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Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 693-703 © 2004 SPLF, tous droits réservés 693 Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 693-703 Article original Tabagisme des élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans à Abidjan en 2002 P. Bogui 1 , M. Yessoh 1 , N. Tuo 2 , S. Ouattara 1 , C. Dah 1 , N. Kouamé 2 Résumé Introduction Pour actualiser les données sur la prévalence taba- gique selon le sexe et évaluer la perception et le comportement vis à vis du tabagisme en milieu scolaire, une enquête par ques- tionnaire auto-administré était menée de janvier à juin 2002 à Abi- djan auprès des élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans. Méthodes Après un découpage de la population éligible en trois tranches quinquennales d’âges T1 (8–12 ans), T2 (13–17 ans) et T3 (18–22 ans) se superposant globalement aux cycles primaires, collé- gien et lycéen, les effectifs à enquêter étaient déterminés en fonc- tion de la prévalence estimée dans chaque tranche d’âges, puis sélectionnés selon la technique d’échantillonnage en grappes appli- quée aux établissements éligibles suivi du tirage au sort des classes. Résultats 2 742 élèves et étudiants avaient fourni un question- naire complet dégageant les fréquences suivantes (moyenne et écart-type en %) : la prévalence totale du tabagisme était de 7,9 ± 0,5 avec une différence statistique entre garçons et filles (11,0 ± 0,8 versus 3,7 ± 0,5 ; p < 0,001). Cette prévalence s’élevait avec l’âge : 3,7 ± 0,8 en T1 ; 12,9 ± 1,0 en T2 ; 17,1 ± 1,1 en T3. Le taux de fumeurs réguliers (1 cigarette/jour) était de 0,7 ± 0,2, représentant 10 % des consommateurs de tabac, et le taux des ex fumeurs était de 1,7 ± 0,2. La consommation moyenne de tabac, à 99,2 % sous forme de cigarettes, était de 3,4 cigarettes/jour. L’exposition à la fumée de tabac était reconnu induire des symptô- mes respiratoires, dont 17 % à type de dyspnée majeure, chez 88 % de non consommateurs de tabac. Les lieux publics étaient désignés par les non consommateurs de tabac comme site cumu- lant la plus grande fréquence (66,7 ± 1,3 %) et la plus grande durée relative (44,3 ± 1,9 %) d’exposition à la fumée de tabac. Discussion Les similitudes de prévalence tabagique entre asth- matiques et non asthmatiques, et entre sédentaires et sportifs, suggéraient une connaissance superficielle et une sous-estima- tion des méfaits du tabac de la part des élèves. Toutefois, la notion de nocivité du tabagisme était suffisante pour susciter des avis favorables à une réglementation de l’usage du tabac formulés par 95 ± 1 % des enquêtés et à une interdiction de publicité émis par 85 ± 1 % des enquêtés, tous statuts tabagiques confondus. Conclusions Les renseignements épidémiologiques et compor- tementaux tirés de cette enquête pourraient contribuer à l’éla- boration d’une stratégie nationale de lutte contre le tabagisme ciblée sur la jeunesse, sous réserve d’être complétés par une enquête similaire menée au niveau national notamment auprès des 8-22 ans non scolarisés ou déscolarisés. Mots-clés : Tabagisme • Prévalence • Élève • Abidjan. 1 Département de physiologie et d’explorations fonctionnelles de l’unité de formation et de recherche en sciences médicales, Université de Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire. 2 Service d’explorations fonctionnelles respiratoires du Centre hospitalo-universitaire de Yopougon, Abidjan, Côte d’Ivoire. Tirés à part : P. Bogui Département de physiologie et d’explorations fonctionnelles de l’unité de formation et de recherche en sciences médicales, Université de Cocody, B.P. V 166, Abidjan, Côte d’Ivoire. [email protected] Réception version princeps à la Revue : 05.02.2004. Retour aux auteurs pour révision : 04.03.2004. Réception 1 ère version revisée : 30.03.2004. Acceptation définitive : 30.03.2004. Voir éditorial page 675. Soutiens : Laboratoire GSK Côte d’Ivoire, Bureau OMS Côte d’Ivo-

Tabagisme des élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans à Abidjan en 2002

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Page 1: Tabagisme des élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans à Abidjan en 2002

Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 693-703 © 2004 SPLF, tous droits réservés 693

Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 693-703

Article original

Tabagisme des élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans à Abidjan en 2002

P. Bogui1, M. Yessoh1, N. Tuo2, S. Ouattara1, C. Dah1, N. Kouamé2

Résumé

Introduction Pour actualiser les données sur la prévalence taba-gique selon le sexe et évaluer la perception et le comportementvis à vis du tabagisme en milieu scolaire, une enquête par ques-tionnaire auto-administré était menée de janvier à juin 2002 à Abi-djan auprès des élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans. Méthodes Après un découpage de la population éligible en troistranches quinquennales d’âges T1 (8–12 ans), T2 (13–17 ans) et T3(18–22 ans) se superposant globalement aux cycles primaires, collé-gien et lycéen, les effectifs à enquêter étaient déterminés en fonc-tion de la prévalence estimée dans chaque tranche d’âges, puissélectionnés selon la technique d’échantillonnage en grappes appli-quée aux établissements éligibles suivi du tirage au sort des classes.Résultats 2 742 élèves et étudiants avaient fourni un question-naire complet dégageant les fréquences suivantes (moyenne etécart-type en %) : la prévalence totale du tabagisme était de7,9 ± 0,5 avec une différence statistique entre garçons et filles(11,0 ± 0,8 versus 3,7 ± 0,5 ; p < 0,001). Cette prévalence s’élevaitavec l’âge : 3,7 ± 0,8 en T1 ; 12,9 ± 1,0 en T2 ; 17,1 ± 1,1 en T3. Letaux de fumeurs réguliers (≥ 1 cigarette/jour) était de 0,7 ± 0,2,représentant 10 % des consommateurs de tabac, et le taux des exfumeurs était de 1,7 ± 0,2. La consommation moyenne de tabac, à99,2 % sous forme de cigarettes, était de 3,4 cigarettes/jour.L’exposition à la fumée de tabac était reconnu induire des symptô-mes respiratoires, dont 17 % à type de dyspnée majeure, chez88 % de non consommateurs de tabac. Les lieux publics étaientdésignés par les non consommateurs de tabac comme site cumu-lant la plus grande fréquence (66,7 ± 1,3 %) et la plus grandedurée relative (44,3 ± 1,9 %) d’exposition à la fumée de tabac.Discussion Les similitudes de prévalence tabagique entre asth-matiques et non asthmatiques, et entre sédentaires et sportifs,suggéraient une connaissance superficielle et une sous-estima-tion des méfaits du tabac de la part des élèves. Toutefois, la notionde nocivité du tabagisme était suffisante pour susciter des avisfavorables à une réglementation de l’usage du tabac formulés par95 ± 1 % des enquêtés et à une interdiction de publicité émis par85 ± 1 % des enquêtés, tous statuts tabagiques confondus.Conclusions Les renseignements épidémiologiques et compor-tementaux tirés de cette enquête pourraient contribuer à l’éla-boration d’une stratégie nationale de lutte contre le tabagismeciblée sur la jeunesse, sous réserve d’être complétés par uneenquête similaire menée au niveau national notamment auprèsdes 8-22 ans non scolarisés ou déscolarisés.

Mots-clés : Tabagisme • Prévalence • Élève • Abidjan.

1 Département de physiologie et d’explorations fonctionnelles de l’unité de formation et de recherche en sciences médicales, Université de Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire.

2 Service d’explorations fonctionnelles respiratoires du Centre hospitalo-universitaire de Yopougon, Abidjan, Côte d’Ivoire.

