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Titration morphinique intraveineuse en salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) après chirurgie bariatrique sous cœlioscopie

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Page 1: Titration morphinique intraveineuse en salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) après chirurgie bariatrique sous cœlioscopie

Annales Francaises d’Anesthesie et de Reanimation 32 (2013) 850–855

Article original

Titration morphinique intraveineuse en salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) apres chirurgie bariatrique sous cœlioscopie

Postoperative intravenous morphine titration in PACU after bariatric laparoscopic

surgery

N. Saumier a, M. Gentili b, H. Dupont a, F. Aubrun c,*a Pole d’anesthesie-reanimation, CHU, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens, Franceb Service d’anesthesie-reanimation, CHP de Saint-Gregoire, 35760 Saint-Gregoire, Francec Departement d’anesthesie-reanimation, groupe hospitalier Nord–hopital de la Croix-Rousse de Lyon, universite Claude-Bernard Lyon 1, 103, Grande rue de

la Croix-Rousse, 69004 Lyon, France

I N F O A R T I C L E

Historique de l’article :

Recu le 4 mai 2013

Accepte le 25 septembre 2013

Mots cles :

Titration en morphine

Obesite

Chirurgie bariatrique

SSPI

Keywords:

Morphine titration

Obesity

Bariatric surgery

PACU

R E S U M E

Objectifs. – Nous disposons d’informations insuffisantes sur la morphine titree par voie intraveineuse

(TIM) en SSPI chez l’obese. Le but de cette etude etait de comparer deux protocoles de TIM dans deux

etablissements.

Type d’etude. – Observationnelle.

Patients. – Chirurgie bariatrique laparoscopique dans une clinique (Saint-Gregoire) et un hopital

universitaire (CHU d’Amiens).

Methode. – Un protocole rigoureux et commun etait implante avant l’etude selon les referentiels de la

Societe francaise d’anesthesie et de reanimation (Sfar). Quand le score de douleur etait > 30, des bolus de

3 mg/5 min de morphine etaient administres jusqu’au soulagement de la douleur (EVA � 30).

L’evolution des scores de douleur, la dose de morphine (en fonction du poids total et ideal theorique),

l’efficacite de la titration et les effets indesirables etaient releves.

Resultats. – Cent cinquante-neuf patients ont ete inclus dont 129 femmes. L’age moyen etait de

42 � 12 ans. L’IMC etait de 43,8 � 6,9 kg/m2. Quatre-vingt-dix-huit patients presentaient une EVA > 30 mais

seuls 76 ont ete titres (47,8 %). La dose moyenne etait de 7,3 � 3,5 mg [1 a 19 mg] (60,4 m/kg et 115,8 m/kg). A

Amiens, la titration etait pratiquee moins frequemment, la dose titree plus elevee (8,6 � 4,2 vs 6,2 � 2,9 mg)

et le nombre de patients soulages plus nombreux (73,7 vs 35,6 %). Aucun effet indesirable severe n’a ete

releve et il n’existait aucune difference entre les centres concernant ces effets secondaires.

Conclusion. – L’implantation d’un protocole de TIM n’a pas ete associee a un soulagement suffisant des

patients obeses operes d’une chirurgie bariatrique.

� 2013 Societe francaise d’anesthesie et de reanimation (Sfar). Publie par Elsevier Masson SAS. Tous

droits reserves.

A B S T R A C T

Objective. – There is limited information available regarding intravenous (IV) morphine admistration in

obese patients in PACU. The aim of this study was to compare two IV morphine titration (IMT) regimen in

two surgical centers.

Study design. – Observational study.

Patients. – Laparoscopic bariatric surgery in one private (Saint-Gregoire Clinic) and one public

(University Hospital of Amiens) surgical center.

Methods. – A strict and common protocol of IMT was implemented if PACU of both centers according to

the recommendations of the French Society of Anaesthesia and Intensive Care. When pain score

increased to > 30, IMT was titrated every 5 min in 3 mg increments until pain relief (VAS �30 mm). Pain

level, dose of morphine (per total and ideal body weight), effectiveness, and side events were recorded.

* Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (F. Aubrun).

0750-7658/$ – see front matter � 2013 Societe francaise d’anesthesie et de reanimation (Sfar). Publie par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2013.09.016

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N. Saumier et al. / Annales Francaises d’Anesthesie et de Reanimation 32 (2013) 850–855 851

Results. – Data were recorded for 159 adult patients (129 women). Mean age and BMI were 42 � 12 yrs

and 43.8 � 6.9 kg/m2. Ninety-eight patients were eligible for IMT regimen but only 76 patients received IV

morphine (47.8 %). Mean dose was 7.3 mg � 3.5 mg [1–19 mg], (60.4 mg/kg and 115.8 mg/kg). IMT was less

frequent, mean dose was greater (8.6 � 4.2 vs 6.2 � 2.9 mg) and number of patients with pain relief was

higher (73.7 vs 35.6 %) in the public hospital. No severe adverse events have been recorded and there was no

difference in both centers regarding these events.

Conclusion. – Implementation of a IMT regimen in PACU was not associated with effective pain relief

after laparoscopic surgery in obese patients.

� 2013 Societe francaise d’anesthesie et de reanimation (Sfar). Published by Elsevier Masson SAS. All

rights reserved.

La litterature est pauvre et parfois contradictoire concernant lesbesoins et les modalites d’administration des antalgiques mor-phiniques postoperatoires chez les patients obeses. Apres chirurgiebariatrique sous cœlioscopie, les patients sont generalement peudouloureux par rapport aux techniques conventionnelles avec desbesoins faibles en morphiniques [1]. Toutefois, la variabilite inter-et intra-individuelle qui caracterise la consommation en antalgi-ques postoperatoires concerne egalement les patients obeses,meme operes d’une chirurgie peu invasive [2]. Certains auteursobservent en effet, apres chirurgie bariatrique sous cœlioscopie,des facteurs de variabilite lies a l’age, au sexe ou au parcoursclinique personnel du patient [2].

Les besoins en morphiniques titres en salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) n’ont jamais ete evalues apres chirurgiebariatrique, or il s’agit d’une methode couramment utilisee poursoulager rapidement les douleurs postoperatoires immediates, entenant compte non pas du type de chirurgie ou de la techniquechirurgicale, mais du score de douleur en SSPI [3].

Nous avons analyse les resultats d’un protocole de titration IVen morphine chez des patients operes d’une chirurgie bariatriquesous cœlioscopie sur deux etablissements de soins, un hopitaluniversitaire et une clinique privee.

1. Patients et methode

1.1. Patients

Il s’agissait d’une etude clinique observationnelle bicentrique(CHU d’Amiens et clinique Saint-Gregoire (Saint-Gregoire)),approuvee par la Commission d’evaluation ethique des recherchesnon interventionnelles (avis no 76) d’Amiens. L’etude a ete realiseeentre novembre 2008 et janvier 2010, et concernait 159 patients

Fig. 1. Algorithme de titratio

obeses operes d’une chirurgie abdominale sous cœliochirurgie, etbeneficiant d’une prescription systematique de morphine en SSPIselon un protocole de titration preetabli et valide (Fig. 1). Il doitetre signale que la titration IV en morphine est habituellementutilisee dans les deux etablissements. A l’occasion de cette etude etafin d’evaluer la balance benefices-risques de cette techniqued’analgesie en SSPI, il a ete rappele aux acteurs de soins le protocolevalide par la Sfar lors du referentiel sur la prise en charge de ladouleur postoperatoire de 2008 (www.sfar.org) et applique dansles deux etablissements.

Tous les patients obeses (IMC � 30 kg/m2) etaient operesd’une chirurgie abdominale par voie cœlioscopique reglee etprogrammee, et en dehors de tout contexte d’urgence. Lespatients etaient operes sous anesthesie generale, dont leprotocole etait standardise selon les habitudes du service. Iletait indispensable que les patients puissent comprendre auprealable le concept de l’evaluation de la douleur postoperatoire,notamment en SSPI.

