16
Depuis 2003, les travaux du Conseil national des professions du spectacle ont permis, pour l’ensemble du spec- tacle vivant, d’affiner la compréhension de l’évolution du marché de l’emploi, marquée pour les artistes et le personnel technique par une forte croissance démographique, une fragmentation des contrats de travail et de sensibles inéga- lités de revenus 1 . Néanmoins et malgré d’autres avancées récentes 2 , une connaissance affinée et une approche socio-économique plus systémique de ce secteur d’activité méritent d’être développées, notamment à propos des compagnies. En effet, les directions de ces très petites organisations expriment souvent des difficultés relatives à la valorisation de leurs activités dans un contexte de concurrence accrue, mais aussi des questionnements sur leurs missions de service public et sur les possibilités d’un comportement plus coopératif entre l’ensemble des acteurs de ce monde artistique. * Recherche coordonnée par Daniel Urrutiaguer et Philippe Henry, maîtres de conférences respectivement à l’université de la Sorbonne nouvelle – Paris 3 et à l’université de Paris 8 – Saint-Denis, ainsi que, pour l’enquête quantitative, par Cyril Duchêne, directeur des publics et du développement du Centre national de la danse. Certaines études de cas ont été réalisées par des chercheurs universitaires, Julie Valéro, Agathe Dumont, Laure Fernandez, Cécile Schenck (Paris 3), Laure de Verdalle (Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines), Serge Proust (Saint-Étienne), Bérénice Hamidi-Kim (Lyon 2) et Séverine Ruset (Grenoble 3). François Rémond (Paris 3) et Cécile Delassus ont également collaboré à certains aspects de la recherche. 1. Commission permanente de l’emploi du CNPS, Rapport 2008-2009, Paris, CNPS, 2010. 2. Observatoire prospectif du spectacle vivant, Tableau de bord de l’emploi et de la formation professionnelle dans le spectacle vivant, Paris, OMPQ-SV, 2011. 2012-1 182, rue Saint-Honoré, 75033 Paris cedex 01 ( 01 40 15 79 17 – 4 01 40 15 79 99 Téléchargeable sur le site http://www.culturecommunication.gouv.fr Secrétariat général Service de la coordination des politiques culturelles et de l’innovation Département des études, de la prospective et des statistiques culture études ÉCONOMIE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION Directeur de publication: Guillaume Boudy, secrétaire général. 2012-1 – mars 2012 Responsable des publications : Edwige Millery Territoires et ressources des compagnies en France Daniel Urrutiaguer, Philippe Henry et Cyril Duchêne * Avant-propos Regroupant un ensemble d’activités qui vont de la création de spectacles à leur production, leur distribution, leur programmation et leur diffusion, le spectacle vivant figure en bonne place dans les préoccupations des politiques culturelles publiques, comme l’ont encore montré les Entretiens de Valois conduits au cours de l’année 2008 et clos en 2009. Aujourd’hui, les conditions de développement du spectacle vivant évoluent dans un contexte économique tendu. Si les collectivités territoriales et l’État interviennent pour soutenir la création, la production et la diffusion de spectacles, les acteurs privés mais aussi des logiques marchandes influent de manière significative. Mieux appréhender et comprendre le fonctionnement socio-économique du spectacle vivant en apportant notamment des éléments de connaissance et d’explicitation des filières et des acteurs qui constituent ce champ, telle était l’ambition du DEPS lorsqu’il mit en œuvre en 2009, à la demande de la direction générale de la création artistique, un appel à propositions de recherche afin de constituer une cartographie socio-économique du spectacle vivant. Première contribution à cette construction de repères sur le champ du spectacle, la recherche dont les résultats sont présentés ici a privilégié une approche par filière, à partir du modèle économique des compagnies, tout à la fois porteuses de projets et implantées sur un territoire. L’approche interroge le lien entre la structure des ressources monétaires ou non monétaires des compagnies, le spectre de l’ensemble de leurs activités et leur distribution territoriale. Entre injonction d’excellence, ancrage local et rayonnement territorial, une typologie construite à partir des profils d’activité des compagnies de spectacle vivant permet de distinguer les compagnies selon l’origine de leurs ressources et la diversité de leurs activités. Guillaume BOUDY The main Territories and Resources of the French Performing Arts Companies

Territoires et ressources des compagnies

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Etude du DEPS

Citation preview

  • Depuis 2003, les travaux du Conseilnational des professions du spectacleont permis, pour lensemble du spec-tacle vivant, daffiner la comprhensionde lvolution du march de lemploi,marque pour les artistes et le personneltechnique par une forte croissancedmographique, une fragmentation descontrats de travail et de sensibles inga-lits de revenus1. Nanmoins et malgrdautres avances rcentes2, uneconnaissance affine et une approchesocio-conomique plus systmique dece secteur dactivit mritent dtredveloppes, notamment propos descompagnies. En effet, les directions deces trs petites organisations exprimentsouvent des difficults relatives lavalorisation de leurs activits dans uncontexte de concurrence accrue, maisaussi des questionnements sur leursmissions de service public et sur lespossibilits dun comportement pluscoopratif entre lensemble des acteursde ce monde artistique.

    * Recherche coordonne par Daniel Urrutiaguer et Philippe Henry, matres de confrences respectivement luniversit de la Sorbonne nouvelle Paris 3et luniversit de Paris 8 Saint-Denis, ainsi que, pour lenqute quantitative, par Cyril Duchne, directeur des publics et du dveloppement du Centrenational de la danse. Certaines tudes de cas ont t ralises par des chercheurs universitaires, Julie Valro, Agathe Dumont, Laure Fernandez, CcileSchenck (Paris 3), Laure de Verdalle (Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines), Serge Proust (Saint-tienne), Brnice Hamidi-Kim (Lyon 2) et SverineRuset (Grenoble 3). Franois Rmond (Paris 3) et Ccile Delassus ont galement collabor certains aspects de la recherche.1. Commission permanente de lemploi du CNPS, Rapport 2008-2009, Paris, CNPS, 2010.2. Observatoire prospectif du spectacle vivant, Tableau de bord de lemploi et de la formation professionnelle dans le spectacle vivant, Paris, OMPQ-SV,2011.

    2012-1182, rue Saint-Honor, 75033 Paris cedex 01( 01 40 15 79 17 4 01 40 15 79 99 Tlchargeable sur le site http://www.culturecommunication.gouv.fr

    Secrtariat gnralService de lacoordination despolitiques culturelleset de linnovationDpartementdes tudes,de la prospectiveet des statistiques

    culturetudesCONOMIE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

    Directeur de publication : Guillaume Boudy, secrtaire gnral. 2012-1 mars 2012Responsable des publications : Edwige Millery

    Territoires et ressources des compagnies en FranceDaniel Urrutiaguer, Philippe Henry et Cyril Duchne*

    Avant-proposRegroupant un ensemble dactivits qui vont de la cration de spectacles leurproduction, leur distribution, leur programmation et leur diffusion, le spectaclevivant figure en bonne place dans les proccupations des politiques culturellespubliques, comme lont encore montr les Entretiens de Valois conduits aucours de lanne 2008 et clos en 2009. Aujourdhui, les conditions dedveloppement du spectacle vivant voluent dans un contexte conomiquetendu. Si les collectivits territoriales et ltat interviennent pour soutenir lacration, la production et la diffusion de spectacles, les acteurs privs maisaussi des logiques marchandes influent de manire significative.Mieux apprhender et comprendre le fonctionnement socio-conomique duspectacle vivant en apportant notamment des lments de connaissance etdexplicitation des filires et des acteurs qui constituent ce champ, telle taitlambition du DEPS lorsquil mit en uvre en 2009, la demande de la directiongnrale de la cration artistique, un appel propositions de recherche afinde constituer une cartographie socio-conomique du spectacle vivant.Premire contribution cette construction de repres sur le champ duspectacle, la recherche dont les rsultats sont prsents ici a privilgi uneapproche par filire, partir du modle conomique des compagnies, tout lafois porteuses de projets et implantes sur un territoire. Lapproche interrogele lien entre la structure des ressources montaires ou non montaires descompagnies, le spectre de lensemble de leurs activits et leur distributionterritoriale. Entre injonction dexcellence, ancrage local et rayonnementterritorial, une typologie construite partir des profils dactivit descompagnies de spectacle vivant permet de distinguer les compagnies selonlorigine de leurs ressources et la diversit de leurs activits.

    Guillaume BOUDY

    The main Territories and Resources of the French Performing Arts Companies

  • Explorer les liens entre la distribution territoriale desactivits des compagnies thtrales et chorgraphiques enFrance et la structure de leurs ressources, montaires et nonmontaires, se rvle une entre pertinente pour prciser lesdfis conomiques, politiques, artistiques et sociaux auxquels ces organisations sont exposes. La mthodologiesappuie sur un chantillon de 51 tudes de cas qualitativeset le traitement quantitatif de 572 rponses un question-naire3.

    Les rfrences la littrature disponible sur le champtudi permettent darticuler les rsultats indits desconfirmations de faits dj connus.

    UN PAYSAGE PRCIS

    Une typologie indite des compagniesAu-del de la singularit de toute dmarche artistique,

    trois variables principales ont t dgages et permettent demieux comprendre les interactions entre les compagnies etleur environnement, dans le cadre dune analyse de filiredu spectacle vivant :1) le centre de gravit territorial de la diffusion des spec-

    tacles des compagnies, et plus particulirement limpor-tance relative de leur rgion dappartenance ou dim-plantation ;

    2) le niveau de reconnaissance institutionnelle des tablis-sements daccueil des activits, et plus particulirementlimportance relative des tablissements artistiques ouculturels labelliss par le ministre de la Culture et de laCommunication au titre de la production ou de la diffu-sion artistiques (thtres nationaux, centres dramatiquesou chorgraphiques nationaux, festivals internationaux ;scnes nationales, scnes conventionnes, festivals natio-naux) ; la corrlation entre cette variable et la prcdentereflte les liens entre la capacit dexcentration de la dif-fusion dune compagnie hors de sa rgion dapparte-nance ou dimplantation et son degr de programmationdes lieux de spectacles labelliss ;

