7

Click here to load reader

SUR LE DROIT ET LA DÉMOCRATIE - palimpsestes.frpalimpsestes.fr/quinquennat/notions_etudes/comm_politique/habermas/... · établissement. Toute autre reproduction ou représentation,

  • Upload
    vannhu

  • View
    212

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

SUR LE DROIT ET LA DMOCRATIENote pour un dbatJrgen Habermas Gallimard | Le Dbat 1997/5 - n 97pages 42 47

ISSN 0246-2346

Article disponible en ligne l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-le-debat-1997-5-page-42.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Habermas Jrgen, Sur le droit et la dmocratie Note pour un dbat,

Le Dbat, 1997/5 n 97, p. 42-47. DOI : 10.3917/deba.097.0042

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution lectronique Cairn.info pour Gallimard.

Gallimard. Tous droits rservs pour tous pays.

La reproduction ou reprsentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorise que dans les limites desconditions gnrales d'utilisation du site ou, le cas chant, des conditions gnrales de la licence souscrite par votretablissement. Toute autre reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manire quece soit, est interdite sauf accord pralable et crit de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislation en vigueur enFrance. Il est prcis que son stockage dans une base de donnes est galement interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tl

cha

rg

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it P

aris

-Des

cart

es -

Par

is 5

-

- 19

3.51

.85.

60 -

11/

11/2

012

09h5

3.

Gal

limar

d D

ocument tlcharg depuis w

ww

.cairn.info - Universit P

aris-Descartes - P

aris 5 - - 193.51.85.60 - 11/11/2012 09h53. G

allimard

Jrgen Habermas

Sur le droitet la dmocratie

Note pour un dbat

Ce quun auteur a vritablement dit dans etpar un livre relve de linterprtation. Un lec-teur intelligent le saura presque toujours mieuxque lauteur lui-mme. Lauteur sait seulementce quil avait lintention de dire. Avec Droit etdmocratie, je pense avoir apport des contribu-tions spcifiques six sujets1 :

1. la forme et la fonction du droit moderne ;2. le rapport entre le droit et la morale ;3. le rapport entre les droits de lhomme et

la souverainet populaire ;4. la fonction pistmique de la dmocratie ;5. le rle central de la communication

publique dans la dmocratie de masse ;6. le dbat sur les paradigmes concurrents

du droit.

1. Le premier sujet la forme et la fonctiondu droit moderne nous vient dune contro-verse sociologique sur la fonction du droitmoderne. La question est de savoir si le droitmoderne est uniquement un moyen pour lexer-

cice du pouvoir administratif ou politique, ou sile droit fonctionne encore comme un mdiumde lintgration sociale. Sur ce point, je rejoinsmile Durkheim et Talcott Parson contre MaxWeber : de nos jours, les normes juridiques sontce qui reste du ciment effrit de la socit ; sitous les autres mcanismes dintgration socialesont puiss, le droit apporte encore quelquesmoyens de maintenir ensemble des socitscomplexes et centrifuges qui sans cela se dsa-grgeraient.

Le droit apparat comme un substitut auxchecs des autres mcanismes dintgration les marchs et les administrations, ou les va-leurs, les normes et les communications en vis--vis. Sa capacit dintgration peut sexpliquerpar le fait que les normes juridiques sont par-ticulirement fonctionnelles en raison dunecombinaison intressante de proprits for-

Le prsent texte est celui de la contribution de JrgenHabermas au dbat organis au Centre Georges-Pompidou,le 10 janvier 1997, loccasion de la sortie de la traductionfranaise de Droit et dmocratie.

1. Jrgen Habermas, Droit et dmocratie. Entre faits et normes, trad. par Rainer Rochlitz et Christian Bou-chindhomme, Paris, Gallimard, 1997.

Habermas P.qxd 27/05/2003 12:58 Page 42

Doc

umen

t tl

cha

rg

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it P

aris

-Des

cart

es -

Par

is 5

-

- 19

3.51

.85.

60 -

11/

11/2

012

09h5

3.

Gal

limar

d D

ocument tlcharg depuis w

ww

.cairn.info - Universit P

aris-Descartes - P

aris 5 - - 193.51.85.60 - 11/11/2012 09h53. G

allimard

43

melles : le droit moderne est converti en termesde droits subjectifs ; cest un droit dict oupositif comme dexcution obligatoire ou coer-citif. Et bien que le droit moderne nexige de sesdestinataires rien de plus quun comportementconforme aux normes, il doit toutefois satisfairelattente de lgitimit en sorte quil permette aumoins ceux qui vont suivre les normes de lefaire, sils le souhaitent, par respect pour la loi.On devine aisment les raisons pour lesquellescette forme lgale convient aux exigences dessocits modernes :

Le droit moderne est suppos garantirune gale distribution des droits subjectifs entretous. De telles liberts fonctionnent comme uneceinture de scurit pour la poursuite par cha-cun de ses propres prfrences et orientationsen fonction des valeurs ; par l mme, il cor-respond la structure de la prise de dci-sion dcentralise (laquelle est particulirementrequise pour les socits de march).

