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5/25/2018 SylvereNdayambajeDroitsHumains-slidepdf.com http://slidepdf.com/reader/full/sylvere-ndayambaje-droits-humains 1/7  Droit de l’homme et lutte contre le terrorisme Sylvère Ndayambaje  Expert en Questions de Défense et de Sécurité, Stratégie, Gestion des Conflits et des Catastrophes Introduction De manière générale, on peut définir le terrorisme comme un mode d’expression par l’usage de la peur et de la terreur. Cette pratique très ancienne a  pris une dimension toute particulière depuis les attentats du 11 septembre 2001. Identifié alors comme nouvelle menace contre la paix et la sécurité internationale de l’âpres guère froide, le terrorisme fait l’objet d’une forte mobilisation des Etats. Ainsi le phénomène frénétique observé à la période post guerre mondiale à travers la course effrénée aux armements, la lutte antiterroriste est devenue le champ de bataille privilégié des Etats, surtout industrialisées. Cependant, Irène Khan, le secrétaire général d’Amnesty International pense que «la guerre contre le terrorisme est loin de rendre le monde plus sûr. Cette guerre l’a rendu plus dangereux en restreignant les droits fondamentaux des personnes, en portant atteinte à l’autorité du droit international et en permettant aux gouvernements d’échapper aux regards critique »Le terrorisme constitue donc l’une des plus grandes plaies en ce début du 21 ème  siècle. Pour Wole SOYIKNA et James ROSENEAU, les attentants du 11 septembre 2001 ne méritent pas toute l’attention qu’on leur porte, ces attentants ont déterminé un revirement dans la nouvelle orientation de la politique sécuritaire des Etats-Unis depuis la fin de la guerre froide. De cette manière, le débat de lutte contre le terrorisme a été porté au conseil de sécurité des Nations Unies. C’est dire l’importance du problème. De même, la culture des droits de l’homme constitue l’une des préoccupations majeures de la communauté internationale. D’où la pertinence du débat à  propos de la conciliation entre droits de l’homme et lutte contre le terrorisme. La problématique d’un tel débat est d’autant plus singulière qu’elle présente un dilemme qui se pose à toute démocratie. Comment lutter efficacement contre le terrorisme tout en respectant les droits de l’homme Peut-on combattre démocratiquement le terrorisme ? L’une des démarches pour dénouer cette crise consiste d’abord à examiner l’acuité du dilemme « du maximum de droits de l’homme et du maximum de sécurité » dans la démocratie d’une part et rechercher les conditions de l’efficacité de lutte contre le terrorisme dans un environnement où le respect des droits de l’homme est incontournable de l’autre part.

Sylvere Ndayambaje Droits Humains

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  • Droit de lhomme et lutte contre le terrorisme

    Sylvre Ndayambaje Expert en Questions de Dfense et de Scurit, Stratgie, Gestion des Conflits et des

    Catastrophes Introduction De manire gnrale, on peut dfinir le terrorisme comme un mode dexpression par lusage de la peur et de la terreur. Cette pratique trs ancienne a pris une dimension toute particulire depuis les attentats du 11 septembre 2001. Identifi alors comme nouvelle menace contre la paix et la scurit internationale de lpres gure froide, le terrorisme fait lobjet dune forte mobilisation des Etats. Ainsi le phnomne frntique observ la priode post guerre mondiale travers la course effrne aux armements, la lutte antiterroriste est devenue le champ de bataille privilgi des Etats, surtout industrialises. Cependant, Irne Khan, le secrtaire gnral dAmnesty International pense que la guerre contre le terrorisme est loin de rendre le monde plus sr. Cette guerre la rendu plus dangereux en restreignant les droits fondamentaux des personnes, en portant atteinte lautorit du droit international et en permettant aux gouvernements dchapper aux regards critique Le terrorisme constitue donc lune des plus grandes plaies en ce dbut du 21me sicle. Pour Wole SOYIKNA et James ROSENEAU, les attentants du 11 septembre 2001 ne mritent pas toute lattention quon leur porte, ces attentants ont dtermin un revirement dans la nouvelle orientation de la politique scuritaire des Etats-Unis depuis la fin de la guerre froide. De cette manire, le dbat de lutte contre le terrorisme a t port au conseil de scurit des Nations Unies. Cest dire limportance du problme. De mme, la culture des droits de lhomme constitue lune des proccupations majeures de la communaut internationale. Do la pertinence du dbat propos de la conciliation entre droits de lhomme et lutte contre le terrorisme. La problmatique dun tel dbat est dautant plus singulire quelle prsente un dilemme qui se pose toute dmocratie. Comment lutter efficacement contre le terrorisme tout en respectant les droits de lhomme Peut-on combattre dmocratiquement le terrorisme ? Lune des dmarches pour dnouer cette crise consiste dabord examiner lacuit du dilemme du maximum de droits de lhomme et du maximum de scurit dans la dmocratie dune part et rechercher les conditions de lefficacit de lutte contre le terrorisme dans un environnement o le respect des droits de lhomme est incontournable de lautre part.

