douleur

ses répercussions cognitives est nécessaire pour améliorerl’évaluation et le traitement de la douleur.

Déficits cognitifs observés dans un contextedouloureux

Données cliniquesKewman et al. ont observé que 32 % des patients souffrantde douleur musculosquelettique présentaient au moins uneplainte cognitive parmi celles mentionnées dans un ques-tionnaire standard [39]. Une autre étude [40] a montré quedes patients souffrant de fibromyalgie, d’arthrite rhuma-toïde ou de douleur musculosquelettique présentaient destroubles de l’attention sélective. Plus récemment, plusieursétudes cliniques ont aussi rapporté des déficits attention-nels et mnésiques à court terme chez des patients atteintsde fibromyalgie. Enfin, des patients atteints de douleurlombaire chronique et d’algodystrophie présentaient desdéficits dans une tâche émotionnelle de prise de décision[41]. Le test de prise de décision (l’Iowa Gambling Task) quireproduit une situation incertaine, complexe et conflictuellede choix représente un processus adaptatif essentiel dont laréalisation dépend de nombreux processus exécutifs, moti-vationnels, émotionnels et cognitifs ainsi que de l’intégritéde différents circuits frontaux sous-corticaux et corticaux.Le fait que certains patients souffrant de douleur chroniqueprésentent des déficits dans ce test suggère que la douleurpar elle-même pourrait conduire à des changements dans lesystème de récompense—aversion qui pourraient être à labase de désordres psychiatriques comorbides observés chezdes patients douloureux.

Données précliniquesDe la même manière que chez l’homme, des perturbationsdans un test de prise de décision comportant une prise derisque ont été observées chez des animaux atteints de dou-leur chronique inflammatoire [42]. Cette équipe a aussi misen évidence des déficits d’attention visuelle soutenue [43]chez le même modèle en utilisant la procédure de « temps deréaction en série à cinq choix » (5-choice serial reaction timetask [5-CSRTT]). Celle-ci nécessite la détection par l’animald’un signal lumineux présenté brièvement et de facon aléa-toire à l’un des cinq emplacements possibles du dispositifexpérimental dans le but d’obtenir une récompense. Ainsi,le développement de l’inflammation s’accompagne d’uneaugmentation des perturbations de l’attention visuelle del’animal non liée à un déficit moteur dans cette tâche. Cettemême aptitude cognitive a été testée chez des animauxatteints de douleur neuropathique induite par un traite-ment anticancéreux. Dans ce modèle, aucune perturbationdans cette tâche d’attention n’a été observée, suggérant unimpact sur les capacités cognitives différent selon l’étiologiede la douleur chronique [44]. Une autre étude utilisant untest d’attention non sélective et non soutenue a démon-tré des perturbations chez des animaux atteints de douleurchronique viscérale de type inflammatoire. Ce test est basé

sur la capacité d’un animal à discriminer un nouvel objetface à des objets rendus familiers et requiert d’autres capa-cités cognitives telles que l’orientation, la mémorisation etdonc la discrimination [45]. Cette composante cognitive dela douleur est encore trop peu souvent prise en compte

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189

hez l’animal, ce qui constitue un frein à une meilleureompréhension des mécanismes mis en jeu dans la douleurhronique.

ouleur, déficits cognitifs et implication duortex préfrontal (CPF)

ouleur et CPFn 1948, Freeman et Watts ont constaté qu’à la suite d’uneobotomie, leurs patients arrêtaient de se plaindre de dou-eur tout en gardant la sensation intacte même si leurescription clinique demeurait relativement imprécise [46].lus tardivement, Cooper [47] a démontré une augmenta-ion des seuils nociceptifs chez l’animal suite à une injectionilatérale d’anesthésique dans le CPF. Néanmoins, il existees données contradictoires dans la littérature quant à’implication du CPF dans les processus nociceptifs entre desndividus sains et des patients souffrant de douleur chro-ique. En effet, une méta-analyse a montré respectivement5 et 81 % d’implication du CPF dans les processus nocicep-ifs chez des sujets sains par rapport aux patients douloureuxhroniques [1]. En outre, même s’il existe un consensusans le sens d’une activation du CPF suite à une stimu-ation nociceptive chez des sujets sains quand celui-ci estmpliqué, les données chez les patients douloureux chro-iques sont plus inconsistantes. Il semblerait par exempleue le CPF soit hypoactif ou désactivé dans certains typese douleur chronique — tels que l’arthrite rhumatoïde, laolite ulcérative, la douleur dentaire postchirurgicale pro-ongée et les désordres douloureux somatoformes — alorsu’il serait activé dans d’autres contextes douloureux —europathie, douleur chronique viscérale ou relayée pare système sympathique [28,48]. Par ailleurs, le niveau’activation du CPF dépendrait du type de stimulus doulou-eux. Une analyse en IRMf de l’activité cérébrale en réponse