Les patients avec un IMC < 30 kg/m2, les patients mineurs, lesfemmes enceintes ou allaitant, les toxicomanes, ont ete exclus del’etude. Une intervention realisee sous laparotomie ou la conver-sion vers cette technique etaient egalement un critere d’exclusion.Parmi les contre-indications a la morphine injectable, les patientsinsuffisants respiratoires, suspects ou presentant un syndromed’apnee obstructive du sommeil (SAOS) non appareille n’etaientpas inclus sauf s’ils beneficiaient d’une surveillance postoperatoiredans une structure adaptee (salle de surveillance post-interven-tionnelle, unite de soins continus, intensifs ou reanimation).L’epilepsie non equilibree, une allergie a la morphine, unehypertension intracranienne, une insuffisance renale severe (Clcreatinine < 30 mL/min), une insuffisance hepatique severe(transaminases, phosphatases alcalines, bilirubine > 3 fois la

n de morphine en SSPI.

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Tableau 1Caracteristiques des patients operes d’une chirurgie bariatrique.

Caracteristiques

moyennes

Population

generale

Amiens St-Gregoire pa

Effectif 159 85 74

Sexe 129 F/30 H 69 F/16 H 60 F/14 H 0,98

Age (annees) 42,6 � 12,4 43,5 � 12,3 41,7 � 12,5 0,53

Taille (m) 1,66 � 0,08 1,66 � 0,09 1,66 � 0,08 0,18

Poids (kg) 121 � 22 126 � 24 116 � 18 0,003

PIT (kg) 58 � 17 56 � 22 60 � 6 0,12

IMC (kg/m2) 43,8 � 6,9 45,2 � 7,3 42,3 � 6,1 0,01

a Amiens vs. St-Gregoire.

N. Saumier et al. / Annales Francaises d’Anesthesie et de Reanimation 32 (2013) 850–855852

normale) constituaient egalement des criteres de non-inclusion.Les patients operes sous anesthesie locoregionale ou ne presentantpas d’indications a une titration (echelle visuelle analogique :EVA � 30 mm et/ou patient somnolent) n’etaient pas inclus dansl’etude.

1.2. Protocole

La morphine (Laboratoire Aguettant1, Lyon, France) etait le seulmedicament utilise dans cette etude. Aucun lot specifique n’a eteutilise du fait de l’utilisation habituelle de cet antalgique. Des sonarrivee en SSPI, le patient etait interroge toutes les cinq minutes surl’existence d’une douleur. Des l’apparition d’une douleur dontl’intensite depassait le seuil de 30/100 (EVA, ou echelle numerique :EN), le patient beneficiait d’une titration intraveineuse de morphinejusqu’au soulagement defini par une valeur d’EVA et/ou d’EN � 30).Les doses injectees etaient de 3 mg. Les bolus etaient espaces de5 minutes et administres tant que la valeur d’EVA etait superieure a30 mm. Il n’existait pas de limitation de la dose de morphine titree.Les criteres de fin de titration etaient : une EVA � 30 mm,l’apparition d’effets secondaires severes (manifestations allergiques,vomissements incoercibles, frequence respiratoire < 10/min,SpO2 < 92 %, apnee) ou lorsque le patient somnolait (echelle desedation de Ramsay > 2). La titration ne pouvait etre debutee apresles 60 minutes qui suivaient son admission en SSPI.