Tirés à part : P. Bogui Département de physiologie et d’explorations fonctionnelles de l’unité de formation et de recherche en sciences médicales, Université de Cocody, B.P. V 166, Abidjan, Côte d’[email protected]

Réception version princeps à la Revue : 05.02.2004. Retour aux auteurs pour révision : 04.03.2004. Réception 1ère version revisée : 30.03.2004. Acceptation définitive : 30.03.2004.

Voir éditorial page 675.

Soutiens : Laboratoire GSK Côte d’Ivoire, Bureau OMS Côte d’Ivo-

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[email protected]

Summary

Background To update full time educated youth data on smokingprevalence related to gender and to assess perception and beha-viour related to smoking, we have led a self-administrated ques-tion-study from January to June 2002 in Abidjan with studentsfrom 8 to 22 years old.

Methods Our population was divided in 3 groups: T1 (8-12 years),T2 (13-17 years) and T3 (18-22 years). The size of each group hasbeen determined using the smoking estimated rate in each ofthem.

Results 2742 students had returned a well-full questionnaire,with the following rates, expressed by mean and standard devia-tion in %: a total smoking rate at 7.9 ± 0.5, with statistic diffe-rence between boys and girls (11 ± 0,8 versus 3,7 ± 0,5;p < 0.001). This rate increased with age: 3.7 ± 0.8 in T1; 12.9 ± 1.0in T2 and 17.1 ± 1,1% in T3. Globally, the rate was 0.7 ± 0.2 forregular smokers (≥ 1 cigarette/day) (10% of C.D.T.) and1.7 ± 0.2% for ex-smokers. 99.2% of current smokers used ciga-rettes only. On average, the tobacco consumption was 3.4 ciga-rettes/day. In non-smokers group, 88% had respiratorysymptoms linked to smoke exposure, with 17% of major dyspnea.Non smokers reported public places as the most frequent(66.7 ± 1.3%) and the highest long time exposure (44.3 ± 1.9%)places to second hand smoke.

Discussion A similar smoking prevalence between asthmaticsand non-asthmatics subjects, and between sporty type and nonsporty type subjects, suggested that students had superficialknowledge or under assessment on smoking detrimental effect.However, their perception of smoking health hazard was suffi-cient to give 95 ± 1% favourable opinions on necessary smokingplace regulations and 85 ± 1% favourable opinions on tobaccoproduct advertising ban.

Conclusion The epidemiological and behaviour informationgiven by this study might contribute to the development of anational youth tobacco control program, provided a complemen-tary national survey would be led including non educated youth.

Key-words: Smoking • Prevalence • Students • Abidjan.

Tobacco consumption of school pupils and students between 8 and 22 years of age in Abidjan, 2002P. Bogui, M. Yessoh, N. Tuo, S. Ouattara, C. Dah, N. Kouamé

Introduction

En 1998 selon la Banque Mondiale [1], près de 30 % dela population mondiale âgée de plus de 15 ans consommaientrégulièrement des produits de tabac dont la majorité d’entreeux depuis l’âge de 13–20 ans. L’une des conséquences majeu-res prévisibles du tabagisme sur la santé de ces consommateursréguliers était une réduction de 10 à 20 ans de l’espérance devie de la moitié d’entre eux, emportés par l’une des 23 mala-dies chroniques et dispendieuses [2] qu’induisent 20 à 40 ansde tabagisme. La plupart des pays riches, dans lesquels la pré-valence tabagique était élevée depuis plus d’un demi-siècle,payaient le plus lourd tribut à ces décès. Toutefois, l’évolutionrécente de l’épidémie tabagique dans chaque région du mondemontrait que la prévalence du tabagisme augmentait rapide-ment dans les pays à revenu faible ou intermédiaire [1, 3] alorsqu’elle se réduisait sensiblement dans les pays riches. Aussi, siune telle évolution devait se poursuivre au cours des trenteprochaines années, la Banque Mondiale prévoyait-elle que70 % des décès mondiaux induits par le tabagisme en 2030surviendraient dans les pays en voie de développement.

En Côte-d’Ivoire en décembre 2002, le ministère de laSanté, convaincu de la menace potentielle du tabagisme sur lasanté de ses populations, créait par arrêté le programme natio-nal de lutte contre le tabagisme, avec pour mission premièrel’établissement de la situation tabagique dans l’optique ulté-rieure de l’élaboration d’un plan d’actions stratégiques contrele tabagisme. Les données nationales existantes étaient insuffi-santes et peu récentes pour l’établissement d’une situationtabagique globale. En effet, quelques travaux sectoriels four-nissaient des renseignements chiffrés sur l’ampleur relative dutabagisme en Côte d’Ivoire. Ainsi en 1981 [4], une enquêtemenée à Abidjan, capitale économique du pays, estimait laprévalence tabagique à 42,3 % chez l’homme et à 1,8 % chezla femme, avec une prévalence spécifique à 24 % dans la tran-che des 15-25 ans. La première enquête exécutée en milieuscolaire [5] relevait à Abidjan en 1986 sur un échantillon de3 835 élèves âgés de 10 à 19 ans, une prévalence tabagique de4,4 % chez les garçons et de 1,3 % chez les filles d’origineafricaine, et de 11 % chez les garçons et de 10,9 % chez lesfilles d’origine européenne. L’âge d’initiation au tabagismeétait respectivement à 15 ans chez les élèves d’origine africaineet à 13 ans chez les élèves d’origine européenne. En 1990, uneautre enquête en milieu scolaire était menée dans les établisse-ments d’enseignement secondaire de Bouaké [6], 2e ville auplan démographique située au centre du pays. Sur 2 339 élè-ves âgés de 14 à 23 ans dont 77 % étaient de sexe masculin, laprévalence tabagique était de 14,6 %. Enfin en 1999, uneenquête menée auprès de 345 sportifs [7] d’âge moyen égal à24,6 ± 6,4 ans, licenciés de première division relevant de15 fédérations sportives nationales, signalait une prévalencetabagique globale de 23 % exclusivement à la cigarette, avecune prévalence spécifique de 2 % chez les femmes et de26,5 % chez les hommes.

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Tabagisme des élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans à Abidjan en 2002

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Dans chacune de ces études, les renseignements fournisétaient le plus souvent parcellaires, omettant de préciser cer-taines caractéristiques classiques telles que les prévalences spé-cifiques selon le sexe ou la tranche d’âges, ou le niveau deconsommation tabagique.

Afin de compléter et d’actualiser les données existantes,la présente étude consistait en l’exécution d’une enquête parquestionnaire mené à Abidjan auprès des élèves et étudiantsâgés de 8 à 22 ans. Les objectifs de l’enquête étaient de déter-miner la prévalence du tabagisme en fonction de l’âge et dusexe, le taux des différents types de produits de tabac con-sommé et le niveau moyen de consommation quotidienne enproduits de tabac. De plus, des données sur la perception dutabagisme à travers le comportement des individus vis-à-visdu tabagisme, telles que les sites et personnes exposant autabagisme passif, les relations entre tabagisme et respective-ment la pratique d’une activité sportive régulière ou la pré-sence d’un asthme, l’opinion vis-à-vis de mesures éventuellesde restriction des lieux de consommation ou d’interdiction depublicité en faveur des produits du tabac, étaient recherchéespour aider à l’établissement de la situation tabagique dans lajeunesse scolaire en Côte d’Ivoire.

