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EHESS Tibet. Civilisation et société Review by: Alain Forest Archives de sciences sociales des religions, 39e Année, No. 86 (Apr. - Jun., 1994), pp. 308-309 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30116215 . Accessed: 11/06/2014 13:04 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 193.104.110.107 on Wed, 11 Jun 2014 13:04:28 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Tibet. Civilisation et société

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Tibet. Civilisation et sociétéReview by: Alain ForestArchives de sciences sociales des religions, 39e Année, No. 86 (Apr. - Jun., 1994), pp. 308-309Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30116215 .

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ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGONS

cours de c6r6monies g6n6ralement conduites par des guru masculins, n'a pour finalit6 que d'entretenir la pass6iste aspiration ? reconsti- tuer un age d'or du pass6.

L'A. nous entra~ine au-deli de cette classique explication. A l'image d'un culte dont les ex- pressions 6voluent au fil des bouleversements, au point que les g6nies deviennent les protec- teurs des marchands plut8t que des agricul- teurs, et qui parvient a &tre officiellement reconnu tout en demeurant marginal dans un contexte local ob dominent protestants et mu- sulmans, comme dans un contexte indon6sien oi ne sont reconnus que les grands mono- th6ismes et oi chacun doit adh6rer a l'un de ceux-ci, les discours des g6nies, les histoires que content m6diums et guru sont ambivalents. Ils se moulent dans les formes d'un discours socialement convenu, ils se conforment h l'his- toire g6ndralement admise parce qu'6nonc6e par ceux qui sont en position de pouvoir et d'8tre crus, et pourtant ils disent des choses 6tranges, bizarres. Croyables, ces histoires sont incroyables; incroyables, elles sont croyables. Ainsi les marginalis6s, et notamment les femmes, doublement marginalis6es par la tra- dition et par l'histoire, peuvent-ils attirer l'at- tention, trouver audience, ffit-elle dubitative, pour ce qu'ils ont h dire.

Ainsi encore, dans les interstices cr66s par le jeu du croyable et de l'incroyable, s'6non- cent et s'6coutent une histoire des humbles, une interpr6tation de l'histoire i la fois sub- versive et porteuse d'aspirations et de valeurs qu'6touffe la version officielle de l'histoire. Cette derniare ne retient que ce qui convient aux gens de pouvoir et a ceux qui ont trouv6 place dans le Nouvel Ordre; elle oblige les au- tres, les marginaux, a totalement oublier leur exp6rience propre; elle fait m~me planer sur ceux-ci une menace - I'accusation de trahi- son - s'ils ne parviennent pas a tout h fait ou- blier et, a plus forte raison, s'ils le disent. Le discours des g6nies, les histoires de m6diums et de guru, par leur mise en scane, par leur forme et leur 6nonc6 si particuliers, parvien- nent cependant a insinuer comment les hum- bles, eux, ont v6cu leur histoire.

Et ils disent qu'il est impossible a chacun d'oublier brutalement sa propre exp6rience, qui ne colle pas avec les versions historiques im- pos6es et collectivement admises; ce pourrait m~me 8tre dangereux. Comme avec les d6- funts, lesquels risquent de revenir tourmenter les hommes si les rites ne sont pas bien ac- complis pour qu'ils quittent ce monde tout en continuant de prog6ger leur famille et leurs proches, chaque homme, chaque femme ne peut faire l'6conomie d'un travail de deuil de

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son pass6, travail qui n'a aucun rapport avec le brutal et impossible oubli sollicit6 par les puissants ou par la collectivit6; c'est mime, 1i, la condition d'un pr6sent r6ellement pacifi6 et harmonieux. A ce travail de deuil concou- rent, aujourd'hui, le culte des g6nies, les dis- cours de ceux-ci et les discours sur ceux-ci.