1.3. Donnees recueillies

L’age, le sexe, la taille, le poids, le poids ideal theorique etl’indice de masse corporelle ont ete recueillis, ainsi que les doses(moyennes, minimales, maximales) de morphiniques administresdurant l’intervention. On a releve les horaires de derniere injectiondes morphiniques ainsi que ceux d’admission et de sortie de SSPI.On a note egalement la presence concomitante d’autres antalgi-ques comme le paracetamol, le nefopam, le tramadol, les anti-inflammatoires non steroıdiens (AINS) ou la ketamine. Le niveau dedouleur, evalue par une EVA ou une EN etait recueilli toutes les5 minutes aupres du patient. On notait alors la dose de morphineutilisee le cas echeant, ainsi que la frequence respiratoire et lasaturation pulsee en oxygene (SpO2). La dose totale de morphineetait comptabilisee au terme d’un protocole de titration d’uneheure [3]. Tout depassement de plus d’une heure pour une titrationetait alors reevalue par le medecin en charge de la TIM qui decidaitalors de la poursuite ou non de l’etude. Les evenementsindesirables (nausees, vomissements, prurit, somnolence, allergie)etaient recenses. Les effets secondaires morphiniques etaient prisen charge selon le protocole habituel utilise en routine en SSPI. Ceprotocole definit notamment les criteres d’arret de la titrationmorphinique, la prise en charge d’une detresse respiratoire severepar la naloxone, et le traitement des effets secondaires comme lesnausees et vomissements ou la retention aigue d’urine.

La depression respiratoire severe etait definie comme suit :apnee ou frequence respiratoire < 8 et/ou pauses respiratoires.L’administration de la morphine etait alors arretee, le patientrecevait de l’oxygene, et selon la decision du medecin anesthesistede la SSPI, il recevait une titration IV de naloxone.

L’apparition d’un evenement indesirable grave a pu necessiter,selon l’investigateur, l’arret premature de l’etude. Toutefois, l’etudene modifiait pas la prise en charge habituelle des patients. Il n’yavait donc aucun risque supplementaire apporte par cette etude.

1.4. Analyse statistique

Tous les parametres quantitatifs et qualitatifs enregistres al’inclusion ou au cours du suivi ont ete resumes de manieredescriptive. Ont ainsi ete calcules pour chaque parametre

quantitatif la moyenne, l’ecart type, minimum et maximum, lenombre de valeurs manquantes. Les variables non Gaussiennes ontete decrites par la mediane et son intervalle de confiance a 95 %. Lesparametres qualitatifs ont ete presentes avec leur frequence dedistribution et l’intervalle de confiance a 95 % correspondant. Lesvariables continues ont ete comparees au moyen d’un test t

bilateral de Student, tandis les variables discontinues l’ont ete parun test de x2, avec correction de Yates ou test exact de Fisher sinecessaire.

2. Resultats

Nous avons recueilli 159 observations : 129 femmes, 30 hommes,d’age moyen de 42 � 12 ans, pour un IMC = 43,8 � 6,9 kg/m2

(Tableau 1). Le poids et l’IMC etaient legerement plus eleves chez lespatients operes a Amiens.

Il y avait une difference entre les deux etablissementsconcernant le pourcentage de patients beneficiant de sufentanilou de remifentanil : 83,8 % des patients de Saint-Gregoire vs 60,2 %des patients d’Amiens recevaient du remifentanil et une dose demorphine en relais a la fin de la chirurgie (p < 0,002). En revanche,la dose moyenne de remifentanil etait plus elevee a Amiens :3677 � 4271 mg vs 2126 � 824 mg (p = 0,02). De meme, 61 % despatients d’Amiens et 64 % des patients de St-Gregoire ont beneficie demorphine peroperatoire avec une dose toutefois plus elevee aAmiens : 13,1 � 3,3 mg vs 9,6 � 1,3 mg (p < 0,001). En dehors desAINS et de la ketamine, prescrits plus frequemment a St-Gregoire, lespatients d’Amiens recevaient plus de paracetamol, de nefopam, detramadol pendant l’intervention.