    3) le niveau du budget annuel des compagnies.Ces trois variables se sont rvles beaucoup plus dis-

    criminantes que la diffrenciation usuelle selon la disci-pline4 ou encore selon le genre des directeurs(rices) artis-tiques. Quatre groupes principaux sont distinguables, selonlimportance respective de la rgion du sige social et desautres territoires, national ou international5, dans le tempsconsacr la diffusion. Lapproche qualitative, confirmepar lchantillon quantitatif, a ainsi permis de diffrencier : les compagnies dites rgionales , dont lactivit se ra-

    lise exclusivement ou presque sur leur territoire rgionaldappartenance (90 % ou plus des reprsentations de spec-

    tacles). Lactivit se droule galement presque exclusi-vement dans des tablissements ne disposant daucunlabel national du ministre de la Culture et de laCommunication (centres artistiques et culturels munici-paux, festivals rgionaux ou off dAvignon) et dans destablissements dont la vocation premire nest pas artis-tique (coles, maisons des jeunes et de la culture ou mai-sons de quartier, bibliothques, hpitaux, prisons) ;

    les compagnies dites transrgionales , dont lactivit dediffusion de spectacles reste majoritairement situe dansla rgion dimplantation (55 % 75 % de la programma-tion), cette premire caractristique se compltant duntaux de diffusion trs important dans les tablissementsnon labelliss par le ministre (de 70 % 80 % des spec-tacles de la compagnie). Une part de plus en plus signifi-cative de leur activit dpend nanmoins des partenariatsquelles parviennent nouer hors de leur rgion dorigineou dappartenance actuelle, et de ceux quelles concrti-sent avec les tablissements label national dabord deproduction (7 % 28 % des reprsentations) ;

    les compagnies dites multirgionales , dont la part dac-tivit hors rgion dimplantation lemporte (55 % 80 %des reprsentations de spectacles au-del de la rgion dap-partenance), mme si cette dernire demeure importantepour le projet artistique et culturel de ces compagnies. Cescompagnies dclarent toujours des reprsentations ltranger (de 1 un peu moins de 10 reprsentations).Enfin, la part des reprsentations ralises dans les ta-blissements label national est peine plus importante quepour les compagnies transrgionales, les tablissementsnon labelliss par le ministre continuant tre prdomi-nants pour lactivit de ces compagnies ;

    les compagnies dites excentres , dont lessentiel desactivits se droule hors de la rgion du sige social etadministratif (au moins 70 % des reprsentations de spec-tacles programmes hors de cette rgion) ; les tablisse-ments artistiques labelliss par le ministre (au titre de laproduction ou de la diffusion) sont les principaux parte-naires de ces compagnies, sans pour autant tre exclusifs ;les lieux non labelliss ou vocation premire autre quar-tistique apparaissent ainsi souvent de manire non ngli-geable (de 9 % 39 % des reprsentations).Sur le plan des disciplines artistiques, on note une sur-

    reprsentation du thtre et du conte dans les profils rgio-naux , alors que les arts du cirque, de la marionnette et dela rue sont plus prsents dans les autres groupes.

    Le nombre restreint de compagnies relevant du derniergroupe (8 %) doit tre soulign, dautant quil correspond lidal encore trs largement rpandu dune excellenceartistique dabord proccupe de rayonnement national ouinternational, plus que dattaches territoriales. Les troisautres groupes, o se conjuguent diversement mais constam-ment une vise de qualit artistique et une inscription ter-

    3. Voir encadr mthodologique, p. 16.4. Disciplines reprsentes dans les chantillons : thtre, danse, cirque, arts de la rue, marionnettes, conte. Un nombre non ngligeable de compagniesse prsentent aussi comme pluridisciplinaires.5. Les rsultats quantitatifs sappuient sur les 503 troupes ayant class la diffusion de spectacle dans leurs quatre activits principales. Linformationfournie par les 69 autres compagnies qui, en 2009 et pour des raisons diverses, ont accord beaucoup moins de temps la diffusion nous a sembl moinspertinente. Leur fonctionnement reste nanmoins similaire aux autres compagnies, ce qui tend confirmer les aspects plus qualitatifs qui seront men-tionns.

    2 culture tudes 2012-1

  • ritoriale plus affirme, sont en proportion plus importants.Ainsi, ils assurent lessentiel tant de la diversit des propo-sitions artistiques portes par les compagnies profession-nelles que de la confrontation de celles-ci avec la diversitdes cultures vcues par les personnes. Limportance des ta-blissements non artistiques et des tablissements ne dispo-sant pas dun label national du ministre de la Culture et dela Communication pour le dveloppement des compagnies,et donc plus largement pour lensemble du secteur du spec-tacle vivant, mrite dtre souligne.

    La typlogie tablie questionne le modle de la politiqueculturelle nationale, qui a construit au cours de la secondemoiti du XXe sicle une hirarchisation des propositionsartistiques en fonction surtout des jugements des experts surleur qualit.

    Activits et ressources des compagniesLa production des spectacles est la premire activit de

    lemploi du temps des compagnies. La diffusion et ladmi-nistration occupent un rang second, mais dimportancesimilaire pour ces deux activits. Le temps consacr la dif-fusion de spectacles est inversement proportionnel au degrdinscription territoriale, alors que le temps consacr lac-tion culturelle ou la formation professionnelle crot aveccelui-ci : les compagnies rgionales sont celles qui consa-crent la plus grande partie de leur activit laction cultu-relle et la plus faible la diffusion, tandis que la relation estinverse pour les compagnies excentres. Ces derniresorganisent plus souvent des manifestations daction cultu-relle en relation avec les spectacles, tandis que les compa-gnies rgionales dveloppent frquemment des dispositifsindpendants de leur offre de spectacles.

    Au-del du primat toujours actuel de la production et dela diffusion de spectacles, laction culturelle constitue uneactivit au moins non ngligeable et parfois trs impor-tante des compagnies. Un dbat rcurrent porte sur lerisque dinstrumentalisation politique et sociale des artistes des fins danimation des quartiers urbains, despacesruraux et de retissage de liens sociaux. Un grand nombre demetteurs en scne, en piste ou de chorgraphes entendentainsi se distinguer de lanimation culturelle, qui serait seloneux oriente vers une satisfaction court terme des besoinsde la population. Ils proposent des actions susceptibles

    dmanciper les individus par un dplacement de leurs pr-occupations vers des mondes sensibles et imaginaires, quiouvrent symboliquement le champ des possibles. En matiredaction culturelle, la part de linitiative des compagnies etcelle des commandes de collectivits publiques sont maxi-males pour les troupes rgionales, linverse des compa-gnies excentres qui ont la part la plus leve de com-mandes dtablissements culturels.

    Lancrage rgional joue un rle dcisif pour le dve-loppement des compagnies, quels que soient les profils ter-ritoriaux dactivit.

    Tout particulirement pour les activits de recherche, deproduction ou daction culturelle, la rgion du sige socialreste au premier rang dans lemploi du temps de toutes lescompagnies, y compris des excentres. Ce rsultat confortele sentiment dun dcalage problmatique entre la priorit

    2012-1 3culture tudes

    Typologie des 572 compagnies selon leur diffusion territoriale en 2009

    diffusion importante lors de lenqute 503 (88%)rparties en : rgionales 103 (18%) transrgionales 259 (45%)multirgionales 95 (17%) excentres 46 (8%) diffusion secondaire lors de lenqute 49 (9%)* Sans diffusion lors de lenqute 20 (3%)

    * Il sagit des compagnies qui nont pas class la diffusion de leurs spectaclesparmi leurs quatre premires activits en termes dintensit du temps qui leurest consacr.

    Tableau 1 Note dintensit* moyenne des activits principales des compagnies en fonction de leur profil de diffusion

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    Production Diffusion Adminis- Action Recher-de tration culturelle, che

    Compagnies spectacles formationrgionales 4,0 3,0 3,1 3,2 1,3transrgionales 4,2 3,6 3,2 2,6 1,1multirgionales 3,8 4,0 3,1 2,1 1,2excentres 4,3 4,1 2,9 1,6 1,6diffusion

    secondaire 4,2 1,0 3,3 3,3 2,4sans diffusion 3,3 0,3 3,6 2,6 2,5

    Ensemble 4,1 3,3 3,2 2,6 1,3

    * La note dintensit rsulte du classement par ordre dimportance desvariables considres dans lenqute par questionnaire. La note de 5 est attri-bue la 1re activit dclare par la compagnie, celle de 4 la seconde etainsi de suite, ou 0 en cas dabsence dactivit dans un domaine donn.

    Graphique 1 Profils de diffusion selon le nombre de reprsentations mdian et moyenen 2009

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    Mdiane

    Moyenne

    15

    20

    30

    35,7

    40

    52,2

    36

    63,4

    13

    22,3

    Rgionales Transrgionales Multirgionales Excentres Diffusionsecondaire

    0

    10

    70

    60

    50

    40

    30

    20

    En units

  • institutionnelle donne lexcellence artistique sur la terri-torialit6 et la ralit du fonctionnement des compagnies.

    Par choix dlibr ou parfois subi au vu des difficults diffuser hors de leur rgion dorigine, les compagniesrgionales sont par ailleurs plus orientes vers des relationsde proximit avec la population locale. Par l, elles rpon-dent lobjectif de dmocratisation ou de dmocratie cultu-relles. Llargissement de la zone de diffusion une chellenationale et internationale conduit des formes progressi-vement moins intensives daction culturelle, mais se rvleglobalement beaucoup plus rmunrateur. Dans lchan-tillon qualitatif, le budget moyen des compagnies excentresest ainsi quatre fois plus lev que celui des troupes rgio-nales, la part de leurs recettes daction culturelle ou de for-mation tant simultanment la plus faible.

    Si les ressources financires des compagnies sont, enmoyenne, croissantes depuis les compagnies rgionalesjusquaux compagnies excentres, on trouve dans chaquegroupe des cas drogatoires, les disparits entre les com-pagnies tant importantes au sein de chaque catgorie.

    Les groupes se diffrencient dabord par la structurepropre des budgets, selon deux dterminants principaux : lapart relative des recettes propres et des subventionspubliques dune part, celle des subventions dtat et des col-lectivits territoriales dautre part.

    La part des subventions des collectivits territorialesdans le budget est la plus importante pour les compagnies

    rgionales, tandis que les recettes propres lemportent lar-gement pour les compagnies excentres.

    Le chiffre daffaires vente de prestations immdiatesou diffres (coproductions) des acheteurs en contrepar-tie dune rtribution montaire est la premire source derevenus des compagnies multirgionales et excentres,avant les subventions publiques. Cela reflte limportancedes achats de spectacle des tablissements artistiques label-liss pour ces troupes. linverse, les subventions publiquesconstituent la premire ressource des compagnies rgionaleset transrgionales. Il faut souligner galement la part sup-rieure des subventions cumules des collectivits territo-riales par rapport celles de ltat, sauf pour les compagniesexcentres.

    Le rang des revenus de la coproduction est inversementproportionnel celui des rmunrations tires de lactionculturelle. Pour les troupes rgionales, le rang de la copro-duction est ainsi minimal et celui de laction culturelle et dela formation maximal, tandis que la relation est inversepour les compagnies excentres.

    Ces modes de financement diffrencis rvlent doncdes enjeux distincts.

    Lchantillon quantitatif donne des indications simi-laires, bien que moins prcises et contrastes. On observe

    4 culture tudes 2012-1

    Graphique 2 Note dintensit moyenne des champsterritoriaux dans trois des activits des compagnies

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    Recherche artistique hors cration

    International

    National

    Rgional

    International

    National

    Rgional

    International

    National

    Rgional

    Action culturelle, formation

    Production

    0,0 0,5 1,0 2,0 3,01,5 2,5

    Excentres

    Multirgionales

    Transrgionales

    Rgionales

    Lintensit des apports de la rgion dappartenance ou dimplantation lem-porte dans tous les cas et quelle que soit lactivit considre.