des stimulations viscérales (distension colorectale) ouutanées (stimulus thermique) a été réalisée chez des sujetsains et chez des patients SII. Les évaluations subjectivese l’intensité du stimulus, de l’inconfort et de l’état émo-ionnel (peur et anxiété) ainsi que l’activation de certaineségions cérébrales incluant le CPF et plus particulièremente CPF médian (CPFm) étaient plus élevées chez les patientsII que chez les sujets sains. En outre, si l’intensité percuees différentes stimulations était comparable, l’inconfort,es réponses émotionnelles négatives ainsi que l’activationu CPFm étaient plus importants pour le stimulus viscé-al que pour le stimulus cutané. Ces résultats suggèrentue ces émotions négatives ressenties sont associées à’activation du CPFm et sont davantage reliées à la dou-eur clinique qu’à une douleur induite expérimentalement.’administration de fentanyl, un analgésique opioïdergiqueuissant et l’analgésie induite par effet placébo entraînentne augmentation de l’activité du CPFm associée à une dimi-ution de la douleur [2]. Une étude plus récente a montréue l’activité du CPFm chez des sujets ayant recu une injec-ion intradermale d’un agent irritant, la capsaïcine, était

nversement corrélée à la zone d’hyperalgie secondaire maisussi à l’effet antihyperalgique de la lidocaïne, un bloqueures canaux sodiques [49]. Ainsi, plus le CPFm est activélus la zone d’hyperalgésie secondaire ainsi que l’effetntihyperalgique de la lidocaïne sont faibles. L’activité
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e cette région cérébrale pourrait donc s’avérer être unarqueur prédictif de l’hyperalgie et de l’effet antihyper-

lgésique d’une substance pharmacologique et pourrait, paron activité, moduler négativement la douleur. Néanmoins,’activation dans le CPFm associée à la cotation en tempséel de la douleur spontanée a été démontrée chez desatients souffrant d’algodystrophie et de douleur lombairehronique [41]. De plus, il semble que l’activation de cetteone soit retrouvée dans la majorité des études évaluant’allodynie provoquée par frottement chez des patients souf-rant de douleur neuropathique d’étiologies variées [50].

Pour conclure, il semble donc exister unedifférence entre activation ou désactivation duCPFm en fonction du type de douleur chronique(inflammation, neuropathie ou mixte), la durée

de cette douleur, le type de douleur évaluée(douleur provoquée versus douleur spontanée)voire même en fonction du type de stimulus

utilisé.

mplication du CPF dans les troubles cognitifs liés àa douleure CPF et plus particulièrement les régions médianes (CPFm)t orbitales (COF) sont connus pour jouer un rôle importantans diverses fonctions cognitives telles que la planifica-ion, la prise de décision, l’espérance d’une récompense,’évitement des choix risqués et les comportements diri-és vers un but précis, aussi bien chez l’animal que chez’homme. En effet, des patients avec une lésion du CPF pré-entent des déficits dans une tâche de prise de décision etont persister à faire un choix inadapté à la situation et sontonc plus prompts à prendre des risques [41]. De manièrentéressante, des patients souffrant de douleur chroniquerésentent des déficits similaires dans cette même tâchevoir partie Données cliniques).

Le CPFm et le cortex orbitofrontal (COF) sont égalementpécifiquement impliqués dans l’anticipation d’un stimulusouloureux viscéral chez des patients SII. Dans ce contexte’anticipation, la distension colorectale induit une activa-ion plus importante du CPFm chez les patients SII que chezes sujets sains avec une latéralisation du CPF droit, ainsiu’une activation spécifique du COF absente chez les sujetsains [51]. De même, une réponse enregistrée dans le CPFmpécifique de l’anticipation du stimulus douloureux a étébservée chez des patients atteints de douleur œsopha-ienne [51].

Enfin, l’amygdale est aussi très importante dans’attribution d’une valeur émotionnelle dans la tâche derise de décision. Contrairement au noyau central de’amygdale, le noyau basolatéral constitue une sourceajeure des entrées au niveau du CPF et ce lien BLA-CPFdonc été suspecté comme étant important dans la capa-

ité de prise de décision. Une étude très récente a montré

u’une augmentation de l’activité des neurones au niveauu BLA s’accompagne d’une diminution de l’activation duPFm et perturbe ainsi la capacité de prise de décision [52].e plus, l’inhibition pharmacologique de cette hyperactivitéu BLA pallie la désactivation du CPFm et par conséquent

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S. Grégoire et al.