Le droit moderne est dict par un lgisla-teur politique et, par sa forme, il confre desprogrammes flexibles et leur implmentationune autorit qui oblige. Il correspond donc aumode particulier de fonctionnement de ltatadministratif moderne.

Le droit moderne est dexcution obliga-toire par la menace de sanctions tatiques et ilgarantit, au sens dune obissance ordinaire, la lgalit du comportement. Il corresponddonc la situation de socits pluralistes o lesnormes juridiques ne sont plus enchsses dansun ethos dominant partag par lensemble de lapopulation.

Le droit moderne garantit, nanmoins, lastabilit des attentes de comportement laseule condition que les gens puissent accepterdes normes dictes ou excutoires en mmetemps que des normes lgitimes qui mritent la

reconnaissance intersubjective. Le droit corres-pond donc une conscience morale post-tradi-tionnelle de citoyens qui ne sont plus disposs suivre des commandements, sauf pour debonnes raisons.

2. Le deuxime sujet le rapport entre ledroit et la morale nous vient de la contro-verse entre le positivisme juridique (legal posi-tivism) et les thories du droit naturel sur la ques-tion de savoir comment expliquer la validitspcifique du droit. Les deux positions rencon-trent des difficults bien connues et compl-mentaires. En un mot : dun ct, les positivistesconoivent les normes juridiques comme desexpressions de la volont suprieure des autori-ts politiques, ayant valeur dobligation. lins-tar des partisans du ralisme juridique (legalrealists), qui traitent les normes juridiquescomme de simples rsultats de dcisions depolitique, les positivistes ne peuvent expliquercomment la lgitimit peut sourdre de la simplelgalit. Les deux parties refusent de recon-natre toute prtention la lgitimit plus forteque le type de validit juridique qui conduit ldiction formellement correcte et limpositionefficace. De lautre ct, les tenants des thoriesdu droit naturel drivent immdiatement lalgitimit du droit positif dune loi morale sup-rieure. Le droit positif reprsente ici le plus basniveau dune hirarchie de lois, au sommet delaquelle trne la loi naturelle, qui est expliqueen termes mtaphysiques ou religieux. Mme sinous laissons de ct les problmes du fondatio-nalisme, une telle assimilation du droit lamorale occulte dimportantes diffrences quiexistent entre lun et lautre. Tandis que lesnormes morales nous disent dabord ce quenous devons faire et ce que nous devons cha-cun, le droit moderne est au premier chef des-

Jrgen HabermasSur le droit

et la dmocratie

Habermas P.qxd 27/05/2003 12:58 Page 43

Doc

umen

t tl

cha

rg

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it P

aris

-Des

cart

es -

Par

is 5

-

- 19

3.51

.85.

60 -

11/

11/2

012

09h5

3.

Gal

limar

d D

ocument tlcharg depuis w

ww

.cairn.info - Universit P

aris-Descartes - P

aris 5 - - 193.51.85.60 - 11/11/2012 09h53. G

allimard

44

tin distribuer des liberts individuelles dterminer des sphres prives au sein des-quelles chacun est libre de faire ce que bon luisemble. Par ailleurs, les droits moraux driventdes devoirs des autres envers nous, tandis quedans le droit les droits sont antrieurs auxdevoirs, puisque les devoirs lgaux rsultentseulement des contraintes mutuelles de libertsgalement distribues.

Ces insuffisances complmentaires nousconduisent conclure que la lgitimit du droitne doit pas tre assimile la validit morale, ni que le droit devrait tre totalement spar dela morale. On comprend mieux le droit si lon y voit un complment fonctionnel une moralefaible post-traditionnelle qui, au-del de lins-titutionnalisation, est uniquement enracinedans la conscience de la personne individuelle.

Du point de vue de lobservateur, le droitmoderne peut ainsi compenser les incertitudesde la conscience morale qui fonctionne habi-tuellement bien dans le seul contexte decontacts en vis--vis, alors que le droit coercitifa un impact qui va bien au-del. Dans le mmetemps, le droit positif ne perd pas tout contenumoral, du moins aussi longtemps quil rpond la prtention la lgitimit.