Quatre-vingt-dix-huit patients (61,6 %) presentaient une EVAsuperieure a 30 mm a leur arrivee en SSPI mais seuls 76 d’entre eux(47,8 % du total) ont beneficie d’une titration de morphine(7,3 � 3,5 mg, mini 1 mg, maxi 19 mg) (Fig. 1). La dose moyenneadministree, rapportee au poids moyen etait de 60,4 mg/kg, et aupoids ideal theorique moyen de 115,8 mg/kg. Il y avait une differencesignificative entre les deux etablissements puisque la dose moyennetitree a Amiens etait en moyenne � deviation standard [extremes] de8,6 � 4,2 mg [1–19] vs 6,7 � 2,9 mg [1–13] a St-Gregoire (p < 0,05).Aucun depassement de la duree de titration de plus d’une heure n’aete releve. La dose moyenne totale en morphine (periode per- etpostoperatoire immediate) etait de 14 � 5,9 mg. Elle etait significa-tivement plus elevee a Amiens qu’a Saint-Gregoire : 16,1 � 6,8 mg vs12,2 � 4,2 mg a Saint-Gregoire (p < 0,0004).

L’EVA moyenne a l’entree en SSPI (EVAi) etait de 38 � 35 mm,puis 41 � 23 mm apres 45 minutes de procedure, et enfin25 � 18 mm a la sortie de SSPI (Fig. 1). A la fin de la titration, seuls47 % des patients etaient soulages (EVA � 30 mm), et 86 % a la sortiede SSPI (Fig. 2). L’intensite de la douleur ayant ete ressentie de facontres variable selon les patients, le nombre de bolus delivres en SSPIlors de la titration a varie entre 1 et 6. Concernant la cinetiqued’evolution des scores de douleur en fonction du nombre de bolus, iln’existait pas de difference entre les etablissements concernant l’EVAiet l’EVA de sortie de SSPI. En revanche, l’EVA de fin de titration etait

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Fig. 2. Evolution de l’EVA chez les patients des deux etablissements ayant recu une

titration morphinique (*p < 0,001 entre 2 groupes adjacents).Fig. 3. Pourcentage des patients soulages (EVA � 30 mm) apres titration

morphinique dans les deux etablissements (*p < 0,001 entre 2 groupes adjacents).

N. Saumier et al. / Annales Francaises d’Anesthesie et de Reanimation 32 (2013) 850–855 853

plus faible a Amiens (2,8 vs 4,7, p < 0,003). Ainsi, 73,7 % des patientsetaient soulages en fin de titration a Amiens contre seulement 35,6 %des patients a St-Gregoire (p < 0,05) (Fig. 3, Tableau 2).

Sur le plan de la conformite au protocole, elle n’etait que de36 %, avec une difference entre les centres en faveur d’Amiens(62,5 % vs 23,5 %, p < 0,002).

Nous avons observe les modalites d’administration de lamorphine titree, en comparant la valeur de l’EVA en fin detitration, selon que ceux-ci ont ete espaces de 5 minutes ou de plusde 5 minutes (critere de deviation mineur). Nous n’avons pas misen evidence de difference significative entre les scores d’EVA et laduree de l’intervalle entre deux bolus de morphine.

Sur le plan respiratoire, aucune bradypnee n’a ete observee, et iln’y avait pas de difference entre la frequence respiratoire moyenneavec (15,1/min) ou sans titration (16,4/min), ni de desaturation(SpO2 a 98,4 % avec morphine, contre 97,3 % sans morphine)(Tableau 3). Chez les patients qui ont beneficie de morphine titree,ni la frequence respiratoire, ni la SpO2 n’ont ete modifiees en SSPI,apres la periode de surveillance durant laquelle est conduite latitration. De la meme maniere, une dose de morphine superieure a

Tableau 2Titration en morphine en SSPI (pourcentage de patients titres, dose en mg, nombre de bo

SSPI.

Population generale

Titration en morphine ( %) 47,8

Dose titree (mg)

Mini/maxi (mg)

7,3 � 3,5

1–19

Nombre moyen de bolus 2,7

Soulagement en fin de titration 46,9 %

Soulagement a la sortie de SSPI 85,5 %

Duree presence SSPI (min) 153,2 � 59,3

SSPI : salle de surveillance post-interventionnelle ; EVA : echelle visuelle analogique.a Amiens vs St-Gregoire.