Méthodologie

Sujets

Caractéristiques de la population éligible

La population éligible était constituée de l’ensemble des227 685 élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans inscrits dans lesétablissements publics de la ville d’Abidjan entre le troisièmeniveau (3e année du cycle primaire) et le quinzième niveau(1re année du cycle universitaire) de l’enseignement général.Cette population se subdivisait en trois tranches d’âges corres-pondant chacune globalement à un cycle d’enseignement :– la première tranche ou T1, d’âge moyen compris entre 8 à12 ans, correspondait aux 4 dernières années du cycleprimaire et comptait 139 951 élèves représentant 61 % de lapopulation éligible ;

– la deuxième tranche ou T2, d’âge moyen compris entre 13 à17 ans, correspondait au premier cycle des cours secondaires etcomptait 56 840 élèves représentant 25 % de la populationéligible ;– la troisième tranche ou T3, d’âge moyen compris entre 18 à22 ans, correspondait au deuxième cycle des cours secondaires età la première année du cycle supérieur et comptait 30 893 élèveset étudiants représentant 14 % de la population éligible.

Détermination des effectifs théoriques des sujets à enquêter

Effectif minimal par sexe

L’effectif minimal par sexe des sujets à enquêter danschacune des trois tranches d’âges quinquennales T1, T2 et T3était estimé à partir des tables statistiques indiquant la tailled’un échantillon aléatoire représentatif d’une tranche d’âgesdonnée de la population éligible en fonction de la prévalencepartielle présumée du tabagisme [2]. Une enquête prélimi-naire portant sur 328 sujets avait estimé, au seuil de probabi-lité de 5 %, la prévalence présumée par tranche d’âge et parsexe, de même qu’elle avait estimé à 6 % le taux cumuléd’absentéisme et de rejet de dossiers. Afin de disposer d’uneffectif prenant largement en compte tous les facteurs etautres aléas d’enquête, les effectifs prévisionnels minima partranche d’âges étaient fixés au double des effectifs théoriquesminima des sujets de sexe masculin, disposition qui garantis-sait le recrutement naturel d’un effectif suffisant de jeunesfilles. Le tableau I répertorie les effectifs minima théoriques etprévisionnels d’élèves et étudiants à enquêter par sexe et partranche d’âges.

Détermination du nombre de classes à enquêter

Le nombre de classes à sélectionner par cycle d’étudeétait calculé par le rapport entre l’effectif prévisionnel des élè-ves à enquêter et l’effectif moyen des élèves par classe ou pargroupe d’enseignement dirigé. Ce nombre était de 9 classesdans le cycle primaire, de 16 classes dans le premier cycle descours secondaires, de 15 classes dans le deuxième cycle ducours secondaire et de 9 groupes d’enseignement dirigé enpremière année du cycle supérieur.

Sélection aléatoire des classes à enquêter

La sélection des classes ou des groupes d’enseignementdirigé était effectuée en deux temps :– sélection aléatoire au niveau de chaque cycle d’étude desgrappes par tirage au sort sans remise dans l’urne ;– sélection aléatoire dans chacune des grappes sélectionnéesd’un seul groupe d’enseignement dirigé ou classe pour chacundes niveaux d’étude constitutifs du cycle.

Constitution des grappes

La sélection des effectifs était effectuée par la sélectionpremière des établissements puis des classes selon la méthodedes grappes.

De façon arbitraire, chaque grappe regroupait un effectifcompris entre 2 250 et 2 500 élèves ou étudiants, indépen-damment du cycle ou de la taille de la population éligible.

Tableau I.

Effectifs minima théoriques et prévisionnels à enquêter par tranche d’âgesselon le sexe.

Sexe masculin Sexe feminin

Age (ans)

Prév. Est.

Effect. Th. Min.

Effect. Min. Pré.

Prév.Est.

Effect. Th. Min.

Effect. Min. Pré.

08 à 12 10 % 138 276 10 % 138 265

13 à 17 20 % 246 492 10 % 138 403

18 à 22 30 % 323 646 15 % 196 413

Total – 707 1414 – 572 1081

Prév. Est. : prévalence estimée ; Effect. Th Min. : effectif théorique minimaldéterminé à partir de la prévalence estimée au seuil de 5 % ; Effect. Min.pré. : effectif minimal prévisionnel.

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La structure des écoles variait d’un cycle d’étude àl’autre : dans le cycle primaire, chaque école ne comptait auplus que deux classes par niveau, alors que dans le cycle secon-daire, chaque établissement comptait entre 4 et 14 classes demême niveau. Enfin dans le supérieur, une faculté comptaitentre 20 et 60 groupes d’enseignement dirigé par annéed’étude. De ce fait, les établissements scolaires étaient regrou-pés en T1 (cycle primaire) et éclatés en T2 et en T3 (cyclessecondaires et cycle supérieur) afin de constituer des grappesd’effectifs ci dessus définis.

Dans le primaire, les 139 951 élèves étaient répartis en57 grappes de 40 classes comptant chacune 61 élèves enmoyenne. Le tirage au sort sélectionnait 9 grappes, desquelles1 classe par grappe était sélectionnée.

Dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, les56 840 élèves étaient répartis en 25 grappes de 40 classescomptant chacune 58 élèves en moyenne. Le tirage au sortsélectionnait 6 grappes desquelles étaient sélectionnées 3 classesdans les 5 premières grappes et 1 classe dans la sixième grappe.

Dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire, les21 536 élèves étaient répartis en 9 grappes de 45 classescomptant chacune 51 élèves en moyenne. Le tirage au sortsélectionnait 5 grappes puis 3 classes par grappe sélectionnée.

En première année de l’enseignement supérieur, les9 357 étudiants étaient répartis en 4 grappes de 70 groupesd’enseignement dirigé comptant chacun 35 étudiants enmoyenne. Le tirage au sort sélectionnait 3 grappes desquellesétaient sélectionnés 3 groupes d’enseignement dirigé pargrappe sélectionnée.

Population effectivement enquêtée

2 844 élèves et étudiants, âgés de 8 à 22 ans et régulière-ment inscrits dans les établissements sélectionnés, ont parti-cipé à l’enquête, avec un effectif réel par tranches d’âges et parsexe supérieur à l’effectif prévisionnel respectif. Les critèresd’exclusion d’un dossier reposaient sur l’absence d’au moinsun seul des renseignements suivants : sexe, âge, niveau d’étude,statut tabagique (fumeur, ex-fumeur, non-fumeur).

L’analyse des fiches a retenu 2 742 dossiers, soit un tauxglobal d’exclusion de 3,6 %. Les effectifs étaient de 617 sujetsen T1 (300 garçons et 317 filles), de 1 040 sujets en T2(571 garçons et 469 filles) et de 1 085 sujets en T3 (660 gar-çons et 425 filles).

Déroulement de l’enquête

L’enquête était menée de janvier à juin 2002 dans lesétablissements publics d’enseignement général de la villed’Abidjan. Chaque ministère de tutelle avait fourni la liste desétablissements éligibles, précisant pour chaque niveau scolairele nombre de classes et leur effectif respectif en élèves, ainsiqu’une lettre d’autorisation officielle d’enquête adressée auxresponsables d’établissements, laquelle garantissait une parti-cipation de 100 % des établissements sélectionnés.

Les enquêteurs étaient des médecins ou étudiants en finde cycle des études médicales ayant reçu une formation préa-lable à la conduite d’une enquête par questionnaire auto-

administré. Aucune autre personne, notamment de l’adminis-tration ou du corps professoral, n’était présente physiquementdans la salle de classe au moment de l’enquête, afin de préser-ver l’anonymat et le libre choix des élèves et étudiants lors duremplissage du questionnaire.

Une séance de travail avec le personnel administratif étaitorganisée au préalable dans chacun des établissements sélec-tionnés afin de faciliter la mise en œuvre de l’enquête etd’obtenir les listes actualisées des classes et de leur effectif res-pectif. Une fois programmée dans un établissement donné,l’enquête était menée en une seule matinée dans toutes les clas-ses préalablement sélectionnées. La durée de remplissage duquestionnaire était de 20 à 40 minutes selon le cycle d’étude.

