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Capes histoire-géographie Epreuve Orale sur Dossier

Sujet de géographie

Les géographes doivent-ils se méfier descartes ?

Document N° 1 : Le monde vu par un moine du début du XIII° siècle : la mappemonde d’Ebstorf (début du XIII°s) Description réalisée par le conservateur de la Bibliothèque Nationale de France, 2004.

Document N°2 Frédéric Barbe, Etat-Nation, le modèle français, Mappemonde, 1994.

Document N° 3 HIV Prévalence, site Worldmapper, 2003

Document N° 4 Upside down, carte de Stuart McArthur

Document N° 5géographie et représentation, Pascal Clerc, 2003.

Document N° 6: A. Reynaud, Pour une approche didactique de la géographie M Clary, M Joannon, L Tirone, p 55 CRDP Marseille, 1994

Document N° 7: Jacques Levy, article Carte, dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin 2003.

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Document N° 1 : Le monde vu par un moine du début du XIII° siècle : la mappemonde d’Ebstorf (début du XIII°s) Description réalisée par le conservateur de la Bibliothèque Nationale de France, 2004.

La mappemonde d’Ebstorf représente comme toutes les mappemondes médiévales, la terre habitée séparée en trois régions, Asie, Europe, Afrique, telle que les fils de Noé se la sont partagée. Cette représentation traditionnelle orientée est-ouest en forme de T inscrit dans un O, est quelque peu estompée par le foisonnement des représentations. La mappemonde permet d’embrasser d’un seul coup d’œil, ramassés sur une seule page, les régions, les îles, les villes, les montagnes, les océans et les fleuves. Aux marges des terres connues habitées par les hommes, des zones mystérieuses sont peuplées de monstruosités animales ou humaines. Au nord un froid perpétuel où vivent les Panocii et les anthropophages, au sud un désert peuplé de bêtes féroces et de serpents. En récapitulant les connaissances sur la disposition des lieux mais aussi sur les hommes et les animaux qui peuplent la terre, la mappemonde fonctionne comme un immense lieu de mémoire, une encyclopédie des connaissances géographiques et scientifiques de l’époque.

En haut de la carte, à l’Orient, rayonne le visage d’un christ dont les mains et les pieds cernent l’ensemble de la création toute entière, centrée autour de Jérusalem, nombril de la terre, tombeau du christ ouvert sur la résurrection, lieu de communication entre les espaces terrestres, célestes et souterrains.

Commencé avec l’espace à l’Orient du monde, le temps se déroule avec lui. La mappemonde fait l’inventaire des lieux qui ont servi de cadre aux principaux évènements de l’histoire aussi bien sacrée que profane. Une histoire commencée avec l’exil du paradis avec le péché qui se poursuit avec la Tour de Babel. Mais aussi une histoire du Salut, Noé sauvé du déluge, Une histoire de la rédemption accomplie en son temps à Jérusalem rependue jusqu’aux extrémités de la terre habitée par la parole des disciples poursuivie par les moines. Commencé à l’Orient au paradis, le temps et l’espace viennent ensemble s’achever aux rivages de l’extrême occident, là où s’élève l’église de Saint Jacques, à Compostelle. Pour le pèlerin, pour ce voyageur qu’est l’homme sur la terre, arrivé au seuil de l’occident au terme de son voyage terrestre qui touche à la fin du monde, le ciel soudain s’entrouvre.

Miroir du savoir médiéval, la mappemonde est aussi un parcours initiatique conduisant celui qui la regarde à une nouvelle intelligence des mystères du monde.

Ouest

Jérusalem

St Jacques

Asie

EuropeAfrique

Mon

stres

Mon

stre

Paradis

Est

nord

Sud

Tour de Babel

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Document N°2 Frédéric Barbe, Etat-Nation, le modèle français, Mappemonde, 1994.

Document N° 3 HIV Prévalence, site Worldmapper, 2003

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Document N° 4 Upside down, carte de Stuart McArthur : Mc Arthur réalise sa première carte inversée à 12 ans (1970). Son professeur de géographie lui dit de la refaire dans le « bon sens s’il veut avoir une bonne note. Trois ans plus tard alors qu’il est étudiant au Japon, il publie sa carte. En 1979 l’université de Merlbourne adoptecette carte qui devient un succès mondial.

Document N° 5géographie et représentation, Pascal Clerc, 2003.