    Tableau 2 Budget des compagnies selon leur profil de diffusion, 2009

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    Compagnies Moyenne Mdianergionales 59 100 40 300transrgionales 125 000 84 200multirgionales 205 200 125 100excentres 266 100 137 200diffusion secondaire 90 900 56 600sans diffusion 19 800 6 300

    Ensemble 131 400 75 000

    En euros

    6. Le rayonnement national et international de la production des tablissements culturels labelliss est ainsi plac au premier plan dans les contrats dedcentralisation dramatique des CDN.

    Tableau 3 Comparaison de la structure moyennedes principales ressources de lchantillon qualitatif de 2007 2009

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    Vente Copro- Action Subven- Subven-de duction culturelle, tions tions des

    Compagnies spectacles formation dtat collectivitsterritoriales

    rgionales 21,0 1,8 11,2 17,3 35,6transrgionales 28,5 6,4 4,1 16,7 26,5multirgionales 41,5 7,1 5,2 14,4 19,1excentres 54,9 12,2 1,2 15,7 7,1

    Ensemble 37,8 7,3 4,7 15,8 20,9

    La partie rsiduelle (13,5% du budget pour lensemble de lchantillon) cor-respond aux autres ressources propres comme le remboursement des fraisde tournes, les produits des activits annexes, les subventions civiles, lemcnat, ou encore des transferts de charges dune anne lautre et aursultat moyen sur les trois exercices.

    En%

  • un primat constant du rang dimportance du chiffre daf-faires sur celui des subventions. Les revenus de lactionculturelle sont toujours suprieurs ceux de la coproduc-tion, sauf pour les compagnies dites excentres. La rgiondu sige social constitue une source centrale de revenus pourtoutes les troupes, quel que soit leur profil territorial.

    La double dpendance conomique des compagnies,tant la vente de leurs prestations des diffuseurs quauxsubventions publiques, reste manifeste. La capacit dif-fuser les spectacles au-del de la rgion dimplantationreste un critre dcisif pour le subventionnement tatique etlentre en relation avec des tablissements labelliss par leministre, qui sont en mesure de participer plus ample-ment la coproduction, loffre de rsidences et lachatde reprsentations. Il existe donc une tension, actuellementaccrue, entre, dune part, la ncessit ou la volont dun plusgrand ancrage territorial, et dautre part, une conomie pri-vilgiant une diffusion nomade largie des propositionsartistiques des compagnies.

    Des volutions conomiques inquitantesOn observe une tendance la baisse des tarifs unitaires

    dachat des spectacles par les diffuseurs et celle, concomi-tante, des subventions publiques. La moyenne des subven-tions accordes par les Drac aux compagnies flchit depuis2006 (euros constants7) ; celles dlivres par les collectivi-ts territoriales, dont la progression plus rapide que cellesde ltat a permis de reprsenter, en 2006, les trois quartsdes subventions publiques accordes aux rseaux du spec-tacle vivant en dehors des Epic8, connaissent aujourdhui aumieux une stabilisation, dans un contexte o la crise co-nomique augmente leurs dpenses sociales et limite las-siette fiscale des impts9. Dans ces conditions, lobtentionpuis la reconduction dun conventionnement pluriannueldeviennent un enjeu majeur de scurisation, au moins par-tielle, dun avenir aujourdhui encore plus incertain pour lescompagnies.

    Un phnomne structurel menace lconomie subven-tionne des compagnies : les aides publiques progressentmoins vite que les cots fixes des tablissements culturels,notamment leur masse salariale, ce qui rduit leur margepour financer des dpenses artistiques et les contraint chercher accrotre leurs ressources propres. Cest lun desfacteurs expliquant la baisse du prix dachat unitaire desprestations par les tablissements de diffusion. Les finan-cements europens au profit de plans de dveloppement ter-ritorial peuvent offrir un complment de ressources auxcompagnies rgionales, mais ils ncessitent un accompa-gnement de la part dune collectivit locale ou dun qui-pement culturel comptent dans la constitution dun dossierassez complexe. Le mcnat capt par les compagnies estencore trs marginal, malgr les avantages fiscaux accruspar la loi du 1er aot 2003 et leur largissement aux dons desparticuliers par celle du 25 dcembre 2007. Les compagnieschorgraphiques sont celles qui semblent recueillir leplus de dons de la part de fondations, dentreprises et demnages.

    Les compagnies constatent, ds la fin des annes 1990,une dtrioration de leurs conditions de diffusion des spec-tacles, qui sest encore accentue ces dernires annes. Lemouvement social des intermittents du spectacle en 2003semble constituer un marqueur historique de cette volutionprobablement structurelle.

    Face la faiblesse rcurrente des ressources montaires,les compagnies cherchent en mobiliser dautres, nonmontaires. En dehors du bnvolat et du travail invi-sible , tous deux difficiles valuer, le partage de matrielou dun local artistique, notamment loccasion dune rsi-dence dans un tablissement culturel, est courant.

    Les rsidences de moyenne ou longue dure dans destablissements artistiques et culturels sont dsormais recher-ches par les compagnies, pour les ressources montaires et

    7. Chantal LACROIX, Chiffres cls 2010. Statistiques de la culture, Paris, Ministre de la Culture et de la Communication, DEPS/La Documentation fran-aise, 2010, p. 66 et 87 pour les montants des subventions en euros courants ; INSEE pour lindice des prix la consommation harmonis.8.Cartographie nationale du spectacle vivant, Paris, Ministre de la Culture et de la Communication, DMDTS, 2006.9. La reconfiguration par ltat de la taxe professionnelle a rcemment restreint lassiette fiscale pour le calcul de la contribution conomique territoriale.

    2012-1 5culture tudes

    Tableau 4 Note moyenne dintensit des revenusprincipaux selon le profil de diffusion

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    Action culturelle, Copro- Vente de SubventionsCompagnies formation duction spectacles publiquesrgionales 2,3 0,9 2,9 2,3transrgionales 1,8 1,1 3,3 2,7multirgionales 1,5 1,2 3,3 2,7excentres 1,1 1,7 3,4 2,1diffusion second. 2,1 1,0 3,0 2,4sans diffusion 2,0 0,6 0,0 1,6Moyenne 1,8 1,1 3,1 2,5

    * La note dintensit est ici de 4 (maximale) pour le 1er revenu dclar par lacompagnie et de 1 (minimale) pour le 4e, ou 0 en cas dabsence de revenudans un domaine donn.

    Graphique 3 Composition du financement publicselon les profils de diffusion des compagnies

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    Rgional Transrgional Multirgional Excentr Diffusionsecondaire

    0

    10

    40

    30

    20

    %

    tat seul

    Collectivits territoriales > tat

    tat > Collectivits territoriales

    Collectivits territoriales seules

    En%

  • non montaires quelles leur apportent et les partenariatsprennes quelles instaurent. Cette question est stratgiquepour tous les profils de compagnies et renforce, par ailleurs,celle de leur implication territoriale.

    Des dfis organisationnels accrusSur le plan de lorganisation interne des compagnies,

    lchantillon qualitatif confirme que les compagnies sontdes micro-organisations flexibles. Chacune est gnralementconstitue autour du projet artistique dune ou deux per-sonnes, mme si quelques cas de collectifs, dorganisa-tions familiales ou de compagnies constitus par des amissont aussi reprables. La compagnie intgre, ds que pos-sible, au moins une personne plus spcifiquement chargedes tches dadministration et, plus largement, de la pro-duction et de la diffusion, en particulier de spectacles. Desartistes et techniciens (entre 5 et 10 la plupart du temps) par-ticipent rgulirement au dveloppement du projet den-semble, tout en poursuivant des collaborations avec dautrescompagnies ou organisations artistiques et culturelles. Lefonctionnement repose donc dabord sur un agencementvariable de moyens, selon les besoins immdiats ou decourt terme. lment central de la spcificit et de la qua-lit artistiques des compagnies, la capacit dvelopper unpartenariat de long terme avec une quipe artistique et tech-nique ne parat donc ni aise ni constante. Ce mode de fonc-tionnement fait de chaque compagnie une vritable entre-prise-rseau , qui utilise une gamme varie de ressourceset de comptences, disponibles dans lenvironnement pro-fessionnel et pouvant relever dune diversit dorganisations.Cette dynamique est galement facilite par les possibilitsrglementaires de flexibilit demploi accordes aux artsvivants, notamment avec le recours intensif des compa-

    gnies au contrat dure dtermine dusage (CDDU), quipeut reprsenter jusqu 90 % ou plus de leur masse sala-riale. Aujourdhui, les compagnies sorganisent structurel-lement toujours partir et autour de lemploi intermittent10.

    Le croisement des donnes statistiques collectes etcelles de lUnedic indique que les indemnits de chmagedes intermittents du spectacle reprsentent, pour les com-pagnies, un complment conomique estim autour de 20 %par rapport leur budget.

    En termes de gouvernance, les compagnies ont toujourstrs majoritairement recours au statut dassociation butnon lucratif. Dans ce cadre, les conseils dadministration,trs souvent rduits un bureau de trois ou quatre membres,nont la plupart du temps pas de poids rel dans la dfini-tion des orientations et la marche courante des compagnies.Nanmoins, et dans le cadre dun environnement com-plexifi pour les compagnies, le souci est perceptible desappuyer de plus en plus sur les membres de ces bureauxpour des apports en conseil et en comptence. Le statutassociatif ne conduit donc pas une mise en cohrence vi-dente entre, dune part, le pouvoir lgal qui revient de droitau prsident, et dautre part, la responsabilit sociale et fis-cale si le dtenteur de la licence dentrepreneur de spectaclesest une personne diffrente, et, enfin, la direction artistique.

    La moiti des compagnies de lchantillon qualitatifmentionne un binme vritablement oprant entre la direc-tion artistique et une personne qui porte une forte respon-sabilit dadministration de la compagnie. Mais, si une col-laboration de long terme avec un mme administrateurexiste, elle reste lexception. Ainsi, le problme de la rota-tion rapide des personnes en charge de tches dadminis-tration est mentionn, dautant quune bonne part de cespostes dpend demplois aids, par dfinition temporaires.

    10. Sur cet aspect comme sur de nombreux autres, la situation actuelle des compagnies ne diffre pas fondamentalement de ce qui tait reprable ds lafin du sicle dernier. Voir par exemple, Philippe HENRY, Les compagnies thtrales, une pluralit de logiques articuler , Thtre/Public n 153, mai-juin 2000, p. 67-74 et Compagnies thtrales : les particularits dun vrai jeu dArlequin , Thtre/Public n 168, mai-juin 2003, p. 4-22. En revanche,les conditions contextuelles ont continu changer en dix ans et agissent de plus en plus sur les orientations et le fonctionnement interne des compagnies.