Tableau 3Effets respiratoires de l’utilisation de morphine titree en SSPI.

SpO2 (mmH

En fin de titration Sans morphine 97,5 � 2,3

Avec morphine 98,3 � 2

Avec morphine Debut titration 97,8 � 2,4

Fin titration 98,3 � 2

> 4 bolus Debut titration 98,3 � 2,1

Fin titration 99,6 � 0,6

> 10 mg morphine Debut titration 98,7 � 1,2

Fin titration 98,5 � 1,2

SSPI : salle de surveillance post-interventionnelle ; FR : frequence repiratoire.

10 mg n’entraınait pas de modifications ventilatoires apres leuradministration chez ces patients (Tableau 3).

Il n’y avait pas de difference significative entre les groupes pourles deux effets indesirables majoritairement retrouves, la somno-lence (21,1 % chez les patients titres vs 26,5 % chez les patients nontitres) et les nausees (22,4 % vs 20,5 %). Il n’y a eu aucun cas deprurit, de retention aigue d’urine ou d’allergie retrouve (Tableau 4).

3. Discussion

La titration morphinique en SSPI est une methode adaptee ausoulagement des patients des que l’intensite de leur douleurdevient moderee a severe [3–5]. Toutefois, la dose necessaire ausoulagement des patients obeses n’est pas connue car aucuneetude n’a jusqu’a present evalue les besoins en morphiniques despatients en surpoids en periode postoperatoire immediate [3,6,7].

Un protocole d’administration de morphine titree, dont lesdoses dependent de l’intensite de la douleur et non du poids du

lus) et soulagement des patients (EVA � 30 mm). Duree de presence des patients en

Amiens St-Gregoire pa

29,4 68,9 0,0006

8,6 � 4,2

2–19

6,7 � 2,9

1–13

0,04

3 2,6 0,75

73,7 % 35,6 % 0,005

81,8 % 87,2 % 0,52

153,2 � 57,8 153,3 � 62 0,30

g) p FR/min p

0,04 15,6 � 4,1 0,31

14,5 � 5

0,23 15,4 � 5,9 0,41

14,5 � 5

0,02 14,7 � 3,2 0,87

15,2 � 3,4

0,98 14,5 � 3,3 0,79

12,7 � 2,9

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Tableau 4Incidence des nausees et de la somnolence des patients beneficiant ou non d’une

titration IV en morphine (pourcentage et degre de significativite).

Patients Somnolence p Nausees p

Sans morphine 26,5 0,42 20,5 0,77

Avec titration 21,1 22,4

IV : intraveineuse.

N. Saumier et al. / Annales Francaises d’Anesthesie et de Reanimation 32 (2013) 850–855854

patient a ete evalue sur deux etablissements chirurgicaux, un CHUet une clinique privee. L’application d’un protocole d’analgesie parmorphine par voie parenterale en SSPI sur deux centres dechirurgie bariatrique a ete un echec : parmi les patients eligibles aune titration IV en morphine, seuls 77 % ont pu en beneficier. Parmices derniers, 47 % ont ete soulages en fin de titration et 85 % a lasortie de la SSPI. La principale difference entre les deux centresetait une meilleure efficacite de la titration realisee a Amiens avecun pourcentage deux fois plus eleve de patients soulages a l’issuede la titration.