À l'instar de la photographie, la carte est toujours une représentation. On l'oublie parfois en raison des procédures sémiologiques mises en œuvre. Celles-ci jouent en partie sur l'analogie : sur les cartes, la mer est bleue, les autoroutes ont deux voies de circulation séparées (alors qu'en respectant l'échelle, il faudrait se contenter d'un trait fin), les aéroports sont symbolisés par des avions. La recherche d'efficacité sur le plan de la communication passe par un langage "naturel" qui fait parfois oublier la distance existant entre le réel et la représentation cartographique. Suivons Umberto Eco (1988) dans une expérience apparemment absurde et tentons de penser avec lui une carte totalement fidèle à la réalité. La solution, si elle existe, passe par l'élaboration d'une carte au un unième (1/1), une carte à l'échelle de ce qu'elle représente. Cette idée romanesque qui apparaît chez Lewis Carol (il s'agit d'utiliser le pays lui-même comme sa propre carte), puis chez Jorge Luis Borges avec l'élaboration d'une "carte de l'Empire qui avait l'immensité de l'Empire et coïncidait exactement avec lui" est reprise"scientifiquement" par Umberto Eco qui décide d'en étudier la faisabilité. Il examine diverses possibilités. Il semble par exemple possible de poser sur le territoire la carte qui le représente. Mais déjà les problèmes apparaissent avec un risque de modification de l'équilibre écologique d'un espace sur lequel les précipitations et les rayons solaires n'arriveraient plus, avec par conséquent une carte qui ne représenterait plus fidèlement le territoire. Des propositions voisines (carte transparente, carte suspendue) ne règleraient qu'incomplètement le problème tout en créant d'autres. Autre possibilité : trouver un espace aussi vaste que le territoire pour y installer la carte. L'idée semble intéressante, mais bute sur un écueil de taille dans la mesure où ce nouveau territoire (celui sur lequel on a posé la carte) devrait être annexé mais ne serait pas représenté sur la carte, à moins de trouver un autre territoire…

Ces élucubrations apparemment fantaisistes témoignent de la vacuité pratique et conceptuelle –une telle carte serait-elle encore une carte ? – de l'entreprise. La fonction de la carte est de représenter et le passage de l'espace réel à un morceau de papier ou de carton suppose une multitude d'opérations. La carte est une réduction (perte d'informations) ; elle est centrée et donne à voir le monde d'un point de vue ; elle met à plat (principe de la projection avec environ 350 types de projection différents) et donc déforme, privilégiant tantôt les hautes latitudes, tantôt les zones proches de l'équateur. Toute carte est donc un discours qui donne à voir le monde d'une façon ou d'une autre. Elle procède de choix, en apparence exclusivement techniques et sémiologiques, en réalité souvent politiques : utiliserpour un planisphère, une projection cylindrique de type Mercator conduit par exemple à dilater considérablement l'espace représentant le monde développé.

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Document N° 6: A. Reynaud, Pour une approche didactique de la géographie M Clary, M Joannon, L Tirone, p 55 CRDP Marseille, 1994

Pour certains géographes, qui mettent le concret au-dessus de tout, la carte est une sorte de succédané fidèle du terrain. Faut-il rappeler avec Alfred KORZYBSKI que «la carte n'est pas le territoire» (cité par Gregory BATESON, 1980, p. 205) ? D'ailleurs, pour les profanes, la carte paraît plutôt abstraite: «Au début, je me méfiais un peu des cartes. Je les regardais comme des compagnes indispensables mais austères. Toutes ces courbes, ces lignes, ces hachures, ces quadrillages n'évoquaient pour moi qu'un paysage abstrait, mathématique, qu'il fallait résoudre ou déchiffrer comme une équation picturale» (LACARRIERE, 1977, p. 31-32). Au siècle dernier, le poète Victor SEGALEN écrivait: «derrière ces signes figurés, étalés conventionnellement sur le plan fictif d'un papier, il me faudra deviner ce qui se trouve très réellement en volumes, en pierre et en terre, en montagnes et eaux dans une contrée précisée du monde géographique» (1983, p. 21). Grâce à la carte, un morceau d'espace surgit brusquement sous nos yeux avec ses particularités, nous entraînant dans un autre monde. Mais elle n'est qu'une représentation conventionnelle de la réalité, à la fois coupée de celle-ci dans la mesure où il s'agit d'un langage, et étroitement liée à elle puisque cherchant à la refléter à l'aide d'un code clairement défini. La carte déforme la réalité, du fait même de l'inévitable généralisation cartographique, d'un degré d'autant plus élevé que l'échelle est plus petite, mais à laquelle on ne saurait échapper. Ainsi, pour s'en tenir à un exemple, le choix de l'équidistance des courbes de niveau transforme éventuellement des croupes d'interfluve en plaine (carte suisse de Saane-Sarine au 1/100 000, équidistance de 50 m, près du lac de Morat entre Avenches et Paverne) ou donne à une plaine une apparence de plateau (carte états-unienne de Mount Pulaski au 1/62500, équidistante de 3 m seulement, avec de nombreuses courbes intercalaires).