    6 culture tudes 2012-1

    Graphique 4 Type de ressource matrielle partageen fonction du profil de diffusion des compagnies

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    Rgional

    Transrgional

    Multirgional

    Excentr

    Diffusionsecondaire

    Sans diffusion

    0 10 60 7050403020 %

    Local administratif Matriel Local artistique

    En%

    Graphique 5 Nombre moyen de personnes engagesselon le type de contrat pourles diffrents profils de diffusion

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    CDI

    Stage

    CDD

    Honoraire

    CDDU

    Emplois aids

    6

    2

    0

    8

    12

    20

    18

    16

    14

    10

    4

    ExcentrMultirgionalTransrgionalRgional Diffusionsecondaire

    Sansdiffusion

    Ensemble

    En units

  • Par ailleurs, le recours lexternalisation des tchesadministratives se dveloppe, sous la forme, le plus souvent,de sous-traitance de la comptabilit et de la paye. Lappel des savoir-faire extrieurs (dont la collaboration avec unbureau de production ou une agence prive de diffusion)crot depuis les compagnies rgionales jusquaux excen-tres. Sur un autre plan, les compagnies diriges par unefemme sont plus souvent reprsentes dans les compagniesrgionales et, de manire plus attendue, dans les compagnieschorgraphiques, mais aussi dans celles dont les budgetssont les moins importants. Si linterprtation de ces l-ments ne doit pas tre univoque, ils indiquent au moins unesituation diffrencie entre les compagnies diriges par unefemme et celles qui le sont par un homme.

    Limpact de la crise actuelle

    Certains lments de la crise conomique de 2008-2009sont perceptibles. Paradoxalement, le budget moyen descompagnies de lchantillon qualitatif a augment en 2009.Ce phnomne sexplique dabord par une hausse des aidespubliques, notamment de la part des conseils gnraux etdes ministres autres que celui de la Culture et de laCommunication, ainsi que par un nombre plus important dereprsentations. Limpact ngatif de la rcession cono-mique sest surtout manifest par une baisse du prix unitairedes spectacles, signale dans les entretiens et estime 40 % en deux ans daprs lanalyse des comptes des com-pagnies. Daprs lvolution de la masse salariale artis-tique et technique par reprsentation, la moiti de cettebaisse est imputable une rduction de la taille moyennedes spectacles, en lien avec une demande accrue de formeslgres , lautre moiti un effet de la concurrence par lesprix.

    Ces divers lments montrent, de fait, un accroissementde la production de spectacles, dans des conditions de plusgrande concurrence la diffusion, mme si la crise a affectdiffremment les compagnies, selon leur profil de diffusionet la nature de leurs relations partenariales. Les rponsesrelatives aux perspectives dvolution des ressources refl-tent globalement la fragilit conomique de la trs grandemajorit des compagnies. 27 % des compagnies de lchan-tillon quantitatif dclarent une perception pessimiste ouinquite, contre 14 % se dclarant optimistes. La positionmajoritaire (59 %) relve dune posture prospective, dabordfocalise sur les moyens envisags pour accrotre les res-sources propres et les aides publiques.

    Le diagnostic dune situation socio-conomique den-semble particulirement problmatique pour lavenir, mode structurel de fonctionnement et de rgulationinchang, peut donc tre tabli. Pour linstant, chaque com-pagnie reste incite poursuivre un dveloppement singu-laris, dabord centr sur le renouvellement constant despectacles pouvant tre largement diffuss au-del de leur

    2012-1 7culture tudes

    Graphique 7 Recours des compagniesaux diffrentes formes dagence prive daccompagnement

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    Aucun Cabinet comptable

    Bureau deproduction

    Agence de diffusion

    Autre0

    10

    60

    50

    40

    30

    20

    %

    Rgionales

    Transrgionales

    Multirgionales

    Excentres

    Diffusion secondaire

    En%

    Graphique 8 Perception des compagnies quant au devenir de leurs ressources

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    Rgionales Transrgionales Multirgionales Excentres Diffusionsecondaire

    Sans diffusion0

    10

    60

    50

    40

    30

    20

    %

    Optimiste

    Pessimiste

    Incertaine

    Prospective

    Ne rpond pas

    En%

    Graphique 6 Rpartition des compagnies selon le dtenteur de la (des) licence(s)dentrepreneur de spectaclesen fonction de la discipline artistique

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    Thtre Arts dela rue

    Danse CirqueMoyenne0

    10

    60

    50

    40

    30

    20

    Prsident

    Membre bureau

    Directeur artistique

    Autre salari de la compagnie

    Autre cas

    Marion-nettes

    Conte Pluri-discipline

    En %

  • rgion de cration. Le risque est daccrotre la tension entreune multiplicit duvres cherchant des lieux de program-mation et des dbouchs sur un march dont les capacitsde dveloppement ne sont pas la mesure de cette offre tou-jours plus abondante.

    Des compagnies partie prenante dune filire spcifique

    Ltude permet dapprhender ltat actuel de structu-ration de la filire des arts thtraux et chorgraphiques etla situation des compagnies dans ce contexte spcifique.Lapproche par la notion de filire revient en effet consi-drer les compagnies en France comme acteurs dcisifsdun ensemble dentreprises et dorganisations interdpen-dantes visant assurer un processus global, allant de laconception dun type de biens ou de services sa fabrica-tion et sa mise sur un march, jusqu son appropriationpar des usagers. Dans ce processus, qui va dun amont(conception et production) jusqu un aval (diffusion etappropriation), chaque organisation particulire intervientde manire partielle et localise. Pour le spectacle vivant, legenre de biens et de services considrer comprend aujour-dhui, non seulement les spectacles comme uvres, maisaussi les pratiques daction artistique et culturelle qui leursont associes.

    Sur ce plan, il faut souligner limpossibilit des compa-gnies pouvoir, de nos jours, se contenter dune centrationsur la double fonction de production et de diffusion despectacles. Ce diple reste la rfrence centrale et constam-ment revendique des directeurs, en particulier artistiques,interrogs. Dans les faits cependant, on observe que chaquecompagnie doit, par intrt propre et par ncessit dicte parlenvironnement, se proccuper toujours plus dautres fonc-tions vitales dans le fonctionnement de la filire du spectaclevivant. Cinq grandes fonctions sont identifies.

    Les compagnies sont dabord confrontes la trs forteincertitude de la fonction de recherche-exprimentation.Elles sont contraintes dy faire face en mobilisant surtoutune conomie rticulaire et de rciprocit, finalement assezpeu collectivement rflchie et organise. Sur ce plan, lergime partenarial entre priv et public qui sest structurdans la seconde moiti du XXe sicle a abouti des dispo-sitifs partiels et fragments daide la production, sansprise en compte globale des cots et sans rgulation terri-toriale (locale ou nationale) du segment recherche-expri-mentation. Celui-ci est pourtant de plus en plus centraldans lconomie crative contemporaine, dont les mondesde lart participent. Face au peu de ressources dont elles dis-posent cet gard, les compagnies optent le plus souventpour des formules datelier ou de laboratoire de recherche,o la mise disposition rciproque de moyens matriels(dont des locaux) et de comptences artistiques ou autres estla rgle.

    La fonction de production-fabrication est mieux appr-hende et a t lun des piliers du mode de dveloppementde lart dont nous hritons. Mais pour les arts thtraux etchorgraphiques, elle continue tre principalement envi-

    sage dans des partenariats locaux et successifs entre lescompagnies, les tablissements artistiques et culturels tantsollicits comme coproducteurs, les pouvoirs publics attri-buant des subventions. Ces divers soutiens sont encore lar-gement conus au sens restreint dune aide la production,sans que les fonctions (et les cots associs) de distributionou de diffusion (et la question dun retour sur investissementen cas de large diffusion) soient rellement intgres.

    La fonction de distribution-mdiatisation est elle aussitrs peu rflchie et organise collectivement pour les artsthtraux et chorgraphiques. Le fait que le Festival offdAvignon essentiel pour les compagnies comme premier salon professionnel de France ne fasse toujours paslobjet dune prise en charge plus collective de la part delensemble du milieu professionnel et des pouvoirs publicsen est un exemple frappant.

    Dans ces conditions et avec les moyens matriels,humains et financiers dont ils disposent, les tablissementsartistiques et culturels sont toujours plus au centre des dci-sions, tant pour les trois fonctions prcdentes que pourcelle de diffusion-exploitation qui organise les conditionsconcrtes selon lesquelles les spectateurs et autres praticiensamateurs feront lexprience des propositions artistiques descompagnies. Ils constituent dailleurs lautre pilier essentieldu mode de dveloppement de lart hrit de la secondemoiti du XXe sicle. Pourtant, ce sont surtout les tablis-sements non labelliss par le ministre de la Culture et dela Communication qui se distinguent par le nombre et parla varit des propositions thtrales ou chorgraphiquesproduites et diffuses11, en dpit dune faiblesse persis-tante de moyens consacrs aux propositions daction cultu-relle, dans tous les segments de la filire, et de la trsinquitante tendance la baisse des tarifs unitaires dachatde spectacles.

    Enfin, si la fonction de rception-appropriation taitplus difficile apprhender, il se confirme que les compa-gnies sont largement impliques dans ce qui sapparente la proposition de vritables services relationnels, au-del dela seule production et diffusion de spectacles. Reste que laprise en compte, au cur mme de leur projet artistique, dela diversit culturelle et gnrationnelle de nos concitoyenset des territoires dans lesquels ils vivent nest perceptibleque pour un nombre restreint de compagnies. Un des enjeuxsous-jacents aux mutations gnrales de notre socitconsiste pourtant dans linvention de relations plus sym-triques et plus interactives entre professionnels et amateursdart, ou simplement curieux de propositions artistiquesqui tiendraient compte de leur propre culture vcue.

    Les compagnies thtrales et chorgraphiques appa-raissent donc comme autant de micro-entreprises flexibles,construisant et entretenant entre elles et avec leurs diffrentspartenaires professionnaliss de trs nombreuses relations.Celles-ci sont dj indispensables pour assurer lmergencedes compagnies et toujours plus ncessaires pour permettreleur dveloppement.

    Les compagnies doivent dsormais dvelopper un grandnombre de comptences et mobiliser par elles-mmes dessavoir-faire spcifiques chacune des fonctions de la filire.

    11. Dans lchantillon qualitatif, ces tablissements ont reprsent en moyenne 65 % de la diffusion des compagnies entre 2007 et 2009.