Questionnaire

Le questionnaire, de type auto-administré, comportait3 questions à choix double et 17 questions à choix multiplesfermées. Les propositions non formulées étaient prises encompte selon le contexte par l’option « autre(s) » ou parl’option « je ne sais pas ». Ce questionnaire interrogeait sur :– l’âge, le sexe et le niveau d’étude ;– l’ancienneté de la consommation tabagique, le type et la quan-tité journalière moyenne de produits de tabac consommés ;– les circonstances et la durée moyenne de l’exposition invo-lontaire à la fumée de tabac, ainsi que les éventuels symptômesinduits par une telle exposition : simple gène respiratoire, irri-tation laryngée ou toux, dyspnée ou crise d’asthme ;– le volume horaire consacré à la pratique sportive : pour cettequestion spécifique, les réponses n’étaient analysées que pourles élèves appartenant aux cycles secondaires ou au cyclesupérieur. En effet dans le cycle primaire, l’essentiel des étab-lissements ne disposait pas d’infrastructures sportives et l’édu-cation physique n’était pas une discipline obligatoire duprogramme scolaire ;– la présence éventuelle d’un asthme ;– l’avis sur la mesure générale d’interdiction de fumer et, dansl’affirmative, l’indication des lieux devant faire l’objet de cetteinterdiction totale de fumer : école ; milieu professionnel ;lieux publics, transport en commun ; tous lieux ;– l’opinion motivée sur l’interdiction totale de la publicité enfaveur des produits du tabac.

Dans cette étude, les définitions arbitraires suivantes ontété adoptées :– non-fumeur (N.F.) : sujet ayant fumé moins de 20 cigarettesdepuis sa naissance ;– fumeur régulier (F.R.) : sujet qui consomme au moins unecigarette par jour depuis au moins un an ;– fumeur occasionnel (F.O.) : fumeur non régulier ayant fuméplus de 20 cigarettes depuis sa naissance ;– ex-fumeur régulier : fumeur régulier ayant arrêté toute con-sommation de tabac depuis au moins 1 an ;– ex-fumeur occasionnel : fumeur non régulier ayant arrêtétoute consommation de tabac depuis au moins 1 an ;– non consommateur de tabac : non-fumeur ou ex-fumeur aumoment de l’enquête ;

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Tabagisme des élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans à Abidjan en 2002

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– consommateur de tabac : fumeur régulier ou occasionnel aumoment de l’enquête ;– asthmatique : sujet dont le diagnostic d’asthme a été établipar un médecin ;– non asthmatique (sujet sain) : sujet ne répondant pas à ladéfinition du sujet asthmatique ;– sportif : sujet pratiquant plus d’une heure de sport par jour ;– sédentaire : sujet ne répondant pas à la définition du sujetsportif.

Calculs et traitements statistiques

Le seuil de probabilité était fixé à 5 % pour tous les testsstatistiques utilisés. La prévalence spécifique (Prév. Spéc.) d’unstatut tabagique donné était déterminée dans chacune des troistranches d’âges (T1, T2, T3) selon le sexe. Dans une tranched’âges donnée, la prévalence spécifique d’un statut tabagiquetous sexes confondus était égale à la somme des prévalences desgarçons et des filles, chaque prévalence spécifique étant pondé-rée par la proportion des effectifs de même sexe au sein de lapopulation éligible (tableau I).

À titre d’exemple :Prév.pT1 (filles + garçons) = 0,49 x Prév.pT1 filles +

0,51 x Prév.pT1 garçonsavec : 0,51 = Filles/total élèves en T1 ; 0,49 = Garçons/total

élèves en T1La prévalence totale d’un statut tabagique donné de

l’ensemble de la population éligible était égale à la somme desprévalences spécifiques des tranches d’âges pondérées par lesproportions des effectifs relatifs respectifs dans la populationéligible (tableau I).

Prév. = [0,61 Prév. p T1] + [0.25 Prév. p. T1] +[0,14 Prév. p. T3]

La moyenne de la prévalence était assortie de son écart-type calculé selon la formule : écart-type de la moyenne= √ [Prév. x (1-Prév.)/n] avec : Prév. = prévalence calculée ;n = effectif de l’échantillon. Pour une prévalence donnée,l’intervalle de confiance à 95 % était calculé par la formule :Prév. ± 1,96 √ [Prév. x (1-Prév.)/n].

Le test du Chi2 était appliqué aux variables qualitativespour la comparaison des proportions.

Lorsque la différence des prévalences tabagiques entrefilles et garçons était significative, la fréquence d’une variablequalitative étudiée en fonction du statut tabagique (par exem-ple la présence d’un asthme) ne donnait pas lieu à la détermi-nation des fréquences cumulées tous sexes confondus.

Résultats

Prévalences (tableaux II et III)

La prévalence pondérée totale des consommateurs de tabacau sein des élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans était enmoyenne de 7,9 ± 0,5 % tous sexes confondus. Cette prévalencetotale était en moyenne de 11 ± 0,8 % chez les garçons et de3,7 ± 0,5 % chez les filles, la différence entre les deux groupesétant hautement significative (p < 0,001). Le tableau III montreque la prévalence des consommateurs de tabac était croissanteavec l’âge, les valeurs étant statistiquement plus élevées chez lesgarçons que chez les filles dans chacune des trois tranches. Laplus forte augmentation de la prévalence se situait entre T1 etT2 chez les garçons (+ 11,8 points en moyenne) et chez les filles(+ 5 points en moyenne), comme l’illustre la figure 1.

Dans la tranche des 13-15 ans, la prévalence tabagiquespécifique était estimée à 10,4 ± 1,2 % tous sexes confondus,avec 14,4 ± 1,9 % de consommateurs de tabac chez les gar-çons contre 7,1 ± 1,5 % de consommateurs de tabac chez lesfilles (p < 0,001).

La prévalence totale des fumeurs réguliers entre 8 et22 ans était de 0,7 ± 0,3 % tous sexes confondus (tableau II).Toutefois, aucun fumeur régulier n’était comptabilisé avantl’âge de 14 ans chez les garçons et avant l’âge de 18 ans chezles filles. En T3, la prévalence des fumeurs réguliers était sta-tistiquement (p < 0,001) plus élevée chez les garçons(5,6 ± 0,9 %) que chez les filles (0,5 ± 0,3 %). La proportiondes fumeurs réguliers au sein des consommateurs de tabac

Tableau II.

Prévalences pondérées (moyennes et intervalles de confiance en %) des différents statuts tabagiques selon le sexe dans lapopulation scolaire et estudiantine âgée de 08 à 22 ans à Abidjan en 2002.

N.C.D.T. (%) C.D.T. (%)

N.F.V. E.F. Ss Total F.R. F.O. Ss Total TOTAL

GARCONS 86,5 2,4 89,0 1,2 9,9 11,0 100 %

(n = 1531) IC 84,8-88,2 1,7-3,2 87,4-90,5 0,6-1,7 8,4-11,4 9,5-12,6

FILLES 95,8 0,5 96,3 0,1 3,7 3,7 100 %

(n = 1211) IC 94,6-96,9 0,1-0,9 95,2-97,3 0,0-0,2 2,6-4,7 2,7-4,8

KHI 2 p < 0,001 p < 0,001 p < 0,001 p < 0,001 p < 0,001 p < 0,001 –

GARCONS 90,5 1,7 92,1 0,7 7,1 7,9 100 %

+ FILLES IC 89,4-91,6 1,2-2,1 91,1-93,1 0,4-1,1 6,2-8,1 6,9-8,9

N.C.D.T. : non consommateur de tabac (= N.F.V. + E.F.) ;C.D.T. : consommateur de tabac (= F.R. + F.O.) ; N.F.V. : nonfumeur vrai ; E.F. : ex-fumeur régulier ou occasionnel ; Ss Total : sous total ; F.R. : fumeur régulier ; F.O. : fumeuroccasionnel ; n : effectif ; x : moyenne ; IC : intervalle de confiance à 95 % ; KHI 2 : test du Chi2 appliqué aux proportions.