3. Le troisime sujet le rapport entre lesdroits de lhomme et la souverainet populaire nous vient dune controverse durable sur lasource de lgitimit. Du fait de la positivit dudroit, nous devons distinguer ici le rle desauteurs qui font (et appliquent) le droit de celuides destinataires qui sont les sujets du droit ta-bli. Lautonomie de la personne, qui pour ainsidire, dans le domaine moral, est tout dunepice, apparat dans le domaine du droit sous laseule forme duale dune autonomie prive etpublique. Ces deux lments les liberts du

sujet du droit priv et lautonomie politique descitoyens doivent tre mdis de manirequaucune forme de lautonomie ne soit entra-ve par lautre. Cela revient dire que les per-sonnes juridiques peuvent tre autonomes dansla seule mesure o elles peuvent se comprendreelles-mmes, dans lexercice de leurs droitsciviques, comme les auteurs prcisment de cesnormes auxquelles elles sont supposes obircomme destinataires. Toutefois, cette intuitionna jamais t explique de manire rellementconvaincante dans la Thorie politique.

La tradition rpublicaine, qui remonte Aristote et lhumanisme politique de laRenaissance, a toujours donn lautonomiepublique des citoyens la priorit sur les libertsprpolitiques des personnes prives. Le libra-lisme, pour sa part, a toujours invoqu le dangerde majorits tyranniques et postul la prioritde ltat de droit comme tant garantie par desliberts ngatives. Les droits de lhomme sontsupposs dresser des barrires lgitimes quiempchent la volont souveraine du peupledempiter sur les sphres inviolables de lalibert individuelle. Mais ces deux conceptionssont unilatrales. Ltat de droit, exprim danslide de droits de lhomme, ne doit ni trepurement impos au lgislateur souveraincomme une barrire extrieure, ni tre instru-mentalis comme un rquisit fonctionnel duprocessus dmocratique. Afin darticuler cor-rectement cette intuition, il nous faut regarder leprocessus dmocratique du point de vue de lathorie de la discussion.

Je ne puis ici rsumer largument complexede linterdpendance des droits de lhomme etde la souverainet populaire. Je me permettraideux remarques. La premire suggestion estquil faut concevoir les droits de lhommecomme ce qui est ncessaire linstitutionnali-

Jrgen HabermasSur le droit

et la dmocratie

Habermas P.qxd 27/05/2003 12:58 Page 44

Doc

umen

t tl

cha

rg

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it P

aris

-Des

cart

es -

Par

is 5

-

- 19

3.51

.85.

60 -

11/

11/2

012

09h5

3.

Gal

limar

d D

ocument tlcharg depuis w

ww

.cairn.info - Universit P

aris-Descartes - P

aris 5 - - 193.51.85.60 - 11/11/2012 09h53. G

allimard

45

sation juridique du processus dmocratiquedauto-lgislation. Toutefois, de prime abord,cela est uniquement plausible pour ces droitsciviques le droit de communication et ledroit de participation qui donnent auxcitoyens le pouvoir dexercer leur autonomiepolitique. La suggestion est moins plausiblepour les droits de lhomme classiques qui garan-tissent lautonomie prive des citoyens. Aussiest-il en outre suggr danalyser la grammairemme du langage du droit que les citoyens doi-vent parler quand ils dsirent agir en tant quecitoyens. En dautres termes, le code du droit ensoi doit tre disponible aussitt que nous dsi-rons institutionnaliser juridiquement un proces-sus dmocratique. Nous savons cependant,grce lanalyse de la forme du droit, que nousne pouvons tablir dordre lgal daucune sortesans crer des reprsentants pour les personneslgales qui sont les porteurs des droits indivi-duels de quelque droit quil sagisse. Et assu-rer un droit subjectif revient fournir unegarantie pour lautonomie prive. Tel est donc lenud de largument : sans les droits de base quigarantissent lautonomie prive des citoyens, ilny aurait galement aucun mdium pour lins-titutionnalisation juridique des conditions danslesquelles ces citoyens pourraient faire usage deleur autonomie publique. Lautonomie prive et lautonomie publique se prsupposent doncmutuellement en sorte que ni les droits delhomme ni la souverainet populaire ne peu-vent rclamer la primaut sur lautre.