Dans le groupe de 159 patients evalues dans notre etude, 76 ontrecu de la morphine par titration intraveineuse. La realisation decette titration s’est averee globalement efficace, puisque l’EVAmoyenne a diminue de 65 mm avant la titration, a 41 mm au boutde la periode d’observation, puis a 25 mm a la sortie de salle dereveil. Ce resultat est toutefois inferieur a celui obtenu par Aubrunet al., lors de leur evaluation de differents schemas d’administra-tion des bolus de morphine au cours de la titration, et ou lesauteurs montraient que pres de 98 % des patients etaient soulagesdes la fin de la titration, et que cet effet se poursuivait chez 70 % despatients a leur sortie de SSPI [4]. Ces auteurs soulignaientegalement que plus le nombre de bolus de morphine etaitimportant, plus le pourcentage de patients soulages etaitimportant, et ce d’autant que les bolus etaient rapproches (desintervalles de 5 minutes etant plus efficaces que des intervalles de10 minutes entre chaque bolus). Dans notre etude, une adminis-tration de 3 bolus s’est avere le plus souvent efficace, alors que5 bolus ou plus ne montraient pas plus d’effet, avec en moyenne11,9 mg de morphine administres (contre 6,3 mg en 1 a 3 bolus). Ceresultat peut s’expliquer par l’insuffisance des doses de morphineadministrees, alors meme que les bolus etaient espaces le plussouvent de 5 minutes. Il faut egalement noter qu’une modificationde l’intervalle de titration ne semblait pas influencer le soulage-ment des patients.

Le probleme de l’absence de soulagement chez seulement lamoitie des patients semble etre lie a plusieurs facteurs : toutd’abord, l’absence de titration chez 22 patients. Cette observationayant concerne autant les patients d’Amiens que ceux de Saint-Gregoire, il est probable qu’il existe, de la part du personnelsoignant, une crainte liee a administrer la morphine chez lespatients obeses, et qui tendrait a leur faire privilegier les autresclasses d’antalgiques non morphiniques. Ce fait est a mettre enparallele avec les doses de morphine effectivement administreesaux patients, bien souvent inferieures aux bolus prescrits (1 ou2 mg), malgre la presence d’un protocole strict redige etconsultable (3 mg de morphine toutes les 5 minutes jusqu’aobtention d’une EVA < 3). De plus, la dose moyenne titree etait endessous des doses habituellement administrees grace a cettemethode d’analgesie [3,7,8]. L’efficacite est incontestablement lieea la dose comme le prouve l’analyse des differences entre les deuxcentres : bien que le pourcentage de patients beneficiant d’unetitration ait ete plus faible a Amiens par rapport a St-Gregoire, lesdoses moyennes administrees etaient plus elevees au CHU avec unpourcentage de patients soulages en fin de titration deux fois pluseleve qu’a St-Gregoire. Lorsqu’une titration etait effectuee, la dosemoyenne de morphine administree etait de 7,3 � 3,5 mg, etrapportee au poids moyen, de 60,4 mg/kg, soit bien inferieure aux

100 mg/kg habituellement observes [3–5,8]. En revanche, rapporteeau PIT moyen, cette dose titree revenait a 115,8 mg/kg. Mais cettetitration moyenne ne reflete pas l’heterogeneite des doses totales demorphine recues individuellement, variant entre 2 et 19 mg. Ceresultat est cependant coherent avec les donnees de la litterature, carles differences interindividuelles concernant la perception de ladouleur et donc la consommation de morphine, peuvent varier d’unfacteur 1 a 5 pour certains auteurs [3,8,9].

L’absence de difference concernant le soulagement en sortie deSSPI des patients beneficiant d’une titration entre les deux centresest liee possiblement a la strategie multimodale implementee enperoperatoire consistant en l’administration systematique deplusieurs antalgiques non morphiniques dont le pic d’efficacite apu apparaıtre au cours du sejour en SSPI. Il faut alors se poser laquestion du role du protocole de titration en morphine. Seuls 35 %des patients de St-Gregoire ont ete soulages a l’issue de la titrationalors que 87 % des patients ont quitte la SSPI avec une EVA < 3(contre 81 % a Amiens, NS). Soit ce resultat est lie aux variationspharmacocinetiques de la morphine chez le patient obese, soit ilest la traduction de l’efficacite additive ou synergique desassociations antalgiques multimodales peroperatoires.