Mais la carte déforme aussi la réalité parce qu'elle est un langage et qu'il y a toujours un écart entre un langage et les réalités qu'il s'efforce de traduire. D'un type de carte à l'autre, on change de langage et, à chaque fois, un minimum d'apprentissage est nécessaire: ainsi, un même espace apparaîtra sous un jour bien différent sur la carte de CASSINI, sur la carte d'état-major au 1/80000, sur la carte au 1/50000 type 1922 et sur la carte au 1/50000 de la série orange; inversement, des cartes du même type représentant des espaces différents auront malgré tout un même air de famille. «Loin de se tenir écartée des progrès techniques, la carte topographique en bénéficie largement et on peut même dire qu'elle se trouve à beaucoup d'égards en pointe. Cela est vrai lorsqu'on considère le niveau d'exactitude et de précision qu'elle atteint, l'importance des informations recueillies et aussi son degré de perfection en matière de rédaction et de reproduction, qui en font un document visuel de haute qualité» (STEINBERG, 1982, p. 5). Finalement, la carte est une abstraction qui nous permet de penser le réel, et même éventuellement de le rêver. En effet la carte a quelque chose de magique, et Julien GRACQ l'a fait sentir dans le Rivage des Syrtes, dont le deuxième chapitre a justement .pour titre «La chambre des cartes» : «Sur la table s'étalaient les cartes de la mer des Syrtes. Je m'asseyais, bientôt enchaîné là comme par charme... Un bruissement léger semblait s'élever de cette carte, peupler la chambre close et son silence» (1951, p. 31-32). ..En somme, la carte est un document, au même titre qu'un texte historique, et, tout comme lui, elle offre un champ aussi bien à la réflexion et au raisonnement qu'à l'imaginaire et au rêve.

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Document N° 7: Jacques Levy, article Carte, dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin 2003.

Carte et langage scientifique. Du fait de sa double spatialité, celle du réfèrent et celle du langage, la carte se présente comme l'incarnation, comme l'expression concrète de l'objet de la géographie, ce qui ne manque pas de créer des confusions. Ainsi, toute carte est évidemment thématique, la notion de « carte générale » constituant un artefact complet, une pure illusion de transparence qui nous apparaîtrait bien puérile, si elle n'avait pas eu des « effets de réalité » non négligeables en matière de géopolitique. Dans l'histoire de la géographie, cet artefact a servi de ressource pour l'empirisme, pour le refus d'une réflexion sur l'objet et les méthodes de la recherche. La carte « générale », en fait carte topographique pensée pour un usage militaire, constituait une aubaine épistémologique dont s'est emparée une discipline trop heureuse de trouver, avec la carte, un court-circuit confortable entre le réel et la pensée.Cependant, si la carte n'est pas /espace, une carte est bien un espace. On peut bien sûr la traiter comme un simple tableau de données, et notamment un simple croisement entre des coordonnées terrestres et une autre information (toponymes, cotes hypsométriques ou bathymétriques) et l'on s'éloigne alors de la carte pour en faire une charte (en anglais, l'usage du mot chart s'est maintenu pour les cartes marines). Si au contraire, on assume la lecture spatiale, c'est-à-dire instantanée et globale, de la carte, celle-ci devient ipso facto un modèle graphique, émettant un message forcément restreint par les conditions de sa réception. Dès lors que l'on reconnaît aux univers idéels la même légitimité qu'aux matériels pour devenir non seulement une source d'information, mais aussi, tout simplement, un objet à connaître, la carte devient un « terrain » parmi d'autres pour les géographes.

Par leur caractère spatial, les cartes présentent un ordre langagier qui enrichit et dérange l'univers habituel des « énoncés » à visée scientifique. D'un côté, elles organisent une coexistenced'éléments qui pourraient se présenter de manière dispersée dans un exposé verbal, ce qui pousse à la cohérence. D'un autre côté, elles imposent une concision du message dans le propos et une dictature de l'instant dans la lecture et se prêtent aux glissements de sens que rend possibles, comme avec d'autres images, l'absence des appuis systématiques et non limités en volume que permet le langage verbal. La suppression des bruits visuels permet d'éviter les « effets secondaires » sur le message d'informations accessoires. Le recours à des contours « généralisés » (c'est-à-dire simplifiés) apparaît légitime puisqu'il contribue à concentrer le regard du lecteur sur l'essentiel mais, si l'on va très loin dans l'autre sens, le choix de formes géométriques simples, aux significations culturelles fortes, peut créer de nouvelles interférences et des effets indésirables ; c'est un des paradoxes de l'approche chorématique en modélisation cartographique.