On l'aura compris, cet ouvrage est une 6tude sur le culte des g6nies et, en m~me temps, une r6flexion sur la parole, sur la m6moire et sur l'histoire. C'est aussi un plaidoyer pour les r6- cits de vie, avec des repbres pour p6n6trer en ceux-ci. Saluons l'exploit auquel parvient I'A. qui, d'une part, en peu de pages et d'une ma- niare claire, nous apprend beaucoup plus de choses que ce que j'ai pu r6sumer; et qui, d'autre part, sollicite avec virtuosit6 les disci- plines ethnologique, historique et litt6raire, de telle manibre que, li aussi, les <cordes >> ne se voient plus. Au d6part, on pourra 6tre agac6 par des citations et des d6veloppements dont on craint qu'ils tirent l'ouvrage vers l'acad6- misme. On finira par sortir 6branl6 de sa lec- ture : ce livre parle bien des Karo, quelque part au nord de Sumatra; et pourtant, ce qu'il d6- crit, ce qu'il analyse, ce qui est en suspens, sans corde1>, c'est aussi chez nous, au cceur de nos soci6t6s, et parfois au cceur de nous- m mes.

Alain Forest.

86.63

Tibet. Civilisation et soci~td. Paris, Editions de la Fondation Singer-Polignac/Editions de la Maison des Sciences de l'Homme, 1990, 204 p. (24 p. d'illustrations).

11 s'agit I1 d'un beau livre, de grand format et avec une iconographie noir et blanc. A I'heure oi le sort fait au Tibet suscite 6motion et controverses, un ouvrage s6rieux consacr6 h divers aspects de la culture et de la soci6t6 tib6taines est bienvenu. Il t6moigne 6galement de la qualit6 et de l'6ventail des travaux scien- tifiques actuellement men6s par les chercheurs frangais et concernant ce pays.

Ceci dit, les quinze articles ici rassembl6s sont trbs <<pointus;>> ils ne font gubre de concessions a celui qui ne serait pas lui-m~me tib6tologue. Etant donn6 la pr6sentation de I'ouvrage et I'esprit qui parait avoir pr6sid6 a sa publication, et qui sont susceptibles d'attirer l'attention d'un public assez large 6tant donn6 certains sujets abord6s qui peuvent 6veiller l'int6rat de non-sp6cialistes de l'aire, on re- grettera qu'il n'y ait pas un minimum d'effort didactique.

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Certains articles sont vou6s h l'6tude d'un site n6olithique (Sinam Wangdu), de la capi- tale d'un ancien royaume (Ou Chaogui) ou d'un voyage diversement interpr6t6 d'un Da- lai-Lama en Chine (Samten G. Karmay); d'au- tres a la pr6sentaiton de la grammaire traditionnelle (Nicolas Tournadre) ou i l'ahia- lyse d'un conte de 1 cendrillon 1 (Alexander W. MacDonald); d'autres encore t l'iconographie (Gilles Beguin, Amy Heller, Fernand Meyer), a l'architecture (Anne Chayet), au th6itre (Lobsang Dordje) ou aux notations musicales (Mireille Helffer - fascinant!).

Signalons ici les 6tudes qui touchent plus particulibrement aux rapports entre religion et soci6t6 - quoiqu'evidemment, iconographie, architecture, musique et th6&tre aient pour sup- port et soient les vecteurs d'expressions et conceptions religieuses -

- Anne-Marie Blondeau, ~Questions pr6li- minaires sur les rituels mdos >;

- Patrick Mansier, 1La guerre du Jinchuan : son contexte politico-religieux >>;

- Philippe Sagant, 1Les tambours de Nyi- shang (N6pal). Rituel et centralisation politi- que >;

- Brigitte Steinmann, <Interpr6tation de concepts tib6tains par des lamas Tamang rnying-ma-pa du N6pal, dans le rituel fun6- raire >.

Alain Forest.

86.64 TOFFIN (G6rard).

Le Palais et le temple. La fonction royale dans la vallie du Nepal. Paris, CNRS Edi- tions, 1993, 291 p.