4. Le quatrime sujet la fonction pist-mique de la dmocratie nous vient de laquestion de savoir pourquoi nous devons esp-rer que la lgitimit du droit merge du proces-sus dmocratique. Lapproche de la thorie dela discussion explique la force gnratrice de

lgitimit qua ce processus grce une proc-dure dmocratique qui fonde la prsomption delacceptabilit rationnelle des rsultats. Lesnormes doivent leur lgitimit un type dereconnaissance fond sur laccord motivrationnellement. Cette supposition est formuledans les termes du principe de discussion : Sont valides strictement les normes dactionsur lesquelles toutes les personnes susceptiblesdtre concernes dune faon ou dune autrepourraient se mettre daccord en tant que parti-cipants des discussions rationnelles2. La tra-dition contractualiste jusqu Rousseau et Kantsest galement rfre la raison commefondement post-mtaphysique de lordre juri-dique et de lordre politique. Cette conceptionmentaliste de la raison est de nos jours trans-crite, toutefois, en termes pragmatistes et peleen termes de pratiques qui donnent des raisonsou comme des conditions de la dlibration. La discussion rationnelle est suppose trepublique et inclusive, accorder des droits decommunication gaux aux participants, requ-rir sincrit et interdire toute sorte de forceautre que la faible force du meilleur argument.Cette structure de communication est supposecrer un espace dlibratif pour la mobilisationdes meilleures contributions disponibles sur lessujets les plus pertinents.

Dlibration est ici entendu au sens largeet recouvre un large ventail de raisons. Selonles raisons empiriques, techniques, pruden-tielles, thiques, morales ou juridiques, nousdistinguons diffrents types de discussionsrationnelles et de formes correspondantes decommunication. Lacceptabilit rationnelle desnormes juridiques ne dpend pas prioritaire-

Jrgen HabermasSur le droit

et la dmocratie

2. Jrgen Habermas, Droit et dmocratie, op. cit., p. 123(N.d.T.).

Habermas P.qxd 27/05/2003 12:58 Page 45

Doc

umen

t tl

cha

rg

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it P

aris

-Des

cart

es -

Par

is 5

-

- 19

3.51

.85.

60 -

11/

11/2

012

09h5

3.

Gal

limar

d D

ocument tlcharg depuis w

ww

.cairn.info - Universit P

aris-Descartes - P

aris 5 - - 193.51.85.60 - 11/11/2012 09h53. G

allimard

46

ment de considrations morales, mais dautrestypes de dlibration comme de processus dengociation quitables. Les compromis sont,aprs tout, le cur du politique. Quoi quil ensoit, la notion de dlibration va frayer la voiedune conception de la lgitimation en termesde processus. La lgitimation dpend dune ins-titutionnalisation juridique approprie de cesformes de discussion et de ngociation qui-table qui fonde le prsuppos de lacceptabilitrationnelle des rsultats. La politique dlibra-tive est, par l mme, rattache une notioncomplexe de lgitimit procdurale. Il y a troistypes de procdures mles dans le processusdmocratique : dabord, les procdures pure-ment cognitives de la dlibration, des formesvaries de la dlibration ; puis, il y a les proc-dures de dcision qui lient les dcisions auxdlibrations antrieures (ordinairement, la loide la majorit) ; enfin, il y a les procdures juri-diques qui spcifient et rgulent avec forcedobligation les aspects matriel, social et tem-porel des processus de formation de lopinion etde la volont.

5. Le cinquime sujet le rle central de la communication publique est une cons-quence vidente de lapproche propose par lathorie de la discussion. Dun point de vue nor-matif, les aspects structuraux de la communica-tion politique sont plus importants que les pro-prits individuelles, telles que la capacit defaire un choix rationnel ou les bonnes inten-tions. La communication publique doit treinclusive et slective en mme temps ; elle doittre conduite de telle sorte que des sujets perti-nents mergent, des contributions intressanteset des informations fiables apparaissent, debons arguments ou des compromis quitablesen rsultent. Cette vue est suffisamment abs-

traite pour combler le foss entre lide norma-tive de lauto-lgislation et les faits des socitscomplexes.

En vertu de lapproche propose par la thorie de la discussion, nous pouvons d-sormais dconnecter lide de souverainetpopulaire de ce qui la porte traditionnellement, le peuple , notion trop concrte dans les cir-constances prsentes. Au niveau normatif, uneautre conception prend la place de la souverai-net du peuple : la libert de communicationdes citoyens, suppose conduire lusage publicde la raison. Des acteurs collectifs de la socitcivile qui sont suffisamment autonomes et unesphre publique qui est suffisamment sensibleet inclusive peuvent tous deux percevoir desproblmes pertinents lchelle de toute lasocit, les transcrire en termes de questionspubliques et donc engendrer, travers diversrseaux, l influence de lopinion publique.Mais une telle influence nest transforme en pouvoir que par linteraction de cette com-munication publique informelle et diffuse avecles processus formellement organiss de forma-tion de lopinion et de la volont, dabord incar-ns dans le complexe parlementaire et judi-ciaire. Le pouvoir communicationnel estproduit selon les procdures dmocratiques des corps dlibratifs, puis il est transform, via des programmes lgislatifs et des dcisionsde cours, en un pouvoir administratif , dis-ponible fin dimplmentation. Cela est en-core, bien videmment, limage officielle dontscarte grandement le rel circuit du pouvoir.Mais cest une image qui permet de lier lauto-comprhension normative de la dmocratieconstitutionnelle ses pratiques relles.