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était respectivement de 9 % en T2 et de 24 % en T3 chez lesgarçons, et de 0 % en T2 et de 7 % en T3 chez les filles.

La fréquence des ex-fumeurs était en moyenne de1,7 ± 0,2 % tous sexes et tous âges confondus. Cette fré-quence, nulle avant l’âge de 13 ans, était de 2,6 ± 0,5 % enT2 et de 7,3 ± 0,8 % en T3. La fréquence des ex-fumeursaugmentait statistiquement entre T2 et T3 chez les garçons[3,9 ± 0,8 % versus 10,6 ± 1,2 % ; p < 0,001] mais pas chezles filles [0,9 ± 0,4 % versus 2,1 ± 0,7 % ; p > 0,05]. La pro-portion des ex-fumeurs occasionnels au sein des ex-fumeursétait de 100 % en T2 et de 95 % en T3, indépendammentdu sexe.

Caractéristiques du tabagisme actif

La cigarette était le produit de tabac consommé enexclusivité par 99,2 % des consommateurs de tabac. La con-sommation moyenne était de 3,4 cigarettes par jour, avec uneconsommation plus élevée chez les fumeurs réguliers que chezles fumeurs occasionnels (5,1 contre 1,6 cigarettes/jour ;p < 0,05). Soixante-deux pour cent des fumeurs réguliers et89 % des fumeurs occasionnels consommaient moins de

6 cigarettes par jour, tandis que moins de 5 % des fumeursréguliers et aucun fumeur occasionnel ne consommait plus de10 cigarettes par jour.

Tabagisme passif des non consommateurs de tabac

Les circonstances reconnues les plus exposantes à lafumée de tabac étaient, par ordre de fréquence moyennedécroissante, les lieux publics (66,7 ± 1,3 %), en famille(21,5 ± 1,1 %), entre amis (11,4 ± 0,9 %) et à l’école(0,4 ± 0,2 %).

La durée quotidienne moyenne d’exposition à la fuméede tabac était estimée à 0,52 heure, soit à 31 minutes environ.Au plan de sa répartition, cette durée quotidienne d’exposi-tion était inférieure à 12 minutes dans 69 % des cas, compriseentre 12 et 60 minutes dans 21 % des cas et supérieure à60 minutes dans 10 % des cas.

La relation entre circonstance et durée d’exposition, illus-trée par la figure 2, était similaire entre les sous-groupes « enfamille » et « entre amis ». En revanche, cette relation révélaitune proportion inverse dans la distribution de la fréquence res-pective de ces deux paramètres entre le sous-groupe « lieuxpublics » et le sous-groupe fusionné « entre amis » et « enfamille ». Ainsi, pour une fréquence d’exposition moins élevée(32,9 ± 1,3 % versus 66,7 ± 1,3 %, p < 0,001), le sous-groupefusionné « en famille » et « entre amis » avait une duréemoyenne d’exposition plus élevée que le sous groupe « dans leslieux publics » (55,3 ± 1,9 % versus 44,3 ± 1,9 % ; p < 0,001).Enfin, les établissements d’enseignement représentaient moinsde 1 % des sites les plus exposants et cumulaient moins de 1 %de la durée d’exposition totale des élèves et étudiants à lafumée de tabac.

Symptômes induits par l’inhalation de fumée

de tabac (tableau IV)

Quatre vingt huit (± 1) pour cent des non consomma-teurs de tabac et 67 ± 4 % des consommateurs de tabac enmoyenne se plaignaient d’une gêne respiratoire déclenchée par

0%

5%

10%

15%

20%

25%

G AR C O N S08-12 ans

G AR C O N S13-17 ans

G AR C O N S18-22 ans

F ILLE S 08 -12 ans

F ILLE S 13 -17 ans

F ILLE S 18 -22 ans

FU M E U R S R E G U LIE R S

C O N S O M M ATE U R S D ETAB AC

Fig. 1.

Fréquence des fumeurs réguliers et des consommateurs de tabacselon le sexe en fonction de la tranche d’âges. Fumeur régulier = sujetfumant plus d’une cigarette par jour depuis plus d’un an ; Consom-mateur de tabac = tout fumeur (régulier ou occasionnel).

Tableau III.

Fréquences (moyennes et intervalles de confiance en %) des fumeur réguliers, des fumeurs occasionnels et des consom-mateurs de tabac selon la tranche d’âge et le sexe.

8 – 12 Ans 13 – 17 Ans 18 – 22 Ans

F.R.(%)

F.O.(%)

C.D.T.(%)

F.R(%)

F.O.(%)

C.D.T.(%)

F.R.(%)

F.O.(%)

C.D.T.(%)

GARCONS 0,0 5,7 5,7 1,6 15,9 17,5 5,6 17,3 22,9

IC 3,1-8,3 3,1-8,3 0,6-2,6 12,9-18,9 14,4-20,6 3,9-7,4 14,4-20,2 19,7-26,1

FILLES 0,0 1,6 1,6 0,0 6,6 6,6 0,5 7,5 8,0

0,2-2,9 0,2-2,9 4,4-8,9 4,4-8,9 0,0-1,1 5,0-10,0 5,4-10,6

KHI 2 IC < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001

GARCONS 0,0 3,7 3,7 0,9 12,0 12,9 3,6 13,5 17,1

+ FILLES IC 2,2-5,1 2,2-5,1 0,3-1,5 10,0-14,0 10,9-15,0 2,5-4,7 11,4-15,5 14,8-19,3

F.R. : fumeur régulier ; F.O. : fumeur occasionnel ; C.D.T. : consommateur de tabac (= F.R. + F.O.) ; x : moyenne ; IC :intervalle de confiance à 95 % ; KHI 2 : test du Chi2 appliqué aux proportions.

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l’inhalation de fumée de tabac (p < 0,001). Cette gêne se mani-festait sous la forme d’une dyspnée franche chez 15 ± 3 % desnon consommateurs de tabac non asthmatiques et chez34 ± 7 % des asthmatiques consommateurs de tabac ou nonconsommateurs de tabac (p < 0,001), avec déclenchementpotentiel d’une crise d’asthme dans prés de la moitié des cas(17 %).

Relation du tabagisme avec l’asthme

La prévalence pondérée globale du tabagisme était simi-laire, tous sexes et toutes tranches d’âges confondus, entre asth-matiques et non asthmatiques (6 ± 2 % versus 9 ± 1 % ;

p > 0,05). Cette similitude de prévalence tabagique entre asth-matiques et non asthmatiques était retrouvée tant chez les gar-çons que chez les filles, indépendamment de la tranche d’âges.

Relation du tabagisme avec le niveau

d’activité sportive régulière

La différence de prévalence pondérée du tabagisme entresportifs et sédentaires âgés de 13 à 22 ans n’était pas statisti-quement significative chez les garçons (20 ± 5 % versus24 ± 3 % ; p > 0,05) ni chez les filles (9 ± 3 % versus10 ± 2 % ; p > 0,05).