Au cours de notre etude, nous avons recherche l’incidence enevenements indesirables, comme les nausees, la somnolence, ouun retentissement respiratoire avec bradypnee et baisse de la SpO2.Aucun retentissement respiratoire n’a ete mis en evidence au coursde la periode de surveillance, la frequence respiratoire comme laSpO2 etant restees stables et equivalentes, que l’on ait realise ounon la titration morphinique. Une saturation elevee chez lespatients ayant recu de la morphine peut s’expliquer par l’admin-istration systematique d’oxygene au masque dans cette popula-tion. Un seul cas de desaturation (SpO2 a 92 %) a ete observe dans lapopulation des patients ayant ete titres, tandis qu’un autre a etetrouve parmi les patients n’ayant pas recu de morphine (SpO2 a94 %).

La somnolence chez les patients obeses est un facteur de risquenon negligeable de survenue de trouble respiratoire, particuliere-ment chez les sujets porteurs de SAOS, et est a ce titre redoutee etdonc recherchee par les soignants. Dans notre etude, nous avonsobserve une augmentation de l’incidence de la somnolence chez lespatients qui ne recevaient pas de morphine. Ce fait peuts’expliquer, soit par les effets persistant en SSPI des antalgiquesmorphiniques peroperatoires (sufentanil et morphine) avec unesomnolence postoperatoire immediate, soit par l’analgesie insuf-fisante en particulier chez les patients ayant deja recu plus de5 bolus empechant l’installation de cette somnolence.

Si la somnolence est crainte des soignants, les nausees etvomissements postoperatoires (NVPO) sont redoutes par lespatients. Lors de notre etude, l’administration de morphine partitration s’est accompagnee d’une incidence des nausees pluselevee qu’en l’absence de morphine. Aucun autre effet indesirablen’a ete recense (retention aigue d’urines, detresse respiratoire ouallergie), dans la periode postoperatoire immediate.

Bien que les resultats de ce travail permettent de souligner lesfailles d’une strategie de titration IV en morphine pour la gestiondes douleurs postoperatoires immediates apres chirurgie baria-trique, il existe plusieurs biais lies a cette etude. Parmi lesprincipaux, on releve l’absence d’harmonisation des protocolesd’analgesie morphinique peroperatoire et le non-respect duprotocole de titration morphinique en SSPI. Il s’agit d’un biaismajeur, puisque l’administration de la dose prevue de morphine achaque bolus n’a pas ete realisee strictement, et que des doses tropfaibles ont conduit a un soulagement plus faible que le niveauattendu. Un autre biais, qui rejoint le premier, est l’ecart que l’onpeut observer entre deux injections de morphine, malgre lapresence d’instructions protocolees. Il s’agit toutefois d’un criterede deviation mineur, puisque le but de la titration est d’obtenir la

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N. Saumier et al. / Annales Francaises d’Anesthesie et de Reanimation 32 (2013) 850–855 855

dose adaptee specifiquement au niveau de douleur de l’individu,celui-ci etant sujet a de tres importantes variabilites inter- (voireintra-) individuelles. Ainsi la dose-seuil sera-t-elle atteinte, maisplus tardivement si les bolus sont espaces. De meme, la puissancede l’etude etait insuffisante pour comparer l’evolution des scoresde douleur chez les patients non titres (et ayant beneficied’antalgiques non morphiniques systematiques), et chez lespatients recevant de la morphine IV en SSPI. Enfin, la puissancede ce travail est insuffisante pour evaluer les effets indesirables dela titration IV en morphine postoperatoire.

Au total, l’implementation d’un protocole d’analgesie morphi-nique par titration intraveineuse en SSPI chez des patients obesesoperes d’une chirurgie bariatrique a ete comparee et analysee dansdeux etablissements. Les resultats de cette etude tendent a prouverqu’une titration bien realisee est efficace chez le patient obesememe si l’efficacite semble inferieure a celle observee dans unepopulation generale.

Une necessaire formation des personnels soignants doittoutefois permettre de reduire l’apprehension liee a l’utilisationde la morphine IV chez des patients obeses. La selection despatients en amont pouvant beneficier de cette techniqued’analgesie efficace, et les conditions de securite optimales enSSPI constituent des arguments forts permettant d’augmenter lenombre de patients pouvant beneficier de morphine IV dans laperiode postoperatoire immediate.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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