établit de bonnes performances cognitives chez les animauxouloureux.

écanismes moléculaires impliqués dans leysfonctionnement cortical lié à la douleur

hangements fonctionnels au niveau du CPFe glutamate via les récepteurs NMDA et particulièrementa sous-unité NR2B semble impliqué dans le contrôle de’activité du CPFm dans un contexte de douleur chro-ique. Ainsi, seule l’expression de l’ARNm codant pour laous-unité NR2B est diminuée au niveau du CPFm dansn modèle de douleur neuropathique chronique suite à laésion du nerf sciatique. Ce phénomène peut être inhibéar l’administration chronique de D-cyclocéryne, un ago-iste partiel du site de reconnaissance de la glycine duomplexe NMDA, ainsi que par le NMDA et la glycine. De plus,’administration locale de D-cyclocéryne dans le CPFm dimi-ue l’allodynie mécanique [41]. Une étude plus récente duême laboratoire conforte partiellement ces résultats. Cen-

eno et son équipe ont démontré un effet anti-allodyniquee la sarcosine, un inhibiteur spécifique du transporteur dea glycine de type 1, plus important lorsqu’elle est adminis-rée dans le CPFm que lors d’une administration systémique53]. Cet inhibiteur serait capable de restaurer partielle-ent le déficit de transmission glutamatergique au niveauu CPFm. Il pourrait donc exister une perturbation dea transmission glutamatergique au niveau du CPFm, elle-ême dépendante de l’amygdale.En effet, les neurones du BLA forment des connec-

ions glutamatergiques avec les cellules pyramidales dea couche V du CPFm mais aussi avec les interneuronesABAergiques [52]. Lorsqu’elles sont activées, ces projec-ions glutamatergiques issues du BLA augmentent l’activitées interneurones GABAergiques du CPFm, ce qui entraînene diminution de l’activité des cellules pyramidales de laouche V et donc une désactivation. Ce mécanisme expli-uerait le déficit dans la prise de décision observé chezes animaux arthritiques [52]. Cette relation amygdalocor-icale paraît donc cruciale dans les mécanismes impliquésans les perturbations cognitives lors d’un épisode dou-oureux chronique. Toutefois, une autre étude a montréne augmentation du ratio NMDA/AMPA dans la transmissionynaptique excitatrice du CPFm, mais au niveau des cellulesyramidales des couches II et III à la suite de la stimulationlectrique de la couche V dans un modèle de douleur neuro-athique [48]. Cette augmentation est spécifique du CPFmontrolatéral à la lésion du nerf sciatique. À l’état basal, lesropriétés de ces neurones sont inchangées par rapport à unroupe sain. Malheureusement les conséquences comporte-entales et les mécanismes n’ont pas été étudiés. Il sembleonc exister des changements fonctionnels différents danses sous-ensembles de neurones distincts du CPFm en fonc-ion du type de douleur étudiée.

Enfin, une forte corrélation inverse entre les niveaux indi-iduels de dopamine et de sérotonine (5-HT) a été observée

ans le COF et dans l’amygdale. Le ratio COF/amygdale poures deux neurotransmetteurs montre une corrélation inversehez les animaux contrôles 50 jours après l’induction d’unenflammation chronique et non cinq ou dix jours après [28].es mécanismes sérotoninergiques pourraient en effet être
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Aspects émotionnels et cognitifs de la douleur

impliqués puisqu’une altération de la réponse sérotoniner-gique passant probablement par les récepteurs 5HT1A estobservée chez les patients SII [54]. Le fait que la douleursemble induire des changements dans les taux de 5-HT etde dopamine supporte la notion d’hypoactivité des zonespréfrontales du cortex qui pourrait conduire à une perturba-tion des performances dans les tâches cognitives telles quela prise de décision. Pourtant, ces observations n’expliquentpas les phénomènes d’activation ou même de sur-activation.

Toutefois, les patients souffrant de douleurlombaire chronique montrent des niveaux de

neurotransmetteurs excitateurs anormaux (i.e.,réduction du N-acétyl aspartate par rapport à

des sujets normaux) traduisant undysfonctionnement du CPF.