    8 culture tudes 2012-1

  • Elles nen ont pourtant pas vraiment les moyens, alorsmme quune articulation un peu plus systmatique de len-semble des acteurs impliqus reste encore largement concevoir et mettre en uvre. Le partenariat entre priv etpublic qui a permis lexpansion et la structuration du mondedu spectacle vivant depuis laprs Seconde Guerre mon-diale12 demeure dcisif, tout en rencontrant dsormais denombreuses limites. Pour autant, ni la proposition ni lex-primentation de nouvelles faons de sy prendre, en parti-culier plus collectivement, nmergent vraiment. Il sagit ldun point nodal particulirement problmatique pour lesannes venir.

    Quoi quil en soit, il faut souligner un phnomne essen-tiel dans le contexte actuel : lmergence et le dveloppe-ment de chaque compagnie renvoient au premier chef sacapacit se rendre visible dans la filire et, en particulier, tre slectionne par divers canaux de valorisation sym-bolique et de redistribution de fonds, dont les plus prennesrestent les conventionnements pluriannuels, essentielle-ment ngociables avec des centres culturels et les diffrentspouvoirs publics dont ils dpendent et qui ont leurs propresenjeux et territorialits daction.

    REPENSER LE MODE DEDVELOPPEMENT DES COMPAGNIES ?

    Une remise en cause du modle de service public culturel

    Lanalyse de ltat actuel de la filire du spectacle vivantet des mutations, internes et contextuelles, dans lesquelleselle se trouve engage implique une mise distance critiquede son mode de dveloppement historique, mme sil a eulimmense avantage de permettre une croissance et unevitalit de ce secteur dactivit artistique.

    Sur un plan plus strictement conomique et organisa-tionnel, lanalyse de la filire du spectacle vivant doitprendre en compte lhybridation croissante des logiques demarch et des logiques de service public, mais galementlimportance dsormais structurelle dun tiers secteur, dini-tiative prive mais producteur de biens et de services selondes buts non lucratifs. La croissance continue de ce tiers sec-teur depuis les annes 1980 montre la ncessit de mobili-ser un troisime ensemble de logiques portant sur leschanges en rciprocit et rticulaires (bnvolat, mises disposition titre gratuit de moyens ou de comptences,relations interpersonnelles dans des rseaux). Si presquetoutes les compagnies se reconnaissent dans ce modle derfrence, lutilisation exclusive du statut associatif ninduitpourtant pas ncessairement des options de dveloppementplus mutualistes ou solidaires, qui ne concernent encorequune faible minorit de compagnies. Cette problma-

    tique dconomie ternaire est de plus en plus prgnantedans les organisations relevant de lconomie sociale etsolidaire. Elle mriterait dtre mieux dcline et spcifiepour le spectacle vivant et plus particulirement pour lescompagnies thtrales et chorgraphiques. Celles-ci, deplus en plus nombreuses, sont en effet confrontes la dif-ficult de matriser la complexification des diffrentesphases, troitement imbriques et risques, de leur filiredactivit. La stratification des compagnies, dans leur accsaux ressources, montaires ou non, repose toujours engrande partie sur les relations partenariales quelles arrivent tablir et stabiliser avec deux autres types dacteurs dci-sifs : les tablissements artistiques ou culturels, directe-ment intresss par les prestations possibles des compa-gnies, et les collectivits publiques, plus proccupes deleurs apports au titre de lintrt collectif ou gnral.

    De plus, le phnomne de concentration en aval de lafilire dune grande partie de la valorisation symbolique etconomique, au moment de la distribution, de la diffusionet de lappropriation des spectacles, cre un rapportdchange ingal entre les tablissements artistiques ouculturels et les compagnies. Ces micro-entreprises assumenten effet la prise de risque principale dans les phases derecherche-exprimentation et de production-fabrication,dans un contexte o lintensification de la concurrenceaccrot lincertitude des jugements sur la qualit qui serontports par les divers prescripteurs, privs et publics, et parles publics eux-mmes. Le rgime de lassurance-chmagedes intermittents et les changes fonds sur la rciprocitconstituent les principales ressources invisibles pourfaire face cette situation. Un conventionnement plurian-nuel par des collectivits publiques, ainsi que des rsi-dences de longue dure dans des tablissements artistiquesou culturels sont susceptibles de stabiliser lhorizon de pro-duction et de diffusion pour la minorit des troupes qui enbnficient.

    Le contexte concurrentiel, qui se manifeste par unebaisse du prix unitaire des reprsentations, constitue gale-ment une force de dsintgration des liens de cooprationdans lensemble du spectacle vivant et plus particulirementpour les compagnies. Elle sinscrit dans les transforma-tions contemporaines de la filire du spectacle vivant. Lescompagnies critiquent particulirement la tendance uneindustrialisation de leurs rapports avec les tablissementsartistiques ou culturels, sous la forme dune uniformisationdes programmations et dune marchandisation de la diffu-sion dans leurs rapports au public. Le fonctionnement actuelde la filire et les divers changements qui sy oprentconduisent ainsi un trs fort sentiment de remise en causedu modle historique du service public culturel, essentiel-lement fond sur larticulation entre les exigences artistiqueset la dmocratisation culturelle. Sur ces questions jusquprsent peu prises en compte, il convient de ne pas disso-cier lapproche en termes de valeurs et dobjectifs dintrt

    12. Partenariat dont ont dabord bnfici les tablissements artistiques labelliss et les artistes de grande notorit, mais aussi la pluralit des compa-gnies et plus largement lensemble des organisations du spectacle vivant professionnel. Il a galement abouti une gestion trs morcele de ce secteurdactivit, la multiplication des guichets financiers auprs desquels chaque projet tente de runir les ressources qui lui sont ncessaires se croisantavec la stratification hirarchise actuelle de ce monde de lart. Dans le mme temps, un nombre toujours croissant de compagnies et de praticiens vou-lant se professionnaliser est confront des difficults dautant plus renforces que la conception tant de la diffusion des spectacles que de lappropriationde ceux-ci par des non-professionnels a finalement fort peu volu structurellement.

    2012-1 9culture tudes

  • gnral et celle sattachant promouvoir des dispositifsorganisationnels et des modalits de rgulation qui appa-raissent aujourdhui pertinents.

    De ce point de vue, mieux comprendre la situation deslieux de production et de diffusion pluridisciplinaires ne dis-posant pas de label national dlivr par le ministre de laCulture et de la Communication serait essentiel. Ces lieuxjouent un rle de premier plan, tant pour les compagniesque, plus globalement, pour la prsence dmocratise etdiversifie des arts vivants sur lensemble du territoire natio-nal. Une tude rcente sur la rgion le-de-France, o sontimplantes prs dun tiers des compagnies de spectaclevivant, permet dinsister sur des lments dsormais dter-minants, tout en recoupant et validant nos propres rsul-tats13.

    Ltude ralise un niveau rgional confirme que leslieux non labelliss par le ministre assurent la plus grandepart de la diffusion des spectacles proposs par les compa-gnies. Elle met galement en exergue la concentration de ladiffusion sur quelques spectacles et, partant, les trs fortesingalits selon les uvres proposes et les compagniesconsidres. Ces tablissements disposent pourtant dunefaible capacit pour financer les dpenses artistiques et sontgalement soumis une pression de leurs tutelles publiquespour dgager des ressources propres largies, tout commeles tablissements culturels labelliss.

    On voit aussi se renforcer la place donne lactionculturelle et aux pratiques artistiques en amateur, propor-tion de lidentit vcue de thtres de proximit et delintrt port une plus grande participation de la popula-tion locale la vie de ces lieux. Avec des quipes perma-nentes souvent rduites, lappel des compagnies et pourdes rsidences plus ou moins longues dans le lieu constituela stratgie la plus employe.

    Au final, ces lieux de programmation jouent un rledsormais irremplaable, tant pour la diffusion du spectaclevivant que pour laction culturelle, laccueil des compagnieset donc galement pour la production de spectacles.

    Il existe donc des relations interorganisationnelles ren-forces et toujours plus dterminantes entre compagnies ettablissements artistiques ou culturels territorialiss. Plusglobalement, le devenir des interactions entre les compa-gnies, les tablissements artistiques et culturels (avec ousans label national), les pouvoirs publics et les publics eux-mmes soulve des interrogations systmiques sur lorga-nisation prsente et future de la filire du spectacle vivant.

    Entre ancrage territorial et nomadisme dans des rseaux

    Micro-entreprises flexibles, construisant et entretenantentre elles et avec leurs diffrents partenaires profession-naliss de trs nombreuses relations, les compagnies th-trales et chorgraphiques doivent dvelopper un plus grandnombre de savoir-faire en relation avec les diffrentes fonc-tions constitutives de leur filire dactivit. Les compa-gnies peinent sadapter cette situation et mettre enuvre des modes daction plus collectifs. Certaines exp-rimentations mergent, mais restent encore trs locales etlargement en de de lenjeu gnral.

    Aujourdhui, la contradiction socio-conomique majeurede toute compagnie est donc dtre une organisation-rseau,devant imprativement construire une permanence entre-preneuriale, tout en restant constamment hyperflexible. Elledoit simultanment se comporter comme une entreprisetotale, cest--dire qui assume la pluralit des tches indis-pensables pour couvrir le processus complet du spectaclevivant, depuis lmergence dune ide de proposition artis-tique jusqu son appropriation physiquement prouvepar divers publics.

    Dans un contexte dincertitude et de concurrenceaccrues, chaque compagnie va tre de plus en recherche de

    13. OPALE, Lieux de diffusion pluridisciplinaires de spectacle vivant en le-de-France majoritairement financs par les communes et intercommunali-ts, Paris, Arcadi, juillet 2011.

    10 culture tudes 2012-1

    Lieux de diffusion pluridisciplinairesde spectacle vivant en le-de-France

    majoritairement financs par les communes et intercommunalits,

    Opale/Arcadi, juillet 2011Sur lensemble de la rgion francilienne, ltude recense plus de200 lieux de diffusion pluridisciplinaires principalement financspar les municipalits et leurs regroupements intercommunaux. Ellerepre galement prs de 300 lieux spcialiss dans une disci-pline (musiques actuelles, par exemple) ou grs par une com-pagnie, ainsi que plus de 200 autres lieux (espaces socioculturels,lieux indpendants pluridisciplinaires comme les friches culturel-les). Soit un total de plus de 700 lieux non labelliss par le minis-tre de la Culture et de la Communication pour un peu plus de50 lieux labelliss en 2011.Sur un chantillon dune centaine de lieux de diffusion pluridisci-plinaires o ces donnes taient disponibles, ltude de la pro-grammation de la saison 2009-2010 rvle que le nombre despectacles programms est 10 fois plus lev que dans les neufscnes nationales de la rgion. En dpit de sries de reprsen-tations plus courtes (une moyenne infrieure 2 reprsentationspar spectacle programm, quelle que soit la discipline artistiqueconsidre), ces lieux de diffusion pluridisciplinaires non labelli-ss ont touch 5 fois plus de spectateurs que les scnes natio-nales de la rgion, avec 5,5 fois plus de reprsentations. Si on pro-longe les moyennes la totalit de ces lieux, les ratios donnent16 fois plus de spectacles programms, 8,5 fois plus de repr-sentations, et 8 fois plus de spectateurs touchs que pour les neufscnes nationales franciliennes.La concentration est extrmement forte : sur plus de 2 000 spec-tacles distincts programms par la centaine de lieux plus parti-culirement tudis, seuls 2,1% lont t plus de 10 fois (et 0,6%plus de 15 fois). De mme, seuls 2,3% de ces spectacles ont taccueillis dans plus de cinq lieux de lchantillon (et 0,2% dansplus de 10 lieux).Ces tablissements ont une marge financire consacrer auxdpenses artistiques qui correspond 30% de leur budget, etdans les faits, est infrieure puisque la mise disposition du per-sonnel municipal nest pas value dans de nombreux budgets.Entre une professionnalisation accrue des directions de ces ta-blissements depuis les annes 1990, mais aussi une plus grandeproximit avec les lus dcideurs et les directeurs des affairesculturelles (Dac) en charge de la mise en uvre de la politiqueculturelle locale, la gouvernance de ces lieux sest nettementcomplexifie.