  • I-LE DILEMME DU MAXIMUM DE SECURITE ET DU MAXIMUM DES DROITS DE LHOMME ET DE LIBERTE.

    En mme temps que la dmocratie signifie galement respect des droits de lhomme, elle doit aussi faire face des attentants terroristes. Lutte contre le terrorisme et respect des droits de lhomme procdent de deux logiques diffrentes. Mais, le premier droit de lhomme, cest le droit la vie, la scurit.

    A- Droits de lhomme et lutte contre le terrorisme: deux logiques diffrentes.

    Le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme prconise le respect des droits et liberts fondamentales de lhomme dans la lutte antiterroriste. Cest le principe vhicul dans la rsolution 2003/68 de la commission des droits de lhomme. Dans la prambule de la dite rsolution, en paragraphe 6, le Haut commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme en collaboration avec la dclaration du programme daction de vienne adopte par la confrence mondiale sur les droits de lhomme le 25 juin 1993, condamne tous actes, mthodes et pratiques de terrorisme, sous toutes leurs formes visant anantir les droits de lhomme, les liberts fondamentales de la dmocratie, lintgrit territoriale et la scurit des Etats. A cet effet, les mesures qui simposent doivent tre prises par la communaut internationale pour renforcer la coopration en vue dempcher et combattre le terrorisme. Cependant, dans les points 6 et 7 de la mme rsolution 2003/68, le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme insiste sur la ncessit de veiller au respect des droits de lhomme dans la campagne internationale antiterroriste et encourage les Etats tenir en compte les rsolutions et les dcisions pertinentes de lorganisation des Nations Unies concernant le respect des droits de lhomme dans la lutte antiterroriste. Le respect des droits de lhomme est donc une exigence capitale et fondamentale en dmocratie. Dmocratie signifie aussi respect des droits de lhomme. Les droits de lhomme sont en effet une donne incontournable en matire de dmocratie. Les droits de lhomme, cest la logique dmocratique. Dans le mme temps, cette dmocratie doit galement faire face au problmes de plus en plus crucial de la lutte contre le terrorisme qui est devenu dans le cadre du droit international public post le 11 septembre 2001, une menace la paix et la scurit internationale. Pour sa part, le conseil de scurit dans sa rsolution 1368 du 12 septembre 2001, reconnat le droit la scurit comme

  • inhrent la lgitime dfense individuelle ou collective conformment la charte. La lutte contre le terrorisme procde ainsi dune logique scuritaire. Nous sommes alors en face de deux logiques diffrentes, mais qui doivent cohabiter en dmocratie. Comment dmler donc lcheveau ? Pour les terroristes, notamment ceux du rseau Al Qaida, lallgeance lIslam transcende lallgeance lEtat. C'est--dire que la mort pour lIslam est la voie royale pour le paradis. La caractristique premire du terroriste, cest de rfuter les droits des autres, notamment le droit la scurit, la vie qui constitue le premier droit de lhomme. B- Le premier droit de lhomme, cest le droit la scurit, et la Vie dans toutes les dmocraties. Qui dit terrorisme, dit terreur, mort, ngation la vie. Le terrorisme lui-mme nie le droit des autres la vie, la scurit. Or, la scurit est la premire condition de lpanouissement de lhomme en socit, y compris du terroriste lui-mme. Il faut respecter les droits de tous les hommes, mme du terroriste. Cest ici toute la pertinence de la polmique entre le CICR et le Gouvernement amricain pour les terroristes emprisonns Guatanamo qualifis de combattants illgaux et qui les Amricains refusent le statut de prisonnier de guerre. Ce dbat affecte grandement le Droit International Humanitaire. Car au dpart, les parties au conflit cetant les Etats, bien quil y ait souvent eu change de prisonnier de guerre entre lOrganisation de libration de la Palestine (OLP) et lEtat dIsral. Le respect des droits de lhomme apparat ainsi comme un obstacle la lutte efficace contre le terrorisme, do les difficults rencontres par les dmocraties dans le cadre de la lutte contre ce flau. Pour certaines organisations de dfense des droits de lhomme comme par exemple lAmnesty International et Human Right Watch disent que la lutte antiterroriste entreprise par la communaut internationale, en loccurrence par les Etats -Unis constitue dans sa pratique, une entrave grave contre les droits et liberts fondamentales de lhomme. Cest ce que ressort du rapport annuel 2003 dAmnesty international qui stipule que . Tout en prtendant uvrer en Irak pour que les victimes obtiennent une justice, les Etats Unis se sont efforcs de saper les fondements de la Cour Pnal Internationale, traduction du principe de justice universelle. Dans le mme ordre dide, Irne Khan, secrtaire gnral dAmnesty International, tout en prenant position contre le terrorisme et en ritrant le respect des droits de lhomme dans la lutte contre ce phnomne dclare ceci : Nous devons absolument rsister la manipulation de la peur et nous opposer aux vises troites des promoteurs

