2
En résumé, les facteurs associés à l’asthme en Afrique sont la sensibilisation aux acariens, l’exposition au kérosène, l’exposition à la pollution automobile et des facteurs liés à l’alimentation. Et aux USA ? [3] Une augmentation de la mortalité par asthme a été observée aux USA entre 1969 et 1989. Elle s’accompagnait d’une aug- mentation des hospitalisations pour asthme chez les Afro-Améri- cains. Les raisons invoquées étaient, soit des modifications d’exposition aux allergènes, soit une modification du mode de vie. Les changements observés en ce qui concerne le mode de vie aux USA ont donc été analysés, et se sont révélés être les suivants : les abattoirs ont été supprimés, il y a très peu d’ani- maux domestiques, et une nette diminution des infections a été permise avec l’apparition de la pénicilline. La sensibilisation au chat est très faible aux USA ; 85 % des sensibilisations concernent les acariens et 84 % les blattes, avec une nette disparité entre les villes et selon le niveau socio-écono- mique. La sensibilisation aux acariens multiplie le risque d’asthme par 9,2, et la sensibilisation aux blattes par 5,2, chez les Afro-Américains comparativement aux sujets de race blanche. Des études interventionnelles ont montré qu’en dimi- nuant l’exposition aux acariens et aux blattes, on diminuait significativement le risque d’asthme et sa sévérité. Parmi les autres facteurs de risque d’asthme aux USA, il faut souligner l’importance de la pauvreté, de l’obésité et de la diminution de l’activité physique. 2S18 Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 2S15-2S20 Épidémiologie Synthèse : prévalence de l’asthme : tendances actuelles La plupart des études récentes montrent que la prévalence de l’asthme a atteint un plateau dans certains pays, tandis qu’une diminution s’amorce dans d’autres. Cependant, plusieurs questions se posent encore : à quoi est dû ce plateau ? À une détection précoce ? À une exposition diffé- rente aux allergènes ? Peut-être aussi à un meilleur diagnostic et au traitement par corticoïdes inhalés, puisque l’augmentation de 75 % de la prescription de ces derniers s’est accompagnée d’une diminution de 80 % des hospitalisations et, dans certains pays, d’un début de diminution de la mortalité par asthme. La tendance en Europe [1] Sur 25 études européennes récentes, 6 (dont 5 sont présen- tées dans le tableau I) rapportaient une mesure objective de l’allergie. En bref, 50 % de ces études montrent une stabilité ou une diminution de prévalence de l’asthme et 50 % une augmen- tation. Cependant, dans ces dernières la méthodologie était dis- cutable en termes d’outils épidémiologiques comparatifs. La ten- dance à la stabilité reste donc à confirmer par les données futures. Prévalence et déterminants de l’asthme dans les pays africains [2] Des travaux ont montré que la prévalence de l’asthme induit par l’exercice en Éthiopie est passée de 5 % en 1979 à 15 % en 1999, avec une différence entre milieux urbain et rural. Il existerait en parallèle une augmentation du risque de sifflements lors d’une forte exposition à la poussière. Mais il faut aussi signaler qu’une exposition domestique au kérosène (utilisé pour les lampes) était fortement associée au risque d’allergie (atopie, sifflements, eczéma). La sensibilisation aux acariens reste plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain, mais les urbains ont plus d’asthmes allergiques tandis que les ruraux ont plus souvent des asthmes non allergiques ; ces données font évoquer le rôle des endo- toxines ou des parasites, ce d’autant qu’il a été démontré que la fréquence des sifflements diminuait avec l’importance de l’infestation parasitaire. Pays Période Tranche d’âge Évolution de la prévalence Italie 1974-1998 6-16 ans Stable Allemagne 1988-1995 Adultes Diminution de 14 % à 9 % Suisse 1992-1999 13-14 ans Stable Allemagne 1992-2001 9-11 ans Stable Pays-Bas 1964-1999 9-12 ans Augmentation Tableau I. Évolution de la prévalence de l’asthme selon 5 études européennes. À RETENIR La prévalence de l’asthme a atteint un plateau dans certains pays, amorce une décroissance dans d’autres. L’asthme dans les pays africains est associé aux acariens, au kérosène, à la pollution automobile et à des facteurs alimentaires. Aux États-Unis, les facteurs associés à l’asthme sont surtout les acariens, les blattes, la pauvreté, l’obésité, la réduction d’activité physique.

Synthèse : prévalence de l’asthme : tendances actuelles

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Page 1: Synthèse : prévalence de l’asthme : tendances actuelles

En résumé, les facteurs associés à l’asthme en Afrique sont lasensibilisation aux acariens, l’exposition au kérosène, l’expositionà la pollution automobile et des facteurs liés à l’alimentation.