6. Le dernier sujet lintroduction dunnouveau paradigme procdural du droit nous

Jrgen HabermasSur le droit

et la dmocratie

Habermas P.qxd 27/05/2003 12:58 Page 46

Doc

umen

t tl

cha

rg

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it P

aris

-Des

cart

es -

Par

is 5

-

- 19

3.51

.85.

60 -

11/

11/2

012

09h5

3.

Gal

limar

d D

ocument tlcharg depuis w

ww

.cairn.info - Universit P

aris-Descartes - P

aris 5 - - 193.51.85.60 - 11/11/2012 09h53. G

allimard

47

vient de la comptition sans espoir entre lesdeux paradigmes reus du droit : le paradigmelibral et le paradigme de ltat-providence. Leparadigme libral repose sur une socit cono-mique laisse luvre spontane du march etinstitutionnalise travers le droit priv, etdabord travers les droits de la proprit et lalibert de contracter. Si, toutefois, la libre capa-cit des personnes prives possder ou acqu-rir la proprit est suppose garantir la justicesociale, alors des opportunits gales doiventpouvoir rendre effectif lusage de pouvoirs juri-diques galement distribus. Mais les socitscapitalistes ne rpondent pas cette condition.En sorte que les tenants du paradigme de ltat-providence arguent pour la compensation desingalits croissantes dans le pouvoir cono-mique, la proprit, les revenus et les conditionsde vie. Le droit priv doit tre substantiellementspcifi et les droits sociaux introduits. Dans lemme temps, les effets involontaires du pa-ternalisme de ltat-providence marquent leslimites de cette alternative. Il apparat que toutle dbat est trop troitement centr sur lauto-nomie prive, tandis que le rapport interneentre lautonomie prive et lautonomie publiquechappe au dbat. Entre les deux paradigmesreus, le seul sujet de controverse est de savoirsi lautonomie prive est mieux garantie directe-ment par les liberts ngatives ou si lmergencede lautonomie prive doit tre assure par lagarantie des droits des prestations sociales.

La sortie de cette impasse est indique parun autre paradigme, le paradigme procdural,qui ne se centre ni sur le comptiteur priv surles marchs ni sur lusager priv des bureaucra-ties de ltat-providence, mais sur le citoyen qui

participe la formation de lopinion et de lavolont. Car des sujets de droit priv ne peuventjouir de liberts gales si eux-mmes en com-mun nexercent pas lavance leur autonomiecivique afin de spcifier quels intrts et quelscritres dvaluation sont justifis pour dtermi-ner un traitement gal pour ce qui est semblableet ingal pour ce qui est diffrent. Des citoyensne peuvent parvenir des rgulations quitablespour leur statut priv qu la condition de faireun usage appropri de leurs droits politiquesdans le domaine public. Ils doivent vouloir participer la lutte pour dfinir ce qui estpublic, pour interprter et valuer leurs propresbesoins, avant que lgislateurs et juges puissentmme savoir ce que cela signifie dans chaquecas de traiter galement ce qui est semblable.Dans des socits hautement diffrencies avecune diversit sans transparence dintrts, cestune exigence pistmique de lgale distributiondes liberts pour chacun que les citoyens affec-ts ou concerns au premier chef dfendenteux-mmes leurs revendications dans le dbatpublic, articulent et justifient les aspects quirelvent dun traitement gal dans des situationstypiques. En un mot, lautonomie prive decitoyens dots de droits gaux prestationssociales ne peut tre assure que pour autantque les citoyens exercent activement leur auto-nomie civique3.

Jrgen Habermas.Traduit de langlais par ric Vigne.

Jrgen HabermasSur le droit

et la dmocratie

3. Le traducteur remercie Rainer Rochlitz pour ses sug-gestions.

Habermas P.qxd 27/05/2003 12:58 Page 47

Doc

umen

t tl

cha

rg

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it P

aris

-Des

cart

es -

Par

is 5

-

- 19

3.51

.85.

60 -

11/

11/2

012

09h5

3.

Gal

limar

d D

ocument tlcharg depuis w

ww

.cairn.info - Universit P

aris-Descartes - P

aris 5 - - 193.51.85.60 - 11/11/2012 09h53. G

allimard