Avis sur certaines mesures de lutte anti-tabac (tableaux V et VI)

La majorité des enquêtés (95 ± 1 %)étaient favorables àl’étendue la plus large possible des lieux d’interdiction defumer. Cette opinion était significativement plus partagée parles non consommateurs de tabac que par les consommateursde tabac (96 ± 1 % versus 88 ± 2 % ; p < 0,001), quels quesoient le sexe et la tranche d’âges (tableau V). Toutefois, etchez les non consommateurs de tabac seulement, la fréquencedes opinions favorables diminuait statistiquement avec l’âgechez les garçons et chez les filles.

De même, 85 ± 1 % des enquêtés étaient favorables àune interdiction totale de toute publicité en faveur des pro-duits du tabac (tableau VI), tous âges et tous sexes confondus.Toutefois, les non consommateurs de tabac avaient une fré-quence pondérée d’avis favorables plus élevée que les consom-mateurs de tabac tant chez les garçons (87 ± 1 % versus70 ± 4 % ; p < 0,001) que chez les filles (88 ± 1 % versus72 ± 6 % ; p < 0,001). Cette fréquence des avis favorabless’abaissait globalement entre T1 et T3 en moyenne de 23 %chez les garçons et de 14 % chez les filles. Cette baisse des avis

Tableau V.

Fréquences (moyennes et intervalles de confiance en %) par tranche d’âges desavis favorables à l’interdiction de fumer selon le sexe et le statut tabagique.

C.D.T. (%)

N.C.D.T. (%)

C.D.T. + N.C.D.T. (%)

Garçons Filles Garçons Filles Garçons Filles

08-12 ans 88 100 97 98 96 98

IC 73-100 0 95-99 96-100 94-98 96-100

13-17 ans 88 86 94 98 93 97

IC 79-97 71-100 91-97 96-100 90-96 95-99

18-22 ans 80 79 88 93 86 92

IC 71-89 63-95 83-93 90-96 82-90 89-95

08-22 ans 87 94 95 97 94 97

IC 81-92 87-100 93-97 96-98 92-96 96-98

C.D.T. : consommateurs de tabac ; N.C.D.T. : non consommateurs detabac ; x : moyenne ; IC : intervalle de confiance à 95 %.

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Tableau IV.

Fréquences (moyennes et intervalles de confiance en %) des symptômes res-piratoires déclenchés par l’inhalation de fumée de tabac selon le statut taba-gique et le statut asthmatique.

SymptômesRespiratoires

Induits

C.D.T. (%) N.C.D.T. (%)

Asthme Sain Sous-total

Asthme Sain Sous-total

Absents (%) 21 34 33 09 13 12

IC 0-67 22-46 22-44 0-25 8-18 7-17

Mineurs (%) 43 55 54 57 72 71

IC 3-83 45-65 45-63 46-68 69-75 68-74

Importants (%) 36 11 13 34 15 17

IC 0-77 0-25 0-26 20-48 10-20 12-22

Total 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %

C.D.T. : consommateurs de tabac ; N.C.D.T. : non consommateurs detabac ; Asthme : sujet reconnu asthmatique par un médecin ; Sain : sujetnon reconnu asthmatique par un médecin ; x : moyenne ; IC : intervalle deconfiance à 95 %.

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x

x

Tableau VI.

Fréquences (moyennes et intervalles de confiance en %) des avis favorables àl’interdiction de la publicité en faveur des produits du tabac en fonction dusexe et du statut tabagique par tranche d’âges.

C.D.T. (%)

N.C.D.T. (%)

C.D.T. + N.C.D.T. (%)

Garçons Filles Garçons Filles Garçons Filles

08-12 ans 76 80 93 93 92 93

IC 56-96 45-100 90-96 90-96 89-95 90-96

13-17 ans 63 52 80 80 77 78

IC 49-77 31-73 75-85 75-85 72-82 73-83

18-22 ans 56 75 75 79 69 79

IC 45-67 58-92 69-81 74-84 64-74 74-84

08-22 ans 70 72 87 88 85 87

IC 63-77 60-84 84-90 86-90 83-87 85-89

C.D.T. : consommateurs de tabac ; N.C.D.T. : non consommateurs detabac ; x : moyenn ; IC : intervalle de confiance à 95 %.

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x

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favorables était essentiellement constatée auprès des non con-sommateurs de tabac des deux sexes.

La fréquence totale des avis favorables à une interdictionde fumer était plus élevée que celle des avis favorables contretoute publicité en faveur des produits du tabac chez les con-sommateurs de tabac (88 ± 2 % versus 70 ± 3 % ; p < 0,001)et chez les non consommateurs de tabac (96 ± 1 % versus88 ± 1 % ; p < 0,001) tous sexes confondus. Cette différenceétait retrouvée indépendamment du statut tabagique danschacune des tranches d’âges sauf en T1 chez les consomma-teurs de tabac.

Les deux raisons les plus souvent invoquées à l’appui del’avis favorable d’interdire toute publicité en faveur des pro-duits du tabac étaient que « l’autorisation de publicité laissecroire aux populations que le tabac n’est pas nocif » pour62 % des enquêtés, et que « la population ignore le plus sou-vent les effets nocifs du tabac » pour 57 % des enquêtés.

Chez les 19 % d’enquêtés opposés à la suppression de lapublicité, la raison invoquée par la majorité d’entre eux(56 %) était que « chacun est libre d’adhérer ou de résister à lapublicité ».

Discussion

Les résultats de la présente enquête menée par question-naire auto-administré dégagent des éléments de réponses àl’évaluation de la prévalence tabagique en fonction du sexe etde l’âge, ainsi qu’à la perception du tabagisme à travers lecomportement et l’opinion des élèves et étudiants en rapportavec le tabagisme.

Le choix de la ville d’Abidjan comme lieu d’enquêterepose sur la forte concentration des infrastructures scolaires etuniversitaires de cette ville qui accueillait 27,3 % de l’ensembledes élèves et étudiants du pays en 1998 [8]. Certes, cette frac-tion est insuffisante pour représenter la totalité de la popula-tion scolaire et universitaire âgée de 8 à 22 ans en Côte-d’Ivoiredont 35,8 % vivent en milieu rural. De même, le taux moyende scolarisation des jeunes âgés de 6 à 19 ans, estimé à 58,3 %,indique en corollaire que la population scolaire ne peut pas êtrereprésentative de la population abidjanaise appartenant à latranche d’âge des 8-22 ans. Le prolongement ultérieur de laprésente étude aux non scolarisés et déscolarisés est indispensa-ble à une évaluation complète de la prévalence tabagique ausein de la jeunesse, avec, du fait d’un niveau de pauvreté plusprononcé [8], une forte suspicion d’y trouver une prévalenceplus élevée qu’en milieu scolaire [1].

La prévalence du tabagisme est déterminée par tranched’âges T1, T2 et T3 et par sexe, donnant lieu au calcul de pré-valences spécifiques respectives. La subdivision en classesd’âges quinquennales, pratique utilisée par la plupart desauteurs et recommandée par l’OMS [2], a deux raisons parti-culières d’être appliquée dans cette étude. En premier lieu, enCôte-d’Ivoire en général comme à Abidjan en particulier,l’âge moyen d’un niveau scolaire donné masque sa grande dis-persion, proche de 6 ans, en raison d’une scolarisation tardive

affectant près de 45 % d’entre eux. Deuxièmement et surtout,le taux de scolarisation à Abidjan chute significativement enfonction de l’âge, de 67,4 % entre 6 et 14 ans à 39,9 % entre15 et 18 ans en 1998 [8]. Ainsi, le cycle primaire accueille àlui seul 50,1 % de l’ensemble de la population scolaire et uni-versitaire de la ville d’Abidjan. De ce fait, la prévalence tabagi-que spécifique du premier cycle intervient pour 50,1 % de laprévalence globale pondérée, atténuant par le truchement desproportions d’effectifs l’influence des prévalences des cyclessecondaire et supérieur sur la prévalence globale pondérée.Cette distribution pyramidale des effectifs scolaires éligiblesselon le niveau croissant des cycles d’enseignement est proba-blement partagée par la plupart des pays en voie de dévelop-pement. En corollaire dans ces pays en particulier, lesprévalences spécifiques par tranche d’âges paraissent plus per-tinentes à rendre compte de la situation tabagique que la pré-valence globale, justifiant leur large recours dans ce travail.