Et aux USA ? [3]

Une augmentation de la mortalité par asthme a été observéeaux USA entre 1969 et 1989. Elle s’accompagnait d’une aug-mentation des hospitalisations pour asthme chez les Afro-Améri-cains. Les raisons invoquées étaient, soit des modificationsd’exposition aux allergènes, soit une modification du mode de vie.

Les changements observés en ce qui concerne le mode devie aux USA ont donc été analysés, et se sont révélés être lessuivants : les abattoirs ont été supprimés, il y a très peu d’ani-maux domestiques, et une nette diminution des infections aété permise avec l’apparition de la pénicilline.

La sensibilisation au chat est très faible aux USA ; 85 % dessensibilisations concernent les acariens et 84 % les blattes, avecune nette disparité entre les villes et selon le niveau socio-écono-mique. La sensibilisation aux acariens multiplie le risqued’asthme par 9,2, et la sensibilisation aux blattes par 5,2, chezles Afro-Américains comparativement aux sujets de race blanche.

Des études interventionnelles ont montré qu’en dimi-nuant l’exposition aux acariens et aux blattes, on diminuaitsignificativement le risque d’asthme et sa sévérité.

Parmi les autres facteurs de risque d’asthme aux USA, ilfaut souligner l’importance de la pauvreté, de l’obésité et de ladiminution de l’activité physique.

2S18 Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 2S15-2S20

Épidémiologie

Synthèse : prévalence de l’asthme :

tendances actuelles

La plupart des études récentes montrent que la prévalencede l’asthme a atteint un plateau dans certains pays, tandisqu’une diminution s’amorce dans d’autres.

Cependant, plusieurs questions se posent encore : à quoi estdû ce plateau ? À une détection précoce ? À une exposition diffé-rente aux allergènes ? Peut-être aussi à un meilleur diagnostic et autraitement par corticoïdes inhalés, puisque l’augmentation de75 % de la prescription de ces derniers s’est accompagnée d’unediminution de 80 % des hospitalisations et, dans certains pays,d’un début de diminution de la mortalité par asthme.

La tendance en Europe [1]

Sur 25 études européennes récentes, 6 (dont 5 sont présen-tées dans le tableau I) rapportaient une mesure objective del’allergie. En bref, 50 % de ces études montrent une stabilité ouune diminution de prévalence de l’asthme et 50 % une augmen-tation. Cependant, dans ces dernières la méthodologie était dis-cutable en termes d’outils épidémiologiques comparatifs. La ten-dance à la stabilité reste donc à confirmer par les données futures.

Prévalence et déterminants de l’asthme dans

les pays africains [2]

Des travaux ont montré que la prévalence de l’asthme induitpar l’exercice en Éthiopie est passée de 5 % en 1979 à 15 % en1999, avec une différence entre milieux urbain et rural. Il existeraiten parallèle une augmentation du risque de sifflements lors d’uneforte exposition à la poussière. Mais il faut aussi signaler qu’uneexposition domestique au kérosène (utilisé pour les lampes) étaitfortement associée au risque d’allergie (atopie, sifflements, eczéma).

La sensibilisation aux acariens reste plus élevée en milieurural qu’en milieu urbain, mais les urbains ont plus d’asthmesallergiques tandis que les ruraux ont plus souvent des asthmesnon allergiques ; ces données font évoquer le rôle des endo-toxines ou des parasites, ce d’autant qu’il a été démontré que lafréquence des sifflements diminuait avec l’importance del’infestation parasitaire.

Pays Période Tranche d’âge Évolution de la prévalence

Italie 1974-1998 6-16 ans Stable

Allemagne 1988-1995 Adultes Diminution de 14 % à 9 %

Suisse 1992-1999 13-14 ans Stable

Allemagne 1992-2001 9-11 ans Stable

Pays-Bas 1964-1999 9-12 ans Augmentation

Tableau I.

Évolution de la prévalence de l’asthme selon 5 études européennes.

À R E T E N I R

• La prévalence de l’asthme a atteint un plateaudans certains pays, amorce une décroissancedans d’autres.

• L’asthme dans les pays africains est associéaux acariens, au kérosène, à la pollution automobile et à des facteurs alimentaires.

• Aux États-Unis, les facteurs associés à l’asthmesont surtout les acariens, les blattes, la pauvreté, l’obésité, la réduction d’activité physique.

Page 2: Synthèse : prévalence de l’asthme : tendances actuelles

Références

1 Frischer T : Is the asthma epidemic in Europe passing for? Communi-cation orale. Congrès de l’ERS 2005.

2 Britton J : The rise of asthma in African cities. Communication orale.Congrès de l’ERS 2005.

3 Platts-Mills T : The prevalence and severity of asthma in US inner cities.Communication orale. Congrès de l’ERS 2005.

Synthèse : où en est la théorie hygiéniste ?