  • de cette politique scuritaire. La dfinition de la scurit doit tre largie afin de prendre en compte la scurit des personnes aussi bien que des Etats.Cela implique un engagement en faveur des droits de lhomme La lutte contre le terrorisme appelle donc certaines mesures incontournables dans un environnement respectueux des droits de lhomme.

    II-LES CONDITIONS DE L4EFFICACITE DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME DANS UN ENVIRONNEMENT RESPECTUEUX DES DROITS DE LHOMME

    Il nest pas ais de lutte contre le terrorisme dans environnement o les droits de lhomme sont sanctifis. Cest dire que la lutte ici est voue la timidit, linefficacit. Pourtant, il faut aussi assurer la scurit des personnes et des biens. Cest comme nous lavons dit : le dilemme des services de scurit. Il sagit ainsi pour ceux-ci de faire preuve de beaucoup dingniosit en privilgiant la prvention c'est--dire le renseignement. Mais, certaines personnes pensent aussi que la vulgarisation de la dmocratie et du dveloppement peut aussi contribuer la lutte contre le terrorisme.

    A- Limportance de la prvention : le renseignement en matire de lutte Antiterroriste en dmocratie. Il sagit ici dune lutte en amont. Le conflit entre les Etats et les groupes terroristes est une guerre asymtrique. Ce nest pas une guerre de position, cest une guerre transnationale. Do limportance du renseignement ici.

    Le renseignement consiste dtecter tout mouvement, toute personne suspecte de toute prparation dlictueuse de nature permettre la commission des actes terroristes. La recherche du renseignement doit se faire tant lintrieur qu lextrieur du pays. Les Etats comme les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne et bien dautres ont renforc leurs systmes de renseignement en instaurant les mcanismes dcoutes tlphoniques, de vido surveillance, de dpouillement du courrier. De tels actes constituent une atteinte grave larticle 12 de la dclaration universelle des droits de lhomme qui proscrit toutes immixtions arbitraires dans la vie prive de lindividu. Dun autre ct, les Etats recourent des pratiques dgradantes et inhumaines sur les prisonniers prsums terroristes qui, pour la majorit font lobjet de dtentions indfinies et sans jugement. Lexemple des Etats-Unis et leurs prisonniers dAbou Graib en Irak et des Guatanamo bay Cuba justifie cette thse. De telles pratiques vont lencontre de lesprit et la lettre des articles 5 et 11 de la dclaration universelle des droits de lhomme qui prconisent le respect de la dignit humaine et recommandent un procs public toute personne dtenue. En