De même, la détermination de la prévalence par sexe acomme justification suffisante un taux de scolarisation entre6 et 18 ans plus élevé chez les garçons que chez les filles(69,4 % contre 49,5 %) à Abidjan [8]. Conséquence directede la pauvreté des parents [8], l’écart du taux de scolarisationen fonction du sexe s’accentue avec l’âge du fait d’une déscola-risation croissante plus prononcée chez les filles que chez lesgarçons. Au demeurant, l’établissement de la prévalence parsexe participe à la réduction du déficit d’informations sur letabagisme des filles en particulier, et des femmes en général,contribuant ainsi à une meilleure compréhension des relationsentre les femmes et le tabac [9].

La méthode d’échantillonnage la plus recommandéepour la détermination de la prévalence dans un sous-groupede population à effectif connu, telle que la population scolaireet universitaire, est celle reposant sur l’équiprobabilité pourchaque sujet éligible d’être sélectionné [2]. Cette méthodeexige en toute rigueur l’établissement de la liste exhaustive desindividus éligibles et surtout la sélection par randomisationdes sujets à enquêter, indépendamment de leur site d’habita-tion ou, dans un contexte d’enquête en milieu scolaire, deleur site de scolarisation.

Dans cette étude où la proportion des effectifs éligiblesdiminue significativement avec l’âge, l’application de laméthode de sélection équiprobable des sujets conduirait à lasélection naturelle d’effectifs par tranche d’âges en relationinverse avec les effectifs théoriques à enquêter déduits destables statistiques en fonction de la prévalence estimée. Pourassurer un effectif de garçons âgés de 18 à 22 ans compatibleavec leur prévalence tabagique estimée, il faudrait procéder àune majoration proportionnelle de l’ensemble des effectifs àsélectionner. Le corollaire d’une telle procédure serait un coûtfinancier extrêmement élevé et des moyens logistiques impor-tants incompatibles avec le budget disponible pour l’exécu-tion de cette enquête.

Aussi, le choix méthodologique s’est-il porté sur la sélec-tion par grappes appliquée à la présélection successive des éta-blissements puis des classes dans chacune des 3 tranchesd’âges coïncidant à chacun des 3 cycles scolaires, en tenant

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Tabagisme des élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans à Abidjan en 2002

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compte de leurs effectifs éligibles respectifs. Cette méthode desélection, inspirée de la technique d’échantillonnage à deuxdegrés décrite dans l’enquête mondiale sur le tabagisme desjeunes âgés de 13 à 15 ans [10], respecte le caractère aléatoirede la sélection des échantillons, garant d’une validité relativedes résultats. De plus, l’adoption d’un effectif à enquêter pro-che du double chez les garçons et du quadruple chez les fillesde l’effectif théorique déterminé en fonction de la prévalencetabagique spécifique estimée contribue à l’amélioration de lafiabilité de la prévalence calculée.

De ce qui précède et bien qu’imparfaite, la méthode uti-lisée dans ce travail est suffisamment fiable pour déterminer laprévalence en milieu scolaire à Abidjan et pour être appliquéeultérieurement au suivi de cette prévalence.

La prévalence globale du tabagisme est de 7,9 % enmoyenne chez les élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans et de10,6 % dans la tranche des 13-15 ans. À titre comparatif,l’enquête globale sur le tabagisme des jeunes âgés de 13 à15 ans menée entre 1999 et 2001 dans 43 pays [11] répartissur les cinq continents, estimait la prévalence globale du taba-gisme à 13,9 %. À l’exception de l’Afrique du Sud, les paysafricains associés à l’enquête y avaient une prévalence infé-rieure à la moyenne des 43 pays. Il en était de même à Abidjanen 1986 [5] et en 2002 selon les résultats de la présente étude.

Cette valeur relativement basse de la prévalence tabagi-que globale s’explique par la faible prévalence tabagique chezles jeunes filles, estimée à 3,7 % entre 8 et 22 ans. Cette faibleprévalence du tabagisme féminin est considérée comme unfait établi dans la plupart des pays de la région africaine del’OMS [12, 13, 14, 15, 16] et, à quelques exceptions près,dans la majorité des pays en voie de développement [15, 17].Cette faible prévalence tabagique s’expliquerait en premierlieu par des considérations d’ordre socioculturel ou religieuxqui rendraient le tabagisme féminin socialement mal vu ouinacceptable, mais aussi par une aisance financière moindredes femmes par rapport à celle des hommes [17]. En Europeoccidentale, la faible prévalence tabagique chez les fillesn’existe plus depuis plusieurs décennies où, de l’ordre de 27 %en 1986 [17] et en 1999 [18] à l’âge de 15-16 ans, elle estsimilaire à celle des garçons [18] et parfois même la dépasse,tel au Royaume-Uni en 1991 [17].

A contrario, la valeur faible de la prévalence tabagiqueglobale masque une prévalence spécifique relativementimportante chez les garçons. De l’ordre de 11 % entre 08 et22 ans dans notre étude, la prévalence atteint 22,9 % entre18 et 22 ans, valeur similaire retrouvée en milieu scolaire auBurkina-Faso [19] dans la même tranche d’âges sans toutefoisatteindre les valeurs de 30 % à 40 % de leurs homologues despays européens [18, 20]. Surtout, c’est la progression rapidede cette prévalence en fonction de l’âge, notamment celle desfumeurs réguliers (fig. 1), qui témoigne de la vigueur de l’épi-démie tabagique au sein des garçons scolarisés. Selon lemodèle descriptif de l’épidémie tabagique établi par Lopez en1994 [13] et si aucune mesure pour stopper l’épidémie taba-gique n’est entreprise rapidement auprès de ces jeunes, la pré-

valence tabagique au sein des garçons scolarisés âgés de8-22 ans pourrait dépasser le seuil des 30 % avec un pic deprévalence proche de 50 % chez les 18-22 ans dans une ving-taine d’années. Le taux de morbidité et les coûts socio-écono-miques qu’induirait 20 à 30 ans plus tard le tabagisme de cessujets composant alors la génération des cadres menaceraientde réduire à néant les efforts de développement accomplis parles générations antérieures [1, 17].