  • rsidences de dure consquente (de un trois ans, voireplus) sur un territoire donn et en association avec au moinsune organisation artistique et culturelle dj reconnue, loca-lement et au sein de la filire des arts vivants. Mais plus lar-gement, construire une notorit au plan local demande dedvelopper dans la dure des activits et des partenariatsavec une diversit plus ou moins grande dacteurs sociauxet dorganisations, dont les proccupations centrales nesont pas ncessairement artistiques. On passe alors de lancessit artistique et socio-conomique des rsidencesaux enjeux culturels plus complexes et aux conditions derussite plus dlicates dune implantation. La tendancerepre une plus grande territorialisation de lactivit descompagnies renvoie donc autant la volont dun ancragede proximit des changes relationnels et partenariaux qula ncessit dune diversification de leurs ressources.

    Simultanment, des partenariats avec des artistes, desquipes ou des organisations situs en dehors du territoireprivilgi dactivit favorisent louverture une varit dex-priences artistiques et de contextes culturels. Ces partena-riats se construisent dabord au fil dopportunits particu-lires et de rencontres personnelles. Ils constituent peu peule tissu rticulaire qui est au fondement des possibilits desurvie et de dveloppement de chaque compagnie. Cettedynamique joue un rle majeur, par exemple dans la capa-cit de diffusion des spectacles et des autres propositionsartistiques et culturelles dune compagnie, dans et au-del desa rgion dappartenance, comme dans la recherche de nou-veaux lieux de rsidence, temporaires ou de plus longuedure. On comprend alors le rle essentiel des partenariatsfidliss, tant auprs dorganisations artistiques et culturel-les que des instances publiques ou des socits civiles atten-tives aux propositions renouveles des compagnies.

    Lenjeu est darticuler un ancrage territorial, commebase de production, avec un largissement du rseau de dif-fusion au-del de la rgion dimplantation afin de gagner envisibilit auprs des professionnels et des mdias. Certainsdirecteurs artistiques expriment aussi la ncessit de se res-sourcer au contact de la vie culturelle et artistique dautresrgions ou pays, afin dentretenir un sens de la crativit etun sens de la rencontre toujours plus aiguiss.

    Mieux accompagner les compagnies ?Comment accompagner les compagnies dans les diff-

    rentes phases de leur activit ? La coopration interorgani-sationnelle dans le sens dune conomie solidaire est uneperspective envisage par une minorit dentre elles. Elle seheurte aux fortes pressions concurrentielles, qui tendent distendre les rapports de collaboration et accentuer ladiversification des trajectoires de reconnaissance profes-sionnelle.

    Dans ce contexte, lexternalisation de tches adminis-tratives dans des bureaux de production offre lavantagedune division du travail a priori plus oprationnelle. Ellepermet au noyau central de la compagnie de se recentrer sur

    le cur de son identit artistique et de bnficier de com-ptences spcialises, partages avec dautres troupes, pourles aider dans les phases de production, de distribution et dediffusion. Elle ncessite nanmoins la construction dunerelation de confiance, afin que les objectifs artistiques etculturels de la compagnie soient respects. Cette opportu-nit peut se heurter un problme de financement, notam-ment pour les compagnies mergentes, la tarification desprestations devant tre la fois supportable pour la troupeet viable pour le bureau.

    La production dlgue offre galement aux compa-gnies un cadre trs utile de mise disposition de comp-tences administratives dun tablissement culturel ou, lencore, dun bureau de production. Elle suppose de biensentendre sur les marges de manuvre de la directionartistique des compagnies aides, en fonction de lacontrainte budgtaire du lieu ou du bureau daccueil.

    Les conventions de compagnonnage artistique, expri-mentes par exemple dans les arts de la marionnette, sontgalement susceptibles de permettre un parrainage de jeunesartistes par des troupes plus exprimentes.

    La question dune plus grande permanence des emploisdans les compagnies est galement cruciale pour permettreleur dveloppement dans un contexte dhyperflexibilisationdes relations de travail. Si les emplois artistiques et tech-niques restent structurellement dpendants des formes dem-ploi intermittentes, les aides publiques lemploi constituentune forme trs utile pour amorcer la stabilisation dun noyauadministratif. Elles devraient au moins tre adaptes et ten-dues aux directeurs artistiques, pivots essentiels mais trssouvent en situation de grande fragilit conomique.

    Dabord centr sur les projets ports par des tablisse-ments fortes notorit et visibilit sociale, le mcnat nepeut raisonnablement constituer une ressource structurellepour les compagnies. Dans le meilleur des cas, il ne consti-tue aujourdhui quune force dappoint pour financer desprojets sans doute plus ducatifs et sociaux quessentielle-ment artistiques.

    Enfin, si les relations entre les tablissements artistiquesou culturels et les compagnies se sont plus tendues au dbutdu XXIe sicle, elles dpendent aussi largement des orienta-tions des politiques culturelles.

    Les scnarios ministriels prospectifsDes quatre scnarios sur le devenir des politiques cultu-

    relles lhorizon 2030 : l exception continue , le mar-ch culturel , l impratif cratif , la culture didenti-ts14 , seul le dernier scnario prend en compte la questionde la diversit des cultures vcues par nos compatriotes etcelle, associe, de la pluralit des propositions artistiquesmises en uvre, par exemple, par les compagnies. Il met enscne une segmentation de lintervention publique entre untat modeste, qui appuierait les fleurons artistiques de lanation, et des collectivits territoriales qui soutiendraient un art social . Lhypothse centrale de cette vision repose sur

    14.Culture & Mdias 2030. Prospective de politiques culturelles, Paris, Ministre de la Culture et de la Communication, DEPS, coll. Questions deculture , 2011.

    2012-1 11culture tudes

  • la poursuite de la crise conomique, qui provoquerait unretour au protectionnisme, une exacerbation des conflitssociaux et une pluralisation des identits locales ou com-munautaires, plutt replies sur elles-mmes. Le courant delart social, destin dvelopper la sensibilit et le senscritique collectifs , et donc louverture aux autres, ne pour-rait alors se dvelopper que dans un contexte de recul desfinancements publics et dcart croissant entre, dune part,la culture multimdiatique et populaire, dautre part, laculture artistique lgitime.

    La pluralit et la complmentarit des troupes selonleur ancrage territorial entrent plus particulirement enrsonance avec ce scnario. Mais elles nous paraissentposer plutt la question dun rquilibrage gnral desaides publiques, en faveur de la diversit non seulement deloffre artistique et culturelle, mais aussi de ses modesdappropriation par les publics. Cela pourrait conduire uncinquime scnario, qui nest cependant conomiquementviable et politiquement soutenable que si les pratiquesculturelles de la population trouvent leur propre comptedans cette diversification de loffre. Cela renvoie desquestions qui ne font pas aujourdhui lobjet de consensusdans les mondes du spectacle vivant. De plus, les spectateurstendent spontanment concentrer leurs choix sur les pro-positions ayant la plus forte notorit, ce qui pose la ques-tion dlicate de ladaptation des compagnies aux techniquesdu marketing de loffre afin, dans un contexte de sur-abondance de loffre, dlargir laudience des spectacles encaptant lattention des programmateurs et des spectateurs.

    Un scnario en faveur de la diversit artistique et cultu-relle exigerait une volont politique forte, soutenue etrelaye par les professionnels du spectacle vivant, en faveurdune dmocratie renforce dans ce domaine artistique.Elle devrait en particulier tenir pour dcisif un rquilibrageplus ferme des ressources symboliques et conomiquesdisponibles au profit des diffrents acteurs qui font toute larichesse et la varit territoriales de cette filire dactivit.

    Des relations plus symtriques entre les artistes et les non-professionnels ?

    Une minorit de compagnies accordent une grandeimportance aux dispositifs de cration en coproductionavec des personnes, sollicites pour tmoigner de leursexpriences de vie personnelle et en relation avec leur envi-ronnement social local. Cette association dindividus parti-culiers une interrogation artistique sur leur univers de vieest susceptible douvrir un champ de possibles mancipa-teur. Elle correspond aussi une demande de participationculturelle active de la part de non-professionnels, attirs pardes dmarches cratives.

    La production de ces compagnies est nanmoins souventjuge de moindre qualit artistique par les experts publics,voire considre comme relevant dun travail social plutt

    quartistique. Paralllement, de nombreux auteurs de thtreet certains chorgraphes souhaitent confronter leur cri-ture dramatique et scnique leur perception du rel,comme en tmoigne la rfrence aux guerres dans lex-Yougoslavie dans les crations des annes 1990. Le traite-ment artistique des matriaux ainsi recueillis pose la ques-tion de la mise en fiction des vnements et des personnagesou de la restitution des tmoignages en leur tat brut, ouencore du degr darticulation entre ces deux axes direc-teurs. La question des risques dinstrumentalisation socialeet politique des artistes est toujours aussi rcurrente, ainsique les marques dhostilit dune partie des milieux artis-tiques envers une dmarche juge populiste.

    La stratification sociale persistante des publics des spec-tacles professionnels pose pourtant la question du soutien de nouveaux types de mise en relation des personnesavec les uvres, autant que celle de linstauration de rela-tions plus symtriques entre professionnels et amateurs.Les compagnies sont amenes ne pas ignorer et ce, dsla phase de conception la ralit in fine incontournable delappropriation des publics, et donc la question de lven-tualit de leur participation aux diffrentes phases du pro-cessus et des modalits concrtes de cette coopration.Pourtant, le champ de recherche sur les apports des exp-riences artistiques en termes dveil motionnel ou de socia-bilit et de construction identitaire reste encore fort peuexplor.