  • voulant entrer dans cette logique, la nouvelle administration amricaine veut fermer le camp de Guatanamo qui a fait coul beaucoup dencrs et de salive. Dailleurs, certains prisonniers prsums terroristes commencent retrouver leur libert. Ce geste a t salu par les dfenseurs des droits de lhomme. Mais beaucoup reste faire .Il est noter que les Etats ont renforc le systme de filtration au niveau des frontires, ce qui rend plus compliqus les dplacements des immigrants et les demandes dasile pour les rfugies. Cela est une atteinte aux articles 13 et 14 de la dclaration universelle des droits humains sur la libert de circulation et le droit lasile. Certains Etats font aussi les immixtions au niveau des transactions bancaires dont lobjet est dintercepter les fonds susceptibles de financer les activits terroristes. Il est noter aussi que les Etats membres de lOrganisation du Trait dAtlantique Nord(OTAN) se sont engags entre autre, renforcer le partage des donnes du renseignement et la coopration contre les menaces antiterroristes ; accorder des autorisations de survols gnrales pour les appareils des Etats-Unis et dautres allis lis des oprations antiterroristes ; assurer aux Etats-Unis et dautres allis laccs aux ports et aux arodromes situs sur les territoires des pays de lOTAN.

    Cest dans cette optique que le congr amricain a adopt le 11 octobre 2001, le Patriot Act , afin daccrotre les pouvoirs de ladministration en matire de collecte dinformation, dinterception par tlphone, par e-mail. La recherche du renseignement suppose donc une atteinte srieuse aux droits des personnes, notamment le droit la vie prive. Toute rpression brutale du terrorisme suscitant une raction de la part de lopinion internationale, il ya la ncessit, pour certains de promouvoir dans le monde entier la dmocratie et le dveloppement. B- La promotion de la dmocratie et du dveloppement comme moyens de lutte contre le terrorisme Il faut dire de faon gnrale que une lutte judicieuse pourrait sattaquer non pas aux effets mais aux causes du terrorisme. Car, ce phnomne nest pas un acte fortuit mais plutt une uvre organise et bien oriente qui se veut pour ses auteurs, un instrument de justice social. Cest peut tre dans cette lance que Irne Khan dit ceci : la lutte antiterroriste implique la reconnaissance du fait que linscurit et la violence sont dautant mieux combattues par les Etats que ceux-ci sont efficaces et responsables et respectent les droits de lhomme plutt que de les violer Pour les amricains, les rgimes dictatoriaux constituent des sanctuaires pour les terroristes. Cest pourquoi, dans leur rle de puissance missionnaire, les Etats-Unis pensent que la vulgarisation des valeurs comme la libert, la dmocratie

  • peut permettre de lutter contre le terrorisme. Cest dans cette optique quils stigmatisent certains Etats dits axe du mal . Le renversement du rgime des Taribans en est une parfaite illustration. Mme dans les autres dmocraties occidentales classiques, la lutte contre le terrorisme engendre ladoption dune rglementation destines restreindre les droits de lhomme, allongement des gardes vue des terroristes, camera de surveillance, atteinte lintimit. Cest dire que, la vulgarisation de la dmocratie contribue la lutte contre le terrorisme et la dmocratie elle-mme est oblige de restreindre certains droits de lhomme pour faire face la menace terroriste. Le terroriste est par consquent souvent tortur. Pour Vieira De Mello, Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme affirme sans ombrage ceci : The best only strategy to isolate and overcome terrorism is to respect the human right, to promote social justice, to reinforce the democracy and to affirm the pramacy of the legal provision Dautres analystes pensent que la misre et le sous dveloppement sont des facteurs qui favorisent lmergence du terrorisme, surtout lorsquil ya une faible appropriation de lespace territorial par lEtat. Conclusion En dfinitive, il convient de retenir que la restriction des liberts individuelles dans la lutte contre le terrorisme nest pas une garantie absolue de scurit. Tout au contraire elle a largi les fosss entre les peuples de confession ou dorigine diffrente, semant les graines dautres conflits venir. Le rsultat le plus tangible de tout cela est davoir suscit une peur bien relle, aussi bien chez les riches que chez les pauvres. La communaut internationale devrait donc recentrer le discours sur la scurit internationale en gnrale et sur la lutte contre le terrorisme en particulier. Lemphase pourrait ainsi tre mise pour une guerre prventive base sur les causes de linscurit et non plus sur les symptmes. Car, au quatre coins du monde, les gouvernements ont dpens des milliards pour renforcer la scurit nationale et intensifier la guerre contre le terrorisme. Or, pour des millions de personnes, la vritable inscurit trouve sa source dans la corruption et lincomptence de la police et la justice, dans la rpression sanglante et la dissidence politique, dans la pauvret extrme et dans le dveloppement de maladies qui pourraient tre vites si une bonne dmocratie est bien instaure.