Ce livre s'apparente h un recueil d'6tudes. Certaines 6taient originellement des articles inspires par le d6sir d'intervenir dans l'un ou l'autre des d6bats de la communaut6 scientifi- que: ici, sur les rapports entre le brahmane et le souverain et, plus globalement, sur les ra- ports entre systhme des castes et systhme des dieux; sur la pertinence de la tri-fonctionnalit6 dum6zilienne; ou encore sur la notion de <<soci6t6 galactique > pour caractdriser l'orga- nisation des royaumes hindouis6s... Que cha- que chapitre soit ainsi diff6remment orient6 nuit, t mon sens, h la coh6rence de l'ensemble. Dans la multiplicit6 des probl6matiques, dans la richesse du matdriau et du propos, dans un plan singulibrement ordonn6, ce sera au lecteur de se tracer son chemin. C'est i la fois ce qui d6sorientera celui qui d6sirerait sortir de ce li- vre avec un savoir clair et net; et ce qui s&-

BULLETIN DES OUVRAGES

duira un large spectre de lecteurs h l'esprit sou- ple, qui pourront lire ce recueil chacun I sa manibre et enrichir leurs connaissances, leurs propres recherches et r6flexions.

Comme je suis un sp6cialiste de l'histoire religieuse de l'Asie du Sud-Est, notamment du Cambodge - auquel l'auteur fait souvent allu- sion d'une manibre qui n'est pas exempte de clich6s -, j'ai 6t6 particulibrement int~ress6 par ce qui apparait 8tre un drame majeur des royaut6s hindouis6es.

La royaut6 n'est pas une abstraction; un in- dividu doit m6riter, conqu6rir le tr6ne. Celui-ci lui 6choit en vertu de ses m6rites ant6rieurs, ce qui est manifest6 par un certain nombre de signes dont il est lui-m~me porteur ou qui l'ac- compagnent de sa naissance jusqu'h son ave- nement. Mais il doit 6galement le conqu6rir grice I une puissance < magique >> particulibre et qui manifeste qu'il sera apte I neutraliser les puissances du d6sordre et du mal. Une fois sur le tr8ne, il doit 8tre comme un dieu, se tenir dans l'immobilit6 au milieu d'un ordre qui se met comme naturellement en place au- tour de lui et qui reproduit l'ordre id6al des royaumes divins. Et pourtant, concrktement, il est sans cesse rappel6 t sa condition de sou- verain humain; il lui faut sans cesse agir, transgresser, r6pandre le sang, 6puiser ses m6- rites, pour vaincre ses ennemis, pour assurer la coh6sion du corps social; bref, pour attein- dre I l'impossible ordre id6al.

La d616lgitimation guette ainsi en perma- nence le souverain, d'autant que la soci6t6 ne cesse de scruter les signes d'un 6puisement de son temps et d'un changement de rbgne. S'il n'agit pas, il risque de laisser s'instaurer le d6- sordre; s'il agit trop, il peut &tre soupponn6 de s'appuyer sur des forces par trop dange- reuses parce que trop puissantes et devenues incontr6lables, et d'&tre ainsi lui-mime vecteur de d6sordre et de danger.

On lira comment, au N6pal et par les rela- tions que les rois entretiennent avec les dieux, ceux-lb tentent de surmonter ce dilemme, dans un contexte rendu singulibrement complexe par le systhme des castes ainsi que par la coexis- tence de diverses traditions religieuses, hin- douiste et boudhiste, cependant l'une et l'autre fortement marqu6es par le tantrisme.

On retrouve un certain nombre de traits lar- gement r6pandus sur l'aire hindouis6e. L'id6al I reproduire est done celui du royaume des dieux pr66minents - Vishnu, 4iva, Indra - et au moins le souverain doit-il s'efforcer de par- faitement ordonner son palais et sa capitale, I I'image de ce qui est dans ces royaumes divins. C'est I partir du centre que l'ordre, manifest6

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