    Dans ce contexte, lintgration de la rmunration destemps de transmission et de partage artistique et culturelentre artistes et non-professionnels (en particulier dans lesmilieux scolaires, associatifs) comme revenu ordinairedes intermittents du spectacle vivant est souhaite par plu-sieurs sociologues15 et des artistes qui ont dvelopp leursactivits pdagogiques, tandis que dautres artistes, lin-verse, rejettent cette perspective, susceptible selon eux dednaturer le cur de leur identit professionnelle. Pierre-Michel Menger souligne par ailleurs un dfaut de respon-sabilisation des employeurs du spectacle vivant vis--vis dela prise en charge du dficit du rgime dassurance-chmagespcifique des intermittents par la solidarit interprofes-sionnelle, et il y situe la source de la dsintgration dumarch du travail artistique16. La faible rmunration desinterventions pdagogiques soulve aussi la question dutaux de TVA qui leur est appliqu. Ne serait-il pas dj judi-cieux de labaisser de 19,6 % 7 %, puisque ces actionsartistiques sont notamment destines largir le public ?

    Des relations plus coopratives entre les professionnels ?

    Georges Buisson a propos en 2003 une redistributiondes financements publics avec un retrait de ltat pour lefinancement des btiments culturels, report sur les collec-tivits territoriales, de faon concentrer les aides de ltat

    15. Voir Emmanuel WALLON, Lducation artistique , dans Philippe POIRRIER, Politiques et pratiques de la culture, Paris, La DocumentationFranaise, 2010 ; Philippe Henry, qui estime sur ce point et dans une note prparatoire au chapitre de conclusion de la recherche que le dveloppe-ment des compagnies ne peut aller sans une reconsidration des quilibres professionnels et conomiques, dont on sait quils sont des compromis tem-poraires entre enjeux distincts et pour partie conflictuels .16. Pierre-Michel MENGER, Les professions culturelles : un systme incomplet de relations sociales , dans Philippe POIRRIER, op. cit., 2010.

    12 culture tudes 2012-1

  • sur des coopratives artistiques . Elles seraient consti-tues dune dizaine dartistes environ, salaris pour unepriode de trois quatre ans, autour dune personnalitartistique17.

    Cette proposition sinscrit dans la recherche dune scu-risation professionnelle et entrepreneuriale par la restaura-tion des conditions dune permanence artistique, susceptiblede relcher la double pression concurrentielle du march etde laide publique. Cette dernire, en effet, prioritairementtourne vers un soutien aux crations et la ncessit denouer des relations partenariales avec des tablissementsartistiques ou culturels, exerce une pression conduisant multiplier les crations. Pour une part induite par le milieuprofessionnel lui-mme, cette logique de guichet financiercontribue aussi limiter les temps de recherche artistiquedes compagnies.

    Il nest pas sr nanmoins que les perspectives de sta-bilisation des emplois artistiques intressent une majoritdintermittents. Dsireux de rester cratifs et innovants,beaucoup dentre eux sont attachs une diversification desexpriences professionnelles, en particulier grce une cir-culation interorganisationnelle. Ils souhaitent donc resterdisponibles pour des opportunits de travail qui seraientsource dune rmunration symbolique et/ou financirediversifie, voire plus leve.

    La double fonction risque dinventeur et dentrepre-neur, qui est celle des directeurs artistiques, pose la questionde la reconnaissance sans ambigut du cumul dune posi-tion dentrepreneur de spectacles vivants et dune possibi-lit daccs aux droits sociaux de ces salaris au titre dunemploi rmunr intermittent, si le budget de la compagniene permet pas de financer un emploi rmunration conti-nue.

    Une autre faon structurelle denvisager linstauration derapports plus galitaires au sein de la filire du spectaclevivant consiste redistribuer la valeur ajoute de son avalvers lamont, de faon offrir plus de moyens pour lefinancement de la fonction de recherche-exprimentation etde celle de cration-production.

    Plusieurs mcanismes existent dj en ce sens. Lessocits de perception et de rpartition des droits dauteurset de droits voisins mutualisent le quart de la taxe sur lacopie prive et les droits non rpartis aprs dix annes pourfinancer des aides, soit sociales, soit la cration essen-tiellement. LAssociation de soutien des thtres privs(ASTP) sest cre en 1964 afin de constituer un fonds demutualisation des risques, financ par une taxe de 3,5 % surles recettes de billetterie et surtout mis en uvre pourapporter une garantie en cas de dficit lors des trois premiersmois dexploitation des spectacles. La cration du Centrenational de la chanson, des varits et du jazz (CNV), par unescission au sein de lASTP en 1985, a maintenu le principede ce fonds, qui est mieux aliment dans un secteur plus

    soumis aux logiques de march. Le dficit structurel desspectacles a rendu nanmoins ncessaire une interventionpublique, qui a financ 45,3 % des fonds de lASTP en 2007,contre 2,7 % pour le CNV18.

    La gnralisation dune taxe sur la billetterie, la redis-tribution dune partie accrue des droits dauteurs, une raf-fectation des impts prlevs sur les activits indirecte-ment lies au spectacle vivant pourraient constituer desfonds pour une gouvernance plus cooprative de la filire.Celle-ci pourrait galement sappuyer sur le dveloppe-ment dagences rgionales pour laccompagnement descompagnies dans les diffrentes tapes de leur dveloppe-ment. Nanmoins, la perspective dune extension de la taxefiscale sur la billetterie des spectacles au secteur subven-tionn, suggre lors des entretiens de Valois en 2009, a trepousse notamment par les organismes de gestion mutua-lise du secteur priv.

    Sur un plan plus local, dautres exprimentations voientle jour, comme le CraFonds en Aquitaine19. Sur la basedune expertise partage et dun fonds collectif, ce dispo-sitif associe la mutualisation au moins partielle du risqueinhrent lexprimentation et la production artistiques etla mutualisation symtrique des succs et des bnficesventuels.

    Lexamen du monde du spectacle plaide donc en faveurdune reconfiguration structurelle, de manire ce quil soitplus et mieux articul. Elle parat chaque jour plus nces-saire pour faire face aux dsquilibres actuels et pour cher-cher compenser les dstabilisations suscites tout la foispar la monte en puissance des logiques de march et la dif-ficult des aides publiques dgager de nouvelles margesau profit des organisations artistiques au-del des plus pres-tigieuses et mdiatises. Les solutions envisageables susci-tent nanmoins des dbats encore vifs car elles interrogentles objectifs artistiques et culturels des compagnies, commelintrt ou la faisabilit de dmarches plus coopratives.

    n

    17. Georges BUISSON, Pour un renouveau du thtre public , dans Ccil GUITARD, la Bataille de limaginaire, Toulouse, d. de lAttribut, 2009.18. Daniel URRUTIAGUER, conomie et droit du spectacle vivant en France, Paris, PSN, 2009, p. 23.19. Le CraFonds est un collectif daccompagnement technique et financier de la production dans le domaine du spectacle vivant . Fond lini-tiative de collectivits locales, dtablissements culturels et dune compagnie dAquitaine (Opra Paga), il est galement soutenu par plusieurs orga-nismes financiers (dont la Fondation de France). Chacun participe un fonds dapport pour des productions de spectacle vivant. Les compagnies aidesreversent au fonds 2,5 % du prix de vente des reprsentations des spectacles.

    2012-1 13culture tudes

  • chantillon qualitatifLes tudes de cas ont conduit lhypothse centrale dune diff-

    renciation des compagnies selon deux variables principales : dabord la part relative de lactivit de diffusion de spectacles, dansla rgion dappartenance de la compagnie et hors de celle-ci, quipeut en particulier se mesurer daprs la distribution territoriale desreprsentations ;

    ensuite le type dtablissement (artistique ou non, labellis ou nonpar le ministre de la Culture et de la Communication) dans lesquelscette diffusion sopre, et le type dtablissement dans lesquels lescompagnies effectuent lessentiel de leurs activits daction artistiqueet culturelle ou de formation.Pour explorer cette intuition, un double indicateur synthtique et

    chiffr a t construit, qui a confirm lhypothse.Le premier indicateur mesure le pourcentage moyen sur trois ans

    (2007, 2008 et 2009) de reprsentations de spectacles dans la rgiondappartenance de la compagnie. Il aboutit au reprage dune distri-bution des compagnies sur laxe linaire correspondant ( Taux de dif-fusion rgionale en% , de 100 0% de reprsentations sur le terri-toire de la rgion dappartenance). La part de la diffusion de spectacles ltranger est inversement corrle la diffusion dans la rgion dap-partenance.

    Le second indicateur est obtenu par laddition des pourcentages dediffusion des spectacles selon la stratification de quatre grandsniveaux dtablissements :N1 : tablissements de production labelliss (EPCI nationaux, CDN,

    CDR ; CCN, CDC) et festivals internationaux (dont le In dAvignon) ;N2 : tablissements de diffusion labelliss (scnes nationales, scnes

    conventionnes) et festivals nationaux ;N3 : tablissements culturels de ville, salles parisiennes non labelli-

    ses, Off dAvignon, festivals rgionaux ;N4 : autres tablissements (non artistiques).

    Pour chaque compagnie, un indicateur de stratification a tconstitu partir de la somme des pourcentages moyens de cesquatre types dtablissement dans la diffusion de ses spectacles surtrois ans, pondre par le rang institutionnel des lieux daccueil. Leniveau N4, qui occupe le rang le moins prestigieux et a priori le moinsrmunrateur, a ainsi t affect dun coefficient 1, le niveau N3 duncoefficient 2, le niveau N2 dun coefficient 3 et le niveau N1, au som-

    met de la hirarchie institutionnelle, dun coefficient 4. Cela donne unechelle allant de 100 (toute la distribution dans des quipements detype N4) 400 (toute la distribution dans les quipements de type N1).

    Ce principe a permis damplifier visuellement la distribution des dif-frents cas tudis sur un second axe ( Niveaux de stratification destablissements de diffusion ). Celui-ci nexprime aucune chelle par-ticulire de valeur quant lactivit propre des compagnies. Elle rendsimplement plus lisible leur mode dinscription dans la hirarchieencore actuellement en vigueur des tablissements artistiques etculturels. La distribution gnrale sur le plan ainsi form fait apparatreune courbe de tendance en diagonale, qui indique une corrlation cer-taine entre les deux indicateurs.

    Le groupe A (compagnies dites rgionales dont lactivit sedroule exclusivement ou presque dans leur rgion dappartenance)est compos de sept cas principaux (A1 A7), que compltent deuxautres cas budget plus important (A8) ou diffusion exclusive en N2(A9). Le dernier cas (A10) correspond une compagnie disposantdun important lieu de travail artistique mis disposition par unemunicipalit.

    Le groupe B (compagnies dites transrgionales dont lactivitreste encore majoritaire dans la rgion dappartenance, mais o la dif-fusion hors de la rgion dappartenance est dj relle) est composde onze cas principaux (B1 B11), auxquels peuvent tre relis deuxautres cas o la diffusion en N2 ou N1 savre plus importante (B13et B14) et encore deux autres compagnies disposant dun lieu de tra-vail artistique mis disposition par une municipalit (B12) ou mobileet acquis en propre (B15).