L’augmentation de prévalence des maladies allergiques etde l’asthme au cours de ces dernières années, en particulierdans les pays développés, a conduit à évoquer un certainnombre d’hypothèses impliquant des modifications de l’envi-ronnement comme la pollution, la théorie hygiéniste [1], etplus récemment un changement du régime alimentaire.

La théorie hygiéniste est basée sur l’augmentation duniveau d’hygiène des populations, se traduisant par une dimi-nution des contacts avec des substances microbiennes au coursde l’enfance, associée à un niveau de protection accru contreles infections en raison des vaccinations. Plusieurs aspects decette théorie méritent réflexion.

Faut-il garder les chats ou les chiens ?

En résumé, avoir un chat dans la petite enfance ne seraitpas associé à l’atopie. Certaines études ont même montré quedes enfants pouvaient être sensibilisés au chat, alors qu’ilsn’avaient jamais eu de chat. Avoir un chien serait un facteurprotecteur contre la dermatite atopique.

Les résultats des études disponibles dans la littérature sonttoutefois très hétérogènes en ce qui concerne les relations ani-maux-atopie-asthme Des prédispositions génétiques partici-pent sûrement à expliquer ces différences. Cependant, on nesait pas quels sont les enfants à risque, ni combien de tempsdure l’effet protecteur si toutefois il existe, et en quoi il dépendde l’animal domestique.

« Endotoxin story »

Plusieurs études ont montré une diminution du risqued’asthme et/ou d’autres manifestations allergiques et/ou de sen-sibilisation chez les enfants ayant des parents fermiers de pro-fession. Il a aussi été montré que les enfants dont les parentstravaillaient souvent dans les étables avaient une fréquenced’allergies moins grande que ceux qui n’avaient aucun contactde ce type (13,6 % vs 22,9 %).

Dans une synthèse de la littérature, 7 études sur 11 ontmontré une relation inverse entre la présence d’endotoxine etl’allergie définie, soit par la positivité des tests cutanés, soit parun dosage de CD4.

2S19

C. Raherison

© 2006 SPLF, tous droits réservés

Siffleurs atopiques Siffleurs non atopiques

Doses d’endotoxine Doses d’endotoxine

Fig. 1.

Schématisation de la relation entre exposition à l’endotoxine etproportion d’enfants « siffleurs » selon que l’enfant a ou nonun statut atopique.

La question qui se pose alors porte sur la signification decette association inverse allergie-endotoxine : on ne peut en effetexclure que cette dernière ne soit que le reflet d’autres expositions :poussières de maison, moisissures, bactéries, acide muramique.

Une modification de la relation entre l’exposition àl’endotoxine et la proportion d’enfants « siffleurs » selon quel’enfant a ou non un statut atopique a été montrée (fig. 1). Unautre élément intervenant dans la relation entre exposition etsurvenue de l’allergie est l’âge lors de l’exposition. Dans l’étudeALEX, l’effet protecteur était observé lorsque l’exposition(ferme et lait non pasteurisé) était survenue lors de la grossesseet surtout avant l’âge de un an.

L’étude PARSIFAL (Prevention of Allergy Risk factors forSensitization In children related to Farming and AnthroposophicLifestyle) est une étude transversale de 14 893 enfants classésen trois catégories (milieu fermier, écoles de Steiner ettémoins). Comparativement au groupe témoin (vivant endehors d’un milieu agricole), il y avait chez les enfants demilieu fermier et des écoles de Steiner une diminution del’asthme, des sifflements, du rhume des foins et de la sensibili-sation aux pollens, mais pas de diminution de l’atopie. Les rela-tions entre le nombre d’animaux dans l’environnement et lesstigmates biologiques d’allergie allaient dans le même sens. Lesdifférences d’exposition entre les groupes portaient non seule-ment sur les doses d’endotoxine (élevées à la ferme et dans lesécoles de Steiner), mais aussi sur celles des moisissures.

Plusieurs autres explications possibles, d’ordre méthodolo-gique, doivent être envisagées dans l’interprétation des études dece type : tout d’abord, il s’agit de cohortes observationnelles, etnon interventionnelles ; en conséquence, un comportementpeut-être pris à tort pour une mesure de l’exposition (biais demesure) ; les enfants asthmatiques peuvent être placés moins sou-vent en collectivité par les parents pour éviter les exacerbations àrépétition ; dans une fratrie, le fait d’avoir deux enfants asthma-tiques peut pousser les parents à ne pas avoir d’autres enfants ; lesasthmatiques pourraient travailler moins souvent dans l’agricul-ture ; les parents d’un enfant asthmatique peuvent décider de nepas avoir d’animaux lors de la petite enfance ; enfin, des biais depublication des études négatives ne peuvent être exclus.