Changements morphologiques au niveau du CPFOutre des changements fonctionnels, des altérations mor-phologiques ont été observées au niveau cortical dansdifférents contextes de douleur chronique principalementchez l’homme. Grâce à une analyse morphométrique baséesur l’analyse de voxel, une réduction globale corticale de ladensité de substance grise de 5 à 11 % corrélée à la duréede la douleur a été montrée chez des patients souffrantde douleur lombaire chronique [41]. Ces résultats ont étérenforcés par l’équipe de Schimdt-Wickle qui a montré unediminution de la densité de substance grise au niveau dulobe temporal, du cortex somato-sensoriel, du CPF dorsola-téral ainsi que du tronc cérébral chez des patients souffrantdu même type de douleur [55]. De manière intrigante, uneaugmentation bilatérale de cette densité a été observée auniveau du ganglion basal et du thalamus droit. La diminu-tion observée au niveau du CPF dorsolatéral ne confirme quepartiellement les résultats obtenus par l’équipe d’Apkarian[41,55]. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait quel’étude de Schimdt-Wickle n’a pas inclus de patients souf-frant d’une douleur lombaire irradiante type radiculopathie[55]. Des perturbations au niveau des densités cérébrales desubstances grise et blanche ont aussi été mises en évidencechez des patients fibromyalgiques [41]. Il serait extrême-ment intéressant de voir si ces changements morphologiquespeuvent se généraliser à d’autres types de douleur et si cer-taines structures sont préférentiellement affectées selonl’étiologie. Ces différentes études suggèrent qu’il existeune atrophie et/ou hypertrophie de la matière grise sou-lignant des phénomènes de neurodégénération et/ou deplasticité neuronale dans un contexte de douleur chronique.En effet, Metz et al. ont observé une augmentation dunombre et de la densité de dendrites au niveau du CPFmchez des animaux neuropathiques [48]. Ces changementsmorphologiques seraient à l’origine d’une augmentation ducourant NMDA qui pourrait entraîner une augmentation glu-tamate dépendante de l’influx intracellulaire de calcium et

conduire à une apoptose neuronale par excitoxicité gluta-matergique.

Encore très peu d’études se sont intéressées aux méca-nismes qui sous-tendent la diminution de densité desubstance grise. L’étude de l’expression de différentes cas-

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191

ases, qui sont des marqueurs et des acteurs cruciaux deshénomènes d’apoptose, paraît essentielle pour compren-re ces changements morphologiques. Fuccio et son équipent observé une augmentation de l’expression de l’ARNme la caspase-1, 8 et 12 dans le COF de souris, 14 joursprès la lésion du nerf sciatique [56]. L’expression dea caspase-3 est quant à elle réduite dans cette mêmeone. Ces changements sont associés à ceux du niveau’interleukine 1ß (IL-1ß) principalement dans les cel-ules astrocytaires. Malheureusement, ces auteurs n’ontas directement étudié l’association entre ces change-ents d’expression et des perturbations morphologiques et

onctionnelles au niveau du COF, ni même le lien entreette structure et les comportements douloureux. Néan-oins, l’injection d’ozone diminue à la fois la surexpressiones caspases pro-inflammatoires/pro-apoptiques ainsi que’allodynie mécanique chez les souris neuropathiques via unécanisme encore inconnu. Des études évaluant à la fois les

onséquences de cette surexpression sur l’apoptose neuro-ale au niveau cortical et leur rôle dans les déficits cognitifsiés à la douleur sont donc nécessaires.

En outre, il serait aussi indispensable d’identifier laource de ces facteurs intervenant dans les phénomènes’apoptose : néanmoins, il est maintenant connu que les cel-ules gliales jouent un rôle majeur dans la douleur au niveauériphérique et central et que leur activation entraîne leelarguarge de cytokines/chémokines pro-inflammatoires.ar exemple, la caspase-1 contrôle la libération d’IL-1ß etette cytokine semble jouer un rôle de tout premier planans la transmission et le contrôle de la douleur. Unetude préliminaire suggère une augmentation de la caspase-dans les cellules microgliales du CPF, probablement liéedes phénomènes d’apoptose [28]. Existe-t-il une activa-

ion microgliale au niveau des structures précédemmentitées, pourrait-elle être responsable des phénomènes delasticité/neurodégénérescence proposés ? À notre connais-ance, aucune étude ne s’est intéressée ou n’a montré’activation microgliale au niveau des régions corticaleshez l’animal ou chez l’homme. L’utilisation d’un radio-raceur sélectif en TEP chez l’homme, le PK-11195, ainsiue des techniques d’immuno-histochimie chez l’animalourront permettre d’étudier spécifiquement l’activationicrogliale. Cette implication gliale et celle de ses facteurs

ibérés semblent être une hypothèse, bien que spécula-ive, des plus enthousiasmante car elle expliquerait d’autresbservations ou suggestions permettant de comprendre leshangements fonctionnels liés à la douleur.