    Le groupe C (compagnies dites multirgionales dont lactivithors de la rgion dappartenance en France ou/et ltranger estcette fois-ci majoritaire, mme si une diffusion dans cette rgion restesensible) est compos de neuf cas principaux (C1 C9), auxquelspeuvent se rattacher trois cas plus atypiques. Lun se situe larticu-lation des transrgionales et de C (C10), un autre dveloppe uneactivit moins importante que la moyenne du groupe (C11), le dernierdisposant dun lieu et dune notorit tendue (C12).

    Le groupe D (compagnies dites excentres dont lactivit sedroule essentiellement en dehors de leur rgion dappartenance eto les tablissements de diffusion sont majoritairement en N2 et N1)est compos de sept cas principaux (D1 D7), auxquels peuvent tre

    14 culture tudes 2012-1

    LMENTS COMPLMENTAIRES CONCERNANT LES DEUX CHANTILLONS DE COMPAGNIES

    Graphique A Typologie des compagnies

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0100

    150

    200

    250

    300

    350

    400

    Rgion

    Rgion +

    Label +

    Label -

    Taux de diffusion rgionale en %

    Nive

    au d

    e st

    ratif

    icat

    ion

    des

    tab

    lisse

    men

    ts d

    e di

    ffusi

    on

    B14

    B13

    B8 B11B10

    B9B7B4B1

    B3 B5B2

    B12B6

    B15

    D8 D9 D1

    D2 D6D7

    D4

    D5D3

    D11

    D10

    C11

    C3

    C6

    C9C12

    C8C7

    C4C5

    C2C10

    C1

    A4

    A2A1

    A8A5A6A7A9

    A10

    A3 E2

    E3

    E1

  • rattachs trois autres cas plus relis leur rgion dappartenance (D8 D10). Un dernier cas (D11) se caractrise par une trs grandeimportance de la diffusion ltranger.

    Enfin, trois derniers cas ne sont pas rattachables la typologie pr-cdente et constituent des cas despce (E1 E3).

    Les deux lignes trait plein traces dans le graphique correspon-dent respectivement au taux de 50% de la diffusion des spectaclesdans la rgion dappartenance, pour laxe horizontal des abscisses, et la moyenne de lindice de stratification des tablissements, pour laxevertical des ordonnes.

    chantillon quantitatifLanalyse en composantes principales est une mthode factorielle

    qui permet de rduire le nombre de caractres dune population tu-die en slectionnant ceux qui diffrencient le plus des groupes din-dividus. Ces derniers sont ainsi rendus relativement plus homognespar le partage de traits similaires, qui les diffrencient des autresgroupes.

    Il sagit de projeter les composantes principales, cest--dire lescaractres les plus discriminants des compagnies, sur un plan form parun axe horizontal et un axe vertical. Dans le nuage de points reprsentsur le graphique, les distances entre les caractres selon leur disposi-tion autour des deux axes permettent de les classer en groupes. Le prin-cipe est de retenir les distances maximales entre les points du nuagepour reprer les traits des compagnies qui sopposent le plus.

    Laxe horizontal du graphique oppose principalement de gauche droite : le rang du temps consacr par les compagnies la diffusion de spec-tacles (Temps consacr la diffusion) au rang du temps quellesddient aux manifestations daction culturelle et de formation pro-fessionnelle (Temps consacr laction culturelle) ;

    le rang de lespace international dans le temps consacr la diffusion(Temps consacr la diffusion ltranger) celui de la rgion dim-

    plantation dans le temps rserv laction culturelle et la formationprofessionnelle (Temps consacr laction culturelle dans sa rgion) ;

    le rang de lespace international dans les revenus des ventes despectacles (Revenus issus de ltranger) celui de la rgion dim-plantation dans ces revenus (Revenus de la rgion), ainsi quau rangdes revenus de laction culturelle et de la formation professionnelledans le total des revenus (Revenus de laction culturelle).Cet axe oppose, dans une moindre mesure, parmi les compagnies

    qui bnficient dun financement public crois (cumul de subventionspubliques accordes par ltat et par des collectivits territoriales),celles pour lesquelles les subventions tatiques sont suprieures auxdotations des collectivits territoriales (Subventions tat majoritaires, gauche) celles qui sont dans la situation inverse (Subventions col-lectivits territoriales majoritaires, droite). Lintensit de la diffren-ciation est du mme ordre entre les compagnies chorgraphiques(Danse, gauche mais assez proche du centre du graphique) et lestroupes thtrales (Thtre, droite et plus en haut).

    Laxe vertical du graphique oppose surtout de haut en bas : le niveau du budget, mesur par le total des charges (Budget), lan-ne de cration des compagnies (Anne de cration) ;

    le rang des subventions globales dans le total des revenus(Subvention) labsence de subventions des collectivits publiquesnationales (Aucune) ;

    les compagnies diriges par un homme (Direction artistique ) celles qui le sont par une femme (Direction artistique ).Le point reprsentant le nombre de contrats dure indtermine

    dclar par les compagnies (CDI) a une position proche de celui dutotal des charges (Budget) dans la partie suprieure gauche du gra-phique. Cela confirme que la stabilisation des emplois des compa-gnies est dpendante de leur niveau de budget. Le point correspon-dant aux compagnies qui nont pas dclar daction culturelle ou deformation professionnelle (Aucune action culturelle) est situ vers lebas de la carte.

    2012-1 15culture tudes

    Graphique B Les deux premiers axes de lanalyse en composantes principales de lchantillon quantitatif(enqute par questionnaire)

    Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication, 2012.

    1,5

    1,5

    1

    1

    0,5

    0,5

    0

    0

    0,5

    0,5

    1

    1

    1,5

    1,5

    budget lev

    rgionalesactivits internationales

    budget faible

    axe 1 (16 %)

    axe

    2 (1

    4 %

    )

    Axes 1 et 2 : 30 %

    SubventionsCDI

    Budget

    Direction artistique ? Subventions coll. terr. majoritaires

    Subventions tat majoritairesThtre

    Tps consacr laction culturelle rgionale

    Tps consacr laction culturelle

    Revenus rgionaux

    Revenus de laction culturelle

    Revenus issus de ltranger

    Direction artistique !

    Anne de crationAucune subvention

    Aucune action culturelle

    Danse

    Rsidences

    Tps consacr la diffusion

    Tps consacr la diffusioninternationale

  • 16 culture tudes 2012-1 Fabrication : TRANSFAIRE 04250 Turriers

    RSUMQuel lien peut-on tablir entre la distribution territoriale des diffrentes activits des compagnies thtrales et chor-

    graphiques en France et la structure de leurs ressources, montaires et non financires ? partir de deux chantillons decompagnies et en sappuyant sur la littrature consacre au sujet, la recherche permet de souligner limportance, pour ledveloppement des compagnies, non seulement de leur rgion dappartenance ou dimplantation, mais aussi des ta-blissements artistiques et culturels non labelliss par le ministre de la Culture et de la Communication. Elle prcise laplace centrale, mais aussi la situation problmatique des compagnies dans la filire actuelle du spectacle vivant. Elle apportedes arguments pour une ncessaire reconfiguration structurelle du partenariat entre priv et public sur lequel cette filiresest particulirement dveloppe depuis la fin du XXe sicle.

    ABSTRACTThis research on French theatrical and choreographic companies deals with the link between the distribution of their

    different activities and the structure of their ressources, whether monetary or non monetary. It is based both on two sam-ples and the material available on the subject. We highlight how the region in which they are established along with theestablishments without any national label are important for their development. We make clear the central role but alsothe paradoxical situation of the companies in the current performing arts value chain. We provide arguments in favourof a necessary new structural reconfiguration of the private/public relationship through which this value chain has par-ticularly developed itself since the end of the 20th century.

    Tous les documents publis par le DEPS sont tlchargeables surhttp://www.culturecommunication.gouv.fr/deps

    et sur www.cairn.info

    Le DEPS nassurant pas de diffusion physique de ses collections, nous vous proposons de vous informer rgulirement desparutions par message lectronique. Pour ce faire, merci de bien vouloir nous communiquer votre courriel ladresse

    [email protected]

    lments de mthodologieLa dmarche a consist croiser les mthodes quantitative et qualitative denqute.51 tudes de cas approfondies ont t ralises, partir dun guide denqute sriant divers documents budgtaires et dacti-vit prcis et gnralement disponibles, sur les saisons 2007 2009, ainsi que diffrents points aborder dans un entretiensemi-directif avec le directeur artistique et/ou ladministrateur de chaque compagnie.Un questionnaire sur les ressources et les activits en 2009 a t envoy lensemble des compagnies qui disposaient duneadresse lectronique valide en octobre 2010, en particulier grce lappui de diffrents offices rgionaux pour la culture. Il apermis de constituer un chantillon reprsentatif de 572 rponses. Le taux de couverture selon les rgions varie de 9 30%,avec une moyenne nationale de presque 15%. La mthodologie du questionnaire, fonde surtout sur des questions ordinales propos du rang des temps consacrs aux diffrentes activits, des types de ressources, enfin des territoires de rayonnement(rgional, national, international) pour les deux dimensions prcdentes, sest montre aussi oprationnelle que les donnesplus prcisment quantifies dans les tudes de cas approfondies.Le champ territorial a t circonscrit la France mtropolitaine. Lchantillon quantitatif est concentr sur les disciplines liesau thtre (48%) et la danse (19%), en incluant les arts du cirque (6%), de la rue (8%), de la marionnette (6%) et du conte(3%), tandis que 10% des compagnies se dfinissent comme pluridisciplinaires. Les ensembles musicaux et vocaux nont past traits, ni les artistes indpendants, ni les compagnies qui ont gr un tablissement labellis entre 2007 et 2009.Une premire analyse qualitative des tudes de cas a permis de dgager plusieurs hypothses de travail et dorienter les trai-tements statistiques oprer prioritairement. La mthode de lanalyse par composantes principales (ACP) sur les deux chan-tillons a alors permis de confirmer et prciser ces hypothses. Les nombreuses apprciations des personnes interroges ontgalement conduit dgager des lments de contextualisation sur les dmarches passes et envisages. Mais les repr-sentations des dirigeants sur leurs pratiques et limage de lorganisation quils construisent dans leur discours sont confrontes des donnes quantitatives. Celles-ci permettent de dgager des lments minors ou apprhends de faon un peu floue parles interlocuteurs.Linterprtation gnrale a t effectue en partant dabord des lments factuels et des rcurrences qui se dgagaient des don-nes rassembles sur nos deux chantillons. Elle sest poursuivie par une problmatisation de ces donnes dans le cadre duneapproche danalyse de filire. La mise en relation avec certains lments contextuels propres au spectacle vivant et aux poli-tiques publiques associes a enfin dgag plusieurs questions portant sur lavenir des compagnies dans lenvironnement quiest aujourdhui le leur.