Le niveau de consommation tabagique, à raison de3,4 cigarettes par jour en moyenne, confirme la réalité dutabagisme des élèves et étudiants. Paradoxalement, le milieuscolaire et universitaire se révèle un site négligeable d’exposi-tion involontaire à la fumée de tabac tant en fréquence(0,4 %) qu’en durée (0,32 heure/jour). En revanche, la cir-constance d’exposition « lieux publics » cumule la plus grandefréquence d’exposition et, mais dans une moindre mesure, laplus grande durée d’exposition par rapport aux autres circons-tances telles que « en famille » ou « entre amis ». Ces données,en accord avec celles mentionnées par la British Medical Asso-ciation pour les adultes et enfants vivant dans des domicilessans fumeurs [21], soulignent l’importance de la nécessité deréglementer l’usage du tabac, singulièrement dans les lieuxpublics [22]. De nombreuses dispositions législatives visant àla protection des non-fumeurs, telle que la loi Évin en France,ont été en grande partie suscitées par l’accumulation de preu-ves scientifiques irréfutables sur la relation de causalité entrel’exposition passive et la survenue de maladies aiguës ou chro-niques mortelles ou invalidantes [15, 21]. Bien qu’ignorantpour la plupart d’entre eux ces preuves comme leurs homolo-gues étudiants en 1re année de médecine [16], les élèves etétudiants perçoivent néanmoins la notion de nocivité dutabagisme comme en témoigne d’une part la fréquence élevéede symptômes respiratoires reconnus induits par l’inhalationde fumée de tabac, et d’autre part par l’écrasante majorité desavis favorables à une réglementation de l’usage du tabac dansles lieux publics émis tant par les consommateurs de tabacque par les non consommateurs de tabac. Des résultats simi-laires, obtenus en Afrique du Sud en 1998 où 90 % des nonconsommateurs de tabac et 70 % des consommateurs detabac étaient favorables à une interdiction de fumer dans leslieux publics [21], ont conduit les pouvoirs publics sud-afri-cains à promulguer l’année suivante le Tobacco ControlAmendment Act, lequel décrète comme « espace non-fumeur »tous les espaces publics y compris les espaces professionnels etles moyens de transport. La présente étude s’inscrit dans uneperspective identique en Côte-d’Ivoire.

Dans notre étude, l’augmentation de la prévalence tabagi-que avec l’âge, l’égale prévalence tabagique entre sédentaires etsportifs et entre non asthmatiques et asthmatiques en dépit dela reconnaissance de la fumée de tabac comme facteur majeurde déclenchement des crises chez les consommateurs de tabacasthmatiques évoquent deux notions majeures à prendre encompte dans les futures campagnes de sensibilisation anti-tabac : d’une part les effets nocifs à court ou moyen terme sontmal connus ou sous estimés, d’autre part l’industrie du tabac est

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P. Bogui et coll.

Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 693-703 702

parvenue à renverser la perception initialement négative dutabagisme auprès des jeunes scolarisés. Quant aux effets mortelsà long terme du tabagisme, leurs très longs délais de survenue,en moyenne de 20 à 40 ans après le début du tabagisme [1-3,21, 23] représentent une période de 2 à 4 fois supérieure à ladurée de l’existence des élèves. Associées à la notion de risque etnon de certitude qui s’y rattache, les maladies mortelles induitespar le tabagisme ne constituent probablement pas un argumentpertinent pour susciter chez ces jeunes une motivation suffi-sante pour qu’ils se détournent de leur propre initiative de laconsommation des produits du tabac [23].

Mais au demeurant, seules des méthodes de désinforma-tion, telles que les méthodes publicitaires particulièrementcyniques et éhontées employées par l’industrie du tabac dansles pays en voie de développement [14], peuvent rendrecompte de l’inversion de l’image de la consommation de ciga-rettes spontanément perçue comme nocive chez les plus jeu-nes. La plus grande fréquence des avis favorables àl’interdiction de fumer dans les lieux publics par rapport à cellede l’interdiction de toute publicité chez les 18-22 ans démon-tre que l’action pernicieuse de la publicité n’a pas été déceléepar les jeunes se posant en grand défenseur de la libertéd’expression et d’actions. Quoi qu’il en soit, la publicité étantle principal moteur du recrutement des nouveaux fumeurs parl’industrie du tabac [23], l’avis favorable à son interdictionémis par la grande majorité des élèves et étudiants constitue unprétexte favorable à la sensibilisation des pouvoirs publics etnotamment du pouvoir législatif en vue de la promulgation delois interdisant toutes formes de publicité en faveur des pro-duits du tabac, conformément aux recommandations de laconvention cadre de lutte anti-tabac de l’OMS, adoptée etsignée par le gouvernement de la Côte d’Ivoire en 2003.

Conclusion

La présente étude donnait des renseignements nouveauxet pertinents sur des aspects épidémiologiques etcomportementaux en matière de tabagisme en milieu scolaireà Abidjan. Ces données étaient pour l’essentiel similaires àcelles déjà décrites dans les pays africains en particulier, et dansles pays en voie de développement en général. En corollaire, lesstratégies de lutte anti-tabac à élaborer en Côte-d’Ivoirepouvaient largement s’inspirer de celles de ces pays. Parailleurs, l’enquête utilisée dans ce travail devrait être étendueaux jeunes non scolarisés et déscolarisés représentant près de60 % des 8-22 ans, et couvrir tout le territoire national, afin deconstituer une base de données plus représentative de lajeunesse nationale au bénéfice d’un affinement du pland’actions stratégiques de lutte anti-tabac.

RemerciementsLes auteurs adressent tous leurs remerciements au Labora-

toire GlaxoSmithKline Côte-d’Ivoire, en particulier à MonsieurMustaphaKarim El Alaoui et au docteur Yves Aphing-Kouassi,ainsi qu’au bureau local de l’Organisation Mondiale de la Santé

en Côte d’Ivoire, en particulier au docteur Thierno Mamé AbySy et au docteur Adama Coulibaly, pour la contribution finan-cière que leur institution respective ont apportée à l’exécutionde cette enquête. Ces remerciements s’adressent également àM. Ouédraogo, V. Dagry, E. Siransy, Z. Zamblé, F. Bahi,N.F. Damey, E. Ockonza et P. Kah pour leur collaborationtechnique à l’exécution de l’enquête.

Références

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8 Institut National de la Statistique. Recensement général de la popula-tion et de l’habitat de 1998. Abidjan : Institut National de la Statisti-que 2001 ; 2 : 1-160.

9 Ernster V, Kaufman N, Nichter M, Samet J, Yoon SY : Women andTobacco: moving from policy to action. Bulletin of the World HealthOrganization 2000 ; 78 : 891-901.

10 World Health Organization : Tobacco or health: a global statusreport. Geneve, Switzerland: World Heath Organization, 1997.

11 The Global Youth Tobacco Survey Collaborative Group : Tobaccouse among youth: a cross country comparison. Tobacco Control 2002 ;11 : 252-70.

12 Corrao MA, Guindon EG, Sharma N, Shokoohi DF : Introduction,Methods and Regional summaries. In : Tobacco control country pro-files. Atlanta: The American Cancer Society; 2000. p. 3-26.

13 Lopez AD, Collishaw NE, Piha TA : Descriptive model of the cigaretteepidemic in developed countries. Tobacco control 1994 ; 3 : 242-7.

14 Roemer R : Le problème pour les pays en développement. In :L’action législative contre l’épidémie mondiale de tabagisme. Genève :Organisation Mondiale de la Santé ; 1995. p.169-175.

15 Samet JM, Yoon SY : Women and the tobacco epidemic: Challengesfor the 21st Century. Geneva: The World Health Organization; 2001.p. 1-222.

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17 Chollat-Traquet C. Comportements et tendances. In : Les femmes etle tabac. Genève : Organisation Mondiale de la Santé ; 1992. p.19-26.

18 Conférence ministérielle européenne de l’OMS pour une Europe sanstabac. Rapport sur la politique de lutte antitabac en Europe.

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Tabagisme des élèves et étudiants âgés de 8 à 22 ans à Abidjan en 2002

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Copenhagen : Bureau régional de l’organisation mondiale de la santépour l’Europe ; 2002. n° 2 ; p.1-55

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20 Mauffret M, Rousseau-Giral AC, Zaidman C : Les effets économi-ques et comportementaux présumés et observables In : La loi relativeà la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme : Rapport d’évaluation.La documentation française, Paris, 2000. p. 101-154.

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22 Roemer R : Réglementation de l’usage du tabac dans les lieux et les trans-ports publics. In : L’action législative contre l’épidémie mondiale de taba-gisme. Organisation Mondiale de la Santé, Genève, 1995. p. 109-120.

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