ctivation des voies descendantes inhibitrices pare CPFn plus du rôle connu du lobe frontal dans les aspects cog-itifs de la douleur chronique d’étiologies variées, cetteégion cérébrale, et particulièrement le CPF, pourrait êtreirectement impliquée dans la perception de la douleur viaa modulation du diencéphale et/ou du tronc cérébral à’origine des voies inhibitrices descendantes. Lorenz et al.

nt pu montrer que la partie dorsolatérale du cortex pré-rontal (DLCPF) influencait plus particulièrement l’activitéhalamique, ce qui pourrait entraîner la mise en jeu desoies inhibitrices descendantes [57]. Ainsi, une forte acti-ation du CPF au moment de l’anticipation de la douleur
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st corrélée à un effet placebo plus important. De plus,et effet placebo augmente l’activité de la substance griseériaqueducale durant l’anticipation, activité elle-mêmeorrélée significativement avec celle du DLCPF. Il est doncossible qu’une partie du CPF, via par exemple la libération’opioïdes endogènes, puisse moduler l’activité du troncérébral lui-même agissant sur la transmission du messageouloureux au niveau spinal [24].

Des études de « connectomique »(tractographie par diffusion) pourraient

permettre d’identifier précisément les zonescorticales et leur influence sur les régions

modulant ou à l’origine des voies inhibitricesdescendantes, indispensables à l’obtention de

l’analgésie.

onclusion

outes ces études mettent en évidence un rôle privilégiée certaines régions cérébrales dans la dimension affectivet émotionnelle, alors que d’autres semblent préféren-iellement jouer un rôle dans la composante cognitivee l’expérience douloureuse. Ainsi, le CCA, l’insula et’amygdale possèdent un rôle marqué dans l’aspect émo-ionnel, alors que le CPF est plus particulièrement impliquéans les perturbations cognitives associées à la douleurhronique. Ces zones cérébrales, qui communiquent entrelles grâce à un réseau extrêmement complexe, recoiventussi directement les informations sensorielles de la dou-eur. Cette convergence des informations est responsable de’influence de la composante sensorielle de la douleur sures perturbations émotionnelles et cognitives qui lui sontiées et réciproquement, ces perturbations influent sur laouleur elle-même. Il est donc essentiel, par des étudesnatomiques, fonctionnelles, moléculaires et de tractogra-hie, de disséquer les différentes connexions et influencesntre ces régions du cerveau pour mieux élucider leur rôlepécifique dans les différentes composantes de la douleur.

La caractérisation approfondie de la signature cérébralee différents types de douleur pourrait permettre d’utiliser’imagerie comme outil diagnostique. Cela permettrait aussi’évaluer les mécanismes d’action d’anciens et de nouveauxntalgiques et leur influence sur les différents aspects de’expérience douloureuse en fonction des zones cérébralesouchées.

Enfin, les études d’imagerie soulignent la grande dyna-ique et la plasticité des zones cérébrales impliquées dans

es aspects émotionnels et cognitifs de la douleur. Certainses mécanismes responsables commencent à émerger, telsue des changements neurochimiques liés à des perturba-ions morphologiques, parfois identiques à ceux observésu niveau spinal. Par exemple, des phénomènes d’apoptoseourraient expliquer certaines observations cliniques, telles

ue la diminution de la densité de la substance grise auiveau du CPF. Des études précliniques permettant de mani-uler spécifiquement certaines structures cérébrales auiveau cellulaire et moléculaire, associées à des approchesomportementales pertinentes, pourraient participer à une

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S. Grégoire et al.

eilleure compréhension des mécanismes impliqués dans leut de développer de nouvelles pistes thérapeutiques.

De manière plus générale, il est indispensable deépondre à une question, qui reste à ce jour non éluci-ée : ces changements cérébraux sont-ils la cause ou laonséquence de la douleur ? D’après les données actuelles,ne réponse simple et directe est impossible. En effet,l ne semble pas exister de lien direct entre le degrée nociception et l’expérience douloureuse dans sonnsemble, sachant que certains facteurs tels que lesmotions peuvent moduler la douleur et réciproquement.’addition des techniques d’imagerie cérébrale non invasivet leur sophistication grandissante conduiront indénia-lement à une meilleure compréhension de l’expérienceouloureuse.

onflit d’intérêt

ucun.

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Aspects émotionnels et cognitifs de la douleur

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